#anne_cordier

  • Halte aux clichés : les jeunes savent écrire et ils aiment ça | Actualités | CIDJ
    https://www.cidj.com/actualite/halte-aux-cliches-les-jeunes-savent-ecrire-et-ils-aiment-ca
    https://www.cidj.com/sites/default/files/styles/og_image/public/2023-12/jeunes_ecriture_passion_etude_2023.webp?itok=6PpFS-QW

    Loin des clichés, les ados écrivent. Pas toujours en vers, mais parfois à la plume ! C’est le constat à tirer de la nouvelle enquête « Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ? », réalisée par Christine Mongenot et Anne Cordier. Pour arriver à cette conclusion, Lecture Jeunesse et l’INJEP, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, ont compilé les réponses de 1 500 jeunes Français âgés de 14 à 18 ans, mais aussi réalisé une cinquantaine d’entretiens individuels.
    Peu importe le support pour peu qu’il y ait l’allégresse

    Pour cette enquête, l’Observatoire de la lecture des ados a souhaité analyser toutes les formes possibles d’écriture. Et un chiffre en particulier sort du lot : « Au total, 92 % des jeunes ont une activité de scripteur déclarée ». Comprendre le « scripteur » par « l’émetteur » d’un message écrit. Parmi ces jeunes interrogés, 59% estiment écrire « tous les jours ou presque ». Et ces écrits ne sont pas essentiellement scolaires : SMS, liste de course, rédaction de fanfiction ou de bande dessinée, tweets ou posts Instagram …

    Le rapport insiste sur le fait que : « les jeunes écrivant sur les réseaux sociaux rédigent plus que la moyenne quels que soient les types d’écrits considérés, et quels que soient les formats ou les supports (+13 %, pour les messages ou mots d’amour, +7 % pour les messages écrits à la main à des amis, +16 % pour les brouillons de publications sur les réseaux sociaux, +10 % pour des contenus sur un blog ou +6 % pour des histoires et fanfictions) ».
    Des billets et des fictions au format électronique

    Envoyer un DM (message privé sur Instagram) serait moins littéraire que de rédiger des vers à la Rimbaud ? En pratique, le rapport démontre que ces nouvelles façons d’écrire bénéficient de moins de reconnaissance que les formats considérés comme plus scolaires.

    L’enquête relève un sentiment d’illégitimité chez beaucoup de jeunes à se définir comme « scripteur », lorsque ces derniers ne pratiquent pas une activité d’écriture encadrée, comme la rédaction d’une lettre, d’un essai ou d’une carte.

    Souvent moins valorisés par leurs aînés, les écrits publiés sur les réseaux sociaux sont pourtant des sources de créativité chez les jeunes. L’étude souligne d’ailleurs que 39 % des jeunes interrogés écrivent occasionnellement ou régulièrement des paroles de chansons ou de rap, 43 % des histoires ou des fanfictions, et que près d’un jeune sur trois participe à l’écriture de traductions de mangas !

    #Ecriture #Adolescents #Anne_Cordier

  • Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes | Bulletin des bibliothèques de France
    https://bbf.enssib.fr/critiques/grandir-informes-les-pratiques-informationnelles-des-enfants-adolescents-

    Le nouveau livre d’Anne Cordier, Grandir informés, est un prolongement de l’ouvrage Grandir connectés publié par la même auteure dans la même maison d’édition en 2015. La démarche de cette enseignante-chercheuse en sciences de l’information et communication (SIC) reste la même : à partir de ses recherches, renouveler le regard sur les pratiques numériques juvéniles. Dans ce second ouvrage, il s’agit « de voir comment l’information 1

    et les objets numériques participent de l’être-au-monde de ces acteurs, dans leur quotidienneté et à travers l’évolution de leur parcours biographique » (p. 14) et de « proposer des pistes pédagogiques pour accompagner les élèves dans l’acquisition de compétences informationnelles » (p. 35).
    L’auteure structure son propos autour de 12 chapitres : présentation de sa méthodologie de recherche ; place des émotions dans les pratiques informationnelles ; rôle de la famille et des familiers dans ces pratiques ; état des lieux des apprentissages informationnels à l’école ; regard des jeunes sur le paysage informationnel et médiatique ; rapport des jeunes aux espaces documentaires ; apprentissages informels ; inégalités sociales et culturelles ; crédibilité face à l’information ; stratégies des jeunes face aux designs des plateformes numériques ; formats d’information et de médiation des savoirs ; perspectives pour un déploiement de la culture informationnelle des élèves.

    Bien que cet ouvrage soit résolument scientifique, les entrées thématiques et le ton employé (texte écrit à la première personne du singulier) le rendent accessible à tous. Les résultats des recherches sont présentés en annexe et les références bibliographiques sont indiquées en bas de page. Ces choix éditoriaux rendent l’ouvrage convivial et centrent l’attention sur les résultats des recherches.

    Le parti pris de cet ouvrage est d’accorder une place centrale à la parole des jeunes. De longs extraits des échanges entre la chercheuse et les jeunes sont en effet retranscrits. Ce choix, en adéquation avec la démarche quasiment ethnographique d’Anne Cordier, nous invite à écouter les jeunes nous faire part de leurs émotions, de leurs plaisirs, de leurs expériences, de leurs craintes. Ainsi, au fil des pages, les individus prennent le dessus sur les chiffres, les pratiques numériques s’incarnent dans des parcours, des identités, des contextes et le regard se fait plus intime, plus humain. Comme en écho à ce processus de personnalisation, l’auteure, par ses prises de position et son regard critique sur les politiques éducatives et les discours médiatiques, nous invite, nous, les adultes, les parents, les professionnels de l’information et de l’éducation, à nous engager activement dans l’acquisition par les élèves d’une culture informationnelle. Cet engagement nécessite de déconstruire les représentations, de privilégier une approche par l’expérience subjective de l’autre et de prendre en compte les individualités et les inégalités. Au fil des chapitres, Anne Cordier nous accompagne dans ce changement de posture et prolonge les résultats de ses recherches par des recommandations pour éduquer aux médias et à l’information.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #BBF

  • Grandir informés. Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes - Les Cahiers pédagogiques
    https://www.cahiers-pedagogiques.com/grandir-informes-les-pratiques-informationnelles-des-enfants-a

    Après son livre Grandir connectés (paru en 2015), Anne Cordier, spécialiste des sciences de l’information et de la communication, a choisi de garder le contact avec les adolescents qu’elle avait rencontrés pour poursuivre son enquête sur les modes d’information des jeunes. Elle croise dans ce nouveau livre les expériences individuelles et des données plus quantitatives, et veut tourner le dos aux fantasmes, aux injonctions et aux querelles stériles sur l’usage des écrans par les jeunes.

    Grandir informés propose « une flânerie » en onze chapitres, à lire dans le sens que l’on veut. Ils traitent de ce qui se passe « à l’école », en famille, ou dans les « écoles de l’information hors la classe » (au travail, dans les loisirs ou en politique) ; ils abordent les émotions, le « paysage informationnel et médiatique », ou encore les « exclusions et privilèges ».

    Chaque chapitre repose sur un ou plusieurs extraits d’entretiens d’Anne Cordier avec l’un ou l’une des jeunes auprès desquels elle enquête, et ce dialogue est ensuite prolongé de ses réflexions et analyses. Le chapitre « Exclusions et privilèges », par exemple, rapporte des échanges avec Zoé, et avec Louise.

    Attardons-nous quand même encore un peu sur la conclusion. Anne Cordier y fait quelques mises au point fortes et plusieurs propositions.

    Première mise au point : « il apparait inconcevable, au regard des enquêtes menées auprès des jeunes publics, d’envisager de faire disparaitre de leur écosystème informationnel et social les réseaux sociaux numériques » (p. 307). Donc, il faut faire avec et, surtout, ne pas laisser les parents seuls face à la responsabilité de prendre seuls en charge cette « éducation sociétale ». Mais sans les disqualifier pour autant.

    Deuxième mise au point : l’injonction paradoxale à laquelle sont soumis les jeunes ‒ être connecté à un espace d’information infini, mais maitriser ses usages, son temps et ses données, une « tâche incroyablement difficile et exigeante » ‒ s’accompagne d’une forme de mépris véhiculé par les discours politiques sur leurs pratiques informationnelles. Or, « on ne fait pas société dans le mépris et la défiance envers l’autre » (p. 308).

    Anne Cordier insiste donc pour que les institutions, au premier rang desquels l’école, prennent en charge l’éducation aux médias et à l’information

    #Anne_Cordier #Education_médias_information

  • Lorraine. Les jeunes ont « un sentiment d’illégitimité informationnelle » estime la chercheuse Anne Cordier
    https://www.estrepublicain.fr/education/2023/11/12/les-jeunes-ont-un-sentiment-d-illegitimite-informationnelle

    Anne Cordier est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication (Infocom, Nancy). Dans son dernier ouvrage, « Grandir informés », elle analyse les pratiques informationnelles des ados (10-17 ans). Elle revient sur la relation entre les jeunes, les médias et l’information.

    Propos recueillis par Carole OUDOT - 12 nov. 2023

    Selon Anne Cordier, chercheuse et professeure des universités, les ados « s’informent en sociabilité, pour le plaisir d’être avec les autres ». Photo Cédric Jacquot

    Comment les jeunes s’informent-ils ?

    Déjà, ils s’informent ! Par des biais multiples, mais pas uniquement sur les réseaux sociaux, ça, c’est faux. Les médias comme Konbini ou Brut, c’est le combo gagnant. On a la temporalité : c’est rapide et synthétique. Et, on a la preuve par l’image. Mais le premier moyen d’information, c’est le bouche-à-oreille, la famille. Ensuite, c’est la télévision, même si les ados regardent la télé parce que les parents la regardent. Ils insistent beaucoup sur le fait qu’ils s’informent en sociabilité, pour le plaisir d’être avec les autres.

    #Anne_Cordier

  • TOTEM - L’invité de TOTEM du 11/10/23 : Anne Cordier, professeur en Science sde l’Information et de la Commu
    https://www.radiototem.net/l-invite-de-totem-du-11-10-23-anne-cordier-professeur-en-science-sde-l-i

    11 octobre 2023 - 4 min 10 sec
    L’invité de TOTEM du 11/10/23 : Anne Cordier, professeur en Science sde l’Information et de la Commu

    Auteur du livre « Grandir informés », Anne Cordier explique que les jeunes s’informent toujours, contrairement à ce que certains pensent, mais différemment des adultes.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • « Faites-les lire ! » de Desmurget : les « affirmations erronées » d’un livre très médiatique - L’Express
    https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sciences/faites-les-lire-de-desmurget-les-affirmations-erronees-dun-livre-tres-media
    https://www.lexpress.fr/resizer/b43QS_bfLGPkVgU9roZS2bRD9T4=/1200x630/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/EDQDHSLAZZA7ZNXRR3RWOVIMFQ.png

    Difficile de passer à côté. Depuis quelques semaines, Michel Desmurget, docteur en neurosciences, chercheur au CNRS, directeur de recherche à l’Inserm et auteur de Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital (Seuil), est partout. Interviewé par Le Monde, Le Point, Le Figaro, Usbek & Rica et invité par France Inter et Quotidien, il profite de cette large tribune médiatique - le plus souvent sans contradicteur - pour développer ses arguments. « Il n’y a pas meilleur antidote à l’abêtissement des esprits que la lecture », assène-t-il, rappelant le danger que constituent, selon lui, les écrans, tout en s’inquiétant de l’impact de la lecture des bandes dessinées (BD) ou des mangas. L’occasion de poursuivre les arguments déjà développés dans son précédent livre, La Fabrique du crétin digital (Seuil), son best-seller paru en 2019, dans lequel il accusait les écrans de nombreux maux.

    Déjà à l’époque, des scientifiques s’étaient étonnés de certaines affirmations du chercheur. S’ils ne niaient pas l’impact potentiellement négatif des écrans, ils dénonçaient les exagérations et les informations erronées présentées dans l’ouvrage, tout en s’inquiétant de la diffusion - massive - d’une panique morale injustifiée. Deux spécialistes du sujet, Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive à Rennes 2, toutes deux autrices de l’ouvrage collectif Les Enfants et les écrans (ed. Retz), ont lu son nouveau livre, motivées par « les affirmations problématiques » qu’il contient, ainsi que « le traitement médiatique qu’il a reçu ». Elles en livrent une analyse au vitriol. Entretien.

