• Après l’incendie de son domicile, le maire de #Saint-Brevin annonce sa démission

    #Yannick_Morez, le maire de #Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), a envoyé sa lettre de démission au préfet, mardi 9 mai. Une décision prise en famille, après l’incendie criminel ayant visé sa maison, mercredi 22 mars.

    (#paywall)

    https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-brevin-les-pins-44250/info-ouest-france-apres-lincendie-de-son-domicile-le-maire-de-saint-bre

    #démission

    sur cette histoire :
    https://seenthis.net/messages/992104

    • « On aurait pu mourir » : le maire de Saint-Brevin explique pourquoi il démissionne
      Ouest-France Kate STENT. Modifié le 11/05/2023
      https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-brevin-les-pins-44250/un-coup-sur-la-tete-le-maire-de-saint-brevin-demissionne-apres-lattaque
      À Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), le maire Yannick Morez jette l’éponge, découragé par les menaces et la violence qui entourent le projet de Centre d’accueil de demandeurs d’asile. Un coup de tonnerre dont il s’explique à Ouest-France.
      https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMzA1OWU1MmVjMmQwNWM4OWRiZjcxZGZhMDk2N2I0NDQ4MGE?width=1260&fo
      Yannick Morez, le maire de Saint-Brevin, devant sa maison et les deux voitures incendiées, le 22 mars. Un mois et demi plus tard, il annonce sa volonté de démissionner.

      D’ici quelques semaines, Yannick Morez ne sera plus le maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique). Il a remis sa lettre de démission au préfet, mardi 9 mai, après avoir informé son conseil municipal, ainsi que les élus du conseil communautaire.

      Yannick Morez explique sa décision par l’incendie criminel qui a frappé son domicile, le 22 mars. Un acte qu’il qualifie de « coup sur la tête », survenu à la suite de plusieurs tracts menaçants reçus dans sa boîte aux lettres et émanant, selon lui, de l’extrême droite.

      Depuis plusieurs mois, la station balnéaire dont il est le maire (14 500 habitants) est le théâtre de manifestations organisées en opposition au projet de Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) que l’État souhaite construire dans la ville.
      Quitter Saint-Brevin après trente-deux ans

      « Ma femme et mes trois enfants ne souhaitent plus que je continue mon mandat de maire, explique Yannick Morez, à Ouest-France. On aurait pu mourir intoxiqués dans cet incendie. Aujourd’hui, mon épouse a peur de croiser la personne qui a fait ça en faisant ses courses. D’où notre décision de quitter Saint-Brevin une fois que les travaux de la maison seront terminés. Nous quittons la commune où nous vivons depuis trente-deux ans. » Médecin généraliste en plus de son mandat de maire, Yannick Morez cessera ses consultations le 30 juin.

      Cette décision fera, sans aucun doute, réagir, tant elle illustre les problèmes rencontrés par les maires aujourd’hui, plus que jamais « à portée de baffes », voire bien pire encore, de leurs concitoyens.

      « Il y a quelques jours, à l’occasion de la visite de mon fils et de son enfant, nous nous sommes attablés en terrasse à Saint-Brevin pour boire un verre, raconte Yannick Morez. Après quelques minutes, nous nous sommes fait alpaguer par un opposant au Cada, que nous avons dû sommer de partir… »
      « Un gâchis orchestré par une minorité »

      « Quel gâchis orchestré par cette minorité, dont la plupart sont extérieurs à la commune, à notre territoire », réagit Roch Chéraud, vice-président de la communauté de communes Sud estuaire, présidée par Yannick Morez.

      Avec sa casquette de président des Maires ruraux de Loire-Atlantique, Roch Chéraud poursuit : « Ce cas est symptomatique de ce qui nous attend à brève échéance et de façon plus massive si l’État ne fait pas plus attention aux maires et aux élus. » Yannick Morez s’était lui-même plaint, dans une lettre ouverte, du manque de soutien des autorités et de l’État. Et du silence assourdissant de l’État sur le projet de Cada qui est de son ressort, et non pas de celui du maire.

      David Samzun, maire de Saint-Nazaire, a réaffirmé, sur Twitter, « tout [son] soutien » à Yannick Morez. « Pour avoir servi la République et soutenu les peuples en détresse, il a été contraint de démissionner pour protéger sa famille », ajoute le président de l’agglomération nazairienne.

      #extrême-droite

    • Saint-Brevin : Face à l’abandon de l’Etat, le maire amer

      Auditionné au Sénat et reçu par Matignon mercredi, l’édile démissionnaire de Saint-Brevin, Yannick Morez, a accablé les autorités, alertées à plusieurs reprises des menaces de l’extrême droite qui pesaient sur lui.

      Il a mûri sa décision avec « son épouse et ses enfants ». A 62 ans, le maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, poussé à la démission après des mois de harcèlement par l’extrême droite en raison d’un projet d’accueil de migrants sur la commune, ne reviendra « pas en arrière ». « C’est la fin de ma carrière politique », a-t-il confirmé mercredi 17 mai à la sortie de Matignon, où il était reçu par Elisabeth Borne : politesse d’un Etat qu’il accuse toujours de l’avoir laissé à son sort.

      La décision a été « difficile à prendre », a encore confié le maire démissionnaire, à la sortie de son audition au Sénat. L’exécutif nourrissait manifestement l’espoir de le faire changer d’avis : Elisabeth Borne dimanche et la ministre des Collectivités, Dominique Faure, mercredi, ont esquissé un mea culpa. La Première ministre a aussi demandé au préfet de Loire-Atlantique de ne pas accepter la démission de l’élu avant sa visite à Matignon. En vain. A la sortie de son audition au Sénat, devant les caméras, Yannick Morez a de nouveau déploré « l’abandon de l’Etat » qui, depuis plusieurs années, « est monté crescendo ».
      « Catastrophe » des réseaux sociaux

      En fin de matinée, deux heures durant, au sous-sol du palais du Luxembourg, l’édile a livré une chronologie détaillée de cet « abandon ». L’histoire débute en 2016, après le démantèlement de la « jungle de Calais » et l’accueil des premiers migrants dans la station balnéaire de Loire-Atlantique. « Tout se passait bien », rapporte Yannick Morez. Le 11 mars 2021, le sous-préfet du département l’informe que le centre où logent jusqu’alors les migrants doit devenir un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). « La première difficulté dans ce Cada, soulève Yannick Morez, c’est que l’Etat et ses représentants ne souhaitaient pas informer les habitants. Ils ont laissé la municipalité s’en charger. »

      Certains riverains contestent le site retenu pour le nouveau centre, à proximité d’une école. Mi-octobre 2022, une première manifestation rassemble une quarantaine de personnes hostiles au projet, « dont la majorité provient de l’extérieur de la commune », selon le maire. Sur les réseaux sociaux, la haine s’emballe. Des intimidations et des menaces visent le maire et ses adjoints. « On était mis en pâture en permanence », raconte le maire. « Les réseaux sociaux ont été une véritable catastrophe, poursuit-il en établissant le parallèle avec l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, en octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), consécutif à une fausse rumeur diffusée en ligne. Des personnes attisent la haine en permanence et on se retrouve complètement démunis. »

      Tracts « ignobles »

      Alertées, les autorités ne réagissent pas. Unique motif invoqué, selon le maire : la « liberté d’expression ». A Saint-Brevin, la tension s’accroît, alimentée par l’extrême droite et les partisans d’Eric Zemmour. Dans sa boîte aux lettres, Yannick Morez découvre des tracts « ignobles », comme ces photos d’un garçon de 10 ans enlevé en 2004 dans la ville et retrouvé mort à Guérande : « Voilà ce qu’il risque de se passer à Saint-Brevin avec 110 migrants », lit-il sur l’un d’eux. Le 23 janvier 2023, il alerte le préfet, par courrier, de l’ensemble des menaces reçues. Il affirme n’avoir reçu aucune réponse. Selon lui, les menaces ont clairement été « minimisées » par les autorités. « On s’est retrouvés démunis, seuls, abandonnés par les services de l’Etat. »

      Visé, l’exécutif a esquissé une reconnaissance de faute. « Si nous avons été insuffisamment réactifs, nous allons davantage nous mobiliser pour protéger les élus face à la montée des violences », a déclaré la Première ministre, Elisabeth Borne, dans le Journal du dimanche ce week-end. « On va s’améliorer de ce que vous allez nous dire, de votre perception, de cette inaction perçue par vous », a également répondu aux sénateurs, ce mercredi, la ministre des Collectivités territoriales, Dominique Faure, qui a présenté le même jour un plan d’action contre les violences visant les élus. L’alourdissement des sanctions pénales en cas d’attaques contre des élus, qui seront considérées comme aussi graves que les atteintes contre des policiers, a été évoqué par la ministre. « Il nous faut évidemment arrêter cette spirale infernale de la violence faite aux élus dans notre République. C’est absolument inacceptable », a déclaré Dominique Faure.

