• Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel · Histoire de dix ans - Le Numéro Zéro
    https://lenumerozero.info/Le-naufrage-reactionnaire-du-mouvement-anti-industriel-Histoire-de-di

    « En temps de crise l’extrême droite a pour stratégie de tenter des rapprochements avec l’autre bord de l’échiquier politique. Nous en appelons donc à la vigilance, afin qu’aucune passerelle ne soit établie entre nos mouvements et des courants antisémites, racistes, antiféministes, nationalistes, conspirationnistes, etc., etc., et les personnes qui pourraient être complaisantes à leur égard. » [1]

    C’est par ces mots qu’il y a dix ans les animateurs des éditions #L’Échappée - Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini - répondaient aux critiques qui leur avaient été faites quant à la présence d’un proche d’Alain Soral, Charles Robin, parmi les auteur·ices de leur recueil intitulé Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques. Cet ‘appel à la vigilance’ sonnait alors comme une résolution sérieuse, et ferme.

    De 2008 à 2013, le groupe anti-industriel Pièces et Main d’Oeuvre (#PMO) a dirigé au sein des éditions L’Échappée la collection Négatif. Ce groupe, qui s’était fait connaître pour son opposition aux nanotechnologies, va, autour des années 2013-2014, intensifier ses prises de positions ouvertement antiféministes et transphobes. Celles-ci seront suivies de déclarations islamophobes et de collaborations régulières avec des publications proches de l’extrême-droite telles RageMag, Le Comptoir, ou Limite.

    Le développement violemment antiféministe et raciste de PMO, qui dès 2004 attaquait le « popullulationnisme » des « techno-lesbiennes » [2], devint emblématique des glissements réactionnaires potentiels du #courant_anti-industriel, qui trouvent un terrain propice dans ses tendances à l’essentialisation positive de la « Nature » et sa négation de la pluralité des rapports de domination au profit d’une seule critique, celle du « techno-totalitarisme » des « technocrates » qui menacerait une humanité indifférenciée.

    Il aurait été concevable que le courant anti-industriel (qui a émergé au cours des années 1980 avec la revue post-situationniste l’Encyclopédie des Nuisances devenue ensuite maison d’édition), dont de nombreu·ses membres se revendiquent de l’anarchisme, se distingue de ces offensives réactionnaires en leur sein et en produise une critique émancipatrice. Ni l’un ni l’autre n’est arrivé.

    PMO a continué à évoluer sans encombre au sein du mouvement anti-industriel [3]. Et PMO a essaimé. Des initiatives sont nées, se revendiquant de leur héritage réactionnaire, comme le podcast Floraisons, ainsi que les Éditions Libre et la branche française de Deep Green Resistance (DGR), toutes deux co-fondées par Nicolas Casaux et Kevin Haddock, qui revendiquent une transphobie assumée.

    • Cette brochure semble prendre pas mal acte des critiques faites sur les cartographies à la va-vite des liens entre anti-indus et réacs voire fachos, et du coup détaille immensément plus les griefs de chaque personne importante du mouvement anti-indus français, avec des citations détaillées cette fois des passages problématiques, ainsi que les liens très explicites (et non pas fantasmés) entre telle ou telle personne avec des gens ou des magazines parfaitement ouvertement fascistes ou qanoniste, etc.

      #critique_techno @pmo #PMO #Éditions_L'échappée #Cédric_Biagini #Guillaume_Carnino #Patrick_Marcolini #Charles_Robin #Olivier_Rey #Paul_Cudenec #Anselm_Jappe #Nicolas_Casaux #Nicolas_Bonnani #Éditions_La_Lenteur #Éditions_Le_monde_à_l'envers #Alexis_Escudero #Matthieu_Amiech #Jean-Claude_Michéa #Bertrand_Louard @tranbert #Paul_Kingsnorth #Laurent_Mucchielli #Raphaël_Deschamps #complotisme #antisémitisme

    • Outre ses présupposés idéologiques non explicites mais implicitement présentés comme des évidences indiscutables (px : critiquer la PMA = manif pour tous), ce qui me frappe, c’est cette méthode de #culpabilité_par_association (tel personnage douteux politiquement approuve un bouquin ou une idée, donc ceux qui l’approuvent aussi ou qui ne la dénoncent pas partagent les mêmes positions politiques). C’est un procédé de flic.

      Ce texte se termine avec cet appel :
      « Chacun•e doit faire face à ses responsabilités. »
      C’est pourtant une lettre de #dénonciation_anomyne particulièrement calomniatrice sur certains points - non signée et sans contact pour une réponse.
      Quel courage ont ces gens, quel sens des responsabilités !!!

      Mais il est a craindre que ce torchon ait un certain succès parmi les gens qui partagent les mêmes présupposés idéologiques.

      A suivre...

      Les réponses à ce texte :

      https://seenthis.net/messages/1035286

      #calomnie #sectarisme #gauchisme, etc.

    • Daniel Bernabé
      2018 – La trampa de la diversidad. Ediciones Akal. Colección A fondo. ISBN 978-84-460-4612-7.27​

      Traduction Editions l’Echappée
      2022 - Le piège identitaire : l’effacement de la question sociale

      (je note les deux titres pour les comparer)

      Avant-propos
      Par Patrick Marcolini

      L’IDENTITÉ, LA MANIÈRE dont nous nous définissons et la façon dont les autres nous regardent occupent aujourd’hui une place centrale, déterminante, dans le débat public. Pas une semaine, parfois pas un jour ne passe sans qu’un groupe social, par la voix d’activistes, ne proteste contre les « stéréotypes » qui pèsent sur lui, ne revendique son droit à la « visibilité », ou ne demande une forme ou une autre de « reconnaissance » de ses spécificités. Ce phénomène n’est pas limité à la France, et touche désormais la plupart des pays occidentaux, et même bien au-delà. Partout où il gagne en intensité, la gauche, comme le reste de la société, est sommée de prendre position sur ces questions, et prend généralement le parti de soutenir ces activistes au nom du combat contre les discriminations et pour la justice sociale.

      Toute une partie de la gauche et de l’extrême gauche s’affaire ainsi depuis des années à répandre les principes de l’écriture inclusive, à déconstruire les clichés qui pèsent sur les personnes LGBT, à soutenir l’organisation de groupes de parole non mixtes pour les « racisés », à veiller à ce que la « diversité » soit correctement représentée à la télévision, au cinéma, dans les séries ou les publi- cités et ce ne sont que quelques exemples. Mais en consacrant ses efforts à agir sur les représentations, le langage, les imaginaires, ne risque-t-elle pas de délaisser un terrain plus concret, celui de l’économie et de la conquête d’une égalité matérielle pour tous ? Autrement dit, les questions sociétales ne sont-elles pas en train de remplacer la question sociale ?

      AVANT-PROPOS Page 7

      –—
      Je vous laisse juge de la confusion portée.
      Je n’ai pas lu ce livre, j’en ferai un résumé si j’arrive à en tourner les pages.
      L’actuel résumé serait de type
      Les ennemis de mes ennemis sont mes ennemis.

    • Et je pense que ces diverses assertions (dois-je dire accusations ?) sont récurrentes, et le principe sous-tendu ne date pas d’aujourd’hui. La grande cause passe avant tout. C-a-d que toute revendication qui d’après ses détracteurs s’éloignerait de la « question sociale » tel qu’elle serait définie par les penseurs masculins blancs de la gauche est vouée au pilori. Quitte à traiter les féministes d’identitaires. Du moment que le troupier donne les cartes qu’il vient de rebattre à ses nouveaux amis réacs.

    • C’est très court et c’est du vécu.

      merci @tranbert j’ai lu ton texte sur ton site wordpress
      Je me méfie toujours de la réaction au vécu dans le sens où il nous mène plutôt du mal-vécu vexant à un conflit disproportionné ou mal dirigé. Loin de refuser de me questionner sur les nouveaux types d’investissement de l’espace politique.
      Je ne suis pas théoricienne et je ne fais pas de prosélytisme, j’essaye de m’en tenir à observer mes contemporain·es et leurs modalités de survie.

      Soyons clairs : La gauche (je ne parle même pas de celle au pouvoir) à un problème politique profond et cela ne vient ni des féministes ni des LGBT ni des anti-racistes ou des handicapés. Il faut arrêter de trouver plus petit que soi à taper.

      Ce n’est pas ex-nihilo si les luttes politiques contre les systèmes autoritaires ont perdu de l’attrait en moins de 20 ans. Mais c’est bien une perte d’énergie de contrer les nouvelles générations qui agissent évidemment différemment.

    • Ce qui manque à ce texte, c’est un hommage préalable aux auteurs du courant industriel comme ayant réussi à rendre légitime la critique sociale des technologies, ce qui n’était pas du tout le cas il y a 20 ans.

      Comme cela n’est fait à aucun moment, cela donne l’impression que les auteurs du texte sont totalement indifférents à cette question de la critique des techniques, qui constitue pourtant le cœur, comme son nom l’indique, du courant anti-industriel.

      Du coup, le résultat prend la forme d’une chasse aux sorcières vraiment détestable qui s’intéresse beaucoup plus aux personnes (que l’on cite), qu’aux idées, qui ne sont que survolées.

      Et c’est chiant. C’est confondre l’activité de discernement dans la pensée avec le besoin de s’insérer dans un milieu ou une communauté.

      Parce qu’en suivant les idées plutôt que les hommes, il serait tout à fait possible de s’intéresser aux auteurs du courant-industriel quand ils parlent de technologies, et beaucoup moins quand ils parlent d’autre chose, quand ils s’aventurent sur le terrain glissant de la « culture » avec un risque élevé de dire des conneries.

      Et sur ce terrain-là je trouve qu’il y a eu un égarement, précoce, avec des auteurs comme Christopher Lasch ou Jean-Claude Michéa ("de l’impossibilité de dépasser le capitalisme par sa gauche") comme tentative de faire un lien avec des classes populaires (la common decency de George Orwell) peut-être largement fantasmées comme étant porteuse de « bon sens », le qualificatif de « réactionnaire » souvent revendiqué, pour s’opposer à la gauche progressiste culturellement qui serait l’allié objectif du capitalisme.

      A la fin le résultat n’est pas du tout étonnant. Et ennuyeux, dans tous les sens du terme. Ennuyeux parce que le texte assez dégueulasse dans sa forme sera sans doute difficilement critiquable sur le fond. Ennuyeux parce que rien ne prouve la pertinence pour le progrès de l’humanité d’aller jouer les virtuoses de l’argumentation sur le terrain des identités culturelles ou de genre, des vaccins, du complotisme etc.

    • Un commentaire sur TW :

      sauf que ce texte ne rend aucunement compte des différences entre les courants, tout est mis dans le même sac. Le tout pour élever des digues ? beau projet

      Et je suis d’accord avec la toute première phrase de @deun : des gens qui sont doucement technocritiques en 2023 pataugeraient toujours dans leur techno-béatitude sans les enquêtes détaillées de PMO sur les nanos, sur la technopolice (avant que la quadrature et d’autres utilisent ces termes), sur l’ensemble de la chaine horrible des téléphones mobiles des mines en amont jusqu’aux décharges en aval, et ça 15 à 20 ans au moins avant que ce soit repris (trop tard, une fois que tout est en place). Beaucoup de journalistes ou militants écolo n’ont souvent fait que reprendre les enquêtes de PMO après coup sans trop le dire… Et on peut parfaitement admettre ça tout en les critiquant vertement pour leur égo et leur ironie permanente anti-féministe ces dernières années (et ya largement de quoi citer des saloperies contrairement à ce que dit Creuse Citron https://seenthis.net/messages/1017186)

    • https://comptoir.org/2021/11/16/renaud-garcia-le-militantisme-woke-ne-cherche-pas-a-convaincre-mais-a-rege

      Pour Renaud Garcia dans cet interview l’ennemi principal ce sont les « technologistes » face aux « naturiens ».

