• Sénégal : la France entre réaction et réinvention, un moment de vérité | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/rene-lake/blog/031224/senegal-la-france-entre-reaction-et-reinvention-un-moment-de-verite
    Un billet de Rene Lake @renelake, administrateur du portail de la presse sénégalaise http://SenePlus.Com

    Décoloniser les relations implique :
    –Une autonomie monétaire totale. Le franc CFA et toute tentative similaire doivent être abandonnés. La France doit clarifier qu’elle n’a aucun rôle à jouer dans la gestion des monnaies africaines, tout en offrant un soutien technique, si demandé, pour faciliter une transition autonome.
    – Des partenariats économiques équitables. Les termes des contrats doivent être revus pour refléter les intérêts des nations africaines. Cela inclut des clauses garantissant que les bénéfices des industries extractives profitent davantage aux populations locales.
    – Une approche diplomatique horizontale. La France doit traiter les nations africaines comme des égaux, sans interférence dans leurs affaires intérieures. Cela inclut le respect des choix politiques et des orientations stratégiques définis par les Africains eux-mêmes.

    #Françafrique #Armée_française #Décolonisation

  • #Massacre_de_Thiaroye et la mention « #Mort_pour_la_France »

    Depuis quelques jours, nous assistons à une tempête médiatique suite à l’octroi de la mention « Mort pour la France » pour six ex-#prisonniers_de_guerre assassinés à Thiaroye par l’armée française. Un décryptage me paraît indispensable.

    J’ai souvent regretté que les médias ne s’emparent pas de ce fait historique ou donnent la parole à des personnalités qui n’y connaissaient pas grand chose. Avec l’octroi de la mention "Mort pour la France" pour seulement six hommes et une dépêche AFP, ce fut l’emballement dont j’aurais pu me réjouir si son contenu n’avait pas véhiculé des inexactitudes. En premier lieu, évoquer l’attribution de la mention "Mort pour la France à titre posthume" est un regrettable #pléonasme. Avez-vous vu des vivants réclamer cette mention ?

    La dépêche, reprise par je ne sais combien de médias, évoque une "révolte" alors qu’ils ont réclamé leur dû avant de quitter le camp de Thiaroye et ce chiffre de 1300 rapatriés (chiffre officiel) alors qu’ils étaient plus de 1600. Puis "des #troupes_coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur ordre d’officiers de l’#armée_française sur des tirailleurs rapatriés qui réclamaient leurs arriérés de solde". Les archives consultables sont très claires. Les tirailleurs "sénégalais" du service d’ordre n’ont pas pu tirer puisque leurs fusils n’étaient pas chargés et les gendarmes ont eu un rôle mineur. Le massacre a été perpétré par des armes automatiques dont des automitrailleuses commandées par des officiers. L’#ordre_de_tirer a été donné par le lieutenant-colonel #Le_Berre. Ce dernier a été sanctionné. Amnistié en 1947 comme les condamnés, le motif de sa sanction a été caviardé à tort. En avril 2023, le ministère m’a autorisée à me rendre au SHD, avec un laboratoire spécialisé, pour tenter de lire les lettres. Au prétexte d’une instruction complémentaire, le RDV programmé a été annulé et finalement, en avril 2024, le cabinet de la Secrétaire d’État m’a annoncé que je n’étais pas autorisée à faire cette opération de "désoccultation" alors que le rapporteur public du Conseil d’État, Alexandre Lallet, a suggéré dans ses conclusions du 4 octobre 2019 : "Par conséquent, la description des faits reprochés au lieutenant-colonel A, si elle n’avait pas été occultée, aurait été à notre avis communicable et l’administration pourrait accepter que soit déployé un dispositif technique de révélation des mentions originales, sans qu’on puisse l’y contraindre juridiquement".
    J’y vois là une nouvelle tentative d’#obstruction à la manifestation de la #vérité sur un #crime_colonial commis. Cet officier a peut-être outrepassé les ordres en faisant venir des automitrailleuses qui n’ont rien à voir avec une opération de maintien de l’ordre.

    La genèse de la liste des six

    En 2013, ne parvenant pas à trouver des documents et notamment des circulaires afin de connaître les droits de ces rapatriés, j’ai alerté le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lorientais comme moi, qui a sollicité le SHD (service historique de la Défense). Le 22 novembre 2013, j’ai reçu une réponse du ministre avec, dans une note de bas de page cette indication "quelques dossiers individuels conservés à Caen par la division des archives des victimes des conflits contemporains qui ont pu être identifiés comme concernant des victimes des événements de Thiaroye". C’est ainsi que j’ai pu obtenir les six dossiers. Ne possédant pas les noms de ces victimes, je n’aurais jamais pu les trouver sans cette intervention. Quelque temps plus tard, j’ai reçu la circulaire du 4 décembre 1944 qui fait croire que les rapatriés avaient perçu l’intégralité des soldes.

    Le contenu des dossiers

    Contrairement à ce que prétend le ministère des armées comme indiqué dans Le Monde Afrique Le massacre de Thiaroye, enjeu politique entre le Sénégal et la France (lemonde.fr), "dont les dossiers, en possession du Service historique de la défense, mentionnent qu’ils sont décédés à la suite du massacre de Thiaroye", il n’y a aucune mention du massacre. Bien au contraire. Dans le dossier #N'Gour_N'Dour, on trouve un courrier daté du 26 mai 1952 avec : "décédé le 1er décembre 1944 à Thiaroye (Dakar) au cours d’une rébellion du détachement, n’est pas Mort pour la France". Sur des dossiers de décès est effectivement estampillé "N’a pas droit à la mention Mort pour la France".

    Dans un autre courrier daté du 31 août 1951, le commandement supérieur des forces terrestres d’AOF écrit au Gouverneur du Sénégal que "le tirailleur N’Gour N’Dour est décédé au camp de Tiaroye, le 1er décembre 1944, jour de la #répression dans ce camp d’une mutinerie fomentée par les tirailleurs rapatriés de France". Il arrive de découvrir des propos ubuesques comme ce rapport provenant du DIC (Dépôt des Isolés coloniaux) de Dakar : "Aucun décès n’étant survenu parmi les militaires du service d’ordre, la mort du soldat de 2e classe #Ibrahima_N'Diaye ne peut donc être considérée comme survenue en service commandé". C’est un argumentaire incompréhensible et un non sens.

    Récemment j’ai saisi la justice administrative pour obtenir les archives du DIC de Dakar et le ministère invariablement répond que ces archives n’existent pas ou plus. Pourtant on en trouve mais que pour montrer le fait de rébellion et de mutinerie.

    Ces six dossiers existent au SHD vraisemblablement parce que les familles ou l’administration ont réclamé des explications.

    Dans le dossier de #M'Bap_Senghor, le plus volumineux avec les courriers de son fils Biram que j’ai pu ainsi retrouver, on trouve une demande d’enquête par le ministre Hernu et son chef de cabinet Serge Daël (que j’ai rencontré alors qu’il était président de la CADA). Il n’y a pas eu d’enquête car le département de la Défense a prétendu qu’il n’y avait pas de dossier.

    Thiaroye n’est qu’une succession de #mensonges pour camoufler l’#ignominie.

    L’octroi de la mention "Mort pour la France"

    Le dernier courrier de Biram Senghor demandant la mention "Mort pour la France" à l’ONaCVG date de janvier 2023, il n’a eu aucune réponse et il s’apprêtait à saisir le tribunal judiciaire, seul compétent et non la justice administrative. Mais le 18 avril 2023, les conseillers de la secrétaire d’État Patricia Mirallès, m’annoncent que le gouvernement réfléchit à une loi mémorielle et que les victimes de Thiaroye sont reconnues "Mort pour la France", c’est acquis. Ils m’ont demandé les cotes des dossiers. J’ai tout de suite informé Biram Senghor mais il n’a reçu aucun courrier, RIEN. J’ai évidemment demandé des explications à cette annonce non suivie d’effet. Pour moi, il y avait urgence. Il a fallu attendre le 8 juillet 2024, lendemain des législatives, pour recevoir enfin de l’ONaCVG, un courriel avec l’octroi de la mention pour cinq des victimes et avec une précision importante, la signature de la décision collective. J’ai réclamé la liste des cinq noms et cette décision collective. Je n’ai reçu que la liste non pas de cinq mais de six noms. J’ai signalé que le SHD possède un feuillet nominatif de contrôle (FNC) au nom de #Fara_Gomis qui prouve qu’il est décédé le 1er décembre 1944 et j’ai adressé un acte de décès d’un autre rapatrié. J’ai mentionné également que les trois condamnés morts durant leur détention doivent obtenir la mention "MPF". Ils sont bien décédés des suites de la guerre et n’ont pas été amnistiés. En parallèle, depuis des années je réclame au ministère, la liste des rapatriés et des victimes avec les archives du DIC de Dakar.

    Je dois comprendre que l’annonce officielle a été retardée pour l’inscrire dans un chemin mémoriel, une communication voulue par l’Elysée. Mais ont-ils pensé au seul descendant d’une victime âgé de 86 ans ? Cela donne un goût amer.

    Les conséquences de la mention "Mort pour la France" dans le cas du massacre de Thiaroye

    Je ne connais pas de situation similaire dans l’histoire militaire contemporaine avec la mention "Mort pour la France" attribuée par l’État français suite à une #exécution_extrajudiciaire commise par ce même État.

    En octobre 2023, j’ai été reçue par la direction des Affaires criminelles et des grâces comme en 2014. Les conseillères du Garde des Sceaux ont clairement indiqué qu’en cas d’officialisation de la mention "#MPF", le ministre pourra saisir la commission d’instruction de la Cour de cassation afin de faire aboutir le procès en révision pour les 34 condamnés. Cette mention "MPF" peut être considérée comme un élément nouveau.

    Le ministère pourra t-il et osera t-il refuser une #indemnisation à Biram Senghor dont le père a bien été assassiné et qui, du fait du #mensonge_d'Etat, a perdu tous ses droits. Comment évaluer un tel préjudice ?

    M’Bap Senghor désormais reconnu "Mort pour la France" repose dans une #fosse_commune. Je me demande si l’État français n’a pas obligation à faire des test ADN pour identifier son corps afin qu’il repose dans une sépulture individuelle à son nom.

    En tant qu’historienne qui avait, dès 2014, transmis au ministère et au président Hollande la synthèse de mes travaux faisant état du massacre prémédité, je veux comprendre comment la DMPA (Direction de la mémoire du patrimoine et des archives) a pu mettre en place trois panneaux réitérant le mensonge d’État alors que le ministère possédait les mêmes documents qu’en 2024.

    La décision d’attribuer la mention "Mort pour la France" n’a pu se faire qu’avec des documents qui prouvent qu’ils ne sont pas des mutins alors que les archives consultables montrent la rébellion armée, la #mutinerie, les revendications illégitimes. Le ministère ne peut plus prétendre que ces #archives n’existent pas ou plus ou ont été perdues ou détruites. Une enquête interne s’impose afin de voir au plus près l’origine de ces dysfonctionnements.

    Il va falloir procéder à la fouille des fosses communes et des tombes du cimetière. Le Sénégal a tout pouvoir pour le décider. Le ministère des armées a mentionné, pour un rapport de l’assemblée nationale, que des #tombes in mémoriam avaient été construites sur trois fosses communes, information gravée dans le marbre de notre République. Pour la DMPA (devenue DPMA puis DMCA), l’Islam interdit d’exhumer des corps. C’est leur credo, tout faire pour ne pas connaître l’étendue du massacre.

    L’octroi de la mention "MPF" est une petite avancée dans une étendue de renoncements, de manque de courage politique et de #racisme. Il n’y aurait pas eu d’#affaire_Thiaroye - qui rappelle l’affaire Dreyfus - si ces soldats avaient été des métropolitains blancs.

    Puisque le 15 août le président Macron ne pourra donc pas annoncer l’octroi de la mention "Mort pour la France", il peut annoncer que le Garde des Sceaux (qui est toujours ministre) a saisi la Cour de Cassation, qu’il y aura réparation et que le ministère des Armées a versé au SHD toutes les archives sans exception et que je pourrais lire les lettres du motif de la sanction. Ces décisions sont du ressort de l’État français.