    #Anne_Cordier #Crétin_digital #Michel_Desmurget

  • « On demande aux enfants d’être plus raisonnables que les adultes ! » | Chut !
    https://chut.media/education/on-demande-aux-enfants-detre-plus-raisonnables-que-les-adultes

    Anne Cordier est enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication. Dans son nouvel ouvrage, Grandir informés (C&F éditions), cette spécialiste de la façon dont les jeunes s’informent s’attache à déconstruire les idées reçues sur ces générations prétendument débilisées par leurs usages numériques.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Comment « éduquer aux médias » en 2023 ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/comment-eduquer-aux-medias-aujourd-hui-7548028

    la citation

    « Il faut rappeler que l’accès à l’information est un droit, que c’est une chance de pouvoir s’informer aujourd’hui, et on pourrait même aller plus loin en disant que c’est une chance de prendre le risque de tomber sur une mauvaise information et d’exercer son esprit critique. On parle de stress et de fatigue, mais il y a une notion qui est importante c’est celle de plaisir, la joie de s’informer en famille ou à l’école, ensemble », Anne Cordier

    Comment parler de l’actualité avec les élèves et répondre à leurs questions dans ce moment si conflictuel ? Et au long cours ?
    Avec

    Isabelle Feroc-Dumez Directrice scientifique et pédagogique du CLEMI
    Sophie Bocquet Professeure documentaliste au collège (académie de Rouen)
    Marion Thibaut Directrice du bureau de l’AFP (Agence France-Presse) à Montréal, membre du Conseil d’administration de l’association d’éducation aux médias et à l’information Entre les lignes
    Anne Cordier Professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine
    Bernard Heizmann Ancien professeur-documentaliste à l’ÉSPÉ de Lorraine et ancien responsable de la préparation au concours interne dans l’académie de Nancy-Metz

    Dans cette émission, Louise Tourret vous propose de revenir sur ce qu’on appelle l’éducation à l’information, alors que le Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information, le CLEMI, fête ses 40 ans, et que s’ouvre la semaine annuelle de la presse et des médias à l’école. Comment l’actualité et les émotions qu’elle provoque – l’année dernière il s’agissait de la guerre en Ukraine, cette année du mouvement social contre les retraites et il est encore possible d’évoquer le covid ou les gilets jaunes - peuvent devenir un sujet de conversation et de réflexion en classe, alors que le ministre de l’Education appelle de ses vœux la généralisation de l’EMI (éducation à l’information). Quelles sont les ressources pour les professeurs suivant le niveau d’enseignement ? Quel est le rôle spécifique des professeurs documentalistes qui s’occupent plus précisément de ce sujet ? Et quel peut être celui des journalistes, de plus en plus nombreux à intervenir auprès des élèves dans les établissements ?

    Louise Tourret en débat avec ses invités, enseignants, journaliste, et chercheuses, qui travaillent sur la question depuis de nombreuses années : Anne Cordier, ancienne professeure documentaliste, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM), coresponsable du Master SIDOC Meef Documentation à Nancy, autrice de Grandir Connectés (C & F Editions, 2015) et de Grandir Informés : Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes (C & F Editions, à paraître en mai), Sophie Bocquet-Tourneur, professeure documentaliste au collège (académie de Rouen), Isabelle Feroc-Dumez, directrice scientifique et pédagogique du CLEMI, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Poitiers et membre du laboratoire Techné (Technologies Numériques pour l’Education), Marion Thibaut, directrice du bureau de l’AFP (Agence France-Presse) à Montréal, membre du Conseil d’administration de l’association d’éducation aux médias et à l’information Entre les lignes, et Bernard Heizmann, ancien professeur-documentaliste à l’ÉSPÉ de Lorraine et ancien responsable de la préparation au concours interne dans l’académie de Nancy-Metz, coauteur avec Elodie Royer de Le professeur documentaliste (Réseau Canopé, 2019).

    #Anne_Cordier #Education_Médias_Information #France_culture #Grandir_informés

  • Et si on lâchait nos portables, histoire de se parler ?
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-du-vendredi-26-mai-2023-5124352

    En 50 ans, les téléphones portables ont révolutionné notre façon de communiquer et nos comportements en société. Que ce soit dans la rue, dans les transports, au restaurant ou ailleurs, les conversations et questions anodines semblent avoir disparu.

    Le téléphone portable permet d’être connecté en permanence mais aussi de se rassurer dans certaines occasions. A l’occasion des 50 ans du téléphone portable, son créateur, l’américain Martin Cooper lançait pourtant un appel : “Levez les yeux de vos portables !”. Le téléphone portable affecte-t-il nos liens sociaux ?

    Des points positifs peuvent être trouvés à l’utilisation du portable, devenue aujourd’hui globale. Lors de la pandémie, il a notamment sorti de nombreux individus de la solitude. Mais certains évoquent une société fantomatique, où les conversations qui sollicitent un face à face et une attention à l’autre deviennent rares.

    Faut-il s’inquiéter de la place prise par les portables dans nos relations ?
    Est-ce tout simplement une autre façon de fonctionner, par téléphone interposé ?
    Observe-t-on des règles de civilité différentes depuis la généralisation du téléphone portable ?

    Avec nous pour en parler

    David Le Breton, sociologue, auteur de la tribune « Vestige d’un temps révolu, la conversation est en voie de disparition » (Le Monde, 02/01/2023) et de l’ouvrage « Des visages. Essai d’anthropologie » (éditions Métailié)
    Anne Cordier, Professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine, autrice de « Grandir informés : les pratiques informationnelles des enfants, adolescents, et jeunes adultes » (C & F éditions)

    Dominique Picard , psychosociologue, autrice de « Politesse, savoir-vivre et relations sociales » (PUF)

    #Téléphone_sonne #Anne_Cordier #Téléphone_mobile #Adolescents

  • Les pré-adolescents désertent les réseaux sociaux, vraiment ? - Les Numériques
    https://www.lesnumeriques.com/societe-numerique/les-pre-adolescents-desertent-les-reseaux-sociaux-vraiment-n213707.ht

    Une baisse des usages pas si importante ?

    Anne Cordier, spécialiste des usages numériques des adolescents, explique au Figaro que l’étude comporterait un biais important : “C’est du déclaratif. Les enfants ont intégré qu’ils ne devaient pas être sur les réseaux sociaux et sont bien plus réticents à l’avouer qu’auparavant.”

    L’étude montre que deux plateformes sont de plus en plus utilisées par les adolescents : YouTube et WhatsApp. Alors que la première permet de se divertir et d’être un support pédagogique, la seconde “est utilisée comme substitut par les enfants qui n’ont pas le droit d’aller sur les réseaux sociaux” afin d’échanger avec les amis et la famille.

    #Anne_Cordier #Médias_sociaux #Pratiques_enfants

  • « Au début, les élèves me disaient "non, je ne m’informe pas". Ils avaient honte » | la revue des médias
    https://larevuedesmedias.ina.fr/enfants-adolescents-education-information-usage-medias-actualit

    L’universitaire Anne Cordier poursuit son travail de recherche sur le rapport des enfants et adolescents (7 à 18 ans) à l’information. Dans Grandir informés, son dernier livre, elle souligne notre focalisation collective sur l’actualité qui discrédite tout autre forme d’information et génère des complexes. Entretien.
    propos recueillis par Xavier Eutrope

    Anne Cordier est professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (CREM). Depuis 2012, elle a rencontré 250 élèves de trois régions (Hauts-de-France, Normandie, Pays-de-la-Loire), du CE1 jusqu’à la première pour enquêter en profondeur sur le rapport aux médias et à l’information des adolescents et jeunes adultes. Il lui a fallu se faire accepter, s’immerger dans leur quotidien. Et leur faire comprendre qu’elle n’était pas là pour juger. Débarrassés de la pression des normes sociales, les élèves se sont ouverts à elle. Elle en tire un livre riche d’enseignements, Grandir informés (C&F).

    On se rend compte en vous lisant que la famille joue un rôle prépondérant dans la construction des pratiques d’information des jeunes. Vous attendiez-vous à ça en commençant à enquêter ?

    Anne Cordier : Non, pas vraiment. Entre les cours, les enfants parlent beaucoup d’information, ils se montrent des choses sur leurs téléphones : ça participe d’un lien social entre eux. Ils ne sont donc pas seuls face à l’information sur leur portable, comme on peut le croire. Cette socialisation par l’information se voit aussi dans la famille. Je dirais même qu’ils sont en demande de cette sociabilité : certains vont jusqu’à se lever plus tôt le matin pour prendre un café en même temps que le beau-père qui regarde « Télé Matin » [l’émission matinale de France 2, NDLR]. Quelque chose d’intergénérationnel se crée autour de l’information. C’est un bien commun, on en a besoin pour vivre ensemble. Même si les jeunes ne manquent pas de critiquer les pratiques des plus âgés.

    Le rapport à l’information se bâtit aussi autour de moments forts. Quels sont ceux qui ressortent le plus ?

    Il y a des évènements joyeux, comme les Coupes du monde de football, mais des évènements, assez durs, reviennent systématiquement et se démarquent : les attentats. Pour les jeunes nés en 1995-96, ce sont ceux de 2001, et ceux de Charlie Hebdo en 2015 pour la génération suivante. Ces événements marquants, communs à une génération, interrogent le rapport au monde de l’enfant, qui prend conscience que tout est bien plus vaste et complexe que ce qu’il pensait.

    Cette construction des parcours informationnels est aussi façonnée par les inégalités sociales, notamment en ce qui concerne l’accès à des appareils électroniques, mais pas seulement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Il y a un lien très clair entre les pratiques informationnelles et les pratiques culturelles : on retrouve les questions d’héritage et de biens économiques. Lorsque l’on a une tablette gagnée via un service de vente par correspondance, on n’est pas doté de la même façon que si l’on avait le dernier produit Apple à la mode. On est encore dans le mythe du « ils ont tous un téléphone, ils sont très adroits avec les nouvelles technologies ». Mais d’abord de quels téléphones parlons-nous ? Dans les collèges d’éducation prioritaire, les enfants équipés de téléphones ne sont pas si nombreux, et il n’est pas sûr que ceux qui en ont puissent lire des PDF dessus. Ce sont souvent des compétences qui se transmettent en famille : si les parents n’en ont pas besoin dans leur cadre professionnel, les enfants ne développent pas ces compétences par héritage familial.

    Mais il y a aussi des écarts en termes de culture des sources. Les élèves en troisième dans des collèges favorisés sont déjà capables de donner des sources très précises pour s’informer, là où les autres n’ont pas de petite valise de sources connues. Et ça fera la différence sur le long terme.

    Comment évolue le rapport à l’information entre l’enfance et l’adolescence ?

    Les enfants s’informent sur l’univers qui est le leur et qui leur plaît (les animaux, les chanteuses, le sport...), et privilégient l’information documentaire. Au collège, ils élargissent leur champ, notamment sous l’impulsion de l’école, mais aussi parce que c’est le début de la socialisation adolescente. Les premières individuations des pratiques apparaissent, avec une envie plus grande de compréhension du monde, des intérêts qui émergent pour des sujets sociétaux, des questions sur « comment être adolescent » (rapport au corps, à la sexualité…). Les sensibilités à l’information d’actualité montent en puissance durant cette période. Au lycée, tout cela s’accentue avec une conscience qu’il faut s’informer davantage sur l’actualité pour répondre aux attentes académiques, mais aussi mieux agir dans le monde. Ils font des recherches sur les sujets de société, avec parfois une finesse de la connaissance développée sur des questions comme le genre, la sexualité, ou encore sur des thématiques politiques qui les touchent comme l’environnement, le racisme. C’est aussi au lycée que l’information dite de service s’impose, dans le cadre par exemple des recherches de stages, de localisations pour les déplacements…

    « Ce qu’ils lisent ne leur paraît pas légitime »

    Vous expliquez dans votre livre qu’une partie des élèves ont honte de leurs pratiques informationnelles.

    Ce n’est pas quelque chose que je cherchais particulièrement, c’est arrivé au fil des échanges. L’enquête sur le temps long permet de briser la carapace des enquêtés. Au début, ils me disaient « non, je ne m’informe pas ». Et puis en les suivant, en les observant, je me suis bien rendu compte qu’ils s’informent. Les pratiques informationnelles sont comme toutes les pratiques culturelles : on n’ose pas dire qu’on lit des romans de vampires par exemple, car ce n’est pas légitime, ça ne fait pas sérieux. Une des élèves que j’ai suivis lisait Biba et Doctissimo tout en disant qu’elle savait qu’il ne le fallait pas. Élise, qui apparaît dans le livre, essayait désespérément de lire Courrier international, sans y arriver, et elle culpabilisait. Le discours porté sur soi est à chaque fois très négatif.