      ça simplifie grandement l’analyse de la société, mais ça pose pas mal de problèmes :

      – On se lance dans des batailles un peu vaines contre des gens proches de nous politiquement (à moins de penser que les gens qui luttent contre les discriminations sont forcément infréquentables par ceux qui critiquent les technologies ?), mais qui défendent ou utilisent des outils high tech.
      Ça donne donne des normes de bienséance pour se faire accepter de certains milieux militants, des idéologies qui fonctionnent comme critère d’appartenance d’abord, plutôt que comme base pour rendre intelligible le monde social. Le milieu anti-industriel est-il plus accueillant que les milieux dénoncés par Garcia dans cet interview et n’a-t-il pas lui aussi ses propres codes pour se faire accepter ?

      – La référence à la nature est très souvent problématique quand on fait partie d’un catégorie structurellement dominée. Par exemple une bonne partie du courant féministe a du faire la critique des assignations à des rôles sexués en expliquant qu’elles étaient des constructions sociales qui s’appuyaient sur l’évidence biologique qu’il existe naturellement des femmes et des hommes.

      – Est-ce qu’il existe dans la société un camp unifié défendant le déferlement technologique et revendiquant son existence ?
      Si jamais ce n’est pas le cas, alors le militant anti-tech va devoir passer son temps à essayer de classer les gens en fonction de ce qu’ils disent ou font des technologies... dont l’usage est pourtant rendu obligatoire, comme ils le dénoncent eux-mêmes.

      – Est-ce qu’un groupe social (mettons les ingénieurs et leurs soutiens) entraîne le reste de la société à suivre passivement ce déferlement technologique ?
      Si jamais ce n’est pas le cas, que le phénomène est plus complexe, alors on court le risque de passer à côté d’autres facteurs qui expliquent qu’ils soit aussi compliqué de résister aux technologies.
      Par exemple, comment ne pas voir que les innovateurs de la silicon valley ne sont pas seulement des ingénieurs mais aussi des businessmen qui ont su inventer le modèle économique rendant possible le déferlement de leur technologies ?

      – Que faire des gens qui participent à ce déferlement bien plus passivement, en recevant un salaire par exemple mais en y effectuant des micro-tâches s’insérant dans le grand tout du système technicien ? Les culpabiliser ? Les enjoindre à déserter ?
      On en arrive alors à des considérations sur l’individu qui a le courage de résister et celui ne l’a pas, comme dans cet extrait d’une interview de PMO :

      Les gens qui vous demandent « comment résister » ont rarement envie de le faire ; et concluent souvent d’un air navré que, non, ils ne peuvent ou ne veulent pas faire ce que vous suggérez. En fait, on devrait retourner la question et leur demander, » Et vous ? Que faites-vous ? Qu’êtes-vous prêt à faire personnellement, par vous-même, pour résister, à part faire partie du collectif machin et même d’un tas de collectifs machins ? »

      https://comptoir.org/2021/10/26/pieces-et-main-doeuvre-la-cybernetique-affaiblit-notre-autonomie-de-pensee

      – Finalement on relativise le problème de la montée en puissance de l’extrême-droite, comme le fait Garcia dans cet interview, du fait qu’on trouve à droite des conservateurs dont le conservatisme déborde parfois un peu le champ culturel pour s’intéresser aux technologies d’une façon critique - quoique pour eux c’est une question secondaire et qu’ils pourront facilement changer d’avis sur cette question.

    • @deun @rastapopoulos
      Oulala ! Le niveau monte, le niveau monte : « Cé sui ki di ki yé ».
      Ça sent le naufrage de la pensée biberonnée aux post-modernes.

      Dans sa version initiale comme dans cette préface, Le désert de la critique n’est finalement qu’une tentative, effectuée du fond de ma tranchée, pour révéler ce clivage principal entre technologistes et naturiens. Et faire tomber, par là même, ce mur de stupidité qui nous encercle, et réduit chaque jour un peu plus la pensée à des réflexes conditionnés.

    • lol @tranbert c’est très clairement toi qui vient répondre des ironies fielleuses sans aucun argument suite à une liste de remarques pas spécialement débiles, et ensuite c’est toi qui te plaint du niveau maternelle, c’est un peu l’hopital qui se fiche de la charité non ? :p

      On dirait qu’en fait n’importe quelle critique ne te sied, quelque soit d’où qu’elle vienne… Dès qu’il y a une critique tu réponds par une ironie et un air de « non mais c’est bon on a raison, on nous la fait pas ». Et après ça se plaint à la Garcia qu’il n’y a pas/plus de « critique » ? Mais qui pourrait avoir envie de critiquer et de débattre de quoi que ce soit, vu que ça ne sert à rien dans ces conditions ? (et à quelles conditions plausibles et honnêtes ce serait possible ?)

      Bref faut en avoir du courage après 20 ans d’engueulades ironiques post-situ « je-t’excommunie-avant-que-tu-m’excommunies », pour avoir encore envie de passer du temps à critiquer avec des arguments… (et pourtant yen a qui sont toujours là… on doit être maso :p)

    • Comme c’est Noël, je vais faire un peu de pédagogie.

      Lorsqu’on pose la question :

      Que faire des gens qui ...

      Historiquement il y a eu deux réponses :
      On les envoie en camp de rééducation (solution de gauche),
      On les envoie en camp d’extermination (solution de droite).
      (dans les fait c’était souvent la même chose...)
      Mais qui est ce « on » ?
      C’est la domination !!!

      Historiquement toujours ceux qui ont posé la question « Que faire des pauvres ? » (ceux qui ne sont pas comme nous des rentiers qui vivons confortablement du travail des autres) sont à l’origine du complexe idéologique qui donnera naissance au capitalisme industriel.

      https://sniadecki.wordpress.com/2015/04/23/townsend-1786-1788

      Autrement dit, ceux qui posent ce genre de questions ( @deun ) et ceux qui ne voient pas où est le problème à réfléchir depuis cette position ( @rastapopoulos ) se sont tellement identifiés au point de vue propre à la domination qu’ils ne sont plus capables de comprendre une action politique fondée sur la liberté et l’autonomie des « gens ».

      L’enseignement historique du XXe siècle est (devrait être) que l’ on ne peut pas combattre l’aliénation sous des formes elle-mêmes aliénées , c’est-à-dire en reproduisant les structures hiérarchiques et leur point de vue surplombant.

      Bref, vous avez une conception véritablement réactionnaire de l’émancipation.

      Car ce que vous voulez ce n’est pas l’émancipation. Ceux qui demandent Que faire des gens attendent encore qu’un sauveur, un prince charmant et éclairé, un homme ou une femme providentielle, le père ou la mère Noël (soyons inclusif !) viennent leur dire quoi faire de leur vie et de celle des autres.

      En ce qui me concerne (mais sur ce point je crois pouvoir parler au nom des technocritiques), je n’ai pas pour ambition de devenir Ministre du démantèlement de l’industrie dans un gouvernement décroissant.

      Nous n’allons rien faire des gens qui ... Nous allons poursuivre notre analyse du monde tel qu’il ne va pas et la faire connaître en dépit des calomnies et des imbéciles qui les propagent à travers leurs questions stupides. Les « gens » s’empareront de ces idées ou pas, ils tenterons ou pas d’agir en conséquence.

      Notre critique de la technologie n’a pas pour but de tracer une ligne de démarcation entre « amis » et « ennemis » au sein de ceux qui sont dominés ( @touti ), contrairement à celleux qui nous jettent leurs anathèmes à la figure et n’ont rien de plus pressé que d’excommunier les mécréants et les hérétiques à leur ligne idéologique.

      Notre critique de la technologie est ... une critique de la technologie et de ses conséquences mortifères et aliénantes qui devrait amener chacun en conscience à se poser des questions sur la manière dont il vit et participe à la destruction des conditions de cette vie sur Terre.

      Certains ne veulent pas se poser ces questions. Tant pis pour eux.

      D’autres préfèrent nous calomnier parce qu’ils veulent que personne ne se pose ces questions. Car eux, ils savent quoi faire des gens qui ...

      Et puis il y a ceux qui ont tout oublié ...

      Joyeux Noël !

    • @tranbert répondre avec autant de mépris tient du comique. Ton texte est un prêche de curé où tu donnes à ton « nous » la vérité vraie à inculquer à ceux qui ont des questions stupides. J’ai une question stupide : d’où viens-tu, quel âge as-tu ?

      Cela nous divertira de la question sur l’essentialisme naturiste déversé par certains technocritiques, qui permet leur forte accointance avec l’xdroite et leurs conservateurs de traditions.

      Dommage que tu souhaites rester aveugle à cette problématique de départ (technocritique et conservatisme) dans laquelle les technocritiques se sont vautrés à force de mépris.

    • Je tiens à redire que je n’apprécie aucunement cette brochure Le naufrage... Des personnes qui se reconnaissent dans la critique anti-industrielle ne portent aucunement des positions conservatrices sur le plan culturel. Elles n’ont pas forcément lu les textes cités qui posent problème, mais elles en lu d’autres. Cette étiquette "anti-industrielle" est bien pratique pour mettre tous les auteurs dans le mêmes sacs. Cependant chaque auteur parle en son nom et non pas au nom de tous les anti-industriels.

      Reste que les jeunes générations, très sensibilisées aux questions des discriminations, ne vont pas aller lire les textes de ce courant qui pourraient les intéresser, à cause de certaines prises de positions contraire à leur préoccupation première, qui est pourtant légitime.

      Par exemple PMO dans "Ceci n’est pas une femme" :

      (...) le capitalisme technologique, qu’on le nomme société du Spectacle, société de consommation, société post-industrielle, post-moderne, est tout, sauf raciste, sexiste,
      xénophobe, homophobe, etc. C’est au contraire une condition de sa prospérité que d’être aussi inclusif, ouvert, égalitaire que possible envers les identités de genre, de sexe, d’ethnie, de religion.

      En dehors du fait que ça ne tient pas la route factuellement (oui l’intérêt du capitalisme est bien de vendre, mais une condition de sa prospérité est bien de maintenir les divisions sociales et non les abolir), il y a là bien une prise de position politique de qui tient à se couper de toute alliance avec les gens qui luttent contre des discriminations diverses. Le texte est d’une grande violence, méprisant et souvent alambiqué (ainsi le passage tenant à faire passer la nouvelle droite pour technophile pour mieux assumer le conservatisme social du texte. Il faudrait donc comprendre que PMO n’est pas d’extrême-droite parce que certains de leurs théoriciens ne sont pas à tout moment technocritiques. Absurde. Juste, l’extrême-droite s’en fout, de ce débat.).

      Peut-être que d’autres auteurs du courant anti-industriels se sont positionnés là-dessus, je ne sais pas.

      Pour moi il est clair que simplement critiquer les technologies sans en analyser la dynamique globale capitaliste et marchande fait qu’on va chercher les ressorts de cette dynamique dans des choix, choix qui seraient faits par certaines catégories de la population qui y ont intérêts (la classe technologique).
      Il suffirait alors de s’extraire du champ d’influence culturel de cette classe technologique, pour lui opposer d’autres valeurs. Une forme de culture matérielle plus sobre, à rechercher dans le passé par exemple, qui malheureusement est difficilement détachable de formes sociales elles-mêmes antérieures, que l’on va finir par idéaliser pour cette raison qu’elles étaient liées à un état antérieur du développement technologique.