    Je signale par ailleurs que le ministère des Armées et l’ONaCVG, par un jugement du 24 juin ont injonction à me transmettre dans les deux mois les documents qui prouvent que les disparus nommés sur les plaques du "#Tata " de #Chasselay inaugurées en janvier 2022 par Geneviève Darrieussecq, devenue vice-présidente de la Commission défense, sont bien inhumés dans cette nécropole militaire. Le ministère a d’abord fait croire à des recherches génétiques. Thiaroye c’est un massacre commis par l’armée française avec l’impossibilité de nommer les victimes (sauf 6) et à Chasselay c’est un massacre commis par l’ennemi allemand. Si je ne reçois pas ces documents, nous serons confrontés à une #imposture_mémorielle.

    https://blogs.mediapart.fr/armelle-mabon/blog/010824/massacre-de-thiaroye-et-la-mention-mort-pour-la-france
    #Thiaroye #assassinat #massacre #massacre_de_Tiaroye #Sénégal #France #mémoire #histoire

  • De la complicité de la France

    Cet épisode pilote revient sur le soutien apporté par l’État français au gouvernement génocidaire rwandais. Les documents secret défense analysés et rassemblés permettent de comprendre les mécanismes qui ont permis l’une des plus atroces compromissions de la Ve République autour de 4 questions : Pourquoi la France s’est-elle impliquée au Rwanda ? A quand remonte l’implication de la France au Rwanda ? Jusqu’à quand la France a-t-elle poursuivi son soutien au régime génocidaire ? Que penser des conclusions du « rapport Duclert » quant aux "responsabilités lourdes et accablantes de la France dans le génocide des Tutsis ?

    https://www.youtube.com/watch?v=zElcjCs4GE8&list=PLnTYnV3R1tVAO35eRrLP1a1QJxXD_Ts5z

    #génocide #complicité #France #Rwanda #vidéo #colonisation #politique_coloniale #Front_patriotique_rwandais (#FPR) #opération_Noroît #armée #armée_française #François_Mittérand #responsabilité #néo-colonialisme #rapport_Duclert #commission_Duclert #excuses #Macron #Emmanuel_Macron #soutien_actif #forces_spéciales #plainte #justice

  • #France : une #statue de #Bigeard, le tortionnaire des Algériens, déclenche la polémique

    Alors que l’Algérie continue de réclamer la reconnaissance et la condamnation de la torture coloniale française, le projet d’ériger une statue à #Toul (Meurthe-et-Moselle, nord-est de la France) en l’honneur du colonel Marcel Bigeard suscite une colère légitime chez les Algériens et les Français qui ont conscience des crimes de la #colonisation.

    Bigeard, symbole de la cruauté et de la barbarie de la guerre d’Algérie, est accusé d’avoir commandité et pratiqué la torture contre des Algériens. Son nom est gravé dans la mémoire collective comme synonyme de terreur et de répression.

    Les témoignages poignants des victimes et de leurs familles, ainsi que les documents historiques, accablent Bigeard. Son Manuel de contre-guérilla, véritable manuel de torture, justifie et encourage l’utilisation de cette pratique barbare.

    Le refus de Bigeard de reconnaître ses crimes et son arrogance face aux accusations ne font qu’amplifier la douleur et la colère des Algériens.

    « Comment pouvons-nous envisager d’ériger une statue du parachutiste Marcel Bigeard, comme le souhaite la municipalité de Toul ? Est-il concevable de glorifier la pratique de la torture coloniale dont il est l’un des symboles ? »
    L’association Union Algérienne menace de saisir la justice pour « apologie de crime de guerre »

    C’est ainsi que s’interrogent les historiens français Fabrice Riceputi et Alain Ruscio dans une longue pétition cosignée par les deux hommes et publiée samedi (16 mars) sur le site « Histoire coloniale » (lancé en 2017 par des chercheurs et des enseignants en histoire en France). La pétition est adressée au public français.

    Les historiens annoncent que l’Association française d’histoire coloniale a l’intention de faire pression sur la municipalité de Toul, d’où est originaire Bigeard (décédé en 2010), pour l’empêcher d’ériger la statue.

    La pétition souligne que « l’acte que la municipalité de Toul s’apprête à accomplir intervient au moment où les municipalités de Paris et de Marseille ont retiré les plaques commémorant le maréchal Bugeaud, bourreau du peuple algérien pendant la conquête coloniale ».

    Alors que la France s’engage timidement à reconnaître son passé colonial, glorifier un tortionnaire comme Bigeard est une insulte à la mémoire des victimes algériennes et un obstacle à la réconciliation entre les deux pays.

    De son côté, l’association Unions Algérienne compte saisir la justice pour « apologie de crime de guerre » si la statue de #Marcel_Bigeard est érigée à Toul.

    https://www.algerie360.com/france-une-statue-de-bigeard-le-tortionnaire-des-algeriens-declenche-la-
    #Algérie #monument #toponymie #toponymie_politique #torture #guerre_d'Algérie

    ping @cede

    • Scandale à Toul, une statue pour honorer le général Bigeard, tortionnaire en Algérie

      Dans la sous-préfecture de Meurthe-et-Moselle, l’érection d’une statue en #hommage au général Marcel Bigeard, accusé de torture en Algérie, oppose la mairie, pourtant de gauche, à un collectif citoyen d’historiens, d’associatifs, de communistes et d’insoumis.

      La statue en bronze, haute de plus de deux mètres, dort pour le moment dans un entrepôt de caserne du 516e régiment du train. À moins de deux kilomètres de la vive controverse qu’elle suscite dans cette sous-préfecture de Meurthe-et-Moselle, peuplée de 15 000 habitants.

      Elle représente, glorieux dans son uniforme de parachutiste, Marcel Bigeard. Général multidécoré, résistant, ancien député et secrétaire d’État à la Défense. Né à Toul, élu à Toul, mort à Toul. Bref un « enfant du pays », dont la statue devait être érigée le 18 juin prochain, pour l’anniversaire de l’appel de Charles de Gaulle et celui de la mort de Bigeard.

      Mais le général, décédé en 2010, n’a pas que des thuriféraires. Car l’homme est aussi, bien qu’il l’ait nié toute sa vie, l’un des artisans du système de torture institutionnalisé durant la guerre d’Algérie, notamment durant la « bataille d’Alger ».

      Lorsque l’armée française se livre à des exécutions sommaires, coulant les pieds de ses prisonniers dans le béton avant de les jeter à la mer depuis des hélicoptères, les Algériens surnomment cette technique sordide « les crevettes Bigeard ». Un collectif toulois, « Histoire et mémoire dans le respect des droits humains », s’est donc créé pour protester contre l’érection de la statue, votée deux fois par le conseil municipal, pourtant dirigé par la gauche, en 2018 et en 2023.
      « La mettre à côté d’un monument aux morts, c’est une honte ! »

      Le 26 mars, une centaine de Toulois, communistes, insoumis, militants de la Ligue des droits de l’homme ou d’associations antiracistes ont bravé le crachin qui mouille les pavés du vieux centre, non loin de l’hôtel de ville, pour protester à nouveau contre cette décision.

      L’initiateur du collectif, Philippe Champouillon, 88 ans et lui-même vétéran d’Algérie, monte à la tribune. Il s’est longtemps battu seul contre la mairie. Sa voix usée peine à contenir son émotion : « Cette statue glorifierait un passé qui salit la France, et ternirait le patrimoine culturel de Toul. La mettre à côté d’un monument aux morts, c’est une honte ! »

      La sculpture doit en effet prendre place dans un ensemble mémoriel, située à l’entrée de la ville pour qui arrive par la gare de Toul. Un imposant édifice commémorant les morts de l’invasion prussienne de 1870 y toise les grandes plaques en hommage aux morts des deux guerres mondiales.

      Derrière, coule une petite rivière, à l’ombre des remparts de la vieille ville, réminiscence de la fonction militaire de cette commune, qui accueille depuis plusieurs siècles des garnisons. Durant l’entre-deux-guerres, il y vivait plus de militaires que de civils. Dans cette commune où l’on peut croiser l’ancienne ministre Nadine Morano, qui fit un mandat de députée dans la circonscription, les soldats ont bonne presse, et la fibre patriote est vive.

      « Nous ne sommes pas dans une ville ouvrière, marquée par des luttes syndicales, confirme Patrick Bretenoux, secrétaire de la section PCF de Toul. C’est plutôt une ville marquée par son passé militaire, et l’ancrage de la religion catholique. Il y a un fort vote RN. » Marine Le Pen a recueilli 49,4 % des suffrages à Toul, au second tour de la présidentielle 2022. Le député actuel est toutefois socialiste. Mais Dominique Potier n’a pas souhaité, pour le moment, s’exprimer sur l’affaire de la statue de Toul. Le maire, Alde Harmand, lui, « assume ».
      Une décision en plusieurs étapes

      Rembobinons. En 2018, la Fondation Général-Bigeard, dépositaire de sa mémoire, propose d’offrir à Toul une statue du général, tous frais payés. Anne-Marie Quenette préside cet organisme. Outre son combat en faveur du gradé, cette ancienne avocate, aujourd’hui très âgée, s’est battue pour réhabiliter la mémoire de son père, Jean Quenette, un préfet « vichysto résistant » déclaré inéligible après la Libération pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain. Le conseil municipal met la proposition au vote.

      Elle est acceptée. Les communistes, qui siégeaient dans la majorité et y siègent encore, s’abstiennent lors de ce premier scrutin. Cinq ans et une pandémie mondiale plus tard, en 2023, le maire organise un second scrutin. Les communistes votent cette fois contre, mais l’installation de la statue est à nouveau adoptée.

      Ses promoteurs s’appuient sur le fait qu’il n’y a pas de preuve directe que Marcel Bigeard se soit livré lui-même à des actes de torture, et sur ses dénégations tout au long de sa vie. En 2000, dans les colonnes du journal d’extrême droite Minute, le général en retraite assurait être « incapable d’écraser un poulet sur la route ou d’égorger un lapin. »

      Bigeard n’a rien avoué ni regretté, tout juste a-t-il évoqué un « mal nécessaire », contrairement à ses compagnons d’armes Aussaresses ou Massu. Ce dernier avait d’ailleurs déclaré, sans qu’on puisse prouver ses dires : « la première fois que j’ai vu une gégène, c’était chez Bigeard. »

      Le général Bigeard a aussi rédigé sept autobiographies pour parler de ses « hauts faits ». « De nombreux participants de la guerre d’Algérie ont éprouvé le besoin d’écrire sur eux-mêmes, de se mettre en scène, relève l’historien spécialiste de la période coloniale Alain Ruscio, qui a fait le déplacement à Toul pour épauler le collectif anti-statue. Bigeard, qui écrit souvent à la troisième personne en parlant de lui-même, se raconte comme le grand vainqueur de la « bataille d’Alger ». »

      En 1957, dix mille parachutistes sont largués sur la capitale coloniale, pour briser les revendications d’indépendance. « Ce n’était pas une bataille, mais une militarisation de la répression, voulue par le pouvoir politique, socialiste en l’occurrence, rappelle l’historien Fabrice Riceputi, présent également à Toul.

      L’objectif n’est pas de combattre les poseurs de bombe, mais de briser une grève anticoloniale déclarée par le FLN. Pour ça, les paras ont carte blanche pour enfermer, torturer, exécuter. C’est à ça qu’a participé le régiment commandé par Marcel Bigeard. Sa responsabilité est évidente. »

      Au vu de son grade d’officier parachutiste pendant la « bataille d’Alger », le fait qu’il ait cautionné et commandé l’utilisation de la gégène ou du supplice de la noyade ne souffre donc aucune contestation. Auprès de l’Humanité, le maire de Toul, Alde Harmand, ex-socialiste, balaie pourtant : « c’est le point de vue de certains, ce n’est pas à la collectivité de juger. Nous recevons autant de courriers de gens pour la statue que de gens contre. »

      L’élu concède qu’il « eut été plus heureux qu’il soit représenté en général ou en civil, plutôt qu’en para. Mais cet uniforme, ce n’est pas que l’Algérie, c’est aussi Dien Bien Phu ». Avant Alger, Marcel Bigeard a en effet opéré en Indochine, sans que l’on comprenne bien en quoi c’est une bonne nouvelle. Alde Harmand s’agace de cette controverse qui dépasse maintenant la seule politique locale : « c’est quelqu’un d’important pour Toul, il y est né, il y est mort.
      Nostalgérie

      C’est un des généraux les plus décorés de France, si on avait estimé qu’il avait commis des actes condamnables, il aurait été déchu. » « Dire qu’il y aurait encore un débat sur l’utilisation de la torture comme système en Algérie, cela relève du négationnisme », tranche l’historien Fabrice Riceputi.

      À Toul, difficile de « déboulonner » l’aura du général Bigeard. Le militaire a déjà une avenue à son nom qui, en longeant la Moselle, permet de rejoindre l’autoroute. Elle fut inaugurée de son vivant, en 1979, en présence de Valéry Giscard d’Estaing, qui l’avait nommé au gouvernement.

      Au village de Lucey, à quelques kilomètres de là, tous les 1er mai, des petits groupes de retraités, anciens d’Algérie, crapahutent dans la campagne lors du traditionnel « rallye Bigeard ». Une promenade au vert, prétexte à un gueuleton nostalgique, où on mange du couscous « comme là-bas ». Il fut un temps où le général Bigeard y participait lui-même. En 2022, sa fille en était l’invitée d’honneur.

      « Au niveau de la commune, on peine à rassembler et surtout à intéresser les jeunes, qui ne connaissant pas Bigeard ou bien s’en fichent », reconnaît le communiste toulois Patrick Bretenoux. Au niveau national, la pétition contre la statue a été signée entre autres par le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et les députés insoumis Antoine Léaument et Thomas Portes. Elle totalise un peu plus de 1200 signatures.

      La statue sera-t-elle révélée en grande pompe le 18 juin 2024, comme prévu à l’origine ? Le bras-de-fer continue. D’autant que le nom du sculpteur choisi par la Fondation Marcel-Bigeard n’a pas échappé aux détracteurs du projet. Boris Lejeune est un collaborateur régulier de la revue Catholica, proche de l’ultra-droite catholique.

