En Argentine, la ligne diplomatique détonante du président Javier Milei
▻https://www.slate.fr/story/267026/argentine-javier-milei-nouvelle-approche-relations-internationales-diplomatie-
Le président anarcho-capitaliste argentin Milei prépare une nouvelle édition de la guerre des Malouines / Falkland et poursuit une politique sioniste radicale par rapport la guerre en Palestine.
31.5.2024 par Léo Pierre - En s’alignant sur les États-Unis, le président ultralibéral calque sa stratégie géopolitique sur sa vision économique.
Si les positions économiques du président argentin Javier Milei font grand bruit depuis son élection en décembre 2023, le dirigeant libertarien, qui souhaite tronçonner l’économie argentine, défend une ligne diplomatique détonante pour le continent latino-américain. Milei a rapidement annoncé son ambition de se rapprocher des États-Unis, mais également de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont il souhaiterait être un « partenaire global ».
Sans en être membre à part entière, l’Argentine acterait sa volonté de coopérer à grande échelle avec les États membres de l’OTAN. Derrière ce souhait, il faut voir un moyen de s’attacher les faveurs des puissances occidentales ayant un poids déterminant dans le soutien financier à l’économie argentine, qui ne cesse de plonger dans la récession. Ce ne sont sans doute pas les nouvelles réformes entrant progressivement en vigueur qui devraient arranger la situation.
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Aussi bien sur le plan international que sur le plan économique, Milei veut incarner un point de rupture avec ses prédécesseurs. La Chine, qui cherche à accroître son influence en Amérique du Sud, suit avec attention ce dossier. Pour Washington, ce rapprochement est une victoire. À la lumière des évènements en Ukraine et au Proche-Orient, affirmer ses positions avec un acteur important du « Sud global » constitue un point positif pour la diplomatie américaine.
Le président argentin, lui, assume de se tourner vers les puissances occidentales, garantes d’un libéralisme dont il veut se faire l’une des figures de proue. Son récent discours contre « le socialisme rampant », au forum économique de Davos, est à comprendre dans ce plus large contexte. En somme, sa politique économique se juxtapose à sa politique internationale.
Le tournant géopolitique de l’Argentine
Dès son élection, Javier Milei a annoncé son intention de ne pas nouer de relations économiques avec des États qui auraient des aspirations communistes. Comprendre : la Chine ne sera pas un partenaire de premier plan. En Amérique du Sud, le Brésil et le Vénézuela doivent se sentir visés, alors même qu’ils ont des projets politiques différents. Si on peut entendre la volonté qui est la sienne, il risque néanmoins d’être difficile de rompre totalement les relations économiques avec la Chine, qui restait en 2022 le principal importateur de produits argentins, tout comme le Brésil.
Milei conçoit les relations internationales au prisme des normes occidentales, qui ont structuré une grande partie de la diplomatie mondiale depuis la fin de la Guerre froide. Contrairement à ses prédécesseurs Alberto Fernández (2019-2023) et Cristina Kirchner (2007-2015), partisans d’une troisième voie entre proaméricanisme et diplomatie favorable à la Chine, le président argentin a décidé de trancher : sa politique étrangère sera résolument proaméricaine. La Maison-Blanche a déjà accordé son soutien économique à Buenos Aires, en lui faisant parvenir une enveloppe de 40 milliards de dollars, afin de lui permettre de se doter de F-16 américains. Le ministre de la Défense argentin, Luis Petri, a officialisé cette nouvelle à Copenhague.
Forte de ses symboles, la diplomatie joue son jeu en Argentine. En avril dernier, la générale américaine Laura Richardson s’est rendue à Ushuaïa, en présence de Javier Milei. Chacun a martelé sa volonté de travailler avec l’autre dans un but précis : limiter l’influence chinoise dans la région. Cela se traduit par la création prochaine d’une base navale américaine en Terre de Feu. Victoire pour les États-Unis, alors que la Chine espérait construire un port dans la même région.
Toutefois, Pékin ne semble pas avoir dit son dernier mot. Dans sa volonté manifeste d’être l’acteur incontournable du commerce maritime, la Chine espère encore pouvoir concrétiser un projet chiffré à 1,25 milliard de dollars, comprenant un port, la création d’un pôle pétrochimique et une centrale électrique.