      Creuse citron dans "A propos de PMO et de la « question trans »" - un texte ne critiquant finalement pas vraiment le "Ceci n’est pas une femme de PMO" - écrit à propos des luttes trans :

      A les croire il n’y a rien d’autre dans leur lutte ; et effectivement on chercherait en vain sur leur site un texte d’analyse générale ou programmatique un tant soit peu conséquent, qui permettrait au moins d’avoir des positions claires à discuter.

      ... sans voir que le même constat peut être fait des texte anti-industriels. Comment leur reprocher plus qu’aux personnes trans luttant pour se faire accepter ? C’est justement cette attention (compréhensible et légitime pour moi) quant à cette fuite en avant technologique qui peut en devenir obsédante, et même malheureusement en faire une question identitaire au sens d’existentiel.
      C’est pourquoi à mon sens tous les milieux militants sont très rapidement problématiques. Leurs causes sont justes tant qu’elles permettent encore de se décentrer et d’écouter le souci des autres.

    • Notre critique de la technologie n’a pas pour but de tracer une ligne de démarcation entre « amis » et « ennemis » au sein de ceux qui sont dominés ( @touti ), (...)

      Effectivement c’était le sens de ma question « que faire des gens...? ». Que faire, dans une critique anti-industrielle se bornant à chercher des ennemis (la classe technologique de Garcia, les technocrates de PMO etc), des gens qui utilisent ou développent des technologies, qui ne le font pas par choix ou selon une idéologie technophile ?
      Comment tu peux assumer que le texte de PMO « Ceci n’est pas une femme » ne cherche pas à se faire des ennemis parmi les personnes dominées ? A moins que tu ne penses que les trans et les femmes ne sont pas des catégories dominées (comme le stipule PMO - cf. la citation plus haut) ?

  • À propos de « Terre et liberté » d’Aurélien Berlan, par Anselm Jappe (recension)
    http://www.palim-psao.fr/2022/04/a-propos-de-terre-et-liberte-d-aurelien-berlan-par-anselm-jappe-recension

    Mais par la suite une évolution dans sa pensée a eu lieu, et toujours en refusant tout « romantisme agraire », il a progressivement abandonné l’idée que l’émancipation sociale dépende forcément d’un degré du développement industriel que seulement le capitalisme a pu assurer. La rupture avec le marxisme traditionnel devait aussi passer par le rejet de cette assomption – qui est resté moins marquée, cependant, que le rejet de la centralité de la « lutte des classes ». De toute manière, il a nettement nié la possibilité de sortir de la logique de la valeur à travers le numérique, en répondant avec son article « La non-valeur du non-savoir » (Exit ! n°5, 2008) à l’article « La valeur du savoir » d’Ernst Lohoff (Krisis, n°31, 2007). La conception d’une sortie du travail à travers les machines « qui travaillent à notre place » est depuis des décennies assez populaire dans une bonne partie de la gauche radicale, et on en trouve des traces même dans le Manifeste contre le travail de 1999. Cependant, la critique « catégorielle » du travail, qui met l’accent sur le caractère tautologique du côté abstrait du travail accumulé comme représentation phantasmagorique de la pure dépense d’énergie et qui devient le lien social, n’est pas identique à une critique « empirique » du travail en tant qu’activité déplaisante – même si l’énorme augmentation du « travail concret » dans la société capitaliste est évidemment une conséquence de l’intronisation du travail abstrait comme lien social. La critique de la valeur a certainement dépassé le stade de l’« éloge de la paresse » ‒ même si ce slogan pouvait constituer jusqu’à 2000 environ une provocation salutaire envers le marxisme traditionnel autant qu’envers le mainstream social. Ensuite cette forme de critique du travail a trouvé une certaine diffusion s’accompagnant de sa banalisation, la polémique contre les « jobs à la con » (David Graeber), etc.

    […]

    L’ancienne idée que le développement des forces productives doit s’achever avant de pouvoir passer à une société émancipée, et qui fait à nouveau rage avec des tendances comme l’accélérationnisme cher à Multitudes, a été abandonnée par la majorité des auteurs de la critique de la valeur (mais non par tous). La critique de la logique de la valeur et une critique des appareils technologiques peuvent donc bien s’intégrer et se compléter dans une critique de la « méga-machine » (Mumford), même si le degré de « mélange » de ces deux critiques peut varier assez fortement selon l’approche choisie. Berlan ne va pas jusqu’à dire, comme d’autres auteurs de la critique anti-industrielle, que la critique du travail aide le capitalisme parce qu’elle dénigrerait le faire artisanal et l’ethos du travail, en favorisant ainsi les procédures automatisées, voire numérisées. Mais Berlan n’évoque jamais vraiment la différence entre travail concret et travail abstrait.

    […]

    Mais lorsque l’écroulement progressif de la société marchande poussera des millions de gens vers ces expériences – comme Berlan le prévoit et le souhaite, ce qui est d’ailleurs une perspective très optimiste – que trouveront-ils à récupérer ? Des arbres coupés et des vignes arrachées, des sols empoisonnés et des savoir-faire complètement perdus. Combien de temps faudrait-il pour recomposer ce qui a été perdu (si on y arrive) ? Et surtout, quoi faire si, au moment de la récolte, des gens se présentent, qui n’ont contribué en rien au labeur, mais qui ont des mitraillettes ? Berlan évoque effectivement le problème de la défense, presque toujours négligé dans ces contextes. Mais il le reperd tout de suite. Or, l’autodéfense ne fait pas peur aux zapatistes et aux kurdes dans le Rojava, et pourrait en tenter quelques-uns dans les zad – mais la plupart des aspirants à l’autonomie en Europe choisissent sans doute d’éviter le problème, effectivement épineux, et préfèrent la bêche au fusil.

    Une autre faiblesse de cette approche réside dans la méconnaissance du rôle de l’argent : en stigmatisant le « purisme » de ceux qui voudraient bannir tout usage de la monnaie, Berlan en défend un usage « raisonnable », limitée, pour les échanges entre communautés largement autosuffisantes. Ainsi fait retour le vieil espoir, pour ne pas dire le mythe éternel, de la « production simple de marchandises », où l’argent ne s’accumule pas en capital, mais reste sagement à sa place en jouant un rôle purement auxiliaire. Proudhon l’a proclamé comme un idéal, Fernand Braudel comme une vérité historique (le marché sans le capitalisme), Karl Polanyi (ce sont tous des auteurs cités par Berlan) comme une situation historique passée (quand la terre, le travail et la monnaie n’étaient pas des marchandises) et qui serait à rétablir. Mais c’est un leurre, très présent même à l’intérieur du marxisme. Marx a déjà démontré le caractère « impérialiste » de l’argent qui ne peut que prendre possession graduellement de toutes les sphères vitales. Le problème réside dans l’homologation des activités les plus différentes dans une seule substance, « le travail » ; si ensuite celle-ci se représente dans une « monnaie fondante », des bons de travail ou de la monnaie tout court, ne touche pas à l’essentiel. La méconnaissance du rôle du travail abstrait est ici évidemment étroitement liée à celle du rôle de l’argent.

    […]

    Dernièrement, on a prêté une attention croissante à l’« absence de limites » que provoque la société capitaliste (et sur laquelle elle se fonde en retour), à la « pléonexie », à son déni de la réalité physique. Cela constitue une partie indispensable de la mise en discussion de l’utilitarisme, du productivisme, de l’industrialisme et du culte de la consommation marchande qui distinguent autant le capitalisme que ses critiques de gauche. Cependant, Berlan risque d’aller un peu trop loin. Il oppose le désir de vivre en communautés autonomes fondées sur le partage et l’entraide, qui aurait caractérisé la plupart des êtres humains dans l’histoire, au désir de se libérer de la condition humaine et de ses contraintes. Ainsi risque-t-on de jeter aux orties, ou de déclarer pathologique, une bonne partie de l’existence humaine. Le désir de délivrance est un élément constant de l’existence humaine, souvent considérée comme sa partie noble, et s’explique avec les limites inévitables, mais quand même difficiles à accepter, de la conditio humana. La volonté d’aventure et d’extraordinaire, de grands exploits et de triomphes, de reconnaissance et de traces à laisser de son passage sur terre semble difficilement éliminable, et même si on pouvait l’éradiquer, on appauvrirait terriblement le monde humain. Le côté agonistique de l’homme doit être canalisé en des formes non trop destructrices, non simplement renié ou refoulé (avec les résultats qu’on connaît).

    […]

    L’omniprésence du désir d’être délesté des taches les plus ennuyeuses et répétitives de la vie évidemment ne justifie en rien le mille et une formes d’hiérarchie et d’oppression auxquelles ce désir a conduit. Mais il faut faire les comptes avec cette pulsion qui semble aussi originaire et fondamentale que le désir de communauté, et en tirer des bénéfices.

    […]

    Même si on n’a jamais trouvé le ciel, ou seulement pour de brefs moments, sa quête a constamment aiguillonné les humains à faire autre chose que l’accomplissement des cycles éternels. Sous-évaluer l’importance de la dimension du sacré, de la religion, du transcendant, ou simplement du rêve et de la recherche de l’impossible (les chiens qui savent voler) a déjà coûté cher aux mouvements d’émancipation. Ce ne sont pas nécessairement ces désirs qui font problème, mais la tentative de les réaliser à travers les technologies apparues sous le capitalisme, qui font sauter toutes les barrières entre le rêve et le passage á l’acte, détruisant au passage aussi la possibilité de rêver. Les mythes universels sur l’immortalité ne sont pas responsables du transhumanisme.

    […]

    [9] D’ailleurs, ce mythe mésopotamien, un des plus anciens connus et dont ils existent de nombreuses versions, débouche justement sur l’impossibilité d’atteindre l’immortalité - un serpent vole l’herbe de l’immortalité que les dieux ont donnée à Gilgamesh, qui accepte alors sa mortalité et décide de jouir des plaisirs des mortels, comme celui de tenir son enfant par la main.

    #Aurélien_Berlan #liberté #subsistance #délivrance #recension #livre #Anselm_Jappe #critique_de_la_valeur #anti-industriel #décroissance #philosophie #désir #émancipation #argent #travail #travail_abstrait #critique_du_travail #mythe #rêve #immortalité #transcendance

  • Anselm Jappe - Sous le soleil noir du capital - Canal Sud
    https://www.canalsud.net/anselm-jappe-sous-le-soleil-noir-du-capital

    Rencontre avec Anselm Jappe autour de son livre Sous le soleil noir du capital, Chroniques d’une ère de ténèbres, paru aux éditions Crise et critique. La rencontre est modérée par Clément Holms.

