• Rendre les villes d’aujourd’hui #sans_voiture
    http://carfree.fr/index.php/2023/12/07/rendre-les-villes-daujourdhui-sans-voiture

    Il est urgent de construire et de promouvoir de nouveaux modèles d’urbanisme moins dépendants de la voiture, qui permettent de choisir librement son mode de transport. Il faut donc réfléchir Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #Quartiers_sans_voitures #Vie_sans_voiture #Ville_sans_voitures #aménagement #carfree #lyon #reconversion #urbanisme #ville

  • Une #Amérique_latine aux côtés de Gaza, par Meriem Laribi (Le Monde diplomatique, décembre 2023)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2023/12/LARIBI/66355

    Quand le ministre de la défense israélien Yoav Galant annonce le siège de Gaza en expliquant, le 9 octobre, lutter « contre des animaux humains et [agir] en conséquence », M. Petro rétorque : « C’est ce que disaient les nazis à propos des Juifs. Les peuples démocratiques ne peuvent permettre au nazisme de se rétablir sur la scène politique internationale. Les Israéliens et les Palestiniens sont des êtres humains soumis au droit international. Ce discours de haine, s’il continue, ne fera qu’entraîner un holocauste. » L’ambassadeur israélien à Bogotá, M. Gali Dagan, propose alors à M. Petro d’aller visiter le camp de concentration d’Auschwitz avec lui. « J’y suis déjà allé (…) et maintenant j’en observe le calque à Gaza », répond le président latino-américain, toujours sur Twitter. « S’il faut suspendre nos relations avec Israël, alors nous les suspendons. Le président colombien ne se fait pas insulter », prévient-il en réponse à une convocation comminatoire de l’ambassadrice de Colombie par la chancellerie israélienne qui qualifie le chef d’État colombien d’« hostile » et d’« antisémite » (X, 15 octobre). Le 10 novembre, devant l’intensité et l’ampleur du massacre, et après le bombardement de plusieurs hôpitaux gazaouis, M. Petro annonce que les équipes juridiques de son gouvernement préparent des poursuites contre Israël devant tous les tribunaux internationaux. Le 13, il annonce sur X que la Colombie présentera des propositions aux Nations unies pour que la Palestine, qui ne jouit que d’un statut d’observateur non-membre dans cette enceine, « soit acceptée comme État de plein droit ».

  • Un rapport conforte l’aide médicale d’Etat, tout en préconisant son resserrement
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/05/un-rapport-conforte-l-aide-medicale-d-etat-tout-en-preconisant-son-resserrem

    Un rapport conforte l’aide médicale d’Etat, tout en préconisant son resserrement
    Les conclusions rendues par Claude Evin et Patrick Stefanini, à qui le gouvernement avait confié une mission d’évaluation sur l’AME, ne soutiennent pas la suppression de ce dispositif mais esquissent des pistes de réforme.
    Par Julia Pascual
    L’aide médicale d’Etat (AME) a-t-elle un « effet d’attractivité » ? Faut-il modifier les soins pris en charge par cette couverture maladie qui bénéficiait, mi-2023, à près de 440 000 étrangers sans papiers ? Une réforme comporte-t-elle des risques pour la santé publique ou les finances des hôpitaux ?C’est à ces questions que devait répondre la mission d’évaluation confiée par le gouvernement à l’ancien ministre de la santé, socialiste, Claude Evin et à l’ancien préfet, et homme de droite, Patrick Stefanini. Des travaux publiés lundi 4 décembre, alors que le Sénat a voté, en novembre, un amendement de suppression de l’AME lors de l’examen du projet de loi « immigration ». La droite et le centre ambitionnaient ainsi de lutter contre les dépenses liées à ce dispositif, qui s’établissent autour de 1 milliard d’euros.
    A quelques jours de l’arrivée du texte en séance publique, le 11 décembre, à l’Assemblée nationale, le rapport Evin-Stefanini offre une porte de sortie au gouvernement, divisé sur la nécessité de s’attaquer à l’AME. D’un côté, pour faire voter sa loi, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, veut trouver un terrain d’entente avec la droite aux yeux de laquelle l’AME est le symbole du laisser-faire migratoire ; d’autre part, la première ministre, Elisabeth Borne, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, ou encore le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, ont manifesté leur attachement à l’AME, se faisant l’écho d’une opinion très majoritaire au sein du monde médical.
    Au prix de quelques paradoxes, les propositions formulées par les rapporteurs oscillent entre ces deux lignes. Elles « pourront faire l’objet d’une évolution réglementaire ou législative », ont déclaré, lundi, M. Darmanin et M. Rousseau dans un communiqué commun, estimant en revanche qu’elles ne pourraient pas être intégrées dans la loi « immigration », au risque de se voir retoquer par le Conseil constitutionnel car considérées comme des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire qui n’ont pas de lien avec le texte. La commission des lois de l’Assemblée nationale a d’ores et déjà supprimé l’amendement sénatorial enterrant l’AME.
    Appelés à éclairer les débats, M. Stefanini et M. Evin affirment que « l’utilité sanitaire [de l’AME] est confirmée ». Ils estiment que le projet du Sénat de remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence comporte un « risque important de renoncement aux soins », qui « aurait pour triple impact une dégradation de l’état de la santé des personnes concernées, des conséquences possibles sur la santé publique et une pression accentuée sur les établissements de santé ». Sans AME, les étrangers ne pourraient plus recourir à la médecine de ville, solliciteraient davantage les hôpitaux, dans des états plus dégradés, et donc de façon plus coûteuse pour le système de soins.
    Au contraire, conscients qu’une part non négligeable des gens qui pourraient bénéficier de l’AME n’y ont pas recours (51 %, selon une étude de 2019), les auteurs recommandent « le renforcement des actions de communication en faveur du droit là l’AME » pour éviter le « recours au système de santé en situation dégradée ». Ils encouragent aussi à informatiser la carte AME, à l’image de la carte Vitale, pour lutter contre les refus de soins de soignants rebutés par les lourdeurs de la gestion administrative. Ils préconisent, en outre, de porter d’un à deux ans la durée de validité de l’AME, ou encore d’étendre à ses bénéficiaires l’obligation de déclaration du médecin traitant.
    Contrairement à une idée rebattue à droite, les rapporteurs ne trouvent pas que l’AME attire des flux migratoires, mais observent le parcours « chaotique » des migrants et leurs nombreuses « ruptures de droits et de prises en charge ». Ainsi, écrivent-ils, « plus de 100 000 bénéficiaires actuels de l’AME ont connu une discontinuité de droits », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas eu de couverture santé pendant un temps, après avoir bénéficié d’une protection maladie lorsqu’ils étaient en situation régulière (détenteurs d’un titre de séjour ou demandeurs d’asile) ou parce qu’ils n’ont pas pu renouveler leur AME, « ce qui est de nature à relativiser l’effet aimant de l’AME ».Ils tirent de ce constat la proposition de basculer les demandeurs d’asile sous le bénéfice de l’AME pour unifier le système. « Ce serait un nivellement par le bas », regrette Sophie Du Jeu, membre du Collectif des professionnels hospitaliers de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).Loin de l’idée, encore agitée à droite, d’un dispositif exposé à la fraude, les rapporteurs rappellent que rien n’étaye l’idée d’« abus », et qu’avec 14 % des dossiers contrôlés, l’AME est « la prestation gérée par l’Assurance-maladie dont le taux de contrôle est le plus élevé », alors qu’elle ne constitue que 0,5 % des dépenses globales. Les anomalies détectées (3 %) sont comparables à celles concernant les autres assurés sociaux.
    « Le rapport insiste sur le caractère utile du dispositif », relève Christian Reboul de Médecins du monde, qui regrette cependant que certaines propositions visent à « complexifier l’AME et à ériger de nouvelles barrières dans son accès ». « Des progrès en matière de maîtrise des risques et des fraudes peuvent encore être réalisés », considèrent en effet M. Stefanini et M. Evin, face à « l’augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires ».
    Ils encouragent notamment un renforcement des contrôles et le resserrement des critères d’éligibilité. Aujourd’hui, pour bénéficier de l’AME, il faut résider en France depuis plus de trois mois, ne pas gagner plus de 809,90 euros par mois et fournir une pièce d’identité. La mission propose d’inclure dans les ressources déclarées celles du conjoint ou d’exclure des ayants droit les enfants âgés de 18 à 20 ans. Elle propose aussi d’obliger le demandeur à se présenter physiquement à la Caisse primaire d’assurance-maladie pour tout renouvellement de dossier et de mieux former les agents à la détection de faux papiers.
    M. Stefanini et M. Evin recommandent enfin d’élargir les prestations soumises à un accord préalable de l’Assurance-maladie et suggèrent qu’un étranger visé par une mesure d’éloignement pour menace à l’ordre public – soit quelque 15 000 personnes en 2022 – perde le bénéfice de l’AME. « Nous soignants, nous ne sommes pas là pour faire de la politique », met en garde Sophie Du Jeu.

    #Covid-19#migrant#migration#france#AME#immigration#migrationreguliere#politiquemigratoire#droit#sante

  • « Ma médaille d’argent du CNRS m’inspire aujourd’hui du dégoût »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/12/04/ma-medaille-d-argent-du-cnrs-m-inspire-aujourd-hui-du-degout_6203861_1650684

    Dans leurs pétitions, les chercheurs ne demandent pas d’augmentation de salaire, ils ne demandent pas plus de moyens, non, ils demandent simplement qu’on les laisse faire leur travail sereinement, et de disposer efficacement de leurs crédits très souvent gérés par le CNRS, même s’ils proviennent d’autres sources !

    Depuis cet été, un trio de logiciels, acheté à une entreprise privée, a été mis en place pour gérer de A (l’ordre de mission) à Z (la remise des états de frais) les déplacements financés par le CNRS. Le résultat est un calvaire indescriptible pour les missionnaires et les gestionnaires. Les missionnaires doivent faire le travail des gestionnaires (générer la liste des frais dans le système et rentrer tous les justificatifs). La difficulté est telle que nombre d’entre eux renoncent à partir en mission ou à se faire rembourser une mission faite. Les gestionnaires, loin d’avoir des tâches en moins, sont débordés par une multitude de validations et d’opérations bloquées, dont le débogage prend un temps fou. Le stress est généralisé.

    Viscosité du système
    Cette catastrophe administrative n’est qu’une (très grosse) goutte d’eau qui fait déborder le vase des entraves au travail de recherche. La gestion au CNRS est envahie par un juridisme qui rend tout acte de plus en plus pesant chaque année. La moindre action hors du laboratoire ou avec des tierces personnes déclenche une avalanche de signatures de convention et d’arguties juridiques, par exemple sur la propriété intellectuelle. La viscosité du système est telle que les chercheurs en viennent à renoncer à des contrats ou que des projets n’aboutissent pas pour des raisons de délai d’engagement de crédits, par exemple. Ingénieurs et techniciens aussi sont touchés par l’inflation administrative, et sont plus souvent à remplir des formulaires qu’à faire le travail scientifique pour lequel ils ont été embauchés.

    #CNRS #bureaucratisation

    • voilà ce que déclarait en 2008 Pécresse, ministre de l’#ESR

      La deuxième orientation, c’est une simplification résolue des contraintes de gestion des unités mixtes afin de rendre du temps de recherche aux chercheurs, car à l’heure actuelle, leur complexité (circuits administratifs et financiers, gestion des personnels, procédures d’évaluation, valorisation des résultats des travaux de recherche...) engendre une surcharge de travail pour les personnels et responsables de laboratoires. Il est souhaitable de limiter à deux les tutelles scientifiques (l’une nationale, l’autre locale) qui s’exercent sur les unités mixtes de recherche, sachant qu’aujourd’hui, près de 50 % des 1 300 UMR sont soumises à plus de deux tutelles, et 20 % en ont plus de quatre. La généralisation d’un mandat de gestion unique pour l’université ou l’organisme qui héberge l’unité simplifiera les circuits de financement et permettra un octroi plus rationnel des moyens. Le rapport recommande également d’aligner les procédures d’achat et toutes les règles financières, fiscales et comptables des laboratoires sur le régime le plus simple et le plus efficace. En matière d’achats publics, un alignement sur les règles du CNRS qui prévoient une délégation de la signature aux directeurs d’unité est préconisé. Enfin, pour alléger le travail des personnels et éviter des doubles saisies, nous devrons mettre en cohérence les systèmes d’information et développer leur interopérabilité.

      https://www.vie-publique.fr/discours/171598-interview-de-mme-valerie-pecresse-ministre-de-lenseignement-supe
      Quant à Sarkozy, il comparait le CNRS à l’Académie des Sciences de l’Union soviétique. L’action pionnière de Sarkozy, Pécresse jusqu’à Macron et ses sbires ont abouti exactement à ça. Bravo à toutes et tous !

    • Un de ces fameux #logiciels pour gérer les #missions (notamment), s’appelle #Notilus (https://academia.hypotheses.org/54107), CHAUCHEMARDESQUE !!!

      Les autres : #Goelett et #Etamine

      Pour info, ce n’est que grâce à l’action conjointe de toustes les directeurices de labo qu’il a été possible de bloquer les frais de gestion de dossier de mission établi (2 EUR par mission, de l’#argent_public donc !) qui étaient facturés par l’entreprise qui a gagné le #marché_public pour CHAQUE mission.

      Pour info, pour réserver des hôtels et des transports il faut passer par l’entreprise qui a gagné le marché public. Pour nous, il s’agit en ce moment de #FCM_Travel... A noter que c’est systématiquement BEAUCOUP plus cher de passer par cette #agence_de_voyage que si on réserverait par nos propres soins.
      Une collègue m’a dit avoir réservé une chambre d’hôtel (pourrie) en France pour le prix de 200 EUR en passant par FCM Travel alors que la réservation via des plateformes proposait, pour la même nuit, quelque chose comme 120 EUR... juste pour vous donner une petite idée...

      Autre chose intéressante, j’ai dû acheter un billet Grenoble-Marseille. J’ai cherché les options sur FCM travel, et la plateforme ne m’offrait aucune solution... j’ai appelé l’opérateur qui m’a dit qu’il fallait que je réserve 2 secteurs séparément : Grenoble-Valence et puis Valence-Marseille (pratique !!!). C’était quelque jours avant qu’on ait l’info des 2 EUR de frais de gestion, et je me dis que ce n’est probablement pas pour rien... en divisant le voyage en 2 secteurs, probablement quelqu’un empoche 2x2EUR... (donc 8 EUR en tout pour l’aller-retour).

      #université #bureaucratie #recherche #ESR #France #dégoût #bureaucratisation #Pierre_Rochette #Pécresse #Valérie_Pécresse

    • Le SNCS-FSU demande l’abandon du système Etamine, Notilus et Goelett

      Communiqué du SNCS-FSU du 23 novembre 2023

      Les personnels des laboratoires et des délégations du CNRS expérimentent le dysfonctionnement et la complexité des outils numériques Etamine, Notilus et Goelett depuis plus de quatre mois. Le SNCS-FSU dénonçait dès le 14 septembre 2023 le calvaire que ce trio de logiciels fait subir à tous les personnels du CNRS. Depuis, la direction du CNRS a indiqué que les principaux dysfonctionnements auraient été résolus. Cependant, tous les personnels constatent que des dysfonctionnements persistent. Mais le plus inquiétant est certainement la complexité de l’ensemble Etamine, Notilus et Goelett. Même après des mois de familiarisation avec ces outils à travers un nombre significatif de missions, il apparaît que la complexité globale de ce système est trop importante et que son utilisation ne sera jamais assez simple pour les agents souhaitant partir en mission. Le SNCS-FSU considère que c’est la conception même du système qui est à revoir.

      Le SNCS-FSU demande que le système Etamine, Notilus et Goelett soit abandonné et remplacé par un autre système plus simple, qui fonctionne et qui donne satisfaction. Ce système engendre aujourd’hui une dégradation des conditions de travail de tous les personnels des laboratoires et des délégations du CNRS, et il est évident que cela continuera.

      Pour les agent·e·s souhaitant partir en mission, le constat est indiscutable : l’utilisation de ces logiciels est et restera une perte de temps significative par rapport à la situation antérieure, même dans les rares cas où ces missionnaires se seront parfaitement familiarisé·e·s avec ces outils. D’autant plus qu’il est évident que très peu d’agent·e·s pourront se familiariser avec ce système, même en partant souvent en mission, tant il est complexe et rigide.

      Si le travail des agent·e·s des services de gestion pourrait, à terme, bénéficier de la dématérialisation et du report de certaines tâches vers les missionnaires, elles et ils seront beaucoup plus sollicité·e·s dans l’accompagnement de ces missionnaires. Les agents des services de gestion devront, en effet, répondre à leurs innombrables questions, incompréhensions, agacements, exaspérations, frustrations, désespoirs… L’impossibilité pour les agent·e·s des services de gestion de répondre de façon satisfaisante aux attentes de celles et ceux partant en mission est une cause importante de la dégradation des conditions de travail.

      Le SNCS-FSU estime que le système Etamine, Notilus et Goelett constitue un véritable recul. Le SNCS-FSU considère que la meilleure solution est de l’abandonner et de le remplacer par un système qui simplifie les démarches pour tous les personnels et qui libère du temps pour la recherche.

      Le SNCS-FSU appelle à signer et à faire signer massivement la pétition « CNRS : nouveau système de gestion des missions, on n’en peut plus ! » pour sortir de ce système insupportable et mettre fin à ce calvaire.

      Le SNCS-FSU apporte tout son soutien à tou·te·s les agent·e·s confronté·e·s à ces difficultés et à ce système absurde.

      https://academia.hypotheses.org/54107

    • C’est toujours intéressant d’appréhender le réseau qu’il y a derrière.

      Depuis cet été, un trio de logiciels, acheté à une entreprise privée, a été mis en place pour gérer de A (l’ordre de mission) à Z (la remise des états de frais) les déplacements financés par le CNRS.

      L’entreprise en question fcmtravel avait signé en 2021 pour 3 ans… ça a été reconduit ?
      Le groupement FCM, RYDOO et NOTILUS remporte l’appel d’offres lancé par le CNRS et l’AMUE.
      https://www.fcmtravel.com/fr-fr/resources/news-hub/le-groupement-fcm-rydoo-et-notilus-remporte-lappel-doffres-lance-par-le-c

      La mise en place d’une nouvelle plateforme devait permettre la dématérialisation de bout en bout des processus de la demande de voyage, représentant 97 millions d’euros de dépenses annuelles. Pour accompagner leurs 200 000 utilisateurs potentiels, le CNRS et l’AMUE ont donc fait le choix d’une nouvelle solution ambitieuse avec le groupement Rydoo (portail de réservation et base hôtelière), FCM (agence de voyages d’affaires) et Notilus (solution de gestion des ordres de missions et états de frais).

      Une de leur réalisation commune est l’UGAP, centrale d’achat public. (L’Union des groupements d’achats publics est une centrale d’achat publique française, placée sous la double tutelle du ministre chargé du Budget et du ministre chargé de l’Éducation nationale.)

