#ambroise_croizat

  • Le CNR : derrière le mythe, une opération politique
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/le-cnr-derriere-le-mythe-une-operation-politique_657535.html

    À l’occasion de l’hommage de Macron à Jean Moulin, le 8 mai à Lyon, la CGT a tenu à placer la manifestation de protestation sous le signe de la défense de « l’héritage social de la Résistance ». Elle s’est revendiquée de Jean Moulin qui, selon elle, « a unifié toutes les résistances derrière le programme du #CNR ».

    Pour bien des organisations sociales, le Conseil national de la Résistance (CNR) serait la matrice de toutes les avancées des 80 dernières années, en particulier la Sécurité sociale et la retraite par répartition. #Ambroise_Croizat, ministre #PCF du Travail et de la Sécurité sociale en 1945-1946, est célébré comme un héros de la classe ouvrière. Mais le CNR camouflait une opération politique.

    En unifiant la #Résistance, #Jean_Moulin, ex-préfet en mission pour de Gaulle, visait à réaliser derrière ce général réactionnaire l’union de tous les partis, de la droite jusqu’au PCF. L’objectif était de remettre en selle l’appareil d’État français, en s’émancipant le plus possible de la tutelle américaine et en évitant toute révolte sociale. Le programme du CNR, les « jours heureux », était l’habillage social de cette unité politique. Dans cette alliance, le PCF apportait son influence parmi les classes populaires et son réseau militant capable d’encadrer les travailleurs qui espéraient que leur vie change après la guerre. En échange, de Gaulle allait donner au PCF trois puis cinq ministères dans les gouvernements issus du CNR.

    Le rôle du PCF et de la #CGT entre 1944 et 1947 fut de promettre aux travailleurs des jours heureux lointains pour leur faire accepter les sacrifices immédiats, rationnement, travaux pénibles, et la remise en place de l’ordre social. #Maurice_Thorez, dirigeant du PCF et ministre d’État, fustigea « la grève, arme des trusts » et exhorta les mineurs de charbon à « produire, produire et encore produire » pour gagner la bataille de la production. À ceux qui n’avaient pas oublié le rôle de la police sous Pétain, à ceux qui entendaient maintenir des milices armées, il ordonna : « Une seule police, une seule armée ». La police de Macron et Darmanin qui éborgne aujourd’hui les manifestants est la lointaine héritière de la police pétainiste blanchie par le gouvernement issu du CNR.

    L’État rebâti sous l’égide de #de_Gaulle et Thorez n’était en rien celui des travailleurs. À quelques exceptions près, les grands patrons qui avaient fait des affaires pendant l’occupation allemande conservèrent leurs usines. Les nationalisations tant vantées permirent la reconstruction et l’approvisionnement de leurs entreprises détruites. Même les concessions faites aux travailleurs, les assurances sociales et la retraite, profitaient aux patrons : construire un système collectif d’assurance maladie ou vieillesse leur permettait de maintenir les salaires au plus bas.

    Symbole du fait que le gouverne­ment issu du CNR défen­dait coûte que coûte les intérêts de la bourgeoisie française : le 8 mars 1945, de Gaulle faisait bombarder et massacrer plusieurs dizaines de milliers d’Algériens à ­Sétif et Guelma parce qu’ils avaient osé se révolter contre l’ordre colonial. Les ministres du PCF et les chefs de la CGT apportèrent leur caution à ces massacres.

    Taire cette histoire serait se préparer à livrer une nouvelle fois les travailleurs à leurs exploiteurs.

    #mythe #stalinisme

  • Pourquoi la bourgeoisie adore-t-elle le « communiste » Fabien Roussel ? Frustration magazine, Nicolas Framont, Illustration par Antoine Glorieux
    Fabien Roussel, candidat du Parti communiste français à l’élection présidentielle, a une hype incroyable dans les dîners mondains. En quelques jours, il a reçu les hommages d’Alain Finkielkraut (éditocrate prolophobe), Christophe Castaner (éborgneur de gilet jaune), Jean-Michel Blanquer (ministre de l’instruction patriotique), David Le Bars (syndicat des commissaires de police), Laurent Alexandre (éditocrate eugéniste décomplexé), Jean Quatremer (éditocrate eurobéat), Michel Onfray (éditocrate anarcho-réac) et même Gérald Darmanin (ministre du sexisme et de la répression des masses) – le tout compilé dans cette vidéo https://twitter.com/MarxFanAccount/status/1490727837191573505 . Mais aussi Raphaël Enthoven, Bernard Guetta… Bref, les représentants idéologiques et politiques de la classe bourgeoise adorent… un communiste ?! Mais que s’est-il donc passé pour que le grand parti des travailleurs, celui qui faisait trembler la classe dominante française pendant des décennies, ait engendré en 2022 un candidat qui reçoit tous ses honneurs ? 