    Le 15 février 2022 à la libraire Terra Nova

    Le capitalisme, ce n’est pas uniquement « les capitalistes » : c’est avant tout une totalité sociale, l’ensemble des relations, déterminées par le capital et sa logique propre, qui structurent la vie moderne. Aussi doit-il être analysé et combattu dans sa totalité. La critique de la valeur, depuis plus de trente ans, s’emploie ainsi à montrer que le projet de l’émancipation sociale n’a rien à voir avec une gauche alter-capitaliste et alter-étatiste qui n’a finalement cherché aménager le désastre.
    Les essais réunis dans ce livre étayent cette critique radicale par l’examen d’un certain nombre de questions d’actualité : la littérature, la simplicité volontaire, le culte du Marquis de Sade, les musées, l’art contemporain, l’architecture, l’anticapitalisme tronqué, le romantisme révolutionnaire, l’importance de William Morris, le mythe du bandit de Lacenaire à Jacques Mesrine. Autant de thèmes qui permettent à Anselm Jappe de rappeler les fondements de la critique de la valeur, et de redéfinir des concepts essentiels tels que l’aliénation, la réification et le fétichisme en confrontant leur sens chez Marx, Lukács et Adorno.

    https://www.canalsud.net/IMG/mp3/radiolivres_jappes_150222_terranovatoulouse_radiodif.mp3

    #audio #radio #Canal_Sud #Anselm_Jappe #critique_de_la_valeur #wertkritik #capitalisme #travail

  • Stop au gaz russe ? par Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/2022/03/stop-au-gaz-russe-par-anselm-jappe.html

    Il pourrait se trouver dans la demande d’un arrêt immédiat, complet et définitif de l’achat du gaz et du pétrole russe, mais également de toute autre ressource, et globalement de l’arrêt de toute forme de rapport commercial (exportation et importation) avec la Russie. Démanteler les oléoducs en Occident (North Stream) pour montrer qu’on ne reviendra pas en arrière. Une telle sanction – qui est peut-être la seule que Poutine n’a pas prise en compte – pourrait vraiment l’obliger à se retirer.

    Bien sûr, cela pourrait coûter cher aux économies occidentales, aux « entreprises », aux « consommateurs », aux « emplois », au « pouvoir d’achat ». Les occidentaux préfèrent alors mettre les armes entre les mains des autres pour les envoyer à la mort – « armiamoci e partite » dit-on ironiquement en italien (“armons-nous et partez”), plutôt que de mettre un pull plus épais à la maison ou de prendre le tram au lieu de la voiture.

    […]

    Évidemment, un tel choix, pour ne pas frapper unilatéralement ceux qui sont déjà pauvres, devrait s’accompagner de mesures drastiques de redistribution : des impôts très lourds pour les grandes entreprises, les grandes fortunes, les hauts salaires et retraites. Ceci ne constituerait pas encore une sortie de la société marchande, mais serait déjà une belle avancée.

    Il suffit de voir la rage que suscite la proposition du stop au gaz parmi les politiques de gauche (Mélenchon), de centre et de droite (Marine Le Pen qui dit que les sanctions ne doivent pas frapper le pouvoir d’achat des français ! Même la droite ne veut plus aller en guerre si cela coûte trop cher...), de voir que des entreprises comme Total la récusent, que le ministre allemand de l’économie décline, comme toujours, toute limitation de la vitesse sur les autoroutes – pour comprendre que cette voie mérite d’être tentée. Non comme « sacrifice nécessaire », mais comme l’occasion d’opérer une transformation, une désaccoutumance que l’on aurait dû initier bien plus tôt : se sevrer de la « drogue énergie ».

    #guerre #Russie #énergie #pétrole #gaz #pacifisme #décroissance #capitalisme #anticapitalisme #stop_au_gaz #Anselm_Jappe

  • Israël, encore et toujours l´obsession numéro un, par Anselm Jappe, Gabriel Zacarias et Sandrine Aumercier - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2021/05/israel-encore-et-toujours-l-obsession-numero-un-par-anselm-jappe-gabriel-

    Sous le titre « Covid, climat, urgence chronique : les antinomies de l´État », #Anselm_Jappe était invité à débattre en ligne en compagnie de Alberto Toscano et Andreas Malm ce vendredi 14 mai 2021 à 20h sur le site Red May basé à Seattle. Les coauteurs du livre De Virus Illustribus (Crise & Critique, 2020) étaient invités à participer au panel de discussion. Le public pourrait suivre les débats sur la chaîne Youtube dédiée.

    Ce n´était pas sans réserve qu´on allait débattre avec un défenseur du « communisme de guerre bolchevique » et du « léninisme écologique », qui considère la bureaucratie soviétique comme une « usurpation » et le despotisme stalinien comme un dérapage (ces thèses sont notamment développées dans le dernier livre de Andreas Malm, La chauve-souris et le capital). Comme si le temps s´était arrêté pendant cent ans, le pouvoir des bolcheviques de 1918 à 1921 est pour Malm l´inspiration de la révolution à venir dans la guerre qui nous attend, à savoir celle contre les énergies fossiles (au bénéfice des merveilleuses « énergies renouvelables »). Entre l´interprétation de l´effondrement de l´URSS par Robert Kurz dans son livre de 1991 récemment paru en français L´Effondrement de la modernisation et les thèses de Malm, il faut dire que l´abîme paraissait infranchissable et le débat couru d´avance.

    On ne peut pas ne pas mentionner ici le format bizarre de cette conférence « internationale » où chacun apparaît dans sa cuisine ou son salon, ce qui donne aux débats quelque chose de faussement familier, de unheimlich. C´est comme si nous avions déjà consenti à être définitivement renvoyés à nos pénates, pour ne plus analyser le monde ou le changer que de derrière un écran. Ferons-nous bientôt des #conférences_en_pyjama ?

    C´est pourtant un Andreas Malm remonté qui a fait son apparition sur l´écran, encore habillé de circonstances pour la manifestation pro-palestinienne dont il revenait, selon ses dires. Étranglé par son émotion anti-impérialiste, Malm s´est immédiatement déclaré dans l´incapacité d´aborder le sujet prévu, à savoir la crise pandémique et le rôle de l´État. C´est donc toute sa colère contre la réaction israélienne qualifiée de « proto-génocidaire » que Malm a commencé à déverser sur son public virtuel.

    La réaction d´Anselm Jappe ne s´est pas fait attendre : il a rappelé le thème du débat et son refus catégorique de le transformer en occasion d´encenser le Hamas. Faute de passer au thème du jour, il a averti qu´il quitterait le panel. Andréas Malm a persisté, en traitant la réaction de Jappe de réflexe « allemand ». Anselm Jappe a donc quitté le meeting, suivi de ses deux coauteurs, sans que les organisateurs n´aient pris position sur ce qui était en train de se passer.

    C´est ainsi qu´on put une nouvelle fois vérifier – jusqu´à la caricature – que les soubresauts du Proche-Orient avaient pour le gauchisme une sorte de priorité atavique sur tout autre sujet. Un message posté sur le chat de Youtube ne manquait d´ailleurs pas de dénoncer l´infiltration « sioniste » de la gauche… Un seul message d´un spectateur demandait pourquoi un « gauchiste supposé » exprimait de l´admiration pour les « milices fascistes » du Hamas qui « terrorisent au quotidien les habitants de Gaza ».

    Le proverbe dit que les méchants parfois se reposent, les imbéciles jamais. Mais que dire des #imbéciles_méchants ?

    On voudrait bien que le discours sur « l´antisémitisme de gauche » fût l´exagération d´une droite désireuse de faire oublier son passé. Malheureusement, il n´en est pas ainsi. Quant à nous, nous sommes les vrais pro-palestiniens et les vrais pro-israéliens : nous souhaitons aux palestiniens et aux israéliens de se libérer de leurs dirigeants actuels et de retrouver un peu de bon sens.

    Anselm Jappe, Gabriel Zacarias, Sandrine Aumercier

    15 mai 2021.

  • Préface d’Anselm Jappe et Johannes Vogele pour L’Effondrement de la modernisation de Robert Kurz

    http://www.palim-psao.fr/2021/04/preface-d-anselm-jappe-et-johannes-vogele-pour-l-effondrement-de-la-moder

    Robert Kurz [...] ne livrait pas seulement une explication marxiste de la faillite inévitable du « socialisme réel » bien différente des analyses courantes proposées à gauche, mais affirmait aussi crânement que la fin de l’URSS n’était qu’une étape de l’écroulement mondial de la société marchande, dont les pays « socialistes » ne constituaient qu’une branche mineure.

    La révolution russe de 1917, indépendamment de la volonté de ses chefs, n’avait pas – et ne pouvait pas avoir, selon Kurz – comme horizon le « communisme », mais une « modernisation de rattrapage », c’est-à-dire une version accélérée de l’installation des formes sociales de bases du capitalisme, notamment en réagençant les vieilles structures sociales prémodernes pour y imposer la socialisation des individus par le travail

    • L’« Effondrement de la modernisation » ‒ 30 ans après
      https://lundi.am/L-Effondrement-de-la-modernisation-30-ans-apres

      À l’occasion de la traduction de L’effondrement de la modernisation. De l’écroulement du socialisme de caserne à la crise de la mondialisation, de Robert Kurz (aux éditions Crise et Critique), nous publions ici un entretien avec ce dernier datant d’octobre 2004 pour le magazine Reportagem de São Paulo. Il revient sur l’émergence du courant désormais appelé « critique de la valeur », qui débute avec la publication en allemand de ce même livre en 1991. Théoriquement, il s’agissait de se dégager du marxisme traditionnel, tout en revenant à Marx, pour refuser en bloc toute la logique de la valeur et du travail. Il indique ensuite l’apport essentiel de la critique de la dissociation, apporté par Roswitha Scholtz (« La valeur, c’est le mâle », 1996), qui insiste sur le tout structurellement scindé formé par la valeur, la marchandise et le travail abstrait (qui prétendent à la totalité) d’un côté et le travail reproductif souvent « déclassé » et attribué aux femmes de l’autre (et que la totalité ne parvient jamais à subsumer totalement). Enfin, il explique les tensions au sein du groupe Krisis qui se scinde au début des années 2000 avec la formation de la revue Exit ! et termine par des considérations sur la crise mondiale de la modernisation à laquelle n’échapperont pas, selon lui, les pays alors en pleine croissance comme la Chine de l’époque.

    • @tranbert : certes ; mais peut-être qu’un quart de siècle est encore une période trop courte ? Ou alors, c’est l’#effondrisme qui, par son impatience à voir la « catastrophe » advenir, a tendance à se contenter de vues à court terme ?
      Comment appelle-t-on déjà ce comportement biaisé qui consiste à se réjouir d’une catastrophe en train de se produire ?

    • La critique de la valeur n’annonce pas un effondrement à venir, mais constate une décomposition en cours (dont l’URSS représentait justement une étape). Il n’est pas très pertinent d’attendre la « chute » du capitalisme, que tout le monde se représente par ailleurs triomphant, car il s’agit déjà d’un mort-vivant, mais ce pourrissement n’a rien d’émancipateur en soi.

    • Ni rien de réjouissant : les élites dominantes feront tout pour s’accrocher à leurs prérogatives et leurs brutalités n’iront qu’en augmentant en fréquence et en intensité.
      J’observe avec une grande attention ce qui se passe au Mexique : ce pays connait depuis un quart de siècle une violence économique et politique de grande intensité et la brutalité inouïe des rapports de domination imposés par les cartels illustre bien le genre de pourrissement auquel il faut s’attendre.

    • @ktche @sombre Je crois que comme avec la collapsologie, la WerttKritik fait une confusion entre la dynamique du système capitaliste et ce que ce système inflige aux humains et à la nature. On assiste pas à « l’écroulement mondial de la société marchande » ni au « pourrissement du capitalisme » qui au contraire fonctionnent très bien.
      Ce qui s’écroule, ce sont les conditions de la vie.
      Ce qui pourrit, c’est la société du genre humain.
      Et la production de marchandises prospère sur cette destruction et sur cette dépossession.
      Le capitalisme ne « crée » pas de la valeur, il détruit et corrompt tout ce qui permettait de se passer de ses ersatz empoissonnés et mortifères. Et c’est cela qu’il importe de dénoncer et de combattre.

    • Ça fait des années que tu répètes la même critique @tranbert :)
      « ce courant annonce la fin du capitalisme qui va se faire tout seul mais ça n’arrive jamais » … mais ce n’est jamais ce que ça dit, ça n’annonce rien de bien, ça explique que le capitalisme à force d’augmentation de la productivité (et donc encore plus depuis la robotisation + informatisation) détruit son noyau : la création de valeur.

