• « Les Syriens ont des craintes, mais sont heureux pour la première fois depuis des décennies »

    De la Syrie nous n’avons trop souvent que des images éparses. Celles d’un régime sanguinaire en place pendant cinq décennies, qui fut longtemps un partenaire privilégié de la France ; les images des révolutions populaires de 2011 réprimées dans le sang par l’ancien pouvoir ; la destruction des plus grandes villes du pays sous les bombes de #Bachar_al-Assad et des Russes ; les images des djihadistes de l’État islamique, ceux qui ont fomenté des attentats en France depuis la ville de Raqqa, dont le groupe terroriste avait fait sa capitale.

    Depuis une semaine, nous voyons désormais d’autres clichés, ceux d’un peuple en joie d’avoir renversé le tyran. Mais aussi les portraits des nouveaux maîtres de la Syrie, biberonnés au djihadisme, et dont nous ne savons pas quoi penser.

    Et puis il y a des images manquantes, celles de ces dizaines ou centaines de milliers de fantômes, des opposant·es, des artistes, des intellectuel·les ou des manifestant·es, embastillé·es et disparu·es : des noms sur des registres, dont les familles recherchent aujourd’hui les traces dans les sous-sols des prisons du régime.

    Qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie ? Quel peut être l’avenir du pays dans un Moyen-Orient en plein bouleversement ? Les Syriennes et les Syriens dont les proches ont été tué·es ou torturé·es par le régime connaîtront-ils un jour la vérité ? Obtiendront-ils justice ?

    Nos invité·es :

    - Sana Yazigi, créatrice du site Mémoire créative de la révolution syrienne (https://creativememory.org), autrice de Chroniques de la révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015 (Presses de l’Ifpo) : https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0 ;
    - Hanane et Obeida Dabbagh, proches de disparus syriens, qui ont obtenu la condamnation à perpétuité de trois officiels de l’ex régime syrien pour complicité de crimes contre l’humanité, en mai 2024 ;
    - Ziad Majed, politiste, enseignant à l’université américaine de Paris, auteur de Syrie, la révolution orpheline et coauteur de Dans la tête de Bachar al-Assad (éditions Actes Sud) : https://www.actes-sud.fr/dans-la-tete-de-bachar-al-assad ;
    – Gilles Dorronsoro, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique, coauteur de Syrie. Anatomie d’une guerre civile (éditions du CNRS) : https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    https://www.youtube.com/watch?v=NWXnsQRUtyo


    #Syrie #peur #statues #prisons #système_carcéral #Assad #surveillance #torture #dictature #terreur #clientélisme #clan #solidarité_de_corps #Russie #Iran #atrocités #répression #disparus #renaissance #armes_chimiques #justice #purge #colère #poursuites_judiciaires #HTS #Tahrir_al-Sham #al-Julani #Abu_Mohammad_al-Julani #sanctions #Kurdes #Turquie #souveraineté #Israël #Etat_islamique #Golan #USA #Etats-Unis #influences_étrangères #auto-détermination #complexité #kurdes_syriens #fédéralisme #baasisme #constitution #élections #bases_américaines #milices_turques #libération #procès #crimes_contre_l'humanité #affaire_Dabbagh #prisons_syriennes #destruction_des_corps #arrestations #résistance #révolution_syrienne #impunité #amnistie #détention #charniers #massacres #prisons_secrètes #tortionnaires

    • Creative memory

      Mémoire Créative est un projet à but non lucratif qui vise à documenter, archiver et protéger les œuvres et les événements de l’#oubli, de la #négligence et du #déni. Il s’agit là d’un engagement effectué dans la volonté de témoigner de l’effervescence culturelle et artistique née de la révolution syrienne. Celui-ci s’effectue dans un contexte instable de guerre, de destruction et de remodelage du tissu social. Le projet vise à témoigner, en ces temps troubles, de la construction d’une mémoire de sa révolution ainsi que de la création d’un patrimoine et d’une nouvelle identité culturelle, sociale et politique.

      Toutes les œuvres sont documentées sur le site telles qu’elles sont mentionnées dans leurs sources originales, avec les auteurs respectifs et tous les détails adhérents, y compris les éventuelles erreurs linguistiques. Des liens présents sur notre site, actifs au moment de l’archivage des sources y correspondant, peuvent avoir été désactivés, et ce pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous ne sommes donc pas responsables des suppressions des sources, des modifications et des erreurs qui se produisent après l’archivage.

      https://creativememory.org/fr/archive
      #archive #mémoire #culture #art #caricatures #dessins_de_presse #art_et_politique

    • Chroniques de la #révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015

      Ce livre est une invitation à explorer un pays qui, pris dans une spirale de #violence inouïe, est fragmenté au point d’être devenu étranger à lui-même. Il présente, sous forme documentaire, cinquante villes, villages, communes, banlieues et quartiers syriens qui se sont révoltés en 2011. Ces Chroniques reviennent sur le début du mouvement de révolte, ses vecteurs de mobilisation et ses dynamiques internes. Elles témoignent que le soulèvement initié en mars 2011 a généré une importante créativité et un monde d’initiatives et de projets sociétaux.

      https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0
      #livre #révolution

    • Syrie. Anatomie d’une #guerre_civile

      Voici la première étude sur la guerre civile syrienne faite à partir d’entretiens réalisés en Syrie même et dans les pays voisins.

      #2011 : des centaines de milliers de Syriens de toutes confessions et origines ethniques manifestent pacifiquement pour réclamer la démocratisation du régime. Au bout de quelques mois, la violence de la répression les contraint à prendre les armes et à organiser une contre-société avec des institutions embryonnaires et à regrouper des unités militaires improvisées au sein de l’Armée syrienne libre.

      Après 2013, cette logique inclusive et unanimiste cède progressivement devant la montée des groupes transnationaux comme le PKK et l’État islamique. L’insurrection se fragmente alors avec une polarisation croissante alimentée de l’extérieur. Les groupes les plus modérés sont marginalisés au profit de l’islam politique qui prend des formes de plus en plus radicales et de revendications ethno-nationales kurdes.

      Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l’économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l’insurrection, le PKK et l’État islamique ?

      Un livre unique qui combine une recherche de terrain – rare sur le confit syrien – et une réflexion théorique novatrice sur les situations de guerre civile.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    • Affaire Dabbagh

      L’affaire Dabbagh est une affaire criminelle concernant la disparition forcée et la mort sous la torture de #Mazzen_Dabbagh, conseiller principal d’éducation au Lycée français de Damas, et de son fils, #Patrick_Dabbagh, étudiant. Tous deux sont des citoyens franco-syriens, arrêtés à leur domicile à Damas en 2013 par les services de renseignement, victimes de disparition forcée pendant 5 années puis déclarés mort en 2018 par les autorités syriennes.

      En 2024, trois dignitaires syriens sont reconnus coupables de complicité de crime contre l’humanité par la justice française pour l’arrestation arbitraire, la torture et la privation de la vie de Mazzen et Patrick Dabbagh.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Dabbagh

  • #Gaza : l’#ONU déclare #Israël coupable d’#extermination, un #crime_contre_l’humanité

    Ce #rapport récent de l’ONU, véritable bréviaire d’#horreurs qui surpassent les « #atrocités » alléguées du 7 octobre tant en nature qu’en ampleur, malgré les dénégations de certains, accuse Israël d’#extermination_méthodique à Gaza, créant délibérément des conditions de vie visant à entraîner la #destruction du #peuple_palestinien en tant que groupe. Les responsables et médias occidentaux, qui continuent de parler de « #guerre » alors qu’il s’agit d’un #cas_d’école de #génocide, sont complices, œuvrant à invisibiliser le plus grand crime du siècle.

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    Nations Unies

    Assemblée générale
    11 septembre 2024

    Soixante-dix-neuvième session
    Point 71 de l’ordre du jour provisoire (A/79/150)
    Promotion et protection des droits de l’homme

    Rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël

    Source : ONU

    Traduction Alain Marshal

    Note du Secrétaire général

    Le Secrétaire général a l’honneur de transmettre à l’Assemblée générale le rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, présenté conformément à la résolution S-30/1 du Conseil des droits de l’homme.

    Résumé

    La Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, soumet par la présente son troisième rapport à l’Assemblée générale. Le rapport examine le traitement des détenus et des otages ainsi que les attaques contre les installations et le personnel médicaux entre le 7 octobre 2023 et août 2024.

    Note du traducteur

    Dans ce rapport comme dans d’autres, les Palestiniens emprisonnés par les « forces de sécurité israéliennes » sont qualifiés de « détenus », même lorsqu’il s’agit d’arrestations arbitraires voire d’enfants, et les Israéliens capturés par les « groupes armés palestiniens » sont qualifiés d’ « otages », même quand il s’agit de soldats. Ce ne sont là que deux exemples de nombreux biais persistants qui amènent à prendre pour argent comptant la propagande israélienne génocidaire et à recycler ses éléments de langage, voire à renvoyer dos à dos une puissance régionale occupante et un peuple colonisé. Les crimes d’extermination et de génocide étaient flagrants dès la fin 2023, mais il a fallu attendre septembre 2024 pour que l’ONU puisse l’établir, uniquement parce qu’il s’agit d’Israël. Nous protestons contre cette conception dévoyée de « l’équité », omniprésente en Occident, et opposons à la partialité inavouée qui fait la part belle au récit israélien notre parti pris assumé pour les droits du peuple palestinien, qui nous a notamment valu une exclusion de la CGT. Par conséquent, nous ne traduisons pas les sections de ce rapport consacrés aux « crimes » imputés aux Palestiniens (20 paragraphes sur un total de 115), marquées par des ellipses entre crochets et identifiables avec la numérotation des paragraphes. Au sujet de la présence de ces biais jusque dans les rapports de l’ONU, lire Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre le Hamas sont infondées.

    I. Introduction et méthodologie

    1. Dans ce rapport, la Commission résume ses conclusions factuelles et juridiques concernant les attaques menées depuis le 7 octobre 2023 contre des installations et du personnel médicaux, ainsi que le traitement des détenus sous la garde d’Israël et des otages détenus par des groupes armés palestiniens. Il s’agit du deuxième rapport de la Commission sur les attaques survenues à partir du 7 octobre 2023 [1] — [Note du traducteur : nous ne traduisons pas les notes de bas de page, mais laissons leur numéro pour permettre de s’y référer dans le document original].

    2. La Commission a adressé neuf demandes d’informations et d’accès au gouvernement israélien, deux demandes d’informations à l’État de Palestine et une au ministère de la Santé à Gaza. L’État de Palestine et le ministère de la Santé à Gaza ont répondu, tandis qu’aucune réponse n’a été reçue de la part d’Israël.

    3. La Commission a appliqué la même méthodologie et le même niveau de preuve que lors de ses enquêtes précédentes [2]. Elle a consulté de multiples sources d’information, recueilli des milliers de documents en source ouverte et mené des entretiens, à distance comme en personne, avec des victimes et des témoins. Les matériaux en source ouverte ont été collectés conformément aux normes internationales de préservation des contenus en ligne et aux règles d’admissibilité des preuves numériques. Lorsque cela était nécessaire, ces matériaux ont été vérifiés par recoupement avec un large éventail de sources fiables et enrichis par des examens médico-légaux avancés. Ces derniers incluent l’authentification de supports visuels, l’analyse de la géolocalisation et de la chronolocalisation, l’extraction des métadonnées et la reconnaissance faciale.

    II. Cadre juridique applicable

    4. La Commission rappelle que le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Gaza, ainsi que le Golan syrien occupé, sont actuellement sous occupation belligérante par Israël. Cette situation est régie simultanément par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. [3] La Commission constate qu’Israël continue d’occuper Gaza, comme l’a confirmé la Cour internationale de justice en juillet 2024 [4], et qu’il a rétabli sa présence militaire dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. [5] En tant que puissance occupante, Israël est tenu de respecter les obligations découlant de la quatrième Convention de Genève, du droit international coutumier et du Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

    5. Dans son analyse juridique, la Commission s’est appuyée sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice dans l’affaire Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Dans cet avis, la Cour a conclu que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien occupé était illégale, en raison de l’exploitation constante de sa position de puissance occupante, de l’annexion et de l’imposition d’un contrôle permanent sur ce territoire, ainsi que du refus persistant de reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination [6]. La Commission exposera ses recommandations sur les modalités de mise en œuvre de cet avis consultatif dans un document de synthèse juridique. Les conclusions de l’enquête présentées dans ce rapport seront également utilisées dans des affaires portées devant la Cour, notamment l’affaire Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël).

    Lire à ce sujet la Plaidoirie de l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice : le comportement génocidaire d’Israël à Gaza et les intentions génocidaires d’Israël à Gaza

    III. Constatations factuelles [7]

    A. Attaques contre les installations et le personnel médicaux

    6. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre le 7 octobre 2023 et le 30 juillet 2024, Israël a mené 498 attaques contre des établissements de santé dans la bande de Gaza. Ces attaques ont causé directement la mort de 747 personnes et blessé 969 autres, touchant au total 110 installations [8]. L’OMS rapporte que 78 % des attaques survenues entre le 7 octobre 2023 et le 12 février 2024 ont été effectuées par la force militaire, 35 % ont consisté en des entraves à l’accès, et 9 % en des opérations militarisées de recherche et de détention. Ces attaques étaient généralisées et systématiques, débutant dans le nord de la bande de Gaza (d’octobre à décembre 2023), se poursuivant dans le centre (de décembre 2023 à janvier 2024), le sud (de janvier à mars 2024) et d’autres zones (d’avril à juin 2024). Les forces de sécurité israéliennes ont justifié ces attaques en affirmant que le Hamas utilisait les hôpitaux à des fins militaires, notamment comme centres de commandement et de contrôle.

    7. Les forces de sécurité israéliennes ont mené des frappes aériennes contre des hôpitaux, causant d’importants dégâts aux bâtiments et aux environs, ainsi que de nombreuses victimes. Elles ont encerclé et assiégé les locaux hospitaliers, empêché l’entrée de marchandises et de matériel médical, ainsi que la sortie et l’entrée de civils. Elles ont ordonné des évacuations tout en empêchant des évacuations sécurisées, et ont mené des raids dans les hôpitaux, procédant à l’arrestation de membres du personnel hospitalier et de patients. De plus, elles ont entravé l’accès des agences humanitaires.

    8. D’après le ministère de la Santé à Gaza, 500 membres du personnel médical ont été tués entre le 7 octobre 2023 et le 23 juin 2024 [9]. La Société du Croissant-Rouge palestinien a rapporté que 19 membres de son personnel ou bénévoles avaient été tués depuis le 7 octobre, tandis que de nombreux autres ont été détenus et attaqués. Les membres du personnel médical ont déclaré qu’ils estimaient avoir été intentionnellement pris pour cible.

    9. Des centaines de membres du personnel médical, dont trois directeurs d’hôpitaux et le chef d’un service orthopédique, ainsi que des patients et des journalistes, ont été arrêtés par les forces de sécurité israéliennes dans les hôpitaux Shifa, Nasr et Awdah lors d’offensives. Dans au moins deux cas, des membres du personnel médical de haut rang sont morts en détention israélienne (voir paragraphes 70-72). Au 15 juillet, 128 travailleurs de la santé seraient toujours détenus par les autorités israéliennes, dont quatre membres du personnel de la Société du Croissant-Rouge palestinien.

    10. Au 15 juillet, 113 ambulances avaient été attaquées, et au moins 61 avaient été endommagées [10]. La Commission a documenté des attaques directes visant des convois médicaux opérés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les Nations Unies, la Société du Croissant-Rouge palestinien et des organisations non gouvernementales. L’accès a également été entravé par le bouclage de zones par les forces de sécurité israéliennes, des retards dans la coordination des itinéraires sûrs, des postes de contrôle, des fouilles ou la destruction de routes.

    11. La Commission a enquêté sur l’attaque du 29 janvier à Tall al-Hawa visant une famille palestinienne et une ambulance du Croissant-Rouge palestinien appelée à leur secours. La famille comprenait deux adultes et cinq enfants, dont Leyan Hamada, 15 ans, et Hind Rajab, 5 ans. Ils ont été attaqués alors qu’ils tentaient d’évacuer les lieux à bord de leur voiture. L’ambulance, transportant deux ambulanciers, Yousef Zeino et Ahmed al-Madhoun, a été dépêchée après que son itinéraire a été coordonné avec les forces de sécurité israéliennes. Elle a été touchée par un obus de char à environ 50 mètres de la voiture de la famille. Hind était encore en vie au moment de l’envoi de l’ambulance. La présence des forces de sécurité israéliennes dans la zone a empêché l’accès, et les corps des membres de la famille n’ont pu être retirés de leur voiture criblée de balles que 12 jours après l’incident. L’ambulance a été retrouvée détruite à proximité, avec des restes humains à l’intérieur.

    12. Au 15 juillet, sur les 36 hôpitaux de Gaza, 20 étaient totalement hors service, et seuls 16 fonctionnaient encore partiellement [11] avec une surpopulation extrême et une capacité d’accueil réduite à seulement 1 490 lits [12].

    13. Les attaques et la destruction des hôpitaux, combinées à l’ampleur des blessures traumatiques dans la bande de Gaza, ont submergé les installations médicales restantes, provoquant l’effondrement du système de soins de santé. Le siège de Gaza, entraînant notamment une pénurie de carburant et d’électricité, a gravement affecté le fonctionnement des infrastructures médicales et réduit la disponibilité d’équipements vitaux, de fournitures médicales et de médicaments. Cette situation a privé de soins les patients atteints de maladies chroniques, causant des complications et des décès évitables. Les installations ont souffert d’un manque d’eau potable et d’assainissement, de systèmes de communication endommagés ou limités, d’un personnel insuffisant et de l’absence de services de santé publique.

    14. Les hôpitaux ont également servi d’abris pendant les hostilités, entraînant une surpopulation accrue et un risque supplémentaire pour les civils s’y réfugiant lors des attaques. Cette surpopulation a été particulièrement notable dans les hôpitaux Shifa’ et Quds, qui ont respectivement accueilli 50 000 et 12 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays.

    15. Des installations médicales en Cisjordanie ont également été ciblées. L’OMS a recensé 520 attaques contre des établissements de santé entre le 7 octobre 2023 et le 30 juillet 2024, faisant 23 morts et 100 blessés [13] La Société du Croissant-Rouge palestinien a signalé une augmentation des recours à une force excessive, des menaces et du harcèlement visant ses équipes d’ambulanciers. Le 30 janvier, des forces israéliennes déguisées en personnel médical et en femmes palestiniennes civiles ont fait une descente à l’hôpital Ibn Sina de Jénine, tuant intentionnellement trois hommes palestiniens.

    16. Plusieurs installations médicales et personnels soignants en Israël ont été attaqués entre le 7 et le 11 octobre par des groupes armés palestiniens. Le 7 octobre, un ambulancier a été tué par des membres de groupes armés palestiniens alors qu’il prodiguait des soins à des blessés dans une clinique dentaire du kibboutz de Be’eri [14] Par ailleurs, l’hôpital Barzilai à Ashkelon a été visé par deux attaques à la roquette, l’une survenue le 8 octobre et l’autre le 11 octobre. Selon des sources israéliennes, 17 ambulances ont été endommagées à divers endroits [15] Plusieurs sources rapportent qu’une ambulance présente au festival Nova le 7 octobre a été prise pour cible par des groupes armés palestiniens, entraînant la mort des 18 personnes qui s’étaient réfugiées à l’intérieur [16] Dans au moins un cas documenté par la Commission, le 7 octobre, une ambulance israélienne a transporté du personnel des forces de sécurité israéliennes. [Note du traducteur : ce paragraphe semble ignorer le fait que les roquettes, dépourvues de système de guidage contrairement aux missiles, ne sauraient être utilisées contre des cibles précises, et ignore le recours établi à la directive Hannibal par Tsahal le 7 octobre, établi par un autre rapport de l’ONU que nous traduirons prochainement, consistant à éliminer ses ressortissants – et leurs ravisseurs – pour empêcher qu’ils tombent vivants entre les mains de la résistance palestinienne (voir cet article d’Haaretz : La vérité sur le 7 octobre : Tsahal a déclenché la directive Hannibal) ; la dernière phrase établit que les accusations d’Israël contre le Hamas sont des confessions de ses propres pratiques].

    17. Israël a également considérablement réduit l’approbation des autorisations permettant de quitter Gaza pour des traitements médicaux, empêchant principalement les patients d’accéder aux hôpitaux de Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Entre octobre 2023 et le 20 juin 2024, seuls 5 857 des 13 872 patients ayant demandé une évacuation médicale via le point de passage de Rafah ont obtenu une autorisation. Seules 54 % des demandes d’évacuation des patients atteints de cancer ont été approuvées durant cette période [17]. En juillet, Israël a retardé l’évacuation de 150 enfants de la bande de Gaza ayant besoin de soins médicaux spécialisés.

    Constatations sur les attaques des forces de sécurité israéliennes contre des hôpitaux spécifiques

    18. La Commission a enquêté sur les attaques menées contre quatre hôpitaux situés dans différentes zones de la bande de Gaza : le complexe médical Nasr (ci-après « hôpital Nasr »), ainsi que les hôpitaux Shifa’, Awdah et de l’Amitié turco-palestinienne (ci-après « hôpital turc »). Ces établissements comprennent deux grands complexes médicaux ainsi que des hôpitaux offrant des soins spécialisés tels que l’obstétrique, la pédiatrie et l’oncologie. La Commission a conclu que les forces de sécurité israéliennes ont attaqué ces installations de manière similaire, ce qui suggère l’existence de plans et de procédures opérationnels visant les structures de santé.

    19. Bien que les forces de sécurité israéliennes aient émis des ordres d’évacuation pour ces hôpitaux, la Commission a constaté que ces ordres étaient irréalisables, non coordonnés et impossibles à exécuter en toute sécurité. Dans certains cas, les administrations des hôpitaux n’ont eu que quelques heures pour évacuer des centaines de patients. Les forces israéliennes n’ont apporté aucune aide à l’évacuation sécurisée des patients. Selon plusieurs sources, il était impossible de procéder à des évacuations complètes sans mettre en danger la vie des patients. À l’hôpital Awdah et à l’hôpital pédiatrique Nasr, les forces de sécurité israéliennes ont refusé les demandes du personnel médical visant à faciliter la circulation des ambulances pour rendre l’évacuation plus fluide, ce qui a entraîné des conditions dangereuses. Les patients de ces hôpitaux, notamment ceux des unités de soins intensifs et les blessés graves, nécessitaient une prise en charge particulière pendant leur transport.

    20. La Commission a reçu des rapports faisant état du ciblage délibéré et direct d’hôpitaux, y compris des hôpitaux Awdah, Shifa’ et Nasr, par des tirs de snipers. Par exemple, le 13 février, les forces de sécurité israéliennes ont ordonné l’évacuation de l’hôpital Nasr. Peu après, un détenu palestinien menotté et vêtu d’une combinaison de protection blanche a été vu à l’intérieur de l’hôpital. Il aurait été contraint par les forces israéliennes d’ordonner aux personnes présentes d’évacuer. En quittant l’hôpital, il aurait été abattu par les forces de sécurité israéliennes.

    21. À partir du 6 novembre 2023, des attaques répétées contre les hôpitaux Shifa’ et Nasr, y compris des attaques spécifiquement dirigées contre la maternité et l’unité de soins intensifs de l’hôpital Shifa’, ont entraîné la fermeture totale ou quasi-totale de ces établissements. Ces fermetures ont eu de graves répercussions sur les autres hôpitaux de Gaza, déjà débordés, en raison du rôle central de ces deux hôpitaux dans le système de santé global. Des images satellites des hôpitaux Shifa’ et Nasr, prises respectivement le 4 avril et le 12 mars, montrent que les sites de ces hôpitaux ainsi que les routes environnantes ont été gravement endommagés.