    Comment en arrive-t-on là ?

    Un ensemble de discours dans la société converge pour parler d’une génération qualifiée de « crétins digitaux », qui seraient irresponsables sur les réseaux sociaux, sensibles aux théories complotistes. C’est en réalité une idée récurrente, qui revient de façon cyclique, selon laquelle le jeune est moins intelligent, moins curieux que ses aînés. C’est socialement acceptable de le dire. Et partagé par les médias, les politiques et les discours éducatifs de façon générale. Les parents les entendent, culpabilisent, fantasment sur les pratiques de leurs enfants, enfants qui perçoivent ensuite les signaux et se disent qu’il ne vaudrait mieux pas parler de leurs pratiques, pour se protéger. Cette question de la honte et du sentiment d’illégitimité est centrale, c’est une vraie source de démission éducative et d’incompréhension. Une norme sociale héritée de l’école, assez dogmatique sur le sujet, s’exerce : il faut s’informer sur l’actualité politique, nationale et internationale. Tous les autres types d’information sont complètement mis en retrait.

    Lesquels ?

    Le type privilégié, c’est l’information d’actualité : politique nationale et internationale, l’information d’actualité locale (très utilisée par les jeunes), régionale. C’est intégré par les élèves au point que la sortie du disque d’une chanteuse très à la mode n’est pas une actualité. De la même manière, ils peuvent suivre la KPop avec assiduité et être au courant de tout ce qu’il se passe, mais comme ça ne rentre pas dans les normes qu’on leur donne de ce qu’est l’actualité, ils estiment ne pas s’informer.

    On peut ensuite discerner l’information documentaire, qui va englober les sujets sur lesquels il n’y pas une actualité vive. Ce peut être des sujets de société, comme l’avortement, ou tous les questionnements autour de la sexualité. J’ai rencontré des jeunes filles extrêmement informées sur ces sujets-là, notamment via le média Brut. Dans l’information documentaire, il y a également les recherches que l’on fait pour des problématiques quotidiennes et pour les loisirs.

    Enfin, on a l’information service, qui est très importante et concerne notamment la recherche d’aide sociale et de logement. Elle est socialement discriminante : si j’ai du mal à accéder aux outils et à comprendre où trouver les pièces que l’on me demande, le dossier Pôle emploi va être compliqué à constituer, la demande de logements étudiants ne sera pas simple non plus, etc. Et ça a beaucoup de conséquences.

    Comment les enfants et les adolescents choisissent-ils d’accorder leur confiance à une source d’information ?

    Le plus fiable reste pour eux la presse écrite, avec le journal de 20 heures juste derrière. C’est assez paradoxal car ils ne consultent spontanément ni l’un ni l’autre. Ils se tournent plutôt vers des formats qui les séduisent, tout en restant vigilants sur le contenu de ces mêmes formats. C’est assez ambigu. C’est lorsqu’ils doivent faire un travail pour l’école que l’écart entre ce qu’ils considèrent comme fiable et ce qu’ils consultent se résorbe : ils se forcent à aller voir du côté de la presse. L’évaluation de l’information est vécue comme une injonction scolaire. Dans le même temps, Wikipédia est toujours décriée dans le cadre scolaire, désignée comme une source peu sûre. Ce qui est à la fois injuste et tout à fait contreproductif, car la stigmatisation d’une ressource leur laisse entendre que toutes les autres sources sont bonnes.

    « Pour bon nombre d’élèves s’informer est un risque à prendre, une gageure »

    Revenons à ce sentiment de honte, et au rôle de l’école : l’éducation aux médias telle qu’elle est proposée actuellement a-t-elle une responsabilité ?

    Il ne faut pas généraliser, de très bonnes choses sont faites un peu partout. Mais on voit quand même que l’éducation aux médias et à l’information est avant tout une éducation aux médias d’information, d’actualité politique, car on part du principe que c’est elle qui fait de nous des citoyens. C’est un rétrécissement de ce que doit être cette éducation. Et souvent, on entre dans ces sujets par « il faut faire attention aux réseaux sociaux, car vous y êtes tout le temps » et « attention à la désinformation ». Résultat : pour bon nombre d’élèves s’informer est un risque à prendre, une gageure.

    Que faudrait-il changer ?

    La désinformation obsède la société et l’école. La question de l’égalité des chances passe au second plan, ce qui est regrettable. Il faudrait éveiller la curiosité sur le monde, susciter une appétence pour l’information. Développer une culture des sources communes. Travailler autour de la fabrique de l’information, comprendre les registres langagiers, les codes médiatiques, sans dire qu’il y en a qui sont meilleurs que d’autres.

    Aujourd’hui, on observe des enseignements qui se confondent avec une recherche de légitimité de certaines pratiques journalistiques. On entend beaucoup que l’éducation aux médias devrait conduire les enfants vers la presse écrite. C’est comme si l’on disait que l’objectif de la langue française était de lire les œuvres complètes de Proust. Ça n’a pas de sens.

    Dans votre livre, vous esquissez la nécessité d’étendre les réflexions autour de l’éducation aux médias à toutes les classes d’âges.

    C’est tout le problème : dès que l’on parle d’éducation, on ne pense qu’aux enfants. Or ils ont besoin que les adultes partagent avec eux des clés de compréhension, d’explication. On peut espérer que cette génération, qui devrait être davantage éduquée aux médias et à l’information (j’insiste sur le terme « information » dans toute sa diversité), pourra transmettre elle-même ses connaissances.

    De nombreuses actions sont menées à destination des parents, par des associations. Certains médias s’emparent de ces problématiques en déconstruisant les informations, pour comprendre leur traitement. La responsabilité est partagée, et si chacun prend sa part de façon pédagogique, sans faire peur, sans angoisser et sans stigmatiser, nous réussirons à toucher un public plus large que celui des enfants et des adolescents. Ça ne peut pas fonctionner autrement.
    Xavier Eutrope
    Xavier Eutrope

    Journaliste à La Revue des médias

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #Revue_médias #Interview

  • ENTRETIEN. « Les jeunes attendent beaucoup des médias, il ne faut pas les décevoir »
    https://www.ouest-france.fr/education/entretien-les-jeunes-attendent-beaucoup-des-medias-il-ne-faut-pas-les-d
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMzA5ODc4NmU1ZjlmZDZkMDQxYmFjMDFiN2NkYTFhNjk0MWQ?width=1260&he

    Depuis 2012, Anne Cordier a rencontré 250 élèves, du CE1 jusqu’à la première. Professeure en sciences de l’information et de la communication, elle a ainsi enquêté en profondeur sur le rapport aux médias et à l’information des adolescents et jeunes adultes et en a tiré un livre, « Grandir informés ». Elle nous livre ici ses conclusions.
    Les jeunes générations sont encore friandes d’informations, selon la chercheuse Anne Cordier. Mais sur des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte. (Photo d’illustration)
    Les jeunes générations sont encore friandes d’informations, selon la chercheuse Anne Cordier. Mais sur des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte. (Photo d’illustration) | PIXABAY
    Ouest-France Propos recueillis par Emile BENECH. Publié le 28/09/2023 à 15h01

    Elle les suit depuis plus de dix ans. Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem), étudie le rapport aux médias et à l’information de 250 élèves des Hauts-de-France, de Normandie et des Pays-de-la-Loire, du CE1 jusqu’à la première. Elle en tire un livre, Grandir informés (éditions C & F), où elle explique les pratiques informationnelles des jeunes et leur évolution sur cette durée.

    [Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem).]
    Anne Cordier, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et chercheuse au Centre de recherche sur les médiations (Crem). | DR

    Anne Cordier, commençons par une idée reçue : est-ce que les jeunes ont arrêté de s’informer ?

    Pas du tout. En fait, lorsque l’on dit que les jeunes ne s’informent pas, on estime qu’ils devraient s’intéresser à des sujets dits « sérieux », comme l’actualité politique, internationale, etc.

    Les « jeunes » s’informent en fait sur plein de sujets. Mais ce sont des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte

    Les « jeunes » s’informent en fait sur plein de sujets, comme les questions de genre, celles liées au climat, ou des questions de sociétés, avec notamment les questions des violences faites aux enfants. Mais ce sont des thématiques qui, parfois, intéressent moins la société adulte.

    Comment les jeunes s’informent-ils ?

    D’abord, c’est difficile de figer les jeunes dans une catégorie sociale homogène. Le milieu social, le parcours académique, professionnel ou encore personnel va modifier les besoins informationnels de chacun.

    Cette veille se fait principalement via les réseaux sociaux et les médias 100 % vidéos [Brut, Konbini, Loopsider, etc.]. Au contraire, ils vont trouver que ces sujets sont peu – ou mal – traités, dans les médias plus traditionnels.

    Qu’est-ce que ça veut dire, de s’informer depuis les réseaux sociaux ?

    En fait, le réseau social est un canal qui est utilisé pour pouvoir accéder à toutes sortes de sources d’information. On y retrouve les médias traditionnels, comme Ouest-France, La Voix du Nord ou Libération, mais aussi des créateurs de contenus (Hugo Décrypte, Micode, etc.).

    Les jeunes ont délégué leurs systèmes de veille de l’actualité à ces réseaux sociaux. Bien sûr, ça nécessite de développer une forte culture des sources

    Les jeunes – et parfois les moins jeunes aussi – ont délégué leurs systèmes de veille de l’actualité à ces réseaux sociaux. Bien sûr, ça nécessite de développer une forte culture des sources, pour séparer la bonne info de l’ivraie.

    Mais ils ne subissent pas forcément cette relation avec eux ?

    Non, les jeunes connaissent le fonctionnement des algorithmes des réseaux sociaux [qui « optimisent » l’affichage des publications sur les fils d’actualités, en fonction des centres d’intérêt des utilisateurs, NdlR], et jouent avec. Ils vont « liker » une page, en suivre une autre ou aimer une vidéo, afin que ces contenus reviennent plus fréquemment dans leurs flux.

    Ils délèguent leurs systèmes de veilles aux réseaux sociaux, mais prennent quand même soin de les configurer en amont.

    À côté des réseaux sociaux, on trouve les médias 100 % vidéos. Ils sont eux aussi devenus la norme ?

    Oui, ces nouveaux médias sont extrêmement cités par les nouvelles générations. Mais ils font bien la distinction entre deux notions lorsqu’ils en parlent : le plaisir et la confiance. Pour eux, ces pure players sont extrêmement plaisants à regarder, mais ce ne sont pas systématiquement les médias dans lesquels ils ont le plus confiance.

    Et quels sont les médias investis de cette confiance ?

    Principalement la presse, qu’ils décrivent comme une présence rassurante. Paradoxalement, d’ailleurs, puisqu’ils indiquent que c’est le média dans lequel ils ont le plus confiance, que c’est important qu’elle existe, mais ils ne la lisent presque pas, dans sa version imprimée s’entend.

    Quelles sont les raisons ?

    C’est clairement parce qu’il y manque le côté audiovisuel. Et, lire un article, ça prend du temps. Cette question de la temporalité est devenue centrale dans le regard que portent les jeunes sur l’information.

    L’information est désormais choisie non pas en fonction de son intérêt, mais en fonction du temps qu’on souhaite lui accorder.

    Sur le site des médias 100 % vidéo, le temps des contenus est clairement indiqué, et les jeunes générations vont s’appuyer sur cette référence pour choisir ce qu’ils vont regarder. L’information est désormais choisie non pas en fonction de son intérêt, mais en fonction du temps qu’on souhaite lui accorder.

    Ça, c’est symboliquement fort, et ça montre la puissance du dispositif technique.

    Est-ce que l’information est perçue comme anxiogène par les jeunes ?

    Oui, et c’est quelque chose qui m’a beaucoup frappée dans mes entretiens avec eux. En fait, la notion de plaisir est très importante dans leur recherche d’informations. Et, d’ailleurs, les jeunes adorent s’informer, notamment sur des sujets documentaires, que ce soit la santé, les pyramides, la sexualité, etc. Là, ils prennent du plaisir, même sur des sujets pas rigolos en soi.

    Mais alors, dès qu’on parle de l’information d’actualité, donc qui, entre guillemets, leur tombe dessus, ils disent tous qu’elle est hyper anxiogène, que ça les angoisse, que, parfois, ils ont besoin de couper ou que ça ne leur donnait pas envie de vivre.

    Quel serait le média idéal pour les jeunes générations ?