      Mais ça peut très bien prendre très longtemps car c’est une compétition toujours mondiale donc il reste toujours quelques pays qui concentrent ce qui reste de valeur. Nous on vit justement en France, dans un de ces derniers centres occidentaux, mais non non, la production de marchandises ne prospère pas du tout quand on regarde le monde entier. Et même dans ces derniers centres, tout cela ne tient quasi que par l’expansion monstrueuse de la finance : pas du tout parce que la production prospère.

      + surtout ça n’indique absolument aucune émancipation particulière du tout ! Par défaut c’est même plutôt le contraire et que la wertkritik le dit pourtant assez explicitement (y compris dès ce premier livre) : si les mouvements d’émancipation et d’autonomie ne deviennent pas plus importants, alors par défaut cette décomposition du capitalisme aboutit plutôt à la barbarie, pas du tout à l’émancipation du genre humain… (ce que montre bien aussi La société autophage, plus particulièrement)

      Cette préface ne masque pas non plus l’évolution graduelle, en 91, il y avait aussi encore des scories de marxisme traditionnel dans ce livre, une idée transhistorique du travail, un progressisme, etc. Qui ont disparu de ce courant au fil des années, des auto-critiques, des approfondissements.

      En conséquence de quoi il n’y a rien à « attendre » magiquement (personne n’a jamais dit ça dans ce courant), il faut bien participer à construire d’autres manières de penser et de vivre (au pluriel), non basées sur la création de valeur.

      Enfin bon, plutôt que des piques régulières de mécompréhension sur les internets au fil des années, ça serait vraiment plus utile de mettre à plat les choses en discutant vraiment en face à face lors d’une rencontre avec les participant⋅es francophones (comme Renaud Garcia qui était à la rencontre l’année dernière il me semble). Quitte à ne pas être d’accord, mais au moins en dissipant les incompréhensions et quiproquos qui peuvent monter en épingle quand il n’y a que de l’écrit.
      Mais bon je dis ça… je dis rien :)

    • Ce qui s’écroule, ce sont les conditions de la vie.
      Ce qui pourrit, c’est la société du genre humain.

      Tout à fait. A condition de préciser que le « genre humain » dont il est question n’est pas une donnée transhistorique. Car c’est bien parce que le capitalisme (c’est-à-dire la forme de vie fétiche sur laquelle nous nous appuyons pour produire et reproduire la société depuis peu, comparé à la diversité et à l’histoire des formes de vie qui la précède), est lui-même en cours de décomposition, que les catégories qui le fondent et nous semblent évidentes et « naturelles » se décomposent avec lui, à commencer par la plus centrale : le travail (qui, du coup, ne fait pas partie des « conditions de la vie », mais bien de la dynamique du capital lui-même).

      Le capitalisme ne « fonctionne » pas bien. A bien des égards, il n’a jamais « bien fonctionné » puisque c’est une dynamique folle qui sape les conditions-même de sa propre reproduction, induisant par là les nuisances constatées tout au long de son histoire, et pas seulement dans ses phases les plus récentes. Dénoncer les nuisances et oublier (ou se méprendre sur) ses ressorts est une demi-mesure, du genre de celles qu’ont adoptées jusqu’à l’absurdité ceux qui voulaient rattraper la modernité plutôt que de repartir sur d’autres bases.

      Vouloir fixer la modernité à un moment particulier de son histoire, tenter de rattraper son retard pour ceux qui ne sont pas partis dans la course en tête de peloton, ou prolonger coute que coute cette trajectoire irrationnelle pour ceux qui en sont les ultimes et relatifs bénéficiaires, sont autant de façon de « croire » dans la viabilité d’un fétiche délétère.

      Dans sa phase en cours, ce n’est pas parce que le capitalisme nous écrase qu’il triomphe, mais c’est parce qu’il se décompose (et qu’on continue de l’imaginer éternel ou maitrisable) qu’il nous écrase.

  • Le Droit à l’oncle, par Anselm Jappe - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2021/04/le-droit-a-l-oncle-par-anselm-jappe.html

    A peu près toutes les forces en présence – les partis politiques, les associations en tout genre, les manifestants dans les rues, les média généraux et spécialisés – s’écharpent uniquement sur les détails de l’application de la PMA : pas du tout sur le principe.

    […]

    On a proclamé le « droit à l’enfant ». Quelle drôle d’idée ! Existe-t-il le droit à avoir un oncle ? Puis-je demander à la technoscience de me créer un oncle, parce que la nature ne m’en a pas donné et ma vie est incomplète sans un oncle ? Et un autre être humain peut-il constituer un « droit » pour moi ?

    […]

    On sait qu’actuellement il est assez difficile et coûteux d’adopter un enfant. Mais ne serait-il pas, tout compte fait, plus facile de changer les lois humaines que les lois biologiques ? On dirait que la préférence accordée à la PMA plutôt qu’à l’adoption cache un désir très archaïque, très « essentialiste » ou « naturaliste » : avoir un enfant « de son propre sang », avec son propre ADN. Il est étrange que des gens qui fustigent à longueur de journée les mentalités « rétrogrades » ou « traditionalistes » de leurs adversaires pratiquent eux-mêmes une attitude qui est on ne peut plus bourgeoise et « biologique ». Un enfant qui ne soit pas de mon sperme ou de mes ovocytes ne m’intéresse pas…

    […]

    Mais on peut aussi en conclure que le recours à des solutions médicales témoigne, pour le moins, d’un terrible manque d’imagination : plutôt que de recourir au symbolique – à des enfants acceptés comme « fils » même si génétiquement ils ne le sont pas – on pratique de la zoologie médicalement assistée. Une« zoologie appliquée » : les êtres humains sont réduits, comme un cheptel, à leurs caractéristiques biologiques qu’il s’agit de transmettre. C’est le principe fondamental de l’élevage, dont la résurgence chez des gens qui passent leur vie à tonitruer contre l’« essentialisme » et le « naturalisme » en prônant la « déconstruction » est pour le moins surprenante…

    #PMA #Anselm_Jappe #essentialisme #enfants #adoption #droit_à_l'enfant #solutionnisme_technologique #critique_techno

    • Déjà signalé par PMO ici :

      https://seenthis.net/messages/912044

      Si vous n’avez pas le temps de lire Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine, ni Le Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme (toujours en vente), vous pouvez lire le fidèle résumé qu’en fait Anselm Jappe, théoricien reconnu de la critique de la valeur et bloggeur sur Médiapart (ici et en PDF ci-dessous).

      Blague à part, c’est une sorte d’événement que sept ans après nos alertes contre La Reproduction artificielle de l’humain , un authentique anti-capitaliste rejoigne publiquement notre critique, quitte à nous rejoindre également sur les listes noires des petites meutes techno-progressistes. Vous verrez que, à ce rythme, un François Ruffin qui vient de se découvrir une hostilité « métaphysique » au progrès, ou l’anti-capitaliste Hervé Kempf et ses « collaborateur-ice-s » pro-PMA de Reporterre, finiront par rallier l’écologie radicale et anti-industrielle avant 2050.

      Jappe se met enfin un peu sérieusement à la #technocritique. Vieux motard que j’aimais...

  • Une ZAD au « cœur de la bête »

    Anselm Jappe

    https://lavoiedujaguar.net/Une-ZAD-au-coeur-de-la-bete

    Malgré tout, quelque chose s’est amélioré dans la vie sociale et politique au cours des dernières décennies. Ceux qui veulent vraiment changer les choses ont définitivement abandonné l’illusion qu’on puisse obtenir des résultats sérieux en participant aux élections, aux gouvernements, aux commissions éthiques, aux conventions citoyennes, aux pétitions. Même lorsque des partis écologistes ou de la gauche « radicale » ont participé, où que ce soit dans le monde, à des gouvernements, ils n’ont réalisé pratiquement aucune avancée sur le plan social ou écologique.

    Tandis que tout semble bloqué face aux « majorités silencieuses » toujours d’accord avec les gouvernants, on a assisté à une floraison d’actes pratiques : empêcher une détérioration du monde, pour petite que soit l’échelle, a des effets réels. Et dans ce domaine, le taux de réussite semble nettement à la hausse : rien que pour parler de la France, les luttes ont fini par gagner à Notre-Dame-des-Landes, à Center Parcs, en ce qui concerne le nouveau terminal de Roissy, le Triangle de Gonesse près de Paris (Europacity), le barrage de Siven, les entrepôts d’Amazon, etc. Souvent c’étaient des ZAD (« zones à défendre ») prolongées qui ont empêché la réalisation de ces « grands projets inutiles ». Et ce qui est peut-être encore plus remarquable est la peur qui s’est visiblement emparée des « décideurs » et « aménageurs » : de nombreux projets sont abandonnés même avant le début d’une ZAD ou d’autres formes de militantisme sur le terrain, c’est-à-dire après les premières contestations. D’autres projets ne sont même plus conçus : il y a un moratoire de fait sur la construction de nouvelles autoroutes et de nouvelles centrales nucléaires. Le « progrès » et la « modernisation » commencent à avoir du plomb dans les ailes. (...)

    #Anselm_Jappe #ZAD #Suisse #béton #Lafarge #extractivisme

  • Une ZAD au « cœur de la bête », par Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/2021/02/une-zad-au-coeur-de-la-bete-par-anselm-jappe.html

    Si je sympathise donc spontanément avec ces luttes qui tentent de mettre le bâton dans les roues du char (ou plutôt du 4x4) qui nous entraîne vers l’abîme, j’ai appris avec un intérêt particulier l’existence de la ZAD de la colline du Mormont près de Lausanne en Suisse. Les occupants s’opposent au projet d’élargissement de la cave de calcaire exploitée depuis des décennies par le cimentier suisse Holcim, coupable, selon un rapport de Greenpeace, de nombreuses « violations des droits humains » partout où il sévit dans le monde. Cette entreprise, qui était déjà le deuxième producteur de ciment au monde, a fusionné en 2015 avec le cimentier français Lafarge. Celui-ci n’a jamais manqué de montrer son attachement au bien commun, depuis l’époque où il construisait pour l’occupant nazi le Mur de l’Atlantique jusqu’au scandale de 2020, où on l’avait surpris versant des déchets dans la Seine en plein Paris, et en passant par les rançons payées à l’Etat islamique en Syrie en échange de sa « protection ». Cette entreprise, après avoir dévoré une partie de la colline, veut maintenant obtenir une autorisation pour détruire également le reste, malgré sa valeur paysagère, naturelle et archéologique et son caractère officiellement « protégé ». La ZAD s’est installée en octobre 2020 dans la partie déjà achetée par le cimentier en vue de son expansion future. Elle n’a été que peu inquiétée jusqu’ici par les forces de l’ordre, dans l’attente de la fin de la procédure judiciaire. Comme toute ZAD qui se respecte, l’occupation ne vise pas seulement à empêcher une nouvelle extension de la logique mortifère du développement du capitalisme, mais se propose également l’élaboration collective de nouvelles formes de vie.