    22. Selon le bureau des médias des autorités de facto à Gaza, plus de 500 corps ont été découverts dans des fosses communes situées sur les terrains des hôpitaux, notamment ceux de Shifa’ et de Nasr. Des images satellites datées du 23 avril montrent au moins deux fosses communes possibles à l’hôpital Nasr. Les autorités de facto à Gaza ont déclaré que plusieurs corps avaient été retrouvés dénudés et menottés, ce qui suggère que les victimes aient pu être exécutées. Un témoin ayant participé à l’exhumation des corps près de l’hôpital Nasr a déclaré à la Commission avoir vu des corps présentant des blessures par balle à la tête ou au cou. Les forces de sécurité israéliennes ont nié avoir enterré des corps dans des fosses communes, tout en reconnaissant que des soldats cherchant les corps d’otages avaient exhumé certaines fosses communes.

    23. Le 1er novembre, l’hôpital turc a cessé de fonctionner en raison des dégâts causés par les frappes aériennes des 30 et 31 octobre, ainsi que du manque de carburant et d’électricité, ce qui a entraîné la mort de plusieurs patients, notamment en raison d’un manque d’oxygène. Le gouvernement turc, qui finance l’hôpital, a condamné ces attaques, affirmant que les coordonnées de l’établissement avaient été communiquées à l’avance aux forces de sécurité israéliennes. Depuis novembre, les forces de sécurité israéliennes occupent l’hôpital, situé dans le corridor de Netzarim sous contrôle israélien, et l’utilisent comme base pour mener des opérations. Des images satellites de cette période montrent la construction de digues de protection et des dégâts progressifs causés par des bulldozers à certaines parties de l’hôpital. Des vidéos postées sur la plateforme X (anciennement Twitter) montrent plusieurs véhicules militaires israéliens à l’intérieur de l’hôpital et des forces de sécurité israéliennes célébrant une fête religieuse dans l’enceinte de l’établissement.

    24. L’hôpital turc était le seul établissement spécialisé en oncologie à Gaza. Depuis sa fermeture, environ 10 000 patients atteints de cancer n’ont plus accès à un traitement. En conséquence, plusieurs d’entre eux sont décédés faute de soins appropriés.

    25. L’hôpital d’Awdah, principal prestataire de soins en santé reproductive dans le nord de Gaza, a été pris pour cible à plusieurs reprises par les forces de sécurité israéliennes entre novembre 2023 et janvier 2024, puis de nouveau en mai. Cela s’est produit alors que les autorités israéliennes avaient reçu les coordonnées géographiques de l’hôpital de la part de MSF (Médecins sans frontières), qui avait informé toutes les parties qu’il s’agissait d’un hôpital en état de fonctionnement. Trois médecins, dont deux affiliés à MSF, ont été tués lors d’une attaque le 21 novembre. En décembre, l’hôpital a été assiégé, avec environ 250 personnes piégées à l’intérieur, confrontées à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments. Pendant le siège, tous les hommes âgés de plus de 15 ans ont reçu l’ordre de sortir de l’hôpital en sous-vêtements, et plusieurs membres du personnel médical, y compris le directeur de l’hôpital, ont été arrêtés. Plusieurs personnes, dont des membres du personnel médical et une femme enceinte, auraient été tuées par des tireurs embusqués.

    26. Jusqu’à la fin du mois de février, l’hôpital d’Awdah, qui abritait l’une des rares maternités encore fonctionnelles dans le gouvernorat de Gaza-Nord, était partiellement opérationnel, accueillant des patientes en couches bien au-delà de sa capacité. L’hôpital aurait pris en charge 15 577 patientes en maternité entre le 7 octobre et le 23 décembre, avec seulement 75 lits disponibles. Le 27 février, l’administration de l’hôpital a annoncé une cessation partielle de ses activités, en raison du manque de carburant, d’électricité et de fournitures médicales. Cette fermeture partielle a eu des conséquences désastreuses sur les services de santé dans le gouvernorat de Gaza-Nord, en particulier pour les patientes en maternité.

    Allégations d’utilisation des hôpitaux à des fins militaires

    27. Les forces de sécurité israéliennes ont affirmé que plus de 85 % des principaux établissements médicaux de Gaza étaient utilisés par le Hamas pour des opérations terroristes, sans toutefois fournir de preuves à l’appui de cette affirmation [18]. Elles ont également allégué l’existence de tunnels situés sous les hôpitaux ou les reliant, affirmant que le Hamas y stockait des armes, dissimulait du personnel et y dirigeait des quartiers généraux. Selon ces forces, le Hamas et le Jihad islamique palestinien auraient tiré des coups de feu depuis les locaux des hôpitaux et y auraient retenu des otages, soit dans les hôpitaux eux-mêmes, soit dans des tunnels situés en dessous. Le Hamas a nié ces allégations à plusieurs reprises. Plusieurs otages libérés ont toutefois déclaré publiquement avoir été détenus dans un hôpital (voir paragraphe 77 [Note du traducteur : ce paragraphe fait notamment état d’Israéliens blessés et emmenés dans des hôpitaux pour y être soignés…]). La Commission a interrogé des cadres du personnel médical qui ont réfuté toute activité militaire, insistant sur le fait que les hôpitaux n’avaient pour seule fonction que de soigner les patients.

    28. En octobre, les forces de sécurité israéliennes ont déclaré que l’enceinte de l’hôpital Shifa’ et les infrastructures souterraines situées en dessous étaient utilisées par le Hamas comme quartier général militaire. Elles ont diffusé des images montrant un réseau de tunnels supposément situé sous l’hôpital Shifa’ et employé par le Hamas à des fins militaires, ainsi qu’un puits de tunnel à environ 100 mètres du bâtiment principal, près d’une clôture. Lors d’une attaque menée en mars, ces forces ont affirmé avoir découvert de grandes quantités d’armes à l’intérieur de l’hôpital, y compris dans la maternité, et ont publié des photos de caches d’armes qui auraient été trouvées sur place. En février, elles avaient fait des déclarations similaires concernant l’hôpital Nasr, accompagnées de vidéos montrant prétendument des caches d’armes [Note du traducteur : bien des médias ont souligné les incohérences de ces images diffusées par Israël, indiquant que ces armes pouvaient très bien avoir été placées par l’armée d’occupation, voir entre autres cet article de CNN].

    29. La Commission a documenté un échange de tirs dans et autour des locaux de l’hôpital Shifa’, qui a débuté le 18 mars 2024, premier jour du raid des forces de sécurité israéliennes sur l’hôpital, et s’est poursuivi jusqu’à la fin du mois. Des vidéos diffusées par le Hamas montrent des membres des forces de sécurité israéliennes sur le toit de l’hôpital, libérant un drone de surveillance [Note du traducteur : C’est donc bel et bien Israël qui se sert d’hôpitaux pour ses opérations militaires]. Les images capturées par un drone des forces israéliennes montrent des échanges de tirs à l’intérieur de l’enceinte de l’hôpital et à l’entrée principale. Un grand nombre de patients, de membres du personnel médical et de déplacés internes se trouvaient alors dans l’hôpital.

    Soins de santé reproductive

    30. Les attaques directes contre les établissements de santé, y compris ceux dédiés aux soins de santé sexuelle et reproductive, ont affecté environ 540 000 femmes et filles en âge de procréer à Gaza. En avril, il a été rapporté que seuls deux des 12 hôpitaux partiellement fonctionnels offrant des soins dans ce domaine étaient en mesure de dispenser de tels services. Les attaques ciblant les principales maternités des hôpitaux Shifa’ et Nasr les ont rendues inopérantes. Plusieurs établissements désignés spécifiquement comme centres de santé sexuelle et reproductive, tels que la maternité Emirati, l’hôpital Awdah et l’hôpital Sahabah, ont été directement visés ou contraints de cesser leurs activités. Parallèlement, des services de maternité dans d’autres hôpitaux, notamment celui de l’hôpital Aqsa en janvier, ont été fermés. En décembre 2023, le centre de fertilité Basmah, la plus grande clinique de fécondation in vitro de Gaza, a été la cible directe de frappes aériennes qui auraient détruit environ 3 000 embryons.

    31. La Commission a documenté des conditions dangereuses pour les femmes accouchant dans les hôpitaux, caractérisées par un manque de personnel spécialisé, de médicaments et d’équipements. Les professionnels de santé ont souligné les défis immenses posés par la gestion de la douleur et la prévention des infections, les hôpitaux manquant souvent de fournitures essentielles telles que périduraux, anesthésiques et antibiotiques. Un spécialiste des urgences ayant travaillé à l’hôpital Nasr en janvier a décrit des difficultés majeures pour diagnostiquer et traiter les femmes enceintes en raison de l’absence de tests de laboratoire fiables ou d’équipements adéquats, ce qui a entraîné des complications évitables. Les obstétriciens ont rapporté que de nombreuses femmes recevaient des soins obstétriques très insuffisants et que plusieurs souffraient d’infections vaginales non traitées, susceptibles de provoquer des naissances prématurées, des fausses couches ou une stérilité. Le personnel médical a signalé des patientes en maternité souffrant de malnutrition, de déshydratation, d’infections diverses et d’anémie.

    32. Les femmes sont de plus en plus souvent contraintes d’accoucher dans des conditions dangereuses, que ce soit à domicile, dans des abris ou des camps, avec peu ou pas de soutien médical. Cela accroît le risque de complications entraînant des séquelles à vie ou des décès. Les perturbations des services d’électricité et de télécommunications ont rendu inaccessibles les lignes d’urgence dédiées aux accouchements à domicile, aggravant les dangers pour les femmes. Le maintien du siège et des hostilités a également entravé la distribution de kits d’accouchement sécurisés aux femmes enceintes.

    33. Une forte augmentation des admissions en urgence a entraîné une dépriorisation des soins de santé génésique dans les rares établissements médicaux encore opérationnels. Les patientes en post-partum et leurs nouveau-nés n’ont pas eu le temps de se rétablir après l’accouchement. Elles ont été renvoyées quelques heures après, encore fragiles physiquement et mentalement, pour libérer des places pour de nouvelles admissions. Environ 60 000 patientes en maternité n’ont pas été suivies de manière adéquate en raison de l’absence de soins prénatals et postnatals.

    34. Les hostilités ont eu un impact psychologique grave sur les femmes enceintes, en post-partum et allaitantes, en raison de leur exposition directe aux conflits armés, des déplacements, de la famine et de la mauvaise qualité des soins de santé. Les urgences obstétriques et les naissances prématurées auraient considérablement augmenté à cause du stress et des traumatismes. Une hausse des fausses couches, atteignant jusqu’à 300 %, a été signalée depuis le 7 octobre. Les experts ont déclaré à la Commission que les effets à long terme de ces conditions précaires, tant psychologiques que physiques, sur les femmes, les nouveau-nés et leurs familles, restent inconnus.

    Soins pédiatriques

    35. Les experts médicaux ont déclaré à la Commission que la destruction des infrastructures médicales, le manque de fournitures et le ciblage des personnels de santé ont compromis l’accès des enfants aux soins de base et aux traitements essentiels, entrainant ainsi des conséquences directes et indirectes sur leur santé à Gaza. Des enfants ont été tués lors d’attaques directes contre des hôpitaux. Les équipes médicales ont noté que le nombre élevé de décès parmi les enfants est probablement dû au fait qu’ils représentent la majorité des patients hospitalisés pour des traumatismes contondants et pénétrants.

    36. Les professionnels de santé ont également signalé avoir soigné des enfants blessés par des tirs directs, indiquant qu’ils avaient été spécifiquement pris pour cible. Ils ont souligné que traiter ces blessures était particulièrement difficile en raison du manque de fournitures médicales de base et des mauvaises conditions d’hygiène. La Commission avait précédemment noté que les enfants étaient particulièrement vulnérables aux décès et blessures en raison de leur âge, de leur stade de développement et de leur petite taille [19]. Les enfants étaient opérés sans soins préopératoires ni postopératoires, augmentant ainsi les risques d’infections, y compris par des insectes et parasites, ce qui entraînait des complications, voire des décès dans certains cas.

    Lire également : A Gaza, « un nombre incroyable d’enfants abattus d’une balle dans la tête »

    37. Les attaques contre les établissements de santé ont également eu des effets indirects graves sur la santé des enfants, augmentant de manière significative la mortalité et la morbidité infantiles. Les attaques contre les hôpitaux pédiatriques de Gaza, notamment les hôpitaux Rantisi et Nasr, ainsi que contre des hôpitaux plus grands, ont forcé les enfants atteints de maladies préexistantes à chercher des soins dans des établissements plus petits, dépourvus de personnel spécialisé et d’équipements pédiatriques adaptés. Un médecin de l’hôpital Ahli a déclaré que cet établissement manquait des médicaments et de l’expertise nécessaires pour traiter des cas médicaux complexes chez les enfants, tels que l’asthme sévère ou l’épilepsie.

    38. En juin, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a estimé que près de 3 000 enfants souffrant de malnutrition risquaient de mourir en raison de la pénurie alimentaire dans le sud de Gaza. La situation a été aggravée par les attaques incessantes contre les installations de santé. Seuls deux des trois centres de stabilisation pour traiter les enfants malnutris dans la bande de Gaza, l’un dans le gouvernorat de Gaza-Nord et l’autre dans celui de Deir al-Balah, étaient opérationnels. L’hospitalisation prolongée d’enfants privés d’une alimentation adéquate et vivant dans un environnement malsain a également été liée à la malnutrition. Un pédiatre a estimé que les enfants vivant à l’hôpital pendant de longues périodes sans accès à une alimentation appropriée souffriraient de carences nutritionnelles, avec des conséquences sanitaires à long terme. L’effondrement du système de santé a également entravé la capacité à fournir des vaccins. Les enfants de moins de cinq ans risquent de contracter la poliomyélite faute de vaccination. Le 16 août, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé le premier cas de polio en 25 ans. En septembre 2024, les deux parties ont accepté une brève pause humanitaire afin de permettre une campagne de vaccination contre la polio dans la bande de Gaza [20].

    39. Les hôpitaux de Gaza ne sont plus en mesure d’offrir des soins en santé mentale et disposent de peu de personnel spécialisé pour traiter les enfants souffrant de troubles psychologiques, y compris ceux ayant des pensées suicidaires ou d’automutilation.

    40. Les médecins ont informé la Commission que, en raison des attaques contre les installations médicales et des options de traitement limitées, les nourrissons et enfants de Gaza risquent de souffrir de séquelles tout au long de leur vie. Parmi les complications à court terme, on peut citer l’incapacité des nourrissons à atteindre les étapes du développement moteur au cours de leur première année. À moyen terme, ces enfants pourraient être incapables de développer la parole ou d’atteindre les étapes du langage, et leurs capacités cognitives pourraient être gravement affectées à long terme. Un médecin a résumé la situation en déclarant que l’essence même de l’enfance a été détruite à Gaza.

    Traitement des détenus par les autorités israéliennes

    41. Entre le 7 octobre 2023 et juillet 2024, Israël a arrêté plus de 14 000 Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est [21]. Parmi eux, environ 4 000 Palestiniens ont été arrêtés à Gaza, dont beaucoup ont été transférés en Israël pour y être interrogés. De plus, des centaines de membres de groupes armés palestiniens ont été arrêtés les 7 et 8 octobre à l’intérieur d’Israël. Les personnes arrêtées à Gaza et transférées en Israël ont principalement été appréhendées en vertu de la loi sur l’incarcération des combattants illégaux. Elles sont détenues dans des installations militaires, principalement au camp de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, bien que certaines aient été transférées dans des établissements administrés par l’administration pénitentiaire israélienne. Des milliers de personnes originaires de Cisjordanie ont été arrêtées sur ordre de l’armée. De plus, des milliers de travailleurs palestiniens de Gaza présents légalement en Israël le 7 octobre ont été détenus dans le centre d’Anatot en Cisjordanie, géré par l’armée. En novembre, environ 3 000 travailleurs détenus ont été libérés et renvoyés à Gaza à la suite d’une requête déposée auprès de la Haute Cour de justice d’Israël.

    Arrestations et détentions arbitraires [22]

    42. Des milliers de Palestiniens, principalement des hommes, ont été arrêtés lors d’opérations militaires israéliennes et d’attaques à Gaza et en Cisjordanie, y compris des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, du personnel médical, des patients, des membres du personnel des Nations unies et des proches de suspects. Des garçons ont également été arrêtés. Nombre d’entre eux n’ont pas été informés des raisons de leur arrestation. Les détenus libérés ont déclaré avoir été interrogés sur leur possible implication dans les hostilités, y compris leur affiliation au Hamas, ainsi que sur l’emplacement des otages israéliens. Plusieurs femmes défenseures des droits de l’homme, journalistes et politiciennes de Cisjordanie ont également été arrêtées et détenues sous l’accusation d’« incitation au terrorisme ».

    43. Les responsables israéliens ont affirmé qu’après un contrôle de sécurité et un interrogatoire, « les personnes établies comme non impliquées dans des activités terroristes sont libérées et renvoyées dans la bande de Gaza [...] aussi rapidement que possible » [23] Toutefois, la Commission a constaté qu’Israël continuait de détenir des personnes, même après avoir effectué les contrôles de sécurité et déterminé qu’elles ne constituaient pas une menace réelle. Parmi ces détenus se trouvaient des personnes âgées, des malades chroniques, des femmes enceintes, des enfants, du personnel médical, ainsi que des détenus appelés « shawish », qui étaient maintenus en détention pour servir d’intermédiaires ou de traducteurs entre les gardes et d’autres détenus ou travailleurs de Gaza [Note du traducteur : cet article de Haaretz établit que les « shawish » sont surtout utilisés par l’armée israélienne comme boucliers humains].

    44. Selon des sources officielles israéliennes, les détenus de Gaza sont entendus, interrogés ou contrôlés par un officier supérieur des forces de sécurité israéliennes « dans un délai de 7 à 10 jours », tandis que la détention des Palestiniens de Cisjordanie est examinée par un juge militaire. La Commission note que de nombreux détenus libérés affirment ne toujours pas connaître la raison de leur arrestation, ce qui laisse supposer qu’ils n’ont pas été entendus ou, si une telle procédure a eu lieu, qu’ils n’ont pas compris la procédure.

    Disparitions forcées

    45. Les autorités israéliennes n’ont pas divulgué les noms des milliers de Palestiniens arrêtés à Gaza depuis le 7 octobre, ni leur lieu de détention, y compris en réponse à plusieurs demandes en habeas corpus soumises à la Haute Cour de justice. Les garanties minimales contre les disparitions forcées ont été supprimées à la suite de l’interdiction récente des visites du CICR et de nouveaux amendements aux lois sur l’incarcération des combattants illégaux, qui empêchent toute révision judiciaire de la détention pendant jusqu’à 75 jours et interdisent les visites d’avocats pendant jusqu’à 90 jours, en attendant l’approbation d’un tribunal. Cette situation perdure, bien que les autorités israéliennes aient fourni une adresse électronique censée faciliter les visites d’avocats pour les détenus de Gaza. Au 15 juillet, la Commission n’avait connaissance que d’un seul cas où un avocat avait été autorisé à rendre visite à un détenu de Gaza dans le camp de Sde Teiman.

    Libération des détenus

    46. Les détenus de Gaza sont libérés par les forces de sécurité israéliennes au point de passage de Kerem Shalom sans qu’aucune procédure n’ait été mise en place pour leur assurer des soins médicaux ou un soutien. Cette pratique a eu un effet particulièrement néfaste sur les enfants. La Commission note que la procédure suivie par les autorités israéliennes pour la libération des enfants détenus a contribué à ce que les enfants de la bande de Gaza soient séparés de leur famille, parce qu’ils reviennent non accompagnés, avec une capacité limitée à localiser leur famille ou à communiquer avec elle. Les enfants détenus libérés ont montré des signes de détresse psychologique et de traumatisme extrêmes.

    47. Les détenus palestiniens qui étaient initialement détenus dans les régions du nord de Gaza ont ensuite été libérés dans les régions du sud, loin de leurs maisons et de leurs familles. L’interdiction imposée par les forces de sécurité israéliennes de retourner dans le nord de la bande de Gaza et les attaques contre les civils qui tentent de retourner dans le nord ont entravé le retour des détenus dans leurs lieux d’origine et l’unification des familles.

    Mauvais traitements lors des arrestations et des transferts

    48. La Commission a reçu de nombreux rapports faisant état de détenus déshabillés, transportés nus, les yeux bandés, menottés de manière suffisamment serrée pour provoquer des blessures et des gonflements, frappés à coups de pied, battus, agressés sexuellement et soumis à des insultes religieuses et des menaces de mort, et dont les biens ont été endommagés lors de leur arrestation et de leur transfert vers des centres de détention en Israël et en Cisjordanie [24].

    49. La Commission a constaté des mauvais traitements lors du transfert des détenus de la bande de Gaza vers les centres de détention en Israël et en Cisjordanie et lors du transfert entre les centres. Un détenu libéré a déclaré à la Commission qu’il avait été giflé et menacé par un interrogateur des forces de sécurité israéliennes dans une « zone de rassemblement » située à l’extérieur de la base militaire de Zikim. L’interrogateur lui a dit : « Je vais te tuer et je peux te faire disparaître. Tu ne verras plus le soleil et personne ne saura où tu es ». Un autre détenu libéré a déclaré à la Commission que les détenus étaient sévèrement battus pendant le trajet entre les installations militaires et celles de l’administration pénitentiaire israélienne. Il a noté qu’un détenu avait reçu un coup de poing dans la mâchoire si fort que plusieurs de ses dents avaient été cassées.

    50. Le 22 juin 2024, dans le quartier de Jabariyat à Jénine, en Cisjordanie, les forces de sécurité israéliennes ont tiré sur deux Palestiniens et les ont blessés. Les blessés ont ensuite été arrêtés et transportés sur le capot de véhicules militaires blindés, alors que les tirs se poursuivaient dans la zone. L’un des détenus est passé devant au moins trois ambulances sans être transféré pour un traitement médical. La Commission a également recueilli des informations indiquant que les forces de sécurité israéliennes avaient forcé des détenus à pénétrer dans des tunnels et des bâtiments à Gaza avant les soldats chargés de nettoyer les lieux. La Commission a observé que des membres des forces de sécurité israéliennes utilisaient des détenus palestiniens pour se protéger des attaques.

    Mauvais traitements dans les centres de détention gérés par l’armée

    51. La Commission a vérifié des informations faisant état de mauvais traitements généralisés et institutionnalisés infligés à des détenus de Gaza, y compris des garçons, dans le camp de détention militaire de Sde Teiman, où tous les détenus de Gaza ont été initialement incarcérés depuis le 8 octobre. Les détenus avaient les yeux bandés et étaient menottés en permanence par le personnel des forces de sécurité israéliennes. Ils étaient confinés dans de grandes cellules de fortune surpeuplées et contraints de s’agenouiller dans des positions de stress pendant des heures, tout en n’ayant pas le droit de parler. Ils n’ont pas eu accès aux toilettes et aux douches, et nombre d’entre eux ont été contraints de porter des couches. Ils ont été battus, notamment avec des matraques et des bâtons de bois, même lorsqu’ils étaient immobilisés, et ont fait l’objet d’intimidations et d’attaques de la part de chiens. Les détenus ont indiqué qu’ils dormaient sur de minces matelas à même le sol, avec seulement de légères couvertures pour se couvrir, même pendant les mois d’hiver, et qu’ils étaient privés de sommeil. Ils n’étaient autorisés à dormir que quatre à cinq heures par nuit, la lumière restant allumée en permanence. Ils n’avaient pas le droit de dormir pendant la journée. Les détenus ont fait état d’un accès limité aux toilettes, parfois seulement une fois par jour, et d’un manque d’accès aux douches pendant des semaines. La nourriture fournie était insuffisante et peu variée, ce qui a entraîné une perte de poids importante et d’autres complications médicales.