    Alors ça, c’est toujours le vrai problème. En fait, le média idéal, ce serait presque un média totalitaire. Les plus jeunes rêvent souvent d’un média unique. Ils voudraient un grand média en lequel ils puissent avoir confiance de façon absolue. Et donc, c’est forcément problématique !

    Plus largement, ils souhaitent pouvoir consulter un média qui les prend au sérieux, et qui fait écho à leur quotidien. Sur les questions liées au climat par exemple, ils expliquent avoir du mal à se représenter les faits très lointains. En revanche, lorsque l’information est axée sur le quotidien et qu’on l’ouvre sur la question du climat, là ça prend plus de sens pour eux.

    Le lien entre les jeunes et le monde médiatique n’est donc pas si distendu qu’on pourrait le penser ?

    Non, au contraire, les jeunes attendent beaucoup des médias, beaucoup plus qu’on ne le pense. Et les grandes figures d’autorités qu’ils citent ne sont pas que des créateurs de contenus, loin de là, mais aussi des figures traditionnelles. La figure de référence est d’ailleurs Élise Lucet. Il ne faut pas les décevoir.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés #Ouest-France

  • Quelle transposition didactique pour l’éducation aux médias et à l’information ? Réflexions depuis la lecture d’Anne Cordier (2023. Grandir informés : Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes. C&F Editions) – Dé montages
    https://demontages.phl-lab.uliege.be/quelle-transposition-didactique-pour-leducation-aux-medias

    Néanmoins, éduquer aux médias et à l’information suppose peut-être, avant toute chose, de cerner le profil des publics à qui l’on s’adresse ; d’anticiper, autant que faire se peut, le destinataire de l’action éducative afin de mieux comprendre ses représentations initiales, ses résistances éventuelles, le rapport qu’il entretient avec les médias dans sa vie quotidienne, les pratiques qu’il met en place pour s’informer et communiquer. De ce point de vue, l’ouvrage d’Anne Cordier se révèle un adjuvant précieux : huit ans après Grandir connectés, l’autrice poursuit ses recherches auprès d’un public composé d’adolescents et de jeunes adultes, parmi lesquels on retrouvera, dans les retours d’enquêtes longitudinales, les douze participants de la première étude.

    L’angle choisi par Cordier sera celui des activités des enquêtés, des expériences vécues dans ce contexte, morceaux de biographies informationnelles à travers lesquelles le lecteur est invité à déambuler au fil des onze chapitres thématiques.

    Une première ligne qui traverse l’ouvrage est la dimension affective et relationnelle de l’information : elle se partage, en famille ou avec des amis ; elle est une manière de nourrir le lien, de négocier des représentations structurantes, des impressions, d’intégrer des communautés :

    les sociabilités informationnelles rompent avec la considération psychologique et individuelle de la démarche informationnelle : on ne recherche pas de l’information pour soi mais pour occuper une place dans le monde ainsi que pour partager du sens avec autrui. (p. 33)

    La sociabilité est, en premier lieu, familiale : Cordier relève ici l’importance des processus de socialisation primaire dans l’élaboration des pratiques informationnelles, dès lors que la famille apparaît comme un premier lieu d’échange, d’évaluation et de transmission des ressources informationnelles.

    À ces constats s’ajoute celui d’une obsession typiquement institutionnelle (politique, médiatique) relayée dans le monde scolaire, qu’est la chasse aux fake news. Davantage qu’un phénomène de société global (objet de préoccupations légitimes, au demeurant), les pratiques de désinformation sont présentées comme étant le propre des jeunes générations, et devant être corrigées durant le cursus éducatif. Il en résulte qu’évaluer l’information apparaît désormais comme « une injonction académique et non comme un processus intellectuel participant d’une démarche informationnelle critique plus globale, adoptée au quotidien. » (p. 240). La consultation de l’information de type news, celle de l’actualité vive, devient alors chez les jeunes une source d’anxiété en raison de la culture de la défiance (p. 255) qui se déploie dans le monde éducatif. Par contraste, Cordier souligne les émotions souvent positives associées aux pratiques d’information documentaires (soit, une recherche d’information de type knowledge), qui transparaissent des interviews.

    Ces représentations du milieu médiatique, immédiat, ouvert, interactif, orientent la saisie et la compréhension des formats d’information, dont le design joue un rôle de premier plan. Il contribue en effet à charger d’affectivité les pratiques informationnelles, en particulier lorsqu’elles se trouvent outillées numériquement[3] à des fins de captation attentionnelle et économique. Ce qui n’échappe en aucune manière aux enquêtés, qui oscillent, dans leur attitude face aux dispositifs, entre attraction et résistance. Le design des formats d’information numérique, visant la fluidité et l’instantanéité des propositions informationnelles, nourrit dans le même mouvement des imaginaires de démédiation et de transparence

    or, rappelle l’autrice, on gagnerait à réinterroger avec les jeunes le rôle que joue la presse dans leurs pratiques informationnelles, dès lors qu’ils continuent à la percevoir comme un média de référence. Cordier propose de la replacer dans une économie intermédiatique (Jeanneret [2000] 2017) qui prendrait en compte sa circulation sur différents supports. Plus généralement, elle réfute toute ligne de partage qui isolerait l’information en ligne dans les actions éducatives :

    L’erreur commise actuellement, et depuis hélas trop de temps, est d’opérer une focalisation obsessionnelle sur ledit numérique, isolant celui-ci au sein des pratiques informationnelles juvéniles, ce qui nuit à la véritable compréhension de l’épaisseur de ces pratiques mais aussi à la mise en place d’une éducation aux médias et à l’information ayant un sens social effectif car faisant écho à la véritable expérience des acteurs. (p. 131)

    L’une des conséquences de ce partage est la disqualification, par le monde scolaire, de certains sites où s’exercent les pratiques informationnelles (réseaux sociaux, Wikipédia) ; en d’autres termes, une stigmatisation de la ressource au détriment d’une culture des sources (p. 242) qui devrait pourtant prendre en considération l’économie intermédiatique.

    Discussion et pistes pour une exploitation didactique

    On décèle déjà, à la lecture de ces axes, tout le potentiel de l’enquête pour une approche didactique de l’éducation aux médias. Le travail est d’ailleurs préparé par Cordier qui, au terme de chaque chapitre et dans sa conclusion, émet une série de propositions pédagogiques tirées des analyses présentées (on en retrouvera les grandes lignes dans une interview récente dans le Café pédagogique). Il s’agit à proprement parler d’un appel à un changement de paradigme culturel dans l’enseignement des médias et de l’information :

    culture des sociabilités informationnelles, consolidées par la fréquentation des lieux de savoir (vs. culture de pratiques individuelles de l’information décontextualisées) ;
    culture de la confiance et du plaisir (vs. culture de la défiance et de l’angoisse de se tromper) ;
    culture des sources informationnelles (vs. stigmatisation des ressources informationnelles) ;
    culture technique du web attentive aux enjeux du capitalisme de surveillance et à ses logiques de captation (vs. culture instrumentale centrée sur l’outillage) ;
    culture intermédiatique explicitant la fabrication de l’information et les « systèmes d’intentions et de valeur des formats médiatiques » (p. 300) (vs. culture des médias numériques pensés comme isolés) ;
    culture valorisant les savoirs informels et les pratiques extra-scolaires (vs. culture académique) ;
    culture des légitimités informationnelles (vs. culture des bons usages normés dont les implicites renforcent les inégalités).

    La démarche de Cordier, résolument compréhensive, vise en réalité à mieux saisir l’expérience informationnelle de l’usager des médias. L’autrice exploite ici à bon escient tout le potentiel de l’approche qualitative, donnant accès au matériau vivant et concret de l’expérience, tout en étant étayée méthodologiquement (l’annexe en donne un aperçu). On appréciera la posture éthique de l’autrice, marquée d’un profond respect pour les enquêtés en tant que personnes, dans la diversité de leurs positions — qu’il s’agisse du militant antifa ou du gamer sympathisant du RN — mais aussi, par exemple, pour les enseignants et acteurs de l’action éducative qui, tant bien que mal, s’ajustent aux injonctions institutionnelles. L’approche résolument bienveillante n’empêche en rien la considération critique de ces injonctions, de leurs faiblesses intrinsèques ou de leur difficile applicabilité. La reconnaissance de la pluralité de pratiques informationnelles (incluant les pratiques amateur) évitant la reconduction des hiérarchies consacrées (qui sont toutefois pensées analytiquement) donne également matière à réflexion.

    En guise de conclusion…

    La transposition didactique repose sur la transformation adaptative de savoirs savants ou de pratiques sociales de référence en savoirs enseignables. Cette transformation d’un objet social ou scientifique en objet scolaire passe par une mise en texte du savoir, que l’on retrouvera par exemple dans les textes institutionnels (programmes, référentiels, etc.), les manuels et autres supports de cours (Reuter et al. 2013, 221). À ce titre, la transposition didactique consiste en une pratique discursive du savoir au sens de (Badir 2022), soit la manière dont un savoir est, par le discours, constitué en objet susceptible d’être transmis et enseigné. Elle est donc affaire, notamment, de précision lexicale.

    De notre lecture d’Anne Cordier, nous retiendrons donc cette idée d’un étayage terminologique et conceptuel indispensable à l’éducation aux médias et à l’information, qui pourrait servir de filtre pour la sélection de pratiques sociales de référence pertinentes

    Ces quelques considérations sont loin d’épuiser le potentiel de Grandir informés pour penser les aspects didactiques de l’éducation aux médias et à l’information. Par exemple, la prise en compte du rôle essentiel des émotions dans la saisie de l’information pourra faire l’objet d’activités réflexives intégrant les théories du design de l’information et de l’énonciation éditoriale — ce qu’on trouvera par ailleurs dans les propositions méthodologiques de la sémiotique sociale (Saemmer, Tréhondart, et Coquelin 2022). Dans un autre registre, celui de la scénarisation didactique, l’identification des représentations préalables associées aux médias numériques (immatérialité, démédiation, immédiateté, interactivité, dualisme, etc.) fournira des points d’appuis précieux pour initier une activité pédagogique. On continuera donc avec plaisir à suivre l’autrice dans ses nombreuses interventions médiatiques, adressées aux chercheurs mais également, bien souvent, aux parents, enseignants et adolescents, tout à la fois acteurs et bénéficiaires de l’action éducative.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Mort de Nahel : pourquoi interdire les réseaux sociaux est une mauvaise idée
    https://www.angersmag.info/mort-de-nahel-pourquoi-interdire-les-reseaux-sociaux-est-une-mauvaise-id

    Suite aux épisodes de violence nocturne qui ont eu lieu dans plusieurs communes de France après la mort de Nahel, les réseaux sociaux sont accusés par les autorités et certains habitants d’avoir joué un rôle dans ces événements. Cependant, selon Anne Cordier, professeur à l’université de Lorraine et spécialiste des pratiques numériques des jeunes, il s’agit là d’une erreur.

    Cinq jours après la mort de Nahel à Nanterre, tué par un policier et les dégradations qui ont suivi, la question du rôle des réseaux sociaux refait surface. TikTok et Snapchat sont particulièrement pointés du doigt par les autorités. Les phénomènes de concours d’incitation sont mis en cause, notamment la fonction « Snap Map » de Snapchat. Certains Marseillais attribuent également les scènes de pillage inédites dans les quartiers Nord aux réseaux sociaux.

    Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine et spécialiste des usages et pratiques numériques des jeunes, affirme que les réseaux sociaux sont un espace où les jeunes se rassemblent tant pour le meilleur que pour le pire. Elle met en avant le fait que ces plateformes permettent des actions positives telles que la mobilisation pour la défense de l’environnement ou pour les droits des jeunes filles, mais également des actions destructrices. Selon elle, ce n’est pas l’outil en lui-même qui est responsable, mais plutôt la colère et la frange de la jeunesse qui se rassemble grâce à ces réseaux sociaux.

    Les réseaux sociaux amplifient les phénomènes de challenge et d’émulation qui existent déjà. Anne Cordier explique que les sociabilités sur les réseaux sociaux reposent souvent sur des concours et des défis, mais elle affirme que les adolescents ont une grande conscience de ce qu’ils font et qu’il faut comprendre en profondeur ce qui se passe. Ce qui accentue la situation, c’est le phénomène d’amplification et la dissémination sur des territoires qui n’auraient peut-être pas été touchés sans l’aspect « virtuel » des réseaux sociaux. La véritable question est donc le rapport aux institutions, à l’ordre et à la République.