    1 – Un programme politique “communiste” qui n’effraie plus le bourgeois
    Longtemps, le Parti Communiste a incarné les intérêts de la classe laborieuse face à ceux de la bourgeoisie. Mais ça, c’était avant.
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    2 – De l’anti-écologisme faussement populo au diapason de Fleury-Michon
    Mais qu’importe la lutte des classes, puisque l’obsession principale de Fabien Roussel c’est la BONNE VIANDE. Depuis janvier, le candidat du PCF est plus remonté que le patron d’un Hippopotamus : tout heureux d’une polémique médiatique l’opposant à l’écologiste Sandrine Rousseau au sujet de la nécessité de donner accès aux « classes populaires » à de la « bonne viande », il en a fait son sujet de prédilection. Dans un meeting récent, il précise ses intentions : ce qu’il veut, c’est offrir de la « bonne vieille viande bien de chez nous » au bas peuple. Merci mon seigneur, vous êtes bien bon.
    https://lh6.googleusercontent.com/z2OGPmRKC-Ge4qbkedIqsvZ0knYyzfGD4yE7cmdaqm6IJSLX3cXPfloRveJE_
    Le siège du Parti Communiste, conçu par l’architecte Oscar Niemeyer … ah non attendez
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    3 – Derrière le candidat communiste, un éditocrate pro-capitaliste
    Roussel est journaliste, fils de journaliste, mais n’a de cesse de défendre ses origines “populaires” en insistant dès qu’il le peut sur son appartenance à la “France périphérique”. S’il plaît tant aux bourgeois, c’est qu’en dépit de son extraction, il apporte la même pseudo-caution « classes populaires » aux questions dites « sécuritaires », où son positionnement est au diapason de toute la classe dominante. Ainsi, il s’est rendu, comme Eric Zemmour ou Yannick Jadot, au rassemblement des syndicats de policiers à Paris, en mai 2021, où avait été notamment attaquée l’institution judiciaire accusée de laxisme. En juin, il affirmait que les réfugiés déboutés du droit d’asile avaient vocation à repartir chez eux, à rebours des positions habituelles de son parti sur le sujet. A la pointe du combat idéologique (non), Roussel n’hésite pas à parler d’assistanat, donnant une caution communiste à ce terme que les idéologues bourgeois ont mis des décennies à construire pour culpabiliser les bénéficiaires des assurances collectives. #Ambroise_Croizat, créateur communiste de la Sécurité sociale, doit se retourner dans sa tombe… Bref, Fabien Roussel est parfaitement aligné sur la pensée dominante en matière d’immigration, de sécurité et même de social et l’on comprend mieux pourquoi il plaît tant aux bourgeois.
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    4 - Sauver la petite entreprise PCF et donner des jobs aux copains : Roussel, un petit patron comme les autres
    Mais alors, pourquoi fait-il tout ça ? Ne faut-il pas être porté par des idéaux pour sacrifier comme ça sa vie, sa tranquillité, à se lancer ainsi dans une campagne électorale qui vous fera affronter en direct Léa Salamé, Nathalie Saint-Cricq ou Cyril Hanouna ? C’est épuisant rien que d’en parler, alors pourquoi Fabien Roussel se donnerait-il tout ce mal, si c’est pour être simplement un énième idéologue de la bourgeoisie, même pas payé en plus ?
    Eh bien c’est qu’il a un business à faire tourner, ce que n’importe quel bourgeois peut comprendre. Le Parti Communiste est une grosse entreprise endettée,
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    L’article gratuit et dans son intégralité : https://www.frustrationmagazine.fr/roussel

    #pcf #fabien_roussel #Gôche #bourgeoisie #gauche #lutte_des_classes #business #éditocrate #france
     