De son côté, Milei, en présence d’un haut responsable militaire américain, a déclaré que la construction de cette base américaine était le point de départ pour récupérer les îles Malouines, sous contrôle britannique depuis 1833. La guerre entre Argentins et Britanniques en 1982, qui s’est soldée par une défaite militaire de Buenos Aires, a marqué durablement l’opinion publique argentine. À travers cet effet d’annonce, Milei cherche à convaincre du bien-fondé de sa stratégie sur la scène internationale. En se rapprochant des États-Unis, l’Argentine sera plus encline à récupérer un territoire qui lui échappe depuis bientôt deux siècles.
Une position pro-Israël assumée
La guerre entre le Hamas et Israël au Proche-Orient secoue l’ensemble de la diplomatie internationale. La position observée de Milei sur le conflit en Palestine est une indication majeure du tournant pro-occidental pris par la diplomatie argentine depuis décembre 2023.
En février 2024, en visite en Israël, Milei, lui-même juif, a annoncé sa volonté de déplacer l’ambassade argentine à Jérusalem, tout comme les États-Unis, ce qui va à l’encontre du statut de « ville internationale » imaginé par l’ONU en 1947. Déjà, pendant la campagne présidentielle, Milei s’était engagé à prendre cette décision lourde de conséquences.
En décembre 2023, lorsque l’Argentine doit voter une résolution appelant à un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le choix de s’abstenir prend tout son sens.
Cette position pro-israélienne est un événement pour un pays d’Amérique du Sud. Historiquement, les pays latino-américains sont des États soutenant largement la lutte palestinienne, perçue comme anticoloniale. Comme l’explique Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l’Amérique latine, « Israël et les États-Unis sont les principaux alliés de l’Argentine ».
Forcément, en décembre 2023, lorsque l’Argentine doit voter une résolution appelant à un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le choix de s’abstenir prend tout son sens. Pour celui qui cherche à développer des relations de premier plan avec les États-Unis, s’aligner sur leur position à l’égard de l’État hébreu constitue un acte d’amitié significatif, quand l’ensemble des pays d’Amérique du Sud, Brésil en tête, condamnent la riposte israélienne aux attaques du 7 octobre. Milei, lui, se fait l’anti-Lula. Très libéral et pro-occidental, il embrasse le modèle américain.
Mais en Argentine, forte d’une communauté juive de 200.000 personnes (la plus importante d’Amérique latine), certains intellectuels juifs ne voient pas d’un bon œil l’instrumentalisation de la religion faite par le président argentin. En septembre 2023, en pleine campagne présidentielle, 3.000 d’entre eux ont signé une tribune dénonçant « l’utilisation politique du judaïsme » par Milei, rapporte El Confidencial.
Le président argentin, derrière ses déclarations fracassantes à répétition, mène un projet politique clair. Et sa vision des relations internationales est en rupture avec celle de ses prédécesseurs. Elle passe avant tout par un alignement sur les positions états-uniennes.
En espagnol / à propos de l’influence sioniste sur Javier Milei
▻https://seenthis.net/messages/1077627
puis ...
En Israël, Javier Milei vante sa proximité avec la communauté juive marocaine
▻https://www.jeuneafrique.com/1534599/politique/en-israel-javier-milei-vante-sa-proximite-avec-la-communaute-juive-mar
8.2.2024 par Nina Kozlowski - Au-delà des enjeux diplomatiques, la visite du président argentin en Israël témoigne de sa grande proximité avec la communauté juive marocaine de Buenos Aires, dirigée par un rabbin qui s’occupe personnellement de la conversion au judaïsme du président.
En visite officielle en Israël depuis mardi 6 février, le président argentin Javier Milei a reçu un accueil digne d’une rock star. Ce libertarien, campé à l’extrême droite, élu en novembre 2023, a fait prendre à l’Argentine un virage pro-États-Unis et pro-israélien, en rupture avec ses prédécesseurs sensibles à la cause palestinienne et proches du groupe des Brics.