      Le maire dit n’avoir pas pu davantage compter sur le soutien de l’autorité judiciaire. Un courrier envoyé au procureur de la République, le 15 février, est resté lettre morte. Jusqu’à l’incendie de ses véhicules et de son domicile, le 22 mars. « Tout était en train de brûler », revoit le maire, alerté à l’aube par des riverains. Quatre jours plus tôt, en marge d’une commémoration, Yannick Morez avait été vivement interpellé par des membres du collectif hostiles au projet. « On va vous raccompagner jusqu’à votre véhicule », lui lance alors l’un d’eux.
      « Une somme de lâchetés »

      Rien, pourtant, ne bouge. Le courrier envoyé au chef de l’Etat après l’incendie ? Dans sa réponse, une dizaine de jours plus tard, Emmanuel Macron « ne répond pas aux questions de mon courrier, sur le fait qu’il n’y a pas eu de soutien de l’Etat », s’est désolé Yannick Morez devant les sénateurs. La demande de protection renforcée adressée au préfet le 7 avril, alors qu’une manifestation est prévue à la fin du mois ? « La veille de la manifestation, le sous-préfet affirme que l’évaluation des risques est toujours en cours. »

      Des sénateurs, le maire démissionnaire a reçu un soutien unanime. « Tout ceci est scandaleux de bout en bout », charge Philippe Bas, sénateur LR de la Manche et ancien secrétaire général de l’Elysée. « C’est une succession d’abandons dont vous avez été victime, une somme de lâchetés », lui adresse encore Hussein Bourgi, sénateur socialiste de l’Hérault, qui réclame le limogeage des autorités de l’Etat dans le département. « Ce qui est devenu inacceptable, ajoute Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, c’est que face à la question du droit d’asile, il y a un racisme banal qui se développe à très grande rapidité. C’est une honte pour la France. »

      https://www.liberation.fr/politique/devant-les-senateurs-le-maire-de-saint-brevin-decrit-son-abandon-par-leta

    • Matignon a demandé au préfet de Loire-Atlantique de ne pas accepter la démission du maire de Saint-Brevin

      Le maire de Saint-Brevin Yannick Morez est attendu à Matignon pour y rencontrer Élisabeth Borne en fin d’après-midi.

      Comme l’a appris BFMTV d’une source proche de l’exécutif, confirmant une information de France Info, Matignon et Beauvau ont demandé au préfet de Loire-Atlantique de ne pas accepter la démission du maire de Saint-Brevin Yannick Morez et d’attendre jusqu’à sa rencontre avec la Première ministre Élisabeth Borne cet après-midi à 18h30.

      De son côté, l’entourage de la Première ministre assure que l’objet de l’entretien de ce jour n’est pas de convaincre le maire de changer d’avis, et que celui-ci est libre de faire ce qu’il souhaite.
      L’élu dénonce l’abandon de l’État

      La semaine passée, le maire de cette commune de Loire-Atlantique a annoncé sa démission après avoir été visé par un incendie criminel. Il est au cœur d’une vive controverse au sein de sa commune depuis plusieurs mois et assure avoir pris sa décision « pour des raisons personnelles. »

      Samedi passé, le maire démissionnaire a estimé que l’Etat ne s’était "pas tenu à (ses) côtés. « Non, Madame la Ministre, l’Etat ne s’est pas tenu à mes côtés », a déploré Yannick Morez dans un communiqué publié sur sa page Facebook, où il réagit à un tweet dans lequel la ministre des Collectivités, Dominique Faure, l’assure de son soutien.

      Ce mercredi, l’élu a rendez-vous avec la Première ministre Élisabeth Borne à partir de 18h30. « Si nous avons été insuffisamment réactifs, nous allons davantage nous mobiliser pour protéger les élus face à la montée des violences », a déclaré Élisabeth Borne avant sa rencontre avec l’édile.

      https://www.bfmtv.com/politique/matignon-a-demande-au-prefet-de-loire-atlantique-de-ne-pas-accepter-la-demiss

  • Allons-nous tous devenir sourds ? | Reportage - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=TRsTGFJmIvQ

    Selon l’OMS, 2,5 milliards de personnes dans le monde seront atteintes d’une déficience auditive d’ici 2050. Comment l’expliquer ? Sommes-nous de plus en plus sensibles au bruit ? Quels sont ses effets concrets sur l’oreille et notre santé ? Pour y répondre, nous avons rencontré des chercheurs du laboratoire en neurosciences de Montpellier (Inserm) ainsi que de l’Institut de l’Audition à Paris.

    #Sciences #Reportage #Son #Bruit #Vidéo #Audition #Santé

  • Procédure | #Auditions : une mauvaise #traduction et la vie d’un demandeur d’asile peut basculer

    En Suisse les problèmes de traduction durant les auditions d’asile sont récurrents. Plusieurs affaires sont actuellement examinées par les instances d’asile suisses, dont une par le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT). Dans une lettre adressée fin janvier à Monsieur Mario Gattiker, Secrétaire d’État aux migrations (SEM), soixante-six experts en droit d’asile, dont des juristes, avocats et professeurs de droit, ont demandé l’instauration de l’enregistrement audio des auditions d’asile et l’organisation d’une formation standard pour les interprètes. Plusieurs pays en Europe ont déjà mis en place ce système. En l’adoptant, la Suisse améliorera la qualité de la procédure et contribuera à l’harmonisation nécessaire du droit d’asile en Europe. Mais le SEM temporise et assure qu’il est un des meilleurs dans le domaine.

    Ce sujet n’est pas nouveau. En juillet 2017, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) alertait les autorités sur le besoin d’interprètes qualifiés dans la mise en place de la nouvelle procédure accélérée[1]. Pour illustrer son propos, l’OSAR revenait sur une audition impliquant un requérant d’asile afghan parlant le dari et un interprète iranien parlant le farsi qui en plus ne maîtrisait pas bien l’allemand. Durant l’audition, la spécialiste du SEM expliquait qu’aucun interprète en dari n’avait pu être trouvé et que le farsi était suffisamment compréhensible pour l’intéressé.

    Depuis, rien n’a été fait. Au contraire, la Suisse a pris du retard sur ses voisins alors que la procédure accélérée exige des interprètes compétents et fiables. Il y a eu des problèmes de traduction lors d’auditions impliquant des requérants iraniens, afghans, yézidis, érythréens et kurdes. Les interprètes sont mal formés, mal évalués, mal aiguillés et bien souvent mal surveillés. Les apartés durant les auditions et les contacts durant les pauses sont formellement interdits et pourtant fréquents. Il n’est donc pas rare que des tensions entre requérants d’asile et interprètes infectent le cours d’une audition qui continue alors qu’elle devrait être interrompue séance tenante.

    C’est grave. Les auditions sont parmi les heures les plus importantes dans la vie d’un demandeur d’asile. Elles déterminent l’une des trois issues possibles : le statut de réfugié, l’admission provisoire ou le renvoi. En général le SEM justifie une décision négative sur des incohérences, des contradictions, des propos invraisemblables ou stéréotypés tout en niant les problèmes de traduction même lorsqu’ils figurent au procès-verbal.

    Le Tribunal administratif fédéral (TAF) est régulièrement appelé à se prononcer sur ce problème. Dans un arrêt du 17 février 2020, il précise qu’une mauvaise traduction conduit à un établissement incomplet, voire inexact de l’état de fait, viole gravement le droit d’être entendu du recourant et doit conduire à l’annulation de la décision du SEM[2].

    Questionné à ce sujet, le SEM a répondu que les interprètes ne peuvent « influencer selon leur bon vouloir les résultats d’auditions et de procédure d’asile » parce qu’ils sont soumis à des règles de travail, parce que leur recrutement résulte d’une procédure par étape qu’il estime satisfaisante et enfin parce que le « système d’assurance-qualité » mis en place pour les interprètes fonctionne. Ce système aurait permis le licenciement de plusieurs interprètes « en raison de soupçons de partialité ». Néanmoins, les bavures existent et sur le fond, le SEM s’est dit ouvert à l’enregistrement audio des auditions d’asile.

    Cela est une bonne chose, car les soupçons de partialité arrivent souvent trop tard. En pratique, ni les auditeurs, ni les représentants juridiques, ni les requérants d’asile ne sont capables de constater les omissions délibérées ou les erreurs des interprètes à moins de maîtriser à la fois la langue d’origine de la personne auditionnée et la langue dans laquelle l’audition est menée.

    Par ailleurs, aucune disposition dans la Loi sur l’asile (article 29 LAsi – RS 142.31) ou dans l’Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure (article 19 OA1 – RS142.311) ne s’y oppose. Une modification de pratique est donc possible au moyen d’une directive.

    Enfin, plusieurs pays européens ont déjà mis en place l’enregistrement audio des auditions d’asile. C’est le cas de la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Finlande, la Suède, la Pologne, la Slovénie et Malte. D’autres pays comme l’Italie, Chypre et les Pays-Bas sont en voie de suivre leurs voisins.

    [1] Entrée en vigueur le 1er mars 2019.
    [2] Tribunal administratif fédéral (TAF) : arrêt D-6877/2019 du 17 février 2020. Le droit d’être entendu est compris comme l’un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l’art. 29 de la Constitution fédérale (cf. ATF 2013/23 consid. 6.1.1).

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    Dans sa réponse datée du 20 mars 2020, #Mario_Gattiker cherche à rassurer les signataires de la lettre que la qualité de la traduction est une grande préoccupation et qu’à cet égard « le SEM est un des pays-leader dans ce domaine »… Concernant la possibilité d’introduire l’enregistrement audio des auditions d’asile le #SEM déclare ce qui suit :

    « Dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle loi sur l’asile, le SEM examine attentivement les différents moyens, notamment techniques, d’optimiser le processus. Nos premières évaluations ont révélé que l’enregistrement audio des auditions impliquerait de régler de nombreux points techniques et organisationnels en partie complexes. À cet égard, la formulation d’une directive ne saurait être suffisante au vu des différents aspects juridiques dont il faut tenir compte. Le SEM se doit de considérer l’ensemble de ces éléments avant d’envisager une telle introduction. »

    Une façon de temporiser. Pourtant le SEM ne voit aucun problème à mettre en place la saisie des téléphones portables des demandeurs d’asile*, qui soulève des problèmes techniques et organisationnels tout aussi conséquents, voire davantage puisque se pose la question épineuse de la protection des données personnelles, cette réponse renvoie les signataires aux calendes grecques. Peut-être faudrait-il que d’autres, à Berne, se saisissent de la question.

