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  • Convivialité, modernité et progrès

    Suite aux différences d’acception de la modernité et du progrès exprimées dans cette discussion http://seenthis.net/messages/196021 quelques extraits de « La Convivialité » (1973) d’Ivan Illich

    J’entends par convivialité l’inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par relation à autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu’il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l’outil dominant et l’outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est la passage de la répétition du manque à la spontanéité du don.

    Une société qui définit le bien comme la satisfaction maximale du plus grand nombre de gens par la plus grande consommation de biens et de services industriels mutile de façon intolérable l’autonomie de la personne. Une solution politique de rechange à cet utilitarisme définirait le bien par la capacité de chacun de façonner l’image de son propre avenir.

    Nous devons et, grâce au progrès scientifique, nous pouvons édifier une société post-industrielle en sorte que l’exercice de la créativité d’une personne n’impose jamais à autrui un travail, un savoir ou une consommation obligatoire.

    Il est devenu difficile d’imaginer une société simplement outillée, où l’homme pourrait parvenir à ses fins en utilisant une énergie placée sous contrôle personnel. Nos rêves sont standardisés, notre imagination industrialisée, notre fantaisie programmée. Nous ne sommes capables de concevoir que des systèmes hyper-outillés d’habitudes sociales, adaptés à la logique de la production de masse. Nous avons quasiment perdu le pouvoir de rêver un monde où la parole soit prise et partagée, où personne ne puisse limiter la créativité d’autrui, où chacun puisse changer la vie.

    Une société équipée du roulement à bille et qui irait au rythme de l’homme serait incomparablement plus efficace que toutes les sociétés rugueuses du passé et incomparablement plus autonome que toutes les sociétés programmées du présent.

    Une société conviviale est une société qui donne à l’homme la possibilité d’exercer l’action la plus autonome et la plus créative, à l’aide d’outils moins contrôlables par autrui. La productivité se conjugue en termes d’avoir, la convivialité en termes d’être. Tandis que la croissance de l’outillage au-delà des seuils critiques produit toujours plus d’uniformisation réglementée, de dépendance, d’exploitation, le respect des limites garantirait un libre épanouissement de l’autonomie et de la créativité humaines.