Fidèle à ses promesses de campagne, Milei a annoncé, dès son arrivée sur le tarmac de l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, son intention de déménager l’ambassade de son pays à Jérusalem – ce qui équivaut à reconnaître l’annexion israélienne en 1981 de l’ensemble de la ville sainte –, sans toutefois préciser le délai. Dans la foulée, le président argentin s’est recueilli devant le mur des Lamentations, où il s’est effondré en sanglots. Une émotion palpable, à mille lieux de son caractère éruptif et grossier, qui démontre que cette visite dépasse les enjeux géopolitiques et le simple coup de com’.
Né catholique, Javier Milei n’a jamais caché son profond intérêt pour le judaïsme et a plusieurs fois évoqué sa volonté de « devenir juif », voire le premier président argentin de confession juive. Son seul obstacle ? « Si je deviens président, comment vais-je faire à Shabbat ? Vais-je me déconnecter du pays du vendredi au samedi ? Certaines questions rendraient la religion incompatible », déclarait-il au journal espagnol El Paìs en juillet 2023.
Milei et le rabbin
Derrière cette passion pour la religion juive, un homme : le rabbin Shimon Axel Wahnish, qui dirige l’Acilba, l’Association des juifs marocains d’Argentine basée à Buenos Aires. C’est lui qui encadre le président argentin dans son processus de conversion religieuse. Les deux hommes, qui se côtoient depuis des années, échangent quasiment quotidiennement. Avant que Milei n’accède au pouvoir, ils étudiaient la Torah jusqu’à trois heures par jour. Ce dernier considère le rabbin comme son « guide spirituel » et un « homme de confiance ». Entre autres enseignements, le religieux lui a conseillé de consulter ce texte sacré « du point de vue de l’analyse économique », explique le chef d’État argentin qui s’autoqualifie « d’anarcho-capitaliste ».
Lors de ses apparitions publiques, le président argentin a d’ailleurs pris l’habitude de citer des passages de la Torah. Au cours de sa campagne électorale, il était également monté sur scène au son du shofar, une corne de bélier utilisée lors des célébrations de Roch Hachana, avant de se rendre au musée de l’Holocauste de Buenos Aires ou de se recueillir, à New-York, sur la tombe de Menachem Mendel Schneerson, l’ancien chef spirituel du mouvement ultra-orthodoxe Habad-Loubavitch.
La proximité entre Javier Milei et la communauté juive marocaine de Buenos Aires pourrait-elle avoir un impact sur la relation diplomatique entre le Maroc et l’Argentine ? Depuis plusieurs décennies, le pays s’est prononcé en faveur de « l’intégrité territoriale du royaume », mais Milei pourrait-il aller plus loin en reconnaissant la « marocanité du Sahara », à l’instar du président américain Donald Trump, en décembre 2020 ? Difficile à dire, mais il y a en tout cas des similitudes entre Trump et Milei.
En effet, « l’artisan » des accords d’Abraham et de la reconnaissance américaine du Sahara marocain n’est autre que Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, lui-même extrêmement proche d’un rabbin marocain : le fameux Yoshiyahu Yosef Pinto. Or ce rabbin, consultant pour les puissants de ce monde à ses heures perdues et passé par la case prison en Israël pour corruption en 2015, côtoie entre autres l’homme d’affaires Patrick Drahi ou encore Eduardo Elsztain, magnat de l’immobilier en Argentine. Pendant la pandémie de Covid-19, ce dernier a même traversé l’Atlantique avec son jet privé pour passer une demi-journée avec le rabbin à Casablanca. Le monde est petit.
Une communauté forte
Quant à la communauté Acilba de Buenos Aires, proche de Javier Milei, celle-ci continue de cultiver ses racines marocaines. Du 8 novembre au 5 décembre 2023, elle a notamment organisé un mois de la culture judéo-marocaine dans la capitale argentine. Tandis qu’en novembre 2019, l’ensemble de la communauté juive marocaine de Buenos Aires publiait un communiqué pour « réaffirmer son attachement profond au Maroc […] leur mère patrie », ainsi qu’au « glorieux Trône alaouite ».
Environ 200 000 citoyens de confession juive vivent en Argentine, dont 30 % sont séfarades, originaires du Maroc ou encore de l’ancien Empire ottoman. Les juifs marocains, majoritairement originaires de Tanger, Tétouan et Larache (au nord du Maroc), ont immigré en Argentine dès la fin du XIXe siècle, à la faveur de lois libérales, pour fuir des conditions de vie difficiles.
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