    Cette nature des ZAD est assez connue pour qu’il soit nécessaire de s’y arrêter. Deux autres aspects plus insolites de la ZAD de Mormont semblent alors mériter de l’attention. D’abord la cible : ici, ce n’est ni le nucléaire ni un aéroport ni une autoroute qui suscite l’ire, mais la simple extraction de calcaire qui sert à produire du ciment et ensuite du béton. A priori, cela paraît beaucoup moins nocif que, par exemple, l’extraction de pétrole ou d’or, aussi bien en ce qui concerne l’extraction que les utilisations de la ressource. Le béton ne passe pas pour être si maléfique que le plastique, les pesticides ou le pétrole. Mais comme j’ai tenté de le démontrer dans mon livre Béton – Arme de construction massive du capitalisme (L’Echappée, 2020), le béton n’est pas seulement nuisible à cause des émissions de CO2 qu’il occasionne, des vols de sable qu’il présuppose, des déchets qu’il laisse derrière, mais surtout à cause de ce qu’il permet : la bétonisation du paysage, l’uniformisation des façons de construire, l’enlaidissement du monde. Véritable « matérialisation » de la logique de la valeur qui gouverne le capitalisme, le béton n’est pas un matériau « neutre » qui est bien ou mal utilisé, selon les cas, mais un élément tout aussi ravageur que le pétrole, le nucléaire ou les pesticides. On ne peut donc que se féliciter qu’avec cette nouvelle ZAD, dirigée contre l’industrie du béton, celui-ci perde un peu plus son masque d’innocence pour intégrer à plein titre le club des nuisances à combattre si l’on veut sauver les bases de la vie sur terre.

    […]

    C’est en effet une caractéristique de l’extractivisme de se dérouler en général, au moins aujourd’hui, loin de ceux qui en profitent le plus, mais chez les pauvres à l’autre bout du monde. En général, les riches ne creusent pas de puits de pétrole dans leur jardin ni n’extraient de l’or à l’aide du cyanure dans la rivière face à leur chalet de montagne où ils pêchent la truite. Avec le béton, c’est un peu différent. Le calcaire se trouve dans de nombreuses régions du monde, tandis que sa valeur marchande à la tonne est très faible – ce qui rend peu convenable son transport sur de longues distances. On l’extrait donc devant la porte. Cette nuisance est peu exportable, elle est plus « démocratique » et frappe même au cœur de l’Europe. Voilà pourquoi elle se prête aussi aux contestations : on peut difficilement fermer les yeux, comme lorsqu’on « oublie » que le cobalt du smartphone vient des mines ensanglantées d’Afrique. Le béton nous montre qu’il est illusoire de croire cyniquement que ce ne sont que les autres qui vont payer le « prix du progrès ». D’une manière ou d’une autre, le capitalisme va retomber sur la gueule des pays qui l’ont créé. Les belles montagnes suisses réduites en poussière pour faire des autoroutes n’en sont qu’un petit exemple.

    #Anselm_Jappe #Suisse #ZAD #béton #calcaire

  • Faut-il s’étonner des violences policières ? par Anselm Jappe - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2020/12/faut-il-s-etonner-des-violences-policieres-par-anselm-jappe.html

    Oui, la police déteste tout le monde. Chacun a le droit de détester le reste des êtres humains. Mais quand on lui fournit des armes, des complices et la garantie d’ « être couvert », ça devient problématique…

    https://blogs.mediapart.fr/anselm-jappe/blog
    #violences_policières #Anselm_Jappe

    • Les rapports asymétriques portent facilement aux abus, surtout si les abus ne sont pas sanctionnés. Une telle situation d’impunité ne peut qu’éveiller le sadisme latent, ou du moins le désir de toute-puissance, qui sommeille, plus ou moins fort, chez beaucoup de gens. On peut même supposer que le sadisme et le désir de pouvoir constituent une motivation puissante, qu’elle soit consciente ou inconsciente, pour rentrer dans les forces de l’ordre. Il n’est pas nécessaire que tous les policiers soient des brutes sadiques : s’il y en a un certain nombre, et si elles agissent impunément et même avec l’approbation des supérieurs, elles donnent le ton aux autres.

      Une asymétrie inscrite même dans le marbre des lois : l’agression d’un policier (ou de certaines autres catégories d’agents publics) est punie, selon la loi, plus sévèrement que celle d’un être humain « normal ». Ainsi, on revient à des législations de l’Antiquité, comme le Code de Hammourabi de 1750 av. J.-C., qui sanctionne bien différemment la violence sur un patron et celle sur un esclave… « La loi est égale pour tous » est-il écrit dans les tribunaux, mais évidemment les policiers sont un peu plus égaux que les autres, comme les cochons dans la fable d’Orwell.

      Les conséquences : une attitude autre que servile envers la police est considérée par celle-ci comme une provocation, aux conséquences incalculables. Il faut s’adresser aux agents comme à des êtres supérieurs.

      […]

      Oui, la police déteste tout le monde (parfois même d’autres membres des forces de l’ordre). Chacun a le droit de détester le reste des êtres humains. Mais quand on lui fournit des armes, des complices et la garantie d’ « être couvert », ça devient problématique…

      Actuellement, dans aucun autre pays européen le gouvernement ne donne autant l’impression d’être aux ordres de sa propre police.

      #police #impunité

  • Un monde bétonné
    Entretien avec Anselm Jappe

    https://lavoiedujaguar.net/Un-monde-betonne-Entretien-avec-Anselm-Jappe

    Comment le béton a-t-il recouvert notre milieu ? Le livre Béton. Arme de construction massive du capitalisme, publié aux éditions L’Échappée, analyse l’histoire de ce matériau ravageur et critique à travers lui l’architecture et l’urbanisme modernes.

    Le béton a joué un rôle central dans la marchandisation de l’habitat et dans la construction massive de « machines à habiter » comme les appelait très justement, mais avec orgueil, Le Corbusier — qui jouit encore aujourd’hui auprès d’une partie du public d’une réputation de grand architecte et même de grand humaniste, tandis qu’il n’a jamais fait mystère de ses intentions autoritaires et classistes : sophistication pour ses clients riches, « cages à lapin » pour les autres. Le béton a aussi profité d’une bonne image chez la gauche, qui y voyait un matériau prolétarien et surtout adapté à la promotion de logements dits « sociaux », c’est-à-dire bon marché.

    Ce que personne ne voulait voir, à de rares exceptions près comme les situationnistes, est le fait qu’habiter ne peut pas se réduire à « avoir un toit », de même que manger ne peut jamais consister dans la seule absorption d’une quantité suffisante de calories. Dans les deux cas, une vaste gamme de facteurs émotionnels et symboliques entre en jeu — habiter signifie surtout avoir son lieu dans le monde, être rattaché au monde. Pendant des millénaires, et dans le monde entier, l’architecture, au sens large, a toujours eu cette fonction.

    Il faut aussi reprocher au béton ce qui, fréquemment, a été proclamé, au contraire, comme son mérite le plus grand : avoir rendu possible l’architecture du XXe siècle. Le « brutalisme » ne jouit plus d’une grande faveur, mais qui voudrait abandonner le béton tout court, si facile à l’emploi et si bon marché ? Pourtant, il faut mettre en relief que le béton — ou, pour mieux dire, ceux qui l’emploient ! — est le premier responsable de l’assassinat des architectures « traditionnelles » ou « vernaculaires », dans la ville comme à la campagne. (...)

    #Anselm_Jappe #béton #capitalisme #construction #technique #urbanisme #architecture #Le_Corbusier

  • Anselm Jappe : Béton. Arme de construction massive du capitalisme (parution prochaine aux éditions L’Echappée)
    http://www.palim-psao.fr/2020/10/nouveau-titre-d-anselm-jappe-beton.arme-de-construction-massive-du-capita

    Le béton incarne la logique capitaliste. Il est le côté concret de l’abstraction marchande. Comme elle, il annule toutes les différences et est à peu près toujours le même. Produit de manière industrielle et en quantité astronomique, avec des conséquences écologiques et sanitaires désastreuses, il a étendu son emprise au monde entier en assassinant les architectures traditionnelles et en homogénéisant par sa présence tous les lieux. Monotonie du matériau, monotonie des constru­ctions que l’on bâtit en série selon quelques modèles de base, à la durée de vie fortement limitée, conformément au règne de l’obsolescence programmée. En transformant définitivement le bâtiment en marchandise, ce matériau contribue à créer un monde où nous ne nous retrouvons plus nous-mêmes.

    Raison pour laquelle il fallait en retracer l’histoire ; rappeler les desseins de ses nombreux zélateurs – de toutes tendances idéologiques – et les réserves de ses quelques détracteurs ; dénoncer les catastrophes qu’il engendre sur bien des plans ; révéler le rôle qu’il a joué dans la perte des savoir-faire et dans le déclin de l’artisanat ; enfin démontrer comment ce matériau s’inscrit dans la logique de la valeur et du travail abstrait. Cette critique implacable du béton, illustrée par de nombreux exemples, est aussi – et peut-être avant tout – celle de l’architecture moderne et de l’urbanisme contemporain.

    #Anselm_Jappe #béton #capitalisme #urbanisme #architecture #critique_techno #Histoire @topophile (même si c’est un compte feed)

  • Je ne comprends pas la « critique de la valeur »
    Retour sur la critique du travail

    Louis de Colmar

    https://lavoiedujaguar.net/Je-ne-comprends-pas-la-critique-de-la-valeur-Retour-sur-la-critique-

    Le mouvement de la critique de la valeur, à partir d’une perception qui me semble pertinente et stimulante de la réalité immédiate (le travail et le capital ne peuvent pas être dissociés dans la définition historique du capitalisme, et sa critique doit englober au même titre le travail et le capital), comporte cependant, à mon avis, un biais de perspective : il postule une définition ontologique du capitalisme, en passe d’être entièrement réalisée sous nos yeux, et dont les prémices auraient dès le départ été présentes. L’essentiel de ses travaux peut ainsi se lire comme une tentative de reconstruire à travers une « archéologie régressive » la mise au jour de cette ontologie : c’est tout le sens de l’exhumation d’un Marx « ésotérique » dans l’œuvre « exotérique » de Marx. C’est la même tentative que l’on retrouve dans le livre de Jappe (La Société autophage) ou dans celui de Hemmens (Ne travaillez jamais).

    Dans le cas de Hemmens, on se trouve face à une tentative de comprendre les critiques du travail formulées par Fourier, Lafargue, les surréalistes ou les situationnistes, à travers les limites spécifiques dans leurs approches face à cette ontologie originelle du capitalisme, qu’ils n’étaient pas en mesure de percevoir « correctement ». Dans le cas de Jappe, son travail était plus ambitieux, puisqu’il souhaitait fonder cette ontologie dans une confrontation critique avec les philosophes de la modernité, mais avec la même optique inversée.

    Or, ce qu’il s’agit à mon sens de mettre en avant, ce ne sont pas des insuffisances voire des erreurs de ces critiques ou philosophes par rapport à un référentiel présent, mais se servir de ce décalage perceptible entre ces auteurs d’hier et la réalité actuelle pour comprendre la transformation « qualitative » qui a eu lieu (« qualitative » au sens de non linéaire, non cumulative). La compréhension du présent devient ainsi un moment de la compréhension et de l’intelligibilité éventuelle de ce décalage (« éventuelle » car elle n’est pas aboutie, ni définitive). (...)

    #critique_du_travail #Anselm_Jappe #capitalisme #Marx #communs

  • Entretien avec Pierre Madelin
    « L’écologie politique s’affirme
    comme une réflexion critique de la modernité »

    par Kévin Boucaud-Victoire, Pierre Madelin

    https://lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-Pierre-Madelin-L-ecologie-politique-s-affirme-comme-u

    Pierre Madelin vit depuis 2012 dans l’État mexicain du Chiapas. Dans un essai d’écologie politique publié en 2017, il analyse le capitalisme et ses effets sur l’environnement en tentant de tracer une voie de sortie décroissante, radicale et libertaire.

