• Notes anthropologiques (LVI)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-LVI

    Dans une brève récapitulation des événements marquant notre civilisation et qui se trouvent à l’origine de notre histoire, je retiendrai la division de la société entre dominants (formant une classe sociale) et dominés (constituant la population ou le « peuple » comme l’écrit Homère) ; la naissance du religieux, lié au pouvoir d’une partie de la société sur l’autre partie (en ce sens le pouvoir est religieux, la naissance de la religion coïncidant avec celle du pouvoir) ; enfin, la naissance de l’activité marchande comme moteur occulte de la vie sociale (le marchand, l’âme damnée du guerrier). La naissance de l’État et de la monnaie confirme cette connivence qui se voudrait cachée entre le pouvoir, le religieux et l’activité marchande — « le fait même d’accepter la monnaie d’une cité ou, plus généralement d’un État, impliquant la reconnaissance de son autorité ».

    La pénétration, lente, progressive et parfois brutale, à l’intérieur de la Péninsule d’un peuple de langue grecque. Langue indo-européenne, venu du Nord ou du Nord-Est, les Achéens, et dominant les populations autochtones marque le début de notre civilisation. Il y eut plusieurs vagues successives à partir du Bronze ancien, une des premières marquée par des destructions et repérées, de ce fait, par les archéologues date de 2200 avant notre ère. Les historiens ont fait de cette date le point de départ de la civilisation grecque marquée avant tout par la domination d’une aristocratie guerrière issue du peuple achéen sur les peuples autochtones où « plutôt qu’un monde pauvre, il faut y voir le signe d’un monde de communautés soudées et égalitaires — l’un n’empêchant pas forcément l’autre ». Cette présence d’un peuple dominant a profondément modifié la composition sociale originelle et a obligé la société à se reconstituer en la prenant en compte. (...)

    #religieux #Antiquité #Grèce #civilisation #aliénation #État #pouvoir

  • Notes anthropologiques (LV)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-LV

    Notes sur la pensée comme aliénation

    Au début, avec l’émergence d’un peuple dominant qui va constituer l’aristocratie sociale, la pratique du don reste importante et forme encore le fondement de la vie en commun, son esprit. Cet aspect, je dois dire, ne ressort pas de l’étude des historiens, nous le retrouvons parfois au cinéma, dans les récits de voyage ou d’exploration, nous en faisons aussi l’expérience si nous nous donnons l’occasion de nous immerger dans d’autres civilisations que la nôtre. Il faut croire que les historiens ne vont pas au cinéma, ne lisent pas des récits de voyage et ne font pas d’autres expériences de vie que celle que leur impose leur civilisation. Il me semble que l’idéologie tient une place trop envahissante chez eux et qu’ils délaissent, pour des préjugés tenaces, l’ouverture sur le réel et sa diversité que leur propose encore le monde. C’est bien sur une conception grandiose du don, le don cérémoniel d’hospitalité, que repose le prestige de la classe dominante dans notre antiquité, mais le don sous une forme moins grandiloquente et ostentatoire n’a sans doute pas disparu de la vie sociale de la population et constitue encore l’esprit des échanges que les habitants ont entre eux.

    Pourtant cette pratique va se trouver chevauchée par une pratique tout autre, celle du marchand. Nous nous trouvons dans une société partagée entre l’esprit sous son aspect subjectif reposant sur le don et l’esprit sous son aspect que je qualifierai d’objectif lié à l’intérêt de l’individu, représenté par le marchand. (...)

    #pensée #aliénation #peuple #aristocratie #marchands #Antiquité #Sparte #monnaie #Lycurgue #Corinthe #Athènes #Solon #négoce #enrichissement #subjectivité #dette #bourgeoisie

  • La Grande Transformation (XIV)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XIV

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation (fin)

    « Nous ne pouvons réaliser la liberté que nous cherchons à moins de comprendre ce que signifie véritablement la liberté dans une société complexe », écrit Karl Polanyi dans la conclusion de son livre La Grande Transformation. Dans une société complexe marquée par la séparation entre ceux qui se sont approprié la pensée dans sa vocation sociale et la population qui, dépossédée de la pensée de son activité, est contrainte au travail, l’unité nouvelle de la société complexe est apportée par l’aliénation de la pensée. J’ignore si notre époque marque un terme à ce lent procès du travail de l’aliénation de la pensée au sein de la société occidentale, chrétienne et marchande, commencé vers le VIIe siècle avant notre ère, apportant ainsi une unité factice sous la forme d’un simulacre de vie sociale ; ce qui est, nous devons en convenir, le propre de l’aliénation. Que signifie véritablement la liberté dans une société complexe ? Suppose-t-elle la liberté dans l’aliénation et c’est la conclusion à laquelle est arrivé Karl Polanyi, semble-t-il, dans la mesure où la question de l’aliénation paraît lui échapper ? Ou bien marque-t-elle la fin de l’aliénation ?

    Tant que l’on n’appréhende pas l’unité nouvelle d’une société complexe sous l’angle de l’aliénation de la pensée, il n’est pas aisé de dire ce que serait cette liberté souhaitée par l’auteur ou par les partisans d’un nouveau monde. Dans sa conclusion, Karl Polanyi, revient à cette question de liberté pour découvrir, occultée par le marché, la société (...)