    52. Des détenus, y compris des personnes âgées, emmenés au Sde Teiman pour y être interrogés ont été attachés dans des positions douloureuses ou attachés à une vis placée en hauteur sur un mur pendant des heures, tout en ayant les yeux bandés et en étant suspendus avec les pieds touchant ou à peine touchant le sol (« shabah »). Dans un cas, un détenu a été laissé dans cette position pendant cinq à six heures alors que les interrogateurs le soumettaient de manière répétée à des changements de température extrêmes, en utilisant alternativement un ventilateur puissant et une lampe chauffante. La Commission a également reçu des rapports faisant état de l’utilisation de dispositifs de chocs électriques contre des détenus.

    53. Les conditions sanitaires inadéquates ont limité la capacité des détenus à effectuer des pratiques religieuses, telles que la prière et les ablutions, ont augmenté les risques pour la santé et ont servi à humilier et à déshumaniser davantage les détenus. Un détenu a déclaré à la Commission qu’en raison de la rareté de l’accès aux toilettes, les détenus étaient contraints d’uriner ou de déféquer dans leurs vêtements. Un détenu a déclaré qu’ils « avaient été dépouillés de leur humanité et traités comme des animaux ». Il a ajouté que « tous les détenus n’étaient pas lavés et sentaient mauvais, leurs pantalons étaient jaunis, tandis que les soldats qui s’occupaient d’eux portaient des gants qu’ils jetaient sur les détenus lorsqu’ils avaient fini ».

    54. Les conditions médicales liées au manque d’hygiène, notamment les éruptions cutanées, les furoncles et les abcès, se sont aggravées. Les soins médicaux étaient rares, de mauvaise qualité et dispensés dans un bâtiment séparé, alors que les détenus étaient menottés et avaient les yeux bandés. Dans certains cas, tant dans les installations militaires que dans celles de l’administration pénitentiaire israélienne, les coups reçus au cours des interrogatoires ont entraîné des fractures, sans que des soins médicaux appropriés soient dispensés. Des menottes constantes et des soins médicaux inadéquats auraient conduit certains détenus à se faire amputer d’un membre. Les déclarations de certains membres du personnel médical suggèrent qu’ils étaient complices de pratiques illégales.

    55. Le 3 juillet, le procureur général d’Israël a déclaré dans une lettre que le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, faisait obstacle aux transferts de prisonniers vers les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne. Au mois d’août, 28 détenus (tous des hommes) sont toujours détenus à Sde Teiman [25].

    Mauvais traitements dans les établissements de l’Administration pénitentiaire israélienne

    56. Le 16 octobre, le Ministre de la sécurité nationale a ordonné d’importantes restrictions supplémentaires dans les établissements de l’Administration pénitentiaire israélienne. Ces restrictions comprenaient l’imposition d’une interdiction totale des visites de la famille et du CICR, l’annulation ou la restriction des visites et des appels téléphoniques des avocats, et l’annulation des rendez-vous médicaux non urgents. L’électricité a été coupée dans les cellules des prisons, les biens personnels des détenus ont été confisqués et l’accès aux douches et aux toilettes a été sévèrement limité. L’accès à l’air frais dans la cour de la prison a été limité ou interdit. Des restrictions ont été imposées sur les rations alimentaires et appliquées à des milliers de détenus et de prisonniers, y compris des femmes et des enfants, qui avaient été détenus avant le 7 octobre. A plusieurs reprises, le ministre de la sécurité nationale a indiqué que ces politiques étaient motivées par la vengeance.

    57. La Commission a documenté de nombreux cas d’abus physiques et verbaux, y compris des menaces de mort, dans les installations de l’Administration pénitentiaire israélienne. Des détenus des prisons de Negev, Megiddo, Ofer et Ramon ont décrit avoir été battus par des gardiens à l’aide de matraques et de bâtons de bois alors qu’ils étaient menottés, y compris à leur arrivée dans ces prisons et pendant les fouilles de cellules menées par des unités spéciales de l’administration pénitentiaire israélienne utilisant des chiens pour intimider et attaquer les prisonniers.

    58. Les femmes détenues en Cisjordanie étaient soumises aux mêmes restrictions que les hommes dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne et étaient particulièrement affectées par l’insuffisance et l’inadéquation de la nourriture et de l’eau, ainsi que par le manque d’hygiène. La Commission a appris que les femmes enceintes détenues dans un établissement de l’administration pénitentiaire israélienne ne recevaient pas de nourriture suffisante ou adéquate et se voyaient refuser des soins médicaux. Plusieurs femmes ont indiqué qu’elles n’avaient pas été autorisées à utiliser les toilettes alors qu’elles en avaient fait la demande, ou qu’elles avaient été menottées pendant de longues périodes et qu’elles avaient donc eu besoin de l’aide d’autres détenus pour utiliser les toilettes. Les femmes détenues avaient un accès limité aux serviettes hygiéniques ou se les voyaient refuser.

    Traitement des enfants

    59. La Commission a établi que des centaines d’enfants de Gaza et de Cisjordanie ont été arrêtés, puis transférés et détenus en Israël et en Cisjordanie. Les enfants détenus ont été soumis à une extrême violence lors de leur arrestation, de leur détention, de leur interrogatoire et de leur libération.

    60. Des enfants de Gaza ont été détenus dans des établissements militaires et dans les locaux de l’administration pénitentiaire israélienne. A Sde Teiman, les enfants étaient détenus avec des adultes et subissaient les mêmes mauvais traitements. Un garçon de 15 ans détenu au centre de Sde Teiman a déclaré à la Commission qu’il avait été le seul enfant parmi 70 adultes dans une cellule. Ses jambes avaient été entravées par des chaînes métalliques et ses mains menottées si étroitement qu’elles avaient saigné, mais il n’avait reçu aucun soin médical. Il a été puni à plusieurs reprises en étant contraint de rester debout les mains levées pendant des heures. Il a décrit ses 23 jours de détention comme « les pires jours de ma vie ». Un garçon de 13 ans a déclaré à la Commission que des chiens avaient été utilisés contre lui pendant les interrogatoires et qu’il avait été placé à l’isolement.

    61. Des enfants ont été emprisonnés dans des sections pour mineurs surpeuplées dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne, principalement à Megiddo et à Ofer. Bien que les enfants soient séparés des adultes, les autorités israéliennes les soumettent tous aux mêmes restrictions que les adultes.

    Viols et autres formes de violence sexuelle et sexiste

    62. La Commission a documenté plus de 20 cas de violence sexuelle et sexiste à l’encontre de détenus hommes et femmes dans plus de 10 installations militaires et de l’administration pénitentiaire israélienne, en particulier dans la prison du Néguev et le camp de Sde Teiman pour les détenus hommes et dans les prisons de Damon et Hasharon pour les détenues femmes. La violence sexuelle a été utilisée comme moyen de punition et d’intimidation dès le moment de l’arrestation et tout au long de la détention, y compris pendant les interrogatoires et les fouilles. Les actes de violence sexuelle documentés par la Commission étaient motivés par une haine extrême envers le peuple palestinien et par le désir de le déshumaniser.

    63. La Commission a constaté que la nudité forcée, dans le but de dégrader et d’humilier les victimes devant les soldats et les autres détenus, était fréquemment utilisée à l’encontre des victimes masculines, notamment par des fouilles à nu répétées, l’interrogatoire des détenus alors qu’ils étaient nus ; forcer les détenus à effectuer certains mouvements alors qu’ils sont nus ou déshabillés et, dans certains cas, filmés ; soumettre les détenus à des insultes sexuelles alors qu’ils sont transportés nus ; forcer les détenus nus à se regrouper dans une cellule surpeuplée ; et forcer les détenus déshabillés et les yeux bandés à s’accroupir sur le sol avec les mains attachées dans le dos.

    64. Plusieurs détenus de sexe masculin ont déclaré que des membres des forces de sécurité israéliennes avaient battu, donné des coups de pied, tiré ou pressé leurs parties génitales, souvent alors que les détenus étaient nus. Dans certains cas, le personnel des forces de sécurité israéliennes a utilisé des objets tels que des détecteurs de métaux et des matraques. Un détenu qui avait été incarcéré dans la prison du Néguev des forces de sécurité israéliennes a déclaré qu’en novembre 2023, des membres de l’unité Keter de l’administration pénitentiaire israélienne l’avaient forcé à se déshabiller et lui avaient ensuite ordonné d’embrasser le drapeau israélien. Lorsqu’il a refusé, il a été battu et ses parties génitales ont reçu des coups de pied si violents qu’il a vomi et perdu connaissance.

    65. La Commission a également reçu des informations crédibles concernant des viols et des agressions sexuelles, y compris l’utilisation d’une sonde électrique pour causer des brûlures à l’anus et l’insertion d’objets, tels que des bâtons, des manches à balai et des légumes, dans l’anus. Certains de ces actes auraient été filmés par des soldats. En juillet, neuf soldats ont été interrogés et plusieurs ont été arrêtés pour avoir prétendument violé un détenu et lui avoir causé des blessures mortelles à Sde Teiman.

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    66. La Commission a établi que les détenus étaient régulièrement soumis à des abus sexuels et au harcèlement, et que des menaces d’agression sexuelle et de viol étaient adressées aux détenus ou aux membres féminins de leur famille. Un détenu de Sde Teiman a rapporté que des femmes soldats l’avaient forcé, lui et d’autres, à faire des bruits de mouton, à maudire les dirigeants du Hamas et le prophète Mohamed, et à dire « Je suis une p*te ». Les détenus étaient battus s’ils n’obtempéraient pas. Dans un autre cas, un soldat a enlevé son pantalon et a pressé son entrejambe contre le visage d’un détenu, en disant : « Tu es ma sal*pe. Suce ma b*te ».

    67. Les détenues ont également été victimes d’agressions et de harcèlement sexuels dans les locaux de l’armée et de l’administration pénitentiaire israélienne, ainsi que de menaces de mort et de menaces de viol. Le harcèlement sexuel comprenait des tentatives d’embrasser et de toucher leurs seins. Elles ont fait état de fouilles à nu répétées, prolongées et invasives, avant et après les interrogatoires. Les femmes ont été forcées d’enlever tous leurs vêtements, y compris le voile, devant des soldats hommes et femmes. Elles ont été battues et harcelées tout en étant traitées de « laides » et en subissant des insultes à caractère sexuel, telles que « chienne » et « put*in ». Dans un cas, une femme détenue dans une prison de l’administration pénitentiaire israélienne s’est vu refuser l’accès à son avocat après qu’elle l’eut informé de menaces de viol.

    68. La Commission a reçu des rapports de l’Autorité palestinienne concernant le viol de deux détenues. Elle tente de vérifier ces informations.

    69. Des détenues ont été photographiées sans leur consentement et dans des circonstances dégradantes, y compris en sous-vêtements devant des soldats de sexe masculin [26]. Dans un cas, une détenue a été soumise à des fouilles à nu répétées et invasives après son arrestation dans un poste de police du nord d’Israël. Elle a été battue, agressée verbalement, traînée par les cheveux et photographiée devant un drapeau israélien. Les photos ont été mises en ligne.

    Décès en détention

    70. Au 15 juillet, au moins 53 détenus palestiniens étaient morts dans des centres de détention israéliens depuis le 7 octobre 2023. Sur ce nombre, 44 personnes étaient originaires de Gaza, dont 36 sont décédées à Sde Teiman, et 9 étaient originaires de Cisjordanie. Les corps des détenus décédés n’ont, pour la plupart, pas été rendus à leurs familles pour qu’elles puissent les enterrer.

    71. Thaer Abu Assab, originaire de Qalqilya en Cisjordanie, emprisonné depuis 2005, est mort dans la prison du Néguev le 18 novembre 2023 après avoir été, selon les informations disponibles, violemment battu par des gardiens de l’unité Keter de l’administration pénitentiaire israélienne et après que son évacuation médicale a été retardée. Les autorités israéliennes ont ouvert une enquête criminelle, mais seules des mesures disciplinaires limitées auraient été prises à l’encontre des gardiens impliqués. Deux médecins palestiniens chevronnés de Gaza sont morts en détention israélienne. Le docteur Iyad Rantisi, directeur d’un hôpital pour femmes à Bayt Lahya, a été arrêté le 11 novembre à un poste de contrôle des forces de sécurité israéliennes et est décédé six jours plus tard dans la prison de Shikma, gérée par l’administration pénitentiaire israélienne, où il aurait été interrogé par l’Agence de sécurité israélienne (également connue sous le nom de Shin Bet). Le docteur Adnan al-Bursh, chef du service orthopédique de l’hôpital Shifa’ de Gaza, a été arrêté en décembre et est décédé à la prison d’Ofer en avril. Un détenu libéré a déclaré à la Commission qu’il avait vu le Dr Al-Bursh à Sde Teiman en décembre 2023, avec des ecchymoses sur le corps et se plaignant de douleurs à la poitrine.

    72. Israël n’a fourni aucune preuve que des enquêtes sur les décès en détention étaient menées en vue de garantir l’obligation de rendre des comptes. [...]

    IV. Conclusions

    Soins de santé

    88. L’offensive sur Gaza depuis le 7 octobre a entraîné la destruction du système de soins de santé déjà fragile dans la bande de Gaza, avec des effets préjudiciables à long terme sur les droits de la population civile à la santé et à la vie. Les attaques contre les établissements de santé sont un élément intrinsèque de l’assaut plus large des forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens de Gaza et l’infrastructure physique et démographique de Gaza, ainsi que des efforts visant à étendre l’occupation. Les actions d’Israël violent le droit humanitaire international et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et sont en contradiction flagrante avec l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet 2024.

    89. La Commission constate qu’Israël a mis en œuvre une politique concertée visant à détruire le système de santé de Gaza. Les forces de sécurité israéliennes ont délibérément tué, blessé, arrêté, détenu, maltraité et torturé le personnel médical et pris pour cible des véhicules médicaux, ce qui constitue le crime de guerre d’homicide volontaire et de mauvais traitements et le crime contre l’humanité d’extermination. Les autorités israéliennes ont commis ces actes tout en renforçant le siège de la bande de Gaza, ce qui a empêché les hôpitaux de recevoir du carburant, de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des fournitures médicales, tout en réduisant considérablement les autorisations accordées aux patients de quitter le territoire pour recevoir un traitement médical. La Commission estime que ces mesures ont été prises à titre de punition collective contre les Palestiniens de Gaza et qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’attaque israélienne contre le peuple palestinien qui a débuté le 7 octobre.

    90. La destruction par les forces de sécurité israéliennes de l’infrastructure sanitaire de Gaza a eu un effet gravement préjudiciable sur l’accessibilité, la qualité et la disponibilité des services de santé, augmentant considérablement la mortalité et la morbidité, en violation du droit à la santé physique et mentale, qui est intrinsèquement lié au droit à la vie. Les attaques visant les établissements de santé ont exacerbé une situation déjà catastrophique, l’augmentation rapide du nombre de patients d’urgence souffrant de blessures graves venant s’ajouter au nombre de patients non traités souffrant de maladies chroniques ou nécessitant des soins spécialisés.

    91. En ce qui concerne les attaques contre les hôpitaux Nasr, Shifa’, Awdah et l’hôpital turc, la Commission constate que, compte tenu du nombre excessif de morts et de blessés civils, ainsi que des dommages causés aux installations des hôpitaux et de leur destruction, les forces de sécurité israéliennes n’ont pas respecté les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité, ce qui constitue les crimes de guerre que sont l’homicide volontaire et les attaques contre des biens protégés. La Commission constate que, lors des attaques contre les hôpitaux Shifa’ et Nasr, les forces de sécurité israéliennes ont considéré que les locaux des hôpitaux et toutes les zones environnantes pouvaient être pris pour cible sans distinction et ont donc violé le principe de distinction. En ce qui concerne la saisie par les forces de sécurité israéliennes de l’hôpital turc à des fins militaires et l’établissement d’un poste militaire à l’intérieur, la Commission estime que ces actions n’étaient pas requises par l’impératif de nécessité militaire et qu’elles constituent donc un crime de guerre consistant à saisir des biens protégés.

    92. La Commission n’a pas trouvé de preuves d’une activité militaire des groupes armés palestiniens à Awdah ou à l’hôpital turc au moment où ils ont été attaqués. La Commission a documenté les déclarations des forces de sécurité israéliennes selon lesquelles les hôpitaux Shifa’ et Nasr étaient utilisés à des fins militaires, et les affirmations des forces de sécurité concernant la découverte de caches d’armes. Elle n’a toutefois pas été en mesure de vérifier ces affirmations de manière indépendante. La Commission a confirmé la présence d’un tunnel et d’un puits sur le terrain de l’hôpital Shifa’, mais elle n’a pas pu vérifier qu’ils étaient utilisés à des fins militaires. La Commission a vérifié des informations indiquant que des membres de groupes armés étaient entrés dans l’hôpital Shifa’ avec des véhicules des forces de sécurité israéliennes qui avaient été volés le 7 octobre. Cependant, elle n’a trouvé aucune preuve d’une présence militaire dans les services spécifiques de l’hôpital que les forces de sécurité israéliennes ont bombardés en novembre, y compris la maternité et l’unité de soins intensifs. La Commission conclut qu’au moment des attaques des forces de sécurité israéliennes, les hôpitaux et les installations médicales bénéficiaient d’une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire et étaient à l’abri de telles attaques. […]

    94. Les attaques contre les établissements de santé ont directement entraîné la mort de civils, y compris des enfants et des femmes enceintes, qui recevaient un traitement ou cherchaient un abri, et ont indirectement entraîné la mort de civils en raison du manque de soins, de fournitures et d’équipements médicaux qui en a résulté, ce qui constitue une violation du droit à la vie des Palestiniens. La Commission conclut également que ces actes constituent le crime contre l’humanité d’extermination.

    95. En ce qui concerne l’attaque du 29 janvier contre une famille, dont cinq enfants, qui se trouvait dans un véhicule et contre une ambulance de la Société du Croissant-Rouge palestinien (voir paragraphe 11), la Commission, sur la base de son enquête, conclut avec des motifs raisonnables que la 162e division des forces de sécurité israéliennes opérait dans la région et est responsable du meurtre de la famille de sept personnes, ainsi que du bombardement de l’ambulance, tuant les deux ambulanciers qui se trouvaient à l’intérieur. Ces actions constituent les crimes de guerre d’homicide volontaire et d’attaque contre des biens civils.

    96. Les attaques israéliennes contre les installations médicales ont entraîné des blessures et la mort d’enfants et ont eu des conséquences dévastatrices pour les soins pédiatriques et néonatals dans les hôpitaux de Gaza, créant un besoin important et non satisfait de soins chirurgicaux et médicaux complexes pour les enfants, y compris les bébés prématurés. Israël n’a pas agi dans l’intérêt supérieur des enfants et n’a pas garanti la protection de leurs droits à la vie et au meilleur état de santé possible, et a délibérément créé des conditions de vie qui ont entraîné la destruction de générations d’enfants palestiniens et du peuple palestinien en tant que groupe.

    97. La Commission estime que la destruction délibérée des installations de soins de santé sexuelle et génésique constitue une violence génésique et a eu un effet particulièrement néfaste sur les femmes enceintes, les femmes en post-partum et les femmes allaitantes, qui restent exposées à un risque élevé de blessures et de décès. Le fait de viser de telles infrastructures constitue une violation des droits reproductifs des femmes et des jeunes filles, ainsi que des droits à la vie, à la santé, à la dignité humaine et à la non-discrimination. En outre, il a causé des dommages et des souffrances physiques et mentales immédiates aux femmes et aux filles et aura des effets irréversibles à long terme sur la santé mentale et les perspectives de reproduction physique et de fertilité du peuple palestinien en tant que groupe.

    98. Le fait de viser intentionnellement des installations cruciales pour la santé et la protection des femmes, des nouveau-nés et des enfants a violé la norme du droit international humanitaire coutumier qui accorde une protection spéciale aux femmes et aux enfants dans les conflits armés. Ces actes préjudiciables étaient prévisibles et n’ont pas été réparés. Les souffrances physiques et mentales prolongées des enfants blessés et le préjudice reproductif causé aux femmes enceintes, en post-partum et allaitantes relèvent du crime contre l’humanité d’autres actes inhumains.

    99. La Commission constate que les forces de sécurité israéliennes ont fait preuve de perfidie lorsque des soldats sont entrés dans un hôpital de Jénine déguisés en personnel médical et en femmes civiles le 30 janvier. Cette action constitue une violation du droit international humanitaire. […]

    Détention de Palestiniens

    101. La détention arbitraire massive de Palestiniens est une pratique de longue date au cours des 75 années d’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie. La détention en Israël a été caractérisée par des abus généralisés et systématiques, des violences physiques et psychologiques, des violences sexuelles et sexistes, et des décès en détention. La fréquence et la gravité de ces pratiques ont augmenté depuis le 7 octobre.

    102. Les mauvais traitements infligés aux détenus palestiniens par les autorités israéliennes sont le résultat d’une politique intentionnelle. Des actes de violence physique, psychologique, sexuelle et reproductive ont été perpétrés pour humilier et dégrader les Palestiniens. Ces actes ont été observés dans plusieurs installations et lieux de détention temporaire, ainsi que pendant les interrogatoires et les déplacements vers et depuis les installations. Les détenus, y compris les personnes âgées et les enfants, ont été soumis à des mauvais traitements constants, notamment l’absence de nourriture suffisante et d’installations d’hygiène appropriées, des coups, des propos injurieux et l’obligation d’accomplir des actes humiliants. Les forces de sécurité israéliennes ont commis ces actes avec l’intention d’infliger des douleurs et des souffrances, ce qui équivaut à de la torture en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité et constitue une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le décès de détenus à la suite de sévices ou de négligence constitue un crime de guerre, à savoir un homicide volontaire ou un meurtre, ainsi qu’une violation du droit à la vie.

    103. Ces abus systématiques sont directement et causalement liés aux déclarations faites par des responsables israéliens, y compris le ministre de la sécurité nationale, qui dirige l’administration pénitentiaire israélienne, et d’autres membres de la coalition gouvernementale israélienne légitimant la vengeance et la violence à l’encontre des Palestiniens. Le fait que les membres des forces de sécurité israéliennes n’aient pas à rendre compte de leurs actes et que la violence contre les Palestiniens soit de plus en plus acceptée a permis à ces comportements de se poursuivre sans interruption et de devenir systématiques et institutionnalisés.

    104. Des arrestations massives d’hommes et de garçons palestiniens ont été effectuées sans motif justifiable ou presque, dans de nombreux cas apparemment simplement parce qu’ils étaient considérés comme étant en « âge de combattre » ou qu’ils n’avaient pas suivi les ordres d’évacuation. La détention de milliers de Palestiniens pendant des périodes prolongées, même lorsqu’ils ne présentaient manifestement aucun risque pour la sécurité, est arbitraire, illégale et constitue une punition collective et une persécution fondée sur le sexe [Note du traducteur : Pourquoi ne pas les désigner comme ce qu’ils sont, à savoir des « otages » ?].

    105. La politique israélienne consistant à dissimuler délibérément des informations concernant les noms, le lieu de détention et le statut des détenus relève du crime contre l’humanité de disparition forcée. Les souffrances mentales des familles des détenus sont assimilables à de la torture.

    106. Les forces de sécurité israéliennes ont intentionnellement, illégalement et arbitrairement privé des enfants palestiniens de leur liberté et de leurs droits fondamentaux et leur ont causé de graves souffrances physiques et mentales. Les forces de sécurité israéliennes ont transféré des enfants détenus de Gaza et de Cisjordanie vers des centres de détention militaires israéliens, où ils ont été détenus pendant des périodes prolongées dans les mêmes quartiers que les adultes et soumis à de graves mauvais traitements, humiliations et tortures. Des mauvais traitements ont également été observés dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne. Les enfants libérés présentaient des signes de blessures physiques graves, de détresse psychologique extrême et de traumatisme.

    107. Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé des détenus comme boucliers humains à plusieurs reprises en Cisjordanie et à Gaza, ce qui constitue un crime de guerre. Les forces de sécurité israéliennes ont transporté des détenus de Cisjordanie sur le capot de véhicules des forces de sécurité israéliennes au milieu d’un échange de tirs. Elles ont forcé des détenus à entrer dans des tunnels et des bâtiments avant le personnel militaire dans la bande de Gaza.