      Notilus, une des pièces du puzzle à reconstituer …
      Notilus Filiale du Groupe DIMO Software. DIMO est issu de Cerg Finance qui en 1998 rachète XRT https://www.lesechos.fr/1998/09/cerg-finance-acquiert-le-numero-un-americain-des-logiciels-de-cash-manageme #cash-management

  • A Saint-Denis, les médecins de l’hôpital Delafontaine craignent de perdre leur AME
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/12/02/a-saint-denis-les-medecins-de-l-hopital-delafontaine-craignent-de-perdre-leu

    A Saint-Denis, les médecins de l’hôpital Delafontaine craignent de perdre leur AME
    Par Julia Pascual
    L’article du projet de loi « immigration » prévoyant la fin de l’aide médicale d’Etat pour les personnes en situation irrégulière a été voté par le Sénat, mais supprimé en commission par l’Assemblée. En première ligne dans l’accueil de ces populations fragilisées, les soignants redoutent un désastre à la fois humain et économique si ce dispositif disparaissait.
    A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les équipes de l’hôpital Delafontaine sont unanimes. Si l’aide médicale d’Etat (AME) venait à disparaître, ce serait une catastrophe. Le projet de loi relatif à l’immigration voté au Sénat prévoyait sa suppression. Les députés en commission ont cependant rétabli ce dispositif avant le débat prévu à l’Assemblée à partir du 11 décembre.
    L’établissement public est parmi les plus exposés aux conséquences d’une éventuelle réforme de cette couverture maladie destinée à prendre en charge – à la façon d’une ­sécurité sociale basique – les soins des étrangers qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire depuis plus de trois mois. Et pour cause : au cœur du département le plus pauvre de France métropolitaine, 8 % de la patientèle de Delafontaine est couverte par l’AME, contre environ 0,5 % dans les autres structures. Si, demain, ces exilés ne sont plus couverts, qu’adviendra-t-il ? Faute d’AME, les personnes dépourvues de couverture ­maladie recourront davantage aux structures hospitalières là où, aujourd’hui, elles peuvent faire appel aux médecins de ville, comme n’importe quel assuré. Certaines renonceront par ailleurs à se soigner, au risque de voir leur situation s’aggraver et, in fine, solliciteront le ­système des urgences. En fin de compte, les dépenses engendrées pour ces malades resteront à la seule charge de l’hôpital, qui ne sera pas remboursé par l’Asssurance-maladie et verra son déficit se creuser.
    0,5 % de la dépense totale de l’Assurance-maladie
    En Espagne, où un dispositif similaire à l’AME a été supprimé de 2012 à 2018, une étude a démontré que, durant les trois premières années sans cette aide, le taux de mortalité des immigrés sans papiers avait augmenté de 15 %. « Une suppression de l’AME serait de nature à déstabiliser notre modèle économique ou à dégrader le protocole de prise en charge des personnes, prévient Jean Pinson, directeur du centre hospitalier de Saint-Denis, dont dépend l’hôpital Delafontaine. L’AME nous permet d’inscrire les gens dans un parcours de soins standard, moins coûteux pour la collectivité et plus efficient pour eux. »
    A l’opposé de ce constat, le Sénat, dominé par la droite et le centre, a voté la suppression du dispositif, avec pour objectif de « lutter contre la fraude » et de « freiner l’augmentation tendancielle des dépenses d’AME ». En 2022, celles-ci ont représenté 1,186 milliard d’euros, c’est-à-dire 0,5 % de la dépense totale de l’Assurance-maladie, pour quelque 411 364 bénéficiaires.Le Sénat avait prévu le remplacement de l’AME par une aide ­médicale d’urgence (AMU), réduite à la prise en charge des suivis de grossesse, des vaccins obligatoires, des examens de médecine préventive, des maladies graves et des soins urgents « dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé ». « Dans la tête des gens, si vous n’avez pas besoin de soins urgents et vitaux, alors vous êtes en soin de confort, regrette Jean Pinson. Or, les soins chroniques pour un patient atteint du VIH ou victime d’un AVC, ce n’est pas du confort. » A Delafontaine, les patients couverts par l’AME viennent souvent pour des pathologies multiples. « Il y a beaucoup de diabète, ­d’hypertension, d’insuffisance rénale, de pathologies rhumatologiques », énumère Elisa Pasqualoni, responsable de l’unité d’aval des urgences. « On voit des gens qui en général sont jeunes et en bonne santé, mais qui, au fil du parcours migratoire et à leur arrivée en France, développent des problèmes qui les amènent à consulter », témoigne à son tour Rita Dujon-Mitri, responsable de la PASS hospitalière de Delafontaine, la permanence d’accès aux soins de santé, destinée aux personnes sans couverture maladie ou très précaires, qui voit passer en consultation environ 3 000 personnes chaque année.
    (...)Le médecin de la PASS Louis Crozier lui organise un « gros bilan de santé », qui comprend notamment un électrocardiogramme, une prise de sang, des analyses de selles. Joseph a perdu 5 kg depuis qu’il a quitté son pays, où « on n’accepte pas les couples de même sexe », confie-t-il en pleurs. A Paris, il vit tantôt chez « un ami », tantôt dans la rue, parvient difficilement à faire deux repas par jour, ne mange jamais de fruits ni de légumes.Au gouvernement, on assure qu’une suppression de l’AME ne passerait pas le contrôle de constitutionnalité de la loi relative à l’immigration, car il s’agit d’un cavalier législatif relevant davantage d’une loi budgétaire. Toutefois, pour satisfaire la droite, indispensable pour le vote de ce texte, la première ministre, Elisabeth Borne, a confié une mission d’évaluation à Patrick Stefanini – ancien directeur de campagne de Valérie Pécresse et de François Fillon – et à l’ancien ministre de la santé Claude Evin, qui doit rendre ses conclusions le 4 décembre.
    « La première ministre en tirera les conclusions législatives et réglementaires dans les semaines qui suivent », promet-on au ministère de l’intérieur, où Gérald Darmanin se dit plus favorable à une limitation du ­bénéfice de l’AME dans le temps plutôt qu’à une réduction du panier de soins telle que votée au Sénat. « Soixante-quinze pour cent des personnes à l’AME sont là depuis plus de trois ans », souligne l’entourage du ministre, comme si cela démontrait une forme d’incitation à se maintenir en situation irrégulière en France. A Delafontaine, beaucoup considèrent que réduire le panier de soins ou limiter son bénéfice dans le temps relève de la même « absurdité ». François Lhote est chef du service de médecine interne de l’hôpital : « Les migrants ne viennent pas se faire soigner aux frais de la princesse. On nous parle de tel Moldave venu se faire poser une prothèse de hanche, mais la réalité que l’on voit, nous, médecins, ce sont des gens qui viennent travailler et qui se sacrifient pour leur famille restée au pays. C’est de la lâcheté de s’en prendre à eux. » Depuis son bureau du huitième étage, où il officie depuis trois décennies, le docteur Lhote met en garde : « Ce rejet des précaires ne se limitera pas aux étrangers et on glissera de l’étranger malade au pauvre. »
    Arrivée en France en octobre 2022, Aminata dort elle aussi ici et là, chez des connaissances, mais elle se méfie de ses hébergeurs. Au docteur Louis Crozier, l’Ivoirienne de 32 ans a parlé de ses reviviscences, de son hypervigilance, des « chaleurs » qu’elle ressent dans son corps. Il a remarqué qu’elle l’évitait du regard. Un ensemble de symptômes révélateurs d’un stress post-traumatique.
    La jeune femme s’est ouverte sur les violences infligées par son mari au pays, auxquelles se sont ajoutées des violences sur la route migratoire, en Tunisie notamment. Louis Crozier lui a prescrit des antidépresseurs. Elle va mieux aujourd’hui et a obtenu l’AME. « Si ça vous va, c’est la dernière fois qu’on se voit, lui explique le praticien, au terme de sa quatrième consultation. Vous pourrez aller voir un psychiatre à la Maison des femmes et vous rendre dans un centre médico-social à l’avenir. »Une démarche qui ne sera plus possible si l’AME est supprimée. « Si on doit garder tous ces gens à la PASS, sans les orienter vers la médecine de ville, alors on n’aura plus de place pour les nouveaux patients », s’inquiète le médecin. En attendant, il reçoit dans son cabinet un Algérien de 32 ans. Arrivé il y a une quinzaine de jours en France, il est soigné pour une brûlure au second degré de son mollet droit. La plaie a été causée par le mélange d’huile et d’essence dans lequel sa jambe a trempé, sur le petit bateau qui l’a amené d’Alger à Palma de Majorque. Sophie Ako, l’infirmière, nettoie la chair, y appose quelques bandelettes de tulle gras. La cicatrisation est en bonne voie.

    #Covid-19#migrant#migration#france##AME#sante#loimigration#politiquemigratoire#immigration#seinesaintdenis

  • #Ayaneo Retro PC: Inspired by Mac, Runs Windows, Supports Ubuntu
    https://www.omgubuntu.co.uk/2023/11/ayaneo-retro-mini-pc-supports-ubuntu

    Outside of single-board computers like the Raspberry Pi, small form-factor desktop PCs aren’t super common — a market gap gaming #Hardware company Ayaneo hopes to fill. They’ve unveiled the Ayaneo Retro Mini PC AM01, an #amd-powered desktop computer housed inside a 5-inch box designed to look as much like a beige Macintosh from the 1980s as it can, without being sued by Apple. The front is brazenly embellished with a six-colour rainbow logo (magnetic, and removable), and the faux display bears a phoney Finder face on it. Ayaneo is a profiling maker of handheld gaming PCs, so it’s not surprise […] You’re reading Ayaneo Retro PC: Inspired by Mac, Runs Windows, Supports Ubuntu, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without (...)

    #News

  • Projet de loi « immigration » : les députés rétablissent l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/29/projet-de-loi-immigration-les-deputes-retablissent-l-aide-medicale-d-etat_62

    Projet de loi « immigration » : les députés rétablissent l’aide médicale d’Etat
    Gérald Darmanin, qui porte le projet de loi, a qualifié la suppression de l’AME par une majorité de sénateurs de « cavalier législatif évident ».
    Le Monde avec AFP
    Les députés ont supprimé, mercredi 29 novembre, à une très grande majorité, un article introduit par les sénateurs qui entendait transformer l’aide médicale d’Etat (AME) en une simple aide médicale d’urgence (AMU), dans le projet de loi « immigration ».
    « La commission des lois de l’Assemblée nationale vient de rétablir l’aide médicale d’Etat. C’était indispensable. C’est une position juste et forte pour un dispositif indispensable, efficace et évalué de santé publique », a réagi le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, sur le réseau social X.
    Le rapporteur général du projet de loi, Florent Boudié (Renaissance), a souligné qu’il s’agissait d’une question relevant de la « santé des individus », mais aussi d’une « question de santé collective ». Il ne s’agit cependant pas de « fermer le débat ». Un rapport sur le sujet, rédigé par Patrick Stefanini et Claude Evin, doit être remis le 4 décembre. Ce rejet n’est pas une surprise, la majorité ayant dès le départ dit qu’elle ne conserverait pas cette disposition qui transformait l’AME en AMU. Il s’agit d’un « cavalier législatif évident », a réaffirmé mercredi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, c’est-à-dire une disposition n’ayant pas de lien direct avec le texte et susceptible, à ce titre, d’être rejetée par le Conseil constitutionnel.Président du groupe Horizons à l’Assemblée, Laurent Marcangeli a lui aussi estimé que la mesure n’avait pas sa place dans le cadre du texte immigration, et a demandé que, « rapidement, la première ministre fixe les conditions de ce débat, pourquoi pas à l’occasion d’une loi de finances rectificative ».
    La gauche a unanimement dénoncé la mesure. Supprimer l’aide médicale d’Etat serait « dangereux médicalement, absurde économiquement, indigne moralement », a estimé le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud. Le budget de l’AME représente « 0,5 % du budget de la Sécu », une « goutte d’eau dans l’océan », a de son côté affirmé Benjamin Lucas, du groupe écologiste. Seuls Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN) étaient favorables à cette suppression, proposée par Marine Le Pen depuis « de très nombreuses années », comme l’a rappelé le député RN Yoann Gillet. Le Sénat avait approuvé en première lecture, début novembre, le remplacement de l’aide médicale d’Etat par une aide médicale d’urgence, avec un panier de soins réduit et recentré sur la prise en charge des soins urgents, des maladies graves, des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse ou encore des vaccinations.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#AME#debatparlementaire#sante#santepublique#immigration#migrationirreguliere

  • Y z’en causaient dans le poste ce matin :

    https://reporterre.net/Agriculture-les-ammonitrates-des-produits-banals-a-haut-risque

    Les ammonitrates sont utilisés par les agriculteurs comme engrais azotés, bien souvent sans précaution particulière. Le rapport remarque même qu’il s’agit de produits « si banals que beaucoup d’utilisateurs ne leur prêtent guère attention : en particulier il ne semble pas que les exploitants agricoles soient particulièrement sensibilisés aux risques des ammonitrates dont ils stockent souvent des dizaines de tonnes ». En 2018, Reporterre avait révélé que la Coopérative agricole de céréales (CAC) d’Ottmarsheim (Haut-Rhin) stockait sans précaution 3 600 tonnes de nitrate d’ammonium.

    Le rapport préconise ainsi de mieux informer les agriculteurs des risques encourus, et d’interdire la vente en vrac des ammonitrates haut dosage [3] à partir de juillet 2022. Il propose également l’élaboration d’un règlement du transport et de la manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale, une clarification des responsabilités pour le transport des matières dangereuses par voie fluviale ainsi que le suivi du trafic des matières dangereuses transportées par voie d’eau.

    https://www.fayard.fr/livre/tout-peut-exploser-9782213720722

    Savez-vous combien d’accidents industriels subit la France chaque année ? Plus de 68 000. Environ 187 par jour.
    Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal ! La plupart du temps, ils suscitent juste un entrefilet dans la presse régionale. Seuls les accidents les plus meurtriers font la une. AZF nous a ainsi douloureusement marqués il y a vingt ans. Trente et une personnes ont perdu la vie parce qu’une centaine de tonnes de nitrate d’ammonium avait explosé. Ce même matériau a provoqué plus de 200 morts à Beyrouth en 2020.
    Pourtant, des ports comme Marseille ou Saint-Malo continuent à en stocker jusqu’à 60 000 tonnes.
    Vous l’ignoriez ?

    #risques_industriels #agroindustrie #ammonitrates

    • https://fr.wikipedia.org/wiki/Yara_International

      Yara International ASA est une société chimique basée en Norvège. C’est le plus grand distributeur de nutriments pour végétaux sous forme d’engrais cristallisés3. Ses principales activités sont la fabrication et la mise en marché d’engrais azotés, tels que l’urée et des nitrates. Elle synthétise et vend également de l’ammoniac, élément essentiel pour la fabrication des engrais azotés synthétiques.

      .../...

      Yara International mène une importante campagne de lobbying, notamment auprès de l’Union européenne, pour éviter toute régulation contraignante de son impact climatique. Selon Corporate Europe Observatory, la multinationale a dépensé près de douze millions d’euros en lobbying à Bruxelles entre 2010 et 2019, tout en bénéficiant du soutien de lobbies sectoriels comme FertilisersEurope ou le Conseil des industries chimiques Cefic. Le stockage d’ammonitrate sur son site de Montoir-de-Bretagne (juste à côté de Donges, sa raffinerie, son terminal pétrolier ; cocktail explosif) a été particulièrement pointé.

      En 2013, Yara est mêlée à un scandale impliquant de nombreuses entreprises. Le quotidien économique norvégien Dagens Næringsliv a rapporté que Yara avait payé plus de huit millions de couronnes norvégiennes à Choukri Ghanem, ancien Premier ministre libyen, ministre du Pétrole et commandant en chef de la compagnie pétrolière d’État. Ghanem avait été retrouvé mort dans le Danube autrichien en 2012.

      En janvier 2014, la compagnie est déclarée coupable de corruption lors de contrats avec la Libye, l’Inde ainsi que la Russie. Elle a été condamnée à une amende de 295 millions de couronnes (35,5 millions d’euros à l’époque).

      En 2021, Yara est accusé de financer la dictature en Biélorussie en continuant à travailler avec Belarus Kali, malgré les sanctions économiques prononcées par l’Union Européenne à la suite des événements après la falsification des résultats des élections en Biélorussie en 2020 qui ont porté atteintes aux droits de l’homme des biélorusses par le régime de Lukashenko après les manifestations en Biélorussie en 2020. La leader de l’opposition démocratique Svetlana Tikhanovskaya a dénoncé la poursuite d’échanges commerciaux avec Belarus Kali, celle-ci étant une entreprise détenue par le gouvernement biélorusse, finançant ainsi indirectement la dictature en Biélorussie. Yara s’est engagé à arrêter de travailler avec Belarus Kali en décembre 2021 mais en janvier 2022 continue toujours à travailler avec cette dernière.

      https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/nitrate-d-ammonium-six-mois-apres-beyrouth-enquete-sur-un-produit-explos

      De son côté, le spécialiste en risque industriel, Paul Poulain a étudié différents scénarios d’accidents. Il a notamment effectué un « calcul de détonation » afin d’observer ce qui pourrait se passer en cas d’explosion, au niveau de la gare de triage de Drancy, en Seine-Saint-Denis. « 2 000 trains passent chaque année par cette gare avec un stock de 400 tonnes d’ammonitrate, estime Paul Poulain. En cas d’explosion, les personnes présentes dans un rayon de 250 mètres sont potentiellement exposées à un risque mortel, avec d’importants dégâts dans un rayon de 600 mètres. Sans compter, les 400 000 voyageurs qui circulent chaque jour sur la ligne B du RER. » (voir la vidéo ci-dessous).

      https://www.radiofrance.fr/franceinter/nitrate-d-ammonium-en-france-un-risque-explosif-1076442

      Une grande partie de ces stocks échappent effectivement au contrôle. « Les installations qui stockent moins de 250 tonnes ne sont pas soumises à déclaration auprès des autorités, s’alarme Paul Poulain, spécialiste des risques industriels. Elles ne sont ni contrôlées par des bureaux d’études privés, ni inspectés par les services de l’État. Potentiellement, un exploitant agricole ou une coopérative peut donc stocker du nitrate d’ammonium agricole sans respecter les mesures de base de sécurité.  Nous ne faisons pas tout pour éviter qu’un accident du type AZF ne se produise à nouveau. »

      (Et où l’on retrouve un lourd dossier à charge sur l’entreprise Yara)

      https://basta.media/multinationale-Yara-engrais-gaz-a-effet-de-serre-climat-enrichissement-au-d

      Parmi les firmes nominées, Yara incarne non seulement la domination croissante de grandes firmes globalisées sur le monde agricole, mais aussi les liens étroits entre agriculture intensive et crise climatique. La firme norvégienne est, tout simplement, le leader mondial des engrais synthétiques, dont la principale matière première est le gaz naturel fossile. Ces engrais entraînent de fortes émissions de gaz à effet de serre, au niveau de leur production comme lors de leur application sur les sols. Ils libèrent du protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre qui représente presque la moitié des émissions de l’agriculture française, selon le Réseau action climat

  • Cette #hospitalité_radicale que prône la philosophe #Marie-José_Mondzain

    Dans « Accueillir. Venu(e)s d’un ventre ou d’un pays », Marie-José Mondzain, 81 ans, se livre à un plaidoyer partageur. Elle oppose à la #haine d’autrui, dont nous éprouvons les ravages, l’#amour_sensible et politique de l’Autre, qu’il faudrait savoir adopter.

    En ces temps de crispations identitaires et même de haines communautaires, Marie-José Mondzain nous en conjure : choisissons, contre l’#hostilité, l’hospitalité. Une #hospitalité_créatrice, qui permette de se libérer à la fois de la loi du sang et du #patriarcat.

    Pour ce faire, il faut passer de la filiation biologique à la « #philiation » − du grec philia, « #amitié ». Mais une #amitié_politique et proactive : #abriter, #nourrir, #loger, #soigner l’Autre qui nous arrive ; ce si proche venu de si loin.

    L’hospitalité fut un objet d’étude et de réflexion de Jacques Derrida (1930-2004). Née douze ans après lui, à Alger comme lui, Marie-José Mondzain poursuit la réflexion en rompant avec « toute légitimité fondée sur la réalité ou le fantasme des origines ». Et en prônant l’#adoption comme voie de réception, de prise en charge, de #bienvenue.

    Son essai Accueillir. Venu(e)s d’un ventre ou d’un pays se voudrait programmatique en invitant à « repenser les #liens qui se constituent politiquement et poétiquement dans la #rencontre de tout sujet qu’il nous incombe d’adopter ».