    Certains ont suggéré de fermer les réseaux sociaux ou de les interdire aux plus jeunes, mais Anne Cordier est opposée à cette idée. Selon elle, cela n’aurait aucun sens et constituerait un risque pour la démocratie. Elle souligne également que cela refléterait une démission éducative de la part de la société et des parents. L’éducation numérique est nécessaire, aussi bien pour les parents que pour la société et les politiques.

    Anne Cordier explique que les vidéos de violence et de pillages sur les réseaux sociaux font partie d’un écosystème de violence plus large, qui ne peut être réduit à du simple mimétisme ou à des challenges. Elle insiste sur l’importance de comprendre les motivations de ces collectifs et de ne pas les prendre à la légère. Elle est convaincue qu’il ne faut pas interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, car ils peuvent être un vecteur d’accès à l’information et un outil de démocratisation. Cependant, elle reconnaît que de nombreux parents ne maîtrisent pas les outils numériques utilisés par leurs enfants, et insiste sur l’importance de l’éducation numérique.

    En conclusion, Anne Cordier met en évidence la méconnaissance totale du fonctionnement des réseaux sociaux et du numérique en général chez certains jeunes et certaines autorités, soulignant ainsi une faille dans l’utilisation de ces outils.

    #Anne_Cordier #Médias_sociaux #Emeutes

  • Violences après la mort de Nahel : pourquoi interdire les réseaux sociaux est une mauvaise idée
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/nancy/violences-apres-la-mort-de-nahel-pourquoi-interdire-les
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/2DSlqigWdvjyt4KoNNcrCb5Dm4s/930x620/regions/2023/07/02/64a18188d9c49_reseaux-pixabay-social-gd31575c5f-1280.jp

    Interview de Anne Cordier

    Publié le 02/07/2023 à 16h51
    Écrit par Malika Boudiba
    Les réseaux sociaux sont pointés du doigt par les autorités, mais aussi par des habitants.

    Alors que plusieurs communes de France ont vécu plusieurs épisodes nocturnes de violence après la mort de Nahel, les réseaux sociaux sont pointés du doigt par les autorités, mais aussi par des habitants. Mais c’est une erreur, selon Anne Cordier, professeur à l’université de Lorraine et spécialiste des pratiques numériques des jeunes.

    Cinq jours après la mort de Nahel à Nanterre, tué par le tir d’un policier et les dégradations importantes qui ont suivi en France, la question du rôle des réseaux sociaux a ressurgi. TikTok et Snapchat en particulier sont pointés du doigt par les autorités. Les phénomènes de concours d’incitation seraient à l’œuvre. Snapchat et sa « Snap Map » ont été mis en cause. l’AFP rapporte : "’En 2005, on n’a pas été impacté par les émeutes et là si, parce qu’il y a TikTok, Snapchat’ : nombre de Marseillais, choqués par des scènes de pillage inédites, notamment dans les quartiers Nord, en veulent aussi aux réseaux sociaux."

    Nous avons posé la question à Anne Cordier. Elle est enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication, spécialiste des usages et pratiques numériques, particulièrement des jeunes, à l’Université de Lorraine. Elle vient de publier un ouvrage, "Grandir informés, les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes". (cf editions)

    Pour elle : "les réseaux sociaux sont un espace sur lequel les jeunes se rassemblent pour le meilleur et pour le pire." Pour le meilleur, cela mène à des actions comme récemment pour la défense de l’environnement ou pour une mobilisation dans les établissements pour le droit des jeunes filles. Mais, c’est exactement le même phénomène qui permet aux jeunes de se rassembler pour détruire des biens publics. "Ce n’est pas l’outil qui est en cause. Les réseaux sociaux sont l’espace qui favorise la mise en relation. Là, on a une frange de la jeunesse qui se met en relation par colère."
    Phénomène d’amplificateur

    Les réseaux sociaux amplifient les phénomènes de challenge et d’émulation qui existent par ailleurs. Anne Cordier explique : "Les sociabilités sur les réseaux sociaux reposent beaucoup sur l’organisation de concours ou de défis. Les professionnels de santé alertent régulièrement sur ce phénomène qui conduit parfois à la mise en danger de soi ou d’autrui." Pour elle, les adolescents en général ont "une grande conscience de ce qu’ils font. On aurait tort de croire qu’ils sont manipulés par l’outil. Il faut comprendre profondément ce qu’il se passe." Ce qui change tout une fois encore, c’est le phénomène d’amplificateur. "Il y a une forme de dissémination sur des territoires qui peut-être n’auraient pas été touchés. L’aspect " virtuel" permet la dissémination dans des territoires physiques. La vraie question est le rapport aux institutions, à l’ordre, à la République."
    Couper les réseaux sociaux ?

    Quelques voix se sont élevées ces derniers jours appelant à fermer les réseaux sociaux ou à les interdire aux plus jeunes. "Cela n’aurait aucun sens", pour Anne Cordier. "Il y a un double problème. D’abord, c’est un risque pour la démocratie. Aujourd’hui, on couperait les réseaux sociaux pour empêcher les jeunes de dégrader. Et demain ? On voit déjà ce qui est à l’œuvre dans d’autres pays non démocratiques. Le second problème est une démission éducative." Cette démission éducative au numérique, elle est parentale, mais surtout sociétale et politique.

    Une question d’éducation numérique

    Concernant les vidéos de violence et de pillages, elle nous explique : "les réseaux sociaux font partie d’un écosystème de violence plus global ici, que l’on ne peut pas réduire uniquement à du mimétisme ou du challenge ces phénomènes. De fait, il faut comprendre ces effets de groupes et ce qui motive des collectifs ainsi constitués. Et ne pas les prendre à la légère. Car finalement parler de mimétisme, aussi paradoxal que cela puisse paraître au vu des intentions politiques, c’est ne pas mettre ces acteurs en situation d’être responsables pleinement de leurs actes."

    Anne Cordier est convaincue qu’il ne faut pas interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. "Les études de terrain montrent que cela peut être un vecteur d’accès à l’information. C’est aussi un outil de démocratisation. Les inégalités sociales se jouent aussi là. Pour le moment, on est dans le temps de l’urgence. Mais, il faut travailler le rapport aux institutions et à la République et non d’interdire un espace d’interaction en ligne." Le problème des parents est que souvent, ils sont très loin de maîtriser les outils numériques qu’utilisent leurs enfants. C’est aussi une question d’éducation numérique. Une question pour les parents, pour la société et pour les politiques.

    La preuve de cette faille se trouve dans l’usage immodéré que font les jeunes de ces outils. Ils peuvent, très bien, être surveillés et leur adresse IP tracée par la police. "C’est la preuve d’une méconnaissance totale du fonctionnement des réseaux sociaux" et du numérique en général.

    #Anne_Cordier #Réseaux_sociaux

  • Anne Cordier : Repenser l’éducation à l’information ?
    https://www.cafepedagogique.net/2023/06/16/anne-cordier-repenser-leducation-a-linformation

    Peut-on éduquer les jeunes sans les connaitre ? Comment dépasser en particulier certains stéréotypes qui obsèdent et aveuglent : celui du « digital native » (le jeune serait expert dans les environnements numériques) et celui du « crétin digital » (le jeune serait assujetti et abêti par « les-z-écrans ») ? C’est l’enjeu essentiel du passionnant travail d’Anne Cordier, professeure-documentaliste désormais professeure des universités en Sciences de l’Information et de la Communication. Elle publie un nouvel ouvrage amené à faire date : « Grandir informés ». Son travail d’enquête, patient, rigoureux, bienveillant, éclaire les pratiques et représentations des enfants, adolescents et jeunes adultes en matière d’information. Ses décapantes et vivifiantes analyses transformeront peut-être les représentations et pratiques des enseignant.es dans la mission qui leur est confiée : l’Education aux Médias et à l’Information…

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

  • Enfants et écrans : « Les médias sont alarmistes, les études scientifiques beaucoup moins » - L’Express
    https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sciences/enfants-et-ecrans-les-medias-sont-alarmistes-les-etudes-scientifiques-beauc
    https://www.lexpress.fr/resizer/VDuhX4gk-JjvAO9i9Gp8sxr3L6o=/1200x630/filters:focal(2047x1685:2057x1695)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/45RENNSGDRE2BK62OR5EOPVAKY.jpg

    Halte au catastrophisme ! Coordonné par Anne Cordier, professeure des sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive à Rennes 2, Les Enfants et les écrans (Retz) regroupe les contributions de chercheurs en psychologie, psychiatrie, neurosciences ou sociologie (Franck Ramus, Grégoire Borst, Nicolas Poirel, Eric Jamet…). Le numérique diminue-t-il l’intelligence des enfants et des adolescents ? Les jeux vidéo et les réseaux sociaux sont-ils nuisibles pour la santé psychique des jeunes ? Loin des discours alarmistes en vogue sur les « crétins digitaux », ce livre indispensable fait un point sur les connaissances scientifiques, et rassurera des parents culpabilisés. Entretien.

    Vous rappelez que de la radio aux mangas, chaque nouvelle activité de loisir a suscité des discours alarmistes…

    Anne Cordier : Ce phénomène de panique morale s’est observé sur les émissions radiophoniques consacrées aux crimes dans les années 1940, les comics books dans les années 1950, les jeux de rôle type Donjons et Dragons dans les années 1980. Dans les années 1930, on a même vu des discours sur la corruption morale chez les jeunes provoqués par le flipper, qui venait d’être inventé…

    A chaque fois, il y a un schéma similaire. Des lanceurs d’alerte créent une panique morale, avant que des responsables politiques ne la récupèrent. En 1942, le maire de New York, Fiorello LaGuardia, avance ainsi que ces flippers sont des « machines du diable » et ira même jusqu’à se mettre en scène en train d’en détruire un avec une masse. Et ensuite, ça retombe. D’ici à ce qu’on arrive à un consensus scientifique sur les écrans, une nouvelle panique morale aura sans doute été lancée sur autre chose.

    #Panique_morale #Anne_Cordier #Séverine_Erhel

    • Un petit lien justpaste.it avec l’entretien en entier ?

      Le bouquin du neurologue Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital (dont j’ai posté mes notes de lecture ici https://seenthis.net/messages/989587), m’a paru scientifiquement très solide. Dans sa première partie, il prend notamment pour cible ces experts qui s’emploient à relativiser l’impact des écrans sur la santé physique, mentale, cognitive des enfants, des adolescents et des adultes.

      Anne Cordier et Séverine Erhel, quant à elle, prennent pour cible Michel Desmurget. C’est en tous les cas ce que le début de cet entretien me laisse à penser...

  • Non, les jeunes ne sont pas des crétins passifs face à l’information - Interview de Anne Cordier
    https://www.ladn.eu/media-mutants/non-jeunes-cretins-passifs-information

    Une interview indispensable.

    Vous pensez que les adolescents sont juste bons à regarder des influenceurs débiles sur YouTube ? Au terme de 10 ans d’enquête sur les pratiques informationnelles des jeunes, la sociologue Anne Cordier n’est pas du tout du même avis.

    Loin du cliché qui voudrait que les enfants et adolescents soient des victimes complaisantes des réseaux sociaux incapables de s’informer correctement, le livre Grandir informés de la sociologue Anne Cordier a de quoi rassurer. Depuis 2012, cette enseignante-chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Lorraine, suit la vie connectée de jeunes de 6 à 20 ans afin de comprendre leur rapport au numérique et à l’information au fur et à mesure de leur parcours et de leur entrée dans le monde adulte. Il en ressort un constat qui va bien souvent à l’encontre des idées reçues. Pour beaucoup d’ados, il est important – et même plaisant – de bien s’informer même si cette action ne se fait pas sans difficulté. Forgées par le Web et un écosystème d’information décentralisé, les pratiques des jeunes sont pourtant toujours mal perçues par une majorité d’adultes. Explications.

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

    • Quand toute l’industrie mondiale du sucre fait tout pour en mettre partout, être pédagogue ne suffit pas, expliquer que « le sucre c’est mal » n’empêche pas de vouloir en manger toujours plus : il faut être proactifs, et interdire au max le sucre transformé à la maison, et manger des brocolis à table. Et de temps en temps quand c’est la fête, anniv, noel etc, on sort un peu de bonnes confiseries et bons chocolats qu’on a choisit si possible avec soin.

      Du coup la comparaison tient plutôt bien : il faut être proactifs aussi et ne pas laisser de chamalows numériques librement à disposition en permanence. Et donc manger des brocolis informationnels en priorité = de la presse papier ou numérique choisie avec vraiment des nutriments informationnels dedans càd du vrai travail journalistique et pas du temps de cerveau pour les publicitaires = Mediapart plutôt que Brut pour schématiser mais yen a d’autres. Avoir des infos ingurgitables en 2min, 5min max, c’est la mort de l’information et de l’analyse. Ne pas laisser le portable et l’ordi dispo en continu. Faire lire des romans, des essais, de la presse totalement papier sans aucune distraction autour.