    #Karl_Polanyi #aliénation #société #marché #appartenance #Mexique #Indiens #monde_bourgeois

  • Lettre à Piero… d’ici et d’ailleurs

    Jacques Philipponneau

    https://lavoiedujaguar.net/Lettre-a-Piero-d-ici-et-d-ailleurs

    Mon cher Piero, je reprends cette lettre abandonnée depuis plus de deux mois car le naufrage a pris une tournure grandiose après ce torpillage viral inattendu, loin de la légèreté de mes derniers propos. On s’abstiendra du « je vous l’avais bien dit » si courant, puisque tant de voix l’avaient clamé de diverses manières et depuis si longtemps. Et l’on s’évitera ainsi l’odieux de la vanité prémonitoire devant les immenses souffrances qui ne font que commencer.

    Laissons aussi de côté ce que tout le monde croit savoir maintenant sur la responsabilité systémique d’un mode de production invasif dans l’origine et la diffusion fulgurante de ce virus ou sur l’incapacité générale des États à faire face à leurs Frankenstein, échappés d’une forêt ou d’un laboratoire : si vous avez aimé les virus tropicaux, vous adorerez ceux de la fonte du permafrost.

    Et c’est désormais tout un chacun sur cette planète qui vit ou meurt au croisement d’insondables mystères. Les insinuations simultanées des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France au début avril sur la dissimulation chinoise quant à l’origine du virus peuvent très bien être un leurre servant à les dédouaner de leur propre gestion catastrophique de l’épidémie. (...)

    #Syrie #Rojava #PKK #Öcalan #Bachar_el-Assad #Italie #terrorisme #Gilets_jaunes #Macron #Warren_Buffet #aliénation #Australie #effondrement #Alexandre_Grothendieck #collapsologie #État #catastrophe #pandémie #capitalisme #bureaucratie #surveillance_numérique #police #Agamben #économie #Byung-Chul_Han

  • La Grande Transformation (XIII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XIII

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    La question sociale que traite Karl Polanyi se trouve dans l’effectivité d’une pensée (appelons-la la pensée de l’État) qui, sous la forme objective qu’elle a prise (c’est l’argent), met l’humain (la subjectivité ou la vie sociale) à son service. Notre pensée de l’échange s’est à ce point libérée de notre subjectivité sur laquelle reposait jusqu’à présent notre vie sociale qu’elle nous domine entièrement. Elle nous a réduits à n’être plus qu’une pure apparence de l’humain. C’est de la science-fiction : l’homme entièrement au service de sa propre pensée, pensée qui lui a échappé et qui le domine. Notre réalité n’est plus qu’une apparence de l’être ; et cette pensée de l’échange portée par l’argent, dans sa machinerie qui nous échappe totalement, s’acharne à détruire notre apparence de réalité. Nous disons qu’elle détruit la nature alors que c’est bien nous comme pure apparence de l’humain qu’elle réduit et détruit sans relâche. Nous connaissons dans notre chair et dans nos os, dans les profondeurs les plus intimes de notre être le paradoxe que représente la pensée comme aliénation de la pensée.

    Les gouvernements cherchent à résoudre ce paradoxe qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer en maintenant la société, qui repose sur le don, dans la totale dépendance de ce qui lui est contraire, l’activité marchande. J’écrivais que l’emploi de la monnaie efface l’aspect social de l’échange ainsi que l’engagement de chacun des partenaires dans cet échange. La monnaie dédouane l’échange, elle le désamorce de sa charge subjective liée à la recherche d’une reconnaissance sociale. La monnaie et son emploi sont à mettre en relation avec une tournure d’esprit particulière chez les deux protagonistes de la transaction : ne pas donner à la transaction un caractère social, ne pas chercher à lui donner une impossible publicité. (...)

    #échange #argent #aliénation #économie #État #Karl_Polanyi #Louise_Michel #Madeleine_Biardeau #hindouisme #résistance_indienne #insurrection_zapatiste #Notre-Dame-des-Landes

  • La Grande Transformation (XII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XII

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    L’argent est bien une ruse de l’esprit puisque la vie sociale a bien lieu, mais c’est une vie sociale dont les hommes sont absents — dans le sens où l’on dit de quelqu’un qu’il est absent de ce qu’il fait. Ils en ont perdu et l’intelligence et l’esprit. Seul le don et ce qu’il signifie comme détachement pourrait leur en apporter l’intelligence. Le don est l’acte par lequel nous nous détachons de l’apparence, de l’objet plein de promesse, pour retrouver l’idée. L’argent nous dépossède de la pensée de l’autre. Il est notre pouvoir d’achat, notre pouvoir d’entrer en communication avec l’absence — avec l’autre absent. Pour retrouver le don et la pensée non aliénée, nous sommes amenés à passer par l’argent, par l’absence de l’autre ; à passer par la pensée sous sa forme aliénée, ce qui nous amène à nous trouver en pleine confusion.

    Il faut sans doute remonter à l’origine de l’argent, quand l’argent vient remplacer les taureaux, les cochons, les vases, les trépieds ou tout autre objet de valeur comme certains coquillages, les cauris, par exemple. L’idée de l’échange paraît y gagner en universalité, en fait, il n’en est rien, c’est seulement une classe sociale qui, s’étant constituée comme entité sociale avec la formation de l’État, voit son pouvoir augmenter en puissance et s’étendre dans toutes les directions. (...)