    D’Abraham au film de Tarkovski Andreï Roublev, d’Ulysse à A. I. Intelligence artificielle de Spielberg en passant par Antigone, Shakespeare ou Melville, se déploie un plaidoyer radical et généreux, « phraternel », pour faire advenir l’humanité « en libérant les hommes et les femmes des chaînes qui les ont assignés à des #rapports_de_force et d’#inégalité ».

    En cette fin novembre 2023, alors que s’ajoute, à la phobie des migrants qui laboure le monde industriel, la guerre menée par Israël contre le Hamas, nous avons d’emblée voulu interroger Marie-José Mondzain sur cette violence-là.

    Signataire de la tribune « Vous n’aurez pas le silence des juifs de France » condamnant le pilonnage de Gaza, la philosophe est l’autrice d’un livre pionnier, adapté de sa thèse d’État qui forait dans la doctrine des Pères de l’Église concernant la représentation figurée : Image, icône, économie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain (Seuil, 1996).

    Mediapart : Comment voyez-vous les images qui nous travaillent depuis le 7 octobre ?

    Marie-José Mondzain : Il y a eu d’emblée un régime d’images relevant de l’événement dans sa violence : le massacre commis par le Hamas tel qu’il fut en partie montré par Israël. À cela s’est ensuite substitué le tableau des visages et des noms des otages, devenu toile de fond iconique.

    Du côté de Gaza apparaît un champ de ruines, des maisons effondrées, des rues impraticables. Le tout depuis un aplomb qui n’est plus un regard humain mais d’oiseau ou d’aviateur, du fait de l’usage des drones. La mort est alors sans visages et sans noms.

    Face au phénomène d’identification du côté israélien s’est donc développée une rhétorique de l’invisibilité palestinienne, avec ces guerriers du Hamas se terrant dans des souterrains et que traque l’armée israélienne sans jamais donner à voir la moindre réalité humaine de cet ennemi.

    Entre le visible et l’invisible ainsi organisés, cette question de l’image apparaît donc extrêmement dissymétrique. Dissymétrie accentuée par la mise en scène des chaînes d’information en continu, qui séparent sur les écrans, avec des bandes lumineuses et colorées, les vues de Gaza en ruine et l’iconostase des otages.

    C’est avec de telles illustrations dans leur dos que les prétendus experts rassemblés en studio s’interrogent : « Comment retrouver la paix ? » Comme si la paix était suspendue à ces images et à la seule question des otages. Or, le contraire de la guerre, ce n’est pas la paix − et encore moins la trêve −, mais la justice.

    Nous assistons plutôt au triomphe de la loi du talion, dont les images deviennent un levier. Au point que visionner les vidéos des massacres horrifiques du Hamas dégénère en obligation…

    Les images deviennent en effet une mise à l’épreuve et une punition. On laisse alors supposer qu’elles font suffisamment souffrir pour que l’on fasse souffrir ceux qui ne prennent pas la souffrance suffisamment au sérieux.

    Si nous continuons à être uniquement dans une réponse émotionnelle à la souffrance, nous n’irons pas au-delà d’une gestion de la trêve. Or la question, qui est celle de la justice, s’avère résolument politique.

    Mais jamais les choses ne sont posées politiquement. On va les poser en termes d’identité, de communauté, de religion − le climat très trouble que nous vivons, avec une indéniable remontée de l’antisémitisme, pousse en ce sens.

    Les chaînes d’information en continu ne nous montrent jamais une carte de la Cisjordanie, devenue trouée de toutes parts telle une tranche d’emmental, au point d’exclure encore et toujours la présence palestinienne. Les drones ne servent jamais à filmer les colonies israéliennes dans les Territoires occupés. Ce serait pourtant une image explicite et politique…

    Vous mettez en garde contre toute « réponse émotionnelle » à propos des images, mais vous en appelez dans votre livre aux affects, dans la mesure où, écrivez-vous, « accueillir, c’est métamorphoser son regard »…

    J’avais écrit, après le 11 septembre 2001, L’#image peut-elle tuer ?, ou comment l’#instrumentalisation du #régime_émotionnel fait appel à des énergies pulsionnelles, qui mettent le sujet en situation de terreur, de crainte, ou de pitié. Il s’agit d’un usage balistique des images, qui deviennent alors des armes parmi d’autres.

    Un tel bombardement d’images qui sème l’effroi, qui nous réduit au silence ou au cri, prive de « logos » : de parole, de pensée, d’adresse aux autres. On s’en remet à la spontanéité d’une émotivité immédiate qui supprime le temps et les moyens de l’analyse, de la mise en rapport, de la mise en relation.

    Or, comme le pensait Édouard Glissant, il n’y a qu’une poétique de la relation qui peut mener à une politique de la relation, donc à une construction mentale et affective de l’accueil.

    Vous prônez un « #tout-accueil » qui semble faire écho au « Tout-monde » de Glissant…

    Oui, le lien est évident, jusqu’en ce #modèle_archipélique pensé par Glissant, c’est-à-dire le rapport entre l’insularité et la circulation en des espaces qui sont à la fois autonomes et séparables, qui forment une unité dans le respect des écarts.

    Ces écarts assument la #conflictualité et organisent le champ des rapports, des mises en relation, naviguant ainsi entre deux écueils : l’#exclusion et la #fusion.

    Comment ressentir comme un apport la vague migratoire, présentée, voire appréhendée tel un trop-plein ?

    Ce qui anime mon livre, c’est de reconnaître que celui qui arrive dans sa nudité, sa fragilité, sa misère et sa demande est l’occasion d’un accroissement de nos #ressources. Oui, le pauvre peut être porteur de quelque chose qui nous manque. Il nous faut dire merci à ceux qui arrivent. Ils deviennent une #richesse qui mérite #abri et #protection, sous le signe d’une #gratitude_partagée.

    Ils arrivent par milliers. Ils vont arriver par millions − je ne serai alors plus là, vu mon âge −, compte tenu des conditions économiques et climatiques à venir. Il nous faut donc nous y préparer culturellement, puisque l’hospitalité est pour moi un autre nom de la #culture.

    Il nous faut préméditer un monde à partager, à construire ensemble ; sur des bases qui ne soient pas la reproduction ou le prolongement de l’état de fait actuel, que déserte la prospérité et où semble s’universaliser la guerre. Cette préparation relève pour moi, plus que jamais, d’une #poétique_des_relations.

    Je travaille avec et auprès d’artistes − plasticiens, poètes, cinéastes, musiciens −, qui s’emparent de toutes les matières traditionnelles ou nouvelles pour créer la scène des rapports possibles. Il faut rompre avec ce qui n’a servi qu’à uniformiser le monde, en faisant appel à toutes les turbulences et à toutes les insoumissions, en inventant et en créant.

    En établissant des #zones_à_créer (#ZAC) ?

    Oui, des zones où seraient rappelées la force des faibles, la richesse des pauvres et toutes les ressources de l’indigence qu’il y a dans des formes de précarité.

    La ZAD (zone à défendre) ne m’intéresse effectivement que dans la mesure où elle se donne pour but d’occuper autrement les lieux, c’est-à-dire en y créant la scène d’une redistribution des places et d’un partage des pouvoirs face aux tyrannies économiques.

    Pas uniquement économiques...

    Il faut bien sûr compter avec ce qui vient les soutenir, anthropologiquement, puisque ces tyrannies s’équipent de tout un appareil symbolique et d’affects touchant à l’imaginaire.

    Aujourd’hui, ce qui me frappe, c’est la place de la haine dans les formes de #despotisme à l’œuvre. Après – ou avant – Trump, nous venons d’avoir droit, en Argentine, à Javier Milei, l’homme qui se pose en meurtrier prenant le pouvoir avec une tronçonneuse.

    Vous y opposez une forme d’amitié, de #fraternité, la « #filia », que vous écrivez « #philia ».

    Le [ph] désigne des #liens_choisis et construits, qui engagent politiquement tous nos affects, la totalité de notre expérience sensible, pour faire échec aux formes d’exclusion inspirées par la #phobie.

    Est-ce une façon d’échapper au piège de l’origine ?

    Oui, ainsi que de la #naturalisation : le #capitalisme se considère comme un système naturel, de même que la rivalité, le désir de #propriété ou de #richesse sont envisagés comme des #lois_de_la_nature.

    D’où l’appellation de « #jungle_de_Calais », qui fait référence à un état de nature et d’ensauvagement, alors que le film de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, L’Héroïque lande. La frontière brûle (2018), montre magnifiquement que ce refuge n’était pas une #jungle mais une cité et une sociabilité créées par des gens venus de contrées, de langues et de religions différentes.

    Vous est-il arrivé personnellement d’accueillir, donc d’adopter ?

    J’ai en en effet tissé avec des gens indépendants de mes liens familiaux des relations d’adoption. Des gens dont je me sentais responsable et dont la fragilité que j’accueillais m’apportait bien plus que ce que je pouvais, par mes ressources, leur offrir.

    Il arrive, du reste, à mes enfants de m’en faire le reproche, tant les font parfois douter de leur situation les relations que je constitue et qui tiennent une place si considérable dans ma vie. Sans ces relations d’adoption, aux liens si constituants, je ne me serais pas sentie aussi vivante que je le suis.

    D’où mon refus du seul #héritage_biologique. Ce qui se transmet se construit. C’est toujours dans un geste de fiction turbulente et joyeuse que l’on produit les liens que l’on veut faire advenir, la #vie_commune que l’on désire partager, la cohérence politique d’une #égalité entre parties inégales – voire conflictuelles.

    La lecture de #Castoriadis a pu alimenter ma défense de la #radicalité. Et m’a fait reconnaître que la question du #désordre et du #chaos, il faut l’assumer et en tirer l’énergie qui saura donner une forme. Le compositeur Pascal Dusapin, interrogé sur la création, a eu cette réponse admirable : « C’est donner des bords au chaos. »

    Toutefois, ces bords ne sont pas des blocs mais des frontières toujours poreuses et fluantes, dans une mobilité et un déplacement ininterrompus.

    Accueillir, est-ce « donner des bords » à l’exil ?

    C’est donner son #territoire au corps qui arrive, un territoire où se créent non pas des murs aux allures de fin de non-recevoir, mais des cloisons – entre l’intime et le public, entre toi et moi : ni exclusion ni fusion…

    Mon livre est un plaidoyer en faveur de ce qui circule et contre ce qui est pétrifié. C’est le #mouvement qui aura raison du monde. Et si nous voulons que ce mouvement ne soit pas une déclaration de guerre généralisée, il nous faut créer une #culture_de_l’hospitalité, c’est-à-dire apprendre à recevoir les nouvelles conditions du #partage.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/271123/cette-hospitalite-radicale-que-prone-la-philosophe-marie-jose-mondzain
    #hospitalité #amour_politique

    via @karine4

    • Accueillir - venu(e)s d’un ventre ou d’un pays

      Naître ne suffit pas, encore faut-il être adopté. La filiation biologique, et donc l’arrivée d’un nouveau-né dans une famille, n’est pas le modèle de tout accueil mais un de ses cas particuliers. Il ne faut pas penser la filiation dans son lien plus ou moins fort avec le modèle normatif de la transmission biologique, mais du point de vue d’une attention à ce qui la fonde : l’hospitalité. Elle est un art, celui de l’exercice de la philia, de l’affect et du lien qui dans la rencontre et l’accueil de tout autre exige de substituer au terme de filiation celui de philiation. Il nous faut rompre avec toute légitimité fondée sur la réalité ou le fantasme des origines. Cette rupture est impérative dans un temps de migrations planétaires, de déplacements subjectifs et de mutations identitaires. Ce qu’on appelait jadis « les lois de l’hospitalité » sont bafouées par tous les replis haineux et phobiques qui nous privent des joies et des richesses procurées par l’accueil. Faute d’adopter et d’être adopté, une masse d’orphelins ne peut plus devenir un peuple. La défense des philiations opère un geste théorique qui permet de repenser les liens qui se constituent politiquement et poétiquement dans la rencontre de tout sujet qu’il nous incombe d’adopter, qu’il provienne d’un ventre ou d’un pays. Le nouveau venu comme le premier venu ne serait-il pas celle ou celui qui me manquait ? D’où qu’il vienne ou provienne, sa nouveauté nous offre la possibilité de faire œuvre.

      https://www.quaidesmots.fr/accueillir-venu-e-s-d-un-ventre-ou-d-un-pays.html
      #livre #filiation_biologique #accueil

  • « Tout a brûlé, que vais-je manger demain ? » La #Bolivie dévastée par les #incendies

    En #Amazonie bolivienne, les incendies sévissent depuis des mois. Trop longtemps laissés seuls face au drame, les locaux se sont organisés avec les moyens du bord, dérisoires.

    « L’État a mis beaucoup trop de temps à réagir et maintenant, il se félicite de prendre les mesures adéquates. Sauf que c’est trop tard, les dégâts sont irréversibles », affirme Valéria Kiesekamp, habitante de Rurrenabaque, la plus grosse ville de la zone touchée par les feux. Après plus de quatre mois d’incendies dans le département du Béni et de La Paz, en Amazonie, le gouvernement bolivien a enfin pris la décision de demander l’aide internationale, lundi 20 novembre.

    L’incendie serait parti d’un chaqueo. Une pratique ancestrale de la culture indigène qui consiste à brûler intentionnellement une terre pour la rendre à nouveau fertile. Cependant, avec la sécheresse et l’absence de pluie, le feu n’a pas pu être éteint et à la mi-novembre, les flammes se sont intensifiées dans la zone autour de la rivière Béni, qui couvre le parc national Madidi et la réserve du Pilon Lajas. Ces deux parcs naturels abritent l’une des biodiversités les plus riches du monde. Il aura fallu attendre que des maisons soient détruites pour que le gouvernement réponde aux demandes des locaux.

    Depuis le samedi 11 novembre, six habitations de la communauté de Buena Vista ont brûlé dans la municipalité de San Buenaventura, qui se trouve un peu plus au nord du pays, enfoncée dans la jungle. « Ici, il y avait ma maison », montre Albertina Gomez. Au sol, un tapis de cendres. Difficile même d’imaginer qu’il y avait une habitation. « Il n’y a plus rien », dit-elle avant de repartir en larmes. Il aura suffi d’une seule braise emportée par le vent pour que la propriété de cette Bolivienne âgée de soixante ans s’embrase. Plus loin, des débris de verre jonchent le sol. Un ventilateur n’a pas fini de fondre. Les maisons de ce bourg sont presque toutes désertes depuis bientôt deux semaines. Les habitants ont été évacués dans les communautés voisines. La fumée âcre, elle, persiste.
    3,3 millions d’hectares partis en fumée

    La communauté a aussi perdu ses plantations. Des champs de cacao, de bananes, il ne reste rien. C’est Dario Mamio qui constate les pertes au lendemain du premier sinistre : « Qu’allons-nous manger demain ? Ce que je devais bientôt récolter a disparu. Il n’y a plus rien, tout a brûlé, que vais-je manger demain ? » Il s’essuie les yeux d’un revers du bras. La nuit a été longue. Il a lutté contre les feux jusqu’à l’aube. Sur son visage, des traces de cendres noires commencent à s’effacer avec la sueur. Une semaine plus tard, le village reste très menacé par les flammes, il s’agit même d’une des zones les plus critiques du département. C’est d’ailleurs là-bas que doit se concentrer l’aide internationale coordonnée notamment avec le Venezuela ou encore la France.

    Depuis le début de l’année, la Bolivie a perdu plus de 3,3 millions d’hectares à cause des incendies. L’État a longtemps minimisé la situation de catastrophe dans laquelle se trouve la région et a même accusé les indigènes de répandre des fausses informations. L’aide qui avait été envoyée jusque-là par le gouvernement, c’est-à-dire quelques pompiers en renfort et trois hélicoptères, était loin d’être suffisante. Alors les communautés locales ont été contraintes de se mobiliser, entre elles, jour et nuit pour tenter de contrôler les incendies.

    « Si je ne le fais pas, qui va défendre nos terres ? Sûrement pas l’État ! »

    Rapidement, les habitants ont organisé un système de rondes. « Toutes les activités ont été suspendues. Tous ceux capables de marcher plusieurs heures et de résister à la chaleur sont actuellement occupés par les feux. On ne peut pas se permettre de continuer la vie normalement », nous raconte Teresa, l’une des bénévoles qui ont lutté contre le feu autour de Rurrenabaque. À ses côtés, Nils Rodriguez, étudiant de vingt ans a passé plusieurs nuits à défendre le centre animalier de la Cruz Verde. « Si je ne le fais pas, qui va défendre nos terres ? Sûrement pas l’État ! » s’indigne-t-il, le regard fatigué.

    Non loin du centre de la Cruz Verde, Miguel de la Torre arrosait sa maison comme tous les matins depuis le début de l’incendie avant d’aller prêter main forte. « Voir qu’une infrastructure en ciment a pu brûler, ça fait très peur, imaginez avec nos cabanes traditionnelles. En deux minutes, il n’y aura plus rien. » Perché sur son toit, il explique qu’autour du Béni, les habitations sont construites à partir de matériaux naturels issus de la jungle, bambou, feuilles de palmiers séchées, bois, et donc facilement inflammables.
    « Je ne peux pas aller au front, alors j’aide en seconde ligne »

    Malgré l’aide internationale, qui a commencé à soulager les locaux, la tension n’est pas redescendue. « Tant qu’il y aura du feu, on continuera de lutter », dit Luz de Sure. Sur les rives de la rivière, les citadins de Rurrenabaque se sont aussi organisés. Luz et Valeria achetaient des vivres avec des dons et naviguaient quotidiennement sur le Béni pour semer à plusieurs entrées de la forêt, des bouteilles d’eau et de quoi grignoter pour aider les volontaires à tenir. « C’est une zone de guerre, nous a déclaré Luz. Je ne peux pas aller au front, alors j’aide en seconde ligne. »

    Sur place, les militants environnementaux s’accordent à dire que la région va connaître une crise alimentaire importante à la suite de ces feux. Les locaux s’inquiètent aussi pour la faune et la flore. De nombreux animaux ont été retrouvés calcinés. Et, avec la saison des pluies qui arrive, tout ce qui a brûlé va tomber dans la rivière et intoxiquer ces eaux vitales pour les indigènes.

    https://reporterre.net/Tout-a-brule-que-vais-je-manger-demain-La-Bolivie-devastee-par-les-incen

    #forêt #Rurrenabaque #chaqueo #sécheresse #rivière_Béni #plantations #cacao #bananes #agriculture #crise_alimentaire

  • Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/28/projet-de-loi-sur-l-immigration-les-francais-attendent-de-la-representation-

    Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
    Tribune Pierre Henry
    président de l’association France Fraternités
    Le débat sur l’immigration et l’asile au Sénat a accouché d’un projet de loi populiste en ce sens que son objet n’est pas d’apporter des solutions à des situations concrètes, mais de permettre à quelques politiciens des droites extrêmes de prendre une posture martiale. Ce projet ne répare rien. En épousant fausses informations, clichés et autres lubies des temps présents, il aggrave en de nombreux cas une situation déjà dramatique. Ce qui fait dire à nombre d’associations et à certaines formations politiques de gauche que ce texte doit dès lors être rejeté en bloc. N’est-ce pas aller vite en besogne ?
    Il y a trois mois, une voie d’espoir transpartisane était apparue avec la publication, le 11 septembre dans le quotidien Libération, d’une tribune de trente-cinq parlementaires appelant à la régularisation par le travail dans les métiers en tension de personnes séjournant sur le sol français depuis plusieurs années. Ce sujet complexe était abordé avec nuance. Pour quelles raisons obscures, éloignées du bien commun, faudrait-il aujourd’hui abandonner cette démarche de bon sens ? Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité. Cette double exigence pourrait être satisfaite à cinq conditions, constitutives d’un compromis acceptable par l’ensemble des forces de progrès et de gouvernement de l’arc républicain, laissant les droites extrêmes à leurs démons.
    La première est celle du maintien en l’état du dispositif d’aide médicale réservé aux étrangers en situation irrégulière : mécanisme de prévention, il représente un bouclier de protection pour l’ensemble des citoyens de ce pays. Il protège tout un chacun, son coût est maîtrisé et représente moins de 0,49 % du budget de l’Assurance-maladie. La fraude y est marginale, parfaitement documentée, et l’existence de ce dispositif est un sas utile pour protéger les urgences hospitalières de l’embolie qui les guette s’il venait à disparaître.
    La deuxième est d’inscrire dans la loi un processus de régularisation permettant aux personnes travaillant dans des métiers qui manquent de main-d’œuvre, résidant en France depuis plusieurs années, de s’y engager en toute confiance et transparence. La situation aujourd’hui est ubuesque à de nombreux égards. Elle oblige les personnes à avoir recours à des mécanismes de fraude (travail sous alias ou sans fiches de paie). Elle les maintient souvent dans l’assistanat à charge de la communauté nationale. Ainsi, plusieurs dizaines de milliers de personnes hébergées dans des structures d’urgence se trouvent privées de toutes perspectives raisonnables d’en sortir.
    La troisième est le rétablissement du droit du sol pour les enfants nés sur le sol français. La République est fraternelle parce qu’elle estime qu’un enfant né en France, même de parents étrangers, qui y a séjourné de manière continue et qui y a passé sa scolarité, devient français à sa majorité parce que la nationalité ne repose pas sur l’ethnie, mais sur la socialisation. Inutile, confuse et discriminatoire, la mesure voulue par le Sénat et consistant à restreindre ce droit nous renvoie au XXe siècle et à la période des ministres de l’intérieur Charles Pasqua (1986-1988 et 1993-1995) et Jean-Louis Debré (1995-1997). La compréhension du monde en marche arrière et l’utilisation de grossiers stratagèmes sont détestables pour qui prétend tenter de régler les problèmes de l’heure.
    La quatrième condition préalable à un compromis doit amener la représentation parlementaire à refuser de pénaliser a priori le séjour irrégulier d’un étranger. Il n’y a aucun motif légitime à cette pénalisation qui n’est que de posture et qui entre en contradiction avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle n’aide en rien à ce que des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement administrative ou judiciaire quittent le territoire français.
    Enfin, le projet de loi, dont l’asile n’est pas l’objet principal, entend procéder à une réforme radicale de la procédure d’examen des recours. De l’analyse de ce texte, il ressort qu’à l’aune de l’objectif recherché d’efficacité, ni l’urgence d’une telle réforme ni son bien-fondé ne seraient justifiés. L’essentiel de l’augmentation des délais de jugement constatée n’est pas imputable au fonctionnement collégial de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La cinquième condition est donc le renoncement à l’instauration d’un juge unique et le maintien de cette collégialité qui contribue à la qualité de l’instruction et des décisions rendues. Elle vaut pluralité de compétences, de regards professionnels et de voix, à l’audience comme en délibéré.
    La noblesse de la politique est en toute chose la recherche d’un compromis. Sur un sujet aussi complexe que la question migratoire, certains font métier de simplisme dans une période propice à toutes les manipulations. Aux démocrates, humanistes et républicains de montrer qu’une voie raisonnable est possible sans céder aux bonimenteurs ! Pierre Henry est président de l’association France Fraternités

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#asile#AME#regularisation#debatparlementaire#CNDA#droit#droitdusol#sante

  • En Amérique du Sud, un printemps « historiquement chaud » accable les populations
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/26/en-amerique-du-sud-un-printemps-historiquement-chaud-accable-les-populations


    Un champ de totoras asséchées sur le chemin de Los Uros. En raison de la forte sécheresse, il est désormais possible d’accéder aux îles de l’archipel péruvien à pied. Puno (Pérou), le 14 octobre 2023. PAUL GAMBIN POUR « LE MONDE »

    Des records de chaleur ont été battus ces dernières semaines, la température ressentie frôlant parfois les 60 °C. La conjonction du réchauffement climatique, du phénomène El Niño et de la déforestation en Amazonie est en cause.

    Des températures dépassant régulièrement les 40 °C et frôlant par endroits les 60 °C ressentis – et ce, alors même que l’été austral en Amérique du Sud n’a pas encore débuté : des records de chaleur ont été battus ces dernières semaines au Brésil, en Argentine, au Pérou, en Bolivie et au Paraguay. C’est un printemps hors normes, déjà qualifié d’« historiquement chaud », que vit le sous-continent. Chaleur et sécheresse affectent des millions de personnes et menacent les récoltes.

    Dimanche 19 novembre, le mercure a atteint 44,8 °C à Araçuai, dans l’Etat du Minas Gerais (sud-est), au Brésil, soit la plus haute température jamais relevée dans le pays, selon l’Institut national de météorologie (Inmet). Au cours de la canicule inédite qui a frappé, à la mi-novembre, la moitié des 5 500 municipalités du pays ont été placées en état d’alerte maximale.

    La vague de chaleur a provoqué ruée vers les plages et panique. A Rio, où la sensation thermique a atteint les 59,3 °C, une mère de famille est allée jusqu’à briser la vitre d’un bus pour laisser respirer son enfant malade. Sous l’effet des climatiseurs, la consommation d’énergie a battu un record historique, avec 101 475 mégawatts, le 14 novembre, et ce, alors que nombre de barrages hydroélectriques ne fonctionnent que partiellement.

    La canicule a aussi eu des effets tragiques. Le 17 novembre, une étudiante de 23 ans a trouvé la mort des suites d’un arrêt cardiorespiratoire lors du concert de la chanteuse américaine Taylor Swift organisé à Rio de Janeiro, dans un stade olympique Nilton-Santos plein à craquer où les spectateurs suffoquaient. En dépit des températures extrêmes, les organisateurs avaient interdit aux fans d’apporter leurs propres bouteilles d’eau.

    https://archive.is/qYBsr

    #climat

  • Fraude dans les transports : les contrôleurs pourront consulter les fichiers du fisc
    https://www.leparisien.fr/economie/fraude-dans-les-transports-les-controleurs-pourront-consulter-les-fichier

    C’est un petit amendement du projet de loi de finances (PLF) 2024 mais un grand pas pour la lutte contre la fraude dans les transports en commun. Adopté par 49.3, il y a quinze jours, par l’Assemblée nationale, le texte autorise l’administration fiscale à communiquer en temps réel des informations sur les fraudeurs aux contrôleurs des transports en commun.

    #un_grand_pas

    • Questions bêtes (j’ignore si c’est dans l’article, dont la fin est sous paywall) :
      – la CNIL a-t-elle été consultée ?
      – est-ce que ça va passer devant le Conseil constitutionnel ?

      Il me semble qu’au minimum, l’accès à un tel fichier demanderait une vague notion de proportionnalité. Là, j’ai l’impression qu’on passe un peu rapidement de « j’ai pas payé les 2€ du ticket de métro » à « vite invoquons les mannes de l’anti-terrorisme ».

    • c’est pas le terrorisme, c’est la délinquance, intolérable phénomène anti-social

      une photo d’un gang qui contrôle les voyageurs dans les sous-sols de la gare du Nord illustre l’article

      C’est un petit amendement du projet de loi de finances (PLF) 2024 mais un grand pas pour la lutte contre la #fraude dans les #transports_en_commun. Adopté par 49.3, il y a quinze jours, par l’Assemblée nationale, le texte autorise l’administration fiscale à communiquer en temps réel des informations sur les #fraudeurs aux #contrôleurs des transports en commun.
      En clair, les agents de la #SNCF, de la #RATP et de l’ensemble des transports urbains pourront interroger la Direction générale des finances publiques (#DGFiP) pour s’assurer que la personne qui est contrôlée sans titre de transport communique bien sa bonne adresse pour recevoir son amende. « Il faut savoir que la DGFiP est une des administrations de l’État qui a une vision la plus actualisée sur l’identité et l’adresse des Français, justifie-t-on au cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Cet amendement permet donc à l’instance de mettre à disposition des transporteurs les données d’adressage des personnes qui sont contrôlées ». Autrement dit le nom, le prénom, la date de naissance et l’adresse de la personne contrôlée. « Rien de plus, assure Bercy. Il n’y aura aucune donnée fiscale de transmise ». [ah zut ! je croyais ki s’agissait d’annuler les amendes des non imposables et de moduler les tarifs selon le revenu et le patrimoine ndc]

      Une perte de 600 à 700 millions d’euros par an

      Une évolution attendue depuis très longtemps… Sept ans exactement et l’adoption le 22 mars 2016 de la loi Savary, relative à « la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ». En son article 18, le texte du nom de l’ancien député socialiste de Gironde Gilles Savary, prévoyait d’améliorer le #recouvrement des #amendes.
      Il faut dire que la fraude dans les #transports_publics coûte cher à la collectivité. Selon les chiffres de l’Union des transports publics (UTP) qui rassemble les entreprises du secteur, les passagers qui ne payent pas leur ticket représentent une perte de 600 à 700 millions d’euros par an. La moitié pour la seule SNCF et le reste à parts égales entre la RATP et le réseau de transports urbains de province. Et parmi ceux qui se font verbaliser, l’UTP estime qu’ils sont – dans une fourchette large – de 15 à 50 %, à ne jamais payer l’amende parce que l’adresse où elle est envoyée n’est pas la bonne.

      La proposition de loi ouvrait la possibilité de créer une plate-forme où les transporteurs accéderaient à certains #fichiers de l’administration pour vérifier les adresses des fraudeurs. Parmi les bases de données évoquées à l’époque, le fichier des comptes bancaires et assimilés qui est placé sous la responsabilité de la DGFiP ou encore le répertoire national commun de la protection sociale, qui centralise les données des #allocataires des différents organismes de protection sociale, sous la houlette de la Direction de la sécurité sociale.
      Une plate-forme qui n’a finalement jamais vu le jour. Car si l’idée a obtenu l’aval de la #Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), moyennant quelques aménagements, le #Conseil_d’État a complexifié sa mise en place. Alors que l’UTP était prête à lancer ce dispositif – nom de code VACS pour vérifications des adresses des contrevenants – sur lequel elle a déboursé plus d’un million d’euros, la plus haute juridiction administrative a estimé que la loi n’autorisait pas de sous-traiter sa mise en place. « En clair, nous devions le créer et le gérer nous-mêmes, précise l’UTP. Ce qui est impossible ».

      Pas avant deux ans

      L’idée a été alors de confier cette mission à l’Agence nationale des traitements automatisés des infractions sous tutelle du ministère de l’Intérieur. « Sauf que Beauvau n’a jamais fait avancer le dossier, s’agace une source bien informée. Heureusement que Bercy a repris le sujet. ». Pour quelle raison ? « Comme Bruno Le Maire ne veut pas entendre parler d’augmentation du versement mobilité (versé par toutes les entreprises de plus de onze salariés pour financer les transports), il propose d’autres rentrées d’argent pour les transporteurs », veut croire la même source.
      En tout cas, le ministre de l’Économie avait placé ce sujet comme prioritaire le 24 août lors de son discours de rentrée en Haute-Savoie : « Tous les #délinquants doivent être poursuivis et frappés au portefeuille quand ils ne payent pas leurs amendes, avait-il exhorté. Nous allons donc réorganiser la chaîne de traitement des amendes, favoriser le traitement des amendes le plus tôt possible, fiabiliser les informations qui remontent à la Direction générale des finances publiques pour que la DGFiP puisse sanctionner sans délais les défauts de paiement des amendes de tous les citoyens français, dans tous les points du territoire, à tous moments ». Cet amendement constitue donc la première brique. « Mais d’autres suivront », assure Bercy. À l’époque, grâce à la VACS, l’UTP ambitionnait un taux de recouvrement de 50 %.
      Mais avant de voir des contrôleurs vérifier votre adresse à partir des données du fisc, « il faudra encore attendre deux ans, évalue le cabinet du ministre de l’Économie. Créer un canal informatique entre la DGFiP et les transporteurs est un chantier qui prend du temps ». Beaucoup moins, espère toutefois l’UTP. « Nous avons déjà beaucoup travaillé le sujet, confie Béatrice Simard, qui pilote VACS. Nous sommes en train de réaliser un audit sur ce qu’il faut faire évoluer. Depuis 2019, le langage informatique a changé et les enjeux de cybersécurité sont plus importants ».

      la CNIl « aménagera ». et si ce n’est pas fait en #sous_traitance (une exception désormais dans la sphère publique), le Conseil d’État avalisera.
      comme on sait, ne pas se déclarer au trésor public interdit l’accès à divers droits. souvent vu des cas où il fallait déclarer les 3 ans écoulés, par exemple pour avoir droit à un revenu minimal.

      #guerre_aux_pauvres #contrôle_social #surveillance

    • #croisement_des_fichiers #fichage_généralisé #pétain_en_revait

      ce ne se fera donc pas sous tutelle du ministère des transports mais de l’intérieur (qui s’occupe aussi depuis longtemps de gérer la non-libre circulation sur le territoire)

      Comme Bruno Le Maire ne veut pas entendre parler d’augmentation du versement mobilité (versé par toutes les entreprises de plus de onze salariés pour financer les transports), il propose d’autres rentrées d’argent pour les transporteurs

    • ça passerait pas par le ministère de l’intérieur mais par une liaison des société de transports avec les fichiers du ministère des finances (trésor public). l’adage "follow the money" vient de la lutte anti mafia (Al Capone, tout ça). le voilà appliqué à des millions d’usagers des transports collectifs, dont on peut par ailleurs présumer qu’ils ne sont pas doués en fraude fiscale.

      #délinquance

  • Un collectif de plus de 120 médecins généralistes dénonce des pressions de l’assurance maladie pour réduire les #arrêts_de_travail
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/arrets-de-travail-des-medecins-denoncent-des-pressions-de-lassurance-mala

    En cette fin 2023, des milliers de médecins traitants sont « priés » par l’Assurance maladie de prescrire moins d’arrêts de travail, sur ordre de Bercy. « Priés », ou, plus exactement menacés de sanctions s’ils n’appliquent pas les procédures de mises sous objectif (MSO), et de mises sous accord préalable (MSAP).

    La MSO consiste à faire signer au médecin un contrat avec l’#Assurance_maladie, l’engageant à baisser ses prescriptions d’arrêt de travail d’un certain pourcentage. Si le médecin n’y parvient pas, il est sanctionné par une #amende de 6 800 euros en moyenne, renouvelable après chaque période d’observation… S’il refuse la MSO, le médecin se voit imposer la MSAP, qui l’oblige, pour chaque prescription d’arrêt, à solliciter l’accord préalable du médecin-conseil de l’Assurance maladie. Il est en quelque sorte mis sous tutelle : à la fois infantilisé vis-à-vis de ses patients, et culpabilisé puisqu’il sera rendu responsable par la Sécurité sociale du retard de paiement des indemnités journalières que cela entraîne.

    Ces procédures sont appliquées tous les ans depuis 2004 à de nombreux médecins désignés « forts prescripteurs ». Mais en 2023, le nombre de médecins déclarés en excès statistique et donc inquiétés par la Sécurité sociale a explosé, touchant plusieurs milliers d’entre eux, soit environ un quart des médecins traitants.

    Dans le viseur de la Sécu

    Chaque médecin traitant est statistiquement comparé à un groupe de médecins estimé comparable, alors que cette comparaison repose presque exclusivement sur des critères socio-économiques de sa commune d’exercice, et non pas sur les pathologies de ses patients. Or, une patientèle peut être très différente d’un médecin à l’autre, et donc générer d’importants écarts de prescription.

    Par exemple, un médecin installé dans un quartier « populaire » risque d’avoir beaucoup de patients pratiquant des travaux manuels et pénibles, présentant des pathologies musculo-squelettiques, par exemple des tendinites, nécessitant souvent des arrêts de #travail.

    D’autres médecins traitants qui pratiquent la psychothérapie prennent en charge de nombreux patients fragiles au niveau psychiatrique, dont l’état de santé nécessite parfois des prescriptions d’arrêts longs ou répétés. Ces médecins se trouvent de facto dans le viseur de la Sécurité sociale.

    En outre, cette comparaison se base sur des indicateurs parfois inexacts : arrêts de travail prescrits par d’autres médecins imputés au médecin traitant, failles quotidiennes dans les logiciels de l’Assurance maladie. Il est fréquent que des médecins se voient attribuer certains actes techniques qu’ils ne pratiquent jamais !

    L’Assurance maladie ne semble plus s’intéresser à la #santé des #patients. Lors de nos convocations à la Sécurité sociale, nous devons nous justifier sans donner d’éléments médicaux. Quelles que soient nos explications, l’entretien se termine presque toujours par une menace de sanctions… Seuls les chiffres comptent, aux dépens de la santé du patient. C’est le #délit_statistique. Nous n’exerçons plus sereinement notre métier : dans notre esprit se télescopent l’intérêt du patient et le nôtre. Soit nous choisissons de prioriser la santé du patient et prescrivons l’arrêt qui nous met en danger statistique, soit nous priorisons notre sécurité statistique et mettons de côté la santé du patient, en contradiction avec notre éthique.

    Des symptômes de souffrance au travail

    Nous appréhendons à présent les consultations qui pourraient mener à la prescription d’un arrêt, perdant parfois l’empathie nécessaire pour nos patients et développons nous-mêmes des symptômes traduisant notre souffrance au travail. Le « #management » que l’Assurance maladie exerce sur nous a de sérieuses analogies avec le management funeste qui fut celui de grandes entreprises… et avec celui que subissent nombre de nos patients en burn-out.

    Par ailleurs, tenir pour seuls responsables les médecins traitants de la hausse du montant des #indemnités_journalières est injuste et contre-productif.

    Cette hausse a bien été expliquée par de nombreux économistes : hausse du nombre d’actifs, de leurs salaires et donc du montant des indemnités journalières, vieillissement des actifs, hausse des maladies de longue durée, des maladies mentales, les suites de Covid, etc. Sans oublier l’impact déprimant et angoissant du monde, entre pandémie, guerres, perte du pouvoir d’achat et bien sûr la question climatique… De plus, le manque global de toutes les spécialités médicales, dont les médecins du travail et de médecins-conseils de la Sécurité sociale chargés de favoriser le retour au travail des patients, ne fait que retarder leur prise en charge et leur retour au travail.

    Par ailleurs, trop de médecins d’autres spécialités délèguent au #médecin_traitant la prescription de l’arrêt de travail qu’ils pourraient rédiger eux-mêmes.

    La France manque cruellement de médecins traitants, avec une baisse des effectifs de plus de 10% depuis 2010. C’est une spécialité très exigeante et l’une des moins rémunérées.

    Laissez-nous soigner !

    Les pressions croissantes de l’Assurance maladie ne font qu’aggraver ce déficit : les jeunes ne veulent plus s’installer, et de nombreux médecins déjà installés se déconventionnent ou se désinstallent, blessés et épuisés.

    Nous acceptons bien entendu les contrôles de l’Assurance maladie, car il s’agit d’argent public, mais uniquement sur des critères médicaux, dossier par dossier. Nous refusons le contrôle statistique, déshumanisé, déconnecté des pathologies de nos patients. Ce ne sont ni des individus standards que nous recevons, ni des chiffres, ce sont des êtres humains, tous différents.

    Laissez-nous exercer notre métier sereinement, qui nous fait accompagner le patient de la naissance jusqu’à la mort, nous place en première ligne, et parfois en dernier rempart quand tout s’effondre.

    Laissez-nous soigner en toute humanité !

    Ni complaisants, ni délinquants. Soignants, tout simplement.