    « Je suis parfaitement d’accord avec Cornelius Castoriadis pour dire que la modernité est traversée par une tension entre deux grandes significations imaginaires : une signification imaginaire de domination rationnelle du monde, et une signification imaginaire d’autonomie. Pendant longtemps — c’est tout le sens des philosophies progressistes de l’histoire —, on a pensé que ces deux significations imaginaires étaient indissociables l’une de l’autre, que l’émancipation des hommes passait nécessairement par la soumission de la nature. Aujourd’hui, nous savons qu’il n’en est rien. Non seulement l’autonomie se trouve menacée là même où elle s’était affirmée avec le plus de vigueur depuis deux siècles, c’est-à-dire dans l’espace politique (quelles que soient les imperfections de la “liberté” dans les régimes libéraux, la laïcité marque bien une autonomie du politique par rapport au religieux, les libertés fondamentales une autonomie de l’individu par rapport au corps social et à l’arbitraire de l’État, etc.), mais notre maîtrise croissante (ou notre illusion de maîtrise) de la nature et l’avancée du capitalisme qui l’accompagne détruisent également l’autonomie des individus et des sociétés dans leurs espaces domestiques et communs, comme s’est employé à le montrer Ivan Illich dans l’ensemble de son œuvre.

    Jamais société n’avait porté l’étendard de la liberté avec autant d’ardeur, et jamais pourtant elle n’avait détruit avec autant de zèle les formes concrètes de la liberté et de l’autonomie. » (...)

    #Pierre_Madelin #Castoriadis #autonomie #Ivan_Illich #domination #écologie #interdépendance #capitalisme #Serge_Latouche #Anselm_Jappe #Chiapas #zapatisme #autochtonie #John_Holloway #Zygmunt_Bauman #Simone_Weil #Mélenchon #Val_Plumwood #ZAD

  • Après le capitalisme
    Essai d’écologie politique

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/Apres-le-capitalisme-Essai-d-ecologie-politique

    Le principe du capitalisme est de priver les individus de leur capacité à satisfaire leurs besoins pour les forcer à le faire par la médiation du marché. Sous sa forme moderne, la séparation du travailleur avec ses moyens de production ou de subsistance s’est étendue à ses moyens de locomotion, de cognition, d’habitation, de reproduction. L’opposition au capitalisme s’élargit et dépasse les appartenances de classe, au nom d’un « choix politique contingent face à une situation singulière », en opposition à un projet écocide par exemple.

    La crise écologique impose de prendre des décisions politiques radicales contraires aux intérêts du capitalisme. La transition écologique, si elle n’est pas accompagnée d’une transition politique, ne servira qu’à augmenter les inégalités et renforcer la domination des élites dirigeantes sur la société. Au nom du « capitalisme vert », EDF et d’autres entreprises ont recouvert l’isthme de Tehuantepec, dans le sud du Mexique, du plus grand champ éolien des Amériques (...)

    #Pierre_Madelin #essai #capitalisme #limites #écologie #crise #effondrement #possibilités #Anselm_Jappe #État #Günther_Anders #John_Holloway #brèches #Bernard_Charbonneau #EZLN #Kurdistan

  • De virus illustribus. Crise du coronavirus et épuisement structurel du capitalisme, de Sandrine Aumercier, Clément Homs, Anselm Jappe et Gabriel Zacarias (Extraits. Editions Crise & Critique, parution en août 2020).
    http://www.palim-psao.fr/2020/04/parution-prochaine-de-virus-illustribus.crise-du-coronavirus-et-epuisemen

    Brouillon/démarrage d’un livre sur Coronavirus et Capitalisme, à paraitre cet été.

    Une quantité invraisemblable de commentaires sur la crise du coronavirus circule déjà dans le champ de la critique du capitalisme. On y rencontre beaucoup d’éléments intéressants, mais rien qui ne soit vraiment percutant. Chacun prêche pour sa paroisse : Žižek voit l’avènement d’une nouvelle forme de communisme, Vaneigem d’un esprit joyeux et solidaire, Latour voit l’occasion de faire le tri entre l’essentiel et le superficiel, Agamben croit voir pointer un nouveau totalitarisme qui nous réduit à la « vie nue », LundiMatin se réjouit que tout soit à l’arrêt, Latouche vend la décroissance comme solution, les écologistes pensent qu’il faut respecter davantage la biodiversité, Naomie Klein n’y voit que la « stratégie du choc », les gauchistes « classistes » la responsabilité des seuls capitalistes « parasitaires », les primitivistes proposent de revenir aux sociétés des chasseurs-cueilleurs, Rob Wallace veut créer un capitalisme « écosocialiste » en soumettant les entreprises à des règles qui réinternalisent les coûts sanitaires de leurs activités, Le Monde diplomatique nous révèle que le problème principal est la casse néolibérale de la santé publique, Piketty y voit l’occasion d’une justice fiscale majeure. L’État islamique y décèle la main de Dieu contre les infidèles et exhorte ses troupes à éviter de voyager en Europe pour y déposer des bombes… Rien de nouveau sous le soleil ?

    […]

    Que penser alors de cette surprise très peu « divine » ? La crise du coronavirus sonnera-t-elle le glas du capitalisme, amènera-t-elle la fin de la société industrielle et consumériste ? Certains le craignent, d’autres l’espèrent. Il est bien trop tôt pour le dire. Avec la pandémie du Covid-19, un facteur de crise inattendu est apparu – l’essentiel n’est pourtant pas le virus, mais la société qui le reçoit.

    […]

    Il faut aussi saisir le rôle accru des États dans une compréhension de la relation polaire État-Économie, et montrer le lien entre crise de la valorisation et l’impossibilité grandissante de nombreux États à jouer leur rôle d’administrateur du désastre si la crise perdure. Il faut montrer comment la crise du Covid-19 va accélérer un processus d’affirmation paradoxale du « primat du politique ». D’un côté, les États s’affirment comme administrateurs du désastre et « sauveurs en dernier ressort » du capitalisme (au travers des politiques budgétaires des États et des politiques monétaires des banques centrales). Dans le même temps, la crise de la valorisation détruit le fondement et la légitimité des institutions politiques et produit l’évidement de la politique en sapant les bases de la capacité d’intervention des États.

    #capitalisme #coronavirus #critique_de_la_valeur #wertkritik #Sandrine_Aumercier #Clément_Homs #Anselm_Jappe #Gabriel_Zacarias

    • De nombreux épidémiologistes ayant constaté un lien entre déforestation, élevage industriel et multiplication des zoonoses (maladies transmises par un animal) depuis une cinquantaine d’années dans les zones intertropicales (VIH-1, Nipah, etc.), certains, comme l’épidémiologiste américain #Rob_Wallace, ont transposé, sans enquête préalable [sic !] , l’établissement de ce lien sur le cas du Covid-19. L’autre thèse, apparue dès la fin du mois de janvier dans la presse et les réseaux sociaux chinois, est celle d’une fuite accidentelle dans l’un des deux laboratoires de virologie P2 ou P4 de Wuhan où des études sur le coronavirus de chauve-souris étaient menées. Suite à la révélation dans le Washington Post du 14 avril, de câbles diplomatiques américains constatant des problèmes de sécurité en 2018 dans ces laboratoires, ces soupçons, là aussi sans enquête préalable [re sic !], ont été relayés mi-avril par l’administration américaine, les gouvernements britannique et français.

      Quoiqu’il en soit, le virus est le déclencheur mais pas la cause de l’aggravation de la situation de crise structurelle et globale déterminée de manière sous-jacente par la contradiction interne dont nous avons parlé. Comme expression des contradictions internes accumulées par le régime d’accumulation aujourd’hui structurellement fixé sur l’anticipation de la production de survaleur future au travers d’un endettement généralisé, la crise sanitaire est l’expression et le vecteur d’une crise déjà à l’œuvre, dont elle ne fera qu’accélérer le cours.

      Traduit en bon français : c’est la criiiiise !

      Il fallait bien un bouquin pour nous le rappeler, sinon, on ne s’en serait pas aperçu...

      Ce qui est vraiment remarquable dans cette prose jargonneuse et répétitive, c’est l’indifférence totale à la réalité concrète des phénomènes : ils ne sont là que pour confirmer l’excellence de la prétendue « théorie critique » qui les relègue au second plan.

      On se demande où et quand nos théoriciens font des « enquêtes préalables » dans le monde tel qu’il ne va pas...

      Quoiqu’il en soit, « rien qui ne soit vraiment percutant ». La WertKritik « prêche pour sa paroisse », une fois de plus.

      #cuistrerie

  • https://www.franceculture.fr/societe/anselm-japp-esperons-de-garder-ce-que-cette-crise-a-de-positif

    [...] la gravité de cette crise de la société capitaliste mondiale n’est pas la conséquence directe et proportionnée de l’ampleur de la maladie. Elle est plutôt la conséquence de la fragilité extrême de cette société et un révélateur de son état réel. L’économie capitaliste est folle dans ses bases mêmes – et non seulement dans sa version néolibérale.

    Le capitalisme industriel dévaste le monde depuis plus de deux siècles. Il est miné par des contradictions internes, dont la première est l’usage de technologies qui, en remplaçant les travailleurs, augmentent les profits dans l’immédiat, mais font tarir la source ultime de tout profit : l’exploitation de la force de travail. Depuis cinquante ans, le capitalisme survit essentiellement grâce à l’endettement qui est arrivé à des dimensions astronomiques. La finance ne constitue pas la cause de la crise du capitalisme, elle l’aide au contraire à cacher son manque de rentabilité réelle – mais au prix de la construction d’un château de cartes toujours plus vacillant. On pouvait alors se demander si l’effondrement de ce château adviendrait par des causes « économiques », comme en 2008, ou plutôt écologiques.

    Avec l’épidémie, un facteur de crise inattendu est apparu – l’essentiel n’est pourtant pas le virus, mais la société qui le reçoit.

    NB : concernant le tarissement du travail, il faut préciser que le travail source de (sur)valeur indispensable à la reproduction du capital ne peut être qu’un travail accompli selon le standard de productivité du moment (qui est par ailleurs en constante augmentation sous l’effet de la concurrence entre capitalistes). Tous les travailleurs exploités à bas prix dans les zones de faible productivité sont des opportunités de profit pour certains capitalistes, mais pas une possibilité de reproduction du capital au niveau global. Le capital ne peut se reproduire que s’il produit par ailleurs des consommateurs solvables à hauteur de la masse de capitaux mise en mouvement. Comme l’indique Jappe, ce n’est plus le cas depuis au moins cinquante ans (et ce ne sera plus jamais le cas, compte tenu des niveaux de productivité atteints et des masses de capitaux accumulés).

    • Certaines époques ont montré qu’elles croyaient fortement à la puissance de la pensée critique. Notre époque, au contraire, a tenu ses penseurs, non sans raison, pour des gens totalement inoffensifs. Parmi les rares personnes considérées comme tout à fait inacceptables, on trouve assurément Guy Debord. Pendant longtemps, c’est la police qui s’est intéressée à lui, plutôt que les milieux intellectuels. Lorsque, malgré toutes sortes d’obstacles, sa pensée a fini par s’imposer, on a bien vite assisté à une autre forme d’occultation : la banalisation. Il existe peu d’auteurs contemporains dont les idées ont été utilisées de façon aussi déformée, et généralement sans même que l’on cite son nom.