      Le goût complexe et la diététique (et il faut les deux) ça s’apprend, un enfant n’aimant pas forcément immédiatement sans apprentissage le roquefort et les champignons.

      Cela dit la pression sociale est tellement forte pour le sucre (alimentaire et informationnel) qu’il faut être super surveillant et pointilleux.

      J’ai un bon exemple d’ado à la maison, qui a totalement décliné en capacité d’expression oral/écrite depuis qu’il a le portable disponible en permanence. Et c’est marrant car la comparaison avec le sucre continue de marcher.
      – Toute son enfance ya jamais eu de bonbons et trop de trucs sucrés à la maison. Et bien il mangeait du roquefort à 1 an, et il préfère toujours un bout de comté ou du houmous de papa qu’une sucrerie.
      – Toute son enfance il avait accès à uniquement du papier, des dizaines de livres, et pas youtube bien sûr mais pas de télé non plus : les vidéos étaient uniquement des DVD choisis (et donc à demander pour y accéder). Et bien il a lu ultra tôt, avait un vocabulaire deux fois plus que le moyenne, etc. Il n’y avait pas besoin de surveillance, on pouvait le laisser seul dans sa chambre ou dans la maison, puisque ce qu’il avait accès c’était plein de trucs de qualité en papier.

      À partir de fin collège, sa mère lui a pris un mobile, et il a eu aussi ordi, youtube, tiktok, tous les « médias de flux », etc. Depuis il ne lit plus de papier par lui-même, seulement quand on le force, et il a des difficultés scolaires importantes dans les matières de socle (français, expression, argumentation, etc).

      Alors on pourrait dire « bah fallait pas juste lui donner, fallait surveiller plus ». Certes, mais déjà c’était pas mon choix, et surtout on n’a pas forcément le temps et l’énergie (charge mentale, travail, courses, manger, loyer, etc). Alors que quand il n’y avait pas le mobile du tout, cette surveillance de tous les instants pour ne pas se gaver de sucre pourri n’avait pas lieu d’être. C’est une charge mentale énorme qui s’ajoute aux parents !
      (Perso quand j’étais ado, je jouais énormément aux jeux vidéos, collège et lycée. Mais il y avait la presse papier dans le salon toujours dispo, Libé, Télérama, etc, que je lisais toujours.)

    • Figure toi que le notre, en 1ère, il ne parle plus beaucoup spontanément, et il a du mal quand il faut argumenter, aussi ; c’est aussi l’âge. Mais quand il faut qu’il raconte un film qu’il a vu, c’est affligeant la difficulté qu’il a à synthétiser les éléments importants. A l’approche du bac, on est en train de se dire que bon, mais pourquoi ils ne rédigent plus rien en français au collège et au lycée ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés. Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice. C’est très bien que la charge de travail à la maison soit moindre, mais... si l’exercice n’est pas réalisé non plus en cours, quand est-ce que le gamin va s’y frotter ? C’est ça la fameuse « baisse de niveau » ?

    • Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on leur demande de faire des commentaires de texte littéraire, et des dissertations au bac, alors qu’on ne leur demande plus d’en faire ni en cours, ni à la maison, sauf 2 ou 3 fois l’an pour les devoirs surveillés.

      Aah mais purée ça fait 3 ans que je me demande la même chose depuis fin collège !

      Moi au collège au moins depuis la 4ème, on nous demandait de faire des « fiches de lecture » super longues, qui devaient avoir un résumé de plusieurs pages A4 + avis personnel long et argumenté (et je détestais ça). Là, même en seconde ils ont pas ça ! WTF pour faire le bac ensuite… Il a dû faire 2 pauvres commentaires en un an…

    • De notre côté, on a retiré le portable depuis plus d’un an à la grande, malgré une nouvelle tentative à Noël. Donc elle l’a au compte-goutte. Parce que c’était totalement ingérable : les gamins ont encore moins de moyens que nous de résister au fait que l’« économie de l’attention », depuis des années, c’est le principal investissement de la Silicon Valley. Les meilleurs psys, comportementalistes, ingénieurs, que sais-je, et des milliards de dollars sont consacrés à la seule et unique tâche de savoir comment capter l’attention. Notre ado est rigoureusement incapable d’y résister (même si elle a conscience du problème, comme c’est dit par Anne Cordier). Les confinements n’ont sans doute pas aidé, d’ailleurs, ce sont des périodes où les mauvaises habitudes semblent s’être lourdement installées.

      Et la différence du smartphone avec la téloche, c’est que c’est rigoureusement incontrôlable : tu te retrouves avec une gamine qui semble épuisée, tu crois qu’elle couve quelque chose et tu te rends compte seulement à la fin de la semaine que c’est parce qu’elle binge-watchait des « les Gacha commentent des animés » jusqu’à 4 heures du mat toutes les nuits sous la couette. (Je me souviens que je bouquinais en loucedé sous ma couette, avec la lampe-poche destinée à aller pisser la nuit ; mais tu peux pas bouquiner tous les soirs jusqu’à 4 heures du mat avec une lampe-poche, tu finis forcément par roupiller avec la loupiotte allumée. Par contre, le smartphone, c’est redoutable.)

      Du coup on a repris le smartphone et les petits n’en auront pas. La grande a un dumbphone pour… téléphoner (ce qu’elle ne fait quasiment jamais, téléphoner apparemment c’est beaucoup trop intrusif). Anne Cordier le dit d’ailleurs à la fin de l’article : les gamins ont bien conscience des pièges, mais n’ont aucun moyen de ne pas y céder. (On a tenté pendant trop longtemps de contrôler grâce aux contrôles parentaux, qui sont directement intégrés dans les trucs Apple, mais c’est un échec retentissant – alors même qu’on est loin d’être des parents analphabètes en matière d’interwebz…).

      La difficulté se déplace alors sur l’ordinateur, parce que là aussi dès qu’on a le dos tourné ça te me binge watch des conneries au lieu de faire les devoirs (c’est pas qu’on voudrait qu’elle ne fasse que ses devoirs avec l’ordi : c’est qu’on voudrait qu’elle ne passe pas 4 heures chaque soir à glander parce que les devoirs prennent des plombes et que tout ça est d’une inefficacité épouvantable). Et qu’on aimerait bien, aussi, qu’elle fasse autre chose dans sa vie d’ado que de rester à glander devant l’ordinateur avec les devoirs toujours à faire, et à n’avoir plus le temps pour rien (ne serait-ce que sortir avec les ami·es).

      Les petits (en sixième), pour l’instant les mauvaises habitudes ne sont pas totalement prises (vu que pas de smartphone), mais ça commence : le collège leur fournit un ipad chacun, qui est relativement bridé, mais ça n’empêche que ça commence à devenir un problème.

      Dans tous les cas, on constate en plus les comportements pénibles. C’est pas totalement surprenant que ça se développe avec l’âge, mais pour le coup, je pense que l’accès aux écrans accentue les mensonges, les tromperies et les dissimulations. Quand la grande arrive à récupérer le smartphone (parce qu’un besoin ponctuel le justifie), derrière on peut être certains qu’on va se fader des méthodes de brigande pour planquer le truc, mentir (« nan, je sais pas où il est… »), attendre qu’on soit couchés pour binge-watcher des merdes, nous entuber pour réussir à faire sauter les limitations parentales…

      Je trouve Anne Cordier légère sur cette partie de l’entretien :

      Après, dans les faits, ils sont comme nous tous. On a conscience qu’on se fait avoir par ces applications : ça nous arrive de tomber facilement dans un tunnel de TikTok. Ils reconnaissent qu’ils sont victimes de ce genre de pratiques et ils se sentent démunis face à ça. Ils parlent de fermer le téléphone, de le mettre en silencieux, mais ils n’ont pas de solutions efficaces. Ce que je trouve difficile, c’est surtout de leur déléguer la responsabilité des pièges tendus par ces applications.

      Je comprends qu’elle ne développe pas parce que ce n’est pas le cœur du sujet, mais pour les parents, à nous lire je vois bien que c’est indissociable du sujet de l’accès à l’information. Elle dit : « ils se sentent démunis », « ils n’ont pas de solutions efficaces », et c’est « difficile de leur déléguer la responsabilité ». Certes, mais les parents n’ont pas de solution non plus, et le fait même que le smartphone soit un objet personnel et incontrôlable fait qu’il n’y a aucune autre solution que de leur « déléguer » la responsabilité de leur usage - sauf à confisquer l’objet…

      Sinon, pour revenir à la consommation d’info par les gamins, je suis assez d’accord sur le fait qu’ils peuvent utiliser les écrans de manière tout à fait constructive pour alimenter leurs centres d’intérêt. Certes on bloque les réseaux sociaux et on surveille pour limiter les comportements de binge-watching de trucs débiles, donc nos 3 gamins, dans le tram, ont l’habitude de discuter ou de dessiner plutôt que de scroller vainement de vidéos rigolotes en vidéos rigolotes sur Insta. Mais du côté de l’« information », franchement, je trouve pas les gamins d’aujourd’hui (y compris les gamins de nos amis) plus nuls que nos générations, qui ont été élevées avec la téloche.

      Après, les parents qui trouvent que leurs gamins sont incultes en matière d’information, ne s’intéressent pas aux « bons » sujets, faut peut-être un peu discuter d’autre chose avec ses gamins que du dernier épisode de Kolantha. On n’attend pas des niards qu’ils se passionnent spontanément pour l’information « noble », m’enfin si tu discutes à table de l’Ukraine, de la réforme des retraites et du SNU, les gamins ils s’intéressent, histoire de participer à la conversation. De plus, de la même façon qu’on n’attend pas qu’ils aillent au musée tous seuls où qu’ils apprennent spontanément le programme de math sans passer par l’école, l’accès à l’information c’est surtout quelque chose qui se fait en famille : outre discuter avec eux, tu peux regarder des documentaires avec eux, choisir un film sur tel sujet qui a éveillé leur intérêt, faire une recherche ensemble sur le Web…

    • Chaque enfant est unique décidément.

      Ici, il a son mobile depuis je ne sais plus quand au collège. En 4è ou 3è. Il se l’est acheté avec ses sous. Et il avait ordre de le déposer hors de sa chambre à 22h00 dernier délai. C’est plus souple désormais, au-delà de 22h je veux dire, mais il ne doit jamais le garder avec lui la nuit. Et il ne tente pas de contourner.

      En ce moment, il me demande de supprimer le contrôle parental de la Switch. Mais il n’a pas encore compris que ce n’était pas pour lui que je le conserve :-))

      On est du genre à faire confiance. Mais quand on détecte qu’il a abusé de cette confiance, on le pourrit. Et ça suffit. Jusqu’alors.

    • Dans ce que vous dites, il y a un mélange entre les ruptures de l’adolescence (qui n’ont pas besoin du smartphone pour cela), les préceptes éducatifs (qui viennent de votre haute conception du travail intellectuel) et les manipulations massives des oligopoles de l’attention.

      Ce qui fait que ce n’est pas forcément facile à suivre.

      Pour mes enfants, c’était avant le numérique, et je n’avais pas la télé... mais j’ai vécu des choses semblables à ce que vous décrivez. Et pour mes petits-enfants, j’ai vu la manière dont elles se redressent après un plongeon dans le youtubisme.

      C’est tout l’intérêt de la sociologie de s’écarter des choses que l’on peut observer autour de soi pour prendre en compte de multiples éléments.

      Et dans le cas du livre de Anne Cordier, c’est sur plus de dix ans en longitudinal... le temps de voir des choses changer.

      Enfin, quand elle dit que les enfants sont démunis, elle dit autant des parents... sa cible est plutôt les pouvoirs politiques (et éducatifs, pouvoirs, pas profs) qui restent les bras croisés devant les méga-machines.

    • Sauf que ceux qui vivent au quotidien avec ces enfants puis ados, ce sont bien les parents, puis en deuxième ligne les profs. Donc on ne peut pas toujours attendre une solution de l’État et des pouvoirs publics/politiques. Surtout à partir du moment où le médium est majoritairement un objet purement personnel comme le smartphone, comme le rappel @arno plus haut, donc bien plus difficilement surveillable/controlable (que la télé ou un ordinateur central, que ce soit à la maison ou dans l’éducation).