      L’artiste a à son actif une statue de Jeanne d’Arc livré à la mairie de Saint-Pétersbourg en 2021. Et, à Orange, ville dirigée de longue date par l’extrême droite, c’est sa signature qu’on retrouve en bas du Mémorial de la Terreur, dédié aux religieux tués lors de la Révolution française.

      https://www.humanite.fr/politique/guerre-dalgerie/scandale-a-toul-une-statue-pour-honorer-le-general-bigeard-tortionnaire-en-

    • Guerre d’Algérie : « Eriger une statue du général Bigeard montre le chemin qui reste à parcourir pour mieux comprendre notre passé colonial »
      TRIBUNE, Etienne Augris, Mehdi Mohraz, Historiens et auteurs
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/19/guerre-d-algerie-eriger-une-statue-du-general-bigeard-montre-le-chemin-qui-r

      Le 24 octobre, après plusieurs années de débats à Toul (Meurthe-et-Moselle), une statue du général Marcel Bigeard (1916-2010) a été érigée dans un square de sa ville natale, en toute discrétion, ce qui atteste au moins d’une certaine gêne. Depuis 2018 et un premier vote du conseil municipal dirigé par le maire Alde Harmand (divers #gauche), la polémique liée à cette statue anachronique et problématique montre le chemin qui reste à parcourir vers une meilleure compréhension du passé colonial dans notre société.

      La statue, offerte à la ville par la Fondation Général Bigeard, réclame d’interroger la vie de ce célèbre Lorrain, déjà honoré par plusieurs noms de rue, à Toul et ailleurs. Bigeard, enfant de Toul, a été secrétaire d’Etat à la défense, puis député de centre droit dans les années 1970-1980. Mais cette carrière politique ne se comprend qu’en considérant le parcours militaire de ce résistant, parachutiste engagé dans les guerres coloniales.

      Il y fonde sa légende de meneurs d’hommes, notamment en Indochine, d’où il revient en septembre 1954, après la chute de Dien Bien Phu et quatre mois de captivité. Promu lieutenant-colonel, il participe, à partir d’octobre 1955, à la guerre d’Algérie à la tête du 3e régiment de parachutistes coloniaux, qu’il commande lors de la bataille d’Alger (janvier-septembre 1957).

      Une contextualisation nécessaire

      C’est de cette période que date l’expression « crevette Bigeard » pour dire la pratique de l’élimination des combattants, réels ou supposés, du Front de libération nationale (FLN) algérien, jetés à la mer, lestés de ciment, depuis des hélicoptères. C’est surtout relativement à cette période que l’érection d’une statue, le consacrant en « héros » avec les mentions « Servir la France » et « Croire et oser », sans rappeler son implication dans ces crimes de guerre, est problématique.

      Le nom de Bigeard ne peut être dissocié de la torture généralisée dans le contexte colonial français. Il s’y est adonné en Indochine et en Algérie, affirmation soutenue par les regrets du général Jacques Massu, son supérieur en Algérie. Celui-ci relate qu’en 1955 il a interpellé Bigeard, qui « était en train d’interroger un malheureux avec la #gégène » (générateur électrique portatif détourné de son usage afin de faire parler les suppliciés), qui lui a répondu : « On faisait déjà cela en Indochine, on ne va pas s’arrêter ici ! » (Le Monde du 22 juin 2000).

      Bigeard a toujours nié publiquement la torture, assumée pourtant devant ses hommes au front, comme le rapporte l’un d’entre eux, Gérard Périot, dans Deuxième classe en Algérie, (Flammarion, 1962, p. 201) : « Lorsque le général de Gaulle et M. Delouvrier sont venus à Saïda, ils m’ont dit : plus de tortures. Alors, moi, messieurs, je vous dis : plus de tortures, mais torturez quand même. »

      Les lois d’amnistie relatives à l’Algérie (de 1962 à 1968) ne permettent plus de juger ceux qui y ont enfreint les lois de la guerre. Bigeard, comme d’autres, ne pouvait donc pas être poursuivi pour ces faits. L’absence de condamnation, comme l’affirme le maire, n’est donc pas un argument recevable. Le don d’une statue à une municipalité ne saurait dispenser celle-ci d’interroger le passé et les actes d’un de ses « enfants », aussi connu qu’il ait été, ni faire fi de la vérité.

      Ce monument pose d’autant plus problème que les sociétés postcoloniales ont entamé une réflexion sur les statues héritées de l’époque coloniale. Beaucoup ont été érigées au début de la IIIe République. Cette « statuomanie » avait pour but de marquer l’espace public, voire de le saturer, de références républicaines.

      Dans l’empire colonial, et en particulier dans les départements français d’Algérie, les statues de militaires furent très nombreuses, devenant ainsi un « outil important de l’appropriation du pays et de la constitution de la situation coloniale – avec ses rapports de force et, à plus long terme, sa contestation », comme le rappelle l’historien Jan C. Jansen dans le chapitre qu’il écrit pour l’ouvrage collectif Histoire de l’Algérie à la période coloniale, 1830-196 (La Découverte, 2014).

      Certaines d’entre elles ont été « rapatriées » après l’indépendance. Les questions qu’elles posent à nos sociétés et les messages qu’elles véhiculent cristallisent certains points aveugles de notre présent comme de notre regard sur le passé. Depuis 2020, les interrogations propres aux historiens ont pu entrer en résonance avec la demande sociale d’une clarification et d’une plus grande cohérence entre les valeurs revendiquées de nos sociétés et celles, imprégnées de violence et de domination, affirmées par de nombreuses statues. Les enseignants que nous sommes ont pu constater qu’un travail important de contextualisation permet de dépasser le dilemme : déboulonner ou laisser en place ?

      Un choix « contre-productif »

      Une statue a en particulier attiré notre attention, celle du sergent Blandan, mort en 1842 sous les ordres de #Bugeaud pendant la conquête de l’Algérie. Célébrant le « sacrifice héroïque » du soldat, elle a été élevée en Algérie dans les années 1880 avant d’être « rapatriée » à Nancy en 1963. Or, la plupart des habitants de la ville ignorent qui il était ! En revanche, sa présence et le travail de recherche sur le monument ont permis de prendre conscience de la violence de cette histoire. Choqués qu’on puisse célébrer des personnages ayant commis des crimes, même dans le cadre légal de l’époque, nos élèves ont interrogé la municipalité.

      Les élus locaux, confrontés à ces questions, peuvent faire des choix très différents. Ainsi en 2025, une installation faisant face à la statue de Blandan, pensée par la journaliste, autrice et réalisatrice Dorothée-Myriam Kellou en lien avec des élèves et des étudiants, les musées de Nancy et la municipalité, aboutira à une meilleure compréhension de l’histoire complexe et tragique de la conquête de l’Algérie par la France et du contexte de la mort du sergent Blandan.

      Installer aujourd’hui une statue de Bigeard s’avère donc tout à fait anachronique et contre-productif à l’heure où un travail important doit être mené sur celles héritées du passé colonial.

      Etienne Augris et Mehdi Mohraz sont historiens et auteurs, enseignants en Lorraine. Ils ont contribué à l’ouvrage « Changer de camp. 14 volte-faces au XXe siècle »_ (Novice, 272 pages, 21,90 euros).

      #histoire #armée_française

  • A propos de la guerre qui fait rien qu’à "être à nos portes". Une analyse d’une cruelle lucidité.

    Stéphane Audoin-Rouzeau : « Sur la guerre, nous sommes aux limites d’un déni de réalité » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/090324/stephane-audoin-rouzeau-sur-la-guerre-nous-sommes-aux-limites-d-un-deni-de

    StéphaneStéphane Audoin-Rouzeau est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste de la Première Guerre mondiale et président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme). Il a publié l’an dernier aux Belles Lettres La Part d’ombre. Le risque oublié de la guerre.

    https://justpaste.it/bfh8n

    • un réarmement véritable n’est possible ni industriellement, ni démographiquement, ni financièrement.

      Comme au moment du Covid, l’importation croissante du vocabulaire militaire dans le champ politique permet à peu de frais d’imaginer que l’on a prise sur le réel, alors que ce n’est pas le cas. Ce discours martial se veut sans doute performatif, mais je préfère me concentrer sur l’aveu étonnant du président de la République : « Ayons l’humilité de constater qu’on a souvent eu six à douze mois de retard. »

    • on ne sait pas ce que signifie vivre dans le temps de la guerre, un temps modifié dans lequel la dimension eschatologique prend une ampleur inégalée.

      On reconnaît le droitard académique (de guerre) à des formules telles que « l’Ukraine est en train de vivre sa crise de 1917 », mais effectivement l’offensive russe de printemps va tout chambouler, ce qu’on lit peu.

      #Russie #Ukraine #guerre #discours_martial

    • « Sommes-nous prêts pour la guerre ? » : une armée presque sans défense

      Spécialiste des questions militaires, le journaliste Jean-Dominique Merchet décape les illusions de la puissance française, non sans une pointe d’humour qui traduit une lucidité bienveillante.
      Alain Beuve-Méry, 14 mars 2024

      Alors qu’Emmanuel Macron a provoqué un débat houleux en évoquant la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine, l’essai de Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires et stratégiques à L’Opinion, trouve toute sa pertinence. Dans Sommes-nous prêts pour la guerre ? (Robert Laffont, 224 p. 18 €), le journaliste décortique, en neuf questions, les différents aspects de la défense civile et militaire de la France et, par extension, de l’Europe.

      Il y a des points rassurants. L’auteur rappelle ainsi que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la France n’a plus d’ennemis à ses frontières, que son territoire est protégé par la défense nucléaire et que « nous, Français, vivons depuis plusieurs décennies dans un incroyable confort géopolitique : celui des #guerres_choisies », autrement dit « celles que nous avons décidé de mener ». La violence sur son territoire est résiduelle.
      Certes, la France l’a éprouvée avec la série noire des années 2010 (attentats du Bataclan, de Nice), mais l’horreur évidente des 271 morts n’est pas comparable aux 900 tués quotidiens en moyenne, dans le camp français, de 1914 à 1918, pendant la première guerre mondiale. De même, l’auteur insiste sur la résilience des Français, lors de la menace terroriste, mais aussi pendant l’épreuve du Covid-19.

      Le compte n’y est pas

      En revanche, dès que les sujets militaires stricto sensu sont abordés, « on se risque sur le bizarre ». Car ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur d’avoir mis en exergue de chacun de ses chapitres des citations du dialoguiste Michel Audiard pour détendre l’atmosphère. Or, sur la question de l’engagement de long terme ou de la production d’armement, le compte n’y est pas ! La France, comme ses partenaires européens, a cru aux dividendes de la paix et se révèle incapable d’alimenter durablement un conflit de haute intensité. Elle pourrait « tenir 80 kilomètres de front, pas plus », précise-t-il, soit la distance séparant Dunkerque de Lille, alors que le front ukrainien s’étend sur près de 1 000 kilomètres.

      En matière d’armement, la France a privilégié la qualité (avions Rafale, canons Caesar) à la quantité, mais, au-delà d’un certain seuil d’engagement, cela ne suffit plus. « L’#armée_française, c’est l’armée américaine, mais en version bonsaï », résume-t-il. Outre les délais de fabrication des matériels ou d’approvisionnement, certains choix militaires pèsent lourd, comme le mépris à l’égard de l’artillerie, des chars ou des drones. De fait, c’est moins noble que le combat aérien.

      Enfin, outre une certaine russophilie partagée au sein des élites françaises, politiques, économiques, voire militaires, Jean-Dominique Merchet souligne une erreur de diagnostic centrale : la Russie de Poutine est une puissance profondément révisionniste [sic], qui honnit les valeurs occidentales et qui entend récupérer les territoires qu’elle a perdus, dans l’histoire longue comme récente.
      « Sommes-nous prêts pour la guerre ? », de Jean-Dominique Merchet, Robert Laffont, 224 p., 18 €.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/14/sommes-nous-prets-pour-la-guerre-une-armee-presque-sans-defense_6221905_3232

  • Rwanda : le silence des mots - ARTE Reportage
    https://www.arte.tv/fr/videos/105291-000-A/rwanda-le-silence-des-mots

    L’horreur, au-delà de l’imaginable. Tutsi, elles racontent, face caméra, leur quotidien durant le #génocide et dans les camps de réfugiés de Murambi et Nyarushishi. « Ils nous appelaient : ’Tutsi ! Tutsi !’ Ils te sortaient de la tente et faisaient de toi ce qu’ils voulaient. » "Ils", ce sont, selon elles, des soldats français de l’opération Turquoise, ceux-là mêmes qui, sous mandat de l’ONU, devaient les protéger, mais auraient réalisé « tous leurs fantasmes » à la nuit tombée. Toutes décrivent un même rituel : l’enlèvement dans leur tente, les viols en réunion, les photos prises par les militaires, encore et encore. « On pensait naïvement que le Blanc était un sauveur, qu’il apporterait la paix », soupire l’une de ces femmes. Alors que l’armée française réfute toute accusation de #viol, les trois femmes ont déposé plainte devant la justice française en 2004 et 2012. L’instruction est aujourd’hui au point mort.