    • Fabien Roussel : Le candidat "Communiste" chouchou du Système #EnMarche

      https://www.youtube.com/watch?v=hGqo9GjWbwE

      Comment un homme labellisé de gauche, de surcroit issu du Parti Communiste, peut-il susciter l’engouement de personnalités comme le philosophe et polémiste Alain Finkielkraut, l’animateur Cyril Hanouna, ou encore de la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur Marlène Schiappa ? Pour le co-rédacteur en chef de Frustration magazine Nicolas Framont, auteur d’un article intitulé "Pourquoi la bourgeoisie adore-t-elle le « communiste » Fabien Roussel ?", le candidat du PCF à l’élection présidentielle est salué par la droite car il ne tient plus vraiment des positions de gauche. Qu’il s’agisse de l’écologie, des violences policières ou encore de la lutte contre le racisme et l’islamophobie, Fabien Roussel "se range plutôt du côté de la classe dominante". Pour aller plus loin, Théophile Kouamouo s’est entretenu avec lui depuis le plateau du Média.

  • PÉTITION. Ambroise Croizat mérite d’entrer au Panthéon
    https://www.humanite.fr/ambroise-croizat-au-pantheon

    À l’initiative de l’Humanité, élus, syndicalistes et intellectuels interpellent le président de la République afin que le bâtisseur de la Sécurité sociale et ministre du Travail à la Libération, #Ambroise_Croizat, entre au Panthéon.

    Il y a cent vingt ans ans, le 28 janvier 1901, naissait Ambroise Croizat. La France lui doit l’une de ses plus belles créations collectives : la Sécurité sociale. Il en fut la cheville ouvrière et le principal bâtisseur, en tant que ministre du Travail au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le respect du programme du Conseil national de la Résistance. ­Depuis lors, des générations de citoyens ont eu la chance de bénéficier d’une ­couverture sociale ­exceptionnelle. Il faut bien mesurer l’œuvre ­civilisatrice d’Ambroise Croizat pour ce qu’elle est : une étape fondamentale, révo­lu­tionnaire, dans la ­recherche d’une vie meilleure qui a toujours animé l’humanité.

    L’objectif d’Ambroise Croizat était de briser l’angoisse du lendemain, de la maladie ou de l’accident de travail. Sa volonté, sa vision étaient de ne plus faire de la retraite l’antichambre de la mort, mais bien une nouvelle étape de la vie. Notre pays doit à ce militant communiste la générali­sation des retraites, les comités d’entreprise, la médecine du travail, la reconnaissance des maladies professionnelles, la prime prénatale… En tant que député du Front populaire, dès 1936, il avait déjà pris une part considérable dans l’instauration des congés payés, des conventions ­collectives et de la ­semaine de quarante heures.

    Tous les Français, aujourd’hui, bénéficient d’une carte vitale, sésame qui leur permet si souvent d’être soignés selon leurs besoins, sans distinction de leurs moyens, grâce à la socialisation des richesses créées. Certes, de nombreux coups ont été assénés à la Sécurité sociale et au Code du travail depuis que Croizat n’est plus. Certes, la #Sécurité_sociale est avant tout une #œuvre_collective, comme Croizat, syndicaliste à la CGT, le rappelait. Mais qui peut dire que cet homme d’État n’a pas joué le premier rôle, en tant que ministre, pour apporter à la France l’une de ses plus belles réformes ? Qui peut dire que cette réalisation ne constitue pas un pilier indispensable à notre République sociale ?

    La Sécurité sociale fait partie du #patrimoine_vivant de tous les Français. Un patrimoine qui n’est ni à muséifier ni à vernir, mais à entretenir et développer toujours plus, dans le respect de sa philosophie initiale, en tant que bien commun, comme le montre la crise du Covid-19. Le XIXe siècle aura été marqué dans notre pays par l’accès de tous à l’éducation. Le XXe retiendra à n’en pas douter, avec le recul, la fondation du système de santé public créé par Croizat comme l’une de ses plus grandes conquêtes.

    Tous s’en réclament aujourd’hui, même si tous n’en sont pas dignes. Reste qu’Ambroise Croizat est définitivement digne du Panthéon, qui s’honorerait à l’accueillir, avec son épouse Denise, comme le souhaite sa famille.