      On se doute bien qu’il y a des choses propres à l’adolescence… Mais il faut quand même arriver à distinguer ce qui est propre à cette époque précise avec les objets et médias précis du moment (internet, smartphone, youtube, rézosocios, etc).

      Je trouve pour l’instant toujours que son analogie finale avec le sucre et les brocolis, correspond plutôt bien à la chose, même si je ne sais pas si elle en mesure vraiment toutes les conséquences pratiques.

      Avoir un smartphone dès le collège en libre accès, avec youtube etc, c’est donc très exactement comme si nous les parents on leur laissait un ÉNORME paquet de chamallows en libre accès dans leur chambre et leur sac à dos en permanence. Un paquet virtuellement sans fond. Et on les laisse s’auto-réguler avec ça.

      Pour le sucre, il y a à la fois l’éducation personnel au goût, au fait de pas juste laisser librement l’accès et le choix entre chamallow et brocoli sur une table, donc des actes durant l’éducation des parents et de la cantine de l’école ; et des actions politiques de grande échelle, sur les restrictions au sucre dans les produits transformés, aux lois sur la publicité, à l’organisation de campagne de santé nationale et dans l’éducation nationale, etc. Mais ya bien les deux et en premier lieu les parents au quotidien dès la petite enfance.

      Et je persiste à penser que l’éducation à la lecture, à l’analyse critique et à l’argumentation, ne peut être la même entre des générations qui ont appris ça sur papier et sans distractions puis ont été ensuite sur internet et ont appliqué ce qui avait déjà été intégré dans leur tête, et des générations a qui on tente d’apprendre ça directement dans la profusion d’écrans et des internets.
      Pour filer encore, c’est comme si on avait des générations éduquées à manger pas trop mal, doucement, et sans télé à table, avec peu de sucre accessible, un peu en fin de repas ; et d’autres générations où pendant tous les repas depuis l’enfance, ya des écrans et de la publicité flashy pour des trucs sucrés en continu, et ya des bols de bonbons et de trucs à l’huile de palme tout le long sur la table. On peut pas avoir le même rapport (personnel et social) à la nourriture entre ces deux manières.

    • Un aspect assez rigolo : depuis l’année dernière pour la grande, le sujet « Les réseaux sociaux » revient souvent en classe. Soit sous forme de débat organisé en classe (notamment en anglais pour faire causer les gamin·es), soit sous forme d’épreuve écrite.

      Du coup la grande vient en discuter, et la première chose qui me vient à l’esprit, c’est : « m’enfin tu as à peine 14 ans, les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans, et avec l’autorisation des parents avant 15 ans ; donc je ne comprends pas qu’on t’impose un sujet sur lequel tu n’as potentiellement rigoureusement aucune expérience… ». Bientôt un sujet « Est-ce que vous pensez que vous payez trop d’impôts ? » au Brevet ?

    • Bah ouais mais rien à voir avec l’accès facile permanent de tous en 2 clics dès google. Là aussi c’est la diff entre « moi j’ai connu ci » et la moyenne d’âge d’une génération entière (rien qu’en 2017 c’était encore 14 ans, là 10 ans maintenant… en 1985 c’était largement plus de 14 la moyenne pour ça).

    • Au collège à une époque, on demandait de faire des résumés, des rédactions. Je n’ai pas le souvenir d’une seule fois où il a eu à faire cet exercice.

      @biggrizzly pour répondre à ton interrogation, il faut se rappeler que le « sujet d’invention » a été supprimé du bac il y a 4 ou 5 ans.
      L’imagination n’est plus au programme !

  • Comment « éduquer aux médias » aujourd’hui ? - Vivement l’Ecole !
    http://demain-lecole.over-blog.com/2023/03/comment-eduquer-aux-medias-aujourd-hui.html

    la citation

    « Il faut rappeler que l’accès à l’information est un droit, que c’est une chance de pouvoir s’informer aujourd’hui, et on pourrait même aller plus loin en disant que c’est une chance de prendre le risque de tomber sur une mauvaise information et d’exercer son esprit critique. On parle de stress et de fatigue, mais il y a une notion qui est importante c’est celle de plaisir, la joie de s’informer en famille ou à l’école, ensemble », Anne Cordier

    #Anne_Cordier #Education_médias_information

  • « Si les ados n’ont pas accès aux réseaux sociaux, on les prive d’une forme de sociabilité » – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/education/si-les-ados-nont-pas-acces-aux-reseaux-sociaux-on-les-prive-dune-forme-de
    https://www.liberation.fr/resizer/En1wdEBUFtDr_Sjfi8kVmfupQTg=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(2625x1205:2635x1215)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/CFELPWCCZBAYZGG267V5CVEWAM.jpg

    Alors qu’une proposition de loi examinée ce jeudi vise à interdire l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, la chercheuse Anne Cordier estime que ces plateformes restent un lieu de socialisation et d’éducation important.

    "Alors qu’une proposition de loi
    examinée ce jeudi vise à in-
    terdire l’accès aux réseaux
    sociaux avant 15 ans, la chercheuse
    Anne Cordier estime que ces plate-
    formes restent un lieu de socialisation et
    d’éducation important.
    Les réseaux sociaux, pas avant 15 ans
     ? La proposition de loi du député Lau-
    rent Marcangeli (Horizons) visant à in-
    staurer une majorité numérique à cet âge
    sera examinée ce jeudi à l’Assemblée.
    En dessous de 15 ans, les jeunes ne
    pourraient pas s’inscrire sans accord
    parental. Aujourd’hui, il n’est en théorie
    pas possible de se créer un compte avant
    13 ans mais, dans la pratique, la dé-
    marche est facile, et les réseaux sociaux
    restent très largement utilisés par les
    plus jeunes. Notamment à l’école, où ils
    peuvent être un outil de socialisation et
    une source d’information, souligne Anne
    Cordier, professeure en sciences de l’in-
    formation et de la communication à
    l’université de Lorraine.
    Depuis 2018 , l’utilisation des porta-
    bles, et donc l’accès aux réseaux soci-
    aux, est interdite dans l’enceinte des
    écoles et des collèges, en dehors d’une
    utilisation pédagogique. Les élèves re-
    spectent-ils cette règle ?
    Non. Certains expliquent qu’ils coupent
    le téléphone « au maximum », donc pas
    totalement. Ils racontent que leurs par-
    ents vérifient où ils sont, leur envoient
    des messages la journée. Les téléphones
    sont sur eux, donc il y a aussi beaucoup
    de consultations sauvages, cachées. Les
    équipes de vie scolaire évoquent sou-
    vent cette difficulté de faire respecter la
    règle. Beaucoup d’élèves profitent des
    interstices du temps scolaire (cantine,
    cour de récré, dans les couloirs) pour
    jeter un coup d’oeil sur les réseaux soci-
    aux.
    Qu’est-ce qui a changé à l’école depuis
    l’arrivée des réseaux sociaux ?
    Avec l’arrivée d’Internet, il y a eu des
    interrogations sur l’autorité de l’école,
    questionnée par Wikipédia, les moteurs
    de recherche. Les réseaux sociaux vi-
    ennent ajouter une couche supplémen-
    taire à ces interrogations et plus encore
    sur la porosité des temps et des espaces
    puisque, dans un établissement scolaire,
    les jeunes sont aussi connectés à autre
    chose que l’école elle-même. Ils ont
    deux vies au sein de l’école : celle dans
    l’établissement et celle sur les réseaux
    sociaux. L’information circule rapide-
    ment entre eux ce qui leur permet de
    suivre le lien social. Parce que beaucoup
    de sociabilités adolescentes passent par
    les réseaux sociaux. Ils n’échangent plus
    par SMS mais par WhatsApp pour se
    donner rendez-vous d’une classe à
    l’autre, parce que cela leur donne davan-
    tage la sensation d’être en réseau. Si les
    ados n’ont pas accès aux réseaux soci-
    aux, on les prive d’un mode de sociabil-
    ité.
    Les jeunes sont inscrits de plus en
    plus tôt sur ces plateformes mais est-
    ce que cela concerne tous les milieux
    sociaux ?
    Il y aurait des distinctions sociales sur
    cette question. Dans le cadre d’un projet
    sur les enfants et les cultures
    numériques, nous avons enquêté dans
    des établissements très différents so-
    cialement et il apparaît assez nettement
    que les enfants scolarisés en éducation
    prioritaire semblent avoir plus de
    comptes sur les réseaux sociaux que les
    autres. Ils accèdent à ces comptes plutôt mais ils ne publient pas pour autant.
    Ils vont sur TikTok ou Snapchat mais ils
    ne publient pas de photos ou de vidéos.
    Les ados ont une grande conscience de
    la question des données personnelles.
    Des CE1 m’ont par exemple expliqué
    qu’ils cachent leur visage, enregistrent
    leurs photos en brouillon parce qu’ils
    sont encore petits. Ils savent qu’ils n’ont
    pas le droit d’y accéder totalement avant
    13 ans. C’est une sorte d’antichambre à
    une socialisation adolescente : ils se pré-
    parent à ce qui les attend au collège.
    Il n’y a pas de déficit dans l’accompag-
    nement parental mais un choix éducatif
    différent selon les milieux sociaux, très
    probablement lié à la volonté d’être in-
    clus socialement.
    Les réseaux sociaux ont-ils empiré le
    phénomène du harcèlement scolaire ?
    On n’a jamais parlé autant du harcèle-
    ment scolaire que depuis qu’il y a les
    réseaux sociaux mais ça ne veut pas dire
    que cela n’existait pas avant. Le véri-
    table souci est cette continuité de l’es-
    pace-temps du harcèlement scolaire ren-
    du possible par les réseaux . Cela in-
    terroge leur usage dans l’espace privé
    domestique. Et une régulation parentale
    nécessaire, notamment. Mais pas que.
    Car cette violence n’est pas imputable
    au dispositif technique en soi. Mais à la
    conception de l’autre, à la capacité d’em-
    pathie de chacun.
    Les ados sont-ils plus informés ou
    plus désinformés avec les réseaux so-
    ciaux ?
    Ils sont sans aucun doute davantage in-
    formés mais forcément aussi davantage
    soumis au risque de désinformation. Les
    collégiens s’informent sur les matchs du
    week-end, le dernier album de Beyon-
    cé... Cela nourrit leur culture générale,
    une culture adolescente, qui leur permet
    d’échanger ensuite entre eux.
    Est-ce que cela a changé quelque
    chose dans leurs apprentissages ?
    Pour un exposé, ils utilisent beaucoup
    YouTube. Ils sont attirés par le format
    vidéo et plus encore par la personnali-
    sation de l’information. Le youtubeur est
    proche d’eux dans sa façon de parler,
    dans son look. Il les tutoie. En dehors
    de YouTube, les ados ne font pas de for-
    cément de recherche active d’informa-
    tion par les réseaux sociaux mais ces
    derniers constituent une sorte de canal
    de transmission pratique parce que l’in-
    formation leur arrive « sans le vouloir »,
    comme ils le disent le plus souvent,
    sachant qu’ils sont nombreux à suivre
    des titres de presse en ligne, sans savoir
    toujours bien identifier ce qu’est une
    source d’information.
    Est-ce qu’ils restent très perméables
    aux fake news ?
    Pour leurs travaux scolaires, les élèves
    ont tendance à aller vérifier une infor-
    mation auprès de l’autorité enseignante
    ou parentale. Ils sont nombreux à parler
    de la peur de prendre une fausse infor-
    mation pour une vraie. Ils ont con-
    science de ce problème. L’ éducation
    aux médias et à l’information est dans
    les programmes scolaires existe institu-
    tionnellement depuis 2015. Mais il n’y
    a pas d’heures dédiées. Elle reste mal-
    heureusement une éducation de circon-
    stance alors qu’elle devrait être quotidi-
    enne et pas seulement traitée lorsqu’il y
    a un problème, comme au moment des
    attentats ou de la guerre en Ukraine. Ce
    n’est jamais bon de traiter l’information
    sur le coup de l’émotion.

    #Anne_Cordier #Médias_sociaux #Adolescents #Sociabilité

  • Vers une majorité numérique fixée à 15 ans - Les visiteurs du soir du 05/03/2023 | CNEWS
    https://www.cnews.fr/emission/2023-03-05/les-visiteurs-du-soir-du-05032023-1329407

    Une partie de l’émission Les visiteurs du soir animée par Frédéric Taddei.

    L’extrait concerné débute à 52’30.
    Avec comme invités :
    Anne Cordier
    Charleyne Biondi
    Tariq Krim

    #Anne_Cordier #Grandir_informés

    • Est-il interdit de regarder CNews et C8 sans l’autorisation de ses parents ? Quelles sont les amendes prévues pour Hanouna et Praud s’ils ne mettent pas en place les outils pour vérifier qu’ils sont pas regardés sans autorisation par des mineurs de moins de 15 ans ? :-)

      Sinon y’a Tarik Krim dans l’émission.