    * Fouiller les téléphones portables des demandeurs d’asile ? Contestable, inefficace et forcément coûteux (https://asile.ch/2020/02/27/saisie-des-telephones-portables-un-avant-projet-de-loi-contestable), asile.ch, 27 février 2020

    https://asile.ch/2020/05/08/procedure-auditions-une-mauvaise-traduction-et-la-vie-dun-demandeur-dasile-peu

    #audition #asile #migrations #réfugiés #interprètes #Suisse

    Lire aussi
    – Asile : les superpouvoirs des interprètes, Le temps des réfugiés (Le Temps), 16 mai 2019 : https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2019/05/16/asile-les-superpouvoirs-des-interpretes
    – Le sort de la famille Ahmed présenté sur Forum (RTS), Le temps des réfugiés (Le Temps), 13 juin 2019 : https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2019/06/13/le-sort-de-la-famille-ahmed-presente-sur-forum-rts
    – Plusieurs États européens procèdent déjà à l’enregistrement audio des auditions d’asile. Pourquoi pas la Suisse ?, Le temps des réfugiés (Le Temps), 4 octobre 2019 : https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2019/10/04/plusieurs-etats-europeens-procedent-deja-a-lenregistrement-audio-des-a

  • Prisonniers du passage

    Dans les #aéroports existent des espaces insoupçonnés pour les vacanciers que nous sommes.

    Les « #zones_d’attente » sont des lieux de #détention, où les étrangers sont enfermés jusqu’à vingt-six jours avant d’être admis en #France, de devenir demandeurs d’asile ou d’être refoulés.

    Une vraie enquête de terrain sur un enjeu de société adaptée en bande dessinée et accompagnée d’un cahier documentaire riche en chiffres, analyses, cartes et schémas.

    https://steinkis.com/livres/prisonniers-du-passage/prisonniers-du-passage.html

    #migrations #asile #réfugiés #BD #livre #Chowra_Makaremi #bande_dessinée
    #aéroport #frontières #zone_d'attente #ZAPI #limbe #GTM-multiservices #privatisation #procédure_d'asile #audition #abus #mensonge

    Et des mots pour décrire les personnes prisonnières du passage :
    #individus_non-admis (ou aussi #inads)
    #personnes_en_instance
    #zapiens (habitants des #ZAPI)

    –—

    ajouté à la métaliste sur les mots / terminologie de la migration :
    https://seenthis.net/messages/414225

  • #Violences_sexuelles à l’#université : pourquoi les #procédures_disciplinaires sont souvent un chemin de croix pour les victimes

    Pour les victimes de violences sexistes et sexuelles qui osent se lancer dans une procédure disciplinaire contre leurs agresseurs, le parcours est souvent long et traumatisant.

    Le jour où elles ont décidé d’aller voir le doyen de la faculté de droit et de sciences politiques de Montpellier pour faire un #signalement de violences sexuelles concernant un étudiant de leur promotion, Marie* et Elise* sont arrivées avec un avantage non négligeable : elles étaient deux. Convaincues d’avoir été victimes du même agresseur, ces amies âgées de 20 ans ont décidé de faire front en faisant remonter les faits, il y a un an.

    Marie accuse ainsi le jeune homme de « lui avoir tapé la tête contre le sol d’un parking », lui causant un traumatisme crânien, assorti d’un jour d’ITT, d’après sa plainte, déposée le 22 février 2020 et que franceinfo a pu consulter, pour des faits qui se seraient produits la nuit précédente. De son côté, Elise le soupçonne de l’avoir droguée à son insu, en présence de trois autres garçons qu’il avait invités un soir chez elle. Dans sa #plainte, elle raconte avoir fait un malaise après avoir bu « deux ou trois verres » d’alcool en leur présence. Elle ajoute que l’étudiant en question l’a ensuite « saisie par les cheveux » et qu’elle s’est retrouvée sur le canapé « complètement avachie ». Elle rapporte « avoir senti des mains partout » sur elle. Quand elle s’est réveillée, les jeunes hommes étaient partis. Son débardeur était « relevé », son soutien-gorge « défait » et « la braguette de son pantalon descendue ».

    En entendant leurs récits, et conformément à l’article 40 du Code de procédure pénale, le doyen de la faculté, Guylain Clamour, informe par écrit le procureur de la République. En parallèle, il demande au président de l’université de lancer une procédure disciplinaire. Marie et Elise sont confiantes. Elles espèrent que leur agresseur présumé sera éloigné des bancs de la fac. Du lancement de la procédure à son aboutissement, dix mois plus tard, elles répondent à chaque exigence de la commission, qui leur demande de lui transmettre toutes les pièces qui pourraient appuyer leurs témoignages.

    La #formation_de_jugement, c’est-à-dire le jour où la commission auditionne les différentes parties prenantes, a lieu le 15 décembre. Chacune son tour, les deux amies sont convoquées pour une confrontation avec l’étudiant qu’elles incriminent, en présence des membres de la commission. Mais l’#audition prend la tournure d’un « #interrogatoire », assurent-elles. Elles en ressortent abattues, ayant abandonné la possibilité d’une éventuelle exclusion du jeune homme. Elles espèrent toutefois encore qu’il écopera au minimum d’un #blâme. Le jugement tombe le 22 décembre : l’étudiant est relaxé par la #commission_disciplinaire de l’université. Contactée, la présidente de cette commission n’a pas souhaité s’exprimer sur l’affaire.

    « Certaines questions posées sont scandaleuses »

    Le parcours d’Elise et Marie illustre certaines #défaillances des #procédures_disciplinaires dans l’#enseignement_supérieur en matière de violences sexistes et sexuelles. Ces commissions sont composées de deux professeurs, de deux maîtres de conférences, de représentants du personnel (et de six élus étudiants quand ce sont des usagers qui sont jugés). Elles peuvent être amenées à se prononcer sur de la tricherie aux examens, des actes de vandalisme, des propos racistes… et sur des signalements de violences sexistes et sexuelles.

    Ces sujets, particulièrement délicats, « demandent un accompagnement spécifique », explique Myriam Espinasse, de l’#Observatoire_étudiant_des violences_sexuelles_et_sexistes dans l’enseignement supérieur, une association dont le rôle est de recenser et sensibiliser sur ces #violences. Pour elle, le principal problème de ces commissions réside dans le manque de formation de leurs membres, dont peu ont assisté à des modules ou des conférences sur le sujet.

    « Enormément de #maladresses sont commises, avec des propos parfois très violents. »
    Myriam Espinasse, membre de l’Observatoire étudiant des violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur, à franceinfo

    « Certaines questions posées par ces commissions d’enquête disciplinaire sont scandaleuses. On a demandé à plusieurs victimes comment elles étaient habillées, si elles avaient consommé de l’alcool… » confirme Camille, membre du #Collectif_de_lutte_antisexiste_contre_le_harcèlement_dans_l'enseignement_supérieur (#Clasches), association créée à l’initiative de doctorantes qui souhaitent garder l’anonymat.

    Souvent, les étudiant(e)s sont contraintes de répéter les faits au cours d’entretiens préalables au jugement. Un traumatisme de plus pour les victimes, qui, à chaque fois, « revivent les violences qu’elles ont subies », analyse Myriam Espinasse. A Montpellier, Elise et Marie ont ainsi été entendues deux fois par la commission avant le jour du jugement, et ce, malgré leurs dépôts de plaintes et un témoignage écrit détaillé versé par Elise, qui auraient pu être considérés comme des pièces suffisantes pour circonstancier leurs récits. Elles disent avoir eu le sentiment de devoir se justifier, à chaque reprise, face aux membres des commissions.

    Le jour du jugement restera dans leur mémoire comme un moment traumatisant. Elise et Marie assurent s’être retrouvées en confrontation directe avec leur agresseur présumé, assis « à une chaise d’écart », se souvient la première. « La séance s’est transformée en une heure de réinterrogatoire à la fin duquel un élu étudiant [membre de la commission] m’a dit : ’Moi, je n’ai toujours pas compris pourquoi il aurait voulu vous faire du mal ? Quelle est la raison à votre avis ?’ » affirme la jeune femme. Elle raconte avoir alors fondu en larmes.

    « Aujourd’hui, je ne conseillerais à aucune victime de se lancer dans cette procédure, qui a été une violence de plus. »
    Elise, étudiante à Montpellier à franceinfo

    Difficile à affronter pour les victimes, la procédure disciplinaire pèche aussi par son #opacité. En pratique, il suffit d’une simple lettre du président de l’université à la commission pour saisir la #section_disciplinaire. Mais, dans les faits, « les sections ne sont pas suffisamment saisies », constate Delphine Gassiot-Casalas, présidente de Jurisup, le réseau des affaires juridiques de l’enseignement supérieur. Et, quand les faits remontent jusqu’au président, « il peut considérer que le dossier n’est pas suffisamment étayé pour poursuivre ».