    108. L’intensité des hostilités a augmenté, de même que la prévalence et les types de violences sexuelles et sexistes commises. Dans son précédent rapport au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/56/26), la Commission a identifié des actes de persécution commis à l’encontre d’hommes et de garçons palestiniens, y compris le fait de filmer des scènes de déshabillage et de nudité forcés en public. La Commission constate que ces actes de persécution se sont poursuivis en détention sous la forme de tortures sexualisées. Les détenus de sexe masculin ont subi des atteintes à leur sexualité et à leurs organes reproducteurs, notamment des violences sur leurs organes génitaux et leur anus, et ont été contraints d’accomplir des actes humiliants et pénibles, nus ou déshabillés, à titre de punition ou d’intimidation, dans le but de leur soutirer des informations. Des détenus de sexe masculin ont été victimes de viols, ce qui constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité. De tels actes de violence sexuelle, causant de graves souffrances physiques et mentales, sont également assimilables à de la torture.

    109. Les forces de sécurité israéliennes ont soumis des détenus, hommes et femmes, à une nudité forcée et à un déshabillage pendant leur transfert, dans les centres de détention et pendant les interrogatoires ou les fouilles corporelles, de manière généralisée et systématique. Associés à d’autres actes de violence sexuelle commis à des fins d’humiliation ou de dégradation, tels que le fait d’être photographié entièrement ou partiellement nu et de faire l’objet d’abus sexuels verbaux et physiques et de menaces de viol, les actes susmentionnés constituent les crimes de guerre que sont les traitements inhumains et les atteintes à la dignité de la personne, ainsi que le crime contre l’humanité que constituent les autres actes inhumains. Dans certains cas, ces actes constituent le crime de guerre et le crime contre l’humanité de torture.

    110. Les forces de sécurité israéliennes ont interdit aux détenus libérés de retourner sur leurs lieux de résidence dans le nord de Gaza. Cette interdiction constitue un déplacement forcé. Les attaques contre les civils qui tentent de retourner auprès de leurs familles s’apparentent à un transfert forcé. Il s’agit de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. […]

    V. Recommandations

    113. La Commission recommande au gouvernement d’Israël de :

    (a) Mette immédiatement fin à l’occupation illégale du territoire palestinien, cesse tous les nouveaux plans et activités de colonisation, y compris en ce qui concerne la bande de Gaza, et supprime toutes les colonies aussi rapidement que possible, conformément à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet 2024 ;

    (b) Veille, en tant que puissance occupante, à ce que les droits de la population sous son contrôle effectif soient sauvegardés et à ce que des services médicaux soient disponibles pour tous ;

    (c) Se conforme à toutes les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de Justice, en prenant toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission de tous les actes relevant de l’article II, alinéas a) à d), de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

    (d) Cesse immédiatement de prendre pour cible les installations, le personnel et les véhicules médicaux et cesser l’utilisation militaire des installations médicales, conformément au droit international humanitaire ; et assurer au personnel médical et aux ambulances un accès rapide, sûr et sans entrave aux personnes blessées ;

    (e) Assure la reconstruction du système de soins de santé de Gaza et fournir immédiatement des traitements médicaux répondant aux normes les plus élevées possibles ;

    (f) Mette fin au siège de Gaza et assurer la fourniture de tous les biens nécessaires au maintien de la santé de la population et des patients ayant besoin de soins médicaux ;

    (g) Facilite immédiatement l’évacuation médicale des Palestiniens de Gaza, en particulier des malades du cancer et des enfants, ainsi que de leurs tuteurs ;

    (h) Cesse immédiatement de prendre pour cible les établissements de soins de santé sexuelle et génésique ; respecter l’obligation de garantir l’accès et la disponibilité de services, de biens et d’établissements de soins de santé génésique de qualité ;

    (i) S’engage à mettre en œuvre un plan d’action assorti d’un calendrier pour mettre fin aux violations graves des droits de l’enfant, y compris des mesures de responsabilisation pour les attaques contre les installations médicales, compte tenu du fait que les forces armées et de sécurité israéliennes sont énumérées dans les annexes du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (A/78/842-S/2024/384) ;

    (j) Cesse immédiatement la détention arbitraire et illégale de Palestiniens, y compris d’enfants, et garantir une procédure régulière et des procès équitables, conformément aux normes internationales en matière de justice ;

    (k) Veille à ce que tous les Palestiniens qui ont été arrêtés ou détenus soient traités humainement ; mettre immédiatement fin à la torture et aux autres mauvais traitements ; prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les violations et enquêter sur celles-ci et veiller à ce que les auteurs soient tenus pour responsables ; veiller à ce que les conditions de détention soient strictement conformes aux normes internationales ;

    (l) Mette fin immédiatement aux viols et aux autres formes de violence sexuelle et sexiste en détention ; établir des protocoles et des conditions de détention appropriés et sexospécifiques, notamment en ce qui concerne la recherche de prisonniers ; fournir aux femmes des soins de santé sexospécifiques et répondre à leurs besoins en matière d’hygiène ;

    (m) Fournisse des informations sur les noms, le lieu de détention et l’état de tous les détenus et les corps retenus ; permettre au CICR d’avoir accès aux détenus et de leur fournir une assistance et une représentation juridiques ;

    (n) Donne accès à la Commission et l’autoriser à pénétrer en Israël et dans le territoire palestinien occupé pour enquêter sur toutes les violations du droit international, comme l’a ordonné la Cour internationale de justice ; […]

    115. La Commission recommande que tous les États membres

    (a) Se conforment à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice et aux obligations juridiques internationales de ne pas reconnaître l’occupation illégale d’Israël, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de l’occupation et de faire la distinction dans leurs relations entre Israël et les Territoires palestiniens occupés ;

    (b) Respectent toutes les obligations découlant du droit international, y compris l’obligation, en vertu de l’article 1er commun aux conventions de Genève, assurent le respect du droit humanitaire international par tous les États parties, y compris Israël et l’État de Palestine, ainsi que les obligations découlant de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention sur le génocide ;

    (c) Cessent d’aider ou d’assister à la commission de violations ; explorent les mesures de responsabilisation à l’encontre des auteurs présumés de crimes internationaux, de violations graves des droits de l’homme et d’abus en Israël et dans le territoire palestinien occupé ;

    (d) Coopèrent avec l’enquête du bureau du procureur de la Cour pénale internationale.

    https://bellaciao.org/Gaza-l-ONU-declare-Israel-coupable-d-extermination-un-crime-contre-l-huma

  • "Tous doivent être décapités" : Révélations sur les #atrocités commises dans le bastion africain de #TotalEnergies

    Les villageois de la péninsule d’#Afungi, dans le nord du Mozambique, connaissaient bien ces conteneurs : une douzaine de boîtes en acier collées les unes contre les autres pour former un mur, avec une barrière au milieu. Ils servaient de portail de fortune pour un site de production de #gaz_naturel en cours de construction par TotalEnergies, dans une région isolée en proie à une violente insurrection islamiste.

    Ces mêmes villageois avaient été pris entre les feux croisés de l’#armée_mozambicaine et des combattants affiliés à l’#Etat_islamique. Après avoir fui leurs maisons, ils étaient allés chercher la protection des soldats du gouvernement. Au lieu de cela, ils ont trouvé la violence.

    Les soldats ont accusé les villageois d’avoir participé à l’#insurrection. Ils ont séparé les hommes — un groupe de 180 à 250 personnes — de leurs femmes et de leurs enfants. Puis ils les ont entassés dans les deux conteneurs situés de part et d’autre de l’entrée, les frappant à coups de pied et de crosse.

    Les soldats ont détenus ces hommes pendant trois mois. Ils les ont battus, affamés, torturés puis finalement exécutés. Finalement, seuls 26 prisonniers ont survécu.

    En discutant avec des survivants et des témoins et en faisant du porte-à-porte, j’ai pu reconstituer un récit détaillé des #atrocités perpétrées au cours de l’été 2021 par un #commando_mozambicain, dirigé par un officier qui disait avoir pour mission de protéger “le projet de Total”.

    La nouvelle du massacre ne peut qu’ajouter aux airs de désastre qui entourent désormais un projet qui — avec le développement d’un second #champ_gazier par #ExxonMobil — a été présenté comme le plus gros investissement privé jamais réalisé en Afrique, avec un coût total de près de 50 milliards de dollars.

    La construction de la #concession_gazière est interrompue depuis 2021, date à laquelle les rebelles islamistes ont envahi la région, massacrant plus de 1000 personnes. La justice française a déjà ouvert une enquête sur la gestion de TotalEnergies à la suite de la mort de sous-traitants lors de cette attaque.

    Ce second #bain_de_sang, que nous révélons, a été perpétré non pas par des islamistes mais par une unité militaire mozambicaine opérant à partir de la guérite de TotalEnergies.

    L’alliance de la major pétrolière avec l’armée mozambicaine soulève inévitablement des questions sur la gestion de #Patrick_Pouyanné, PDG de TotalEnergies.

    Il avait prévu de faire du mégaprojet mozambicain la vitrine de ses ambitions pour un avenir à faible émission de carbone. Au lieu de cela, sa stratégie d’investissements risqués dans des régions instables du monde risque désormais de se heurter aux efforts juridiques croissants visant à traduire les #multinationales devant la justice internationale.

    Pour évaluer à quel point l’entreprise est exposée, deux questions sont primordiales : TotalEnergies savait-elle qu’elle travaillait avec des tortionnaires et des tueurs ? Savait-elle — ou aurait-elle dû savoir — que des atrocités avaient été commises dans ses conteneurs ?

    En réponse à un résumé détaillé de cet article, #Maxime_Rabilloud, directeur général de #Mozambique_LNG, la filiale de TotalEnergies dans le pays, a déclaré que son entreprise n’avait “aucune connaissance des événements présumés décrits” ni “aucune information indiquant que de tels événements ont eu lieu”.

    Il a également déclaré que la société n’était pas présente sur le terrain au moment des #meurtres, ayant confié le site aux forces de sécurité mozambicaines. “Néanmoins, étant donné la gravité des allégations, nous prenons votre message très au sérieux”, a-t-il ajouté.

    https://www.politico.eu/article/totalenergies-mozambique-patrick-pouyanne-atrocites-afungi-palma-cabo-delga
    #Afrique #Françafrique #Mozambique #viols #violence #torture #massacre

    • L’explosion de Deepwater Horizon en 2010 — qui a tué onze travailleurs de la plate-forme et dont la marée noire a dévasté des centaines de kilomètres de côtes du golfe du Mexique, au large des Etats-Unis — a été un moment charnière pour le secteur des combustibles fossiles, a déclaré Patrick Pouyanné lors d’une conférence à Londres en 2017.

      Les pénalités financières “absolument énormes” de 62 à 142 milliards de dollars (selon le calcul utilisé) imposées au géant pétrolier britannique BP ont annoncé l’arrivée de ce que Patrick Pouyanné a appelé un nouveau “risque juridique” interdisant d’opérer dans les pays où de telles amendes pourraient être prononcées.

      La solution de Patrick Pouyanné a consisté à chercher des territoires moins réglementés au Moyen-Orient, où l’entreprise a débuté, et en Afrique, berceau d’Elf Aquitaine, le producteur de pétrole absorbé par Total en 1999.

      Opérer dans ces régions comporte souvent un risque politique plus élevé — corruption, instabilité, insurrection — reconnaît Patrick Pouyanné. Mais c’est le genre de risque face auquel Total, l’une des plus grandes entreprises du monde (cotée à 150 milliards d’euros), est bien équipée. La taille de l’entreprise lui a également permis de diversifier ses investissements dans le monde entier, en veillant à ce qu’aucun projet ne soit suffisamment important pour faire couler l’ensemble de l’entreprise.

      C’est ainsi qu’en mai 2019, Patrick Pouyanné a annoncé la pièce maîtresse de sa nouvelle stratégie : l’achat d’une participation de 26,5% et le rôle d’opérateur principal dans un champ gazier géant situé dans une zone de guerre à l’autre bout de la planète. “Nous aimons le risque, c’est pourquoi nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure du Mozambique”, a-t-il déclaré une semaine plus tard à l’Atlantic Council de Washington.

      “L’avantage d’être une grande entreprise avec un portefeuille très important est que nous pouvons absorber ce type de risque…” Mentionnant la Papouasie-Nouvelle-Guinée comme “un autre bel endroit” dans lequel Total investit, il a ajouté : “[Ni l’un ni l’autre], même s’il y a un effondrement, ne mettront Total en danger.”

    • Une description exacte des plus anciens poncifs antisémites qui revient.
      Pas plus les Israéliens que les juifs ne commettent de tueries pour commémorer une fête.
      Vous ne pouvez pas transmettre de telles fausses nouvelles sans être une partie du problème.
      En revanche ce qu’on a vraiment vu, ce sont les terroristes le 7 octobre violer des femmes, les tuer, et les trimballer nues au milieu des Palestiniens pour qu’ils crachent dessus.

  • Pourquoi l’UNRWA doit cesser de servir de bouc émissaire

    Couper les fonds à l’UNRWA… met en péril toute assistance efficace apportée aux victimes des mêmes atrocités qu’Israël commet… La disparition ou la grave limitation du travail de l’UNRWA facilitera la perpétration et la dissimulation de graves violations du droit international. loi. Cela constitue non seulement en soi une violation de l’obligation de prévenir le génocide et d’assurer le respect des lois de la guerre par d’autres, mais cela indique une plus grande implication dans la facilitation de ces activités illégales.

    Cet argument s’applique également aux États-Unis, qui ont non seulement coupé les fonds à l’UNRWA, mais dont le Congrès a également adopté une interdiction d’un an sur les fonds de l’UNRWA .

    La campagne de financement lancée contre l’UNRWA risque d’effacer le dernier engagement international en faveur du juste sort des réfugiés palestiniens et de leur droit collectif au retour, tel que consacré dans la résolution 194. La menace pour la survie de l’UNRWA en tant que seule agence concernée par les Palestiniens les réfugiés devraient être une préoccupation pour chaque Palestinien et chaque décideur politique. La suspension des fonds de l’UNRWA à un moment aussi critique sert l’objectif d’Israël d’éliminer l’agence dans son intégralité – et avec elle la question des réfugiés palestiniens.

    https://al-shabaka.org/briefs/why-scapegoating-unrwa-must-stop

    https://1-al--shabaka-org.translate.goog/briefs/why-scapegoating-unrwa-must-stop/?_x_tr_enc=1&_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_

    Je recommande cet excellent site de la diaspora palestinienne.

    #Etats-Unis #Israel #atrocités #carnages #génocide #famine #UNRWA #Gaza #Participation-occidentale-aux-crimes-israéliens

  • Ecco quello che hanno fatto davvero gli italiani “brava gente”

    In un libro denso di testimonianze e documenti, #Eric_Gobetti con “I carnefici del duce” ripercorre attraverso alcune biografie i crimini dei militari fascisti in Libia, Etiopia e nei Balcani, smascherando una narrazione pubblica che ha distorto i fatti in una mistificazione imperdonabile e vigliacca. E denuncia l’incapacità nazionale di assumersi le proprie responsabilità storiche, perpetuata con il rosario delle “giornate della memoria”. Ci fu però chi disse No.

    “I carnefici del duce” è un testo che attraverso alcune emblematiche biografie è capace di restituire in modo molto preciso e puntigliosamente documentato le caratteristiche di un’epoca e di un sistema di potere. Di esso si indagano le pratiche e le conseguenze nella penisola balcanica ma si dimostra come esso affondi le radici criminali nei territori coloniali di Libia ed Etiopia, attingendo linfa da una temperie culturale precedente, dove gerarchia, autoritarismo, nazionalismo, militarismo, razzismo, patriarcalismo informavano di sé lo Stato liberale e il primo anteguerra mondiale.

    Alla luce di tali paradigmi culturali che il Ventennio ha acuito con il culto e la pratica endemica dell’arbitrio e della violenza, le pagine che raccontano le presunte prodezze italiche demoliscono definitivamente l’immagine stereotipa degli “italiani brava gente”, una mistificazione imperdonabile e vigliacca che legittima la falsa coscienza del nostro Paese e delle sue classi dirigenti, tutte.

    Anche questo lavoro di Gobetti smaschera la scorciatoia autoassolutoria dell’Italia vittima dei propri feroci alleati, denuncia l’incapacità nazionale di assumere le proprie responsabilità storiche nella narrazione pubblica della memoria – anche attraverso il rosario delle “giornate della memoria” – e nell’ufficialità delle relazioni con i popoli violentati e avidamente occupati dall’Italia. Sì, perché l’imperialismo fascista, suggeriscono queste pagine, in modo diretto o indiretto, ha coinvolto tutta la popolazione del Paese, eccetto coloro che, nei modi più diversi, si sono consapevolmente opposti.

    Non si tratta di colpevolizzare le generazioni (soprattutto maschili) che ci hanno preceduto, afferma l’autore,­ ma di produrre verità: innanzitutto attraverso l’analisi storiografica, un’operazione ancora contestata, subissata da polemiche e a volte pure da minacce o punita con la preclusione da meritate carriere accademiche; poi assumendola come storia propria, riconoscendo responsabilità e chiedendo perdono, anche attraverso il ripudio netto di quel sistema di potere e dei suoi presunti valori. Diventando una democrazia matura.

    Invece, non solo persistono ambiguità, omissioni, false narrazioni ma l’ombra lunga di quella storia, attraverso tante biografie, si è proiettata nel secondo dopoguerra, decretandone non solo la radicale impunità ma l’affermarsi di carriere, attività e formazioni che hanno insanguinato le strade della penisola negli anni Settanta, minacciato e condizionato l’evolversi della nostra democrazia.

    Di un sistema di potere così organicamente strutturato – come quello che ha retto e alimentato l’imperialismo fascista – pervasivo nelle sue articolazioni sociali e culturali, il testo di Gobetti ­accanto alle voci dei criminali e a quelle delle loro vittime, fa emergere anche quelle di coloro che hanno detto no, scegliendo di opporsi e dimostra che, nonostante tutto, era comunque possibile fare una scelta, nelle forme e nelle modalità più diverse: dalla volontà di non congedarsi dal senso della pietà, al tentativo di rendere meno disumano il sopravvivere in un campo di concentramento; dalla denuncia degli abusi dei propri pari, alla scelta della Resistenza con gli internati di cui si era carcerieri, all’opzione netta per la lotta di Liberazione a fianco degli oppressi dal regime fascista, a qualunque latitudine si trovassero.

    È dunque possibile scegliere e fare la propria parte anche oggi, perché la comunità a cui apparteniamo si liberi dagli “elefanti nella stanza” – così li chiama Gobetti nell’introduzione al suo lavoro –­ cioè dai traumi irrisolti con cui ci si rifiuta di fare i conti, che impediscono di imparare dai propri sbagli e di diventare un popolo maturo, in grado di presentarsi con dignità di fronte alle altre nazioni, liberando dalla vergogna le generazioni che verranno e facendo in modo che esse non debbano più sperimentare le nefandezze e i crimini del fascismo, magari in abiti nuovi. È questo autentico amor di patria.

    “I carnefici del duce” – 192 pagine intense e scorrevolissime, nonostante il rigore della narrazione,­ è diviso in 6 capitoli, con un’introduzione che ben motiva questa nuova ricerca dell’autore, e un appassionato epilogo, che ne esprime l’alto significato civile.

    Le tappe che vengono scandite scoprono le radici storiche dell’ideologia e delle atrocità perpetrate nelle pratiche coloniali fasciste e pre-fasciste; illustrano la geopolitica italiana del Ventennio nei Balcani, l’occupazione fascista degli stessi fino a prospettarne le onde lunghe nelle guerre civili jugoslave degli anni Novanta del secolo scorso; descrivono la teoria e la pratica della repressione totale attuata durante l’occupazione, circostanziandone norme e regime d’impunità; evidenziano la stretta relazione tra la filosofia del regime e la mentalità delle alte gerarchie militari.


    Raccontano le forme e le ragioni dell’indebita appropriazione delle risorse locali e le terribili conseguenze che ne derivarono per le popolazioni, fino a indagare l’inferno, il fenomeno delle decine e decine di campi d’internamento italiani, di cui è emblematico quello di Arbe. Ciascun capitolo è arricchito da una testimonianza documentaria, significativa di quanto appena esposto. Impreziosiscono il testo, oltre ad un’infinità di note che giustificano quasi ogni passaggio – a riprova che nel lavoro storiografico rigore scientifico e passione civile possono e anzi debbono convivere – una bibliografia e una filmografia ragionata che offrono strumenti per l’approfondimento delle questioni trattate.

    https://www.patriaindipendente.it/terza-pagina/librarsi/ecco-quello-che-hanno-fatto-davvero-gli-italiani-brava-gente
    #Italiani_brava_gente #livre #Italie #colonialisme #fascisme #colonisation #Libye #Ethiopie #Balkans #contre-récit #mystification #responsabilité_historique #Italie_coloniale #colonialisme_italien #histoire #soldats #armée #nationalisme #racisme #autoritarisme #patriarcat #responsabilité_historique #mémoire #impérialisme #impérialisme_fasciste #vérité #résistance #choix #atrocités #idéologie #occupation #répression #impunité #camps_d'internement #Arbe

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    ajouté à la métaliste sur le colonialisme italien:
    https://seenthis.net/messages/871953

    • I carnefici del Duce

      Non tutti gli italiani sono stati ‘brava gente’. Anzi a migliaia – in Libia, in Etiopia, in Grecia, in Jugoslavia – furono artefici di atrocità e crimini di guerra orribili. Chi furono ‘i volenterosi carnefici di Mussolini’? Da dove venivano? E quali erano le loro motivazioni?
      In Italia i crimini di guerra commessi all’estero negli anni del fascismo costituiscono un trauma rimosso, mai affrontato. Non stiamo parlando di eventi isolati, ma di crimini diffusi e reiterati: rappresaglie, fucilazioni di ostaggi, impiccagioni, uso di armi chimiche, campi di concentramento, stragi di civili che hanno devastato intere regioni, in Africa e in Europa, per più di vent’anni. Questo libro ricostruisce la vita e le storie di alcuni degli uomini che hanno ordinato, condotto o partecipato fattivamente a quelle brutali violenze: giovani e meno giovani, generali e soldati, fascisti e non, in tanti hanno contribuito a quell’inferno. L’hanno fatto per convenienza o per scelta ideologica? Erano fascisti convinti o soldati che eseguivano gli ordini? O furono, come nel caso tedesco, uomini comuni, ‘buoni italiani’, che scelsero l’orrore per interesse o perché convinti di operare per il bene della patria?

      https://www.laterza.it/scheda-libro/?isbn=9788858151396
      #patrie #patriotisme #Grèce #Yougoslavie #crimes_de_guerre #camps_de_concentration #armes_chimiques #violence #brutalité

  • Catalyse totalitaire

    Il y a une économie générale de la #violence. Ex nihilo nihil : rien ne sort de rien. Il y a toujours des antécédents. Cette économie, hélas, ne connaît qu’un principe : la #réciprocité – négative. Lorsque l’#injustice a été portée à son comble, lorsque le groupe a connu le #meurtre_de_masse et, pire peut-être, l’#invisibilisation du meurtre de masse, comment pourrait-il ne pas en sortir une #haine vengeresse ? Les rationalités stratégiques – faire dérailler la normalisation israélo-arabe, réinstaller le conflit israélo-palestinien sur la scène internationale –, si elles sont réelles, n’en ont pas moins trouvé parmi leurs ressources le carburant de la vengeance meurtrière.

