« Le Point » franchit le mur du néocon
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Peu connu pour sa hantise du conservatisme, la une du Point du 28 novembre dénonçant « les néocons » à la française est pourtant une véritable couverture du newsmagazine.
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Au début on pense à un faux, à une facétie du groupe Jalons pour charrier l’hebdomadaire le Point, à une autoparodie de ses couvertures sur l’immigration ou de son récent panégyrique de l’Identité malheureuse, d’Alain Finkielkraut, le penseur bâillonné le plus assourdissant de France. Mais non, il faut bien s’y résoudre, la une du Point du 28 novembre dénonçant « les néocons » à la française, où se voient mêlés dans un même torrent d’amalgames excommunicateurs Patrick Buisson et Arnaud Montebourg, Eric Zemmour et Emmanuel Todd, Marine Le Pen et Régis Debray, est une véritable couverture du newsmagazine, jusqu’ici peu connu pour sa hantise du conservatisme.
A en croire le dossier, une tornade souverainiste, antieuropéenne, antimondialiste et, horresco referens, protectionniste, ravagerait désormais les esprits, mélangeant vicieusement ligne d’extrême gauche (anticapitalisme, haine des riches) et supposées obsessions d’extrême droite (nationalisme, éloge des frontières), préparant en tout cas les esprits au pire, en l’occurrence à l’accession au pouvoir du Front national. Eclaboussé au passage, le philosophe Jean-Claude Michéa, auteur d’Impasse Adam Smith, dont la critique de la gauche libérale menée depuis quinze ans est ravalée à la seule admiration qu’il est censé inspirer à un Zemmour. Calomnié, Emmanuel Todd, qui ne chercherait « plus à cacher sa proximité de pensée en matière économique avec Mme Le Pen ». Insultés, Chevènement et Montebourg, dépeints comme deux socialistes en eaux troubles, pour l’un depuis toujours, pour l’autre depuis le port d’une certaine marinière.
Réseaux sociaux et victimes ont réagi rapidement, en dénonçant une liste mêlant carpes anti-immigrés et lapins anticapitalistes, dévoyant par ailleurs totalement le sens du mot « néocon », traditionnellement utilisé pour désigner les faucons américains et leurs émules, mêlant le vœu de déréguler l’économie à un interventionnisme militaire à tout-va. Mais, au fond, là n’est pas la question. Sous le faux négligé de la liste, sous les incohérences de surface du dossier, salissant Todd et épargnant comiquement Finkielkraut, c’est au contraire la cohérence profonde de l’offensive qui frappe. Un bel exemple de guerre culturelle gramscienne. Ne se trouvent en effet ici épargnés que les tenants du libre-échange, ceux qui se tiennent prudemment loin de toute critique sociale. Se trouvent en revanche fascisés tous ceux qui d’une façon ou d’une autre cherchent à réhabiliter l’idée nationale contre l’ordre néolibéral et la Banque centrale européenne. Tous ceux qui ne veulent pas abandonner la nation au droit du sang, mais rappeler qu’elle est le levier même de la souveraineté populaire.
Double effet ravageur de ce genre d’expédition punitive dans un contexte français déjà inquiétant : tandis que la xénophobie, véritable marqueur de l’extrême droite, se voit ici largement dédouanée, la percée enfin opérée depuis quelques années par quelques-uns des plus lucides intellectuels français se voit, elle, diabolisée.
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