    Des procédures longues et aléatoires

    Certains rechignent ainsi à lancer des procédures disciplinaires en l’absence de plainte au pénal, selon les associations interrogées. Pourtant, les deux procédures sont décorrélées : l’une peut être lancée sans l’autre, et vice-versa. Lise Lerichomme, déléguée à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations de genre à l’université d’Amiens, insiste sur cette distinction. « La reconstruction des étudiants peut passer par l’accompagnement de notre institution et pas forcément par celui de l’institution judiciaire, qui a son fonctionnement propre », appuie-t-elle. D’autant que le disciplinaire est censé être plus rapide que le pénal. Reste qu’en pratique, le jugement peut mettre des mois à être prononcé. « Facilement un an, tranche Myriam Espinasse. Dans la temporalité d’une victime, c’est terrible : ça veut dire qu’elle croise son agresseur tous les jours. »

    Des mesures conservatoires peuvent être prises par le président de l’université dans l’attente du jugement. A Montpellier, le président a ainsi imposé à l’agresseur présumé d’Elise et Marie de suivre les cours à distance pendant deux mois. Mais les situations peuvent être plus aléatoires. A l’université de Lorraine, où, selon nos informations, une procédure a été lancée par une étudiante en décembre 2019 contre un de ses enseignants pour des propos sexistes et dégradants à son encontre, aucune mesure conservatoire n’a été mise en place pour éloigner le professeur en question.

    Franceinfo a pu consulter plusieurs pièces du dossier dans lesquelles l’étudiante fait état d’une série de commentaires ouvertement sexuels, faisant référence à son corps et à sa tenue vestimentaire. Pendant toute la durée de la procédure, la jeune femme devait continuer à se rendre aux cours de cet enseignant, « alors qu’il était pertinemment au courant qu’elle avait fait un signalement à son encontre », assure une partie prenante du dossier, sous couvert d’anonymat. Et de souligner que l’étudiante aurait fait face à des « allusions répétées, déplacées et humiliantes » et se trouvait dans un « état psychologique grave ». A ce jour, ni la jeune femme, ni les multiples témoins – étudiants et enseignants – ayant été entendus dans cette affaire en octobre n’ont été notifiés du jugement de la commission.
    « Des relances qui restent sans nouvelles »

    Globalement, les victimes sont peu informées des différentes étapes de la procédure et de leurs droits. Dans certaines universités, « c’est un combat régulier, avec des relances qui restent sans nouvelles. On sait qu’il y a une enquête mais on ne sait pas quand elle va aboutir », regrette Camille, du Clasches.

    En outre, certains aspects fondamentaux de la procédure ne sont pas clairement expliqués aux victimes, qui commettent parfois des erreurs pouvant leur coûter cher. Ainsi, Elise et Marie affirment avoir fourni, à la demande de la commission, toutes les pièces qui pourraient appuyer leurs témoignages… sans savoir qu’elles seraient consultables par la partie adverse. Elles regrettent de ne pas avoir été informées dès le départ de ce point pourtant important.

    De même, peu de victimes savent qu’elles ont, depuis peu, le droit de venir accompagnées de la personne de leur choix, y compris un avocat, le jour de la formation de jugement, et ce, depuis la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Quant aux jugements des différentes commissions, ils sont souvent difficiles à consulter. Les établissements ont l’obligation de les afficher pendant deux mois dans leurs bâtiments (de manière anonymisée dans la grande majorité des cas). Ils sont toutefois rarement disponibles sur les sites des universités, ce qui constituerait pourtant un élément d’information essentiel pour les victimes : elles pourraient ainsi comparer les procédures précédentes avant d’en lancer une elles-mêmes. Certaines universités se montrent plus transparentes que d’autres, à l’instar de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, qui a publié sur son site internet le détail de sa procédure et l’ensemble des décisions prises entre 2016 et 2019.
    « On est des juges de pacotille »

    Ce cadre est particulièrement attendu. Car, selon nos interlocuteurs, les membres des commissions disciplinaires se montrent souvent frileux dans leurs jugements et peinent à sanctionner fermement. « Les enseignants-chercheurs membres de ces commissions ne se sentent pas armés pour prendre des sanctions qui vont impacter la carrière d’un collègue qu’ils croisent tous les jours dans les couloirs », pointe Delphine Gassiot-Casalas. C’est là l’un des grands reproches formulés à ces commissions : des pairs jugent des pairs, avec toute la partialité que cela peut impliquer.

    En outre, certains professeurs et maîtres de conférences ne se sentent souvent pas assez rodés dans leur connaissance des procédures. « On est légitimes pour les affaires de triche et de plagiat, commente Didier Peltier, président de la commission disciplinaire de l’université d’Angers, mais quand on se retrouve face à des affaires de type sexuel, là, on est très mal à l’aise. Ce n’est pas notre métier : nous, on est des juges de pacotille. » Auteur d’un article sur la répression disciplinaire du harcèlement sexuel à l’université, Alexis Zarca, maître de conférences en droit public à l’université d’Orléans, milite pour que l’on accorde aux membres des commissions un temps dédié à l’instruction disciplinaire. « C’est une charge quasi bénévole pour eux et dieu sait que les universitaires assurent déjà beaucoup de missions en plus des leurs », insiste-t-il.

    Les universités prennent toutefois peu à peu conscience de la nécessité de prononcer des sanctions dissuasives et exemplaires. Certaines décisions récentes sont encourageantes, comme à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, où deux professeurs ont été exclus définitivement de l’enseignement supérieur pour harcèlement sexuel et moral. Il aura tout de même fallu près de douze témoignages contre eux. A l’université de Lorraine, en revanche, l’enseignant visé par le signalement d’une étudiante n’a pas été sanctionné et continue d’exercer, selon nos informations, l’université ayant refusé de nous transmettre une copie de la décision.

    Du côté du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), qui peut être saisi en appel, la tendance n’est pas non plus à la sévérité. Selon une étude de l’agence de presse spécialisée AEF info, qui a consulté les comptes-rendus des décisions du Cneser disciplinaire publiés entre janvier 2008 et juillet 2019, l’instance aurait même tendance à amoindrir la sanction. Au total, 42,3% des décisions de jugement au fond allègent la sanction d’origine.
    Dépayser les affaires les plus graves ?

    Dès lors, comment faire en sorte que la procédure disciplinaire ne soit plus un chemin de croix pour les victimes ? Certaines universités ont décidé de prendre le problème à bras le corps, comme à Amiens, qui fait preuve, depuis quatre ans, d’un volontarisme très fort en matière de violences sexistes et sexuelles. Pour faciliter la parole des victimes, un référent a été mis en place dans chaque UFR de la faculté. Un groupe de travail préalable à la commission disciplinaire complète le dispositif. Cette « cellule restreinte » se réunit dans les 48 heures en cas de signalement pour prendre connaissance de la situation et décider, ou non, de lancer une commission. Une formation sera bientôt dispensée à l’ensemble des membres du disciplinaire, avec l’objectif d’en finir avec l’idée qu’il faut absolument une confrontation de la victime avec son agresseur.

    D’autres pistes d’amélioration avaient été avancées dès 2019, lors d’un colloque de Jurisup (lien abonnés) sur les questions liées au disciplinaire dans l’enseignement supérieur. Face aux risques de partialité des commissions disciplinaires locales, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avait proposé en 2019 (lien abonnés), à l’occasion du « Grenelle contre les violences conjugales », de « dépayser les affaires les plus sensibles pour qu’elles ne soient pas jugées au sein de leurs établissements et qu’ainsi tout soupçon de laxisme soit écarté ». Delphine Gassiot-Casalas défend, elle, la création d’une instance nationale dans laquelle des membres du personnel plus professionnalisés jugeraient les contentieux les plus sensibles. Dans le but d’avoir, enfin, des sanctions à la hauteur des faits dénoncés.

    * Les prénoms ont été modifiés

    https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/enquete-violences-sexuelles-a-l-universite-pourquoi-les-procedures-disc

    #facs #ESR #sexisme

    –—

    ajouté à la métaliste sur le #harcèlement_sexuel à l’université :
    https://seenthis.net/messages/863594

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  • The Asylum Story: Narrative Capital and International Protection

    Obtaining international protection relies upon an ability to successfully navigate the host country’s asylum regime. In #France, the #récit_de_vie, or asylum story, is critical to this process. An asylum seeker must craft their story with the cultural expectations of the assessor in mind. The shaping of the asylum story can be seen as an act of political protest.

    The role of the asylum story within the asylum procedure

    Within a context of increasing securitization of Europe’s borders, the consequences of differentiated rights tied to immigration status have profound impacts. The label of “refugee” confers rights and the chance to restart one’s life. In order to obtain this label, a narrative of the person’s history is required: the asylum story. It must explain the reasons and mechanisms of individualized persecution in the asylum seeker’s country of origin or residence, and the current and sustained fears of this persecution continuing should they return. In France, the Office for the Protection of Refugees and Stateless People (OFPRA)
    is responsible for determining whether or not the person will be granted protection, either through refugee status or subsidiary protection.

    This essay examines the construction of these stories based on participant observation conducted within an association supporting exiles in Nice called Habitat et Citoyenneté (“Housing and Citizenship”, hereafter H&C).