    #soins #maltraitance #médecine #médecine_générale

  • Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/22/projet-de-loi-immigration-le-gouvernement-veut-eviter-le-49-3_6201630_823448

    Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
    Par Alexandre Pedro et Nathalie Segaunes
    Veillée d’armes, lundi 20 novembre au soir, à Matignon. A la table de la première ministre, Elisabeth Borne, ont été conviés, à quelques heures du début de l’examen du projet de loi « immigration » en commission à l’Assemblée nationale, les ministres Gérald Darmanin (intérieur), Olivier Dussopt (travail) et Franck Riester (relations avec le Parlement), ainsi que les présidents des groupes parlementaires de la majorité, les rapporteurs et les responsables du texte.
    Au sein de ce cénacle, Gérald Darmanin redit sa conviction qu’« un compromis est possible » à l’Assemblée nationale ; que le groupe Les Républicains (LR), présidé par Olivier Marleix, est « fracturé » ; et prévient surtout qu’il est « hors de question de recourir au 49.3 ». En référence à cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote.
    Le ministre de l’intérieur rejette la comparaison avec la réforme des retraites, adoptée sans vote en mars. « La situation n’est pas du tout la même, insiste le locataire de la Place Beauvau. Le texte sur l’immigration, lui, est très largement soutenu par les Français. » Elisabeth Borne, qui annonçait en mars ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires, conclut la soirée en excluant à son tour le passage en force. Le recours à cette arme constitutionnelle est risqué – car synonyme d’une motion de censure de l’opposition, pouvant potentiellement faire tomber le gouvernement – et, surtout, impopulaire aux yeux des Français et même des élus de la majorité. Il vaut mieux « perdre » sur le projet de loi « immigration » « qu’aller au 49.3 », a ainsi mis en garde le porte-parole du groupe MoDem, Erwan Balanant, mardi 21 novembre. Le gouvernement n’a cependant aucune certitude, à ce stade, de pouvoir s’épargner un nouveau 49.3. Car le texte adopté par le Sénat en première lecture, le 14 novembre, au terme d’une difficile négociation entre la droite et les centristes, a été durci « en des termes qui ne sont pas acceptables pour la majorité présidentielle », dénonce Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois à l’Assemblée nationale, dans Ouest-France, le 19 novembre. Et le projet de loi menace d’être largement réécrit par les députés du groupe macroniste.
    « Notre état d’esprit est de revenir au texte initial du gouvernement », prévient le président du groupe Renaissance au Palais-Bourbon, Sylvain Maillard. Ce qui offrirait aux députés LR de bonnes raisons de ne pas voter le projet de loi, qui sera examiné en commission à partir du 27 novembre, puis dans l’Hémicycle le 11 décembre.
    Dès l’entame du dîner, lundi soir, Florent Boudié, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a donc mis en garde la majorité : « On ne peut pas arriver en détricotant le texte du Sénat. » Le député (Renaissance) de Gironde, soucieux de déminer le terrain, distingue trois types de mesures dans le texte adopté à une large majorité au Palais du Luxembourg.
    Tout d’abord celles relevant de ce qu’il appelle la « zone noire », des dispositions qui seront supprimées parce qu’elles sont considérées comme des « cavaliers législatifs » et courent donc le risque d’être retoquées par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la suppression de l’aide médicale d’Etat – qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins – mais aussi des mesures sur le droit du sol – qui relèvent du code de la nationalité –, ou de celles concernant les mineurs isolés non accompagnés.
    Dans la « zone blanche » figurent les dispositions introduites par le Sénat qui, à l’inverse, peuvent être reprises par la majorité à l’Assemblée nationale : celle qui vise à renforcer le contrôle des visas étudiants, celle qui conditionne le regroupement familial à l’apprentissage de la langue française ou celle qui prévoit un meilleur encadrement des étrangers malades.
    Enfin, dans la « zone grise », Florent Boudié inscrit « les mesures sur lesquelles [les députés de la majorité doivent] éviter une inutile arrogance ou provocation à l’égard des parlementaires LR, car [ils ne sont] pas tout à fait au clair chez [eux] ». Par exemple, la suppression de la tarification sociale dans les transports pour les personnes en situation irrégulière.
    Sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, le rapporteur propose un amendement de compromis entre l’article 3 initial – qui instaure un droit opposable à un titre de séjour, dès lors qu’un certain nombre de critères sont remplis – et la mesure votée au Sénat, qui laisse la main aux préfets : M. Boudié suggère de revenir à un principe de régularisation dans la loi, mais en donnant un droit de veto aux préfets, qui pourraient « interrompre la procédure de régularisation, sur des critères précis fixés par la loi, si l’étranger menace l’ordre public ou s’il a eu des agissements contraires aux valeurs de la République ».
    Un tel mix permettra-t-il de bâtir une majorité à l’Assemblée nationale ? Gérald Darmanin a insisté sur la dimension répressive du projet de loi, mardi soir, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le présentant comme une arme contre l’« écosystème » des « trafiquants de misère », passeurs, marchands de sommeil ou patrons profitant des clandestins. Alors qu’il multiplie, ces jours-ci, les tête-à-tête avec les députés, quitte à faire « deux petits déjeuners, deux déjeuners et deux dîners par jour », selon son entourage, le ministre de l’intérieur estime qu’entre quinze et vingt députés LR seraient « intéressés » par le texte, dit-on Place Beauvau. Des chiffres qu’Olivier Marleix juge « optimistes et grotesques ». Et ce n’est pas l’amendement proposé par Florent Boudié – concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension – qui risque de le rendre moins inflexible. « Tel que je l’ai compris, c’est un recul par rapport à ce qui est sorti du Sénat », juge le patron des députés de droite. Considérant que « cet amendement réaffirme de façon très claire le droit à la régularisation pour les sans-papiers, assorti d’une sorte de pouvoir de veto pour le préfet », M. Marleix estime que dans la « réalité » il sera « très compliqué » pour ce dernier « d’avoir des éléments de veto ». « Donc on revient à une situation de régularisation qui sera massive », en conclut-il.
    A l’Assemblée nationale, certains élus LR poussent très fort pour rejeter le texte, même musclé par leur camp au Sénat. « La situation est trop grave pour se satisfaire de petits pas », a ainsi prévenu Aurélien Pradié (Lot), l’un des soixante-deux députés LR, mardi matin sur France 2. « Il y a soixante-deux nuances de Républicains », se rassurait, lundi soir, Gérald Darmanin, à Matignon

    #Covid-19#migration#migrant#france#politiquemigratoire#immigration#AME#regularisation#naturalisation#metierentension#droitdusol#sante

  • #Gaza, les hantises du #génocide

    S’il faut être prudent sur la #qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui : « assistons-nous à un nouveau génocide ? »

    Le 16 novembre 2023, 33 experts onusiens ont signé une déclaration appelant à une réaction internationale urgente et évoquant que « les graves violations commises par Israël contre les Palestiniens au lendemain du 7 octobre, notamment à Gaza, laissent présager un génocide en devenir ». Cette position de l’#ONU sur la question d’un génocide n’est pas inédite.

    Le 2 novembre, le rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés alertait déjà sur le risque de génocide. Si le mot n’est plus tabou pour qualifier ce que subit la population de Gaza, sa #définition_juridique internationale (fixée par la #Convention_sur_le_génocide et par le #Statut_de_Rome sur la CPI) commande une certaine prudence. Malgré cela, la question d’un génocide à Gaza se pose avec gravité et acuité eu égard aux circonstances de l’offensive militaire israélienne à Gaza.

    La notion de génocide est une #catégorie_juridique complexe qui a évolué au fil du temps pour devenir l’un des #crimes les plus graves de nos ordres juridiques. Il est imprescriptible et plusieurs États se reconnaissent une compétence universelle pour instruire et juger de tels agissements.

    Ce concept a, évidemment, des origines historiques importantes. En combinant les mots grec « genos » (peuple) et latin « cide » (tuer), le juriste polonais #Raphael_Lemkin en 1944 a voulu décrire et caractériser les atrocités commises pendant la Seconde guerre mondiale, en particulier l’Holocauste, qui a vu l’extermination systématique de millions de Juifs par le régime nazi. #Lemkin a plaidé pour la reconnaissance légale de ces crimes et a joué un rôle clé dans l’élaboration de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par les Nations Unies en 1948.

    Cette Convention, communément appelée la « Convention sur le génocide », est l’instrument juridique principal qui définit le génocide dans le #droit ^_international en définissant en son article 2 le génocide comme : « Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel. ».

    De cette définition ressortent plusieurs éléments clefs : la question des actes commis, du groupe spécifiquement visé et celui de l’#intention_génocidaire. Au regard des destructions, des bombardements nourris et aveugles notamment sur des camps de réfugiés, sur des écoles gérées par l’ONU servant d’abris aux civils, sur les routes censées être sûres pour permettre aux populations civiles de fuir, mais aussi de ce ratio calculé par des observateurs selon lesquels pour un membre du Hamas tué il y aurait 10 civils massacrés, il apparaît que les premiers critères de la définition sont potentiellement remplis.

    Reste la question décisive de l’intention génocidaire. Celle-ci suppose l’identification de textes, d’ordres, d’actes et de pratiques… En l’état, une série de déclarations d’officiels israéliens interpellent tant elles traduisent une déshumanisation des Palestiniens. Le 19 novembre, point d’orgue d’une fuite en avant en termes de déclarations, l’ancien général et dirigeant du Conseil de Sécurité National israélien, #Giora_Eiland, a publié une tribune dans laquelle il appelle à massacrer davantage les civils à Gaza pour faciliter la victoire d’Israël.

    Avant cela et suite à l’attaque du 7 octobre, le ministre israélien de la Défense, #Yoav_Galant, avait déclaré : « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé […] Nous combattons des #animaux_humains et nous agissons en conséquence ».

    Dans une logique similaire, le Premier ministre #Benjamin_Netanyahu a opposé « le peuple des lumières » à celui « des ténèbres », une dichotomie bien connue dans la rhétorique génocidaire. Récemment, le ministre israélien du patrimoine a déclaré : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais. Nous bombardons et aplatissons tout (....) au lendemain de la guerre, nous devrions donner des terres de Gaza aux soldats et aux expulsés de Gush Katif ».

    Enfin, en direct à la radio, le même #Amichay_Eliyahu a déclaré qu’il n’était pas entièrement satisfait de l’ampleur des représailles israéliennes et que le largage d’une bombe nucléaire « sur toute la #bande_de_Gaza, la raser et tuer tout le monde » était « une option ». Depuis, il a été suspendu, mais sans être démis de ses fonctions …

    Au-delà de ces déclarations politiques, il faut apprécier la nature des actes commis. Si un « plan » génocidaire en tant que tel n’est pas exigé pour qualifier de génocidaire, une certaine #organisation et ‎une #préparation demeurent nécessaires. Une politique de #colonisation par exemple, le harcèlement criminel quotidien, la #détention_arbitraire de Palestiniens, y compris mineurs, peuvent laisser entendre la mise en place de ce mécanisme.

    La Cour pénale internationale a d’ailleurs déjà ouvert des enquêtes sur ces faits-là avec des investigations qui ne progressent cependant pas notamment car Israël conteste à la Cour – dont il n’est pas membre – toute compétence. Actuellement, les pénuries impactant notamment des hôpitaux, le refus ou la limitation de l’accès de l’aide humanitaire et évidemment les #bombardements_indiscriminés, sont autant d’éléments susceptibles de matérialiser une intention génocidaire.

    Un positionnement politique pour une caractérisation juridique

    Le silence de nombreux pays est assourdissant face à la situation à Gaza. Il suffit de lire le communiqué du Quai d’Orsay sur le bombardement du camp de réfugiés Jabaliya : « La France est profondément inquiète du très lourd bilan pour les populations civiles palestiniennes des frappes israéliennes contre le camp de Jabaliya et exprime sa compassion à l’égard des victimes ».

    Aucune condamnation et, évidemment, aucune mention de la notion de génocide ni même de #crimes_de_guerre ou de #crime_contre_l’Humanité. Cela s’explique en partie par le fait que la reconnaissance du génocide a d’importantes implications juridiques. Les États signataires de la Convention sur le génocide sont tenus de prévenir et de réprimer le génocide sur leur territoire, ainsi que de coopérer entre Etats ainsi qu’avec la Cour pénale internationale pour poursuivre et punir les auteurs présumés de génocide.

    Ainsi, si un État reconnaît la volonté génocidaire d’Israël, il serait de son devoir d’intervenir pour empêcher le massacre. À défaut d’appel à un #cessez-le-feu, le rappel au respect du droit international et l’exigence de « pauses humanitaires » voire un cessez-le-feu par les Etats-Unis ou la France peuvent aussi s’interpréter comme une prévention contre une éventuelle accusation de complicité…

    S’il faut être prudent sur la qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui, « assistons-nous à un nouveau génocide ? » et si la réponse est « peut-être », alors il est du devoir des États signataires de la Convention de prévention des génocides de tout faire pour empêcher que le pire advienne.

    https://blogs.mediapart.fr/collectif-chronik/blog/221123/gaza-les-hantises-du-genocide
    #mots #vocabulaire #terminologie #Israël #7_octobre_2023

  • Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/gerald-darmanin-maitre-des-tractations-pour-faire-voter-son-projet-de-loi-im

    Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
    Par Claire Gatinois et Julia Pascual
    PLe couvert a été mis pour deux. Ce mardi 14 novembre, place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, reçoit son « copain » Sacha Houlié à déjeuner. Devant le président de la commission des lois, figure de l’aile gauche de la Macronie, l’ancien des Républicains (LR) déroule sa stratégie pour faire adopter le projet de loi « immigration » à l’Assemblée nationale, dont l’examen doit démarrer le 11 décembre. (...)
    Cette performance a un prix. Gérald Darmanin a laissé les élus de droite durcir drastiquement le projet. Un « musée des horreurs », s’étrangle Sacha Houlié. L’article 3, permettant de régulariser de plein droit des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, a été abrogé, au profit d’un article moins-disant ; l’aide médicale d’Etat (AME), un panier de soins destinés aux immigrés sans papiers, a disparu, au profit d’une aide médicale d’urgence ; l’automaticité du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers a été supprimée ; le délit de séjour irrégulier a été rétabli ; le regroupement familial a été durci, de même que l’accès aux droits sociaux… Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, crie victoire. (...)
    La foire n’est pas terminée. Mais Gérald Darmanin compte déjà les « bouses ». Et calcule devant Sacha Houlié qu’au-delà des députés du camp présidentiel, les élus du groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qu’il traite soigneusement depuis des mois lors de déplacements en Corse et dans les outre-mer, voteront en faveur de « son » texte. Quinze députés LR lui seraient favorables. Avec les abstentions escomptées d’élus du Rassemblement national (RN) et de la droite, le texte peut passer sans 49.3 (cet article de la Constitution qui permet de faire adopter une loi sans vote), calcule le locataire de la place Beauvau, qui demande au député de la Vienne de ne pas prendre de positions contraires à la sienne lors des discussions au banc.
    Une semaine plus tôt, Sacha Houlié avait prévenu dans un entretien au Figaro que les députés Renaissance rétabliraient le texte initial du gouvernement, débarrassé de ses dérives droitières. Les suppressions de l’AME et du droit du sol, assimilées à des cavaliers législatifs, sont vouées à être censurées par le Conseil constitutionnel. Mais une partie du camp présidentiel tient à signifier sa désapprobation alors que, pendant les débats au Sénat, M. Darmanin a préféré éviter la confrontation sur le fond.(...)
    « Gérald a les clés », observe le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat. Lors d’un dîner à l’Elysée, le 7 novembre, M. Darmanin avait prévenu le chef de l’Etat devant la première ministre, Elisabeth Borne, qu’il comptait « co-construire » un texte avec les sénateurs, rappelant qu’à ses yeux, le pays penche à droite, et qu’il avait l’opinion publique avec lui. « O.K., on y va », lui répond Emmanuel Macron. Un peu plus tôt, le locataire de la place Beauvau avait aussi formulé devant la cheffe du gouvernement, des ministres et les présidents de groupe son espoir d’obtenir l’abstention des rangs du RN et de LR, sous la pression de leurs électorats. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, ancien socialiste, qui avait posé avec Gérald Darmanin pour mettre en scène une loi alliant fermeté et humanisme, ne sera pas au banc du Palais du Luxembourg.
    Seul en piste, le ministre de l’intérieur manœuvre. Mais au sein du gouvernement, l’extrême bienveillance dont l’ex-sarkozyste fait preuve vis-à-vis de la droite finit par agacer. La suppression de l’AME choque. D’autant que le ministre fait savoir qu’il y est favorable « à titre personnel » quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, et Elisabeth Borne disent publiquement leur opposition. Le locataire de la place Beauvau finit par tempérer sa position, mais seulement après avoir obtenu, début octobre, que Matignon lance une mission sur une réforme de l’AME. (...)
    Si le transfuge de la droite assure qu’il ne discute pas avec les élus RN, il a l’intuition que les 88 députés d’extrême droite ne s’opposeront pas au texte. « C’est compliqué pour le RN de voter contre », soupèse Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord. L’élue « darmaniste », qui a récemment débattu à la télévision avec des parlementaires lepénistes, comme les députés de l’Yonne Julien Odoul et du Pas-de-Calais Emmanuel Blairy, assure que, hors micro, elle ne ressent pas de virulence de ses collègues RN contre le texte. « Je ne vois pas ce qui leur fait penser » qu’on pourrait s’abstenir, s’étonne Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée, qui a toutefois remarqué une étonnante amabilité à son endroit. Lorsqu’il a tancé Elisabeth Borne, qui, le 18 octobre, déclenchait un nouveau 49.3 sur un texte budgétaire, en lui lançant un irrespectueux « Arrête ton bla-bla ! », l’élu d’extrême droite a, dit-il, reçu les louanges de députés Horizons et réputés proches du ministre de l’intérieur. « Gérald Darmanin est sans foi ni loi », peste Olivier Marleix, exaspéré par « la godille » du ministre. Un exercice vain, selon le patron des députés LR, à moins que la majorité présidentielle ne vote, lors de la niche parlementaire des Républicains, une réforme de la Constitution pour permettre un référendum sur l’immigration. « C’est donnant-donnant », dit-il sans grand espoir. A la fin, présage-t-il, la loi « immigration » aboutira par un 49.3, « et Gérald Darmanin essaiera de dire que c’est la méchante Borne qui le lui aura imposé ».
    Entré en politique à 16 ans, après avoir été sèchement recadré par un cadre du RPR qui signifie à ce petit-fils de harki qu’« on ne peut pas adhérer si on n’est pas français », Gérald Darmanin veut ce texte, qui doit sculpter son image d’autorité et répondre, selon les sondages qu’il scrute avec attention, à une demande des Français.
    Omniprésent dans les médias, Gérald Darmanin fait maintenant des « threads » (des fils) sur le réseau social X. Il déroule chaque jour la liste des étrangers expulsés : (...) Un compte rendu sans précédent, instauré quelques jours après l’attentat d’Arras, le 13 octobre, au cours duquel un jeune Russe radicalisé a mortellement poignardé un professeur de français. « Personne n’avait osé faire ça, remarque un préfet en poste. Mais il faut bien rassurer la population, sinon, elle va nous mettre Marine Le Pen au pouvoir. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#politiquemigratoire#immigration#AME#santeexpulsion#etranger#regularisation#naturalisation

  • Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/15/immigration-les-deputes-macronistes-tentes-de-detricoter-le-texte-du-senat_6

    Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
    Une partie des élus de la majorité est déterminée à rééquilibrer le projet de loi, nettement durci par les sénateurs de droite, lors de son examen en séance à l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre.
    Par Mariama Darame
    Quelques heures avant l’adoption du projet de loi « immigration » par le Sénat, mardi 14 novembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, esquissait déjà la ligne de conduite de son camp à l’égard d’un texte considérablement durci par la majorité sénatoriale, dominée par la droite : « Bien sûr que [nos députés] auront à cœur de revenir sur un certain nombre de dispositions introduites par les sénateurs », a-t-il affirmé sur France Inter.
    Quotas migratoires, restriction des modalités du regroupement familial, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’une aide médicale d’urgence (AMU), délit de séjour irrégulier… La droite sénatoriale et son allié centriste ont profondément transformé le texte du gouvernement – passé de 27 articles à près d’une centaine –, souvent avec la bienveillance du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Au point que les sénateurs Les Républicains (LR) considèrent désormais que le projet de loi est devenu le leur.
    Une « provocation » aux yeux des députés macronistes, soucieux de rééquilibrer le texte. Alors qu’il doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 27 novembre en commission des lois, puis le 11 décembre en séance, une partie d’entre eux sont tentés de défaire l’œuvre du Sénat. (...) Mais comme souvent, les visions divergent au sein de la majorité à l’Assemblée nationale sur l’ampleur des modifications à apporter.
    L’article 3, qui visait à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, sera au cœur des débats au Palais-Bourbon. Mardi, le ministre de l’intérieur a convié à déjeuner le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, Sacha Houlié. Le premier a rappelé au second sa volonté de revenir sur la suppression de cet article. Au Sénat, cette disposition décriée par la droite a été remplacée par une mesure de régularisation dans ces métiers en tension à la seule discrétion du préfet, durcissant ainsi la circulaire en vigueur.
    (...) Face à Sacha Houlié, figure de proue de l’aile gauche macroniste, M. Darmanin a soutenu le rétablissement de l’article 4, également supprimé par la majorité sénatoriale, permettant à certains demandeurs d’asile d’accéder dès leur arrivée au marché du travail. Le ministre de l’intérieur a aussi reconnu que de nombreuses mesures introduites au Sénat étaient irrecevables car sans lien direct ou indirect avec le texte. De quoi offrir des garanties suffisantes à son aile gauche pour éviter tout désaveu dans l’Hémicycle ? « La majorité ne doit pas tomber dans le piège de ne vouloir que se contenter de corriger le texte du Sénat. Il reste des améliorations à apporter au texte initial », considère Stella Dupont qui compte encore sur le soutien d’une partie de la gauche pour les faire voter.
    #Devant ces positions affirmées, Gérald Darmanin n’a pas renoncé à obtenir l’abstention d’élus LR, voire le soutien d’une poignée de députés de droite conciliants avec la ligne du gouvernement pour faire adopter son texte. Or, chez les députés macronistes, la défiance demeure à l’égard des LR, jugés peu fiables. « Vaut-il mieux un mauvais texte voté par une majorité construite avec la droite ou un bon texte adopté grâce à un 49.3 ? », estime le député MoDem du Finistère, Erwan Balanant. Avant de résumer : « C’est l’équation politique insoluble pour Gérald Darmanin. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#assembleenationale#loimigration#AME#titredesejour#regularisation#politiquemigratoire#sante

  • Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-

    Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
    Par Julia Pascual
    Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
    Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
    Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
    Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
    « Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
    Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
    Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
    « Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
    Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
    « C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
    Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
    « L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire

  • Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-

    Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
    Par Julia Pascual
    Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
    Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
    Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
    Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
    « Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
    Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
    Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
    « Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
    Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
    « C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
    Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
    « L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.