      Ce livre résume l’activité publique de Guy Debord, du lettrisme à la fondation de l’Internationale situationniste, des rencontres avec Henri Lefebvre et Socialisme ou Barbarie à Mai-68, de La Société du spectacle à ses films. Surtout, il veut préciser la place de Debord dans la pensée moderne : sa reprise des concepts marxiens les plus essentiels et les plus oubliés, son utilisation de Lukács, son importance pour une théorie critique aujourd’hui. Cet ouvrage prend au sérieux Debord lorsqu’il affirme avoir « écrit sciemment pour nuire à la société spectaculaire ».

      Initialement, l’ouvrage était paru en français chez Via Vialerano en 1995, puis chez Denoël en 2001.

      Une édition revue et corrigée.

      Nouvelle préface :
      https://fr.calameo.com/read/0002150222f26043b60f3

  • Procrastination nocturne 2. Quand tu t’endors crevé super tôt sans même l’avoir voulu, toute lumière allumée et que tu te réveilles à 1h35 la lampe dans la gueule…
    Après : https://seenthis.net/messages/753114

    Je me lève pour tout éteindre et me changer, j’envoie un message à mon amoureuse pour dire que je n’avais pas vu son mot vu que je m’étais endormi et…

    Du coup, devant l’ordi, je tombe sur l’onglet ouvert pour plus tard avec la préface par Robert Kurz au Debord d’Anselm Jappe
    https://seenthis.net/messages/782666
    http://www.palim-psao.fr/2019/05/la-societe-du-spectacle-trente-ans-plus-tard.par-robert-kurz-preface-a-l-

    Ce n’est pas très long, donc je me mets à la lire. Puis je suis un lien vers un article de Jappe de l’année dernière que j’avais déjà lu et épinglé :
    https://seenthis.net/messages/690117
    http://www.palim-psao.fr/2018/04/guy-debord.plus-que-jamais-en-situation-par-anselm-jappe-paru-dans-le-nou

    À partir de là, c’est foutu.

    Je me mets à relire sa fiche WP, pour lire des choses sur son suicide :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Debord
    https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/from-being-to-nothingness-1524917.html

    Je retombe sur cet article sur le livre à charge d’Apostolidès :
    https://next.liberation.fr/livres/2015/12/23/guy-debord-satiete-du-spectacle_1422654
    que @supergeante avait épinglé à l’époque :
    https://seenthis.net/messages/442991

    Du coup ça m’amène à lire sur Alice Becker-Ho et « l’affaire Riesel »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Alice_Becker-Ho
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Riesel

    Là je cherche des photos d’eux tous, et je retombe sur… le journal pro-situ américain Not Bored qui contient de nombreuses correspondances de Debord traduites en anglais et disponibles sur le web. Comme je n’ai pas les livres, pour résumer, je me plonge dedans et je passe plus de 3h à lire des lettres de Debord en pleine nuit.
    http://notbored.org/debord.html

    Je ne me rappelle plus trop dans quel ordre ça s’est passé : est-ce que j’ai d’abord cherché les mots de Debord sur Jappe, puis je suis retombé sur le conflit avec René Riesel, ou bien était-ce l’inverse ?…

    Le dernier mot de Debord sur Jappe est dans une lettre pour Makoto Kinoshita :
    http://notbored.org/debord-5April1994.html

    Dis moi si un de tes amis sait lire italien. Dans ce cas, je t’enverrais un livre d’Anselm Jappe (Debord, Edizioni Tracce, Pescara). C’est sans aucun doute le livre le mieux informé sur moi, écrit par un Allemand qui assume explicitement un point de vue Hegeliano-Marxiste.

    Mais on trouve donc aussi des choses sur « l’affaire Riesel ». À commencer par sa lettre de rupture définitive à Riesel, où en goujat sans pincettes, il traite sa femme de misérable conne et de vache :
    http://notbored.org/debord-7September1971.html

    À l’inverse dans une autre lettre il s’explique très en détail sur une autre relation libertine de son couple avec Eve et Jean-Marc :
    http://notbored.org/debord-2October1971.html
    Le point commun étant qu’il haïssait absolument le mensonge (Apostolidès dit qu’il mentait et manipulait lui-même mais je n’ai pas lu de témoignage ailleurs, qu’il était excluant, violent, etc oui, mais pas menteur et Sanguinetti dit le contraire alors qu’Apostolidès est censé s’être basé sur ses sources justement). Et que donc toute relation amoureuse et/ou sexuelle doit toujours se faire sans jamais mentir à personne (y compris pendant l’acte, ce qui est le point qui a énervé Alice avec la femme de Riesel).

    Toujours autour des mêmes gens, je tombe aussi sur un article de Bourseiller, qui au milieu de notes sur Debord et le libertinage, détaille la vie de l’écrivain et pornographe Alexander Trocchi plus que sa fiche Wikipédia. À n’en pas douter c’était un aventurier… et une grosse merde qui a prostitué sa femme enceinte (et pas qu’un peu) pour se payer de l’héroine, et moult autre.
    http://christophebourseiller.fr/blog/2017/03/transgresser-ou-disparaitre-les-situationnistes-a-lepreuve-de-

    Bon, ça a dérivé (haha) et j’avoue sans mal qu’il doit y avoir du voyeurisme à être parti dans tout ça. Je préfère généralement rester sur le contenu lui-même, comme le fait très bien le livre de Jappe justement. Mais je garde toujours en tête que les idées doivent être pratiquées au quotidien, donc il y a quand même un intérêt à savoir la vie réelle des gens (et c’était très exactement le crédo principal de Debord et tous les situs, et justement lui pensait être assez en accord avec ce qu’il disait).

    Et là, il était 5h45. Et le réveil à 7h.

    #procrastination #sérendipité #Debord #Guy_Debord #Alice_Becker-Ho #René_Riesel #situationniste #internationale_situationniste #nuit #sommeil #Robert_Kurz #Anselm_Jappe #théorie_critique #libertinage #Alexander_Trocchi #Christophe_Bourseiller #Jean-Marie_Apostolidès et #dérive !!

  • La société du Spectacle trente ans plus tard..., par Robert Kurz (préface à l’édition brésilienne du Guy Debord d’Anselm Jappe)
    http://www.palim-psao.fr/2019/05/la-societe-du-spectacle-trente-ans-plus-tard.par-robert-kurz-preface-a-l-

    Le mérite du livre de Jappe est de souligner l’importance décisive de la critique radicale de l’économie moderne dans la pensée de Debord. Cette critique est encore en déshérence, malgré tous les appels lancés aux situationnistes par l’esprit du temps actuel. Quel adepte des « discours » désarmés de la critique économique contemporaine voudrait rappeler que l’intervention situationniste de 1968 a abouti à la revendication de l’extinction de l’argent et de l’Etat ? C’est cette critique radicale de la valeur de l’échange, qui vient du Marx ésotérique, qui va devenir la critique de la « société du Spectacle ». La réduction de la réalité à la fin en soi de la valorisation capitaliste de la valeur - l’inversion interne entre l’abstrait et le concret, entre le moyen et la fin - transforme les potentialités sociales en une puissance étrangère et hostile qui s’oppose aux individus. Les relations entre les êtres humains semblent des relations entre des choses mortes. Debord veut ainsi montrer comment la relation fétichiste mise en place par le capital a atteint un degré d’abstraction encore plus grand dans l’après-guerre, dans la mesure où les choses produites sous forme de marchandises étaient couvertes par des images produites aussi sous forme de marchandises. Ces images médient, depuis, les relations sociales comme réalité compensatoire apparente ; elles sont devant les individus en tant que forme d’isolement des forces sociales qu’elles ont intégrées. Il ne s’agit pas d’une « théorie des médias », mais d’une critique irrécupérable par le capitalisme de l’ère des médias - le spectacle n’est autre que « l’économie folle ».

    #Debord #Guy_Debord #Anselm_Jappe #Robert_Kurz #critique #théorie_critique #Marx #situationniste #société_du_spectacle

  • Préface à la nouvelle édition des Aventures de la marchandise d’Anselm Jappe (La Découverte, 2017)
    http://www.palim-psao.fr/2019/04/preface-a-la-nouvelle-edition-des-aventures-de-la-marchandise-d-anselm-ja

    Si l’aggravation de la crise du capitalisme a donné raison à la théorie radicale, elle n’a malheureusement pas augmenté dans la même mesure les chances d’une émancipation sociale. L’augmentation des populismes, aux traits souvent barbares, et surtout d’un « populisme transversal » réunissant des éléments de droite et de « gauche » et attribuant toutes les fautes du capitalisme aux « banquiers » et aux « spéculateurs », est jusqu’ici le résultat le plus visible du désespoir engendré par le déclin du capitalisme et la terre brûlée qu’il laisse derrière lui. L’« anticapitalisme » contemporain, même lorsqu’il est sincère, confond volontiers le capitalisme en tant que tel avec sa phase la plus récente : le néolibéralisme, qui règne depuis la fin des années 1970. Loin de reconnaître dans les convulsions actuelles la conséquence de l’épuisement de la valeur et de la marchandise, de l’argent et du travail, la grande majorité des courants de la gauche – y compris ceux qui se veulent « radicaux » – n’y voient que la nécessité de revenir à un capitalisme plus « équilibré », au keynésianisme, à un rôle fort de l’État et à un encadrement plus sévère des banques et de la finance. Les mouvements sociaux des dernières années n’ont fait généralement que formuler le souhait de restaurer une étape antérieure du développement capitaliste. Ils ont attribué explicitement ou implicitement le pouvoir actuel de la finance transnationale à une espèce de conspiration, au lieu de reconnaître dans le crédit et dans la création de sommes astronomiques de « capital fictif » une fuite en avant du système marchand, devenue inévitable après que les progrès de la technologie ont quasiment arrêté la production de survaleur.

    #Anselm_Jappe #critique_de_la_valeur #wertkritik #capitalisme #travail #populisme_transversal #finance

    • @rastapopoulos

      Peut-être bien que j’ai pas bien tout compris à cette brillante théorie qui nous dit depuis plus de 20 ans que le capitalisme est en train de s’effondrer sous le poids de ses contradictions (#collapsologie ?).

      Mais ce que je vois autour de moi, avec mes propres yeux, c’est que le capitalisme se porte à merveille. Qu’il dégrade constamment les conditions de la vie, biologique et sociale, c’est ce qui lui ouvre de nouveaux marchés pour la production industrielle à haute valeur ajoutée. Confondre la crise « écologique et énergétique », comme le fait Jappe, avec une crise du capitalisme montre bien qu’il n’a pas compris grand’chose à la dynamique du capitalisme.

      On trouve la même confusion chez les collapsologues... La « valeur » n’est que le travestissement progressiste de la dépossession qu’engendre partout le monopole radical de la marchandise.

      Et aussi, quelle curiosité : le capitalisme est « en crise », « menace de s’effondrer », et il n’y a aucun mouvement social pour le pousser vers la tombe. C’est vraiment pas de chance !

      Est-ce que par hasard cela ne serait pas dû à la puissance du capitalisme sur nos vies, à notre dépendance quasi totale aux marchandises ?

  • Morts à crédits | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/062941-000-A/morts-a-credits

    Crédit à mort Anselm Jappe

    « La seule chance est celle de sortir du capitalisme industriel et de ses fondements, c’est-à-dire de la marchandise et de son fétichisme, de la valeur, de l’argent, du marché, de l’État, de la concurrence, de la Nation, du patriarcat, du travail et du narcissisme, au lieu de les aménager, de s’en emparer, de les améliorer ou de s’en servir. » A. Jappe

    https://www.editions-lignes.com/CREDIT-A-MORT.html
    http://sd-1.archive-host.com/membres/up/4519779941507678/Anselm_Jappe_-_Cr-dit_-_mort.pdf
    #Anselm_Jappe #Arte_tv