    #Rwanda #armée_française #documentaire

  • Général Michel Yakovleff « La France se prépare à une guerre en Europe » - #Mutation_Magazine
    https://mutation-magazine.com/general-michel-yakovleff-la-france-se-prepare-a-une-guerre-en-eur

    Le conflit entre la Russie et l’Ukraine dure depuis bientôt deux ans, il s’agit de la première guerre sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale. L’armée française s’entraîne depuis quelques années en prévision d’une guerre de haute intensité. Michel Yakovleff, ancien général de corps d’armée et ancien membre de l’état-major de l’OTAN, analyse la situation.

    avec des illustrations de Laurent Courau
    https://mondocourau.com
    #Europe #OTAN #guerre #cyber_guerre #Russie #Ukraine #armement #armée_française

    • La France, sous l’influence de ses états majors, a toujours entretenu le retour éventuel du spectre de la guerre. Jusque dans les années 90, de grandes manœuvres avaient lieu annuellement surtout dans la région Est et aussi en Allemagne, où un contingent occupait le terrain. Si on a pu croire pendant les deux dernières décennies que les velléités bellicistes de nos dirigeant avaient été mises en sourdine, c’étaient à la faveur d’une pause dans l’affrontement des deux blocs historiques OTAN vs Russie/Chine. Mais les généraux sont teigneux : ils ont continué à entretenir le « moral des troupes » en saupoudrant leurs capacités de nuisance sur les états d’Afrique, en particulier dans la zone sahélienne. Et notre petit timonier n’a aucune envie de céder sa place en tant que gendarme global, même si, « en même temps » (et plus souvent qu’à son tour) il se fait rosser par un autre Guignol ...

      Ceci dit, à force de clamer partout « nous sommes en guerre », les élites de la macronie ont fini par accoucher du SNU ... Mais mettre ainsi toute une nation sous pression et ce de façon récurrente, c’est quand même une belle illustration de la #stratégie_du_choc ...

      Les forces françaises en Allemagne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_fran%C3%A7aises_en_Allemagne

      Les interventions de l’armée française dans le monde depuis 1981 :
      https://www.vie-publique.fr/eclairage/20138-chronologie-les-interventions-exterieures-de-larmee-francaise

    • Subvention à l’industrie de l’armement : la Région Bretagne complice du massacre
      https://contre-attaque.net/2023/11/08/subvention-a-lindustrie-de-larmement-la-region-bretagne-complice-du-

      En France, l’argent public sert à distribuer des « aides » aux grandes entreprises qui réalisent déjà des bénéfices astronomiques. Les gouvernements néolibéraux ont voté des programmes de distribution d’argent aux grandes firmes pour les « inciter » à créer des emplois en France. C’est tout bénef’. Et parmi les entreprises « soutenues », certaines sont particulièrement nocives voire criminelles.

      « Scorpion » un programme franco-israélien – pour « Synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation », un acronyme aussi pourri que cette collaboration de la mort.

      Comment Israël développe Scorpion, futur cœur de la défense francaise https://seenthis.net/messages/908917
      Un article de Jean Stern (mars 2021)

      Dans une opacité complète, militaires et ingénieurs français et israéliens coopèrent sur la guerre du futur, alliant commandement numérique, drones et robots, même si sur le front des ventes d’armes, les deux pays sont également des concurrents.

      #Israël #Thales

  • Militaires français en Afrique. Le trompe-l’œil de la « réarticulation »
    https://afriquexxi.info/Militaires-francais-en-Afrique-Le-trompe-l-oeil-de-la-rearticulation

    Sur fond de contestation grandissante sur le continent, le gouvernement français assure qu’il a appris de ses erreurs au Sahel et qu’il va revoir son dispositif militaire en Afrique. Une nouvelle architecture réfléchie sans le moindre débat démocratique, et qui a tout l’air d’un simple ravalement de façade.

    #Armée_française #Sahel

  • Tribune des généraux (21 avril 2021) : l’État, « une bande d’hommes armés » | Le mensuel
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2021/05/09/tribune-des-generaux-letat-une-bande-dhommes-armes_158764.ht

    La gauche et le mythe de l’armée républicaine

    Les dirigeants du PS, du PC, de La France insoumise ou de la CGT, poussent des cris effarouchés face à la présence de l’extrême droite dans l’armée en prétendant, comme #Jean-Luc_Mélenchon, que cette tribune «  salit l’honneur de l’armée française  ». L’«  honneur de l’armée française  » s’est pourtant exprimé depuis des dizaines d’années en Afrique pour sauvegarder les intérêts de l’#impérialisme_français. L’armée française a couvert et protégé les génocideurs au Rwanda, sauvé la peau de dizaines de dictateurs et d’assassins en Afrique, sans parler de ses sales guerres plus anciennes en Indochine ou en Algérie. Elle a écrasé la Commune de Paris, assassiné des ouvriers à Fourmies en 1891, envahi avec ses chars les carreaux de mine du Nord en grève en 1948… et la liste est longue. En parlant ainsi, en expliquant qu’il faut «  rappeler aux soldats leur devoir d’obéissance due  », Mélenchon montre qu’il est un défenseur de l’armée, c’est-à-dire de l’ordre bourgeois. Les révolutionnaires ne sont pas, eux, pour le respect de «  l’obéissance due  », mais pour les révoltes des soldats contre leurs officiers – et pour la dissolution de l’armée permanente.

    La CGT a publié le 26 avril un communiqué de presse du même tonneau, expliquant que «  la neutralité de l’armée est un principe républicain avec lequel il ne peut être question de transiger  ». Entretenir le mythe d’une «  #armée_républicaine  » qui serait neutre, c’est-à-dire qui ne choisirait pas son camp entre les classes sociales, en faisant semblant d’ignorer que la caste des officiers forme et formera toujours les chiens de garde de l’#ordre_bourgeois, c’est non seulement un mensonge conscient, mais c’est une trahison vis-à-vis de la classe ouvrière. C’est ce genre de propagande qui a conduit, la gauche chilienne il y cinquante ans, à laisser la classe ouvrière désarmée face au général Pinochet, en assurant que l’armée était par nature trop républicaine, trop neutre pour renverser un gouvernement démocratiquement élu.[1]

    Dans son communiqué, la CGT regrette que le «  Conseil supérieur de la réserve militaire, au sein duquel elle siège, n’est plus réuni à la fréquence prévue par les textes  »  ! Autrement dit, il n’y a pas de danger, il y a un bureaucrate de la #CGT au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire, et la démocratie est bien protégée.

    La gauche, du #PS au #PCF en passant par la France insoumise, n’a rien su dire d’autre qu’en appeler à Macron et au gouvernement. «  Toujours pas de réaction d’#Emmanuel_Macron et du gouvernement  !  », twittait #Fabien_Roussel, le patron du #PCF, le 24 avril. «  Nous appelons la ministre des Armées à prendre des sanctions exemplaires à l’encontre des signataires de cette tribune qui portent atteinte à l’honneur de l’armée française et aux militaires engagés pour servir la République  », a écrit quant à lui le Parti socialiste dans une résolution votée le 27 avril. Ces partis jouent leur rôle  : prétendre que l’armée a pour fonction de défendre la #République et non les intérêts de la bourgeoisie, et camoufler le fait que Macron, comme n’importe lequel de ses prédécesseurs de gauche comme de droite à la tête de l’État, n’hésiterait pas à mobiliser l’armée contre une explosion sociale si le pouvoir de la #bourgeoisie en dépendait.

    #armée #armée_française #impérialisme #nationalisme #LFI

  • 6 avril 1994 : début du génocide tutsi au Rwanda

    – Rwanda - Les interventions, nullement humanitaires, de l’impérialisme français
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/rwanda-les-interventions-nullement

    – Afrique des Grands Lacs - Derrière la crise des réfugiés rwandais, les rivalités des trusts et des impérialismes
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/afrique-des-grands-lacs-derriere

    – Le Congo déchiré par les bandes armées... et par des rivalités impérialistes
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/le-congo-dechire-par-les-bandes

    – Les relations entre l’impérialisme français et sa zone d’influence africaine
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/les-relations-entre-l-imperialisme

    – Congo (ex-Zaïre) - Un pays pillé par les seigneurs de guerre et les trusts impérialistes
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/congo-ex-zaire-un-pays-pille-par

    – Génocide au Rwanda : 27 ans de mensonges et de déni sur la complicité de la France
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2021/06/30/genocide-au-rwanda-27-ans-de-mensonges-et-de-deni-sur-la-com

    #Rwanda #génocide #éphéméride #impérialisme_français #impérialisme_belge #République_Démocratique_du_Congo #armée_française

  • 13 mars 1954 : les combattants vietnamiens attaquent le camp retranché de Diên-Biên-Phu

    À lire sur cet événement ce #chef_d'oeuvre de la #littérature contemporaine : « Une sortie honorable », d’Eric Vuillard (Actes Sud)

    Vuillard, au-delà de l’histoire (par Hugo Pradelle)

    Une sortie honorable, le nouveau livre d’#Éric_Vuillard consacré à l’#Indochine française, se lit avec ses autres récits. C’est d’une relation cohérente de ses livres les uns avec les autres qu’émerge une manière singulière, décalée et obstinée de raconter l’histoire et de penser un geste littéraire et moral assurément fort.

    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/19/vuillard-histoire

    « Une sortie honorable », d’Eric Vuillard (par Camille Laurens)

    « L’histoire est un roman vrai », disait l’historien Paul Veyne. Une telle assertion, floutant la frontière désormais poreuse entre fiction et non-fiction, pourrait justifier la mention « roman » sur le nouveau livre d’Eric Vuillard, Une sortie honorable. Celui-ci lui a pourtant préféré, comme pour ses précédents ouvrages fondés sur des faits historiques, le mot « récit ». Sans doute est-ce pour souligner à la fois la relative brièveté du texte eu égard à l’ampleur des événements racontés – la guerre d’Indochine –, la place qu’y tient l’auteur et le refus de toute invention. Le récit, loin d’une vaste fresque à la Tolstoï, choisit de mettre en perspective quelques journées et personnages en déplaçant la focale et la lumière sur des moments obscurs, néanmoins décisifs. Congo et 14 juillet (Actes Sud, 2012 et 2016) proposaient déjà ce choix narratif, tout comme L’Ordre du jour (Actes Sud, prix Goncourt 2017), qui montrait l’ascension du pouvoir nazi dans les années 1930 à travers différents épisodes méconnus ou apparemment anecdotiques.

    La guerre d’Indochine de 1946 à 1954, rebaptisée « guerre du Vietnam » de 1955 à 1975, très long conflit dans lequel deux grandes puissances mondiales furent vaincues par un tout petit pays, est peu étudiée dans les programmes scolaires. La pédagogie de Vuillard, qu’on sent à l’œuvre – parfois un peu trop –, consiste à expliquer le déroulement des faits en juxtaposant des scènes qui rendent lisibles causes et conséquences. Ainsi, les premières pages décrivent une plantation de caoutchouc en 1928 et la torture de trois coolies, ligotés par un contremaître avec du fil de fer, après avoir tenté d’échapper aux cadences infernales. « C’était une scène d’épouvante », surligne l’auteur. Puis il enchaîne avec la réunion, quelques années plus tard, d’André Michelin et de F. W. Taylor, le théoricien du management industriel. Une troisième scène montre le président de l’Assemblée nationale, Edouard Herriot, rendant hommage à « nos héroïques soldats » en Indochine.

    L’efficacité de ce montage est redoutable. Le dispositif repose essentiellement sur une opposition entre nantis et dominés, soutenue par une idée simple et juste : l’histoire bâtit toujours « cet immense édifice qu’est le pouvoir » grâce à la même « immense communauté de poncifs, d’intérêts et de carrières ». Aussi Vuillard présente-t-il tous les puissants – ceux qui savent qu’ils auront « des rues à [leur] nom » – par une sorte de fiche généalogique où les alliances ont quelque chose d’incestueux et où « un bel héritage est pris pour un destin ». L’une des dernières scènes du récit dépeint les membres du conseil d’administration de la Banque de l’Indochine, le « fil d’or » qui les lie à la fin de la guerre après qu’ils ont « spéculé sur la mort » : « On perdait en gagnant et en gagnant prodigieusement », « le dividende était multiplié par trois. Il était rigoureusement proportionnel au nombre de morts. » [...]

    Reste que la #guerre, d’être décrite en coulisse plus que sur le terrain, froide mécanique d’intérêts, n’en est que plus terrifiante. Certes, à #Dien_Bien_Phu, « on crève de partout. On recule de trou en trou, on empile des cadavres pour se protéger ». Mais « si l’on veut vraiment connaître l’horreur (…), il faudrait pouvoir pénétrer en silence dans le bureau où causent Eisenhower et Dulles ». Vuillard nous invite à prolonger notre réflexion en mettant son tressage subtil en regard des tragédies contemporaines. Car l’histoire n’est pas du passé, c’est d’ailleurs souvent au présent qu’il nous la raconte. Déjà, La Guerre des pauvres (Actes Sud, 2019) suggérait un parallèle entre le soulèvement des paysans allemands au XVIe siècle et le mouvement des « gilets jaunes ». De même, Une sortie honorable, dont le titre ironique reprend un syntagme figé cher aux politiques et aux militaires, interroge tacitement la façon dont la France négocie son retrait de conflits sanglants – au Mali, en Afghanistan… – au mépris de toutes les valeurs humaines et tout particulièrement de l’honneur. Le récit d’Eric Vuillard, par sa force de conviction, tient allumé en nous « ce petit lampadaire qu’on appelle la conscience ».

    https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/01/13/une-sortie-honorable-d-eric-vuillard-le-feuilleton-litteraire-de-camille-lau

    #impérialisme #colonialisme #crétinerie #armée_française #Diên-Biên-Phu

    • Dien Bien Phu (Lutte de classe n°61 - 12 mars 1963)

      Le 13 mars 1954, le premier jour de l’attaque du camp retranché de Dien Bien Phu.