    « #Terrorisme », mot-impasse

    La FI n’a pas commis les erreurs dont on l’accuse. Mais elle en a commis. Une – et de taille. Dans un événement de cette sorte, on ne se rend pas directement à l’analyse sans avoir d’abord dit l’#effroi, la #stupeur et l’#abomination. Le minimum syndical de la #compassion ne fait pas l’affaire, et on ne s’en tire pas avec quelques oblats verbaux lâchés pour la forme. Quand bien même ce qui est donné au peuple palestinien ignore jusqu’au minimum syndical, il fallait, en cette occurrence, se tenir à ce devoir – et faire honte aux prescripteurs de la compassion asymétrique.

    Ce manquement, réel, a cependant été saisi et déplacé pour se transformer dans le débat public en un point de sommation, d’abjuration même, sur lequel la FI, cette fois, a entièrement raison de ne pas céder : « terrorisme ». « Terrorisme » devrait-il être, comme l’affirme Vincent Lemire, « le point de départ du #débat_public » ? Non. Il n’en est même pas le point d’arrivée : juste le cul-de-sac. « Terrorisme » est un mot impasse. C’est ce que rappelle Danièle Obono, et elle a raison. Fait pour n’installer que la perspective de l’éradication et barrer toute analyse politique, « terrorisme » est une catégorie hors-politique, une catégorie qui fait sortir de la #politique. La preuve par Macron : « unité de la nation » et dérivés, 8 occurrences en 10 minutes de brouet. Suspension des conflits, neutralisation des différends, décret d’unanimité. Logiquement : les manifestations de soutien au peuple palestinien sont des manifestations de soutien au terrorisme, et même des manifestations terroristes, en conséquence de quoi elles sont interdites.

    Concéder « terrorisme », c’est annuler que ce qui se passe en Israël-Palestine est politique. Au plus haut point. Même si cette politique prend la forme de la #guerre, se poursuivant ainsi par d’autres moyens selon le mot de Clausewitz. Le #peuple_palestinien est en guerre – on ne lui a pas trop laissé le choix. Une entité s’est formée en son sein pour la conduire – d’où a-t-elle pu venir ? « On a rendu Gaza monstrueux », dit Nadav Lapid. Qui est « on » ?

    Sans avoir besoin de « terrorisme », « guerre » et « #crimes_de_guerre » sont hélas très suffisants à dire les combles de l’horreur. Très suffisants aussi à dire les #massacres abominables de civils. Si dans la guerre, qui est par principe #tuerie, on a forgé sans pléonasme la catégorie de « crimes de guerre », c’est bien pour désigner des actes qui font passer à une chose atroce en soi d’autres paliers d’#atrocité. C’est le moment de toute façon où il faut faire revenir l’#économie_générale_de_la_violence : des #crimes qui entraînent des crimes – des crimes qui ont précédé des crimes. L’acharnement à faire dire « terrorisme » ne satisfait que des besoins passionnels – et aucune exigence intellectuelle.

    En réalité, « terrorisme » et « crimes de guerre » sont deux catégories qui ne cessent de passer l’une dans l’autre, et ne dessinent aucune antinomie stable. Hiroshima est, à la lettre, conforme à la définition ONU du terrorisme : tuer des civils qui ne sont pas directement parties à des hostilités pour intimider une population ou contraindre un gouvernement à accomplir un certain acte. A-t-on entendu parler de terrorisme pour la bombe d’Hiroshima ? Et pour Dresde ? – comme Hiroshima : terroriser une population en vue d’obtenir la capitulation de son gouvernement.

    Mais pour ceux qui, dans la situation présente, en ont fait un point d’abjuration, « terrorisme » a une irremplaçable vertu : donner une violence pour dépourvue de #sens. Et de #causes. Violence pure, venue de nulle part, qui n’appelle rigoureusement aucune autre action que l’extirpation, éventuellement dans la forme relevée de la croisade : le choc des civilisations, l’axe du Bien, à laquelle il n’y a aucune question à poser. Il est vrai qu’ici nous naviguons en eaux vallsiennes où #comprendre est contradictoire avec s’émouvoir, et vient nécessairement en diminution du sentiment d’horreur, donc en supplément de complaisance. L’empire de la bêtise, comme une marée noire, n’en finit plus de s’étendre.

    La #passion de ne pas comprendre

    Surtout donc : ne pas comprendre. Ce qui demande un effort d’ailleurs, car l’évidence est massive et, avoir les yeux ouverts suffit – pour comprendre. Un peuple entier est martyrisé par une #occupation, ça fait bientôt 80 ans que ça dure. On les enferme, on les parque à les rendre fous, on les affame, on les tue, et il n’est plus une voix officielle pour en dire un mot. 200 morts depuis dix mois : pas un mot – entendre : qui se comparerait, même de loin, aux mots donnés aux Israéliens. Des témoignages vidéos à profusion des crimes israéliens encore frais : pas un mot. Des marches palestiniennes pacifiques à la frontière, 2018, 200 morts : pas un mot. Des snipers font des cartons sur les rotules, 42 en une après-midi, pas mal : mais pas un mot – si : « l’armée la plus morale du monde ». D’anciens militaires de l’armée la plus morale du monde expriment le dégoût, l’inhumanité de ce qu’on leur a fait faire aux Palestiniens : pas un mot. À chacune des #abominations du Hamas ce week-end, on en opposerait tant et plus commises par les militaires ou les colons – à peine quelques rides à la surface de l’eau. Les tragédies israéliennes sont incarnées en témoignages poignants, les tragédies palestiniennes sont agglomérées en statistiques. En parlant de statistique : on voudrait connaître la proportion des hommes du Hamas passés à l’attaque ce week-end qui ont tenu dans leurs mains les cadavres de leurs proches, des corps de bébés désarticulés, pour qui la vie n’a plus aucun sens – sinon la vengeance. Non pas « terrorisme » : le métal en fusion de la vengeance coulé dans la lutte armée. L’éternel moteur de la guerre. Et de ses atrocités.

    En tout cas voilà le sentiment d’injustice qui soude le groupe. Une vie qui ne vaut pas une autre vie : il n’y a pas de plus haute injustice. Il faut être épais pour ne pas parvenir à se représenter ça – à la limite, même pas par humaine compréhension : par simple prévoyance stratégique. Qu’un martyre collectif soit ainsi renvoyé à l’inexistence, que les vies arabes se voient dénier toute valeur, et que ceci puisse rester indéfiniment sans suite, c’était une illusion de colonisateur.

    Bloc bourgeois et « importation »

    Maintenant le fait le plus frappant : tout l’Occident officiel communie dans cette illusion. En France, à un degré étonnant. On s’y inquiète beaucoup des risques d’« #importation_du_conflit ». Sans voir que le conflit est déjà massivement importé. Bien sûr, « importation du conflit » est un mot à peine codé pour dire indifféremment « Arabes », « immigrés », « banlieues ». Mais le canal d’importation réel n’est pas du tout celui-là, il est sous nos yeux pourtant, large comme Panama, bouillonnant comme une conduite forcée : le canal d’importation-du-conflit, c’est le bloc bourgeois (Amable et Palombarini ©). Tout son appareil, personnel politique, éditocratie en formation serrée, médias en « édition spéciale », s’est instantanément déclenché pour importer. Pourquoi le point de fixation sur le terrorisme ? Pour la FI bien sûr – nous y revoilà. Cette fois-ci cependant avec un nouveau point de vue : le point de vue de l’importation intéressée. Le bloc bourgeois quand il fait bloc derrière Israël à l’extérieur saisit surtout l’occasion de faire bloc contre ses ennemis à l’intérieur.

    Il faudrait ici une analyse de la solidarité réflexe du #bloc_bourgeois avec « Israël » (entité indifférenciée : population, Etat, gouvernement) et des affinités par lesquelles elle passe. Des affinités de bourgeois : le même goût de la démocratie frelatée (bourgeoise), la même position structurale de dominant (dominant national, dominant régional), les mêmes représentations médiatiques avantageuses, ici celles d’Israël comme une société bourgeoise (start-ups et fun à Tel Aviv). Tout porte le bloc bourgeois à se reconnaître spontanément dans l’entité « Israël », partant à en épouser la cause.

    Et le bloc bourgeois français est plus israélien que les Israéliens : il refuse qu’on dise « #apartheid » alors que des officiels israéliens le disent, il refuse de dire « Etat raciste » alors qu’une partie de la gauche israélienne le dit, et qu’elle dit même parfois bien davantage, il refuse de dire la #responsabilité écrasante du gouvernement israélien alors qu’Haaretz le dit, il refuse de dire la politique continûment mortifère des gouvernements israéliens alors qu’une kyrielle d’officiers supérieurs israéliens le disent, il refuse de dire « crimes de guerre » pour le Hamas alors que l’ONU et le droit international le disent. Gideon Levy : « Israël ne peut pas emprisonner deux millions de Palestiniens sans en payer le prix cruel ». Daniel Levy, ancien diplomate israélien à une journaliste de la BBC qui lui dit que les Israéliens sur le point d’annihiler Gaza « se défendent » : « Vous pouvez vraiment dire une chose pareille sans ciller ? Ce genre de #mensonges ? » Le bloc bourgeois : « Israël ne fait que se défendre ». Il dit « Terreur » quand les Russes coupent toute ressource à l’Ukraine, il ne dit rien quand Israël coupe toute ressource à Gaza. Le bloc bourgeois vit un flash d’identification que rien ne peut désarmer.

    Il le vit d’autant plus intensément que la lutte contre les ennemis du frère bourgeois au dehors et la lutte contre les adversaires du bloc bourgeois au-dedans se potentialisent l’une l’autre. C’est comme une gigantesque résonance inconsciente, qui prend toute son ampleur dans une situation de crise organique où le bloc bourgeois contesté est devenu prêt à tout pour se maintenir.

    Le bloc regarde autour de lui, il ne se voit plus qu’un seul ennemi significatif : la FI. PS, EELV, PC, il a tout neutralisé, plus aucune inquiétude de ce côté-là, ces gens ne représentent aucun danger – quand ils ne sont pas de précieux auxiliaires. La FI, non. Une occasion se présente pour l’anéantir : ne pas hésiter une seule seconde. Comme avec Corbyn, comme avec Sanders, les affabulations d’antisémitisme, connaissaient déjà leur régime de croisière, mais une opportunité pareille est inespérée. Providentiel loupé inaugural de la FI : tout va pouvoir s’engouffrer dans cette brèche : le mensonge ouvert, la défiguration éhontée des propos, les sondages bidons sur des déclarations ou des absences de déclarations fabriquées, les accusations délirantes. La BBC s’abstient de dire « terroriste » mais la FI doit le dire. Des universitaires incontestables produisent de l’analyse sur les plateaux, mais la même analyse fournie par la FI est un scandale. La FI a une position somme toute fort proche de l’ONU, mais elle est antisémite. « Que cherche Jean-Luc Mélenchon ? A cautionner le terrorisme islamiste ? » s’interroge avec nuance La Nuance.

    #Cristallisation

    La violence du spasme que connait la vie politique française n’a pas d’autre cause. L’événement a œuvré comme un puissant réactif, révélant toutes les tendances actuelles du régime, et les portant à un point que même les émeutes de juillet ne leur avaient pas fait atteindre. L’effet de catalyse est surpuissant. Crise après crise, la dynamique pré-fasciste ne cesse de prendre consistance et de s’approfondir. Le terme en a été donné par Meyer Habib député français d’extrême-droite israélienne : « Le RN est entré dans le camp républicain ».

    Les moments de vérité recèlent toujours quelque avantage : nous savons désormais en quoi consiste le #camp_républicain. C’est le camp qui interdit le #dissensus, qui interdit l’#expression_publique, qui interdit les #manifestations, qui impose l’#unanimité ou le #silence, et qui fait menacer par ses nervis policiers tous ceux et toutes celles qui seraient tentés de continuer à faire de la politique autour de la question israélo-palestinienne. C’est le camp qui fait faire des signalements par des institutions universitaires à l’encontre de communiqués de syndicats étudiants, qui envisage tranquillement de poursuivre des organisations comme le NPA ou Révolution permanente, qui doit sans doute déjà penser secrètement à des dissolutions.

    C’est bien davantage qu’un spasme en fait. Par définition, un spasme finit par relaxer. Ici, ça cristallise : une phase précipite. Et pas n’importe laquelle : #catalyse_totalitaire. « Totalitaire » est la catégorie qui s’impose pour toute entreprise politique de production d’une #unanimité_sous_contrainte. L’#intimidation, le forçage à l’alignement, la désignation à la vindicte, la déformation systématique, la réduction au monstrueux de toute opinion divergente en sont les opérations de premier rang. Viennent ensuite l’#interdiction et la #pénalisation. Témoigner du soutien au peuple palestinien est devenu un #délit. Arborer un #drapeau palestinien est passible de 135€ d’amende – on cherche en vain une base légale présentable. « Free Palestine » est un graffiti antisémite – dixit CNews, devenu arbitre des élégances en cette matière, signes de temps renversés où d’actuelles collusions avec des antisémites distribuent les accusations d’antisémitisme, et d’anciennes collusions avec le nazisme celles de nazisme. Sous l’approbation silencieuse du reste du champ politique et médiatique. Dans les couloirs de toute la galaxie Bolloré, on ne doit plus en finir de se tenir les côtes de rire, pendant qu’à LREM, à France Inter et sur tous les C Trucmuche de France 5, on prend la chose au tout premier degré. Le camp républicain, c’est le camp qui suspend la politique, les libertés et les droits fondamentaux, le camp soudé dans le racisme anti-Arabe et dans le mépris des vies non-blanches.

    Le monde arabe, et pas seulement lui, observe tout cela, et tout cela se grave dans la #mémoire de ses peuples. Quand la némésis reviendra, car elle reviendra, les dirigeants occidentaux, interloqués et bras ballants, de nouveau ne comprendront rien. Stupid white men .

    https://blog.mondediplo.net/catalyse-totalitaire
    #à_lire #7_octobre_2023 #Palestine #Israël #Gaza #Frédéric_Lordon #médias

  • #Alana_Osbourne - “Decolonial Tours” - 30th June 2022 - Beyond Inhabitation Lab Spring Seminar Series

    I focus on tour guides who offer decolonial narratives and experiences of Brussels to an eclectic and changing audience. Drawing on the embodied temporalities of walking tours and by reviving urban memories, these guides give texture and shape to the city’s sensorium in a way that reaffirms black life against the resonances of colonialism in Belgium. Suturing past, present and future, this quilting of urban times fosters new relationships between people, landscapes and histories, and opens spaces of togetherness within a riven city.

    Dr. Alana Osbourne is a FNRS post-doctoral fellow at the Anthropological Laboratory for Contemporary Worlds (LAMC) at the Brussels Free University (ULB | Université Libre de Bruxelles). An anthropologist and filmmaker, her research interests include: sensorial anthropology and affect, the anthropology of violence, archival studies, Caribbean studies and film. She alternates her academic work with film and theatre projects.

    https://www.youtube.com/watch?v=03AOAlPxQV8


    #balade_décoloniale #Bruxelles #Belgique #décolonial #villes #urban_matter #temps #passé #présent #conférence #toponymie #toponymie_politique

    via @cede

    • #There_Are_Black_People_In_The_Future

      There are Black People in the Future is inspired by afro-futurist artists and writers who highlight the need for Black people to claim their place. Through the inscription and utterance of the words, ‘There are Black People in the Future,’ the project addresses systemic oppression of black communities through space and time by reassuring the presence of Black bodies. In 2017, Wormsley placed these words on a billboard in East Liberty, a neighborhood in Pittsburgh’s east end that has suffered gentrification. When the billboard was removed by the city, community members protested, in response to this community support, Wormsley has raised grant money to artists, activists, and community workers in Pittsburgh around their interpretation of the phrase “There Are Black People in the Future”. Since then, the billboard has been replicated in Detroit, Charlotte, New York City, Kansas City and Houston, internationally London, Accra and Qatar. Each site can pull from this precedence of supporting Black futures locally, whether through commissions, grants, project funding or programming. The text, which Wormsley encourages others to use freely, has since been used in protest, critical art theory, essays, song, testimony and collective dreaming.


      https://www.alishabwormsley.com/tabpitf

      #art #TABPITF #Alisha_Wormsley

    • La conférence de Alana Osbourne commence par introduire (et se construit à partir de) du rapport de la #commission_parlementaire (belge) chargée d’examiner le #passé_colonial :
      Le #rapport sur le passé colonial de la Belgique achoppe sur la question des #excuses

      Après deux ans et demi de travaux, des déplacements en République démocratique du Congo, au Rwanda, au Burundi, l’audition de près de 300 personnes, la commission parlementaire chargée d’examiner le passé colonial du pays devait remettre son rapport final. Mais les libéraux ont refusé d’adopter le texte lundi.

      L’écologiste Wouter de Vriendt, qui préside la commission parlementaire chargée d’examiner le passé colonial de la Belgique, avait demandé que la chambre des représentants présente des excuses aux peuples congolais, burundais et rwandais pour « la #domination et l’#exploitation_coloniale, les #violences et les #atrocités, les violations individuelles et collectives des droits humains durant cette période, ainsi que le #racisme et la #discrimination qui les ont accompagnées ».

      #Wouter_de_Vriendt invitait également « le pouvoir exécutif à faire des démarches analogues sur le plan des #réparations_symboliques ». Le président de la commission précisait bien que cette #reconnaissance du rôle de la Belgique, n’impliquerait aucune #responsabilité_juridique et ne pourrait donc donner lieu à une #réparation_financière.

      Des précautions qui n’ont pas suffi à convaincre les députés libéraux. Ces derniers ont claqué la porte de la commission lundi 19 décembre. Ils refusent que soient présentées des excuses, car celles-ci pourraient entraîner selon eux des réparations financières, ce dont ils ne veulent pas entendre parler. Ces députés préfèrent ainsi en rester aux regrets présentés par le roi.

      Faute d’accord sur cette question des excuses, la commission ne remettra donc pas son rapport final. C’est là un échec, d’autant plus douloureux que nombre de recommandations formulées par le président de cette commission semblaient faire consensus.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221220-les-excuses-au-c%C5%93ur-des-dissensions-parlementaires-sur-le-pass%C3%

  • Soupçons de viol : non-lieu pour les six pompiers de Paris accusés par une touriste norvégienne - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/faits-divers/soupcons-de-viol-non-lieu-pour-les-six-pompiers-de-paris-accuses-par-une-

    La juge d’instruction a concentré son analyse sur la notion de consentement. Elle estime que rien ne permet de remettre en cause la version des militaires, qui décrivaient d’une relation sexuelle librement consentie avec cette jeune Norvégienne, à la caserne Plaisance en mai 2019.

  • Des soldates auraient été « prostituées », admet le chef de la prison de Gilboa Par Times of Israel Staff 24 novembre 2021
    https://fr.timesofisrael.com/le-chef-de-la-prison-gilboa-semble-admettre-que-des-soldates-aurai

    Des geôlières ont raconté avoir été mises en contact avec des détenus afin d’être reluquées ou agressées en échange de concessions ; l’enquête a été classée et les plaintes enterrées.


    Le commandant de la prison de Gilboa, Freddy Ben Shitrit, arrive pour son témoignage devant le comité d’inspection du gouvernement pour enquêter sur l’évasion des prisonniers de sécurité de la prison de Gilboa, à Modiin, le 24 novembre 2021. (Crédit : Flash90)

    Le commandant de la prison de Gilboa, Freddy Ben Shitrit, a semblé confirmer mercredi des informations rendues publiques en 2018 qui avaient laissé entendre que des soldates qui effectuaient leur service militaire en tant que gardiennes dans la milieu carcéral avaient été « prostituées » et contraintes à avoir des relations sexuelles avec des terroristes palestiniens.

    Plusieurs anciennes gardiennes de la prison ont déclaré avoir été utilisées comme monnaie d’échange avec les détenus et délibérément mises en danger par leurs supérieurs afin d’obtenir des concessions de la part des prisonniers.

    M. Ben Shitrit a déclaré que la prison « faisait du proxénétisme avec les soldates » et « qu’elle remettait des femmes soldats à des terroristes à des fins sexuelles », faisant apparemment référence à une pratique présumée consistant à placer les femmes soldats en contact étroit avec les prisonniers comme des objets sexuels à reluquer, voire à agresser.

    « L’incident de proxénétisme a été un incident massif », a-t-il déclaré.

    Ce drame aurait eu lieu avant l’arrivée de Ben Shitrit à la tête de la prison.

    Ces accusations avaient été rapportées pour la première fois en 2018 par la Vingtième chaîne et fermement démenties par le service pénitentiaire. Une première enquête a été classée en raison d’un manque de preuves, ont rapporté les médias israéliens mercredi soir.

    Ben Shitrit a tenu ces propos alors qu’il témoignait devant un panel du gouvernement concernant les défaillances qui ont permis l’évasion de terroristes palestiniens, au mois de septembre. L’évasion a révélé des défaillances généralisées dans la prison, essentiellement liées à la pénurie de ressources humaines et matérielles.

    L’une des soldates qui a déclaré avoir été agressée sexuellement lors de l’incident a réclamé mercredi la réouverture de l’enquête.

    La soldate, dont le nom n’a pas été révélé, a déclaré à Walla qu’elle et d’autres gardiennes avaient été agressées sexuellement par un terroriste palestinien nommé Muhammad Atallah. Les gardiens ont affirmé que la direction de la prison était au courant de ces abus et les a couverts jusqu’à ce que des reportages médiatiques sur l’affaire les révèlent en juin 2018.


    Un gardien de prison dans une tour de surveillance à la prison de Gilboa, dans le nord d’Israël, le 6 septembre 2021. (Crédit : Flash90)

    Selon ces informations, un agent de renseignement de la prison aurait placé des gardiennes dans le quartier de sécurité de l’établissement à la demande du terroriste.

    La Douzième chaîne a déclaré que trois soldates étaient impliquées dans cette affaire.

    La soldate qui a témoigné a déclaré qu’elle avait reçu l’ordre d’accompagner Atallah dans l’établissement, ce qui lui donnait l’occasion de l’agresser, notamment en lui tripotant les fesses, tandis que ses supérieurs fermaient les yeux.

    En échange, Atallah, une figure puissante parmi les autres prisonniers, assurait la tranquillité de l’établissement pour le personnel de la prison, selon la Douzième chaîne.

    « Ils m’ont envoyée faire des missions que je n’étais pas censée faire pour être un objet sexuel afin d’obtenir des renseignements », a déclaré l’une des victimes présumées à la Douzième chaîne. « L’un des prisonniers de la sécurité a agi comme il le voulait envers moi. Insultes, offenses sexuelles, agressions verbales. Chaque fois que je venais prendre mon service, j’étais déprimée. »

    Elle a dit qu’elle était utilisée « comme un objet, comme une jolie fille, comme une tentatrice. Pour être juste un objet sexuel pour obtenir des informations d’eux ».

    « Mes commandants ne se souciaient pas de ce que je ressentais ou de ce que je vivais », a-t-elle déclaré.


    Une gardienne de prison avoir été utilisée par ses supérieurs comme monnaie d’échange avec les détenus. (Capture d’écran/Douzième chaîne)

    L’officier a reconnu avoir mis des gardiennes avec le prisonnier après que celui-ci a réclamé leur présence spécifique, a rapporté Walla.

    L’officier a été suspendu, mais a depuis réintégré l’administration pénitentiaire.

    L’ancienne soldate qui a demandé une enquête a déclaré : « J’attends du ministère public et de la police qu’ils rouvrent le dossier d’enquête. Ils doivent déposer un acte d’accusation contre l’officier de renseignement qui nous a livrées à des terroristes et contre tous ceux qui étaient au courant et se sont tus, et il y avait beaucoup de gens comme ça dans la prison. Nous nous sommes plaints que le prisonnier nous agressait sexuellement et on nous a dit de ne pas faire de commentaires. »

    L’avocate de la soldate, Galit Smilovitch, a déclaré que les commentaires de Ben Shitrit mercredi confortaient les accusations de sa cliente.

    « Il s’agit essentiellement d’un aveu indiquant que tout était planifié », a-t-elle déclaré. « Le ministère public doit s’occuper du problème à sa racine et ordonner la réouverture du dossier et le dépôt d’actes d’accusation contre toutes les personnes impliquées. »

    L’administration pénitentiaire a déclaré mercredi que les allégations ravivées étaient une tentative de détourner l’attention du témoignage de Ben Shitrit sur la mauvaise gestion de la prison.