    #échange #argent #aliénation #économie #État #Karl_Polanyi #Malinowski #don

  • La Grande Transformation (XI)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XI

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    Notre vision du monde étant le fruit d’un mode de vie, une cosmovision n’est évidente que pour ceux qui appartiennent à une même civilisation. L’opposition entre culture et nature est-elle en passe de devenir une vision du monde partagée par tous ceux qui vivent dans une civilisation marchande ou bien est-elle toujours une idéologie que l’avant-garde intellectuelle s’efforce de propager, avec les résultats remarquables que nous connaissons ? Nous pouvons constater qu’une telle cosmovision s’étend comme une tache d’huile en suivant le mouvement de pénétration du marché. Il y aurait d’un côté l’humain, le monde de la culture, de l’esprit, de la pensée et de l’être et, de l’autre, la nature, l’apparence, l’absence de pensée, tout ce qui n’est pas humain. Cet univers réduit au paraître s’oppose à l’être, l’être serait en quelque sorte l’envers du décor. Non seulement l’apparence occulte l’être (l’esprit, la pensée) mais rend l’être (l’esprit, la pensée) inaccessible. Je dirai que l’apparence (ce que nous appelons la nature) est seulement l’apparence de la pensée, en fait la pensée comme aliénation de la pensée. La nature n’est pas opposée à la culture, elle est toute notre culture. On dit en général que la nature est toute la réalité, je dirai que la nature est toute notre réalité, ou bien encore que l’aliénation est toute notre réalité. (...)

    #Karl_Polanyi #civilisation #cosmovision #échange #marché #aliénation #économie #État #religion #Mésoamérique #Quetzalcóatl #Mexique

  • Domestic abusers winning time with children by accusing mothers of parental alienation, study finds | The Independent | The Independent
    https://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/domestic-abuse-parental-alienation-family-courts-brunel-study-a929472

    Dr Adrienne Barnett, who carried out the research, said these cases were just the “tip of the iceberg” as the study had not looked at the thousands of cases heard by district and magistrate courts every day that are not published in the official court reports she examined.

    “There will be thousands of cases where parental alienation is raised but we do not know what happens,” Dr Barnett, a senior lecturer in law who specialises in domestic abuse and the family courts, told The Independent.

    “Playing the parental alienation card is proving more powerful than any other in silencing the voices of women and children resisting contact with abusive men. Parental alienation is not an equal counterpart to domestic abuse, it is a means of obscuring domestic abuse, and should be recognised as such”.

    Dr Barnett, who specialised in family law while practising as a barrister for more than 30 years, said the theory of parental alienation had been slated and discredited by many experts but was now becoming more mainstream.

  • La Grande Transformation (VII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-VII

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    Au sujet de l’idéologie des trois fonctions mise en exergue par Georges Dumézil, nous ne savons pas si cette cosmovision vient de la réalité ou si elle est une vision idéologique de la réalité qui serait suggérée et imposée par les conquérants indo-européens faisant en sorte que la réalité (sociale) issue de leur conquête ne puisse plus être contestée et s’impose comme incritiquable. Nous pouvons nous poser la même question au sujet de l’existence de la nature. Est-ce une idéologie ou une cosmovision ? Quand l’idéologie est partagée par tous, alors elle est en voie de devenir une cosmovision, c’est ce qui se passe avec la nature. La nature n’est pas un concept donné, c’est un concept laborieusement acquis par le plus grand nombre dans une société qui s’adonne entièrement au commerce, c’est alors qu’il devient une cosmovision. Pourtant le concept même d’un virus pénétrant l’intimité du sujet devrait nous conduire à percevoir avec plus de subtilité l’interaction entre notre environnement et nous, nous et notre environnement, entre « culture » et « nature », pour reprendre les concepts généralement utilisés de nos jours par les anthropologues. Nous nous apercevrions alors que la frontière est désormais plus floue que nous ne le pensions, qu’elle est plus un acte de volonté de notre part qu’une réalité. (...)

    #Karl_Polanyi #Georges_Dumézil #Maurice_Godelier #cosmovision #culture #asservissement #aliénation #État #État

  • La Grande Transformation (VI)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-VI

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    L’argent est la représentation de l’idée d’échange, il la matérialise en quelque sorte. Il est à la fois l’idée d’échange et le moyen par lequel l’échange se réalise (la monnaie d’échange). Dans notre société l’idée de l’échange est au départ de toute l’opération comme représentation et elle déclenche tout le mouvement de la pensée jusqu’à sa conclusion : l’échange réalisé. Nous retrouvons l’argent à toutes les étapes de l’opération : au départ, c’est le capital financier ; au cours du mouvement de la pensée, de la production d’un bien à échanger — ce que j’appellerai, à la suite de Hegel, la suppression du travail en vue de l’objet à produire —, c’est l’argent comme investissement, et cet investissement prend généralement la forme de la dette ; à la fin du processus nous retrouvons l’argent comme monnaie universelle d’échange : des marchandises contre de l’argent. Tout au long de l’opération nous trouvons le marchand et les banques. Le rôle des banques consiste principalement à prêter de l’argent en vue de la production d’un bien qui entrera dans la ronde des échanges. Elles sont les dépositaires du capital, de l’argent qu’elles vont investir sous forme de prêt (et de dette) à l’entrepreneur — du petit entrepreneur, au patron d’usine, et à l’État — et cet argent est garanti par l’État, par cette connivence implicite qui lie l’État aux marchands et aux banques ; enfin ce sont encore les banques qui récupèrent sous forme de remboursement de la dette avec intérêt les sommes qu’elles avaient investies dans la production d’une marchandise et de son échange avec toutes les autres marchandises. (...)