    • PREMIEReS SIGNATAIRES

      Éliane Assassi , présidente du groupe CRCE au Sénat, Yves Audvard , président de l’Association Ambroise-Croizat, Julien Bayou , secrétaire national d’EELV, Pierre Caillaud-Croizat , petit-fils d’Ambroise Croizat, André Chassaigne , président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, Michel Étiévent , écrivain et biographe de Croizat, Olivier Faure , premier secrétaire du PS, Bernard Friot, sociologue et économiste, Bernard Lamirand , président du comité d’honneur Ambroise Croizat, Pierre Laurent , sénateur et président du Conseil national du PCF, Marie-Noëlle Lienemann , sénatrice GRS, ancienne ministre, Patrick Le Hyaric , directeur de l’Humanité, Philippe Martinez , secrétaire général de la CGT, Jean-Luc Mélenchon , président du groupe FI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot , vice-présidente du groupe FI à l’Assemblée nationale, Gilles Perret , réalisateur du film la Sociale, Fabien Roussel , secrétaire national du PCF, Frédéric Sanchez , secrétaire général de la CGT métallurgie, Simon Duteil , codélégué général de Solidaires. Pascal Savoldelli , sénateur PCF. Céline Brulin , sénatrice PCF. Stéphane Peu , député PCF. Sébastien Jumel , député PCF. Alain Bruneel , député PCF. Fabien Gay , sénateur PCF Michelle Gréaume , sénatrice PCF. Gérard Lahellec , sénateur PCF Jérémie Bacchi , sénateur PCF. Cécile Cukierman , sénatrice PCF. Karine Lebon , députée GDR.

  • #Résistance, mais où sont passés les jours heureux ?

    Les jours heureux, du nom du programme du #Conseil_national_de_la_Résistance. Qui étaient les résistants ? Comment se sont-ils unis malgré leur désaccords ? Nous évoquerons l’esprit de résistance avec un grand témoin, #Annette_Beaumanoir, ainsi que la figure d’#Ambroise_Croizat, père de la #Sécurité_sociale. Quand un monde nouveau est à reconstruire, c’est toute cette semaine dans Le Cours de l’histoire.

    Épisode 1 : 1940-1943 : unir la lutte
    Comment unir ce qui est désuni ? Qui étaient ces résistants français devenus la Résistance française en 1943, en parvenant à unifier au sein du Conseil national de la Résistance les différents mouvements résistants, en dépit de leurs profondes divergences politiques ?

    Épisode 2 : Grand témoin : Annette Beaumanoir
    A travers le portrait d’une femme engagée au destin hors norme, résistante de 17 ans, en Bretagne, à Paris et à Lyon, dans les réseaux de #Jean_Moulin, c’est l’esprit de la résistance qui se dessine. Ce matin, dans Le Cour de l’histoire, la Résistance arbore un visage, celui d’Annette Beaumanoir.

    Épisode 3 : « Les jours heureux », le programme du Conseil National de la Résistance
    Comment le programme du #CNR, symbolisant la démarche transpartisane de la résistance, a-t-il façonné les réformes économiques et sociales mises en place après la Libération ?

    Épisode 4 : Sécurité sociale, la croisade d’Ambroise Croizat
    Ce matin dans #Le_Cours_de_l'histoire, nous nous intéressons à l’histoire de la Sécurité Sociale, à ceux qui l’ont construite et l’ont faite perdurer. Car aujourd’hui encore, nous bénéficions de cette mesure phare du programme du Conseil National de la Résistance.

    https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/resistance-mais-ou-sont-passes-les-jours-heureux

    En lien avec la création récente du #Conseil_National_de_la_Nouvelle_Résistance
    https://reporterre.net/Naissance-du-Conseil-national-de-la-Nouvelle-Resistance

    #CNNR #france_culture #podcast #histoire #Xavier_Mauduit

  • Retraites : défendre l’héritage d’#Ambroise_Croizat

    Plébiscitant la réforme des retraites, un élu LREM a repris, à tort, les mots du ministre communiste Ambroise Croizat, père de la Sécurité sociale. La journaliste Lucie Chopin procède à quelques rappels historiques utiles.