    One of H&C’s activities is supporting asylum seekers throughout the asylum process, including the writing of the story and preparation of additional testimony for appeals in the event of a rejection. Over time, H&C has increasingly specialized in supporting women seeking asylum, many of whom have suffered gender-based and sexual violence. These women’s voices struggle to be heard within the asylum regime as it currently operates, their traumas cross-examined during an interview with an OFPRA protection officer. Consequently, an understanding of what makes a “good” asylum story is critical. Nicole and Nadia, members of H&C who play multiple roles within the association, help to develop the effective use of “narrative capital” whereby they support the rendering of the exiles’ experiences into comprehensive and compelling narratives.
    Creating the narrative while struggling against a tide of disbelief

    The experience of asylum seekers in Nice illustrates the “culture of disbelief” (Kelly 2012) endemic within the asylum system. In 2019, OFPRA reported a 75% refusal rate.

    Rejection letters frequently allege that stories are “not detailed enough,” “vague,” “unconvincing,” or “too similar” to other seekers’ experiences. These perfunctory refusals of protection are an assault in and of themselves. Women receiving such rejections at H&C were distressed to learn their deepest traumas had been labelled as undeserving.

    While preparing appeals, many women remembered the asylum interviews as being akin to interrogations. During their interviews, protection officers would “double-back” on aspects of the story to “check” the consistency of the narrative, jumping around within the chronology and asking the same question repeatedly with different phrasing in an attempt to confuse or trick the asylum seeker into “revealing” some supposed falsehood. This practice is evident when reading the transcripts of OFPRA interviews sent with rejection letters. Indeed, the “testing” of the asylum seeker’s veracity is frequently applied to the apparent emotiveness of their descriptions: the interviewer may not believe the account if it is not “accompanied by suitable emotional expression” (Shuman and Bohmer 2004). Grace, recently granted protective status, advised her compatriots to express themselves to their fullest capability: she herself had attempted to demonstrate the truth of her experiences through the scars she bore on her body, ironically embarrassing the officer who had himself demanded the intangible “proof” of her experience.

    A problematic reality is that the asylum seeker may be prevented from producing narrative coherency owing to the effects of prolonged stress and the traumatic resonance of memories themselves (Puumala, Ylikomi and Ristimäki 2018). At H&C, exiles needed to build trust in order to be able to narrate their histories within the non-judgemental and supportive environment provided by the association. Omu, a softly spoken Nigerian woman who survived human trafficking and brutal sexual violence, took many months before she was able to speak to Nadia about her experiences at the offices of H&C. When she did so, her discomfort in revisiting that time in her life meant she responded minimally to any question asked. Trauma’s manifestations are not well understood even among specialists. Therefore, production of “appropriately convincing” traumatic histories is moot: the evaluative methodologies are highly subjective, and indeed characterization of such narratives as “successful” does not consider the person’s reality or lived experience. Moreover, language barriers, social stereotypes, cultural misconceptions and expected ways of telling the truth combine to impact the evaluation of the applicant’s case.

    Asylum seekers are expected to demonstrate suffering and to perform their “victimhood,” which affects mental well-being: the individual claiming asylum may not frame themselves as passive or a victim within their narrative, and concentrating on trauma may impede their attempts to reconstruct a dignified sense of self (Shuman and Bohmer 2004). This can be seen in the case of Bimpe: as she was preparing her appeal testimony, she expressed hope in the fact that she was busy reconstructing her life, having found employment and a new community in Nice; however, the de facto obligation to embody an “ideal-type” victim meant she was counselled to focus upon the tragedy of her experiences, rather than her continuing strength in survival.
    Narrative inequality and the disparity of provision

    Standards of reception provided for asylum seekers vary immensely, resulting in an inequality of access to supportive services and thereby the chance of obtaining status. Governmental reception centers have extremely limited capacity: in 2019, roughly a third of the potential population

    were housed and receiving long-term and ongoing social support. Asylum seekers who find themselves outside these structures rely upon networks of associations working to provide an alternative means of support.

    Such associations attempt to counterbalance prevailing narrative inequalities arising due to provisional disparities, including access to translation services. Nicole is engaged in the bulk of asylum-story support, which involves sculpting applications to clarify ambiguities, influence the chronological aspect of the narration, and exhort the asylum seeker to detail their emotional reactions (Burki 2015). When Bimpe arrived at H&C only a few days ahead of her appeal, the goal was to develop a detailed narrative of what led her to flee her country of origin, including dates and geographical markers to ground the story in place and time, as well as addressing the “missing details” of her initial testimony.

    Asylum seekers must be allowed to take ownership in the telling of their stories. Space for negotiation with regard to content and flow is brought about through trust. Ideally, this occurs through having sufficient time to prepare the narrative: time allows the person to feel comfortable opening up, and offers potential to go back and check on details and unravel areas that may be cloaked in confusion. Nicole underlines the importance of time and trust as fundamental in her work supporting women with their stories. Moreover, once such trust has been built, “risky” elements that may threaten the reception of the narrative can be identified collaboratively. For example, mention of financial difficulties in the country of origin risks reducing the asylum seeker’s experience to a stereotyped image where economics are involved (see: the widely maligned figure of the “economic migrant”).

    Thus, the asylum story is successful only insofar as the seeker has developed a strong narrative capital and crafted their experience with the cultural expectations of the assessor in mind. In today’s reality of “asylum crisis” where policy developments are increasingly repressive and designed to recognize as few refugees as possible, the giving of advice and molding of the asylum story can be seen as an act of political protest.

    Bibliography

    Burki, M. F. 2015. Asylum seekers in narrative action: an exploration into the process of narration within the framework of asylum from the perspective of the claimants, doctoral dissertation, Université de Neuchâtel (Switzerland).
    Kelly, T. 2012. “Sympathy and suspicion: torture, asylum, and humanity”, Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 19, no. 4, pp. 753–768.
    Puumala, E., Ylikomi, R. and Ristimäki, H. L. 2018. “Giving an account of persecution: The dynamic formation of asylum narratives”, Journal of Refugee Studies, vol. 31, no. 2, pp. 197–215.
    Shuman, A. and Bohmer, C. 2004. “Representing trauma: political asylum narrative”, Journal of American Folklore, pp. 394–414.

    https://metropolitics.org/The-Asylum-Story-Narrative-Capital-and-International-Protection.html
    #asile #migrations #audition #narrative #récit #OFPRA #France #capital_narratif #crédibilité #cohérence #vraisemblance #véracité #émotions #corps #traces_corporelles #preuves #trauma #traumatisme #stress #victimisation #confiance #stéréotypes

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  • Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020

    Deux ans après une première publication sur la question (https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7), l’ODAE romand sort un second rapport. Celui-ci offre une synthèse des constats présentés en 2018, accompagnée d’une actualisation de la situation.

    Depuis 2018, l’ODAE romand suit de près la situation des requérant·e·s d’asile érythréen∙ne∙s en Suisse. Beaucoup de ces personnes se retrouvent avec une décision de renvoi, après que le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) a confirmé la pratique du #Secrétariat_d’État_aux_Migrations (#SEM) amorcée en 2016, et que les autorités ont annoncé, en 2018, le réexamen des #admissions_provisoires de quelque 3’200 personnes.

    En 2020, le SEM et le TAF continuent à appliquer un #durcissement, alors que la situation des droits humains en #Érythrée ne s’est pas améliorée. Depuis près de quatre ans, les décisions de renvoi tombent. De 2016 à à la fin octobre 2020, 3’355 Érythréen·ne·s avaient reçu une décision de renvoi suite à leur demande d’asile.

    Un grand nombre de requérant·e·s d’asile se retrouvent ainsi débouté·e·s.

    Beaucoup des personnes concernées, souvent jeunes, restent durablement en Suisse, parce que très peu retournent en Érythrée sur une base volontaire, de peur d’y être persécutées, et qu’il n’y a pas d’accord de réadmission avec l’Érythrée. Au moment de la décision fatidique, elles perdent leur droit d’exercer leur métier ou de se former et se retrouvent à l’#aide_d’urgence. C’est donc à la constitution d’un groupe toujours plus important de jeunes personnes, exclues mais non renvoyables, que l’on assiste.

    C’est surtout en cédant aux pressions politiques appelant à durcir la pratique – des pressions renforcées par un gonflement des statistiques du nombre de demandes d’asile – que la Suisse a appréhendé toujours plus strictement la situation juridique des requérant∙e∙s d’asile provenant d’Érythrée. Sur le terrain, l’ODAE romand constate que ces durcissements se traduisent également par une appréciation extrêmement restrictive des motifs d’asile invoqués par les personnes. D’autres obstacles limitent aussi l’accès à un examen de fond sur les motifs d’asile. Au-delà de la question érythréenne, l’ODAE romand s’inquiète pour le droit d’asile au sens large. L’exemple de ce groupe montre en effet que l’application de ce droit est extrêmement perméable aux incitations venues du monde politique et peut être remaniée sans raison manifeste.

    https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7

    Pour télécharger le rapport :
    https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2020/12/RT_erythree_2020-web.pdf

    #rapport #ODAE_romand #Erythrée #Suisse #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #droit_d'asile #protection #déboutés #permis_F #COI #crimes_contre_l'humanité #service_militaire #travail_forcé #torture #viol #détention_arbitraire #violences_sexuelles #accord_de_réadmission #réadmission #déboutés #jurisprudence #désertion #Lex_Eritrea #sortie_illégale #TAF #justice #audition #vraisemblance #interprètes #stress_post-traumatique #traumatisme #trauma #suspicion #méfiance #procédure_d'asile #arbitraire #preuve #fardeau_de_la_preuve #admission_provisoire #permis_F #réexamen #santé_mentale #aide_d'urgence #sans-papiers #clandestinisation #violence_généralisée

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  • Dans les Alpes, migrants et bénévoles face à une police aux frontières renforcée

    En novembre, Emmanuel Macron a doublé les effectifs de la police aux frontières "contre la menace terroriste". Des renforts auxquels se heurtent quotidiennement associations et exilés.