    #Karl_Polanyi #marché #échanges #État #banques #dette #christianisme #aliénation #Mexique #zapatistes

  • La Grande Transformation (IV)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-IV

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    Dans la représentation indo-européenne de la société, la troisième fonction ne comprend au tout début que les éleveurs et les agriculteurs, ce n’est qu’au cours du temps que les marchands vont s’infiltrer et s’immiscer dans cette dernière catégorie de la population, qui comprendra alors les marchands, les paysans et les artisans. L’importance des marchands est alors pleinement reconnue. Leur fonction sociale s’ajoute à celle des prêtres et à celle des guerriers. Les marchands forment désormais une classe sociale comme les brahmanes et comme les ksatriya (les guerriers et les princes). C’est intéressant car cette dernière fonction, productrice de richesses, comprend les marchands chargés de l’échange de biens et ceux qui produisent les biens à échanger. La production de biens (la richesse) par les paysans et les artisans passe chez les nobles par l’intermédiaire des marchands, et les nobles se chargent d’offrir ces biens à d’autres nobles de manière ostentatoire. Cette représentation de la réalité ne cherche pas à être une critique de la réalité, elle dit seulement ce qui est, elle est une représentation mentale qui se veut conforme à la réalité et qui donne la clé du réel ; c’est bien, ainsi que le signale Georges Dumézil : une idéologie offrant les cadres mentaux et catégoriels qui permettent de saisir et de comprendre la réalité, d’appréhender le monde tel qu’il s’est constitué suite à la domination indo-européenne et tel qu’il s’impose à la conscience des sages, qui sont les « intellectuels » de ces temps. (...)

    #Karl_Polanyi #Georges_Dumézil #échanges #cosmovision #domestication #Cangaceiros #aliénation #Mexique #exploitation #festins #ripaille #Grèce #Renaissance #Bruegel #ivresse #coronavirus

  • La Grande Transformation (III)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-III

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    Dans son livre La Grande Transformation, Karl Polanyi nous dit que la motivation profonde de l’homme reste sociale, hier, dans les sociétés primitives, comme aujourd’hui dans le monde contemporain. Dans la société originelle, cette motivation était seulement plus visible dans la mesure où le marché (qui repose sur la recherche du profit) ne venait pas encore troubler notre perception de l’homme et de la société. Dans la société primitive, « tous les échanges s’effectuent comme des dons gratuits dont on attend qu’ils soient payés de retour, quoique pas nécessairement par le même individu — procédure minutieusement articulées et parfaitement préservées grâce à des méthodes élaborées de publicité, à des rites magiques et à la création des “dualités” (dualities) qui lient les groupes par des obligations mutuelles — et cela devrait par soi-même expliquer l’absence de gain, ou même de celle d’une richesse qui ne soit pas seulement constituée d’objets qui accroissent traditionnellement le prestige social ».

    Dans ces observations sur le fonctionnement des sociétés originelles, l’auteur fait bien la distinction entre le don lié à la conscience sociale et le prestige lié au paraître (et cela devrait par soi-même expliquer l’absence de gain, ou même de celle d’une richesse qui ne soit pas seulement constituée d’objets qui accroissent traditionnellement le prestige social). Il rejoint ainsi les conclusions auxquelles j’étais arrivé lors de mes derniers commentaires. L’activité marchande a un rapport, d’une part, avec l’intérêt particulier, le souci du gain, et, d’autre part, avec le paraître qui accroît le prestige social. (...)

    #Karl_Polanyi #échanges #paraître #prestige #profit #aliénation #État #tribut #travail #argent

  • La Grande Transformation (II)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-II

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    De l’eau a coulé sous les ponts de Paris et le sanglier et la marguerite restent désormais figés par quelques maléfices dans leur extériorité, nous ne saisissons plus le sanglier ou la marguerite comme des êtres poursuivant leur idée, comme des êtres animés par une pensée. Nous ne saisissons plus l’idée qui se cache sous sa représentation, derrière le sanglier ou derrière la marguerite. Sans doute parce que la pensée qui nous anime n’est plus véritablement la nôtre, qu’elle nous est devenue extérieure et pour ainsi dire, étrangère. Avec l’argent, elle n’est plus, pour nous, qu’une apparence, du moins c’est bien ainsi qu’elle se manifeste : elle se trouve réduite à son apparence, figée dans son apparence, dans sa représentation qui est à la fois matérielle et mentale.

    L’idée de l’échange et sa représentation sous une forme matérielle (ou capital) se trouve à l’origine de l’échange et par suite de la vie sociale. La représentation de l’idée se trouve à l’origine de la pensée. La représentation de l’idée ou l’idée dans une tête (ce que j’ai appelé le capital), le capital, se trouve à l’origine de la vie sociale. Sur ce plan, Karl Polanyi réduit la notion de capital à ce qu’elle représente aujourd’hui, le capital financier, et l’échange à ce que nous connaissons comme échange, à l’échange marchand. Cela revient à critiquer l’idée, l’idée de l’échange, qui se trouve au commencement de la vie sociale en fonction de l’idée de l’échange telle qu’elle s’impose de nos jours. (...)

    #Karl_Polanyi #échanges #capital #marché #État #origine #Luc_de_Heusch #aliénation #économie #argent #apparence

  • De la machine sociale à la révolution biologique
    Notes sur l’œuvre théorique de Giorgio Cesarano

    Luis Andrés Bredlow

    https://lavoiedujaguar.net/De-la-machine-sociale-a-la-revolution-biologique-Notes-sur-l-oeuvre-

    Vingt ans après sa mort, Giorgio Cesarano est encore inconnu du lectorat hispanophone, alors même qu’en Italie semble s’amorcer, avec la récente publication de ses écrits théoriques inédits, la redécouverte d’une œuvre qui continue d’être aussi intempestive qu’elle le fut au moment de sa rédaction. Présenter la traduction — à ce jour inédite — que nous avions faite, il y a dix ans, de son bref cycle poétique I Centauri — extrait du livre posthume Romanzi naturali, Guanda, Milan, 1980 — nous a semblé être le moins que nous puissions faire pour rompre un tel silence, ainsi que l’occasion propice à de brèves notes sur sa vie et son œuvre.

