• La patate souffre de la #chaleur et provoque une #guerre_de_l’eau

    Les quelque 4000 producteurs suisses de pommes de terre font face depuis trois ans à des récoltes médiocres. La patate a besoin d’eau en été. Elle est frappée de plein fouet par des mois estivaux brûlants. La tension monte autour de l’usage de l’or bleu.

    En Suisse la patate est sacrée. Pensez aux röstis ! Et un pique-nique ne va pas sans un bon paquet de chips. De leur côté, les paysans suisses aiment aussi la patate. Quand tout se déroule bien, elle offre un rendement inégalable aux agriculteurs du Plateau suisse. Cela, en retour d’un investissement de 10’000 francs pour en cultiver un hectare.

    « La pomme de terre est une championne dans sa capacité à transformer le soleil en calories et elle a l’avantage de pouvoir être consommée directement », commente Patrice de Werra, spécialiste de la pomme de terre à l’Agroscope, le centre de compétence de la Confédération dans le domaine de la recherche agronomique.

    Autre signe distinctif ? Elle nécessite de l’eau, bien plus que le blé ou le maïs doux, par exemple. Et le précieux liquide doit arriver au bon moment, c’est-à-dire en été, au moment où la pomme de terre – celle utilisée pour faire des frites et des chips – déploie ses tubercules dans la terre. Or les épisodes caniculaires se sont succédé depuis 2021. Et la patate ne pousse plus au-delà de 30 degrés. Pour ne rien arranger, la pluie est parfois tombée à contretemps, comme en été 2021, entravant la mise en terre des plants.

    « L’ennemi numéro un de la patate, ce sont les extrêmes climatiques », résume Niklaus Ramseyer, secrétaire général de l’Union suisse des producteurs de pommes de terre (USPPT). Les rendements de la généreuse patate ont baissé sensiblement, avec dans certains cas des pertes de 40%. Il a fallu importer des stocks des pays voisins. Plus de 50’000 tonnes en 2021, où la récolte a connu les plus mauvais rendements depuis le début du siècle avec 380’000 tonnes produites, contre plus de 500’000 tonnes les bonnes années. L’accumulation de ces mauvaises saisons commence à peser sur le moral des agriculteurs. Au point que certains envisagent même d’abandonner la pomme de terre.
    Des sécheresses au pays de l’eau

    Au cœur de cette culture, on trouve la question de l’eau, dans un pays qui est pourtant considéré comme le château d’eau de l’Europe. « C’est un grand problème », reconnaît Niklaus Ramseyer, membre de l’Union suisse des producteurs de pommes de terre (USPPT). « Nous avons plus de pluie en hiver et moins en été. Si le niveau d’eau d’une rivière baisse, les paysans qui utilisent des eaux de surface peuvent voir cette source fermée par les autorités », résume-t-il. L’USPPT milite pour la mise en place de systèmes d’arrosage partout où cela est possible. Environ 45% des exploitations ne disposent pas d’une telle ressource. « Seule une fraction d’entre elles pourront s’équiper », précise Patrice Werra, pour des raisons liées à la déclivité du terrain et à la proximité des sources.

    Niklaus Ramseyer milite pour trouver de nouvelles solutions. « On pourrait, par exemple, utiliser les barrages pour conserver de l’eau en hiver afin de mieux irriguer en été », suggère-t-il. Les paysans peuvent aussi tester des espèces plus robustes, planter des variétés plus précoces. Dans tous les cas, les producteurs défendent bec et ongles la culture de la patate. « Nous voulons répondre à la demande, qui est forte. Et nous sommes opposés aux importations. Le plus important, c’est que les surfaces d’exploitation de la pomme de terre ne baissent pas », martèle Niklaus Ramseyer. Qui rappelle que la Suisse possède de bonnes terres et bénéficie d’assez de pluie pour cette culture.