    L’affaire a été « instruite sous la direction d’un précédent commissaire et classée par le bureau du procureur de l’État », a déclaré l’administration pénitentiaire dans un communiqué.

    « Si Ben Shitrit a entre les mains de nouvelles informations qui justifient la réouverture de l’enquête, il doit immédiatement les transmettre aux autorités chargées de l’application de la loi. »

    La ministre des Transports, Merav Michaeli, a qualifié les propos de Ben Shitrit de « choquants » et a déclaré que le ministre de la Sécurité intérieure, Omer Barlev, avait formé une commission chargée d’enquêter sur cette affaire.

    « Je suis sûre que tous les manquements et toutes les atrocités qui se sont produits dans la prison ces dernières années seront découverts et rectifiés », a-t-elle déclaré.

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  • L’oublieuse mémoire coloniale italienne

    Commencée avant le fascisme, galvanisée par Mussolini, la colonisation par l’Italie de la Libye, de la Somalie et de l’Ethiopie fut marquée par de nombreuses atrocités,loin du mythe d’une occupation douce. Longtemps refoulés, ces souvenirs commencent à ressurgir

    Tout commence dans le centre de Rome, sur l’Esquilin, la plus haute des sept collines antiques. Plus précisément dans la cage d’escalier d’un immeuble sans ascenseur, situé à deux pas de la piazza Vittorio. Dans ce quartier à deux pas de la gare Termini, les prix de l’immobilier sont beaucoup plus modestes que dans le reste du centre, si bien que l’Esquilin est devenu, depuis une vingtaine d’années, un lieu de concentration de l’immigration africaine et asiatique, ce qui n’est pas sans provoquer des tensions le squat, occupé depuis 2003 par les militants néofascistes de CasaPound, est juste à côté.

    C’est donc là, en rentrant chez elle, épuisée, dans la touffeur d’une après-midi de fin d’été 2010, qu’Ilaria Profeti se retrouve nez à nez avec un jeune homme arrivé d’Ethiopie par la route des migrants. Dans un italien presque sans accent, celui-ci lui assure, documents à l’appui, qu’il est le petit-fils de son père, Attilio, un homme de 95 ans qui est resté, sa longue vie durant, plus que discret sur ses jeunes années de « chemise noire » fasciste, en Abyssinie.

    Levons toute ambiguïté : la scène qui vient d’être décrite est tout à fait vraisemblable, mais elle est issue d’une oeuvre de fiction. Il s’agit en réalité des premières pages d’un roman, le superbe Tous, sauf moi (Sangue giusto), de Francesca Melandri (Gallimard, 2019), qui dépeint avec une infinie subtilité les angles morts de la mémoire coloniale italienne. Le fil conducteur de la narration est le parcours sinueux d’un vieil homme dont le destin finalement assez ordinaire a valeur d’archétype.

    Issu d’un milieu plutôt modeste, Attilio Profeti a su construire à sa famille une position plutôt enviable, en traversant le mieux possible les différents mouvements du XXe siècle. Fasciste durant sa jeunesse, comme l’immense majorité des Italiens de son âge, il est parti pour l’Ethiopie, au nom de la grandeur impériale. Après la chute de Mussolini et la fin de la guerre, il parviendra aisément à se faire une place au soleil dans l’Italie du miracle économique, jouant de son physique avantageux et de ses amitiés haut placées, et enfouissant au plus profond de sa mémoire le moindre souvenir de ses années africaines, les viols, les massacres, les attaques chimiques. C’est ce passé, refoulé avec une certaine désinvolture, qui revient hanter ses enfants, trois quarts de siècle plus tard, sous les traits d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, arrivé à Rome après une interminable traversée.

    Comme l’héroïne de Tous, sauf moi, Francesca Melandri vit sur l’Esquilin, au dernier étage d’un immeuble à la population mélangée. Et à l’image d’Ilaria, c’est sur le tard qu’elle a découvert ce pan escamoté de l’histoire italienne. « Quand j’étais à l’école, on ne parlait pas du tout de ce sujet-là, confie-t-elle depuis sa terrasse dominant les toits de la ville. Aujourd’hui ça a changé, il y a eu une prise de conscience, et de nombreux travaux universitaires. Pourtant cette histoire n’est jamais rappelée par les médias. Lorsqu’on parle du dernier attentat à la bombe à Mogadiscio, qui se souvient des liens entre Italie et Somalie ? Quand des bateaux remplis de migrants érythréens sont secourus ou coulent avant d’être sauvés, qui rappelle que l’Erythrée, nous l’appelions "l’aînée des colonies" ? »

    Le plus étrange est qu’à Rome, les traces du passé colonial sont légion, sans que personne n’ait jamais pensé à les effacer. Des stèles près desquelles personne ne s’arrête, des bâtiments anonymes, des noms de rue... rien de tout cela n’est explicité, mais tout est à portée de main.

    Comprendre les raisons de cette occultation impose de revenir sur les conditions dans lesquelles l’ « Empire » italien s’est formé. Création récente et n’ayant achevé son unité qu’en 1870, alors que la plus grande partie du monde était déjà partagée en zones d’influence, le royaume d’Italie s’est lancé avec du retard dans la « course » coloniale. De plus, il ne disposait pas, comme l’Allemagne qui s’engage dans le mouvement à la même époque, d’une puissance industrielle et militaire susceptible d’appuyer ses prétentions.

    Visées impérialistes

    Malgré ces obstacles, l’entreprise coloniale est considérée par de nombreux responsables politiques comme une nécessité absolue, à même d’assurer une fois pour toutes à l’Italie un statut de grande puissance, tout en achevant le processus d’unification du pays nombre des principaux avocats de la colonisation viennent de la partie méridionale du pays. Les visées impérialistes se dirigent vers deux espaces différents, où la carte n’est pas encore tout à fait figée : la Méditerranée, qui faisait figure de champ naturel d’épanouissement de l’italianité, et la Corne de l’Afrique, plus lointaine et plus exotique.

    En Afrique du Nord, elle se heurta vite à l’influence française, déjà solidement établie en Algérie. Ses prétentions sur la Tunisie, fondées sur la proximité de la Sicile et la présence sur place d’une importante communauté italienne, n’empêcheront pas l’établissement d’un protectorat français, en 1881. Placé devant le fait accompli, le jeune royaume d’Italie considérera l’initiative française comme un véritable acte de guerre, et la décennie suivante sera marquée par une profonde hostilité entre Paris et Rome, qui poussera le royaume d’Italie à s’allier avec les grands empires centraux d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie plutôt qu’avec sa « soeur latine .

    Sur les bords de la mer Rouge, en revanche, la concurrence est plus faible. La première tête de pont remonte à 1869, avec l’acquisition de la baie d’Assab (dans l’actuelle Erythrée) par un armateur privé, pour le compte de la couronne d’Italie. Cette présence s’accentue au cours des années 1880, à mesure du recul de l’influence égyptienne dans la zone. En 1889, est fondée la colonie d’Erythrée, tandis que se structure au même moment la Somalie italienne. Mais l’objectif ultime des Italiens est la conquête du my thique royaume d’Abyssinie, qui s’avère plus difficile que prévu.

    En 1887, à Dogali, plusieurs centaines de soldats italiens meurent dans une embuscade menée par un chef abyssin, le ras Alula Engida. Cette défaite marque les esprits, mais ce n’est rien à côté de la déconfiture des forces italiennes lors de la bataille d’Adoua, le 1er mars 1896, qui porte un coup d’arrêt durable aux tentatives italiennes de conquête.

    Seul pays africain indépendant (avec le Liberia), l’Ethiopie peut désormais se targuer de devoir sa liberté à une victoire militaire. Le négus Menelik II y gagne un prestige considérable. Côté italien, en revanche, cette défaite est un électrochoc. Ressentie comme une honte nationale, la déroute des troupes italiennes entraîne la chute du gouvernement Crispi et freine durablement l’im périalisme italien.

    Adoua est un tournant. L’historien et ancien sénateur de gauche Miguel Gotor est l’auteur d’une remarquable synthèse sur le XXe siècle italien, L’Italia nel Novecento. Dalla sconfitta di Adua alla vittoria di Amazon (« L’Italie du XIXe siècle. De la défaite d’Adoua à la victoire d’Amazon » Einaudi, 2019, non traduit). Pour lui, c’est là-bas, sur les hauteurs de la région du Tigré, par cette humiliation retentissante, que le XXe siècle italien a commencé.

    L’aventure coloniale italienne s’est ouverte de façon peu concluante, mais l’aspiration à l’empire n’a pas disparu. La décomposition de l’Empire ottoman offrira à Rome une occasion en or, en lui permettant, en 1911-1912, de s’implanter solidement en Cyrénaïque et en Tripolitaine. « Souvent la conquête de ce qui allait devenir la Libye est évacuée un peu vite, mais c’est un moment très important. Pour l’armée italienne, c’est une répétition, un peu comme a pu l’être la guerre d’Espagne, juste avant la seconde guerre mondiale », souligne Miguel Gotor. Ainsi, le 1er novembre 1911, un aviateur italien lâche quatre grenades sur des soldats ottomans, réalisant ainsi le premier bombardement aérien de l’histoire mondiale.

    « La conquête des côtes d’Afrique du Nord est importante, certes, mais la Libye est juste en face de la Sicile, au fond c’est du "colonialisme frontalier". La colonie au sens le plus "pur", celle qui symboliserait le mieux l’idée d’empire, ça reste l’Abyssinie », souligne Miguel Gotor. Aussi les milieux nationalistes italiens, frustrés de ne pas avoir obtenu l’ensemble de leurs revendications territoriales au sortir de la première guerre mondiale, continueront à nourrir le rêve de venger l’humiliation d’Adoua.

    Le fascisme naissant ne se privera pas d’y faire référence, et d’entretenir le souvenir : les responsables locaux du parti se feront appeler « ras », comme les chefs éthiopiens. A partir de la fin des années 1920, une fois le pouvoir de Mussolini solidement établi, les prétentions coloniales deviendront un leitmotiv des discours officiels.

    Aussi la guerre de conquête déclenchée contre l’Ethiopie en 1935 est-elle massi vement soutenue. L’effort est considérable : plus de 500 000 hommes sont mobilisés. Face à un tel adversaire, le négus Haïlé Sélassié ne peut résister frontalement. Le 5 mai 1936, les soldats italiens entrent dans la capitale, Addis-Abeba, et hissent le drapeau tricolore. Quatre jours plus tard, à la nuit tombée, depuis le balcon du Palazzo Venezia, en plein coeur de Rome, Mussolini proclame « la réapparition de l’Empire sur les collines fatales de Rome » devant une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes.

    « C’est bien simple, à ce moment-là, en Italie, il est à peu près impossible d’être anti fasciste », résume Miguel Gotor. Dans la foulée de ce succès, le roi Victor-Emmanuel III est proclamé empereur d’Ethiopie ; Benito Mussolini peut désormais se targuer d’avoir bâti un empire. La faillite d’Adoua avait été causée par un régime parle mentaire inefficace et désorganisé ? La victoire de 1936 est due, elle, aux vertus d’une Italie rajeunie et revigorée par le fascisme. La machine de propagande tourne à plein régime, l’assentiment populaire est à son sommet. « Ce moment-là est une sorte d’apogée, et à partir de là, la situation du pays se dégrade, analyse Miguel Gotor. Ar rivent les lois raciales, l’entrée en guerre... tout est réuni pour nourrir une certaine nostalgie de l’épopée éthiopienne. »

    Mécanisme de refoulement

    Le rêve impérial sera bref : il ne survivra pas à la défaite militaire et à la chute du fascisme. L’Ethiopie est perdue en 1941, la Libye quelques mois plus tard... Le traité de Paris, conclu en 1947, met officiellement un terme à une colonisation qui, dans les faits, avait déjà cessé d’exister depuis plusieurs années. Tandis que l’Ethiopie indépendante récupère l’Erythrée, la Libye est placée sous la tutelle de la France et du Royaume-Uni. Rome gardera seulement une vague tutelle sur la Somalie, de 1949 à 1960.

    Le projet d’empire colonial en Méditerranée et en Afrique, qui fut un des ciments de l’assentiment des Italiens à Mussolini, devient associé pour la plupart des Italiens au régime fasciste. L’un et l’autre feront l’objet du même mécanisme de refoulement dans l’Italie de l’après-guerre. Les dirigeants de l’Italie républicaine font rapidement le choix de tourner la page, et ce choix est l’objet d’un profond consensus qui couvre tout le spectre politique (le premier décret d’amnistie des condamnations de l’après-guerre remonte à 1946, et il porte le nom du dirigeant historique du Parti communiste italien Palmiro Togliatti). Les scènes de liesse de la Piazza Venezia ne seront plus évoquées, et avec elles les faces les plus sombres de l’aventure coloniale. Même la gauche transalpine, qui prendra fait et cause pour les mouvements anticoloniaux africains (notamment le FLN algérien) n’insistera jamais sur le versant italien de cette histoire.

    « Cela n’est pas étonnant, la mémoire est un phénomène sélectif, et on choisit toujours, consciemment ou non, ce qu’on va dire à ses enfants ou ses petits-enfants », remarque le jeune historien Olindo De Napoli (université de Naples-Frédéric-II), spécialiste de la période coloniale. « Durant l’immédiat après-guerre, ce sont les témoins qui parlent, ce sont eux qui publient », remarque l’his torien. Ainsi de la collection d’ouvrages L’Italia in Africa éditée sous l’égide du ministère des affaires étrangères, emblématique de la période. « Ces volumes sont passionnants, mais il y a certains oublis, qui vont vite poser des problèmes. »

    Parmi ces « oublis », la question la plus centrale, qui fera le plus couler d’encre, est celle des massacres de civils et de l’usage de gaz de combat, malgré leur interdiction par les conventions de Genève, lors de la guerre d’Ethiopie. Dans les années 1960, les études pionnières d’Angelo Del Boca et Giorgio Rochat mettront en lumière, documents officiels à la clé, ce pan occulté de la guerre de 1935-1936. Ils se heurteront à l’hostilité générale des milieux conservateurs.

    Un homme prendra la tête du mouvement de contestation des travaux de Del Bocaet Rochat : c’est Indro Montanelli (1909-2001), considéré dans les années 1960 comme le journaliste le plus important de sa géné ration. Plume du Corriere della Sera (qu’il quittera pour fonder Il Giornale en 1974), écrivain d’essais historiques à l’immense succès, Montanelli était une figure tutélaire pour toute la droite libérale.

    Comme tant d’autres, il avait été un fasciste convaincu, qui s’était porté volontaire pour l’Ethiopie, et il n’a pris ses distances avec Mussolini qu’en 1943, alors que la défaite était apparue comme certaine. Ra contant « sa » guerre à la tête d’une troupe de soldats indigènes, Montanelli la décrit comme « de longues et belles vacances », et qualifie à plusieurs reprises d’ « anti-Italiens » ceux qui font état de massacres de civils et d’usage de gaz de combat. La polémique durera des années, et le journaliste sera bien obligé d’admettre, à la fin de sa vie, que les atrocités décrites par Rochat et Del Bocaavaient bien eu lieu, et avaient même été expressément ordonnées par le Duce.

    A sa manière, Montanelli incarne parfaitement la rhétorique du « bon Italien » (« Italia brava gente »), qui sera, pour toute une génération, une façon de disculper l’homme de la rue de toute forme de culpabilité collective face au fascisme. Selon ce schéma, contrairement à son allié allemand, le soldat italien ne perd pas son humanité en endossant l’uniforme, et il est incapable d’actes de barbarie. Ce discours atténuant la dureté du régime s’étend jusqu’à la personne de Mussolini, dépeint sous les traits d’un chef un peu rude mais bienveillant, dont le principal tort aura été de s’allier avec les nazis.

    Ce discours trouve dans l’aventure coloniale un terrain particulièrement favorable. « Au fond, on a laissé s’installer l’idée d’une sorte de colonisation débonnaire, analyse Olindo De Napoli, et ce genre de représentation laisse des traces. Pourtant la colonisation italienne a été extrêmement brutale, avant même le fascisme. En Ethiopie, l’armée italienne a utilisé des soldats libyens chargés des basses oeuvres, on a dressé des Africains contre d’autres Africains. Et il ne faut pas oublier non plus que les premières lois raciales, préfigurant celles qui seront appliquées en 1938 en Italie, ont été écrites pour l’Ethiopie... Il ne s’agit pas de faire en sorte que des enfants de 16 ans se sentent coupables de ce qu’ont fait leurs arrière-grands-pères, il est seulement question de vérité historique. »

    Désinvolture déconcertante

    Malgré les acquis de la recherche, pour le grand public, la colonisation italienne reste souvent vue comme une occupation « douce », par un peuple de jeunes travailleurs prolétaires, moins racistes que les Anglais, qui se mélangeaient volontiers avec les populations locales, jusqu’à fonder des familles. L’archétype du colon italien tombant amoureux de la belle Abyssine, entretenu par les mémoires familiales, a lui aussi mal vieilli. Là encore, le parcours d’Indro Montanelli est plus qu’éclairant. Car aujourd’hui, si sa défense de l’armée italienne apparaît comme parfaitement discréditée, ce n’est plus, le concernant, cet aspect de sa vie qui fait scandale.

    En effet, on peut facilement trouver, sur Internet, plusieurs extraits d’entretiens télévisés remontant aux années 1970 et 1980, dans lesquelles le journaliste raconte avec une désinvolture déconcertante comment, en Ethiopie, il a « acheté régulièrement » à son père, pour 350 lires, une jeune fille de 12 ans pour en faire sa femme à plusieurs reprises, il la qualifie même de « petit animal docile », devant un auditoire silencieux et appliqué.

    Célébré comme une gloire nationale de son vivant, Indro Montanelli a eu l’honneur, à sa mort et malgré ces déclarations sulfureuses, de se voir dédié à Milan un jardin public, au milieu duquel trône une statue de lui. Au printemps 2019, cette statue a été recouverte d’un vernis de couleur rose par un collectif féministe, pour rappeler cet épisode, et en juin 2020, la statue a de nouveau été recouverte de peinture rouge, en lointain écho au mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») venu des Etats-Unis.

    Indro Montanelli mérite-t-il une statue dans l’Italie de 2021 ? La question a agité les journaux italiens plusieurs jours, au début de l’été, avant que la polémique ne s’éteigne d’elle-même. Pour fondée qu’elle soit, la question semble presque dérisoire eu égard au nombre de témoignages du passé colonial, rarement explicités, qui subsistent un peu partout dans le pays.

    Cette situation n’est nulle part plus visible qu’à Rome, que Mussolini rêvait en capitale d’un empire africain. L’écrivaine italienne Igiaba Scego, née en 1974 de parents réfugiés somaliens, y a dédié un passionnant ouvrage, illustré par les photographies de Rino Bianchi (Roma negata, Ediesse, réédition 2020, non traduit).

    Passant par la stèle laissée à l’abandon de la piazza dei Cinquecento, face à la gare Termini, dont la plupart des Romains ignorent qu’elle a été baptisée ainsi en mémoire des 500 victimes italiennes de l’embuscade de Dogali, ou l’ancien cinéma Impero, aujourd’hui désaffecté, afin d’y évoquer l’architecture Art déco qui valut à la capitale érythréenne, Asmara, d’être classée au patrimoine de l’Unesco, la romancière fait une station prolongée devant le siège romain de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), construit pour abriter le siège du puissant ministère de l’Afrique italienne.

    Devant ce bâtiment tout entier dédié à l’entreprise coloniale, Benito Mussolini avait fait ériger en 1937 un obélisque haut de 24 mètres et vieux d’environ seize siècles, ramassé sur site d’Axoum, en Ethiopie. Il s’agissait, rappelle Igiaba Scego, de faire de ce lieu « le centre de la liturgie impériale .

    La république née sur les ruines du fascisme s’était engagée à restituer cette prise de guerre à la suite des traités de 1947, mais après d’innombrables vicissitudes, le monument est resté en place jusqu’en 2003, où le gouvernement Berlusconi choisit de le démonter en trois morceaux avant de le renvoyer à Axoum, à ses frais.

    En 2009, la mairie de Rome a fait installer sur la même place, à deux pas de cet espace vide, une stèle commémorative afin « de ne pas oublier le passé . Mais curieusement, celle-ci a été dédiée... à la mémoire des attentats du 11-Septembre. Comme s’il fallait enfouir le plus profondément possible ce souvenir du rêve impérial et de la défaite, la ville a choisi de faire de ce lieu le symbole d’une autre tragédie. « Pourquoi remuer ces his toires horribles ? Pensons plutôt aux tragédies des autres. Le 11-Septembre était parfait », note, sarcastique, Igiaba Scego.

    A une quinzaine de kilomètres de là, dans le décor grandiose et écrasant du Musée de la civilisation romaine, en plein centre de ce quartier de l’EUR où la mémoire du fascisme est omniprésente, l’ethno-anthropologue Gaia Delpino est confrontée à un autre chantier sensible, où s’entrechoquent les mémoires. Depuis 2017, elle travaille à fusionner en un même lieu les collections du vieux musée ethnologique de Rome (Musée Pigorini) et du sulfureux Musée colonial inauguré en 1923, dont les collections dormaient dans des caisses depuis un demi-siècle.

    D’une fascinante complexité

    Lorsqu’on lui parle de l’odyssée de l’obélisque d’Axoum, elle nous arrête tout de suite : « C’est bien simple : ce qui a été réalisé là-bas, c’est exactement l’inverse de ce qu’on veut faire. » Restituer ces collections dans leur contexte historique tout en articulant un message pour l’Italie d’aujourd’hui, permettre à toutes les narrations et à toutes les représentations de s’exprimer dans leur diversité... L’entreprise est d’une fascinante complexité.

    « Les collections du MuséePigorini ont vieilli bien sûr, comme tous ces musées ethnographiques du XIXe siècle qui véhiculaient l’idée d’une supériorité de la civilisation occidentale. Le Musée colonial, lui, pose d’autres problèmes, plus singuliers. Il n’a jamais été pensé comme autre chose qu’un moyen de propagande, montrant à la fois les ressources coloniales et tout ce qu’on pourrait en tirer. Les objets qui constituent les collections n’ont pas vu leur origine enregistrée, et on a mis l’accent sur la quantité plus que sur la qualité des pièces », expliqueGaia Delpino.

    Sur des centaines de mètres de rayonnages, on croise pêle-mêle des maquettes de navires, des chaussures, des outils et des objets liturgiques... L’accumulation donne le vertige. « Et ce n’est pas fini, nous recevons tous les jours des appels de personnes qui veulent offrir des objets ayant appartenu à leur père ou à leur grand-père, qu’ils veulent nous confier comme une réparation ou pour faire un peu de place », admet l’anthropologue dans un sourire.

    Alors que le travail des historiens peine à se diffuser dans le grand public, où les représentations caricaturales du système colonial, parfois instrumentalisées par la politique, n’ont pas disparu, le futur musée, dont la date d’ouverture reste incertaine pour cause de pandémie, risque d’être investi d’un rôle crucial, d’autant qu’il s’adressera en premier lieu à un public scolaire. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que parallèlement à ce difficile travail de mémoire, la population change. Aujourd’hui, dans nos écoles, il y a aussi des descendants de victimes de la colonisation, italienne ou autre. Nous devons aussi penser à eux », précise Gaia Delpino.

    Retournons maintenant au centre de Rome. En 2022, à mi-chemin du Colisée et de la basilique Saint-Jean-de-Latran, une nouvelle station de métro doit ouvrir, dans le cadre du prolongement de la ligne C. Depuis le début du projet, il était prévu que celle-ci soit baptisée « Amba Aradam », du nom de la large artère qui en accueillera l’entrée, appelée ainsi en souvenir de la plus éclatante des victoires italiennes en Ethiopie.