    Préalablement au volume cité, Cesarano, né en 1928 à Milan, avait publié les recueils de poèmes L’erba bianca (1959), La pura verità (1963) et La tartaruga di Jastov (1966), qui le situent dans l’aile la plus intransigeante de la neovanguardia , où la subversion des schémas conventionnels du langage, loin de s’épuiser en un jeu formel stérile, aspire à la subversion de la réalité même qu’elle tente de refléter. Le même élan le conduit, à la fin des années soixante-dix, à abandonner l’écriture « littéraire » et à vouer les dernières années de sa vie à la « critique radicale » de la société, « car je suis convaincu — déclare Cesarano en 1974 — que c’est là que la parole livre sa guerre la plus extrême contre une langue faite de chaînes et d’armes ». (...)

    https://lundi.am/De-la-machine-sociale-a-la-revolution-biologique

    #philosophie #poésie #Italie #Cesarano #critique #biologie #corps #machine #social #aliénation #Leroi-Gourhan #dualisme

  • La Grande Transformation (I)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-I

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    Je commence un ensemble d’articles qui se rapportent à une lecture critique du livre de Karl Polanyi intitulé La Grande Transformation. Ce livre me semble d’une grande actualité ainsi que la perspective proposée par l’auteur qui oppose la société au marché. Une « grande transformation » de la vie sociale paraissait imminente à l’époque (1944) où le livre a été écrit. Elle a bien eu lieu mais pas dans le sens qu’espérait l’auteur, la victoire de la société sur le marché. La société n’a pas pris le dessus, c’est tout le contraire qui s’est passé : la mainmise du marché sur la société. L’intuition de l’auteur était bonne : après la deuxième guerre mondiale, la situation était critique et le monde pouvait basculer d’un côté comme de l’autre. La société pouvait réagir et s’opposer à la pénétration désastreuse du marché en son sein ; cette réaction attendue de la société ne s’est pas faite et elle s’est trouvée envahie par des intérêts privés qui lui sont contraires. L’opposition établie par Karl Polanyi entre société et marché me paraît particulièrement appropriée pour tenter de comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons et qui nous est donnée de vivre. Les éléments proposés à notre réflexion par l’auteur restent, sur bien des plans, pertinents pour comprendre notre époque et saisir les conditions d’une éventuelle grande transformation. (...)

    #anthropologie #économie #Karl_Polanyi #argent #aliénation #capital #échanges #État

    • Ah oui effectivement... Une sorte de record est battu là...

      @cdb_77 Je ne sais pas dans quelle université est ce collègue mais dans la mienne (Marseille) le sur-service est plafonné à 2 fois le service normal ; donc pas plus de 384h au total. Je vois que tu es à Grenoble, il me semble que c’est la même chose. Visiblement ce n’est pas le cas partout.

      Inutile de dire que dans ces condition la recherche doit passer à l’as (sauf à trouver comment bosser pendant son temps de sommeil). #aliénation

      Ce problème est de plus en plus fréquent : suppression de postes, ou alors une nouvelle unité d’enseignemet se crée et on pique les postes aux collègues des autres unités pour la doter. En IUT c’est pire : sous encadrement chronique et recours aux vacataires (perso je dois tourner à 150-200h sup et essaye de continuer à faire de la recherche dans ces conditions, sachant que pour avoir accès aux thésards potentiels il faut que j’enseigne aussi en master 2).

    • En effet, il y a un plafond, mais apparemment, de ce que j’ai compris en tout cas ici à Grenoble, on peut demander une dérogation à la direction d’UFR...

      Pour ma part, je me tiens à ne pas faire d’heures supplémentaires (si ce n’est les quelques heures en plus, 10-20 max, pour ajuster mon service) —> si on continue à faire tourner la machine, on n’arrivera jamais à faire VRAIMENT prendre conscience du problème...

      Je ne sais pas où travaille ce collègue...

  • L’#écologie_municipale, ou la ville face à son histoire

    Les verts élus dans les grandes #villes doivent faire un #choix : se focaliser sur la qualité de vie de leurs administrés au risque de renforcer la #fracture entre #centres urbains et #périphéries, ou au contraire renouer avec les #territoires_fantômes que les #métropoles consomment et consument.

    Après le succès des candidatures et alliances écologistes dans certaines des plus grandes villes de France dimanche, une chose a très peu retenu l’attention des commentateurs politiques. C’est le paradoxe, au moins en apparence, d’une #métropolisation de l’écologie politique – le fait que les valeurs vertes semblent trouver dans les grands centres urbains leur principal lieu d’élection. Au lieu de s’interroger sur les motivations et les idéaux des personnes qui peuplent ces villes pour essayer d’y lire l’avenir, peut-être faut-il alors renverser la perspective et regarder l’objet même que constitue la #ville, sa réalité indissociablement écologique et politique.

    Au regard de l’#histoire, cette #urbanisation des #valeurs_vertes ne va pas du tout de soi. La ville a souvent été définie, en Europe au moins, par l’enveloppe protectrice des remparts qui tenait à distance les ennemis humains et non humains (animaux, maladies), et qui matérialisait la différence entre l’espace de la cité et son pourtour agraire et sauvage. En rassemblant les fonctions politiques, symboliques, sacerdotales, les villes engendrent des formes de socialité qui ont fasciné les grands penseurs de la modernisation. Saint-Simon, par exemple, voyait dans la commune médiévale italienne l’origine du développement matériel et moral propre à la #modernité. Durkheim, plus tard, faisait de la ville le prototype du milieu fait par et pour l’humain, le seul espace où pouvait se concrétiser le projet d’#autonomie.