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  • « La #France nous a abandonnés, les bourreaux nous ont exécutés »

    En avril 1994, Gaudence Mukamurenzi et trois membres de sa famille sont assassinés par des génocidaires rwandais. Cette secrétaire de l’#ambassade de France à Kigali aurait pourtant pu être secourue par les militaires français. Deux de ses enfants rescapés témoignent pour la première fois.

    Au sortir des années 1970, Gaudence Mukamurenzi et Phocas Munyawera s’étaient installés dans une grande maison, à Nyakabanda, un quartier familial de l’ouest de Kigali, la capitale du Rwanda. Pour entrer dans le domicile, légèrement surélevé par rapport à la rue, il fallait ouvrir un portail, remonter un jardinet, au centre duquel trônait un avocatier, et passer par une petite terrasse. Une porte-fenêtre permettait d’accéder au salon. Dans son prolongement, la grande salle à manger précédait une cuisine. Au bout de celle-ci, un couloir desservait quatre chambres. Gaudence et Phocas occupaient la première, à droite. Les autres accueillaient leurs enfants : Josine, la plus grande, née en 1976, Nadine, arrivée deux ans plus tard, Patrick, né en 1983, et Aline, la petite dernière, née en 1989.

    À l’arrière de la maison, il y avait un grand jardin avec deux dépendances pour recevoir les invités. Dans un coin trônait une vieille Peugeot 504 hors d’état de marche. Sur la gauche, accolée à la maison, une autre grande chambre, indépendante, était occupée par Claude, le fils de Phocas issu d’une première union, et Mourani, le demi-frère cadet de Phocas. Dans les faits, Mourani, né en 1981, était l’oncle des enfants. Mais, de par sa proximité d’âge avec la fratrie, tout le monde le considérait plutôt comme un cousin. Juste à côté, une autre pièce permettait de stocker les provisions de la maison. Au bout du jardin, il y avait une butte en haut de laquelle se trouvait un potager et une petite bananeraie.

    Gaudence était secrétaire à l’ambassade de France, tandis que Phocas était comptable dans une entreprise de construction. Elle, grande et longiligne, le visage fin avec de grands yeux en amande, les cheveux mi-nuque, légèrement tirés vers l’arrière, aimait les longues robes colorées à motifs. Lui, au physique trapu, portait des chemisettes impeccables boutonnées presque jusqu’au cou. Une agrafe de stylo dépassait toujours de sa poche. Il avait le visage plutôt rond, les cheveux très courts, une petite moustache et des rouflaquettes bien taillées. Le père de famille aimait beaucoup recevoir. Il avait construit un petit bar dans le prolongement du mur d’enceinte en brique. Une ouverture donnait sur la rue, et une petite porte, à l’arrière, permettait d’y accéder directement depuis le jardinet. C’est dans ce maquis bien tenu que les amis du quartier se retrouvaient le soir pour boire quelques bières et écouter la radio.
    Des séquelles physiques et psychologiques

    « C’était le “bar du vieux” », se remémore Aline. La famille vivait confortablement. Des employés de maison s’occupaient des tâches quotidiennes. Si bien que, se souvient Patrick, « tous les moments que nous passions ensemble étaient doux et heureux, je ne me souviens pas avoir entendu maman se mettre en colère après nous ». Quand Gaudence rentrait d’une réception à l’ambassade, elle rapportait des gâteaux. « Elle me demandait d’aller lui chercher une bière, et on dégustait ça tous les deux sur la terrasse, c’était chouette », poursuit-il.

    Aline et Patrick habitent aujourd’hui à Charleroi, en Belgique. À 34 ans, la cadette de la famille attend son deuxième enfant. Patrick, tout juste 40 ans, est le père d’un garçon de 12 ans et d’une fille de 11 ans. Tous les deux ont longuement hésité avant d’accepter de raconter, pour la première fois, le destin de leur famille qui a tragiquement basculé au lendemain de l’attentat contre l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Le génocide qui a suivi a fait au moins 800 000 morts en trois mois, parmi lesquels quatre membres de la famille Munyawera : Phocas, Gaudence, Josine et Mourani.

    Leur histoire ressemble à celles de nombreux rescapés. L’horreur qu’ils ont vécue a laissé des séquelles physiques et psychologiques profondes. Mais, ce que ne comprennent toujours pas Aline et Patrick, ce qui les obsède depuis bientôt trente ans, c’est la raison pour laquelle la France, pour qui travaillait leur mère, n’a pas daigné venir les secourir alors qu’elle était en capacité de le faire et alors que leur oncle, Pierre Nsanzimana, également employé par l’ambassade de France, au sein du service des états civils du consulat, a, lui, été évacué au Burundi par l’armée française, déployée à Kigali du 8 au 14 avril 1994 dans le cadre de l’opération Amaryllis.

    « Nous étions voisins. Tous les matins, notre mère nous emmenait à l’école, et, le soir, nous étions accueillis chez eux quand elle ne pouvait pas nous récupérer », raconte Patrick. Gaudence était la petite sœur de Thérèse, la femme de Pierre. « Elles étaient très proches », ajoute Aline. Après les « événements », Pierre et Thérèse les ont adoptés. L’oncle et la tante ont gardé pour eux ce qu’ils savaient des parents d’Aline et Patrick. Ils ont rarement évoqué les circonstances de leur sauvetage. « Par pudeur, nous avons posé peu de questions. Thérèse a été très marquée par le génocide », estiment Aline et Patrick. Eux-mêmes ont reconstruit leur vie en enfouissant les détails de ces journées dramatiques. Pourtant, tout est là.
    « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! »

    Mercredi 6 avril 1994. Depuis plusieurs semaines, Kigali est en ébullition. Les accords de paix d’Arusha, signés moins d’un an plus tôt par le Front patriotique rwandais (FPR, né en Ouganda à la suite de l’exil de centaines de milliers de Tutsis) et par les autorités rwandaises patinent. Depuis 1990, le FPR tente, armes à la main, de renverser le régime extrémiste hutu d’Habyarimana. La constitution d’un gouvernement de transition, incluant des membres du FPR, prévue dans les accords d’Arusha, est constamment repoussée. Dans le « bar du vieux », les familles tutsies du quartier se réunissent le soir pour écouter Radio Muhabura, la radio du FPR. Plus les jours passent, plus elles sont inquiètes. Une voisine hutue a pris l’habitude de passer devant la maison des Munyawera en criant : « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! », tout en brandissant une bible. Les Tutsis, considérés comme des alliés du FPR, ont en mémoire les pogroms de 1959 (année où nombre d’entre eux se sont exilés dans les pays voisins), de 1962 et de 1990 (après une offensive du FPR). Elles craignent le pire et commencent à entasser des pierres dans leur jardin pour se protéger en cas d’attaque.

    L’avion du président rwandais – qui transportait aussi le président burundais, Cyprien Ntaryamira, plusieurs officiels des deux pays, et trois membres d’équipage français – est abattu au-dessus de Kigali, lors de sa phase d’atterrissage, vers 20 h 30, dans la soirée du 6 avril. Par qui ? À ce jour, aucune enquête n’a pu le déterminer avec certitude
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    . Juvénal Habyarimana rentrait d’une rencontre à Dar es-Salaam, en Tanzanie, où il venait de s’engager, à nouveau, à mettre en place ce fameux gouvernement de transition.

    Dans la nuit, Josine et Nadine, les deux grandes sœurs, se ruent dans la chambre de Patrick. « N’as-tu pas entendu ? Le président est mort ! », lui lancent-t-elles, alors qu’il ouvre à peine les yeux. Depuis la fenêtre de sa chambre, tous les trois assistent à l’embrasement du quartier. « On s’est dit que ça allait passer », confie-t-il. Le lendemain matin, le 7 avril, le bar de Phocas est pillé. Dans la maison, c’est la panique. Le père de famille décide d’aller porter plainte à la gendarmerie la plus proche. Claude, son fils issu d’une précédente union, l’accompagne. Gaudence intime aux autres enfants d’enfiler « le plus de vêtements possible » et de se tenir prêts. Vers 11 heures, « on a entendu des coups contre le portail. Il a fini par céder et on a vu une foule déferler… Maman, Nadine, Aline, Mourani et moi avons fui par l’arrière », raconte Patrick. La famille monte la butte et se dissimule dans la bananeraie. La maison est saccagée.
    « Notre voisine s’est acharnée sur le corps de papa »

    Selon le récit de Claude, qu’il a confié plus tard à ses frères et sœurs (il n’a pas souhaité témoigner), il serait revenu avec son père au domicile, accompagnés de militaires censés constater les dégâts. Face à la situation, Phocas aurait décidé de réunir les passeports de la famille quand ils auraient été pris à partie par les Interahamwe, ces milices civiles armées qui sillonnaient la ville à la recherche de leurs victimes. Claude a réussi à se cacher mais pas son père, qui a été assassiné. Qui l’a tué ? « Claude nous a juste raconté, bien plus tard, que la voisine qui brandissait sa bible s’est acharnée sur son corps, hurlant que ça aurait dû être à elle de le tuer… » Ils ne reverront plus Claude, et, pendant plusieurs mois, ils le croiront mort.

    Après la bananeraie, se trouve le jardin d’un couple dont le mari est un footballeur assez connu, Ibrahim Marizuku. Il évoluait au Kiyovu Sports Association. Lui est absent mais sa femme décide de les cacher dans une annexe de la propriété qui leur sert de débarras. En fin d’après-midi, tous les cinq s’installent sommairement au fond de la pièce, derrière une grande penderie. Patrick se rappelle que c’est la femme de Marizuku qui leur a appris la mort de leur père. Commencent alors de longues journées d’attente, ponctuées par les repas que leur apporte la voisine. À chaque fois, il faut tirer le meuble, puis le repousser. La nuit, ils s’autorisent une sortie discrète pour leurs besoins et la toilette. Une petite radio leur permet de s’informer.

    À une centaine de mètres de là, Pierre Nsanzimana, son épouse Thérèse leurs trois enfants ont également dû quitter leur domicile. Pierre est décédé en 2022 mais son fils, Étienne, 18 ans à l’époque, qui vit aujourd’hui à Paris, a accepté de raconter cet épisode, tel qu’il s’en souvient.

    Dès le matin du 7 avril, leur résidence – une grande propriété, avec des dépendances dans lesquelles logeaient d’autres Tutsis – est prise d’assaut par les Interahamwe. Thérèse ordonne aux enfants de se munir de vêtements chauds. Elle s’occupe de récupérer les passeports, tout l’argent liquide disponible et les albums photos. Pierre, un érudit passionné de lecture, s’affaire à prendre un maximum de livres quand sa femme l’interrompt brusquement : « Que vas-tu faire de ces livres ? On n’a pas le temps, on prend l’essentiel ! Et, si nous survivons, tu pourras retrouver tes livres. » À la maison, il y avait aussi le frère de Thérèse, Claver Karuranga, ses trois fils, et deux autres cousines. Tous avaient dû fuir leur domicile.

    Hussein, un voisin musulman d’un certain âge, réserviste des Forces armées rwandaises (FAR) et dont la maison est accessible par un petit chemin, accueille chez lui Pierre, Étienne et ses sœurs, ainsi que les cousines. « Moi et mon père, nous étions dans la cuisine, je me souviens encore du tas de charbon. Mes sœurs et mes cousines étaient installées dans une autre pièce. Ma mère, son frère et ses enfants ont été cachés chez un autre voisin hutu, dont la maison touchait celle d’Hussein », poursuit Étienne.
    « Mais non, on n’est pas encore morts ! »

    La Radio-Télévision libre des Milles Collines (RTLM), véritable outil de propagande des extrémistes hutus financé par l’homme d’affaires Félicien Kabuga
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    , déverse son lot de haine et diffuse des listes de noms de Tutsis à retrouver en priorité. Pierre figure sur une de ces listes. « Il était activement recherché… La situation devenait compliquée et dangereuse pour Hussein. Nous avons voulu rejoindre le collège Saint-André, à Nyamirambo [un district en périphérie de Kigali, NDLR], où, nous disait-on, d’autres Tutsis avaient trouvé refuge. Hussein a dit qu’il ne laisserait personne sortir de chez lui et qu’il garantirait notre protection », témoigne Étienne. Ce refus leur a probablement sauvé la vie : le 13 avril, presque tous les réfugiés qui se trouvaient au collège Saint-André ont été massacrés
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    Un soir où Étienne et son père se débarbouillent dehors, ils entendent une sonnerie dans la maison. À l’époque, les Rwandais possédant un téléphone sont peu nombreux. « Après négociation, Hussein a autorisé mon père à téléphoner… Il a donc joint l’ambassade, on devait être le 10 avril », se remémore-t-il.

    Selon Étienne, Pierre finit par parler à « un colonel qu’il connaissait bien pour l’avoir aidé dans ses démarches d’adoption ». Son nom ? Il ne s’en souvient pas. Au téléphone, le militaire français se serait dit surpris qu’il soit encore vivant. « Mon père a alors dit : “Mais non, mais non, on n’est pas encore morts !” » Son interlocuteur lui aurait promis d’envoyer une escorte militaire pour les sortir de ce guêpier. « Comment ? », s’enquiert Pierre. L’officier lui aurait proposé de donner sa localisation à des gendarmes rwandais pour qu’ils viennent les récupérer. « Mon père a sursauté, se souvient Étienne, il leur a répondu de ne surtout pas dire aux gendarmes qui ils allaient chercher et que ce n’était pas la bonne solution. » Les militaires rwandais, qu’ils soient gendarmes ou des FAR, ont participé activement aux massacres. Finalement, Pierre et son interlocuteur conviennent d’un autre plan : l’une des filles d’Hussein devrait aller se poster à un endroit précis du quartier où la rejoindrait une escorte militaire française.

    Dans la nuit du 8 au 9 avril 1994, les premiers militaires français de l’opération Amaryllis, dont la mission est d’évacuer les ressortissants français, ont pris possession de l’aéroport de Kigali. En fin d’après-midi, la première rotation vers l’étranger emporte 44 Français et 12 Rwandais, tous membres de la famille du président Habyarimana, dont sa veuve, Agathe Kanziga. C’est un camion bâché escorté par deux jeeps et conduits par des soldats de cette opération qui se sont chargés d’aller récupérer Pierre Nsanzimana et sa famille, le lendemain de l’échange téléphonique, le 11 avril. Toujours selon le témoignage d’Étienne, « les militaires ont retrouvé la fille d’Hussein qui les a guidés vers l’arrière de la maison, par un chemin a priori discret ». Une fois l’accès entre la maison et le convoi sécurisé, toute la famille de Pierre se presse vers le camion. « En fait, tout autour, il y avait des Interahamwe qui enrageaient. Ils avaient les yeux exorbités, injectés de sang. Pour eux, nous étions des trophées, et ils ne comprenaient pas comment l’armée française pouvait les priver de ça, se rappelle Étienne, encore choqué presque trente ans après. Il faudra que mon père et ma mère négocient dur pour que les autres membres de la famille puissent aussi monter avec nous. Un soldat lui a dit que leur mission était de sauver uniquement mon père, sa femme et ses enfants… Finalement, ils ont cédé. »
    « Il a éclairé nos visages, un par un »

    Non loin de là, à quelques centaines de mètres (« cent-cinquante mètres tout au plus », juge Étienne), sont toujours cachés dans l’angoisse Gaudence, ses filles Nadine et Aline, son fils Patrick et leur oncle Mourani. Pierre ne sait pas s’ils sont encore chez eux mais, avant de monter dans le camion d’Amaryllis, il demande aux soldats français d’aller chercher la petite sœur de sa femme. C’est du moins ce qu’affirme Étienne : « Il a eu beau insister, ils lui ont dit : “Venez avec nous à l’École française [le point de regroupement des ressortissants français, NDLR], ensuite vous demanderez à notre responsable et on reviendra”. » À l’École française, Étienne assure que son père est resté posté devant le portail et a insisté pour qu’un convoi reparte chercher Gaudence. « Un commandant a fini par lui dire que le FPR n’était pas loin et qu’il fallait qu’ils se préparent au combat. Voilà ce qu’il lui a répondu. Après ça, j’ai vu ma mère s’éteindre. » Le 12 avril, Pierre, Thérèse, Liliane, Pascaline, Étienne s’envoleront finalement vers le Burundi.

    Pendant ce temps, Gaudence et ses enfants survivent tant bien que mal. Combien de temps restent-ils dissimulés dans le débarras de Marizuku ? Difficile à dire mais, un jour, « la voisine est venue nous avertir que les Interahamwe savaient où nous étions et qu’il fallait qu’on parte, poursuit Patrick. On a fui la nuit. Nous avons traversé un champ. Des Interahamwe passaient avec des torches, on se couchait, puis on repartait. On a finalement pu se réfugier dans un autre local, mais on a vite su qu’on nous avait repérés, alors nous sommes retournés chez Marizuku. » L’étau se resserre jusqu’à ce qu’un groupe d’hommes finisse par exiger de leur voisine de pouvoir fouiller l’annexe dans laquelle se terre la famille. « Elle avait dévissé l’ampoule pour qu’ils ne puissent pas allumer et nous voir. Elle leur a montré l’intérieur et leur a dit : “Vous voyez, il n’y a personne !” Mais l’armoire n’avait pas été repoussée correctement et un homme est revenu avec une torche et nous a “torché” tous, un par un. On était tétanisés, paniqués. » Aline : « Ça, la torche dans les visages, je m’en souviens très bien. » Mais l’homme repart, sans un mot.