    C’est pour notre “protection commune”, assure Emmanuel Macron. Dans la foulée des attentats terroristes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, le président de la République annonçait le 5 novembre rien de moins qu’un doublement des effectifs de la police aux frontières.

    À Montgenèvre (Hautes-Alpes), par exemple, une soixantaine de policiers, de gendarmes réservistes et même de militaires de l’opération Sentinelle sont arrivés en renfort ces dernières semaines, selon la préfecture.

    Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo ci-dessus, cette forte présence policière n’est pas sans conséquence sur les dizaines d’exilés, dont de nombreux demandeurs d’asile, qui tentent chaque jour de franchir au péril de leur vie ce point montagneux de la frontière franco-italienne, ni sur les associations qui leur portent assistance.

    Samedi 5 décembre, notre caméra a pu suivre sur le terrain l’association Tous migrants, dont deux bénévoles ont récemment été interpellés lors d’une maraude et convoqués devant le tribunal de Gap pour “aide à l’entrée” d’un couple d’Afghans.

    "On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain."
    #Michel_Rousseau, association Tous migrants

    Signe supplémentaire que ce “#délit_de_solidarité” persiste, deux bénévoles ont une fois de plus été interpellés lors de notre reportage, alors qu’ils portaient assistance à une dizaine de migrants afghans, iraniens et maliens côté français. Soupçonnés “d’aide à l’entrée sur le territoire de personne en situation irrégulière”, ils ont reçu une convocation pour une audition libre 48 heures plus tard.

    Selon nos informations, les deux maraudeurs n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite, mais ont vu leurs empreintes et photos récoltées par les autorités. Depuis notre tournage, quatre autres maraudeurs ont encore été convoqués par la police, pour un total de six bénévoles auditionnés en à peine une semaine.
    Des rétentions au cadre légal flou

    Avant leur renvoi aux autorités italiennes, les migrants interpellés en montagne sont emmenés dans des bâtiments préfabriqués (type Algeco) situés derrière le poste-frontière de Montgenèvre, comme vous pouvez le voir également dans notre reportage en tête d’article.

    Utilisé aussi à Menton, ce type de lieu de rétention sans cadre légal précis est dénoncé en justice par des associations et ONG. Ces derniers y réclament le droit de pouvoir y accéder pour porter une assistance aux demandeurs d’asile, comme dans les centres de rétention ou les zones d’attente (ZA) des aéroports internationaux.

    “On est dans un État de droit. Quand il y a privation de libertés, il y a une base légale et les gens maintenus ont des droits prévus par la loi. Et là, il n’y a rien”, regrette Gérard Sadik, responsable de la commission Asile de La Cimade.

    En ce qui concerne Menton, le tribunal administratif de Nice a d’ailleurs suspendu le 30 novembre dernier une décision du préfet des Alpes-Maritimes “refusant l’accès aux constructions modulaires attenantes au poste de la police aux frontières aux représentantes de l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et de l’association Médecins du Monde”. En outre, la justice évoque plusieurs manquements aux droits des demandeurs d’asile :

    “Le juge relève que quotidiennement, de nombreuses personnes sont retenues dans ces locaux munis de système de fermeture et de surveillance vidéo, dans des conditions précaires, pour de nombreuses heures, notamment la nuit lorsque le poste de police italien est fermé, qu’elles sont mises dans l’impossibilité de partir librement de ces locaux et d’obtenir au cours de la période de ‘maintien’ une assistance médicale, juridique ou administrative des associations.”

    Une “fabrique des indésirables”

    Contactée par Le HuffPost, la préfecture des Hautes-Alpes évoque sobrement des “locaux de mise à l’abri proposés sans contrainte”, le temps de procéder à des “vérifications” et “aménagés dans l’unique objectif de préserver tant leur dignité, en proposant un lieu de repos (avec chauffage, couvertures, mobiliers, nourriture), que leur vie, afin de ne pas soumettre ces personnes non admises à un retour par leurs propres moyens”.

    À notre micro, Michel Rousseau, Briançonnais et bénévole de la première heure de Tous migrants, y voit plutôt une “fabrique des indésirables”. Tout en ajoutant : “Mais on ne veut pas être dans la caricature. On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain. On compte sur eux pour que les droits fondamentaux triomphent”.

    https://www.huffingtonpost.fr/entry/dans-les-alpes-migrants-et-benevoles-face-a-une-police-aux-frontieres
    #vidéo #Tous_Migrants #maraudes #asile #migrations #réfugiés #Hautes-Alpes #Briançon #France #Italie #frontières #militarisation_des_frontières #solidarité #maraudes_solidaires #hiver #vidéo

    • (reportage de 2018, je mets ici pour archivage)

      Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 1 : Mamadou

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce premier épisode, place à l’histoire de Mamadou, qui a traversé la frontière italo-française en passant par le col de l’Échelle, un soir de mars.

      Depuis le début de l’année, près de 2 000 réfugiés ou exilés, migrants, seraient arrivés en France, en traversant la frontière avec l’Italie. En passant par les Alpes, les cols alentours, et dans des conditions extrêmes, au péril de leur vie. Mamadou commence son odyssée en 2010, loin, très loin des Alpes. Fils d’un père boucher, il quitte son pays, le Mali, suite aux attaques menées par les touaregs qui combattent pour le contrôle du nord du pays.
      Du Mali à la Place des Fêtes, à Paris

      En 2011, alors que plusieurs de ses amis viennent de mourir dans un attentat sur un marché, il prend la décision de fuir. Passé par l’Algérie, il arrive finalement en Libye et monte dans un canot pneumatique à Tripoli. Sauvé de la noyade par les gardes-côtes italiens, on lui délivre à Naples un titre de séjour et un passeport Schengen.

      Il décide alors de rejoindre son oncle, qui travaille à Paris. Les petits boulots s’enchainent : boucher durant deux ans, puis vendeur pendant un an sur les marchés de Place des Fêtes et de Daumesnil, dans les 20ème et 12ème arrondissements parisiens.
      Repasser par l’Italie pour faire renouveler son titre de séjour

      A l’hiver 2016, Mamadou est obligé de retourner en Italie pour faire renouveler ses titres de séjour. On lui en accorde un, d’une durée de cinq ans, mais son passeport, lui, n’est pas encore prêt. À cause de son travail, Mamadou doit pourtant rentrer à Paris et ne peut attendre. Il décide de prendre le train à Milan, avant de se faire contrôler en gare de Modane, dix kilomètres après la frontière.

      Là, les policiers français lui expliquent que, sans son passeport, ils sont obligés de lui refuser l’entrée en France. Mamadou a beau leur assurer que sa demande est en cours et qu’il doit retourner travailler à Paris, d’où il vient, les agents lui répondent que ce n’est pas leur problème. Il est arrêté, ainsi qu’Ousmane, un autre exilé de 17 ans qui l’accompagne. Les deux garçons, migrants à ce moment-là, sont reconduits, en traversant la frontière, en Italie.
      Migrants : l’odyssée dramatique des marcheurs de l’extrême – Episode 1

      « Je ne savais pas que la neige pouvait brûler »

      À la gare de Bardonecchia, les deux jeunes gens ne connaissent personne. Mais ils sont déterminés à passer la frontière, comme d’autres migrants. Mamadou se renseigne sur l’itinéraire à prendre pour rejoindre la France auprès d’un italien. Celui-ci lui indique une route qui passe par le col de l’Échelle. Celui-ci culmine à 1762 mètres d’altitude.

      Le col de l’Échelle est fermé à la circulation l’hiver. En fonction de l’enneigement, cette fermeture peut durer de décembre jusqu’à mai. Nous sommes le 5 mars, il est 16h : il fait froid et il neige. Bien que peu couverts, en jean et en baskets, les deux jeunes décident néanmoins de franchir la montagne à pied.

      https://radioparleur.net/2018/06/04/migrants-solidaires-frontiere-episode-1

      #audio #son #podcast

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Épisode 2 : Une #solidarité en actes

      Des milliers de réfugié·es ou d’exilé·es arrivent en France en provenance d’Italie. Ils et elles traversent la frontière par les cols des Alpes, dans des conditions extrêmes, avec un risque mortel. Face à cet afflux et à ces dangers, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais dans le but de secourir les migrant·es en difficulté. Dans ce deuxième épisode, Radio Parleur vous propose de découvrir trois portraits d’accueillant·es : un membre d’association, un pisteur en montagne ou une simple habitante de la #vallée_de_la_Clarée.

      Face aux risques que courent les migrants pour traverser la frontière, des habitant·es du Briançonnais, de #Névache et de #Montgenèvre se mobilisent par solidarité. Tout·es craignent de retrouver des cadavres au printemps et de voir la montagne se transformer en un gigantesque cimetière à ciel ouvert avec la fonte des neiges. Le 25 mai 2019, du côté italien du col de l’Échelle, un promeneur a découvert le corps d’« un homme à la peau sombre » inanimé, près d’un torrent. Le corps, en état de décomposition avancée, n’a pas pu être identifié, selon le journal italien La Stampa.