    Le 28 décembre dernier, en pleine grève des cheminots contre la réforme des retraites, Julien Bargeton, sénateur de la majorité, annonce sur Twitter sa venue sur une chaîne d’info continue en citant Ambroise Croizat : « L’unité de la Sécurité sociale est la condition de son efficacité. » Sortie de son contexte, la phrase ne dit rien du conflit en cours, l’« unité de la Sécurité sociale » désignant la prise en charge au sein d’un même organisme de plusieurs risques sociaux, comme la maladie, les accidents du travail ou la vieillesse. Mais cette intervention fait affleurer dans le débat public le nom d’Ambroise Croizat, maître d’œuvre, après la Seconde Guerre mondiale, de la Sécurité sociale et du système de retraite par répartition.

    Choqué de ce qu’il appelle une « imposture », Pierre Caillaud-Croizat, petit-fils d’Ambroise, se fend d’une lettre ouverte à l’attention du sénateur, dans laquelle il lui refuse le droit de revendiquer l’héritage de son aïeul, communiste de la première heure. Rappelant « l’engagement viscéral » pour la « défense des plus démunis » de Croizat, il accuse le gouvernement de se livrer à des « turpitudes de démantèlement du système » et précise : « Une originalité du système Croizat, c’était justement de mettre les cotisations à l’abri des appétits de la finance en général et de l’assurance privée en particulier. »
    La Sécu fondée par un communiste

    Mais qui était Ambroise Croizat ? Il y a soixante-neuf ans, au moment où on porte en terre son corps vaincu par l’épuisement et la maladie, il est loin d’être ce quasi-inconnu que l’on peut aujourd’hui convoquer sans rappeler ses engagements : une foule reconnaissante d’un million de personnes est alors dans la rue pour l’accompagner au Père-Lachaise.

    C’est que, ministre du Travail de novembre 1945 à mai 1947, l’homme est à l’origine de toute une série de mesures entrées dans l’histoire sociale : la Sécurité sociale (souvent attribuée exclusivement au haut fonctionnaire gaulliste Pierre Laroque), le système de retraite par répartition, les comités d’entreprise, la médecine du travail…

    De nos jours, sa mémoire n’est plus guère entretenue que par des responsables cégétistes et des militants communistes, même si cela est peut-être en train de changer1. Son nom n’est associé communément à aucune loi. Une explication possible : un certain fétichisme du progrès qui, en se détournant de l’idée de « bien commun », fait mauvais ménage avec ce que Croizat appelait les « conquis » – dénué de connotation de lutte des classes, le mot « acquis » lui paraissait trop faible. « Le patronat ne désarme jamais », disait-il. Pourquoi nommer ce qu’on souhaite voir disparaître ?

    Une fenêtre historique

    Pierre Caillaud-Croizat, né bien après sa disparition, raconte avec admiration et affection un homme qui, malgré ses responsabilités, est resté « un prolo toute sa vie », rémunéré comme un ouvrier spécialisé par le Parti, auquel il reversait l’intégralité de son salaire (cette règle vaut toujours, même si le salaire de référence n’est plus celui d’un ouvrier, mais celui de l’élu avant le début de son mandat). Apprenant qu’elle allait déménager au ministère, sa femme, Denise, s’était exclamée : « C’est beaucoup trop grand ! », inquiète à l’idée de toutes les heures de ménage qui, pensait-elle, l’attendaient. Sur les photos d’époque, on le découvre un peu austère, souvent coiffé d’un chapeau de feutre. Son regard clair semble voilé d’une mélancolie qu’on devine causée par le spectacle de ce qu’il appelait la « désespérance ouvrière ».

    La courte vie de Croizat, mort à 50 ans d’un cancer du poumon, est jalonnée d’épreuves et de luttes. Militant, ce fils d’un manœuvre en ferblanterie savoyard, qui a commencé à travailler à 13 ans, devient secrétaire général de la Fédération CGTU des Métaux en 1928. En 1936, il fait partie des 72 députés communistes élus au sein du Front populaire, à l’origine des congés payés, de la semaine de 40 heures, mais aussi des conventions collectives, du libre exercice du droit syndical… – des avancées sur lesquelles Edouard Daladier s’empressera de revenir avec ses « décrets misère ». En 1939, un mois et demi après la signature du pacte germano-soviétique, Ambroise Croizat est arrêté comme d’autres députés communistes. Condamné pour « trahison », il est déporté au bagne d’Alger. A sa sortie, en 1943, il lui reste à peine huit ans à vivre.

