• Appel à contributions pour un numéro de Carnets de Géographes sur la géographie des émotions : « GÉOGRAPHIES, GÉOGRAPHES ET ÉMOTIONS »
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    Alors que pendant longtemps les émotions ont été abordées à la marge de la réflexion dans les sciences humaines et sociales, et plus encore en géographie, les attentats perpétrés du 7 au 9 janvier 2015 dans la région parisienne ont remis avec force et violence cette question sur le devant de la scène. Ces événements ont en effet provoqué, en France et au-delà, des émotions individuelles et collectives multiples (tristesse, colère, peur, indignation, etc.), qui ont elles-mêmes suscité des manifestations spatiales diverses. Ces émotions se sont traduites aussi bien dans les espaces publics concrets (sous forme de dispositifs juridiques et sécuritaires limitant la libre circulation des personnes, de minutes de silence marquant la peine et le recueillement, de rassemblements contre la haine et la peur ou bien encore de marquages artistiques clamant la liberté d’expression), que dans les espaces publics virtuels (notamment par la diffusion massive des hashtag #CharlieHebdo et #JeSuisCharlie). Ces attentats nous ont rappelé à quel point les émotions participent de notre manière d’habiter, de nous déplacer, de pratiquer ou encore d’agir sur et dans l’espace.

    Cette forte imprégnation des émotions dans l’espace des sociétés a conduit à l’élaboration de champs de recherche, en sciences humaines et sociales, qui ont progressivement construit les émotions comme objets d’étude. La mobilisation des émotions a ainsi enrichi la sociologie à partir des années 1970 (Turner, Stets, 2005), autour des travaux d’A. R. Hochschild ou d’E. Goffman par exemple. Considérant que la culture et la socialisation participent au ressenti des émotions en permettant notamment de les nommer, ces dernières ont en effet été peu à peu appréhendées comme de véritables faits sociaux. Elles ont, à ce titre, été envisagées à la fois comme des « produits de l’emprise du monde social sur les individus » et comme « des influences en elles-mêmes de l’action et de l’interaction sociale », c’est-à-dire « comme des forces explicatives à intégrer à l’analyse de la dynamique sociale » (Bernard, 2015a). De la même façon, le rôle des émotions dans la construction du soi a marqué l’anthropologie depuis les travaux de M. Rosaldo (1980), notamment par une remise en question de « l’idée reçue selon laquelle les émotions seraient de l’ordre de l’intériorité, de l’irrationnel, de la nature » (Crapanzano, 1994). Cette approche montre combien les émotions ne questionnent pas seulement l’individu et la psychologie, mais participent du rapport de l’individu au collectif. L’appel de L. Febvre à une histoire de la « vie affective » ou encore les travaux de N. Elias (1987) ont également amené à la constitution d’une histoire des émotions (Deluermoz et al., 2013). Les émotions sont ainsi été abordées en fonction des évolutions qui ont marqué leurs expressions dans le temps et dans les cultures (Ermisse, 1994). Cette appropriation par la sociologie, l’anthropologie et l’histoire des émotions questionne leur statut dans les sciences humaines et sociales, et tout particulièrement en géographie. Comment les émotions peuvent-elles passer d’une mobilisation à la marge dans les sujets analysés, quand elles ne sont pas tout simplement rejetées comme un biais, à un objet géographique à part entière ? Plus généralement, la revendication d’un « emotional turn » par des géographes anglophones suffit-elle à faire des émotions un objet d’étude de la géographie ? Les émotions comme fait social appréhendé dans le passé et le présent des sociétés peuvent-elles être analysées en tant que fait spatial ? [...]

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