      Plus sérieusement : je suis tout à fait pour le contrôle de l’accès par les parents, c’est ce qu’on fait chez nous, et de manière plutôt drastique par rapport aux copains/copines. Mais dans le même temps, l’aspect « une loi pour que les parents s’occupent de leurs gosses », avec encore une fois un contrôle sans autre intérêt que de renforcer le monopole des grosses plateformes qui seules sont en mesure de faire le truc. Et d’aller encore plus dans le sen de ces plateformes qui (entre autres) se rêvent comme certificateurs d’identité numérique.

  • Anne Cordier, professeure en science de l’information et de communication
    https://www.europe1.fr/emissions/C-est-arrive-demain/anne-cordier-professeure-en-science-de-linformation-et-de-communication-4170

    FRÉDÉRIC TADDEI 06h00, le 07 mars 2023
    Intellectuels, chefs d’entreprises, artistes, hommes et femmes politiques ... Frédéric Taddeï reçoit des personnalités de tous horizons pour éclairer différemment et prendre du recul sur l’actualité de la semaine écoulée le samedi. Même recette le dimanche pour anticiper la semaine à venir. Un rendez-vous emblématique pour mieux comprendre l’air du temps et la complexité de notre monde.

    Invitée : 

    – Anne Cordier, professeur en sciences de l’information et de communication à l’Université de Lorraine et auteure de « Grandir connectés : les adolescents et la recherche d’information » chez CF édition

    #Anne_Cordier #Europe_1 #Frédéric_Taddei #Médias_sociaux #Pratiques_informationnelles

  • Plus qu’une majorité numérique, il faut « expliquer » les plateformes aux...
    https://www.notretemps.com/depeches/plus-qu-une-majorite-numerique-il-faut-expliquer-les-plateformes-aux-enf

    Sans une éducation « véritablement ambitieuse » aux dangers des réseaux sociaux, la majorité numérique à 15 ans, adoptée jeudi par les députés, risque d’être contre-productive, voire inapplicable, estime Anne Cordier, professeure à l’université de Lorraine et spécialiste des pratiques numériques des enfants et adolescents.

    QUESTION : Que signifie selon vous la volonté politique de légiférer sur une limite d’âge pour accéder aux réseaux sociaux ?

    REPONSE : « Pour le politique, il y a une volonté de démontrer qu’on a conscience des questionnements sociétaux autour de la gestion des données personnelles et de l’attention, qu’on s’y intéresse et qu’on cherche des solutions.

    Le texte de loi permet d’avoir de la visibilité auprès d’un plus grand public, celui des parents. Mais est-ce que la réponse doit passer par des mesures législatives dont l’applicabilité est loin d’être acquise ?

    Le système des VPN (réseaux virtuels) permet facilement de contourner la législation. Et de façon plus générale, les enfants ont déjà extrêmement bien intégré cette notion et déclarent l’âge qu’il faut avoir pour accéder au réseau social. »

    Q : Les enfants accèdent de plus en plus tôt aux réseaux sociaux, pourtant interdits aux moins de 13 ans. Est-ce un problème ?

    R : « L’interdiction d’accès aux réseaux sociaux avant 13 ans, c’est la règle définie au départ par les plateformes. Les recommandations ont ensuite souvent repris cet âge frontière (également fixé dans la règlementation européenne sur les données personnelles, ndlr).

    Fixer la majorité numérique à 15 ans, c’est une façon de se démarquer de la prescription des plateformes, et c’est aussi l’entrée symbolique au lycée. Mais les enfants et adolescents ne sont pas un ensemble homogène. Il y a entre eux des différences de maturité, de pratiques sur les réseaux.

    On sait que l’adolescence, c’est aussi la nécessité de disposer d’espaces personnels, les fameux jardins secrets. Il ne faut pas croire qu’on va empêcher cette recherche en encadrant tout. »

    Q : Quelles sont alors les solutions pour protéger les plus jeunes ?

    R : « Le choix politique différent ou complémentaire serait de reconnaître ces plateformes comme des espaces d’accès à l’information et de socialisation, ce qui est le cas pour les enfants et les adolescents, et de mettre en place une éducation véritablement ambitieuse à l’information, aux médias et au numérique.

    Je ne considère pas que l’interdiction soit en soi une mesure éducative car il faut qu’elle soit expliquée, comprise, qu’un dialogue se fasse.

    On peut espérer une contractualisation entre les parents et les enfants, des discussions sur les règles en famille. Mais l’éducation, c’est beaucoup par l’école, c’est là qu’on va toucher les enfants de tous les milieux, qu’on pourra venir structurer les connaissances.

    Pourquoi j’ai autant de mal à sortir de ce +scroll+ (navigation) incessant, pourquoi c’est problématique que je diffuse des données personnelles sur une plateforme, pourquoi je ne dois pas croire ces images qui utilisent des filtres : ça c’est de la culture numérique.

    Pour donner aux enfants et adolescents le pouvoir sur les plateformes, il faut leur expliquer comment elles fonctionnent. »

    #Anne_Cordier #Pratiques_informationnelles #Médias_sociaux

  • Interview de Anne Cordier - Régulation d’Internet en Californie : « Sous prétexte de protéger les enfants, on autorise un fichage permanent"
    https://www.20minutes.fr/by-the-web/4008611-20221104-regulation-internet-californie-sous-pretexte-proteger-enf
    https://img.20mn.fr/Z6GazKFORS6v5cFwfl1Hhyk/1200x768_mexico-city-mexico-august-25-a-young-woman-takes-online-classes-fr

    INTERVIEW « 20 Minutes » a tenté avec Anne Cordier, spécialiste des usages du numérique dans l’éducation, d’imaginer une transposition en France de la loi californienne sur la régulation d’Internet, et notamment dans l’accès aux mineurs
    Propos recueillis par Laure Gamaury

    Une loi particulièrement stricte sur la régulation d’Internet, et notamment l’accès des mineurs à des contenus sensibles, a été votée en Californie et s’appliquera au 1er juillet 2024.
    Est-il possible et souhaitable de la transposer en France ? Anne Cordier, spécialiste des usages du numérique dans l’éducation, répond aux questions de 20 Minutes.
    « Sous prétexte de protéger les enfants, on autorise un fichage permanent, en considérant que l’accès à leurs profils, leurs données personnelles est possible, et même souhaitable. C’est quand même compliqué d’imaginer une société où les individus préfèrent déléguer à un dispositif sa propre régulation », analyse-t-elle.

    Alors que la France peine à régler la question de la vérification de l’âge des mineurs pour les contenus en ligne, et notamment ce qui concerne l’accès à la pornographie, la Californie vient d’adopter une législation très stricte pour protéger les plus jeunes. Elle sera effective au 1er juillet 2024 et doit pallier le manque de vigilance d’Internet qui ne parvient pas à déterminer de manière sûre et définitive si l’internaute est majeur ou mineur quand il se connecte à des contenus potentiellement sensibles.

    La nouvelle loi impose que « toute entreprise qui propose un service en ligne dédié aux moins de 18 ans ou susceptible d’être utilisé par des mineurs doit tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants lors de la conception, du développement et de la fourniture de ses services. En cas de conflit entre les intérêts commerciaux et l’intérêt supérieur des enfants, les entreprises doivent donner la priorité à la vie privée, à la sécurité et au bien-être des enfants sur les intérêts commerciaux. » Bien plus intrusive que le RGPD, cette nouvelle loi pose une multitude de questions, dont la principale est de savoir si cette législation applicable et surtout souhaitable en France. Éléments de réponse avec Anne Cordier, spécialiste des usages du numérique dans l’éducation.

    Est-il possible de voir une telle législation en France ? Est-ce même souhaitable ?

    Dans son aspect très rigide, il me paraît difficile d’envisager un transfert tel quel, c’est effrayant. Mais le DSA, voté par le Parlement européen, et sa déclinaison en France qui est la loi sur les services numériques, reprend certains aspects de cette législation, notamment sur le plan de la régulation. Elle est moins rigide et heureusement, ne serait-ce qu’en termes de faisabilité.

    Je ne pense pas que cette législation soit souhaitable en France, car on prête à la loi dans ce cas une valeur et un pouvoir éducatifs. Ce n’est pas son rôle. Elle peut néanmoins aider, comme le RGPD avant elle, à mettre en place des processus éducatifs. Mais une loi aussi rigide ne peut se substituer à l’accompagnement, la prévention et l’émancipation éducative. Et puis, sous prétexte de protéger les enfants, on autorise un fichage permanent, en considérant que l’accès à leurs profils et à leurs données personnelles est possible, et même souhaitable. C’est quand même compliqué d’imaginer une société où les individus préfèrent déléguer à un dispositif sa propre régulation.

    Devant la difficulté de l’Arcom à faire appliquer la législation européenne, n’est-il pas tentant d’aller vers ce type de loi bien plus restrictive ?

    Hélas oui ! Mais la tentation est vraiment très mauvaise. La difficulté de la mise en place en France est en grande partie liée à des cadres très peu clairs et à un manque de solutions pratiques. Il paraît difficile d’imposer les mêmes contrôles à des plateformes qui n’ont pas les mêmes moyens techniques et technologiques à leur disposition. A mon sens, on s’intéresse plus au pansement qu’au véritable problème derrière. La question n’est pas de savoir comment mieux surveiller ou contrôler, mais bien de traiter les dérives à la racine en éduquant et en prévenant. On a une responsabilité sociale et sociétale dans l’accès des mineurs à des contenus inappropriés en ligne et on tente de le résoudre à grands coups d’arsenal juridique et non pas en améliorant le vivre-ensemble.

    Y a-t-il quand même des éléments à retenir dans cette législation californienne ?

    Il y a bien l’analyse de risques en amont de la mise en ligne d’un service, qui pourrait être intéressante. Mais étant donné que les résultats n’ont pas vocation à être communiqués, on rencontre un souci de transparence qui me gêne. Comment va-t-elle être effectuée ? Comment les experts vont-ils être choisis ?

    Concernant la surveillance des algorithmes, j’ai l’impression que c’est impossible à mettre en pratique. Comment imaginer que les plateformes laissent l’accès à des algorithmes qu’elles gardent jalousement secrets ? J’ai l’impression d’un effet d’annonce avec ce type de mesure, pour rassurer les gens, les prendre en charge. Sauf que pour moi, c’est un somnifère. Comment va-t-on pouvoir réellement contrôler ce genre de choses ?

    #Anne_Cordier #Régulation #Economie_numérique #Enfants #DSA

  • Le « doomscrolling » : cette mauvaise habitude que l’on fait dès le matin
    https://www.femina.fr/article/le-doomscrolling-cette-mauvaise-habitude-que-l-on-fait-des-le-matin

    Une des choses les plus partagées par les personnes possédant un smartphone est de l’allumer dès que le réveil a sonné.

    Pour beaucoup c’est le premier geste de la journée. On découvre les messages reçus durant la nuit. S’ensuit la consultation de vos réseaux sociaux préférés, de vos mails et pourquoi pas d’un site d’informations. Et parfois, ce sont de mauvaises nouvelles qui nous tombent sous le nez, avant même d’avoir posé le pied à terre. Seulement, au lieu de reposer le téléphone, vous cherchez d’autres informations concernant ces mauvaises nouvelles, de manière presque compulsive. Il s’agit du doomsrolling. Ce mot vient de la contraction de doom qui signifie tragédie en anglais et de scrolling qui est l’action de scroller sur son téléphone. Mais cette tendance à consulter des contenus anxiogènes a un impact direct sur la santé mentale et peut devenir très toxique : « doomscroller peut devenir un cercle vicieux pour votre bien-être » explique Fatmata Kamara, infirmière-conseil spécialisée en santé mentale au magazine Cosmopolitan UK. Notre monde connecté, qui passe pour beaucoup par le smartphone, fait que l’on est constamment exposé aux informations et donc à l’actualité anxiogène. La professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine Anne Cordier a analysé le phénomène dans le journal du Monde : « La notion traduit la façon dont ces nouvelles négatives font désormais irruption dans les moments les plus intimes et, si j’ose dire, les plus doux de nos vies, ceux où l’on se sent d’ordinaire à l’abri, comme l’heure du coucher ». Ceci mène ensuite à une augmentation du stress et de l’anxiété.

    #Anne_Cordier #Doomscrolling