    C’est ce même soir, estime Patrick, que la nouvelle de l’évacuation de Pierre Nsanzimana est diffusée par la RTLM. « Nous avons entendu son nom. Les animateurs ont expliqué que toute la famille avait été évacuée par la France. Alors, il y a eu une sorte de soulagement. Ma mère était persuadée que nous serions les prochains. » Cette information a-t-elle été diffusée avant ou après le départ d’Amaryllis, le 14 avril ? Patrick ne sait pas. Quoi qu’il en soit, les militaires français savaient exactement où logeait la famille de Gaudence, et, depuis le 11 avril, deux télégrammes arrivés de Paris avaient élargi les évacuations aux employés locaux. Le premier avait été adressé en fin d’après-midi à l’ambassade de France et précisait « qu’il convient d’offrir aux ressortissants rwandais faisant partie du personnel de l’ambassade (recrutés locaux), pouvant être joints, la possibilité de quitter Kigali ». Le second avait été adressé en soirée au commandement d’Amaryllis et autorisait à « accélérer l’évacuation des ressortissants étrangers et des personnels de l’ambassade ». Mais personne n’a tenté de retrouver Gaudence et ses enfants.
    « Maman nous a dit de prier »

    « Maintenant que les Interahamwe savaient où nous étions cachés, la voisine a cherché à nous changer d’endroit, poursuit Patrick. Elle et son mari avaient logé deux autres familles tutsies dans deux dépendances, qui avaient fini par partir. Elle nous a donc logés dans une de ces annexes, en disant : “S’ils reviennent vous chercher, je dirai que la famille est partie avec la clé.” Il y avait un salon avec deux chambres, on s’est mis dans la dernière, tout au fond, et on a fermé la porte. » Ils y passent la nuit et, le lendemain matin, reprend Patrick, « on a entendu une foule qui arrivait ».

    La voisine a eu beau essayer de détourner leur attention, en leur disant qu’il n’y avait personne, « on a entendu la première porte se faire fracasser », continue Patrick. « Puis, ils ont cassé la porte de la première chambre. Maman nous a dit de prier. » Aline reprend le récit, la voix tremblante : « Je me souviens bien de ça. Je crois aussi que maman nous a fait : “Chut ! Taisez-vous !” Puis ils ont frappé fort contre notre porte et hurlé : “Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte ou on balance une grenade !” Et, là, maman a ouvert la porte… Ils l’ont attrapée par les cheveux et l’ont traînée vers l’extérieur… Elle portait un long pagne coloré… Je ne me souviens plus de la couleur. Ils lui ont donné un coup sur la tête. Le sang a coulé. » « Avec Mourani, on était encore cachés sous le lit, ajoute Patrick. Ils sont venus nous tirer de là et, dehors, j’ai vu le sang sur le visage de maman. »

    Patrick, 11 ans à l’époque, s’est alors jeté contre les agresseurs de sa mère. « Mais l’un d’eux m’a pris par les pieds et m’a jeté contre le mur. » « Il y a tous les copains du quartier qui nous frappaient et nous disaient : “On vous cherche depuis longtemps !” » Alors que les Interahamwe alignent la famille, mains sur la tête, et l’emmènent sur la route, un peu en contre-haut, Aline réussit à s’enfuir. « Je crois que le sang sur le visage de maman a déclenché un instinct de survie, j’ai pris mes jambes à mon cou, puis je ne me souviens plus de grand-chose, je n’ai que des flashs. » Patrick se souvient bien avoir vu sa sœur courir et entendre leurs bourreaux s’exclamer : « Laissez-là, vu son gabarit elle ne survivra pas, ou quelqu’un d’autre s’en chargera ! » Mourani, 13 ans, tente lui aussi de s’échapper, mais un milicien tire dans sa direction et lui crie : « Si tu essaies encore de fuir, je te mets une balle dans la tête. »

    Gaudence, Patrick, Josine, Nadine et Mourani sont exhibés dans le quartier. « Il y avait les deux fils de la voisine, celle qui nous menaçait avec sa bible et qui s’est acharnée sur papa… Les insultes fusaient. » Sur la route, ils assistent à l’exécution de « la plus jolie fille du quartier », ajoute Patrick : « Un Interahamwe lui a dit : “Viens avec moi, je t’épouse”, et elle lui a répondu : “Je préfère que tu me tues, même pas dans tes rêves je t’épouserai !” Elle était très courageuse. Il lui a dit de se mettre à genou, elle a refusé… » Puis ils sont conduits sur une grande route où, explique Patrick, « c’était plus simple de faire venir les camions-bennes pour évacuer les corps ». « Une fois arrivés, ils nous ont demandé de nous coucher ventre à terre, le long d’un fossé, et ils ont commencé à nous tirer dessus avec des petits fusils automatiques. » La date où c’est arrivé est restée gravée dans la mémoire de Patrick : « C’était le mardi 19 avril 1994. »
    La danse macabre du camion-benne

    À côté de Patrick, sa mère meurt sur le coup. « J’ai vu son sang couler sur la terre. Je me suis dit que, maman, c’est fini. » Mourani et Josine également. Nadine bouge encore. Alors, les Interahamwe s’acharnent sur elle. Elle reçoit sept balles. Une balle a traversé le torse de Patrick, elle est passée à quelques centimètres de son cœur. « J’étais vivant, souffle-t-il. À ce moment, pour moi, personne n’a survécu, alors j’ai fait le mort. » Puis démarre la danse macabre du camion-benne. « On nous a jetés dedans. Par miracle, je me suis retrouvé sur le dessus. Quand le camion a redémarré, j’ai pu me redresser. »

    Mais certains de ses jeunes bourreaux s’en rendent compte. Ils interpellent le chauffeur, qui arrête le camion et dépose Patrick au milieu de la route. « Ils sont partis chercher des Interahamwe plus âgés. Je me suis traîné jusqu’au bord de la route, je n’arrivais pas à me lever. Il allait pleuvoir, j’ai imaginé me laisser porter par les flots dans le fossé… Mais je les ai entendus revenir, ils criaient : “Il y en a un qui est encore vivant !” Je me suis couché et j’ai de nouveau fait le mort. Ils m’ont donné des coups de pied, ils m’ont craché dessus, et l’un d’entre eux a dit : “Il est mort, on ne va pas gaspiller une balle pour lui”. » Patrick réussit ensuite à atteindre un petit abri.

    Un habitant du quartier, un Hutu musulman nommé Chali, qui connaissait bien Gaudence, tombe sur lui. « Il était paniqué… Il m’a apporté un thé avec un beignet. J’ai cru qu’il allait m’achever. Il est parti chercher un militaire pour m’emmener à l’hôpital… À nouveau, je me suis dit : “C’est fini”. » Chali arrête un pick-up. Un militaire en sort et s’exclame : « Mais on avait dit pas les civils, pas les enfants ! » Patrick reprend : « Il m’a mis à l’arrière de son pick-up où il y avait un autre corps. C’était celui d’une maîtresse du quartier. On lui avait tiré plusieurs fois dessus. Il y avait du sang partout. Le militaire conduisait vite. Je me suis accroché. Il y avait des dos d’âne et, à chacun d’eux, la tête de la maîtresse se soulevait et retombait lourdement sur la tôle. Il m’a déposé au CHUK [Centre hospitalier universitaire de Kigali] où j’ai été pris en charge. Le spectacle était catastrophique : il y avait des blessés partout, des enfants, les gens mouraient… Ils ont découpé mon tee-shirt, m’ont donné du sérum et de l’oxygène... »

    Il s’interrompt. « Je me suis allongé et je me suis mis à pleurer. À ce moment, j’ai réalisé ce qui venait de se passer. Autour de moi c’était pire : il y avait des enfants plus jeunes que moi, la tête à moitié arrachée, les bras… C’était l’enfer total. » Il pense être resté dans un état de semi-conscience environ deux ou trois semaines.
    « J’étais la petite esclave de la maison »

    Les flashs d’Aline permettent de retracer brièvement son histoire. Une vie parallèle à celle de son frère. Durant cette discussion de plusieurs heures, dans l’appartement d’Aline, à Charleroi, chacun découvre des détails qu’il ignorait de l’autre. Elle s’adresse à Patrick : « Tu nous avais raconté brièvement cette histoire mais je ne savais pas tout... » Après sa fuite, la jeune mère de famille se rappelle « avoir frappé à plusieurs portes jusqu’à ce qu’on [lui] ouvre. » « Puis, c’est le trou noir. Je ne me souviens pas combien de temps je suis restée chez les gens qui m’ont cachée... » Plusieurs fois, leur récit bute sur des périodes plus opaques que d’autres. Ces zones d’ombre correspondent bien souvent à des moments plus calmes : tandis qu’ils se rappellent avec précision de la fuite, des agressions, des angoisses liées à la traque, dès qu’ils se retrouvent dans une situation plus « sécurisée », les repères temporels et les détails disparaissent. Durant ces moments d’apaisement, les corps et les esprits se relâchent.

    « Ensuite, je me vois sur une route avec beaucoup de monde, reprend Aline. Je suis avec une dame, on me porte sur les épaules, j’étais si petite… » Cette marche au milieu d’un flot de réfugiés dure longtemps, dit-elle, jusqu’à la frontière avec le Zaïre (l’actuelle République démocratique du Congo, RDC). « Je crois que je suis d’abord accueillie chez une femme qui avait encore deux enfants en bas âge. Elle m’a donc confiée à une autre famille. C’était une petite maison, assez sale. Je revois la porte s’ouvrir, il y avait surtout des hommes. Elle leur a dit qu’elle ne pouvait pas s’occuper de moi, et m’a laissée chez eux. »

    Elle est à Bukavu, à la frontière, au sud du lac Kivu. Elle dit être devenue « la petite esclave de la maison ». « Je dormais par terre, sur un bout de tissu. Je ressens encore les morsures de ces grosses fourmis rouges qui rentraient la nuit. Les enfants de la maison vivaient plutôt bien mais, moi, je mangeais peu. On m’envoyait chercher des cigarettes en pleine nuit. Le matin, on me réveillait pour aller chercher de l’eau… La femme, je la vois comme une sorcière. Quand son mari était là, elle s’adoucissait un peu. Je me rappelle une scène très précise dans laquelle je cherche la cuisine dans l’obscurité et je vole une boule de riz pour manger. » Son calvaire va durer plus de deux ans. Et, pour en connaître le dénouement, il faut laisser Aline dans cette famille congolaise et écouter de nouveau le récit de Patrick.
    En volant ses bracelets, il a senti son pouls

    « À l’hôpital [de Kigali], je vois des visages qui passent devant moi, c’est assez flou. J’étais dans un mauvais état, à cause de ma blessure. Et je mangeais peu. » Un jour, il croit voir sa grande sœur, Nadine. « Je me suis dit que j’avais eu une hallucination. Pour moi, elle était morte. » En fait, Nadine, malgré ses blessures, s’en est sortie. Aujourd’hui, la grande sœur habite également à Charleroi. Elle n’a pas souhaité se joindre à la réunion pour raconter son histoire mais, avec son autorisation, il est possible de la reconstituer brièvement, grâce aux témoignages de Patrick et de son cousin Étienne, à qui elle s’est parfois confiée. Ainsi, lorsque le camion-benne qui transportait toute la famille est arrivé à la fosse commune, l’un des hommes chargés d’enterrer les corps a senti le pouls de Nadine en lui volant ses bracelets en ivoire. Pour une raison mystérieuse, il n’a rien dit et l’a conduite dans le même hôpital que Patrick, où elle s’est remise de ses blessures.

    « Nadine est quelqu’un de très fort… Malgré les sept balles, elle était debout quelques semaines après son hospitalisation », ajoute Patrick. Lui et Aline décrivent leur grande sœur comme une personne « très sociable », et qui a une certaine « clairvoyance », qui lui permet de réagir rapidement dans des situations d’urgence. Aline me montre un photo-montage : à droite il y a Nadine, photographiée il y a quelques années, et à gauche, il y a Gaudence. « Sur cette photo, elles ont à peu près le même âge, une quarantaine d’années. Elles se ressemblent tellement », soupire Aline. À l’hôpital, « elle s’était fait des amis parmi les soignants et parmi les militaires, ajoute son frère. Si bien que, quand les soldats allaient piller les maisons, ils lui ramenaient de la nourriture. C’est à partir de ce moment que j’ai recommencé à m’alimenter, et à me rétablir. »

    Le jour, Nadine s’occupe de son frère, veille à ce que les infirmières le soignent correctement. Elle-même continue de recevoir des soins. La nuit, ils dorment côte à côte. Lorsqu’il y a des suspicions sur leur origine, Nadine explique que son père est un Hutu qui a été assassiné injustement. « Plus tard, elle nous a montré comment elle fronçait son visage pour grossir son nez », ajoute Aline. Le physique était un critère pour affirmer qu’untel ou untel était tutsi. Sous couvert d’études scientifiques, les colons belges étaient persuadés que les Tutsis étaient grands, longilignes et avaient, notamment, le nez plus fin que celui des Hutus. Cette idéologie raciste a été soutenue par les extrémistes hutus.

    L’accalmie à l’hôpital fut de courte durée. « Au bout de trois ou quatre semaines, je commençais à aller mieux, poursuit Patrick. Mais, dans notre quartier, le bruit a couru que nous étions vivants. La voisine, celle qui nous menaçait en brandissant la bible, a envoyé ses fils à l’hôpital pour vérifier l’information. » Jusqu’au jour où un militaire vient les prévenir. Il leur dit que leurs bourreaux viendront les chercher le lendemain, comme d’autres Tutsis avaient déjà été sortis de force de l’hôpital et exécutés à l’extérieur. Il fallait à nouveau fuir. Mais où ?
    Il fallait fuir, encore une fois

    « Nadine a pensé à Pierre-Célestin Rwigema, le parrain de Josine, notre sœur ainée. C’était un ami très proche de papa. Sa femme était infirmière dans notre hôpital… Lui était hutu, elle était tutsie, mais on la laissait tranquille puisqu’elle soignait les gens », explique Patrick. Nadine retrouve l’infirmière, et ensemble elles organisent leur départ. Le militaire qui les avait avertis accepte de les emmener chez ce parrain. Ils passent de nombreux barrages avant d’arriver à destination, enfin. « On a ressenti un soulagement. Sa femme étant infirmière, elle a continué à nous soigner. » Ce n’est pourtant pas la fin du calvaire.

    Leurs bourreaux sont arrivés à l’hôpital. Constatant leur départ, ils sont repartis à leur recherche. « Cette voisine ne voulait pas nous lâcher, ils sont venus jusque chez notre parrain. » Devant la maison de Pierre-Célestin, ils font sortir tout le monde, et interrogent le père de famille qui leur indique que tous, sans exception, sont ses enfants. « Mais les fils de notre voisine nous avaient reconnus, évidemment. L’un des hommes a saisi Nadine pour l’emmener à l’abri des regards. Il a sorti un pistolet. Elle a crié. Le domestique est arrivé et l’homme est parti. Ils ont tous rebroussé chemin en disant qu’ils allaient revenir avec un blindé pour détruire la maison. » Il fallait fuir, encore.

    Ils se répartissent dans les deux véhicules que possède Pierre-Célestin Rwigema. Au milieu de ses enfants, Nadine et Patrick passent presque inaperçus aux barrières dressées par les miliciens, qui procèdent à des contrôles d’identité et à un tri ethnique. Beaucoup de massacres ont eu lieu sur ces barrages, parfois sur un simple critère physique. Mais l’un d’eux finit par suspecter la présence de « cafards », le terme utilisé par les tueurs pour désigner les Tutsis – « il a dit : “Je pense qu’il y a des cafards dans ce véhicule” », raconte Patrick. Il fait descendre tout le monde sur la route. Après discussions, tout le monde repart, mais à pied. « On est retournés à la maison, Nadine est revenue aussi avec les autres, un peu plus tard… On était au point de départ, mais sans voiture. » Leur hôte a finalement sollicité un autre ami, un gradé de l’armée, afin qu’il les sorte de ce mauvais pas. S’il a fallu négocier lors d’un contrôle, le statut du chauffeur a permis de passer les barrières sans trop de difficulté, jusqu’à l’Hôtel des Mille Collines. Là, c’est à nouveau le soulagement.

    Dès le début des massacres, de nombreux Kigalois se sont réfugiés dans cet hôtel de luxe qui appartenait à la compagnie aérienne belge Sabena. Postés devant l’hôtel, des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar) dissuadent les militaires et les miliciens d’y pénétrer. Plus de 1 200 personnes s’y sont réfugiées durant le génocide, dormant dans les 113 chambres, dans les couloirs ou au bord de la piscine, qui a servi de réservoir d’eau quand celle-ci ne coulait plus des robinets. L’histoire de cet hôtel a fait l’objet d’un film réalisé par Terry George, Hôtel Rwanda (2004). Cette œuvre a suscité la controverse : les faits auraient été enjolivés par le « héros » du film, le directeur de l’hôtel, Paul Rusesabagina. L’hôtel a bien sauvé des vies, mais il aurait aussi permis à son gérant de s’enrichir – c’est du moins l’avis de nombreux rescapés
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    Évacués vers un camp du FPR

    Malgré les difficultés quotidiennes et la pression des militaires rwandais, une parenthèse s’ouvre pour Nadine et Patrick. À l’extérieur, si les Interahamwe ont la consigne de laisser rentrer les Tutsis, ils ont ordre de tuer tous ceux qui en sortent. Est-ce à nouveau un piège qui se referme sur eux ? « Un jour, j’ai vu des militaires faire du repérage et noter des numéros de chambres. Alors, toutes les plaques ont été enlevées… Ils sont revenus avec des Interahamwe, ils ont commencé à fouiller les chambres, mais la Minuar est revenue avec plus d’hommes, ce qui les a fait partir. »

    Le 29 mai 1994, la Minuar organise un échange de réfugiés entre le gouvernement intérimaire et le FPR
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    . « Ils nous ont offert la possibilité de rejoindre un camp du FPR, à Kabuga [situé à quelques kilomètres à l’est de Kigali, NDLR]. On s’est donc inscrits sur la liste », poursuit Patrick. Lorsqu’un officiel rwandais se met à lire les noms, celui de « Munyawera » n’est jamais prononcé. « Nous voyions nos camarades d’infortune monter dans le camion. Nadine, une fois de plus, a eu le bon réflexe : elle est allée voir un Casque bleu pour lui dire qu’il y avait un problème. » L’officiel en question est l’équivalent d’un élu municipal du quartier de leur parrain, Pierre-Célestin Rwigema. Il avait décidé que la famille ne devait pas survivre. « Le Casque bleu a arraché la liste et repris la lecture… Cette fois, notre nom a été prononcé. Nous sommes montés dans le camion et avons pu rejoindre le camp du FPR. »

    Sur place, Patrick et Nadine se sentent enfin sortis d’affaire. Ils s’installent dans le camp, trouvent de la nourriture, cherchent un logement… « Trois semaines après, nous avons vu arriver notre grand frère Claude, une boisson au citron à la main ! » Lorsque leur père, Phocas, a été assassiné dans leur maison, Claude a réussi à se cacher. Quand il apparaît dans ce camp du FPR, la surprise est générale. Le frère aîné travaille alors au service d’un gradé du groupe armé. « On était sauvés. »

    Après la conquête du FPR, mi-juillet, et la constitution du gouvernement de transition « à base élargie », le 19 juillet 1994, Nadine et Patrick emménagent avec le parrain de Josine, Pierre-Célestin Rwigema, nommé ministre de l’Enseignement primaire et secondaire
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    . Quelques mois plus tard, la famille Nsanzimana, réfugiée au Burundi, retrouve enfin leur trace. « Étienne et Thérèse sont venus nous chercher, et nous sommes partis au Burundi », relate Patrick. En 1995, tous rentrent au Rwanda. Pierre réintègre l’ambassade de France, et la famille s’installe dans la maison d’un frère de Thérèse. Le couple a récupéré tous les enfants survivants des oncles et tantes. « Nous étions très nombreux, de tous les âges », se souvient Patrick.
    « J’ai compris que maman était morte »

    Reste Aline. Pendant plusieurs mois, la famille, l’espoir chevillé au corps que la petite dernière soit toujours vivante, va suivre plusieurs pistes, notamment dans les camps de déplacés en RDC, près de Goma. En vain. Fin 1996, alors que nombre de réfugiés sont rentrés au pays, « une femme est venue nous voir pour nous dire qu’elle était sûre qu’Aline était vivante et qu’elle savait où elle se trouvait », résume Patrick. La famille hésite un peu : dans cette période post-génocide, il y a beaucoup de rumeurs. « Certains affirmaient par exemple que maman était encore en vie... », précise Patrick. Les informations semblent cependant fiables et, pour Thérèse, il est inconcevable de ne pas aller vérifier. C’est ainsi que Claude, accompagné d’un ami et de la femme qui affirmait savoir où se trouvait Aline, sont partis à Bukavu.