    Ce nom était-il opportun, alors que les historiens ont établi que cette victoire écrasante de l’armée fasciste avait été obtenue au prix de 10 000 à 20 000 morts, dont de nombreux civils, et que les troupes italiennes avaient obtenu la victoire en faisant usage d’ypérite (gaz moutarde), interdit par les conventions de Genève ? Le 1er août 2020, la mairie a finalement fait savoir que la station serait dédiée à la mémoire de Giorgio Marincola.

    Pour le journaliste Massimiliano Coccia, qui a lancé cette proposition avec le soutien de collectifs se réclamant du mouvement Black Lives Matter, « revenir sur notre passé, ce n’est pas détruire ou incendier, mais enrichir historiquement notre cité . Et on peut choisir de célébrer la mémoire d’un résistant italo-somalien tué par les nazis plutôt que celle d’une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale italienne.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/libye-somalie-ethiopie-l-oublieuse-memoire-coloniale-italienne_6068846_3232.

    #Italie #colonialisme #colonisation #Mussolini #fascisme #Libye #Somalie #Ethiopie #atrocités #occupation_douce #mémoire #mémoire_coloniale #occultation #impérialisme #Corne_de_l'Afrique #baie_d'Assab #royaume_d'Abyssinie #Alula_Engida #bataille_d'Adoua #Menelik_II #Crispi #Adoua #Tigré #Cyrénaïque #Tripolitaine #colonialisme_frontalier #Abyssinie #Haïlé_Sélassié #propagande #traité_de_Paris #refoulement #mémoire #massacres #gaz #Indro_Montanelli #gaz_de_combat #bon_Italien #Italia_brava_gente #barbarie #humanité #lois_raciales #vérité_historique #culpabilité #viol #culture_du_viol #passé_colonial #Igiaba_Scego #monuments #toponymie #toponymie_politique #Axoum #stèle #Musée_Pigorini #musée #Musée_colonial #Amba_Aradam #ypérite #gaz_moutarde #armes_chimiques #Giorgio_Marincola #Black_Lives_Matter

    L’article parle notamment du #livre de #Francesca_Melandri, « #sangue_giusto » (traduit en français par « Tous, sauf moi »
    https://seenthis.net/messages/883118

    ajouté à la métaliste sur le #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    ping @cede

  • Je suis prof. Seize brèves réflexions contre la terreur et l’obscurantisme, en #hommage à #Samuel_Paty

    Les lignes qui suivent ont été inspirées par la nouvelle atroce de la mise à mort de mon collègue, Samuel Paty, et par la difficile semaine qui s’en est suivie. En hommage à un #enseignant qui croyait en l’#éducation, en la #raison_humaine et en la #liberté_d’expression, elles proposent une quinzaine de réflexions appelant, malgré l’émotion, à penser le présent, et en débattre, avec raison. Ces réflexions ne prétendent évidemment pas incarner la pensée de Samuel Paty, mais elles sont écrites pour lui, au sens où l’effort de pensée, de discernement, de nuances, de raison, a été fait en pensant à lui, et pour lui rendre hommage. Continuer de penser librement, d’exprimer, d’échanger les arguments, me parait le meilleur des hommages.

    1. Il y a d’abord eu, en apprenant la nouvelle, l’#horreur, la #tristesse, la #peur, devant le #crime commis, et des pensées pour les proches de Samuel Paty, ses collègues, ses élèves, toutes les communautés scolaires de France et, au-delà, toute la communauté des humains bouleversés par ce crime. Puis s’y est mêlée une #rage causée par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, et avant même d’en savoir plus sur les tenants et aboutissants qui avaient mené au pire, se sont empressés de dégainer des kits théoriques tendant à minimiser l’#atrocité du crime ou à dissoudre toute la #responsabilité de l’assassin (ou possiblement des assassins) dans des entités excessivement extensibles (que ce soit « l’#islamisation » ou « l’#islamophobie ») – sans compter ceux qui instrumentalisent l’horreur pour des agendas qu’on connait trop bien : rétablissement de la peine de mort, chasse aux immigré.e.s, chasse aux musulman.e.s.

    2. Il y a ensuite eu une peur, ou des peurs, en voyant repartir tellement vite, et à la puissance dix, une forme de réaction gouvernementale qui a de longue date fait les preuves de son #inefficacité (contre la #violence_terroriste) et de sa #nocivité (pour l’état du vivre-ensemble et des droits humains) : au lieu d’augmenter comme il faut les moyens policiers pour enquêter plus et mieux qu’on ne le fait déjà, pour surveiller, remonter des filières bien ciblées et les démanteler, mais aussi assurer en temps réel la protection des personnes qui la demandent, au moment où elles la demandent, on fait du spectacle avec des boucs émissaires.

    Une sourde appréhension s’est donc mêlée à la peine, face au déferlement d’injures, de menaces et d’attaques islamophobes, anti-immigrés et anti-tchétchènes qui a tout de suite commencé, mais aussi face à l’éventualité d’autres attentats qui pourraient advenir dans le futur, sur la prévention desquels, c’est le moins que je puisse dire, toutes les énergies gouvernementales ne me semblent pas concentrées.

    3. Puis, au fil des lectures, une #gêne s’est installée, concernant ce que, sur les #réseaux_sociaux, je pouvais lire, « dans mon camp » cette fois-ci – c’est-à-dire principalement chez des gens dont je partage plus ou moins une certaine conception du combat antiraciste. Ce qui tout d’abord m’a gêné fut le fait d’énoncer tout de suite des analyses explicatives alors qu’au fond on ne savait à peu près rien sur le détail des faits : quel comportement avait eu précisément Samuel Paty, en montrant quels dessins, quelles interactions avaient eu lieu après-coup avec les élèves, avec les parents, qui avait protesté et en quels termes, sous quelles forme, qui avait envenimé le contentieux et comment s’était produit l’embrasement des réseaux sociaux, et enfin quel était le profil de l’assassin, quel était son vécu russe, tchétchène, français – son vécu dans toutes ses dimensions (familiale, socio-économique, scolaire, médicale), sa sociabilité et ses accointances (ou absences d’accointances) religieuses, politiques, délinquantes, terroristes ?

    J’étais gêné par exemple par le fait que soit souvent validée a priori, dès les premières heures qui suivirent le crime, l’hypothèse que Samuel Paty avait « déconné », alors qu’on n’était même pas certain par exemple que c’était le dessin dégoutant du prophète cul nu (j’y reviendrai) qui avait été montré en classe (puisqu’on lisait aussi que le professeur avait déposé plainte « pour diffamation » suite aux accusations proférées contre lui), et qu’on ne savait rien des conditions et de la manière dont il avait agencé son cours.

    4. Par ailleurs, dans l’hypothèse (qui a fini par se confirmer) que c’était bien ce dessin, effectivement problématique (j’y reviendrai), qui avait servi de déclencheur ou de prétexte pour la campagne contre Samuel Paty, autre chose me gênait. D’abord cet oubli : montrer un #dessin, aussi problématique soit-il, obscène, grossier, de mauvais goût, ou même raciste, peut très bien s’intégrer dans une #démarche_pédagogique, particulièrement en cours d’histoire – après tout, nous montrons bien des #caricatures anti-juives ignobles quand nous étudions la montée de l’antisémitisme, me confiait un collègue historien, et cela ne constitue évidemment pas en soi une pure et simple perpétuation de l’#offense_raciste. Les deux cas sont différents par bien des aspects, mais dans tous les cas tout se joue dans la manière dont les documents sont présentés et ensuite collectivement commentés, analysés, critiqués. Or, sur ladite manière, en l’occurrence, nous sommes restés longtemps sans savoir ce qui exactement s’était passé, et ce que nous avons fini par appendre est que Samuel Paty n’avait pas eu d’intention maligne : il s’agissait vraiment de discuter de la liberté d’expression, autour d’un cas particulièrement litigieux.

    5. En outre, s’il s’est avéré ensuite, dans les récits qui ont pu être reconstitués (notamment dans Libération), que Samuel Paty n’avait fait aucun usage malveillant de ces caricatures, et que les parents d’élèves qui s’étaient au départ inquiétés l’avaient assez rapidement et facilement compris après discussion, s’il s’est avéré aussi qu’au-delà de cet épisode particulier, Samuel Paty était un professeur très impliqué et apprécié, chaleureux, blagueur, il est dommageable que d’emblée, il n’ait pas été martelé ceci, aussi bien par les inconditionnels de l’ « esprit Charlie » que par les personnes légitimement choquées par certaines des caricatures : que même dans le cas contraire, même si le professeur avait « déconné », que ce soit un peu ou beaucoup, que même s’il avait manqué de précautions pédagogiques, que même s’il avait intentionnellement cherché à blesser, bref : que même s’il avait été un « mauvais prof », hautain, fumiste, ou même raciste, rien, absolument rien ne justifiait ce qui a été commis.

    Je me doute bien que, dans la plupart des réactions à chaud, cela allait sans dire, mais je pense que, dans le monde où l’on vit, et où se passent ces horreurs, tout désormais en la matière (je veux dire : en matière de mise à distance de l’hyper-violence) doit être dit, partout, même ce qui va sans dire.

    En d’autres termes, même si l’on juge nécessaire de rappeler, à l’occasion de ce crime et des discussions qu’il relance, qu’il est bon que tout ne soit pas permis en matière de liberté d’expression, cela n’est selon moi tenable que si l’on y adjoint un autre rappel : qu’il est bon aussi que tout ne soit pas permis dans la manière de limiter la liberté d’expression, dans la manière de réagir aux discours offensants, et plus précisément que doit être absolument proscrit le recours à la #violence_physique, a fortiori au #meurtre. Nous sommes malheureusement en un temps, je le répète, où cela ne va plus sans dire.

    6. La remarque qui précède est, me semble-t-il, le grand non-dit qui manque le plus dans tout le débat public tel qu’il se polarise depuis des années entre les « Charlie », inconditionnels de « la liberté d’expression », et les « pas Charlie », soucieux de poser des « #limites » à la « #liberté_d’offenser » : ni la liberté d’expression ni sa nécessaire #limitation ne doivent en fait être posées comme l’impératif catégorique et fondamental. Les deux sont plaidables, mais dans un #espace_de_parole soumis à une autre loi fondamentale, sur laquelle tout le monde pourrait et devrait se mettre d’accord au préalable, et qui est le refus absolu de la violence physique.

    Moyennant quoi, dès lors que cette loi fondamentale est respectée, et expressément rappelée, la liberté d’expression, à laquelle Samuel Paty était si attaché, peut et doit impliquer aussi le droit de dire qu’on juge certaines caricatures de Charlie Hebdo odieuses :

    – celles par exemple qui amalgament le prophète des musulmans (et donc – par une inévitable association d’idées – l’ensemble des fidèles qui le vénèrent) à un terroriste, en le figurant par exemple surarmé, le nez crochu, le regard exorbité, la mine patibulaire, ou coiffé d’un turban en forme de bombe ;

    – celle également qui blesse gratuitement les croyants (et les croyants lambda, tolérants, non-violents, tout autant voire davantage que des « djihadistes » avides de prétextes à faire couler le sang), en représentant leur prophète cul nul, testicules à l’air, une étoile musulmane à la place de l’anus ;

    – celle qui animalise une syndicaliste musulmane voilée en l’affublant d’un faciès de singe ;

    – celle qui annonce « une roumaine » (la joueuse Simona Halep), gagnante de Roland-Garros, et la représente en rom au physique disgracieux, brandissant la coupe et criant « ferraille ! ferraille ! » ;

    – celle qui nous demande d’imaginer « le petit Aylan », enfant de migrants kurdes retrouvé mort en méditerranée, « s’il avait survécu », et nous le montre devenu « tripoteur de fesses en Allemagne » (suite à une série de viols commis à Francfort) ;

    – celle qui représente les esclaves sexuelles de Boko Haram, voilées et enceintes, en train de gueuler après leurs « allocs » ;

    – celle qui fantasme une invasion ou une « islamisation » en forme de « grand remplacement », par exemple en nous montrant un musulman barbu dont la barbe démesurée envahit toute la page de Une, malgré un minuscule Macron luttant « contre le séparatisme », armé de ciseaux, mais ne parvenant qu’à en couper que quelques poils ;

    – celle qui alimente le même fantasme d’invasion en figurant un Macron, déclarant que le port du foulard par des femmes musulmanes « ne le regarde pas » en tant que président, tandis que le reste de la page n’est occupé que par des femmes voilées, avec une légende digne d’un tract d’extrême droite : « La République islamique en marche ».

    Sur chacun de ces dessins, publiés en Une pour la plupart, je pourrais argumenter en détail, pour expliquer en quoi je les juge odieux, et souvent racistes. Bien d’autres exemples pourraient d’ailleurs être évoqués, comme une couverture publiée à l’occasion d’un attentat meurtrier commis à Bruxelles en mars 2016 et revendiqué par Daesh (ayant entraîné la mort de 32 personnes et fait 340 blessés), et figurant de manière pour le moins choquante le chanteur Stromae, orphelin du génocide rwandais, en train de chanter « Papaoutai » tandis que voltigent autour de lui des morceaux de jambes et de bras déchiquetés ou d’oeil exorbité. La liste n’est pas exhaustive, d’autres unes pourraient être évoquées – celles notamment qui nous invitent à rigoler (on est tenté de dire ricaner) sur le sort des femmes violées, des enfants abusés, ou des peuples qui meurent de faim.

    On a le droit de détester cet #humour, on a le droit de considérer que certaines de ces caricatures incitent au #mépris ou à la #haine_raciste ou sexiste, entre autres griefs possibles, et on a le droit de le dire. On a le droit de l’écrire, on a le droit d’aller le dire en justice, et même en manifestation. Mais – cela allait sans dire, l’attentat de janvier 2015 oblige désormais à l’énoncer expressément – quel que soit tout le mal qu’on peut penser de ces dessins, de leur #brutalité, de leur #indélicatesse, de leur méchanceté gratuite envers des gens souvent démunis, de leur #racisme parfois, la #violence_symbolique qu’il exercent est sans commune mesure avec la violence physique extrême que constitue l’#homicide, et elle ne saurait donc lui apporter le moindre commencement de #justification.

    On a en somme le droit de dénoncer avec la plus grande vigueur la violence symbolique des caricatures quand on la juge illégitime et nocive, car elle peut l’être, à condition toutefois de dire désormais ce qui, je le répète, aurait dû continuer d’aller sans dire mais va beaucoup mieux, désormais, en le disant : qu’aucune violence symbolique ne justifie l’hyper-violence physique. Cela vaut pour les pires dessins de Charlie comme pour les pires répliques d’un Zemmour ou d’un Dieudonné, comme pour tout ce qui nous offense – du plutôt #douteux au parfaitement #abject.

    Que reste-t-il en effet de la liberté d’expression si l’on défend le #droit_à_la_caricature mais pas le droit à la #critique des caricatures ? Que devient le #débat_démocratique si toute critique radicale de #Charlie aujourd’hui, et qui sait de de Zemmour demain, de Macron après-demain, est d’office assimilée à une #incitation_à_la_violence, donc à de la complicité de terrorisme, donc proscrite ?

    Mais inversement, que devient cet espace démocratique si la dénonciation de l’intolérable et l’appel à le faire cesser ne sont pas précédés et tempérés par le rappel clair et explicite de l’interdit fondamental du meurtre ?

    7. Autre chose m’a gêné dans certaines analyses : l’interrogation sur les « #vrais_responsables », formulation qui laisse entendre que « derrière » un responsable « apparent » (l’assassin) il y aurait « les vrais responsables », qui seraient d’autres que lui. Or s’il me parait bien sûr nécessaire d’envisager dans toute sa force et toute sa complexité l’impact des #déterminismes_sociaux, il est problématique de dissoudre dans ces déterminismes toute la #responsabilité_individuelle de ce jeune de 18 ans – ce que la sociologie ne fait pas, contrairement à ce que prétendent certains polémistes, mais que certains discours peuvent parfois faire.

    Que chacun s’interroge toujours sur sa possible responsabilité est plutôt une bonne chose à mes yeux, si toutefois on ne pousse pas le zèle jusqu’à un « on est tous coupables » qui dissout toute #culpabilité réelle et arrange les affaires des principaux coupables. Ce qui m’a gêné est l’enchaînement de questions qui, en réponse à la question « qui a tué ? », met comme en concurrence, à égalité, d’une part celui qui a effectivement commis le crime, et d’autre part d’autres personnes ou groupes sociaux (la direction de l’école, la police, le père d’élève ayant lancé la campagne publique contre Samuel Paty sur Youtube, sa fille qui semble l’avoir induit en erreur sur le déroulement de ses cours) qui, quel que soit leur niveau de responsabilité, n’ont en aucun cas « tué » – la distinction peut paraitre simple, voire simpliste, mais me parait, pour ma part, cruciale à maintenir.

    8. Ce qui m’a gêné, aussi, et même écoeuré lorsque l’oubli était assumé, et que « le système » néolibéral et islamophobe devenait « le principal responsable », voire « l’ennemi qu’il nous faut combattre », au singulier, ce fut une absence, dans la liste des personnes ou des groupes sociaux pouvant, au-delà de l’individu #Abdoullakh_Abouyezidovitch, se partager une part de responsabilité. Ce qui me gêna fut l’oubli ou la minoration du rôle de l’entourage plus ou moins immédiat du tueur – qu’il s’agisse d’un groupe terroriste organisé ou d’un groupe plus informel de proches ou de moins proches (via les réseaux sociaux), sans oublier, bien entendu, l’acolyte de l’irresponsable « père en colère » : un certain #Abdelhakim_Sefrioui, entrepreneur de haine pourtant bien connu, démasqué et ostracisé de longue date dans les milieux militants, à commencer par les milieux pro-palestiniens et la militance anti-islamophobie.

    Je connais les travaux sociologiques qui critiquent à juste titre l’approche mainstream, focalisée exclusivement les techniques de propagande des organisations terroristes, et qui déplacent la focale sur l’étude des conditions sociales rendant audible et « efficace » lesdites techniques de #propagande. Mais justement, on ne peut prendre en compte ces conditions sociales sans observer aussi comment elles pèsent d’une façon singulière sur les individus, dont la responsabilité n’est pas évacuée. Et l’on ne peut pas écarter, notamment, la responsabilité des individus ou des groupes d’ « engraineurs », surtout si l’on pose la question en ces termes : « qui a tué ? ».

    9. Le temps du #choc, du #deuil et de l’#amertume « contre mon propre camp » fut cela dit parasité assez vite par un vacarme médiatique assourdissant, charriant son lot d’#infamie dans des proportions autrement plus terrifiantes. #Samuel_Gontier, fidèle « au poste », en a donné un aperçu glaçant :

    – des panels politiques dans lesquels « l’équilibre » invoqué par le présentateur (Pascal Praud) consiste en un trio droite, droite extrême et extrême droite (LREM, Les Républicains, Rassemblement national), et où les différentes familles de la gauche (Verts, PS, PCF, France insoumise, sans même parler de l’extrême gauche) sont tout simplement exclues ;

    – des « débats » où sont mis sérieusement à l’agenda l’interdiction du #voile dans tout l’espace public, l’expulsion de toutes les femmes portant le #foulard, la #déchéance_de_nationalité pour celles qui seraient françaises, la réouverture des « #bagnes » « dans îles Kerguelen », le rétablissement de la #peine_de_mort, et enfin la « #criminalisation » de toutes les idéologies musulmanes conservatrices, « pas seulement le #djihadisme mais aussi l’#islamisme » (un peu comme si, à la suite des attentats des Brigades Rouges, de la Fraction Armée Rouge ou d’Action Directe, on avait voulu criminaliser, donc interdire et dissoudre toute la gauche socialiste, communiste, écologiste ou radicale, sous prétexte qu’elle partageait avec les groupes terroristes « l’opposition au capitalisme ») ;

    – des « plateaux » sur lesquels un #Manuel_Valls peut appeler en toute conscience et en toute tranquillité, sans causer de scandale, à piétiner la Convention Européenne des Droits Humains : « S’il nous faut, dans un moment exceptionnel, s’éloigner du #droit_européen, faire évoluer notre #Constitution, il faut le faire. », « Je l’ai dit en 2015, nous sommes en #guerre. Si nous sommes en guerre, donc il faut agir, frapper. ».

    10. Puis, très vite, il y a eu cette offensive du ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin contre le #CCIF (#Collectif_Contre_l’Islamophobie_en_France), dénuée de tout fondement du point de vue de la #lutte_anti-terroriste – puisque l’association n’a évidemment pris aucune part dans le crime du 17 octobre 2020, ni même dans la campagne publique (sur Youtube et Twitter) qui y a conduit.

    Cette dénonciation – proprement calomnieuse, donc – s’est autorisée en fait d’une montée en généralité, en abstraction et même en « nébulosité », et d’un grossier sophisme : le meurtre de Samuel Paty est une atteinte aux « #valeurs » et aux « institutions » de « la #République », que justement le CCIF « combat » aussi – moyennant quoi le CCIF a « quelque chose à voir » avec ce crime et il doit donc être dissous, CQFD. L’accusation n’en demeure pas moins fantaisiste autant qu’infamante, puisque le « combat » de l’association, loin de viser les principes et les institutions républicaines en tant que telles, vise tout au contraire leur manque d’effectivité : toute l’activité du CCIF (c’est vérifiable, sur le site de l’association aussi bien que dans les rapports des journalistes, au fil de l’actualité, depuis des années) consiste à combattre la #discrimination en raison de l’appartenance ou de la pratique réelle ou supposée d’une religion, donc à faire appliquer une loi de la république. Le CCIF réalise ce travail par les moyens les plus républicains qui soient, en rappelant l’état du Droit, en proposant des médiations ou en portant devant la #Justice, institution républicaine s’il en est, des cas d’atteinte au principe d’#égalité, principe républicain s’il en est.

    Ce travail fait donc du CCIF une institution précieuse (en tout cas dans une république démocratique) qu’on appelle un « #contre-pouvoir » : en d’autres termes, un ennemi de l’arbitraire d’État et non de la « République ». Son travail d’#alerte contribue même à sauver ladite République, d’elle-même pourrait-on dire, ou plutôt de ses serviteurs défaillants et de ses démons que sont le racisme et la discrimination.

    Il s’est rapidement avéré, du coup, que cette offensive sans rapport réel avec la lutte anti-terroriste s’inscrivait en fait dans un tout autre agenda, dont on avait connu les prémisses dès le début de mandat d’Emmanuel Macron, dans les injures violentes et les tentatives d’interdiction de Jean-Michel #Blanquer contre le syndicat #Sud_éducation_93, ou plus récemment dans l’acharnement haineux du député #Robin_Réda, censé diriger une audition parlementaire antiraciste, contre les associations de soutien aux immigrés, et notamment le #GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés). Cet agenda est ni plus ni moins que la mise hors-jeu des « corps intermédiaires » de la société civile, et en premier lieu des #contre-pouvoirs que sont les associations antiracistes et de défense des droits humains, ainsi que les #syndicats, en attendant le tour des partis politiques – confère, déjà, la brutalisation du débat politique, et notamment les attaques tout à fait inouïes, contraires pour le coup à la tradition républicaine, de #Gérald_Darmanin contre les écologistes (#Julien_Bayou, #Sandra_Regol et #Esther_Benbassa) puis contre la #France_insoumise et son supposé « #islamo-gauchisme qui a détruit la république », ces dernières semaines, avant donc le meurtre de Samuel Paty.

    Un agenda dans lequel figure aussi, on vient de l’apprendre, un combat judiciaire contre le site d’information #Mediapart.