      Secourir les migrant·es en difficulté, par solidarité

      Bravant le froid et les contrôles accrus de la PAF (Police Aux Frontières), les bénévoles continuent. Épuisé·es et en colère face à un État qui, selon elleux, les laisse seul·es gérer l’urgence. C’est une armée de volontaires : ancien·nes militant·es, syndicalistes, anarchistes et libertaires, catholiques à la fibre sociale, mais aussi simples habitant·es de la vallée. Certain·es ne s’étaient jamais engagé·es par solidarité jusque-là. Mais tous et toutes ont prit le relais d’un État jugé déficient.

      Bruno Jonnard habite à Névache, la plus haute commune de la vallée de la Clarée, depuis maintenant quinze ans. Artisan l’été, il travaille comme dameur et pisteur l’hiver. Il assure des interventions comme pompier volontaire. Avec ses 361 habitant·es, Névache est le village le plus proche du col de l’Échelle. Un col dangereux et difficile d’accès par où passent les migrant·es qui franchissent la frontière franco-italienne.

      Murielle* habite à Montgenèvre où elle dirige un commerce. A quelques centaines de mètre, le col du même nom, et surtout la frontière franco-italienne. Mais aussi le poste de la Police Aux Frontières (PAF) d’où partent les patrouilles qui surveillent ce second point de passage pour les migrant·es.

      Michel Rousseau habite à Briançon. Ancien syndicaliste aujourd’hui à la retraite, il est le porte-parole de l’association Tous Migrants. L’association, sans étiquette politique, religieuse ou institutionnelle, créée en 2015, exprime l’indignation collective face au drame humanitaire vécu par les migrants en Europe. C’est aussi dans le chef-lieu de la vallée de la Clarée, que se situe le refuge solidaire de l’association pour les migrant·es.

      https://radioparleur.net/2018/06/05/montagnes-solidarite-migrants-marcheurs-odyssee-episode-2

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 3 : #Maraude en montagne

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce troisième épisode, Radio Parleur vous propose de partir au cœur d’une maraude en haute-montagne, avec Vincent et Emily*, bénévoles à l’association #Tous_Migrants.

      Dans les Hautes-Alpes, les migrants qui souhaitent rejoindre la France traversent régulièrement la frontière franco-italienne par la montagne. Ils passent par les cols de l’Echelle, à 1762 mètres d’altitude, et de Montgenèvre, à 1850 mètres d’altitude. Les conditions y sont extrêmement difficiles : températures qui descendent parfois en dessous de moins 20 degrés, passages par des zones difficiles d’accès et le plus souvent de nuit, avec les patrouilles de la #Police_Aux_Frontières (#PAF) et de la #Police_Nationale.

      Secourir les migrants en difficulté dans la montagne

      C’est pourquoi des professionnels de la montagne, des bénévoles, ou parfois de simples habitants de la région, s’organisent. Ils effectuent chaque soir des maraudes en altitude pour secourir les migrants en difficulté. Commençant autour de 21h, elles finissent tard dans la nuit. « Ça fait partie de la culture montagnarde : on ne laisse personne en difficulté sur le côté du chemin, là-haut », assure Vincent, habitant et pizzaiolo qui participe à la maraude.

      Parfois, ce sont jusqu’à douze ou quinze personnes par soir, qui tentent de passer. Il faut ensuite redescendre et parvenir jusqu’au #Refuge_Solidaire installé à Briançon. Là, suite à un accord avec la communauté de communes et la gendarmerie nationale, les migrant·e·s ne sont pas inquiété·e·s tant qu’ils ne s’éloignent pas du refuge installé dans une ancienne caserne de #CRS.

      https://radioparleur.net/2018/06/08/episode-3-maraude-montagne-migrants-detresse-solidaires

      Pour écouter le #podcast :
      https://podcast.ausha.co/radio-parleur/migrants-l-odyssee-des-marcheurs-de-l-extreme-episode-3-maraude-en-mon

      #maraudes

    • Dans les Alpes, les associations d’aide aux migrants se disent « harcelées » par la Police aux frontières

      L’association Tous Migrants qui vient en aide aux exilés qui traversent les Alpes pour rejoindre la France, s’inquiète du #harcèlement_policier dont elle se dit victime. Arrêtés pendant les #maraudes en montagne, à Briançon, les membres de l’association se plaignent des très nombreuses #amendes qu’ils reçoivent, disent-ils, pour non-respect du couvre-feu. Et s’inquiètent du sort des migrants interceptés par la Police aux frontières.

      « La situation est ubuesque ». C’est avec ces mots qu’Agnès Antoine, membre de Tous migrants, dans la ville de Briançon, au pied des Alpes françaises, évoque les maraudes de son association. « Il fait -15 degrés, les exilés risquent leur vie pour traverser la montagne et arriver en France et au lieu de les aider, nous sommes harcelés ». L’association reproche aux forces de l’ordre et aux membres de la Police aux frontières (PAF) de les entraver dans leur #aide_humanitaire.

      « Depuis le 6 janvier, nous avons déjà récolté une trentaine d’amendes pendant nos maraudes de soirées pour non-respect du #couvre-feu », explique-t-elle. Les associations sont pourtant autorisées à prolonger leurs activités au-delà de 20h avec une #attestation. Les bénévoles assurent que les forces de l’ordre n’en ont que faire.


      https://twitter.com/LoupBureau/status/1351629698565103625
      « Respect des règles »

      « Les #contrôles_arbitraires, notifications d’amendes, #auditions_libres et autres pressions envers les citoyens et citoyennes qui chaque soir essaient de porter assistance aux exilé(e)s se sont multipliés », peut-on lire dans un communiqué publié par Tous Migrants et Médecins du monde. « La nuit du 8 janvier 2021, j’ai été contrôlé quatre fois par deux équipes de gendarmes alors que je maraudais dans Montgenèvre. Cette même soirée, j’ai été notifié de trois amendes alors que j’étais en possession de mon ordre de mission et de mon attestation dérogatoire de déplacement délivrés par l’association Tous Migrants », ajoutent les auteurs du texte.

      Contactée par InfoMigrants, la préfecture des Hautes-Alpes se défend de harcèlement et de contrôles abusifs. « Les services chargés du contrôle aux frontières agissent dans le respect des règles de droit et des personnes qu’elles contrôlent », explique-t-elle dans un communiqué. « Concernant les maraudes exercées pendant le couvre-feu, les salariés et bénévoles peuvent se déplacer entre 18h et 6h pour l’aide aux personnes précaires en présentant une attestation professionnelle fournie par l’association. Il appartient à l’autorité de police verbalisatrice d’apprécier la validité des documents qui lui sont présentés. »


      https://twitter.com/DamienCAREME/status/1337458498146222082

      « La PAF nous demande de venir chercher des migrants dans leurs locaux »

      Pour Agnès Antoine, le comportement de la police est surtout incompréhensible. « Ils nous harcèlent et dans le même temps, ils nous demandent de les aider, de venir chercher des migrants quand ils sont dans les locaux de la PAF. Parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’eux. C’est vraiment dingue ».

      Dernier exemple en date, dans la nuit du vendredi 15 janvier au samedi 16 janvier. Vingt-deux migrants, Iraniens et Afghans, dont des enfants et un nouveau-né, sont interceptés par la police dans la montagne puis emmenés dans les locaux de la PAF. Selon Tous Migrants, « toutes les personnes arrêtées ont reçu des OQTF et des IRTF délivrées par la préfète ». Après les avoir interrogés, la PAF a appelé l’association. « Ils nous ont demandé de venir pour nous en occuper », soupire-t-elle.
      De plus en plus de familles parmi les exilés

      L’association reproche également aux forces de l’ordre de bafouer les droits des migrants. « L’État militarise la frontière, traque les exilé(e)s et les reconduit quasi systématiquement en Italie sans même vérifier s’ils souhaitent demander l’asile en France », écrivent-ils encore dans leur communiqué.

      Selon Tous Migrants, le profil des exilés traversant les Alpes a changé ces derniers mois. Auparavant, les personnes secourues étaient majoritairement des hommes, en provenance d’Afrique de l’Ouest « qui remontaient l’Italie depuis le sud avant de traverser les Alpes ». Aujourd’hui, les migrants sont davantage des familles venues du Moyen-Orient. « Elles arrivent de Slovénie, passent par Trieste (dans le nord de l’Italie), et arrivent aux Alpes », explique Agnès Antoine. « Ce sont beaucoup de familles avec des femmes enceintes, des enfants et même des bébés en bas âge ».

      Depuis le mois de septembre 2020, les maraudes ont permis de porter assistance à 196 personnes, écrivent les bénévoles de l’association.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/29725/dans-les-alpes-les-associations-d-aide-aux-migrants-se-disent-harcelee

    • « A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains »

      Au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière, la #militarisation_de_la_montagne n’est qu’un geste vain de l’Etat, alertent l’anthropologue #Didier_Fassin et le médecin #Alfred_Spira.

      Tribune. Toutes les #nuits, dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre, des hommes, des femmes et des enfants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb tentent de passer à pied d’Italie en France, dans la neige et le froid. Toutes les nuits, puissamment équipés, des agents de la police aux frontières et des gendarmes dépêchés sur place s’efforcent de les en empêcher et de les reconduire de l’autre côté de la frontière. Toutes les nuits, des bénévoles font des #maraudes pour porter assistance à ceux qui, une fois sur le territoire français, essaient d’échapper à leur arrestation.