    Un pays où l’eau n’est pas comptée

    « On aura toujours assez d’eau en Suisse, mais pas forcément au bon endroit et pas au bon moment », réagit Bettina Schaefli, professeure d’hydrologie à l’Université de Berne. Cette situation de pénurie estivale est un fait nouveau dans un pays où il y a quelques dizaines d’années, l’arrosage des patates était rare. La scientifique prévoit que des arbitrages devront avoir lieu dans les régions, avec une priorité pour l’agriculture, puisqu’elle nous nourrit. Une juste répartition de l’eau entre agriculture, industrie et usage privé devra se fonder sur des chiffres. Or la Suisse ne compte pas son or bleu. « Les agriculteurs doivent fournir des statistiques sur tout ce qu’ils font, sauf concernant l’usage de l’eau », regrette Bettina Schaefli. Qui s’empresse de préciser que les paysans ne gaspillent pas cette ressource, dont l’usage coûte.

    Les barrages viendront-ils à l’aide de la pomme de terre ? L’hydrologue estime qu’il s’agit de deux questions séparées, du fait de l’éloignement de ces deux activités. « Le facteur principal, c’est la pluie et la neige », dit-elle. Dans tous les cas, le futur de la patate suisse est incertain. La longueur et l’intensité des périodes caniculaires, la baisse de la pluviosité en été et l’évaporation vont réduire les volumes d’eau disponibles pendant les périodes vitales. « Le défi concerne toute la culture maraîchère, qui a besoin d’encore plus d’eau que la patate. Quant à la pomme de terre, si le dérèglement climatique s’emballe, elle risque de devenir un produit de luxe dans 70 ans. Dans cent ans, elle est susceptible de disparaître », prévoit Patrice de Werra. Les paysans suisses se tourneront vers une agriculture moins gourmande en eau, comme la culture du maïs doux ou des lentilles. « Ils savent s’adapter, tandis que des pays comme la Russie, par exemple, gagneront des terres cultivables », conclut-il.

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/la-patate-souffre-de-la-chaleur-et-provoque-une-guerre-de-leau

    #patates #pommes_de_terre #eau #Suisse #sécheresse #climat #changement_climatique #agriculture #canicules #rendements #arrosage #pluie #neige #pluviosité #évaporation #maraîchage

  • Pénurie d’eau : quand les VIP explosent les compteurs de nos villages - Vakita
    https://www.vakita.fr/fr/enquetes/secheresse-vip

    C’est l’histoire d’un village, celui de Châteauneuf-Grasse, situé dans le département des Alpes-Maritimes, et qui est aujourd’hui un des symboles de la crise de l’#eau en France. Car avec ses 3 000 habitants, cette petite bourgade au coeur de l’arrière-pays niçois, est l’une des communes qui comptent le plus de piscines individuelles. Mais pas seulement. Car elle accueille, aussi, les propriétés de quelques très, très grandes fortunes, comme celle de la famille de l’ex-Premier ministre italien Silvio Berlusconi. 

    Bref, alors que la consommation d’eau moyenne pour un couple en France, avec deux enfants, est de 120 m3 par an, celle des habitants de Châteauneuf-Grasse va du triple (360 m3), quand celle de ses résidents ultras-ruches s’envole à 2 000 m3... par semaine ! La chambre d’agriculture a calculé cette surconsommation d’une poignée de grands portefeuilles : elle est équivalente à celle de TOUS les maraîchers des Alpes-Maritimes. Rien que ça. 

    Pour comprendre ce qui se trame dans cet avant-poste de la sécheresse en France, Allan Henry s’est rendu sur place et a tendu son micro au maire de la commune, impuissant face à des VIP qui se fichent des arrêtés de restrictions d’eau, mais aussi à un maraîcher du coin, qui subit, de son côté, les coupures d’eau en pleine récolte...

    édit : dsl, l’avais mis là pour le visionner mais c’est #paywall je ne sais pas si ils en restent à l’aspect piscine (comme le fait le maire dans l’extrait, vu sur l’oiseau mort et que je ne retrouve que sur TIk T0k). ce serait court mais pas du tout impossible. le géant de Vakita est Régis ­Lamanna-Rodat (Winter Productions), producteur de Léa Salamé (qui lui a filé le plan après un séjour à Châteauneuf-Grasse ?)

    edit again : le patron, c’est Hugo Clément ...

    la théorie mobilisatrice (mais aussi débile) des 1% progresse

    #accapareurs #écologie

  • Sécheresse : L’Allondon bientôt vidée de son eau ? Le Courrier - 11 octobre 2017 - Camille Pagella

    La rivière franco-suisse a atteint cet été son plus faible débit jamais enregistré. Les associations de pécheurs incriminent le pompage abusif des golfs et des centres équestres.