    11. Il y a eu ensuite l’annonce de ces « actions coup de poing » contre des associations et des lieux de culte musulmans, dont le ministre de l’Intérieur lui-même a admis qu’elles n’avaient aucun lien avec l’enquête sur le meurtre de Samuel Paty, mais qu’elles servaient avant tout à « #adresser_un_message », afin que « la #sidération change de camp ». L’aveu est terrible : l’heure n’est pas à la défense d’un modèle (démocratique, libéral, fondé sur l’État de Droit et ouvert à la pluralité des opinions) contre un autre (obscurantiste, fascisant, fondé sur la terreur), mais à une #rivalité_mimétique. À la #terreur on répond par la terreur, sans même prétendre, comme le fit naguère un Charles Pasqua, qu’on va « terroriser les terroristes » : ceux que l’on va terroriser ne sont pas les terroristes, on le sait, on le dit, on s’en contrefout et on répond au meurtre par la #bêtise et la #brutalité, à l’#obscurantisme « religieux » par l’obscurantisme « civil », au #chaos de l’#hyper-violence par le chaos de l’#arbitraire d’État.

    12. On cible donc des #mosquées alors même qu’on apprend (notamment dans la remarquable enquête de Jean-Baptiste Naudet, dans L’Obs) que le tueur ne fréquentait aucune mosquée – ce qui était le cas, déjà, de bien d’autres tueurs lors des précédents attentats.

    On s’attaque au « #séparatisme » et au « #repli_communautaire » alors même qu’on apprend (dans la même enquête) que le tueur n’avait aucune attache ou sociabilité dans sa communauté – ce qui là encore a souvent été le cas dans le passé.

    On préconise des cours intensifs de #catéchisme_laïque dans les #écoles, des formations intensives sur la liberté d’expression, avec distribution de « caricatures » dans tous les lycées, alors que le tueur était déscolarisé depuis un moment et n’avait commencé à se « radicaliser » qu’en dehors de l’#école (et là encore se rejoue un schéma déjà connu : il se trouve qu’un des tueurs du Bataclan fut élève dans l’établissement où j’exerce, un élève dont tous les professeurs se souviennent comme d’un élève sans histoires, et dont la famille n’a pu observer des manifestations de « #radicalisation » qu’après son bac et son passage à l’université, une fois qu’il était entré dans la vie professionnelle).

    Et enfin, ultime protection : Gérald Darmanin songe à réorganiser les rayons des #supermarchés ! Il y aurait matière à rire s’il n’y avait pas péril en la demeure. On pourrait s’amuser d’une telle #absurdité, d’une telle incompétence, d’une telle disjonction entre la fin et les moyens, si l’enjeu n’était pas si grave. On pourrait sourire devant les gesticulations martiales d’un ministre qui avoue lui-même tirer « à côté » des véritables coupables et complices, lorsque par exemple il ordonne des opérations contre des #institutions_musulmanes « sans lien avec l’enquête ». On pourrait sourire s’il ne venait pas de se produire une attaque meurtrière atroce, qui advient après plusieurs autres, et s’il n’y avait pas lieu d’être sérieux, raisonnable, concentré sur quelques objectifs bien définis : mieux surveiller, repérer, voir venir, mieux prévenir, mieux intervenir dans l’urgence, mieux protéger. On pourrait se payer le luxe de se disperser et de discuter des #tenues_vestimentaires ou des #rayons_de_supermarché s’il n’y avait pas des vies humaines en jeu – certes pas la vie de nos dirigeants, surprotégés par une garde rapprochée, mais celles, notamment, des professeurs et des élèves.

    13. Cette #futilité, cette #frivolité, cette bêtise serait moins coupable s’il n’y avait pas aussi un gros soubassement de #violence_islamophobe. Cette bêtise serait innocente, elle ne porterait pas à conséquence si les mises en débat du #vêtement ou de l’#alimentation des diverses « communautés religieuses » n’étaient pas surdéterminées, depuis de longues années, par de très lourds et violents #stéréotypes racistes. On pourrait causer lingerie et régime alimentaire si les us et coutumes religieux n’étaient pas des #stigmates sur-exploités par les racistes de tout poil, si le refus du #porc ou de l’#alcool par exemple, ou bien le port d’un foulard, n’étaient pas depuis des années des motifs récurrents d’#injure, d’#agression, de discrimination dans les études ou dans l’emploi.

    Il y a donc une bêtise insondable dans cette mise en cause absolument hors-sujet des commerces ou des rayons d’ « #alimentation_communautaire » qui, dixit Darmanin, « flatteraient » les « plus bas instincts », alors que (confère toujours l’excellente enquête de Jean-Baptiste Naudet dans L’Obs) l’homme qui a tué Samuel Paty (comme l’ensemble des précédents auteurs d’attentats meurtriers) n’avait précisément pas d’ancrage dans une « communauté » – ni dans l’immigration tchétchène, ni dans une communauté religieuse localisée, puisqu’il ne fréquentait aucune mosquée.

    Et il y a dans cette bêtise une #méchanceté tout aussi insondable : un racisme sordide, à l’encontre des #musulmans bien sûr, mais pas seulement. Il y a aussi un mépris, une injure, un piétinement de la mémoire des morts #juifs – puisque parmi les victimes récentes des tueries terroristes, il y a précisément des clients d’un commerce communautaire, l’#Hyper_Cacher, choisis pour cible et tués précisément en tant que tels.

    Telle est la vérité, cruelle, qui vient d’emblée s’opposer aux élucubrations de Gérald Darmanin : en incriminant les modes de vie « communautaires », et plus précisément la fréquentation de lieux de culte ou de commerces « communautaires », le ministre stigmatise non pas les coupables de la violence terroriste (qui se caractérisent au contraire par la #solitude, l’#isolement, le surf sur #internet, l’absence d’#attaches_communautaires et de pratique religieuse assidue, l’absence en tout cas de fréquentation de #lieux_de_cultes) mais bien certaines de ses victimes (des fidèles attaqués sur leur lieu de culte, ou de courses).

    14. Puis, quelques jours à peine après l’effroyable attentat, sans aucune concertation sur le terrain, auprès de la profession concernée, est tombée par voie de presse (comme d’habitude) une stupéfiante nouvelle : l’ensemble des Conseils régionaux de France a décidé de faire distribuer un « #recueil_de_caricatures » (on ne sait pas lesquelles) dans tous les lycées. S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre, disait la chanson. Qu’ils aillent donc, ces élus, distribuer eux-mêmes leurs petites bibles républicaines, sur les marchés. Mais non : c’est notre sang à nous, petits profs de merde, méprisés, sous-payés, insultés depuis des années, qui doit couler, a-t-il été décidé en haut lieu. Et possiblement aussi celui de nos élèves.

    Car il faut se rendre à l’évidence : si cette information est confirmée, et si nous acceptons ce rôle de héros et martyrs d’un pouvoir qui joue aux petits soldats de plomb avec des profs et des élèves de chair et d’os, nous devenons officiellement la cible privilégiée des groupes terroristes. À un ennemi qui ne fonctionne, dans ses choix de cibles et dans sa communication politique, qu’au défi, au symbole et à l’invocation de l’honneur du Prophète, nos dirigeants répondent en toute #irresponsabilité par le #défi, le #symbole, et la remise en jeu de l’image du Prophète. À quoi doit-on s’attendre ? Y sommes-nous prêts ? Moi non.

    15. Comme si tout cela ne suffisait pas, voici enfin que le leader de l’opposition de gauche, celui dont on pouvait espérer, au vu de ses engagements récents, quelques mises en garde élémentaires mais salutaires contre les #amalgames et la #stigmatisation haineuse des musulmans, n’en finit pas de nous surprendre ou plutôt de nous consterner, de nous horrifier, puisqu’il s’oppose effectivement à la chasse aux musulmans, mais pour nous inviter aussitôt à une autre chasse : la #chasse_aux_Tchétchènes :

    « Moi, je pense qu’il y a un problème avec la #communauté_tchétchène en France ».

    Il suffit donc de deux crimes, commis tous les deux par une personne d’origine tchétchène, ces dernières années (l’attentat de l’Opéra en 2018, et celui de Conflans en 2020), plus une méga-rixe à Dijon cet été impliquant quelques dizaines de #Tchétchènes, pour que notre homme de gauche infère tranquillement un « #problème_tchétchène », impliquant toute une « communauté » de plusieurs dizaines de milliers de personnes vivant en France.

    « Ils sont arrivés en France car le gouvernement français, qui était très hostile à Vladimir Poutine, les accueillait à bras ouverts », nous explique Jean-Luc #Mélenchon. « À bras ouverts », donc, comme dans un discours de Le Pen – le père ou la fille. Et l’on a bien entendu : le motif de l’#asile est une inexplicable « hostilité » de la France contre le pauvre Poutine – et certainement pas une persécution sanglante commise par ledit Poutine, se déclarant prêt à aller « buter » lesdits Tchétchènes « jusque dans les chiottes ».

    « Il y a sans doute de très bonnes personnes dans cette communauté » finit-il par concéder à son intervieweur interloqué. On a bien lu, là encore : « sans doute ». Ce n’est donc même pas sûr. Et « de très bonnes personnes », ce qui veut dire en bon français : quelques-unes, pas des masses.

    « Mais c’est notre #devoir_national de s’en assurer », s’empresse-t-il d’ajouter – donc même le « sans doute » n’aura pas fait long feu. Et pour finir en apothéose :

    « Il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France et tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c’était le cas de l’assassin ou d’autres qui ont des activités dans l’#islamisme_politique (...), doivent être capturés et expulsés ».

    Là encore, on a bien lu : « tous les dossiers des Tchétchènes présents en France », « un par un » ! Quant aux suspects, ils ne seront pas « interpellés », ni « arrêtés », mais « capturés » : le vocabulaire est celui de la #chasse, du #safari. Voici donc où nous emmène le chef du principal parti d’opposition de gauche.

    16. Enfin, quand on écrira l’histoire de ces temps obscurs, il faudra aussi raconter cela : comment, à l’heure où la nation était invitée à s’unir dans le deuil, dans la défense d’un modèle démocratique, dans le refus de la violence, une violente campagne de presse et de tweet fut menée pour que soient purement et simplement virés et remplacés les responsables de l’#Observatoire_de_la_laïcité, #Nicolas_Cadène et #Jean-Louis_Bianco, pourtant restés toujours fidèles à l’esprit et à la lettre des lois laïques, et que les deux hommes furent à cette fin accusés d’avoir « désarmé » la République et de s’être « mis au service » des « ennemis » de ladite #laïcité et de ladite république – en somme d’être les complices d’un tueur de prof, puisque c’est de cet ennemi-là qu’il était question.

    Il faudra raconter que des universitaires absolument irréprochables sur ces questions, comme #Mame_Fatou_Niang et #Éric_Fassin, furent mis en cause violemment par des tweeters, l’une en recevant d’abjectes vidéos de décapitation, l’autre en recevant des #menaces de subir la même chose, avec dans les deux cas l’accusation d’être responsables de la mort de Samuel Paty.

    Il faudra se souvenir qu’un intellectuel renommé, invité sur tous les plateaux, proféra tranquillement, là encore sans être recadré par les animateurs, le même type d’accusations à l’encontre de la journaliste et chroniqueuse #Rokhaya_Diallo : en critiquant #Charlie_Hebdo, elle aurait « poussé à armer les bras des tueurs », et « entrainé » la mort des douze de Charlie hebdo.

    Il faudra se souvenir qu’au sommet de l’État, enfin, en ces temps de deuil, de concorde nationale et de combat contre l’obscurantisme, le ministre de l’Éducation nationale lui-même attisa ce genre de mauvaise querelle et de #mauvais_procès – c’est un euphémisme – en déclarant notamment ceci :

    « Ce qu’on appelle l’#islamo-gauchisme fait des ravages, il fait des ravages à l’#université. Il fait des ravages quand l’#UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de la France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire. »

    Il faudra raconter ce que ces sophismes et ces purs et simples mensonges ont construit ou tenté de construire : un « #consensus_national » fondé sur une rage aveugle plutôt que sur un deuil partagé et un « plus jamais ça » sincère et réfléchi. Un « consensus » singulièrement diviseur en vérité, excluant de manière radicale et brutale tous les contre-pouvoirs humanistes et progressistes qui pourraient tempérer la violence de l’arbitraire d’État, et apporter leur contribution à l’élaboration d’une riposte anti-terroriste pertinente et efficace : le mouvement antiraciste, l’opposition de gauche, la #sociologie_critique... Et incluant en revanche, sans le moindre état d’âme, une droite républicaine radicalisée comme jamais, ainsi que l’#extrême_droite lepéniste.

    Je ne sais comment conclure, sinon en redisant mon accablement, ma tristesse, mon désarroi, ma peur – pourquoi le cacher ? – et mon sentiment d’#impuissance face à une #brutalisation en marche. La brutalisation de la #vie_politique s’était certes enclenchée bien avant ce crime atroce – l’évolution du #maintien_de l’ordre pendant tous les derniers mouvements sociaux en témoigne, et les noms de Lallement et de Benalla en sont deux bons emblèmes. Mais cet attentat, comme les précédents, nous fait évidemment franchir un cap dans l’#horreur. Quant à la réponse à cette horreur, elle s’annonce désastreuse et, loin d’opposer efficacement la force à la force (ce qui peut se faire mais suppose le discernement), elle rajoute de la violence aveugle à de la violence aveugle – tout en nous exposant et en nous fragilisant comme jamais. Naïvement, avec sans doute un peu de cet idéalisme qui animait Samuel Paty, j’en appelle au #sursaut_collectif, et à la #raison.

    Pour reprendre un mot d’ordre apparu suite à ce crime atroce, #je_suis_prof. Je suis prof au sens où je me sens solidaire de Samuel Paty, où sa mort me bouleverse et me terrifie, mais je suis prof aussi parce que c’est tout simplement le métier que j’exerce. Je suis prof et je crois donc en la raison, en l’#éducation, en la #discussion. Depuis vingt-cinq ans, j’enseigne avec passion la philosophie et je m’efforce de transmettre le goût de la pensée, de la liberté de penser, de l’échange d’arguments, du débat contradictoire. Je suis prof et je m’efforce de transmettre ces belles valeurs complémentaires que sont la #tolérance, la #capacité_d’indignation face à l’intolérable, et la #non-violence dans l’#indignation et le combat pour ses idées.

    Je suis prof et depuis vingt-cinq ans je m’efforce de promouvoir le #respect et l’#égalité_de_traitement, contre tous les racismes, tous les sexismes, toutes les homophobies, tous les systèmes inégalitaires. Et je refuse d’aller mourir au front pour une croisade faussement « républicaine », menée par un ministre de l’Intérieur qui a commencé sa carrière politique, entre 2004 et 2008, dans le girons de l’extrême droite monarchiste (auprès de #Christian_Vanneste et de #Politique_magazine, l’organe de l’#Action_française). Je suis prof et je refuse de sacrifier tout ce en quoi je crois pour la carrière d’un ministre qui en 2012, encore, militait avec acharnement, aux côtés de « La manif pour tous », pour que les homosexuels n’aient pas les mêmes droits que les autres – sans parler de son rapport aux femmes, pour le moins problématique, et de ce que notre grand républicain appelle, en un délicat euphémisme, sa « vie de jeune homme ».

    Je suis prof et j’enseigne la laïcité, la vraie, celle qui s’est incarnée dans de belles lois en 1881, 1882, 1886 et 1905, et qui n’est rien d’autre qu’une machine à produire plus de #liberté, d’#égalité et de #fraternité. Mais ce n’est pas cette laïcité, loin s’en faut, qui se donne à voir ces jours-ci, moins que jamais, quand bien même le mot est répété à l’infini. C’est au contraire une politique liberticide, discriminatoire donc inégalitaire, suspicieuse ou haineuse plutôt que fraternelle, que je vois se mettre en place, sans même l’excuse de l’efficacité face au terrorisme.

    Je suis prof, et cette #vraie_laïcité, ce goût de la pensée et de la #parole_libre, je souhaite continuer de les promouvoir. Et je souhaite pour cela rester en vie. Et je souhaite pour cela rester libre, maître de mes #choix_pédagogiques, dans des conditions matérielles qui permettent de travailler. Et je refuse donc de devenir l’otage d’un costume de héros ou de martyr taillé pour moi par des aventuriers sans jugeote, sans cœur et sans principes – ces faux amis qui ne savent qu’encenser des profs morts et mépriser les profs vivants.

    https://lmsi.net/Je-suis-prof

    #Pierre_Tevanian

    –—

    –-> déjà signalé sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/882390
    https://seenthis.net/messages/882583
    ... mais je voulais mettre le texte complet.

  • #Afghanistan : CIA-Backed Forces Commit Atrocities | Human Rights Watch
    https://www.hrw.org/news/2019/10/31/afghanistan-cia-backed-forces-commit-atrocities

    Ces #milices ne sont pas simplement « appuyées » par les #états-unis, ces derniers participent à leurs #atrocités.

    “[...] the CIA has enabled abusive Afghan forces to commit atrocities including extrajudicial executions and disappearances,” said Patricia Gossman, associate Asia director and author of the report. “In case after case, these forces have simply shot people in their custody and consigned entire communities to the terror of abusive night raids and indiscriminate airstrikes.”

    [...]

    Night raids have often been accompanied by airstrikes that have indiscriminately or disproportionately killed Afghan civilians. The dramatic increase in civilian casualties from US air operations over the past year may reflect changes to tactical directives eliminating measures that had formerly reduced civilian harm, including limitations on striking residential buildings. The US and Afghan governments have not adequately investigated alleged unlawful airstrikes in Afghanistan. In one case Human Rights Watch investigated, an airstrike called in by strike forces in Nangarhar killed at least 13 civilian members of two families, including several children.

    Afghanistan : HRW dénonce des #crimes paramilitaires soutenus par la CIA - Asie-Pacifique - RFI
    http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20191031-afghanistan-hrw-crimes-paramilitaires-cia

    L’ONG HRW précise que les forces paramilitaires afghanes ont été recrutées, entraînées et équipées par la CIA. Leurs liens étroits dateraient des années 1980, lorsque la CIA équipait les rebelles afghans et les moudjahidines contre les troupes soviétiques.

    #combattants_de_la_liberté #propagande

  • Syrie : Les premiers procès pour des #atrocités se sont tenus en Europe

    (New York) – Les efforts visant à traduire en justice les responsables d’atrocités perpétrées en Syrie devant des tribunaux européens commencent à porter leurs fruits, notamment dans les tribunaux suédois et allemands, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Alors que différentes autorités en Europe ont ouvert des #enquêtes sur les crimes internationaux graves commis en Syrie, la Suède et l’Allemagne sont les deux premiers pays à avoir jugé et condamné des personnes pour ces #crimes.


    https://www.hrw.org/fr/news/2017/10/03/syrie-les-premiers-proces-pour-des-atrocites-se-sont-tenus-en-europe
    #Syrie #justice #procès #rapport

  • Conseil des #droits de l’Homme : les É.-U. critiquent la présence de certains pays | Agnès PEDRERO | #États-Unis
    http://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201706/06/01-5104846-conseil-des-droits-de-lhomme-les-e-u-critiquent-la-presence-de-c

    Washington dénonce depuis des années le fait qu’#Israël est le seul pays avec un point fixe (le point 7, intitulé : « La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés ») à l’ordre du jour de chaque session du Conseil (trois fois par an). Israël et son principal allié, les États-Unis, ont dénoncé à de multiples reprises cet « agenda biaisé » du Conseil, boycottant les débats.

    Mardi, Mme Haley a encore estimé « essentiel » que le Conseil mette fin à cette « partialité chronique » s’il « veut être crédible ».

    Elle a également critiqué la composition du Conseil mais n’a toutefois cité que le #Venezuela, appelant Caracas à se retirer.

    L’ambassadeur vénézuélien auprès de l’ONU à Genève, Jorge Valero, lui a répondu que les États-Unis « n’avaient aucune #autorité #morale pour s’affirmer comme le #juge universel sur les #droits_humains ». « Le gouvernement américain devrait non seulement renoncer à son siège au Conseil, mais s’excuser pour les #atrocités commises à travers son histoire. »

    Les membres du Conseil, élus par l’Assemblée générale de l’#ONU, comprennent également la #Chine et #Cuba, qui ont été critiqués par les États-Unis pour leur bilan en matière de droits de l’homme.

    OHCHR | Current Membership of the HRC
    http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/CurrentMembers.aspx

    [...]

    Saudi Arabia [term expires on] 2019

    [...]

    #Arabie_saoudite #délire #crédibilité #MSM « #neutralité »

  • The worst I’ve seen – trauma expert lifts lid on ’atrocity’ of Australia’s detention regime

    Exclusive: In his 43-year career, #Paul_Stevenson has worked in the aftermath of the Bali bombings and the Boxing Day tsunami but says nothing he witnessed was as bad as the treatment of asylum seekers on #Nauru and #Manus_island


    https://www.theguardian.com/australia-news/2016/jun/20/the-worst-ive-seen-trauma-expert-lifts-lid-on-atrocity-of-australias-de
    #atrocité #asile #migrations #réfugiés #Australie #externalisation #détention_administrative #rétention

  • UNICEF - Media centre - Unspeakable violence against children in South Sudan – UNICEF chief

    http://www.unicef.org/southsudan/media_16619.html

    Pendant ce temps là :

    Statement by UNICEF Executive Director Anthony Lake on brutal violence against children in South Sudan

    NEW YORK, 17 June 2015 – “The violence against children in South Sudan has reached a new level of brutality.

    “The details of the worsening violence against children are unspeakable, but we must speak of them.

    “As many as 129 children from Unity State were killed during only three weeks in May. Survivors report that boys have been castrated and left to bleed to death... Girls as young as 8 have been gang raped and murdered... Children have been tied together before their attackers slit their throats... Others have been thrown into burning buildings.

    “Children are also being aggressively recruited into armed groups of both sides on an alarming scale – an estimated 13,000 children forced to participate in a conflict not of their making. Imagine the psychological and physical effects on these children – not only of the violence inflicted on them but also the violence they are forced to inflict on others.

    “In the name of humanity and common decency this violence against the innocent must stop.”

    #soudan_du_sud #atrocités #massacre #enfance #enfants

  • “Kill Anything”: Israeli Soldiers Say Gaza Atrocities Came from Orders for Indiscriminate Fire
    http://www.filmsforaction.org/watch/kill-anything-israeli-soldiers-say-gaza-atrocities-came-from-orders-

    A new report based on testimonies of Israeli soldiers concludes the massive civilian death toll from last summer’s Israeli assault on Gaza resulted from a policy of indiscriminate fire. The...

  • You might not have heard of the ‘Hannibal Protocol’, but it’s behind one of Israel’s worst atrocities yet - Comment - Voices - The Independent
    http://www.independent.co.uk/voices/comment/you-might-not-have-heard-of-the-hannibal-protocol-but-its-behind-one-

    The Israeli forces didn’t give the Palestinians of Rafah any warning, but embarked on the most aggressive bombing campaign of Operation Protective Edge. Airplanes struck Rafah 40 times, dropping massive bombs on its civilian neighbourhoods, and heavy artillery pumped more than 1,000 shells into the area. Tanks also invaded, firing in all directions, and heavy bulldozers moved in to flatten scores of houses on the heads of people who were still inside.

    Palestinians who did manage to jump into cars to escape the inferno were shot at, and cars carrying injured civilians trying to approach the Rafah hospital were also attacked. The blitz lasted three hours and killed more than 150 Palestinians. It also injured hundreds of others, having buried them under the rubble.

    The colonel who orchestrated the assault on Rafah was Ofer Winter, the commander of the Givati Brigade. A religious settler, on the eve of the Gaza war he dispatched a letter to his troops, laden with biblical references, which perhaps explains the ferocity with which they attacked Rafah.

    #fanatique_religieux #criminel #crimes #atrocités #Israel #Israël

  • “A Hideous Atrocity”: Noam Chomsky on Israel’s Assault on Gaza & U.S. Support for the Occupation
    http://www.filmsforaction.org/watch/a-hideous-atrocity-noam-chomsky-on-israels-assault-on-gaza-and-us-su

     - Hideous. Sadistic. Vicious. Murderous. That is how Noam Chomsky describes Israel’s 29-day offensive in Gaza that killed nearly 1,900 people and left almost 10,000 people injured. Chomsky has...