      Ce nom, mais personne ne le savait encore, devait devenir le symbole de la défaite de l’impérialisme français par le mouvement de libération nationale du peuple vietnamien. Effectivement, l’imprenable Dien Bien Phu dont l’armée française était si fière devait capituler après 55 jours de combats.

      En fait l’armée française et le commandant de Castries, commandant de la place attendaient cette attaque et même la souhaitaient, persuadés que le Vietminh ne pourrait concentrer suffisamment de forces pour sortir victorieux d’une bataille rangée « classique ».

      C’est délibérément que le commandement français avait choisi la cuvette de Dien Bien Phu dans cet arrière-pays montagneux. Il voulait obliger Giap, commandant les troupes #Vietminh à attaquer de front. Sa cécité politique l’empêchait de voir la croissance de l’armée vietminh. Pour nos militaires bornés, la « guérilla » était la forme spécifique de la guerre révolutionnaire. Dans leur esprit, il suffirait d’obliger les « rebelles » à abandonner cette tactique, à changer de méthodes de combat et alors la supériorité technique de l’armée française les écraserait.

      Mais la « guérilla » n’est pas une tactique relevant d’une idéologie particulière. C’est tout simplement un mode de combat utilisé contre un adversaire plus fort militairement que l’on ne peut affronter directement. Même Duguesclin n’avait pas « inventé » la guérilla.

      Toutes les populations occupées par des forces étrangères ont utilisé la « #guérilla » qui consiste à se battre avec ce qu’on a, à faire de sa faiblesse une force, à attaquer par surprise avec des forces faibles mais rapides, très mobiles, échappant à l’adversaire dès le coup de main réalisé. C’est une tactique de harcèlement qui rend une occupation de territoire invisible lorsque toute la population s’en mêle mais qui n’est pas spécifique des révolutionnaires, tout au plus caractérise-t-elle le début des insurrections populaires en particulier dans les pays coloniaux. Mais dès qu’un mouvement peut disposer d’armées ressemblant à celles de l’adversaire, il le fait. C’est ainsi que le mouvement vietminh essaya de renforcer ses troupes. Dès 1950-51 lorsqu’il eut un peu de matériel du la Chine, notamment des camions, les longs cortèges de coolies-soldats se modernisèrent. Les canons, mortiers, armes lourdes, essentiellement pris dans des coups de main contre l’armée française, plus les armements fabriqués par le Vietmninh dans le pays commencèrent à faire des forces vietminh non plus des corps de guerilleros, mais une armée capable d’attaquer des places fortifiées.

      L’armée vietminh n’avait encore jamais attaqué une place forte de l’importance de Dien Bien Phu, mais, alors que le commandement français s’imaginait avoir construit un piège pour le Vietminh, un observateur attentif aurait pu pressentir la vanité de ce piège. Dien Bien Phu n’était cependant pas si facile à prendre. Et il fallut l’héroïsme et l’enthousiasme des troupes combattant pour leur libération pour vaincre dans un tel combat.

      Dien Bien Phu est une cuvette de 10 km de long et de 3 à 6 km de large, au milieu d’une chaise de très hautes montagnes, bordée de petites collines à la base. Dans la cuvette, le village de Muong Thanh et deux camps d’aviation. Au Nord, trois postes fortifiés avec chacun un bataillon. Au centre et à l’est, deux sous-secteurs, à l’ouest 30 points fortifiés. Au Nord le poste de Him Lambarre l’unique voie carrossable jusqu’à Muong Thanh. Le commandement français comptait essentiellement sur l’aviation.

      Pour le Vietminh il était impossible de ne pas attaquer cette place fortifiée en plein coeur du pays. Et ce fut le long travail de préparation en vue de l’épreuve de force déterminante.

      Les unités vietminh venues du Delta tonkinois durent effectuer 400 km pour approcher du camp. Il fallut quinze nuits de marche, en essayant de perdre le moins d’hommes et d’armement possible. Il y avait des récompenses pour l’unité qui arriverait au complet (un taureau).

      C’était la première campagne où les Viets engageaient des batteries de 105 et de la D.C.A. Les pièces de deux tonnes, remorquées derrière des camions sur roues, devaient, dans les montagnes, être tirées à bras, le poste d’Him Lam barrant la route 41, il fallut creuser à flan de montagne des routes carrossables pour les camions, ceci sur douze kilomètres, en passant trois cols. Il fallut sept nuits pour hisser sur les cols ces tonnes d’acier. La descente des cols fut encore plus pénible et exigea vingt nuits. Comme l’aviation française patrouillait le jour, bombardant et arrosant de Napalm les montagnes, pour les soldats Viets, il fallait rester dans son trou individuel toute la journée pour se protéger des bombardements, et, la nuit, creuser la terre et assurer le camouflage. Ils avançaient de 500 mètres ou un kilomètre par nuit, sur la fin.

      La construction des voies de communication nécessitait un gros effort car pour cela les soldats terrassiers n’avaient pas d’outillage. Pourtant, il fallait combler des rivières de quarante à cinquante mètres, attaquer des parois rocheuses, abattre d’énormes arbres. L’ingéniosité était indispensable. Pour abattre les arbres, ils mettaient à nu les racines puis les tranchaient avec des coupe-coupes, afin que l’arbre déraciné s’abatte tout seul.

      Le ravitaillement posait un gros problème. L’armée Vietminh avait des fourneaux spéciaux brûlant sans fumée pour ne pas être repérables de jour par l’aviation, mais, la nuit, ils l’étaient par la clarté du foyer et sous le bombardement, le riz était consommé cru ou brûlé, mais jamais cuit. L’armée se nourrissait en forêt de racines d’ignames, (les paysans pauvres étaient les « meilleurs spécialistes » pour les trouver). Un chantier de pêche fut créé.

      Pendant ce temps, les troupes françaises pilonnaient et incendiaient les forêts. Des bataillons attaquaient un peu dans toutes les directions. La colline 75 changea onze fois de camp, Mais l’encerclement Vietminh se poursuivait.

      La victoire ne fut arrachée qu’au prix d’énormes travaux de retranchement. Tout le front Vietminh n’était qu’une immense tranchée, Le mot d’ordre était « sans tranchée pas de combat ». Le camouflage posait un gros problème de par les grosses quantités de bois qu’il fallait aller chercher à des kilomètres dans la forêt. Mais, peu à peu, le front Vietminh s’approchait auprès des fortifications françaises, malgré les sorties des paras français, sorties effectuées plusieurs fois par jour, sous la protection des blindés, pour essayer de combler les boyaux ou de les piéger. Malgré cela, l’étau se resserrait de plus en plus.

      Le 13 mars 1954 l’attaque est déclenchée par le vietminh. l’assaut à lieu contre le poste de him lam (béatrice) occupé par le 3e bataillon de la division blindée et de la légion etrangère. c’est un poste clé pour la protection des terrains d’aviation de muong thanh. il comprend trois collines derrière un réseau de barbelés large de trente à quarante mètres. a 16 heures l’armée vietminh ouvre le feu. a la tombée de la nuit les groupes de choc vont avec les explosifs faire sauter les barbelés. après 6 heures de combats hin lam est occupé par le vietminh. doc lap (gabrielle) sera attaquée et occupée le 14 avril. l’ultime assaut sera donné à partir du 18 avril, et le 7 mai, la bataille de dien bien phu prendra fin.

      Dans ce combat où l’inégalité de l’armement et du matériel est frappante, malgré les quelques pièces lourdes de l’armée Vietminh, la participation et le dévouement des masses vietnamiennes fut l’élément déterminant de leur victoire, D’une part, l’armée vietminh était numériquement bien plus importante que les troupes stationnées en Indochine (150 000 hommes) et, d’autre part, chaque paysan et paysanne vietnamien, constituait un soutien à l’armée de libération. L’héroïsme et le dévouement du peuple vietnamien luttant pour son indépendance étaient reconnus même par la presse réactionnaire de métropole.

      Par contre, les troupes françaises, elles, se battaient pour une « sale guerre » vomie par une partie de plus en plus grande de la population française et leur combat était à l’avance désespéré.

      Après Dien Bien Phu l’armée française était loin d’être rejetée à la mer, mais la métropole ne pouvait supporter de transformer son « opération de police » assurée par l’armée de métier et les volontaires en guerre ouverte et y envoyer le contingent,

      Ce fut la raison pour laquelle Dien Bien Phu sonna le glas du colonialisme français.

      https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1960-1963/article/dien-bien-phu

      #archiveLO

  • « Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie » : polémique autour d’un podcast de France Inter consacré au fondateur du Front national
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/03/10/jean-marie-le-pen-n-a-sans-doute-pas-pratique-la-torture-en-algerie-polemiqu

    Dans l’épisode 2 du podcast « Jean-Marie Le Pen, l’obsession nationale » que Philippe Collin consacre à l’ancien leader du Front national, mis en ligne fin février, on peut entendre l’historien Benjamin Stora dire : « Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie. »

    le soutien de Stora à Macron est allé trop loin.

    #Algérie #torture #histoire

    • Fabrice Riceputi @campvolant
      https://twitter.com/campvolant/status/1633019760509067264
      ·

      Dans le documentaire JM Le Pen, l’obsession nationale, (France Inter), ép. 2, à 21 mn 20, [c’est] Benjamin Stora qui dit : "En fait Jean-Marie-Le Pen, à ma connaissance, quitte l’Algérie au moment où on commence la bataille d’Alger. Et c’est surtout pendant la bataille d’Alger, sous la conduite de Robert Lacoste et du général Massu, bien sûr, que va s’organiser la plus terrible des batailles où sera pratiquée la torture en Algérie. Donc, à ce moment-là, à ma connaissance, Jean-Marie Le Pen n’est pas en Algérie." Le commentateur ajoute : "Donc le soldat Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie."
      Tout est faux. Le Pen, alors député et officier parachutiste réserviste, décide de prendre du service peu après le lancement de l’opération baptisée « bataille d’Alger » (7 janvier 1957). Il est à Alger en mars 1957, date à laquelle un rapport de police (publié par Vidal-Naquet peu après) indique qu’il enlève un Algérien et le "met au tombeau" (torture) à la villa Sésini. Une archive bien connue...


      De plus, plusieurs témoins algériens sont cités par@BeaugeFlorence dans « Algérie, une guerre sans gloire » et racontent de façon très circonstanciée comment Le Pen pratiquait la torture « à domicile », dans la Casbah, notamment celle d’Ahmed Moulay, à l’eau et à l’électricité, devant sa famille, avant de le faire exécuter à la mitraillette. C’est alors qu’il oublia son fameux poignard des Jeunesses hitlériennes, dont l’histoire est bien connue. Plusieurs familles témoignant dans le cadre du projet http://1000autres.org le mentionnent également.
      1000autres.org

      Il faut encore ajouter que la police et l’armée ont torturé avant la « bataille d’Alger » et ont continué à le faire massivement après, jusqu’en 1962.

      Il est consternant que Le Pen soit ainsi exonéré, qui plus est par un universitaire, de son passé de tortionnaire en Algérie et sur le service public.

      J’ajoute que Jean-Marie Le Pen, après avoir reconnu avoir torturé, a attaqué Le Monde qui l’accusait d’avoir torturé en diffamation et qu’il a perdu en 2005 en Cassation. Voir les archives du Monde dès 2000.

      Quatre nouveaux témoins accusent Jean-Marie Le Pen de torture
      https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/06/03/quatre-nouveaux-temoins-accusent-jean-marie-le-pen-de-torture_278520_1819218

      Le Pen et la torture pendant la guerre d’Algérie
      https://histoirecoloniale.net/Le-Pen-et-la-torture-pendant-la.html

      #France #armée_française

  • Tirailleurs sénégalais : la chair à canon venue des colonies
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/01/11/tirailleurs-senegalais-la-chair-canon-venue-des-colonies_467

    La sortie du #film #Tirailleurs a servi de prétexte à divers politiciens allant de l’#extrême_droite aux macronistes pour déverser leurs injures contre ceux qui critiquent le passé colonial de la France.

    Ce corps militaire fut créé en 1857 pour aider l’armée française à imposer sa domination aux populations des colonies. Avec la montée vers la #Première_Guerre_mondiale, l’idée surgit d’utiliser ces soldats en dehors des #colonies. Le général Mangin, un officier colonial, justifia par sa rhétorique raciste la constitution d’une « #force_noire ». « Le noir naît soldat », écrivait-il pour justifier l’emploi de ces soldats qu’il décrivait comme des « primitifs pour lesquels la vie compte si peu ». À partir de 1915, de grandes opérations de recrutement de force eurent lieu dans les colonies d’Afrique de l’ouest. Contrairement à la légende, la population résista à cet enrôlement particulièrement violent, comme le montre le film. Des #révoltes éclatèrent même à #Madagascar en 1915, dans des villages de l’actuel Burkina et parmi les populations du Tchad et du nord du #Niger en 1916, dans les Aurès en 1917, ainsi qu’en #Indochine et en #Nouvelle-Calédonie.

