• Luchino Visconti, Les Amants diaboliques, 1943
    C’est vachement dur de se rappeler ce qu’est exactement le néo réalisme italien. Je veux dire, en dehors de certains films connus pour être des films qualifiés de néo réaliste italien.
    Parce que il est toujours trop facile de cantonner un courant à des thèmes : la misère, le chômage, la guerre. Non, ça ça ne définit pas un cinéma.
    Et aujourd’hui c’est très difficile de savoir pourquoi on a qualifié ces films de néo réalistes italiens. C’est que on a tellement vu plein de choses, qu’un cinéma bien défini ne peut se contenir que dans une époque donnée.
    Je crois que pour bien comprendre il faut absolument relire l’article « Evolution du langage cinématographique » de André Bazin.
    Alors moi comme je ne l’ai pas relu, je vais raconter un petit peu de la merde. Mais je vous assure que l’intention sera la meilleure.
    Jusqu’à présent, on pensait le cinéma comme quelque chose qui fonctionne comme la langue. C’est à dire à un plan correspond un sens. Chaque plan était une pièce de plus dans la narration d’une histoire. En théorie on pouvait substituer à chaque plan une phrase du genre « Jean-Michel ouvre une porte » et là on voyait la porte s’ouvrir. Ou encore une suite de plans cinéphiles immédiatement une phrase en particulier. Par exemple : une assiette de soupe et juste après un visage marqué par la fatigue et la faim voulait dire « il a vu de la soupe et il a grave la dalle donc il va la manger ».
    A partir d’une certaine époque on s’est mis à considérer l’image cinématographique comme un fragment de réalité. Et la réalité ne pourra jamais se réduire à une phrase. Du coup on a fait beaucoup plus de plans larges dans lesquels se déroulait une action. On a arrêté de découper chaque scène en axiomes dialectiques. On a laissé vivre les choses.
    On pouvait dire aussi que chaque axiome dialectique qui servait à construire une fiction était comme un moment particulier, un point essentiel, un climax précis. On divisait un film en ensemble de climax et ça racontait une histoire. A partir de vers 1950 en Italie, la caméra qui absorbe des moments de réalité s’intéresse beaucoup plus aux instants quelconques. Ca c’est Deleuze qui dit ça, je crois.
    Cette #critique_a_2_balles vous était proposé sans aucune référence et juste avant mon goûter.

    #Les_amants_diaboliques ne sont pas franchement connus pour être du néo réalisme italien, mais franchement tapez vous ces 2h10 et vous verrez bien que si.
    #Luchino_Visconti #1943 #néo_réalisme_italien #Vipère_au_poing #Andre_Bazin #Evolution_du_langage_cinematographique
    https://www.youtube.com/watch?v=SAaKn_EH9ZM

  • #Jean_Douchet analyse « Vivre sa vie » (1962) de Jean-Luc Godard qui est sans doute un de ses plus beaux films.
    http://www.youtube.com/watch?v=c2WhhCRo7x4

    http://www.dvdclassik.com/critique/vivre-sa-vie-film-en-douze-tableaux-godard

    Après Une femme est une femme, un film en couleurs et en Cinémascope, une fantaisie musicale vaudevillesque et "socialogique", le virage que prend le cinéaste suisse pour son quatrième long métrage est à 180°. Dédié aux films de série B dont il reprend la vitesse d’exécution, la modestie du budget palliée par une constante inventivité de la mise en scène, la rapidité du tournage (à peine plus d’un mois) et même certains passages obligés du film noir (dont une fusillade, une guerre des gangs, etc.), Vivre sa vie est en même temps une poignante déclaration d’amour d’un réalisateur à sa muse et épouse, Anna Karina qui, coiffée à la Louise Brooks, s’avère ici étonnamment cinégénique, et son personnage sacrément touchant. Nana est vendeuse dans un magasin de disques mais a du mal à boucler les fins de mois. Expulsée de son appartement, elle doit absolument compléter son salaire et décide pour ce faire de se prostituer. Prise en charge par un souteneur, elle se met à faire régulièrement le trottoir... Mais contrairement à son homonyme du chef-d’œuvre littéraire de Zola, la Nana de #Godard n’est pas du tout manipulatrice et ne possède pas une once de méchanceté ; c’est au contraire une femme désemparée, fragile et très naïve qui, éprise d’absolu et de vérité, ne recherche qu’une seule chose : le bonheur ! « Tout est beau ! Il n’y a qu’à s’intéresser aux choses et les trouver belles » dira-t-elle à Yvette, une amie d’enfance qu’elle vient de retrouver et qui s’est mise elle aussi à la prostitution, trouvant son nouveau métier sordide comme à peu près tout ce qui l’entoure. En revanche, contrairement à cette dernière qui trouve des excuses à sa nouvelle situation, Nana lui rétorquera que « l’on est toujours responsable de ce que l’on fait. » D’une immense bonté, elle se révèle donc dans le même temps foncièrement honnête et suit son parcours avec grâce et sérénité, trouvant le bonheur dans les choses les plus simples : écouter une chanson de Jean Ferrat dans un bistrot, pleurer en même temps que la Jeanne d’Arc de Dreyer (deux séquences absolument sublimes), discuter philosophie avec un inconnu rencontré dans un bar... Anna Karina rayonne tout au long du film ; les gros et longs plans sur son visage sont d’une immense beauté et l’actrice peut remercier son mari de l’époque de lui avoir donné un personnage aussi admirable alors qu’elle était en pleine dépression, pas du tout confiante en elle sur le tournage.

    Un extrait : scène déchirante d’une femme prise dans le piège de la prostitution. Le désespoir qui se lit dans le regard d’Anna karina est bouleversant.
    http://www.youtube.com/watch?v=zN1kcMceVoQ


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