    Aspirations urbaines

    Mais les villes sont également devenues, avec le processus d’#industrialisation, de gigantesques métabolismes matériels. L’explosion démographique des métropoles industrielles au XIXe siècle va de pair avec la concentration du travail, de l’énergie, et plus largement des flux de matière qui irriguent l’économie globale. Au cœur des transformations de la vie sociale, la ville est aussi au cœur de ses transformations matérielles : elle aspire d’immenses quantités de ressources, pour les relancer ensuite dans le commerce sous forme de marchandises. En laissant au passage les corps épuisés des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des montagnes de déchets visibles ou invisibles, résidus non valorisés du processus productif.

    Ainsi la ville irradie le monde moderne de son prestige symbolique et culturel, mais elle tend aussi à déchirer le tissu des circularités écologiques. L’un ne va pas sans l’autre. Chaque ville, par définition, est tributaire de circuits d’approvisionnement qui alimentent ses fonctions productives, ou simplement qui la nourrissent et la débarrassent des contraintes spatiales. Chaque ville est entourée d’une périphérie fantôme qui l’accompagne comme son ombre, et qui est faite des #banlieues où vivent les exclus du #rêve_métropolitain, des champs cultivés et des sous-sols exploités. Chaque urbain mobilise malgré lui un espace où il ne vit pas, mais dont il vit.

    L’une des sources de la #sensibilité_écologique contemporaine se trouve justement dans la critique de l’avant-garde urbaine. Dans l’Angleterre victorienne, William Morris ou John Ruskin retournent à la #campagne pour démontrer qu’une relation organique au #sol est susceptible de régénérer la civilisation, sans pour autant compromettre les idéaux d’émancipation. Mais ils luttaient contre une tendance historique dont l’extraordinaire inertie a rapidement provoqué la disqualification de ces expériences. Surtout pour le #mouvement_ouvrier, qui avait en quelque sorte besoin des formes spécifiquement urbaines d’#aliénation pour construire la #solidarité_sociale en réponse.

    Si l’on replace dans cette séquence d’événements le phénomène d’urbanisation des attentes écologiques actuelles alors il y a de quoi s’interroger sur l’avenir. Deux trajectoires possibles peuvent s’esquisser, qui ont cela d’intéressant qu’elles sont à la fois absolument irréconciliables sur un plan idéologique et matériel, et quasiment impossibles à distinguer l’une de l’autre dans le discours des nouveaux édiles de la cité verte.

    Faire atterrir le #métabolisme_urbain

    D’un côté, on trouve le scénario d’une consolidation des #inégalités_sociales et spatiales à partir des valeurs vertes. Pour le dire de façon schématique, les grands pôles urbains poussent la #désindustrialisation jusqu’à son terme en éliminant les dernières nuisances et toxicités propres à la #ville_productive : elles se dotent de parcs, limitent les transports internes et créent des #aménités_paysagères (comme la réouverture de la Bièvre à Paris). C’est ce que la sociologie appelle la #gentrification_verte, dont #San_Francisco est le prototype parfois mis en avant par les prétendants écologistes aux grandes mairies. Au nom d’une amélioration difficilement critiquable de la qualité de vie, la ville des #parcs et #jardins, des boutiques bio, des #mobilités_douces et des loyers élevés court le risque d’accroître le #fossé qui la sépare des périphéries proches et lointaines, condamnées à supporter le #coût_écologique et social de ce mode de développement. #Paris est de ce point de vue caractéristique, puisque l’artifice administratif qui tient la commune à l’écart de sa banlieue est matérialisé par la plus spectaculaire infrastructure inégalitaire du pays, à savoir le #boulevard_périphérique.

    Mais si le vert peut conduire à consolider la #frontière entre l’intérieur et l’extérieur, et donc à faire de la qualité de vie un bien symbolique inégalement distribué, il peut aussi proposer de l’abolir – ou du moins de l’adoucir. Une réflexion s’est en effet engagée dans certaines municipalités sur le pacte qui lie les centres-villes aux espaces fantômes qu’elles consomment et consument. La #renégociation de la #complémentarité entre #ville et #campagne par la construction de #circuits_courts et de qualité, l’investissement dans des infrastructures de #transport_collectif sobres et égalitaires, le blocage de l’#artificialisation_des_sols et des grands projets immobiliers, tout cela peut contribuer à faire atterrir le #métabolisme_urbain. L’équation est évidemment très difficile à résoudre, car l’autorité municipale ne dispose pas entre ses mains de tous les leviers de décision. Mais il s’agit là d’un mouvement tout à fait singulier au regard de l’histoire, dans la mesure où il ne contribue plus à accroître la concentration du capital matériel et symbolique à l’intérieur de la cité par des dispositifs de #clôture et de #distinction, mais au contraire à alléger son emprise sur les #flux_écologiques.