    485 000 soldats enrôlés dans tout l’empire colonial furent envoyés au front. Ils tombèrent massivement à Verdun en 1916, lors de l’offensive du Chemin des Dames en 1917 et pour la prise de la ville de Reims en 1918. Sur les 134 000 #tirailleurs_sénégalais envoyés en Europe, plus de 20 % périrent, sur les champs de bataille et dans l’horreur des tranchées d’abord, et aussi du fait de toutes les maladies pulmonaires qui leur étaient inconnues jusque-là. Des dizaines de milliers d’hommes venant des colonies étaient aussi enrôlés dans les usines en France pour faire la richesse des marchands de canons. Pendant ce temps, les populations des colonies connaissaient les réquisitions et le travail forcé pour participer bien malgré elles à l’#effort_de_guerre.

    Lors de la Deuxième Guerre mondiale, de nouveau des troupes coloniales participèrent en masse aux combats pour que la France fasse partie des vainqueurs et garde son #empire_colonial. Mais les discours sur la liberté et la démocratie ne leur étaient pas adressés. Le 1er décembre 1944, plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais furent massacrés par des gendarmes français dans le camp de Thiaroye au #Sénégal. Après avoir été prisonniers de guerre, ils étaient rapatriés au pays et manifestaient pour obtenir la solde à laquelle ils avaient droit.

    Quant aux soldats venant d’Algérie, ils découvrirent, à leur retour, les massacres à Sétif et Guelma contre ceux qui avaient osé réclamer l’indépendance et la liberté pour eux-mêmes. La puissance coloniale française allait finir par payer sa politique. En armant ces soldats, elle fit de certains des combattants qui décidèrent de ne plus se laisser dominer. Beaucoup luttèrent ensuite contre la présence française dans leur pays.

    Jusqu’au bout, l’#armée_française utilisa des tirailleurs et autres soldats enrôlés dans les colonies pour combattre leurs frères d’oppression. En Indochine, en #Algérie, ils servirent à nouveau de #chair_à_canon. Comment s’étonner que les différents gouvernements n’aient jamais traité les soldats africains à égalité avec les soldats français ? Le personnel politique de cette vieille puissance coloniale est élevé dans le #racisme comme il est élevé dans la #haine_antiouvrière et antipauvres.

  • #Sahel et #Sahara, une emprise française

    Alors que l’#opération_Barkhane menée par la France au Sahel et au Sahara touche à sa fin, l’historienne #Camille_Lefebvre revient sur l’histoire de la colonisation de ces régions par les forces militaires françaises au début du XXe siècle.

    En savoir plus

    La présence militaire française au Sahel semble remise en cause. Elle avait été décidée en 2013 par François Hollande, alors chef de l’État, afin de protéger ces régions contre les assauts terroristes des djihadistes venus du Nord, à partir du Sahara. Mais l’#opération_Serval, devenue Barkhane en 2014, et qui a déployé plus de 5 000 soldats français dans la région, serait vouée à toucher, à terme proche, à sa fin. « La France ne peut pas se substituer, a dit Emmanuel Macron, à la stabilité politique et au choix des États souverains ».

    Chez nous, l’approbation donnée par l’opinion à l’engagement de nos armées s’effrite, si l’on en croit les sondages. Ce désamour se nourrit notamment de la constatation que l’impopularité de la présence française grandit parmi les populations des pays concernés, ce qui provoque chez certains de nos compatriotes un sentiment d’ingratitude.

    Dans le même temps il se répand sur place, notamment parmi la jeunesse, le thème d’une nouvelle colonisation qui ne dirait pas son nom et qui dissimulerait sa perversité sous les oripeaux d’une fausse solidarité.

    Ce rebond d’une époque à l’autre incite à aller rechercher en arrière ce que furent la colonisation du Sahara et du Sahel, sa nature propre, ses ressorts et ses procédés. Il s’agit de débusquer et de délimiter les éventuelles ressemblances et aussi de comprendre pourquoi cette #mémoire conserve tant d’importance, sur place, aujourd’hui.

    Cette émission a été diffusée une première fois le samedi 4 décembre 2021.
    Pour en parler

    Pour éclairer cela, nous disposons depuis peu du beau livre que Camille Lefebvre, directrice de recherches au CNRS, consacre au moment spécifique où, au début du XXe siècle, une force militaire française envahit deux villes puissantes du Sahara et du Sahel, Agadez et Zinder. Les incompréhensions entre deux mondes soudain mis face à face s’y révélèrent déjà violemment. Il se peut bien qu’elles durent toujours.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/concordance-des-temps/sahel-et-sahara-une-emprise-francaise-0-7388960
    #France #colonisation #colonialisme #occupation #histoire #colonialisme_français #armée #armée_française
    #podcast #audio

    ping @cede @karine4 @_kg_

    • Des pays au crépuscule

      Camille Lefebvre nous immerge dans les premiers temps de la colonisation et redonne vie aux mondes qui s’enchevêtrent alors, pour nous aider à saisir comment s’est peu à peu construite la domination coloniale.
      Au début du xxe siècle, quatre-vingts militaires français accompagnés de six cents tirailleurs envahissent deux puissantes villes du Sahara et du Sahel. La France, comme plusieurs autres pays européens, considère alors les territoires africains comme des espaces à s’approprier. Elle se substitue par la force aux gouvernements existants, au nom d’une supériorité civilisationnelle fondée sur le racisme.
      Depuis le cœur de ces deux villes, grâce à une documentation exceptionnelle, Camille Lefebvre examine comment s’est imposée la domination coloniale. Militaires français, tirailleurs, mais aussi les sultans et leur cour, les lettrés et les savants de la région, sans oublier l’immense masse de la population, de statut servile ou libre, hommes et femmes : tous reprennent vie, dans l’épaisseur et la complexité de leurs relations. Leur histoire révèle la profondeur des mondes sociaux en présence ; elle retisse les fils épars et fragmentés des mondes enchevêtrés par la colonisation.
      Les sociétés dans lesquelles nous vivons, en France comme au Niger, sont en partie issues des rapports de domination qui se sont alors noués ; s’intéresser à la complexité de ce moment nous donne des outils pour penser notre présent.

      https://www.fayard.fr/histoire/des-pays-au-crepuscule-9782213718101

      #livre

  • Bounti. Bavure française, complicité américaine | Caitlin L. Chandler, Youri van der Weide, Emmanuel Freudenthal et Patricia Huon
    https://afriquexxi.info/article4942.html

    Le 3 janvier 2021, l’aviation française a bombardé un regroupement d’hommes près du village de Bounti, dans le centre du Mali. Des « terroristes » selon Paris. Des civils qui participaient à une cérémonie de mariage selon plusieurs sources, dont l’ONU. Cette bavure a fait couler beaucoup d’encre en France, mais très peu aux États-Unis. Pourtant, la bombe était américaine. Source : Afrique XXI

  • https://orientxxi.info/magazine/les-camps-de-regroupement-entreprise-de-destructuration-du-monde-rural-a

    Les camps de regroupement, entreprise de destructuration du monde rural algérien

    Pour empêcher les combattants indépendantistes de bénéficier du soutien des villageois pendant la guerre d’indépendance, l’armée française procède au regroupement de la population dans une opération pudiquement désignée sous le nom de « pacification ». En réalité, plus de deux millions d’Algériens ont été parqués dans des camps soumis à l’autorité militaire et qui ont déstructuré la société rurale.

    Fabien Sacriste, 25 mars 2022

    (...)

  • https://afriquexxi.info/article4919.html

    Aux origines coloniales de Barkhane (4)
    Maréchal (Lyautey), nous voilà !

    Rémi Carayol, 7 février 2022

    Figure de la conquête coloniale, le maréchal Hubert Lyautey, célèbre notamment pour avoir fait en sorte de « gagner les cœurs et les esprits » en Afrique du Nord, est aujourd’hui cité comme une référence par les officiers français. Ses méthodes, soi-disant humanistes, inspirent les stratèges qui élaborent les doctrines contre-insurrectionnelles et sont recyclées par les commandants de la force Barkhane au Sahel. Un héritage contestable, pourtant totalement assumé par les militaires.

    La franchise n’était pas la moindre des qualités du général François Lecointre lorsqu’il était encore en fonction. À plusieurs reprises au cours des quatre années qu’il a passées à la tête de l’armée française, de juillet 2017 à juillet 2021, ses interlocuteurs ont pu s’en rendre compte – et notamment les parlementaires, qui l’ont régulièrement auditionné. Ainsi, le 6 novembre 2019, c’est en toute simplicité que François Lecointre confie, devant les membres de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, que la doctrine de l’armée française, dans cette région où elle se bat depuis 2013, est en grande partie basée sur un logiciel certes actualisé, mais vieux de plus d’un siècle, et que l’une de ses références, en la matière, a pour nom Hubert Lyautey, une figure de la conquête coloniale, célèbre pour s’être battu en Indochine, à Madagascar et en Algérie, mais aussi pour avoir administré le Maroc et organisé la fameuse exposition coloniale de Paris en 1931.

    Il est un peu moins de 17 heures, ce mercredi, quand le général tire les choses au clair devant les députés : « Je décrirai notre vision de l’“approche globale” comme une stratégie de gestion de crise centrée sur les populations et sur leur perception du développement de la crise. Ce concept est hérité de notre aventure coloniale. Dans la manière dont les militaires français, de [Joseph] Gallieni à Lyautey, ont pensé l’établissement d’un empire colonial, il y avait d’abord une vision humaniste [sic] de la gestion de crise et de la guerre ». Le général marche sur des œufs. Il prend donc soin d’apporter cette précision : « Ne voyez pas dans mon propos un jugement, positif ou négatif, sur l’époque coloniale ». Pas d’ode à la colonisation donc. Pas de condamnation non plus. Mais ce constat : « J’observe simplement que ce qui fait le savoir-faire français dans la gestion de crise, c’est aussi cet héritage : nous entretenons depuis très longtemps la conception d’une approche globale et d’une victoire qui doit essentiellement être remportée dans les cœurs et les esprits
    des populations au secours desquelles nous venons dans les régions que nous cherchons à stabiliser. »

    (...)

    #Maroc #impérialisme #opérations_extérieures #Lyautey #armée_française #héritage_colonial

  • https://afriquexxi.info/article4912.html

    Aux origines coloniales de Barkhane (2)
    Le mythe (écorné) de l’« homme bleu
     »

    Série · Façonnée durant la conquête coloniale, la légende des Touaregs, essentialisés en « valeureux combattants du désert », est restée gravée dans la mémoire de l’armée française. Même après les indépendances, les militaires et les agents secrets, souvent fascinés, n’ont jamais rompu les liens avec eux. Ils les ont réactivés quand la France en a eu besoin ces dernières années, en Libye et au Mali.

    Rémi Carayol > 19 janvier 2022

    #barkhane #néocolonialisme #sahel #arméefrançaise

  • #MDR #France : Première défaillance d’un fournisseur d’électricité Le Figaro - Guillaume Guichard
    https://www.lefigaro.fr/societes/premiere-defaillance-d-un-fournisseur-d-electricite-20211022

    L’entreprise Hydroption, spécialiste des clients industriels, a été placé en redressement judiciaire.

    La flambée des prix de l’électricité a fait sa première victime. Le fournisseur Hydroption, spécialisé dans les clients professionnels, a été placé en redressement judiciaire jeudi par le tribunal de commerce de Toulon, d’après une information de l’agence de presse spécialisée GreenUnivers, confirmée au Figaro par l’entreprise. Hydroption était en procédure de sauvegarde depuis 2018. Si le fournisseur est inconnu du grand public, il compte parmi ses clients la mairie de Paris ainsi que, jusque très récemment, l’armée et l’État. « Nous avons l’ambition de continuer l’exploitation car nous avons signé de nouveaux contrats aux prix actuels du marché », assure le président de l’entreprise basée à Toulon, Michel de Keréver.


    Fin 2020, Hydroption dit avoir fait le mauvais choix de réduire ses achats d’électricité pour 2021, échaudé par la très faible consommation de ses clients l’an passé. Las, le Covid-19 a reflué et l’économie nationale a repris de plus belle. Ses clients ont donc davantage consommé, forçant le fournisseur à aller s’approvisionner sur les marchés de court terme à des prix de plus en plus prohibitifs ces derniers mois.

    Facture salée
    Acculé, Hydroption a tenté de négocier avec l’armée et la direction des achats de l’État pour revoir les termes de leurs contrats. Ceux-ci ont préféré changer de fournisseur, quitte à payer plus cher - les prix de marché très élevés sont actuellement répercutés sur les nouveaux clients par tous les fournisseurs. 


    Pour l’État, la facture risque d’être salée. Hydroption avait décroché en 2020 un mégacontrat de 2,2 TWh avec la direction des achats pour les années 2022 et 2023. Le surcoût lié au changement de fournisseur pourrait se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d’euros. En revanche, les discussions avec la mairie de Paris continuent. Mais son contrat avec Hydroption, prépayé lors de la signature, s’achève au 31 décembre.