    De son côté, Aline se remémore : « Je me souviens que le père de famille m’a demandé si je connaissais un certain Claude… J’ai tout de suite répondu que c’était mon frère. Ça n’a provoqué aucune réaction de ma part. À cette époque, je refoulais la moindre émotion, mon cerveau avait déconnecté pour se protéger. » Le soir, la famille congolaise met les petits plats dans les grands. « Un véritable festin ! Après tout ce temps à me maltraiter… Si ce n’est pas cynique ! » Le lendemain, « Claude est arrivé, il m’a mis sur ses épaules, et on est partis ».

    Au Rwanda, les retrouvailles sont euphoriques. « Tout le monde s’est jeté sur moi en pleurs, se rappelle Aline. Je pleurais également mais ni de joie, ni de tristesse. J’étais perdue, il y avait tant de monde ! Et je ne comprenais rien, je ne parlais plus kinyarwanda. » « Elle parlait swahili, reprend Patrick. On était tellement heureux de l’avoir retrouvée... » « Et puis j’ai entendu Nadine et Patrick appeler Thérèse “maman”. Là, ça été comme un déclic : j’ai compris que maman était morte. »

    Pierre et Thérèse adopteront Nadine, Patrick et Aline. Claude, l’aîné, qui avait alors une vingtaine d’années, reprendra le cours de sa vie de manière indépendante. La famille élargie s’organise, les plus jeunes reprennent leurs études, jusqu’à l’université, au Rwanda pour certains, comme Étienne, ou en France, près de Toulouse, comme Nadine. Plus tard, une grande partie de la famille s’installera dans le sud de la France. Ces jours sombres ne seront que rarement abordés. Aujourd’hui, tous souhaitent combler les trous béants de leur histoire. Ils veulent notamment savoir pourquoi la France ne les a pas secourus, en dépit de l’insistance de Pierre et de Thérèse. « Les bourreaux nous ont exécutés, mais c’est la France qui nous a abandonnés », conclut Patrick.

    https://afriquexxi.info/La-France-nous-a-abandonnes-les-bourreaux-nous-ont-executes
    #génocide #Rwanda #abandon #fuite #Minuar

  • Au #Darfour, la terreur à huis clos : « Ils veulent nous rayer de la carte »

    Depuis le 15 avril et le début de la #guerre au #Soudan, plus de 420 000 personnes se sont réfugiées dans l’est du #Tchad. Principalement issues des communautés non arabes du Darfour, elles témoignent d’attaques délibérées contre les civils, de multiples #crimes_de_guerre, et dénoncent un #nettoyage_ethnique.

    Un mélange de boue et de sang. Des corps emportés par le courant. Des cris de détresse et le sifflement des balles transperçant l’eau marronasse. C’est la dernière image qui hante Abdelmoneim Adam. Le soleil se levait à l’aube du 15 juin sur l’oued Kaja – la rivière saisonnière gonflée par les pluies qui traverse #El-Geneina, capitale du Darfour occidental – et des milliers de personnes tentaient de fuir la ville.

    Partout, des barrages de soldats leur coupaient la route. « Ils tiraient dans le tas, parfois à bout portant sur des enfants, des vieillards », se souvient Abdelmoneim, qui s’est jeté dans l’eau pour échapper à la mort. Des dizaines d’autres l’ont suivi. Une poignée d’entre eux seulement sont arrivés indemnes sur l’autre rive. Lui ne s’est plus jamais retourné.

    Ses sandales ont été emportées par les flots, l’obligeant à poursuivre sa route pieds nus, à la merci des épines. Attendant le crépuscule, il a coupé à travers champs, sous une pluie battante, évitant une dizaine de check-points tenus par les paramilitaires et slalomant entre les furgan, les campements militaires des miliciens arabes qui encerclaient El-Geneina. Il lui a fallu 13 heures pour parcourir la vingtaine de kilomètres qui le séparait du Tchad.

    Le Darfour s’est embrasé dans le sillage de la guerre amorcée le 15 avril à Khartoum entre l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Bourhane et les #Forces_paramilitaires_de_soutien_rapide (#FSR) du général Hemetti. Dans cette région à l’ouest du pays, meurtrie par les violences depuis 2003, le #conflit a pris une tournure ethnique, ravivant des cicatrices jamais refermées entre communautés.

    Dans la province du Darfour occidental qui borde le Tchad, l’armée régulière s’est retranchée dans ses quartiers généraux, délaissant le contrôle de la région aux FSR. Ces dernières ont assis leur domination en mobilisant derrière elles de nombreuses #milices issues des #tribus_arabes de la région.

    À El-Geneina, bastion historique des #Massalit, une communauté non arabe du Darfour à cheval entre le Soudan et le Tchad, environ 2 000 volontaires ont pris les armes pour défendre leur communauté. Ces groupes d’autodéfense, qui se battent aux côtés d’un ancien groupe rebelle sous les ordres du gouverneur Khamis Abakar, ont rapidement été dépassés en nombre et sont arrivés à court de munitions.

    Après avoir accusé à la télévision les FSR et leurs milices alliées de perpétrer un « génocide », le gouverneur massalit Khamis Abakar a été arrêté le 14 juin par des soldats du général Hemetti. Quelques heures plus tard, sa dépouille mutilée était exhibée sur les réseaux sociaux. Son assassinat a marqué un point de non-retour, le début d’une hémorragie.
    Démons à cheval

    En trois jours, les 15, 16 et 17 juin, El-Geneina a été le théâtre de massacres sanglants perpétrés à huis clos. La ville s’est vidée de plus de 70 % de ses habitant·es. Des colonnes de civils se pressaient à la frontière tchadienne, à pied, à dos d’âne, certains poussant des charrettes transportant des corps inertes. En 72 heures, plus de 850 blessés de guerre, la plupart par balles, ont déferlé sur le petit hôpital d’Adré. « Du jamais-vu », confie le médecin en chef du district. En six mois, plus de 420 000 personnes, principalement massalit, ont trouvé refuge au Tchad.

    Depuis le début du mois de septembre, les affrontements ont baissé en intensité mais quelques centaines de réfugié·es traversent encore chaque jour le poste-frontière, bringuebalé·es sur des charrettes tirées par des chevaux faméliques. Les familles, assises par grappes sur les carrioles, s’accrochent aux sangles qui retiennent les tas d’affaires qu’elles ont pu emporter : un peu de vaisselle, des sacs de jute remplis de quelques kilos d’oignons ou de patates, des bidons qui s’entrechoquent dans un écho régulier, des chaises en plastique qui s’amoncellent.

    Les regards disent les longues semaines à affronter des violences quotidiennes. « Les milices arabes faisaient paître leurs dromadaires sur nos terres. Nous n’avions plus rien à manger. Ils nous imposaient des taxes chaque semaine », témoigne Mariam Idriss, dont la ferme a été prise d’assaut. Son mari a été fauché par une balle. Dans l’immense campement qui entoure la bourgade tchadienne d’Adré, où que se tourne le regard, il y a peu d’hommes.

    « Les tribus arabes et les forces de Hemetti se déchaînent contre les Massalit et plus largement contre tous ceux qui ont la #peau_noire, ceux qu’ils appellent “#ambay”, les “esclaves” », dénonce Mohammed Idriss, un ancien bibliothécaire dont la librairie a été incendiée durant les attaques. Le vieil homme, collier de barbe blanche encadrant son visage, est allongé sur un lit en fer dans l’obscurité d’une salle de classe désaffectée. « On fait face à de vieux démons. Les événements d’El-Geneina sont la continuation d’une opération de nettoyage ethnique amorcée en 2003. Les #Janjawid veulent nous rayer de la carte », poursuit-il, le corps prostré mais la voix claquant comme un coup de tonnerre.

    Les « Janjawid », « les démons à cheval » en arabe. Ce nom, souvent prononcé avec effroi, désigne les milices essentiellement composées de combattants issus des tribus arabes nomades qui ont été instrumentalisées en 2003 par le régime d’Omar al-Bachir dans sa guerre contre des groupes rebelles du Darfour qui s’estimaient marginalisés par le pouvoir central. En 2013, ces milices sont devenues des unités officielles du régime, baptisées Forces de soutien rapide (FSR) et placées sous le commandement du général Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemetti.

    À la chute du dictateur Omar al-Bachir en avril 2019, Hemetti a connu une ascension fulgurante à la tête de l’État soudanais jusqu’à devenir vice-président du Conseil souverain. Partageant un temps le pouvoir avec le chef de l’armée régulière, le général Bourhane, il est désormais engagé dans une lutte à mort pour le pouvoir.
    Un baril de poudre prêt à exploser

    Assis sur des milliards de dollars amassés grâce à l’exploitation de multiples #mines d’#or, et grâce à la manne financière liée à l’envoi de troupes au Yémen pour y combattre comme mercenaires, Hemetti est parvenu en quelques années à faire des FSR une #milice_paramilitaire, bien équipée et entraînée, forte de plus de 100 000 combattants, capable de concurrencer l’armée régulière soudanaise. Ses troupes gardent la haute main sur le Darfour. Sa région natale, aux confins de la Libye, du Tchad et de la Centrafrique, est un carrefour stratégique pour les #ressources, l’or notamment, mais surtout, en temps de guerre, pour les #armes qui transitent par les frontières poreuses et pour le flux de combattants recrutés dans certaines tribus nomades du Sahel, jusqu’au Niger et au Mali.

    Depuis la chute d’Al-Bachir, les milices arabes du Darfour, galvanisées par l’ascension fulgurante de l’un des leurs à la tête du pouvoir, avaient poursuivi leurs raids meurtriers sur les villages et les camps de déplacé·es non arabes du Darfour, dans le but de pérenniser l’occupation de la terre. Avant même le début de la guerre, les communautés à l’ouest du Darfour étaient à couteaux tirés.

    La ville d’El-Geneina était segmentée entre quartiers arabes et non arabes. Les kalachnikovs se refourguaient pour quelques liasses de billets derrière les étalages du souk. La ville était peuplée d’un demi-million d’habitant·es à la suite des exodes successifs des dizaines de milliers de déplacé·es, principalement des Massalit. El-Geneina était devenue un baril de poudre prêt à exploser. L’étincelle est venue de loin, le 15 avril, à Khartoum, servant de prétexte au déchaînement de violence à plus de mille kilomètres à l’ouest.

    Mediapart a rencontré une trentaine de témoins ayant fui les violences à l’ouest du Darfour. Parmi eux, des médecins, des commerçants, des activistes, des agriculteurs, des avocats, des chefs traditionnels, des fonctionnaires, des travailleurs sociaux. Au moment d’évoquer « al-ahdath », « les événements » en arabe, les rescapés marquent un temps de silence. Souvent, les yeux s’embuent, les mains s’entortillent et les premiers mots sont bredouillés, presque chuchotés.

    « Madares, El-Ghaba, Thaoura, Jamarek, Imtidad, Zuhur, Tadamon » : Taha Abdallah énumère les quartiers d’El-Geneina anciennement peuplés de Massalit qui ont aujourd’hui été vidés de leurs habitant·es. Les maisons historiques, le musée, l’administration du registre civil, les archives, les camps de déplacé·es ont été détruits. « Il n’y a plus de trace, ils ont tout effacé. Tout a été nettoyé et les débris ramassés avec des pelleteuses », déplore le membre de l’association Juzur, une organisation qui enquêtait sur les crimes commis à l’ouest du Darfour.

    Sur son téléphone, l’un de ses camarades, Arbab Ali, regarde des selfies pris avec ses amis. Sur chaque photo, l’un d’entre eux manque à l’appel. « Ils ne sont jamais arrivés ici. » Sur l’écran, son doigt fait défiler des images de mortiers, de débris de missiles antiaériens tirés à l’horizontale vers des quartiers résidentiels. « J’ai retrouvé la dépouille d’un garçon de 20 ans, le corps presque coupé en deux », s’étouffe le jeune homme assis à l’ombre d’un rakuba, un préau de paille.

    Ce petit groupe de militants des droits humains dénonce une opération d’élimination systématique ciblant les élites intellectuelles et politiques de la communauté massalit, médecins, avocats, professeurs, ingénieurs ou activistes. À chaque check-point, les soldats des FSR ou des miliciens sortaient leur téléphone et faisaient défiler le nom et les photos des personnes recherchées. « S’ils trouvent ton nom sur la liste, c’est fini pour toi. »

    L’avocat Jamal Abdallah Khamis, également membre de l’association Juzur, tient quant à lui une autre liste. Sur des feuilles volantes, il a soigneusement recopié les milliers de noms des personnes blessées, mortes ou disparues au cours des événements à El-Geneina. Parmi ces noms, se trouve notamment celui de son mentor, l’avocat Khamis Arbab, qui avait constitué un dossier documentant les attaques répétées des milices arabes sur un camp de déplacé·es bordant la ville. Il a été enlevé à son domicile, torturé, puis son corps a été jeté. Les yeux lui avaient été arrachés.

    « Tous ceux qui tentaient de faire s’élever les consciences, qui prêchaient pour un changement démocratique et une coexistence pacifique entre tribus, étaient dans le viseur », résume Jamal Abdallah Khamis. Les femmes n’ont pas échappé à la règle. Zahra Adam était engagée depuis une quinzaine d’années dans une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Son nom apparaissait sur les listes des miliciens. Elle était recherchée pour son travail de documentation des viols commis dans la région. Rien qu’entre le 24 avril et le 20 mai, elle a recensé 60 cas de viols à El-Geneina. « Ensuite, on a dû arrêter de compter. L’avocat chargé du dossier a été éliminé. Au total, il y a des centaines de victimes, ici, dans le camp. Mais la plupart se terrent dans le silence », relate-t-elle.

    De nombreuses militantes ont été ciblées. Rabab*, une étudiante de 23 ans engagée dans un comité de quartier, avait été invitée sur le plateau d’une radio locale quelques jours avant le début de la guerre. Sur les ondes, elle avait alerté sur le risque imminent de confrontations entre communautés. Début juin, elle a été enlevée dans le dortoir de l’université par des soldats enturbannés, puis embarquée de force, les yeux bandés, vers un compound où une soixantaine de filles étaient retenues captives. « Ils disaient : “Vous ne reverrez jamais vos familles.” Ils vendaient des filles à d’autres miliciens, parfois se les échangeaient contre un tuk-tuk », témoigne-t-elle d’une voix éteinte, drapée d’un niqab noir, de larges cernes soulignant ses yeux.

    Depuis 2003, au Darfour, le corps des femmes est devenu un des champs de bataille. « Le viol est un outil du nettoyage ethnique. Ils violent pour humilier, pour marquer dans la chair leur domination. Ils sont fiers de violer une communauté qu’ils considèrent comme inférieure », poursuit Zahra, ajoutant que même des fillettes ont été violées au canon de kalachnikov.

    Selon plusieurs témoins rencontrés par Mediapart, dans les jours qui ont suivi les massacres de la mi-juin, plusieurs chefs de milices arabes, en coordination avec les Forces de soutien rapide, ont entrepris de dissimuler les traces du carnage. Les équipes du Croissant-Rouge soudanais ont été chargées par un « comité sanitaire » de ramasser les corps qui jonchaient les avenues.

    « L’odeur était pestilentielle. Les cadavres pourrissaient au soleil, parfois déchiquetés par les chiens », souffle Mohammed*, le regard vide. « Chaque jour, on remplissait la benne d’un camion à ras bord. Elle pouvait contenir plus d’une cinquantaine de corps et les camions faisaient plusieurs allers-retours », détaille Ahmed*, un autre témoin forcé de jouer les fossoyeurs pendant dix jours, « de 8 à 14 heures ». Les équipes avaient interdiction de prendre des photos et de décompter le nombre de morts. Il leur était impossible de savoir où les camions se rendaient.
    Une enquête de la Cour pénale internationale

    Échappant aux regards des soldats, l’étudiant de 28 ans s’est glissé entre la cabine et la benne de l’un des camions. Le chauffeur a pris la direction d’un site appelé Turab El-Ahmar, à l’ouest de la ville. « Les trous étaient déjà creusés. À plusieurs reprises, un camion arrivait, levait la benne et déversait les corps », se souvient-il. Puis une pelleteuse venait reboucher la fosse.

    Quartier par quartier, maison par maison, ils ont ratissé la ville d’El-Geneina. « En tout, il y a eu au moins 4 000 corps enterrés », estime Mohammed. Début septembre, le Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme a annoncé avoir reçu des informations crédibles sur l’existence de treize fosses communes.

    Les paramilitaires nient toute responsabilité dans ce qu’ils dépeignent comme un conflit ethnique entre communautés de l’ouest du Darfour. Malgré les demandes de Mediapart, la zone reste inaccessible pour les journalistes.

    « Entre le discours des FSR et celui des victimes, la justice tranchera », conteste Arbab Ali avec une once d’optimisme. Le 13 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l’ouverture d’une nouvelle enquête pour « crimes de guerre » au Darfour. Elle vient s’ajouter aux investigations démarrées en 2005 à la suite de la guerre qui, sous le régime d’Omar al-Bachir, avait déjà fait plus de 300 000 morts dans la région.

    Pourtant, il règne chez les rescapé·es du Darfour un sentiment de déjà-vu. À ceci près que la guerre actuelle ne soulève pas la même indignation internationale qu’en 2003. Beaucoup de réfugié·es n’attendent plus rien de la justice internationale. Vingt ans après les premières enquêtes de la CPI, aucune condamnation n’a encore été prononcée.

    Alors, dans les travées du camp, le choc du déplacement forcé laisse place à une volonté de revanche. Certains leaders massalit ont pris langue avec l’armée régulière. Une contre-offensive se prépare. Le camp bruisse de rumeurs sur des mouvements de troupes et des livraisons d’armes au Darfour. Côté tchadien, les humanitaires et les autorités s’attendent à ce que la situation dégénère à nouveau.

    Au Soudan, le conflit ne se résume plus seulement en un affrontement entre deux armées. Aujourd’hui, chaque clan et chaque tribu joue sa survie au milieu de la désintégration de l’État. Les voix dissidentes, opposées à une guerre absurde, sont criminalisées par les belligérants et souvent emprisonnées. La guerre est partie pour durer. Et les civils, prisonniers d’un engrenage meurtrier, en payent le prix.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/131123/au-darfour-la-terreur-huis-clos-ils-veulent-nous-rayer-de-la-carte
    #réfugiés_soudanais #génocide