    Le défi auquel font face les nouvelles villes vertes, ou qui prétendent l’être, peut donc se résumer assez simplement. Sont-elles en train de se confiner dans un espace déconnecté de son milieu au bénéfice d’une population qui fermera les yeux sur le sort de ses voisins, ou ont-elles engagé un processus de #décloisonnement_social et écologique ? L’enjeu est important pour notre avenir politique, car dans un cas on risque le divorce entre les aspirations vertes des centres-villes et la voix des différentes périphéries, des #ronds-points, des lointains extractifs, alors que dans l’autre, une fenêtre s’ouvre pour que convergent les intérêts de différents groupes sociaux dans leur recherche d’un #milieu_commun.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/06/30/l-ecologie-municipale-ou-la-ville-face-a-son-histoire_1792880

    #verts #élections_municipales #France #inégalités_spatiales #mobilité_douce #coût_social ##décloisonnement_écologique

    via @isskein
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  • Considérations sur les temps qui courent (IIIb)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Considerations-sur-les-temps-qui-courent-IIIb

    Le fil qui, de nos jours, lie la production à l’échange est perdu chez ceux qui travaillent à la production d’un bien à échanger. Ce fil n’est pas perdu pour tout le monde, il n’est pas perdu pour les banquiers et ceux que l’on dit capitalistes qui ont investi de l’argent dans la production d’une marchandise et qui comptent bien le récupérer avec intérêt quand la marchandise entrera dans le vaste circuit des échanges. Les ouvriers, eux, vont travailler pour un salaire, pour un moment de l’argent, pour un moment dans le mouvement de la pensée, pour un moment éphémère englouti dans le mouvement général de l’argent ; le mouvement lui-même et son universalité leur échappe et il ne les concerne pas, ils n’ont que le particulier de l’argent, l’argent pauvre.

    La production intensive, la création des usines, la révolution industrielle, ce que l’on nomme encore avec plus de justesse la domestication industrielle, aura marqué les esprits, celui de Karl Marx ou celui de Karl Polanyi et celui de bien d’autres théoriciens du marché, comme si l’activité marchande et ce qu’ils appellent le capitalisme devaient commencer à cette époque. (...)

    #anthropologie #Malinowski #Marx #Polanyi #échange #marchandises #salaire #domestication #capitalisme #argent #Gustav_Landauer #Pierre_Clastres #pensée_magique #esprit #aliénation #État

  • Notes anthropologiques (LIII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-LIII

    Traité sur l’apparence (VIII)
    Notes sur l’irréalité de l’être

    C’est à notre époque que se pose le plus crûment la question de l’être. Face à cette difficulté, la solution la plus facile est d’éluder cette question pour conclure que l’être n’existe pas. Il aurait existé autrefois, il n’existe plus aujourd’hui, enfin, selon certains philosophes. L’être est une donnée de la conscience, dirait, avec juste raison, monsieur Descartes ; il est lié à la conscience de soi. Le « soi » n’est pas si facile à définir de nos jours où nous avons surtout affaire à des individus isolés dans le sens où la vie sociale à laquelle ces individus participent leur échappe généralement ; rare leur est offerte l’occasion de se poser entièrement comme sujet social. L’argent dépossède l’individu de cette conscience de soi en tant que sujet dans un rapport social avec d’autres sujets. L’argent nous dépossède de cette conscience de soi qui ferait surgir l’être dans sa consistance et dans sa fragilité. L’être dans sa consistance et sa fragilité perd son point d’ancrage que constitue la vie du sujet dans ses rapports avec d’autres sujets, il s’évapore, il ne tient plus qu’à un fil, celui de l’image, d’une représentation mentale inconsistante : l’être aspirant désespérément à être reconnu dans sa qualité de sujet, alors même que cette qualité lui file entre les doigts. (...)

    #anthropologie #irréalité #conscience #représentation #Durkheim #aliénation #Mauss #potlatch #Odyssée #tribut #dette #esclavage #travail #Stevenson

  • #Naomi_Cahn : Pourquoi les femmes perdent la garde de leurs enfants
    https://tradfem.wordpress.com/2020/01/28/pourquoi-les-femmes-perdent-la-garde-de-leurs-enfants

    Le terme « aliénation parentale » est issu des travaux du pédopsychiatre Richard Gardner dans les années 1980 pour expliquer ce qu’il considérait comme un nombre choquant d’allégations d’abus sexuels d’enfants dans les litiges relatifs à la garde. Gardner affirmait que beaucoup de ces allégations de violence étaient inventées de toutes pièces par des mères vengeresses ou pathologiques.

    Mais sa théorie a fait l’objet de vives critiques, comme celle de Jeffrey Edleson, ancien directeur du Centre du Minnesota contre la violence et les abus et professeur et directeur de recherche à l’École de travail social de l’Université du Minnesota, qui a déclaré en 2009 que « le SAP (« syndrome d’aliénation parentale ») est essentiellement composé de prétentions non fondées ; il n’est fondé sur aucune base scientifique.

    Néanmoins,cette théorie survit, sous une forme neutre à l’égard du genre, à savoir l’idée d’une « aliénation parentale ». Mais, cette théorie a également été discréditée, et comme l’explique le Conseil national des juges des tribunaux pour enfants et de la famille, elle « détourne également l’attention des comportements du parent violent ».(…)

    Traduction : #Tradfem
    #aliénation_parentale #justice_patriarcale #idéologie_masculiniste #injustice #Richard_Gardner

  • Contre la vie appauvrie | Revue Esprit
    https://esprit.presse.fr/article/angotti-matthieu-et-prady-delphine/contre-la-vie-appauvrie-39709?folder=1

    D’abord, le #progrès n’est plus une #conquête collective, mais une force anxiogène, tout entière dévouée à la recherche d’un #profit individuel. Les conservateurs, gouvernants ou possédants, n’associent plus le progrès à l’ouverture de nouveaux #droits, de nouvelles #assurances contre des risques plus élevés d’#aliénation. Non seulement ils ont accaparé les produits de l’#automatisation et de la #numérisation, mais ils en ont socialisé la #précarité et détruit tout potentiel d’#émancipation. Tous insistent sur l’inéluctable remplacement de l’homme inutile par la machine plus performante, ou sur sa #concurrence généralisée et dérégulée. Ceux qui ne possèdent pas de machines doivent accepter l’#exclusion ou la précarité : une vie appauvrie.