    #Electricité #privatisation d’ #EDF #énergie #france #économie #electricité #en_vedette #mairie_de_Paris #Paris #Armée_Française #Spéculation #Marché dans les régles de l#union_européenne #UE

  • #Rwanda_1994

    Rwanda, 1994, entre avril et juillet, 100 jours de génocide...
    Celui que l’on appelle « Le dernier génocide du siècle » s’est déroulé dans un tout petit pays d’Afrique, sous les yeux du monde entier, sous le joug des politiques internationales, et sous les machettes et la haine de toute une partie de la population. Sur environ 7,5 millions de Rwandais d’alors, 1,5 million de personnes ont été exterminées pour le seul fait d’appartenir à la caste « tutsi » (chiffres officiels de 2004) : hommes, femmes, enfants, nouveau-nés, vieillards... De cette tragédie historique, suite à plusieurs années de recherche dont sept mois passés au Rwanda pour récolter des témoignages, les auteurs ont tiré une fiction éprouvante basée sur des faits réels.

    https://www.glenat.com/drugstore/rwanda-1994-integrale-9782356261120
    #BD #bande_dessinée #livre
    #Kigali #Murambi #fosses_communes #Nyagatare #FAR #génocide #Rwanda #France #armée_française #opération_Turquoise #camps_de_réfugiés #réfugiés #Goma #zone_turquoise #aide_humanitaire #choléra #entraide #eau_potable

  • #Algériennes

    La guerre d’Algérie, cette guerre qui n’était pas nommée comme telle, est un événement traumatisant des deux côtés de la Méditerranée. Ce récit raconte la
    guerre des femmes dans la grande guerre des hommes...
    Béatrice 50 ans, découvre qu’elle est une « enfant d’appelé » et comprend
    qu’elle a hérité d’un tabou inconsciemment enfoui : elle interroge sa mère et son père, ancien soldat français en Algérie, brisant un silence de cinquante ans. Elle se met alors en quête de ce passé au travers d’histoires de femmes pendant la guerre d’Algérie : Moudjahidates résistantes, Algériennes victimes d’attentat, Françaises pieds noirs ou à la métropole... Ces histoires, toutes issues de témoignages avérés, s’entrecroisent et se répondent. Elles nous présentent des femmes de tout horizon, portées par des sentiments variés : perte d’un proche, entraide, exil, amour…

    https://www.marabout.com/algeriennes-1954-1962-9782501121002
    #BD #bande_dessinée #livre

    #guerre_d'Algérie #appelés #Algérie #France #armée_française #tabou #silence #maquis #Harki #massacre #meurtres #FLN #camps #entraide #Bourg-Lastic #femmes #Cimade #La_Cimade #honte #rapatriés #mémoire #résistance #liberté #indépendance #napalm #viols #viols_collectifs #mujahidin #douars #guerre_de_la_mémoire #fellaga #genre #patriarcat #commandos_punitifs #pillages #pieds-noirs #organisation_clandestine_des_Français_contre_l'indépendance (#OAS)

  • #Moruroa_files.
    Enquête sur les essais nucléaires français dans le #Pacifique

    Un héritage empoisonné

    Leucémie, lymphome, cancer de la thyroïde, du poumon, du sein, de l’estomac… En Polynésie, l’héritage des essais nucléaires français est inscrit dans la chair et dans le sang des habitants. Le #strontium a grignoté les os, le #césium s’est concentré dans les muscles et les organes génitaux, l’#iode s’est infiltré dans la thyroïde.

    L’histoire de cette catastrophe sanitaire et environnementale largement méconnue a débuté le #2_juillet_1966. Ce jour-là, l’#armée_française procède au #tir_Aldébaran, le premier des 193 essais tirés pendant trente ans depuis les atolls nucléaires de Mururoa et #Fangataufa, à 15 000 km de la métropole. Le premier, aussi, d’une série de #tests parmi les plus contaminants du #programme_nucléaire français : les #essais_à_l’air_libre. Entre #1966 et 1974, l’armée a procédé à 46 #explosions de ce type.

    Disclose et #Interprt, en collaboration avec le programme Science & Global Security de Université de Princeton, aux Etats-Unis, ont enquêté pendant deux ans sur les conséquences des #essais_atmosphériques en Polynésie française. A l’aide de milliers de documents militaires déclassifiés, de centaines d’heures de calculs par ordinateur et de plusieurs dizaines de témoignages inédits, cette enquête démontre pour la première fois l’ampleur des #retombées_radioactives qui ont frappé ce territoire vaste comme l’Europe. Elle dévoile également comment les autorités françaises ont tenté de dissimuler l’impact réel de cette campagne dévastatrice pour la santé des populations civiles et militaires.

    D’après nos calculs, environ 110 000 personnes ont été dangereusement exposées à la #radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels à l’époque.

    Le 18 février 2020, l’#Institut_national_de_la_santé_et_de_la_recherche_médicale (#Inserm) a publié un rapport très attendu sur « les conséquences sanitaires des essais nucléaires » en Polynésie française. Aux termes de cette étude, les auteurs concluent que les « liens entre les retombées des essais atmosphériques et la survenue de #pathologies_radio-induites » sont difficiles à établir, faute de données fiables. Et ces deniers de souligner l’absolue nécessité d’« affiner les estimations de doses reçues par la population locale et par les personnels civils et militaires ». C’est précisément ce que nous nous sommes efforcés de faire dans le cadre de cette #reconstitution indépendante. Bien loin de l’opacité et des mensonges que l’Etat s’efforce d’entretenir depuis un demi-siècle.

    https://moruroa-files.org/fr
    #Moruroa #cancers #nucléaire #Polynésie #France #essais_nucléaires #Polynésie_française #santé #thyroïde #Disclose #santé #environnement

  • #Rwanda : un document prouve l’ordre de la France de laisser s’enfuir les génocidaires

    Juillet 1994. Les principaux membres du gouvernement responsable du #génocide des #Tutsis sont dans une zone contrôlée par l’#armée_française. Leur arrestation est possible et même réclamée. Un document inédit, émanant du cabinet du ministre des affaires étrangères de l’époque, #Alain_Juppé, prouve aujourd’hui que la #France a préféré les laisser partir. Il est signé de l’actuel patron de la DGSE.

    L’#ordre_politique de laisser s’enfuir à l’été #1994 les principaux membres du gouvernement responsable du génocide des Tutsis au Rwanda, alors que leur arrestation était possible et même demandée, a été directement pris par le #gouvernement_français, selon un document inédit émanant du ministère des affaires étrangères.

    Le massacre des Tutsis du Rwanda, dernier génocide du XXe siècle, a fait près d’un million de morts en cent jours, entre avril et juillet 1994.

    Le document, dont Mediapart a pu prendre connaissance, apparaît vingt-cinq ans après les faits comme la pièce manquante de l’un des épisodes les plus sombres de la #responsabilité française dans la tragédie rwandaise.

    Il a été obtenu par le chercheur François Graner, auteur de plusieurs livres sur le Rwanda et membre de l’association Survie, qui a récemment pu accéder à des #archives inexplorées de la présidence Mitterrand grâce à une décision du Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative a mis fin, en juin dernier, à des années d’entraves orchestrées par les gardiens de la mémoire de l’ancien chef de l’État et de la politique de la France durant le génocide des Tutsis.

    Le document en question est un télégramme « confidentiel diplomatie » émis le 15 juillet 1994 par le cabinet du ministre des affaires étrangères de l’époque, Alain Juppé, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel, et adressé à l’ambassadeur #Yannick_Gérard, alors représentant du Quai d’Orsay auprès des militaires français envoyés au Rwanda dans le cadre de l’#opération_Turquoise.

    L’ambassadeur Gérard avait réclamé le jour même des « instructions claires » du gouvernement (pour lui et pour l’armée française) afin de procéder sur place à l’#arrestation des autorités qui, écrivait-il dans un télégramme, « portent une lourde responsabilité dans le génocide ». Le fait est que les principaux membres du gouvernement génocidaire, au premier rang desquels son président, #Théodore_Sindikubwabo, se trouvaient alors dans une zone intégralement contrôlée par l’armée française, à proximité du Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo), pays frontalier du Rwanda.

    « Nous n’avons pas d’autre choix, quelles que soient les difficultés, que de les arrêter ou de les mettre immédiatement en résidence surveillée en attendant que les instances judiciaires internationales compétentes se prononcent sur leur cas », soulignait le haut fonctionnaire, conscient d’avoir des génocidaires identifiés à portée de main.

    La réponse du gouvernement français fut pourtant à l’exact opposé de la requête de l’ambassadeur Gérard. Dans le télégramme du 15 juillet, rédigé à 18 h 22 et adressé à « Yannick Gérard seul », le cabinet du ministre Juppé donne ainsi pour instruction de transmettre aux autorités génocidaires « notre souhait qu’elles quittent » la #zone_contrôlée par les forces armées françaises.

    Le message à transmettre semble si délicat que le cabinet Juppé demande à son ambassadeur de ne pas s’entremettre personnellement avec les génocidaires. « Vous pouvez en revanche utiliser tous les canaux indirects et notamment vos contacts africains, en ne vous exposant pas directement », peut-on lire dans le télégramme, qui a d’ailleurs pour titre : « Le département vous autorise à passer notre message de manière indirecte ».

    « Vous soulignerez que la communauté internationale et en particulier les Nations unies devraient très prochainement déterminer la conduite à suivre à l’égard de ces soi-disantes autorités », précise encore le télégramme, qui, insistant de la sorte sur une décision à venir de la communauté internationale, offre un #sauf-conduit au gouvernement génocidaire pour quitter sans la moindre anicroche le territoire sous contrôle français. Et passer au #Zaïre.

    Le document porte la signature « #EMIE ». Il s’agit de #Bernard_Émié, l’actuel directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l’un des principaux #services_secrets français, qui était à l’époque conseiller d’Alain Juppé au ministère des affaires étrangères, avant de rejoindre l’Élysée sous la présidence de Jacques Chirac.

    Sollicité par Mediapart, Alain Juppé a fait savoir qu’il ne souhaitait pas répondre à nos questions. Également sollicité, Bernard Émié n’a, pour sa part, pas donné suite.

    Un quart de siècle après la tragédie rwandaise, il n’y a aujourd’hui pas de doute sur le fait que la France savait qui étaient les organisateurs et commanditaires du génocide, et où ils se trouvaient. C’est donc en toute connaissance de cause que le gouvernement et l’Élysée les ont laissés filer.

    D’innombrables documents et témoignages, obtenus depuis des années par des historiens, des journalistes ou des juges, ont déjà largement permis de documenter que la France avait connaissance d’un génocide en préparation avant que celui-ci n’ait lieu et qu’elle a maintenu un soutien indéfectible aux autorités en cause quand le pire a commencé.

    Cela est si vrai que le gouvernement génocidaire, constitué au lendemain d’un attentat ayant tué le président #Habyarimana, jugé trop modéré par la frange la plus radicale du pouvoir hutu, a été formé, le 8 avril 1994, dans les locaux mêmes de l’#ambassade de France à Kigali, sous le nom de « #gouvernement_intérimaire_du_Rwanda » (#GIR).

    C’est un certain Théodore #Sindikubwabo, ancien président de l’Assemblée nationale, qui sera choisi pour diriger le pays avant que celui-ci ne s’enfonce dans les ténèbres. Pédiatre de formation, Sindikubwabo est considéré comme l’un des commanditaires du génocide, soupçonné d’avoir personnellement incité aux #massacres – notamment à l’occasion d’un discours retransmis le 19 avril sur Radio Rwanda – et d’avoir démis de leurs fonctions les préfets et autorités qui ne tuaient pas assez.

    Sindikubwabo fait partie des responsables politiques du génocide qui ont pu rallier le Zaïre en juillet 1994 avec l’aval du gouvernement français. Il est mort en 1998 dans des circonstances mal connues et sans jamais avoir été inquiété pour ses crimes.

    L’ordre de Juppé, l’ombre de Védrine

    Il existe dans les archives disponibles la trace d’un contact, en mai 1994, entre Sindikubwabo et le général #Christian_Quesnot, le chef d’état-major particulier du président de la République. Dans une note du 6 mai écrite à l’attention de #François_Mitterrand, après son échange avec le nouveau chef de l’État génocidaire – les massacres ont débuté un mois plus tôt –, le militaire indique que le dignitaire rwandais le « remercie » pour tout ce qu’il a « fait pour le Rwanda ».

    Dans ses commentaires personnels à la fin du document, le général Quesnot préconise alors d’appuyer, même au prix d’une « #stratégie_indirecte », le pouvoir rwandais face aux forces armées tutsies. Le général Quesnot dit, en effet, craindre l’établissement d’un « #Tutsiland » (sic), le tout « avec l’aide anglo-saxonne et la complicité objective de nos faux intellectuels remarquables relais d’un lobby tutsi auquel est également sensible une partie de notre appareil d’État ». Le document est annoté de la main du secrétaire général de la présidence de la République, #Hubert_Védrine, d’un mot : « Signalé ».

    Pourtant, sur le terrain, la diplomatie et les services de renseignements français ne cessent d’accumuler des éléments sur la responsabilité du gouvernement intérimaire dans le génocide.

    Un télégramme « confidentiel diplomatie » daté du 10 juillet 1994 de l’ambassadeur Gérard, également découvert par le chercheur François Graner grâce à la décision du Conseil d’État de juin dernier, évoque même « un témoignage digne de foi qui confirme la responsabilité collective et personnelle des autorités de #Gisenyi [le gouvernement génocidaire – ndlr] dans les massacres ». Le diplomate ajoute que, selon d’autres témoignages « directs et concordants », le président Sindikubwabo a personnellement appelé à plusieurs reprises à « l’élimination totale des Tutsis » et que l’une de ses ministres a, en particulier, réclamé le massacre « des femmes et des enfants ».