    Après la guerre, il est nommé ministre du Travail du général de Gaulle. Il parvient à bâtir, en quelques mois, la Sécurité sociale telle qu’elle a été rêvée par le Conseil national de la Résistance (CNR) : « Un plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail », inscrit au programme « Les Jours heureux », du 15 mars 1944. Pour y parvenir, il s’adresse à ses relais syndicaux dans les départements français. La Sécurité sociale « réclame vos mains », leur dit-il. De simples travailleurs, sur leurs heures de repos, construisent des bureaux, rédigent des fiches au nom des assurés sociaux.

    Le gaulliste Pierre Laroque le reconnaissait, rien n’eût été possible sans Croizat, ni sans l’enthousiasme qu’il sut transmettre sur le terrain. Rien non plus sans un rapport de force favorable : la CGT fait alors le plein d’adhérents, et les communistes, qui sont arrivés premiers aux élections constituantes de 1945, brillent de leur participation à la Résistance et de leur sacrifice – parmi les compagnons de route et de déportation de Croizat, on trouve Prosper Môquet, le père de Guy. « Ce qui se joue en 1946, c’est la démonstration de la capacité de pouvoir du mouvement ouvrier », résume l’économiste Bernard Friot, adhérent au Parti communiste, dans La Sociale (2016), le documentaire de Gilles Perret sur la « Sécu ».

    « Ministre des travailleurs »

    L’antienne qui veut que nos existences, parce qu’elles n’auraient pas grand-chose à voir avec ces vies de labeur des contemporains de Croizat, nés à l’aube du XXe siècle, n’ont pas besoin de tant de compensations est contestée par de nombreux opposants à la réforme, qui rappellent que l’espérance de vie des ouvriers est inférieure à la moyenne générale (de 17 ans pour les égoutiers). Une crainte s’exprime souvent, avec le système de retraite universel par points, celle de « crever au boulot ». Pierre Caillaud-Croizat en est certain, son grand-père aurait désavoué une réforme qui nivelle par le bas le niveau des pensions. La « solidarité » et la « dignité » ont toujours été ses mots d’ordre. Avec la Sécurité sociale, il voulait « libérer les Français de l’angoisse du lendemain ». La retraite devait cesser d’être « l’antichambre de la mort » pour devenir « une nouvelle étape de la vie ».

    Le système par points, en indexant les pensions sur des indicateurs économiques (par définition, sujets à des variations), avec un impératif d’équilibre financier, rompt avec cette résolution. La rentabilité de la Sécu n’était pas un objectif pour Croizat. Afin de la préserver des convoitises qu’attirerait immanquablement un budget supérieur à celui de l’Etat, la gestion en avait été confiée aux assurés eux-mêmes. « Faire appel au budget des contribuables […] serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons », disait-il. Financé par des cotisations, et non par l’impôt, le dispositif se distingue, par exemple, du modèle britannique, né un peu plus tôt.

    Bien sûr, cet héritage a déjà subi de nombreuses charges de la part des gouvernements successifs : dès 1967, le général de Gaulle instituait le régime du paritarisme, donnant le dernier mot au patronat dans les décisions, quand la Sécu de 1946 confiait, elle, le pouvoir aux travailleurs. Ambroise Croizat n’aura pas assisté au démantèlement de son œuvre. En octobre 1950, quatre mois avant sa mort, devant l’Assemblée nationale, il prévenait : « Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir, et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès. »

    C’est là le sens du rappel à l’ordre de Julien Bargeton par Pierre Caillaud-Croizat. A la décharge du sénateur, l’histoire de Croizat n’est pas enseignée à l’école, il n’a fait son apparition dans le Petit Larousse qu’en 2011. Et même l’Ecole nationale supérieure de la Sécurité sociale (EN3S), à Saint-Etienne, n’a pas de salle Ambroise-Croizat2. Peut-être la cause de cette occultation est-elle à chercher du côté de l’engagement communiste et cégétiste de Croizat. Peut-être aussi, comme nous le suggère son petit-fils, faut-il y voir une forme de complexe du gouvernant : en quinze mois, un ouvrier métallurgiste qui n’avait pas fait d’études aura obtenu davantage, en termes de progrès social, que la quarantaine de ministres du Travail qui lui ont succédé. De quoi mériter son beau surnom de « ministre des travailleurs ».

    https://www.alternatives-economiques.fr/retraites-defendre-lheritage-dambroise-croizat/00091939
    #histoire #sécu #sécurité_sociale #héritage #retraites #retraite