#al-queda

  • Plongée dans la tête des kamikazes
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    Le Califat, promesse de réparation historique

    Ce sentiment d’impuissance face aux souffrances des musulmans a atteint son acmé avec le déclenchement de la guerre civile syrienne. Il trouvera concomitamment une issue avec la proclamation du « califat », le 29 juin 2014, perçu comme une promesse de réparation des humiliations passées.

    Dans son message à sa mère, Ibrahim El Bakraoui présente ainsi l’EI comme un espoir de revanche historique : « Maintenant, nous, gloire à Dieu, depuis des centaines d’années, on a perdu l’Andalousie, on a perdu la Palestine, on a perdu, euh, tous les pays musulmans en fait, l’Afghanistan, l’lrak, la Syrie, le Maroc, il est gouverné par un tyran, la Tunisie, l’Algérie tous les pays, gloire à Dieu, il y a un Etat islamique qui a été créé. »

    Cette fierté retrouvée de l’oumma (la communauté des musulmans), près d’un siècle après l’abolition du dernier califat ottoman, en 1924, Khalid El Bakraoui tente de l’expliquer à son épouse dans une lettre d’adieu manuscrite : « Sache Nawal qu’il y a toujours eu des Etat islamique. Le dernier a été detruit début des annes 1920, mais ensuite les gens ont abandonner le djihad et Allah depuis n’a cesser de nous humilier (…) Mais aujourd’hui nous avons un Etat islamique qui a remporter beaucoup de victoir. »

    « Pourquoi nous vous haïssons »

    Cette exportation du « djihad défensif » vers l’Occident sert aujourd’hui d’alibi à un « djihad offensif » qui ne dit pas son nom, l’objectif affiché de protection de l’islam devant, à terme, mener à sa propagation. Ce glissement a été formalisé par l’EI dans un article intitulé « Pourquoi nous vous haïssons, pourquoi nous vous combattons », publié par l’organe de propagande Dabiq, en juillet 2016.

    L’article développe son titre en six points. Les trois premiers ont trait à la nature de l’Occident : « Nous vous haïssons, d’abord et avant tout parce que vous êtes des mécréants » ; « Nous vous haïssons parce que vous vivez dans des sociétés libérales et sécularisées qui autorisent ce qu’Allah a interdit » ; « Pour ce qui concerne la frange athée, nous vous haïssons et vous faisons la guerre parce que vous ne croyez pas en l’existence de notre Seigneur ». Les trois points suivants font référence aux actions prêtées à l’Occident : les « crimes contre l’islam », les « crimes contre les musulmans » et « l’invasion » des terres musulmanes.

    La liste se conclut sur cette clarification : « Ce qu’il est important de comprendre ici, c’est que même si certains assurent que votre politique extérieure est à l’origine de notre haine, cette cause est secondaire, raison pour laquelle nous ne l’exposons qu’en fin de liste. En réalité, même si vous cessez de nous bombarder, de nous emprisonner, de nous torturer, de nous diffamer, de prendre nos terres, nous continuerons à vous détester parce que la cause principale de cette haine ne cessera pas tant que vous n’aurez pas embrassé l’islam. »
    Le ressort psychologique : impuissance et culpabilité

    Ainsi la propagande de l’EI fait-elle insensiblement dériver ses soldats d’un combat humanitaire vers sa finalité totalitaire : l’annihilation de toute altérité. La seule paix envisagée est la pax islamica. Ce basculement ne séduit cependant qu’une minorité de candidats, mettant en lumière les ressorts psychologiques propres au processus de radicalisation. Une dimension intime évidemment rejetée par les intéressés.

    « Quel était l’état d’esprit des EI Bakraoui ?, demande à Osama Krayem la juge belge chargée de l’enquête sur les attentats de Bruxelles.

    – Ce sont des gens ordinaires. D’ailleurs lbrahim me disait que sans cette coalition, ces musulmans qui se font opprimer là-bas, il aurait eu une vie ordinaire avec des enfants. Je crois qu’à un certain moment il a changé de comportement. (…) Khalid El Bakraoui, sa femme était enceinte. (…) Le terrorisme n’est pas une personnalité, en fait. Vous pouvez lire l’histoire des musulmans, à aucun moment ce sont les musulmans qui ont pris l’initiative d’attaquer ou de faire du mal. »

    Osama Krayem affirme que le terrorisme n’est pas « une personnalité ». Mais qu’est-ce qui a finalement convaincu Ibrahim El Bakraoui de renoncer à sa « vie ordinaire » et son frère Khalid d’abandonner sa femme enceinte pour se faire exploser ? Comme nombre de candidats au djihad, les frères El Bakraoui étaient des délinquants, très éloignés de la religion, avant leur conversion à l’islam radical.

    « Beaucoup de délinquants se sentent en réalité coupables, explique le psychanalyste Fethi Benslama, auteur d’Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman (2016, Seuil). Or, les religions monothéistes jouent sur la culpabilité. En arabe, religion se dit din, qui signifie “dette”. Leur entrée dans le djihad peut atténuer ce sentiment en leur offrant une cause. Il s’opère ensuite ce qu’on pourrait appeler un renversement moral de culpabilité : l’hostilité intérieure se transforme en hostilité extérieure et autorise l’agression d’autrui dans un sentiment de toute- puissance. »

    #djihadisme #EI #Al-Queda #psychologie #impérialisme

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