    Cinq jours plus tard, c’est donc en parfaite connaissance de cause que l’ambassadeur Gérard demande des « instructions claires » au gouvernement pour pouvoir mettre aux arrêts ou, au moins, en résidence surveillée les génocidaires.

    En vain.

    À Paris, la question de l’arrestation des membres du gouvernement génocidaire a pourtant été source de confusion au sommet de l’État, comme le prouvent plusieurs autres documents.

    Dans les archives de l’Élysée figure notamment la copie d’une dépêche émise depuis Paris, le 15 juillet en fin de matinée, par l’agence de presse Reuters sous un titre éloquent : « Paris prêt à arrêter les membres du gouvernement ». « Les membres du gouvernement intérimaire rwandais […] seront mis aux arrêts s’ils tombent aux mains de soldats de français dans la #zone_humanitaire_protégée par l’opération Turquoise », indiquait l’agence de presse internationale, qui disait tenir ses informations d’une « source autorisée à Paris ».

    Seulement voilà : une annotation manuscrite, inscrite par Hubert Védrine dans la marge de la dépêche imprimée par les services de l’Élysée, montre qu’il n’en était, en réalité, rien. « Lecture du Président : ce n’est pas ce qui a été dit chez le Premier ministre », peut-on lire sous la plume du secrétaire général de l’Élysée.

    Le document du cabinet Juppé sur l’ordre de laisser filer les génocidaires, daté lui aussi du 15 juillet, vient aujourd’hui conforter le soupçon d’un ministre des affaires étrangères, Alain #Juppé, en accord avec la politique élyséenne, bien qu’appartenant à un gouvernement de cohabitation dirigé par #Édouard_Balladur. Ce dernier fera d’ailleurs savoir à ce sujet, en 1998, qu’il « n’était pas question » aux yeux de Mitterrand « de châtier les auteurs hutus du génocide ». « Et il n’était pas question aux miens, ajoutait-il, de permettre à ceux-ci d’aller se mettre à l’abri au Zaïre ».

    C’est pourtant exactement ce qui s’est passé, et ce, sur ordre de son propre ministre Alain Juppé. Sur le terrain, l’#exfiltration est pilotée par le lieutenant-colonel #Jacques_Hogard, qui commande le groupement Sud-Turquoise au Rwanda, formé de troupes de la #Légion_étrangère.

    Dans un supplément spécial consacré aux opérations au Rwanda, la revue militaire Képi blanc a résumé des années plus tard la situation dans un style d’une raideur militaire qui ne fait guère dans la contorsion : « L’#EMT [#état-major_tactique] provoque et organise l’#évacuation du gouvernement de transition rwandais vers le Zaïre. »

    Le lieutenant-colonel #Hogard confirmera lui-même à plusieurs occasions les faits, notamment au journaliste David Servenay et à l’universitaire Gabriel Périès, auteurs du livre Une guerre noire (La Découverte). Dans cet ouvrage, le militaire raconte être allé voir en ces termes son homologue zaïrois pour lui parler des génocidaires qu’il s’apprêtait à laisser partir : « Vous ne fermez pas les #frontières, vous les laissez poreuses, je ne veux pas que vous empêchiez ces gens-là de partir, le Zaïre est grand, ils n’ont que ça pour partir. »

    Dès le 16 juillet, c’est-à-dire au lendemain du télégramme envoyé par le cabinet Juppé, le lieutenant-colonel Hogard rencontre le chef de l’État du Rwanda pour lui faire savoir que lui et ses hommes doivent – et peuvent – partir dans les vingt-quatre heures. Et c’est ainsi que la France escorte du Rwanda à la frontière zaïroise parmi les principaux responsables politiques du génocide.

    Un militaire de l’opération Turquoise, Guillaume Ancel, a raconté des années plus tard dans un livre (Rwanda, la fin du silence, éditions Belles Lettres) avoir vu le lieutenant-colonel Hogard quelque temps après cette scène. « Certes, il est convaincu que ce n’est pas notre rôle de rendre justice, mais escorter poliment des décideurs qui ont de terribles responsabilités dans les massacres et “du sang jusqu’au cou” le tourmente. Il aurait pu les arrêter, il aurait même pu les neutraliser, mais ses ordres ne lui laissaient pas le choix », a-t-il témoigné.

    Un document déclassifié de l’état-major de l’armée française confirme que les membres du gouvernement génocidaire « ont franchi la frontière rwando-zaïroise » le 17 juillet en fin de journée, « l’option clairement avouée étant de replier également le reste des #FAR [#forces_armées_du_gouvernement – ndlr] avec leur armement au Zaïre, afin de poursuivre la #résistance depuis ce pays ».

    En un mot : que les génocidaires soient à l’abri pour que le sang, lui, continue de couler.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/140221/rwanda-un-document-prouve-l-ordre-de-la-france-de-laisser-s-enfuir-les-gen
    #génocide #Quesnot #Balladur #Edouard_Balladur

    signalé par @arno : je mets ici le texte complet

    • Une guerre noire. Enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994)

      Au printemps 1994, au Rwanda, près d’un million de personnes ont été exterminées en quelques semaines. À un rythme trois fois plus élevé que le génocide des juifs d’Europe. Comment un tel crime de masse a-t-il été rendu possible ? Quelle est la responsabilité des grandes puissances occidentales et de la France, surtout, si proche des génocidaires ? Après quatre ans d’enquête, dans les archives du monde entier, sur le terrain, auprès des militaires français, rwandais et belges, à interroger diplomates et politiques, Gabriel Périès et David Servenay tentent de répondre à ces questions. À l’aide de témoignages inédits et de documents confidentiels, ils lèvent le voile sur l’une des origines secrètes du génocide rwandais : la doctrine française de la « guerre révolutionnaire ». Des opérations clandestines menées dans le « pré carré » au moment de la décolonisation, en passant par le trouble jeu du général De Gaulle, ils établissent la généalogie de ce qui fut pendant des décennies un véritable savoir-faire de l’armée française. Formalisé pendant la guerre d’Indochine et appliqué en Algérie, il a largement inspiré les dispositifs répressifs mis en place dans un grand nombre d’États africains… dont le Rwanda des années 1960. Et ce n’est pas le fruit du hasard si l’un des meilleurs élèves africains de la « guerre révolutionnaire » perpétra, plus de trois décennies plus tard, le dernier génocide du XXe siècle : hiérarchies politico-militaires parallèles, gardes présidentielles transformées en escadrons de la mort, action psychologique, quadrillage administratif et militaire des populations formèrent un système efficace susceptible de mobiliser toute une société au service du projet exterminateur de ses dirigeants. Cette histoire inconnue éclaire d’un jour nouveau la responsabilité de l’État français dans le génocide rwandais.

      https://www.editionsladecouverte.fr/une_guerre_noire-9782707149145

      #livre #Gabriel_PÉRIÈS #David_SERVENAY

    • Rwanda, la fin du silence. #Témoignage d’un officier français

      Au lourd secret qui entoure le véritable rôle de la France et de son armée lors du génocide des Tutsi au Rwanda, #Guillaume_Ancel oppose la vérité de ses carnets de terrain, témoignage des missions auxquelles il a participé durant l’opération Turquoise. La fin du silence est aussi le récit du combat mené par cet ancien officier pour faire savoir ce qui s’est réellement passé durant cet été 1994 et « rendre hommage, dignement, aux centaines de milliers de victimes rwandaises que nous n’avons pas su empêcher. »
      Officier de la Force d’action rapide, détaché au sein d’une unité de la Légion étrangère, le capitaine Ancel mène avec ses hommes des opérations d’extraction de personnes menacées. Sous couvert d’une opération humanitaire destinée à mettre fin aux massacres, cet officier comprend vite que la France soutient le gouvernement génocidaire rwandais dont elle a formé l’armée. Il décrit les errements de l’armée française, ballotée au gré de décisions politiques dont les motivations sont toujours tenues secrètes, les archives officielles restant inaccessibles. Ce témoignage dévoile également certains épisodes méconnus de cette opération « #humanitaire » durant laquelle l’armée française a tué. Parfois pour défendre, parfois pour des raisons moins avouables.

      https://www.lesbelleslettres.com/livre/3565-rwanda-la-fin-du-silence
      #opération_humanitaire

  • #Traducteurs_afghans. Une #trahison française

    Abandonnés par la France, l’histoire des tarjuman (traducteur, en langue dari) vient réveiller un sentiment amer, en écho avec tous les supplétifs laissés sans protection dans l’histoire des guerres de notre pays.

    En effet, la France a employé en Afghanistan quelques huit cents traducteurs, chauffeurs, physionomistes, manutentionnaires et logisticiens pour les épauler dans leurs missions. Colonne vertébrale de la stratégie visant à gagner les cœurs et les esprits, ils se sont mués en véritables soldats, engagés aux côtés de nos troupes par conviction, dans l’espoir d’un autre avenir pour leur pays. Mais, suite au retrait de nos forces à compter de 2012, la France a refusé d’accorder un visa à la majorité d’entre eux...

    Tous deux intimement marqués par les précédentes « trahisons » françaises, deux journalistes, Brice Andlauer et Quentin Müller, ont décidé d’aller enquêter sur le terrain. Ils en sont revenus avec un livre dénonciateur, « Tarjuman, enquête sur une trahison française » (éditions Bayard).

    Avec cette bande dessinée, ils veulent donner corps à trois des tarjuman qu’ils ont rencontrés et mettre en scène leur chemin de vie pour mieux dénoncer le refus qui a été initialement opposé à leur demande de protection.

    https://www.la-boite-a-bulles.com/work/306

    #BD #livre
    #Afghanistan #traducteurs #armée_française #Enduring_freedom #réinstallation #exil #migrations #jurisprudence #asile #justice #protection_fonctionnelle #Caroline_Decroix #interprètes #association_des_interprètes_afghans_de_l'armée_française

    –---

    voir aussi ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/359104

    ping @isskein

  • #Décolonisations : du sang et des larmes. La rupture (1954-2017) —> premier épisode de 2 (voir plus bas)

    Après huit années de conflits meurtriers, l’#Empire_colonial_français se fragilise peu à peu. La #France est contrainte d’abandonner l’#Indochine et ses comptoirs indiens. Les peuples colonisés y voient une lueur d’espoir et réalisent que la France peut-être vaincue. Les premières revendications d’#indépendance se font entendre. Mais la France reste sourde. Alors qu’un vent de liberté commence à se répandre de l’Afrique aux Antilles en passant par l’océan indien et la Polynésie, un cycle de #répression débute et la République répond par la force. Ce geste va nourrir des décennies de #haine et de #violence. Ce #documentaire, réalisé, à partir d’images d’archives, donne la parole aux témoins de la #décolonisation_française, qui laisse encore aujourd’hui des traces profondes.

    https://www.france.tv/france-2/decolonisations-du-sang-et-des-larmes/decolonisations-du-sang-et-des-larmes-saison-1/1974075-la-rupture-1954-2017.html
    #décolonisation #film_documentaire #colonialisme #colonisation #film

    #France #Indochine #Empire_colonial #FLN #Algérie #guerre_d'Algérie #guerre_de_libération #indépendance #François_Mitterrand #Algérie_française #Section_administrative_spécialisée (#SAS) #pacification #propagande #réformes #attentats #répression #Jacques_Soustelle #Antoine_Pinay #conférence_de_Bandung #Tunisie #Maroc #Gaston_Defferre #Cameroun #Union_des_populations_du_Cameroun (#UPC) #napalm #Ruben_Um_Nyobe #Ahmadou_Ahidjo #Milk_bar #armée_coloniale #loi_martiale #bataille_d'Alger #torture #haine #armée_française #Charles_de_Gaulle #paix_des_Braves #humiliation #camps #déplacement_des_populations #camps_de_déplacés #déplacés #internement #Madagascar #Côte_d'Ivoire #Guinée #Ahmed_Sékou_Touré #communauté_franco-africaine #liberté #Organisation_de_l'armée_secrète (#OAS) #17_octobre_1961 #accords_d'Evian #violence #pieds-noirs #rapatriés_d'Algérie #Harki #massacre #assassinats #déracinement #camp_de_Rivesaltes #invisibilisation #néo-colonialisme #ressources #gendarme_d'Afrique #Françafrique #Felix-Roland_Moumié #territoires_d'Outre-mer #Michel_Debré #La_Réunion #Paul_Vergès #Polynésie #Bureau_pour_le_développement_des_migrations_dans_les_départements_d'Outre-mer (#Bumidom) #racisme #Djibouti #Guadeloupe #Pointe-à-Pitre #blessure #mépris #crimes #mémoire

    –—

    Et à partir du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer... un mot pour désigner des personnes qui ont « bénéficier » des programmes :
    les « #Bumidomiens »
    –-> ajouté à la métaliste sur les #mots en lien avec la #migration :
    https://seenthis.net/messages/414225
    #terminologie #vocabulaire

    –—

    Une citation de #Jean-Pierre_Gaildraud, qui dit dans le film :

    « Nous étions formatés dans une Algérie française qu’il ne fallait pas contester. C’était ces rebelles, c’étaient ces bandits, ces égorgeurs qui menaçaient, qui mettaient en péril une si belle France. En toute bonne foi on disait : ’La Seine traverse Paris comme la Méditerranée traverse la France’ »

    –---

    « Il faut tourner une page et s’abandonner au présent. C’est sûr, mais comment tourner une page quand elle n’est pas écrite ? »

    Hacène Arfi, fils de Harki