     « L’Allondon, j’ai appris à nager dedans, c’est impossible d’imaginer cela aujourd’hui. » Roger Matty, président de l’Association des pécheurs du Pays de Gex, se désole. Et pour cause, l’Allondon a atteint en août son plus faible débit jamais enregistré pour cette période de l’année. Son homologue suisse, le président de la Fédération des sociétés de pêche genevoises (FSPG), Christophe Ebener, a, lui, interpellé le président du Conseil d’Etat, François Longchamp, il y a un mois. « Nous sommes atterrés de constater que le captage des petits cours d’eau en France voisine n’a toujours pas été sérieusement considéré par l’administration genevoise », signe-t-il.


    D’après les associations de pécheurs, les responsables de cet assèchement seraient à aller chercher de l’autre côté de la frontière. « Il y a huit golfs et plusieurs centres équestres qui bordent la rivière du côté français et qui pompent de très grandes quantités d’eau dans les nappes d’accompagnement ou dans les sources des affluents de l’Allondon, et cette situation n’est pas nouvelle », dénoncent d’une même voix Christophe Ebener et Roger Matty.

    Mesures exceptionnelles
    Cette année, le problème a pris une autre dimension. Pour lutter contre le manque de pluie et la chaleur caniculaire de l’été, le département de l’Ain avait décidé l’interdiction du pompage de l’eau dans tout le Pays de Gex, à l’exception de l’eau destinée à être bue. « Nous avons fait face à une sécheresse exceptionnelle cette année, il a fallu donc prendre des mesures tout autant exceptionnelles », explique Guillaume Marsac, directeur général adjoint de la Communauté de communes du Pays de Gex et hydrogéologue de profession.

    Malgré cet arrêté préfectoral, les pécheurs , d’une part et d’autre de la frontière, accusent les golfs d’avoir continué à pomper dans les nappes d’accompagnement de l’Allondon, préférant recevoir une amende plutôt que d’arrêter d’arroser leurs greens. Une version que corrobore en partie Guillaume Marsac : « Nous avons été témoins d’un certain nombre d’infractions que nous avons immédiatement dénoncées à la Police de l’eau. Les personnes incriminées ont reçu des amendes pour non-respect du code de l’eau. » Il tempère toutefois : « La première responsable de l’assèchement de l’Allondon est la sécheresse elle-même, la crise est principalement liée à l’absence de précipitations. »

    Le Léman à la rescousse ?
    Les golfs contactés se renvoient la responsabilité entre eux ou pointent du doigt l’eau utilisée par l’agriculture. « Cela fait vingt ans qu’il y a des problèmes d’eau dans la région et les golfs sont toujours les premiers incriminés, car notre sport est mal vu. Mais il ne faut pas oublier qu’il est important pour notre région et qu’il y génère plus d’emplois que l’agriculture », dénonce le propriétaire d’un golf du Pays de Gex.

    Alors comment régler cette situation ? Christophe Ebener et Roger Matty ont un vœu pieux : que le lac Léman puisse être relié au Pays de Gex d’une manière ou d’une autre. Une solution pas irréaliste, selon Gilles Mulhauser, directeur général de l’eau du canton de Genève et cosecrétaire de la Commission transfrontalière de l’eau : « En ce moment, nous faisons un inventaire global et exhaustif de toutes les sources en eau de la région et de leur volume pour explorer toutes les possibilités. A terme, nous pourrions utiliser les plus grosses sources comme le lac pour pallier le déficit des plus petites ou, du moins, trouver des mesures intermédiaires qui concerneraient les gros utilisateurs d’eau comme les lieux de loisirs ou l’agriculture. »

    #EAU #golfs #centres_équestres #Agriculteurs #France #Suisse #Gaspillage #Arrosage