    Ensuite, la démocratisation de la précarité s’organise autour de la confrontation individuelle à des risques toujours plus nombreux, ce moteur utile d’une croissance déshumanisée : la peur du #chômage, de la perte de revenu, de l’#obsolescence de ses compétences, alimente une #compétition propice à l’#exploitation de l’homme. Les progrès de l’assurance collective sont sapés par la « #flexibilité », habillée d’une rhétorique vantant la #mondialisation bienfaitrice, et consistant au détricotage en règle de cadres protecteurs. Par exemple, l’obtention d’un diplôme ne garantit plus une inclusion professionnelle et le fait de travailler, même au-delà de la quantité légale, ne suffit plus à « gagner sa vie ». Tous les risques ne sont pas également « dés-assurés », car tous ne servent pas également l’exploitation productive. Que le risque soit universel – être jeune, être vieux, devenir parent, devenir dépendant – et la socialisation de son assurance sera plus aisée, parce que perçue comme naturelle, à l’exception du risque « jeunesse ». En revanche, que la réalisation du risque touche un sous-groupe de personnes – perdre son emploi, échouer à l’école, vivre dans une famille pauvre – et la #socialisation de son assurance sera remise en question. La robustesse de l’assurance collective est également relative au degré de responsabilité individuelle, réel ou fantasmé, associé au risque : par exemple, le traitement collectif du handicap est plus généreux que celui de la pauvreté.

  • Les influences nazies du management moderne
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/du-crime-nazi-au-management-moderne-une-histoire-commune


    Le management, du nazisme à la mondialisation, ou l’art de produire le consentement et l’illusion d’autonomie chez des sujets aliénés. S’il ne dresse pas un réquisitoire contre le management et s’il ne dit pas non plus qu’il s’agit d’une invention du IIIe Reich, Johann Chapoutot, notre invité, souligne une continuité entre les techniques d’organisation du régime nazi et celles que l’on retrouve aujourd’hui au sein de l’entreprise, en atteste la condamnation récente de l’entreprise France Télécom et de ses trois ex-dirigeants pour « harcèlement moral institutionnel ».

    Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne, et après s’être intéressé au régime nazi dans des ouvrages comme Histoire de l’Allemagne (de 1806 à nos jours), paru aux PUF (Que sais-je) en 2014 ou La Révolution culturelle nazie (Gallimard, 2016), il revient avec Libres d’obéir : le management, du nazisme à la RFA (Gallimard, 2020), où il s’intéresse en particulier aux méthodes de la Menschenführung, qui traduit et germanise le terme américain de management. Car, montre-t-il, l’Allemagne du IIIème Reich est le lieu d’une économie complexe où des ingénieurs, juristes, intellectuels formés par les universités de la république de Weimar et courtisés par les nazis réfléchissent à l’organisation optimale de la force du travail. Le IIIe Reich devient ainsi un moment « matrice » (p.16) de la théorie et de la pratique du management pour l’après-guerre.

    #management #nazisme #harcelement-moral #flexibilité #asservissement

  • Quand la langue tord la vérité : du nazisme à Donald Trump
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/la-grande-table-idees-2nde-partie-emission-du-lundi-30-decembre-2019


    « Le régime nazi est le premier, sans doute, dans l’Histoire de l’humanité, à vouloir s’ancrer dans le cœur de la langue. » Frédéric Joly, essayiste et traducteur, se penche sur l’entreprise du philologue Victor Klemperer qui, dès 1933 à Dresde, analyse l’appropriation de la langue par le régime nazi.

    #novlangue #pouvoir #alienation #servitude #langage

    • Je l’ai lu en fin d’année. J’ai été attiré par la suggestion, dans le texte promotionnel, comme dans la petite vidéo de l’auteur ci-après, que le bouquin allait utiliser les enseignements de la LTI pour analyser/démonter le langage de la Macronie :
      https://youtu.be/LMTUgFIuQ5s

      Et franchement, ce n’est pas du tout ce que j’y ai trouvé : l’essentiel est le récit de la vie de Klemperer, notamment au travers de la « relecture » de ses Journaux. C’est pas inintéressant, mais ça ressort de la biographie, sans trop de rapport avec la langue de Jupiter, et même les évocations de la LTI ne sont pas du tout (loin de là) l’essentiel de ce qui est donné à lire.

      Personnellement, j’ai donc été plutôt déçu, parce que j’y ai pas trouvé ce que je cherchais. Je crois me souvenir d’avoir lu le petit Liber Raison d’agir d’Eric Hazan sur le même sujet et – c’est assez lointain, ça remonte je crois à 2006 –, c’était nettement plus directement consacré à utiliser la lecture de LTI dans notre environnement actuel.

  • #MeToo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un nouveau tabou - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/031119/metoo-dans-le-cinema-l-actrice-adele-haenel-brise-un-nouveau-tabou?onglet=

    3 novembre 2019 Par Marine Turchi

    L’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans. Son récit est conforté par de nombreux documents et témoignages. Mediapart retrace son long cheminement, de la « prise de parole impossible » au « silence devenu insupportable ». Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits.

    #viol #harcèlement_sexuel #meetoo