      Cette étrange dramaturgie se reproduit depuis quatre ans, et, si les hivers sont particulièrement dangereux, certains des accidents les plus tragiques se sont produits en #été : il n’est pas de période sûre pour les exilés qui se perdent ou se blessent dans cette voie par laquelle ils espèrent obtenir la protection de la France ou poursuivre plus loin leur périple. Ajoutons à ce tableau la présence de deux compagnies de policiers et de gendarmes chargés du secours en haute montagne qui, en conformité avec leur noble mission, sont parfois paradoxalement conduits à intervenir pour aider des exilés qui fuient leurs collègues.

      Leur action se fait au nom du contrôle de l’immigration, et le président de la République a récemment ordonné un doublement des forces de l’ordre qui gardent les frontières.

      Mais cette impressionnante mobilisation se révèle à la fois disproportionnée et inefficace, comme le reconnaît un haut fonctionnaire préfectoral. Disproportionnée, car elle ne concerne que 2 000 à 3 000 passages par an. Inefficace, car celles et ceux qui sont reconduits retentent inlassablement leur chance jusqu’à ce qu’ils réussissent.

      La véritable conséquence du déploiement de ce dispositif est de contraindre les exilés à emprunter des chemins de plus en plus périlleux, sources de #chutes, de #blessures et de #gelures. Plusieurs #décès ont été enregistrés, des #amputations ont dû être réalisées. La militarisation de la montagne n’est ainsi qu’un geste vain de l’Etat, dont le principal résultat est la #mise_en_danger des exilés, souvent des familles.

      « #Délit_de_solidarité »

      Geste d’ailleurs d’autant plus vain qu’il est difficile d’imaginer que des personnes qui ont quitté un pays où ils n’étaient pas en sécurité pourraient y retourner. Les uns ont fait des milliers de kilomètres sur la route des Balkans, y ont été enfermés dans des camps infâmes sur des îles grecques ou ont subi les violences des policiers et des miliciens croates.

      Les autres ont franchi le Sahara où ils ont été dépouillés de leurs biens par des gangs avant d’arriver en Libye, où ils ont été détenus, torturés et libérés contre rançon, puis de traverser la Méditerranée sur des embarcations précaires et surchargées. Il est difficile d’imaginer que ces exilés puissent renoncer à cet ultime obstacle, fût-il rendu hasardeux par l’action de la police et de la gendarmerie.

      C’est pourquoi l’activité des maraudeurs est cruciale. Les premiers d’entre eux, il y a quatre ans, étaient des habitants de la région pour lesquels il était impensable de laisser des personnes mourir en montagne sans assistance. « #Pas_en_notre_nom » était leur cri de ralliement et l’intitulé de leur association, qui est devenue un peu plus tard Tous Migrants, récompensée en 2019 par un prix des droits de l’homme remis par la garde des sceaux. Très vite, ils ont été rejoints par des #bénévoles venus de toute la France et même de plus loin, certains étant des professionnels de santé intervenant au nom de #Médecins_du_monde.

      Ces maraudeurs qui essaient de mettre à l’#abri les exilés ayant franchi la frontière dans des conditions extrêmes ont à leur tour été réprimés. Bien que censuré par le Conseil constitutionnel en 2018, au nom du principe supérieur de fraternité, le « délit de solidarité » continue à donner lieu à des #interpellations et parfois à des #poursuites.

      Nous avons nous-mêmes récemment été, en tant que médecins, les témoins de ces pratiques. L’un de nous a fait l’objet, avec son accompagnateur, d’un long contrôle d’identité et de véhicule qui les a empêchés de porter secours, quelques mètres plus loin, à une dizaine de personnes transies, dont une femme âgée qui paraissait présenter des troubles cardiaques. Alors qu’ils insistaient devant le poste de police sur les risques encourus par cette personne et rappelaient la condamnation de la police aux frontières pour refus de laisser les organisations humanitaires pénétrer leurs locaux pour dispenser une assistance médicale et juridique, ils se sont fait vigoureusement éconduire.

      Double contradiction

      Un autre a pu, quelques jours plus tard, mettre à l’abri deux adultes avec quatre enfants qui venaient de franchir la frontière par − 15 °C ; il s’est alors rendu compte que deux fillettes étaient sans leurs parents qui avaient, eux, été interpellés ; revenu au poste-frontière pour solliciter la libération du père et de la mère au nom de l’#intérêt_supérieur_des_enfants de ne pas être séparés de leur famille, il n’a obtenu celle-ci qu’au prix d’une audition par un officier de police judiciaire, après avoir été fallacieusement accusé d’#aide_à_l’entrée_irrégulière_sur_le_territoire, #délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

      Dans les jours qui ont suivi ces deux épisodes, tous les maraudeurs ont fait l’objet d’un #harcèlement non justifié des #forces_de_l’ordre, avec jusqu’à six contrôles et trois #contraventions par personne certains soirs.

      Tous les policiers et les gendarmes n’adhèrent pas à ces pratiques. Certains vont jusqu’à féliciter les maraudeurs pour leurs actions. Ils sont d’autant plus légitimes à le faire qu’au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière le gouvernement viole les #droits_humains, lorsque ses agents insultent, volent et frappent des exilés, comme des décisions judiciaires l’ont établi, et qu’il enfreint la législation lorsque les exilés ne sont pas autorisés à demander l’asile à la frontière. Parfois, les mineurs non accompagnés se voient refoulés, ce que condamne la justice.

      On aboutit à cette double contradiction : garant de la loi, l’Etat y contrevient au moment même où il sanctionne celles et ceux venus lui demander sa protection ; promoteur des valeurs de la République, il punit celles et ceux qui se réclament de la fraternité. Ces violations des droits humains et ces infractions à la législation contribuent à la crise humanitaire, sécuritaire et sanitaire, contre laquelle le devoir éthique de tout citoyen est d’agir, comme nous le faisons, pacifiquement et dans le strict respect de la loi.

      Didier Fassin est professeur à l’Institut d’études avancées de Princeton et titulaire de la chaire annuelle « santé publique » au Collège de France ; Alfred Spira est professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris-Saclay et membre de l’Académie nationale de médecine. Tous deux sont occasionnellement maraudeurs bénévoles pour l’association Médecins du monde.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/28/a-la-frontiere-franco-italienne-l-etat-commet-des-violations-quotidiennes-de
      #nuit #hiver #efficacité #proportionnalité #inefficacité

  • À ce point c’est pas possible, ces menteurs incompétents parviennent même à désavouer leurs propres mesures. Grâce à Frédérique Vidal, qui glisse comme ça qu’on se contamine certainement moins dans un amphithéâtre que dans un bar, avec un petit sourire entendu rigoureusement dégueulasse, on pourra désormais soutenir que la focalisation sur les bars sert, en fait, à justifier leur incurie dans l’enseignement… Mais c’est dieu pas possible des pingouins pareils (ou : #on_est_foutus).
    https://twitter.com/LCP/status/1310637192386142209

    https://video.twimg.com/amplify_video/1310636913481723904/vid/1280x720/IQfjIuL48XAvRWe9.mp4?tag=13

    Clusters dans des universités : « Ce ne sont pas des clusters par promotion mais des clusters par groupe d’amis (...) Rien ne nous dit que les contaminations se fassent au sein des établissements de l’enseignement supérieur », affirme @VidalFrederique. #Covid19 #AuditionPublique

  • Mesures annoncées par le #Conseil_fédéral sur l’asile : de la poudre aux yeux !

    Hier, mercredi 1er avril, le Conseil fédéral a annoncé des mesures censées rendre possible et acceptable le maintien du traitement des procédures d’asile, malgré l’#état_d’urgence et les recommandations de “rester à la maison” qu’il a lui-même décrétés pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Pour le Centre social protestant de Genève, qui avec d’autres associations a interpelé les autorités ces derniers jours à ce sujet, ces mesures constituent de la poudre aux yeux. Le traitement des demandes d’asile est contraire aux recommandations sanitaires, affaiblit les efforts de #confinement fournis par la population et doit être immédiatement suspendu.

    Les mesures adoptées hier ne résolvent ni le fait que de nombreuses procédures impliquent des déplacements de personnes à travers toute la Suisse pour préparer et mener des auditions, notamment à Berne ou dans des centres fédéraux d’asile, ni le fait que les procédures vont mobiliser des médecins pour établir des certificats médicaux. Pire, elles induisent une restriction disproportionnée à une procédure équitable, puisque le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) est désormais autorisé à mener des auditions même en l’absence d’un représentant juridique. Cette possibilité laissée au SEM de maintenir les auditions même en l’absence d’un représentant juridique en raison du coronavirus est choquante. Les prolongations de quelques délais de recours et de départ n’apportent pas plus de réponses aux enjeux sanitaires qui devraient être jugés prépondérants.

    Surtout, les mesures annoncées par le Conseil fédéral concernent le traitement des procédures d’asile accélérées dans les centres fédéraux d’asile. Or, toutes les autres étapes de procédure, qui génèrent des déplacements, des consultations juridiques et mobilisent des ressources médicales, sont maintenues. Les requérants d’asile et leurs mandataires continuent de les recevoir et de devoir y répondre :

    – convocations pour des auditions à Berne pour les procédures d’asile traitées selon l’ancien droit.
    – décisions négatives de première instance nécessitant cas échéant la rédaction d’un recours dans les trente jours.
    – menaces de levée d’admission provisoire pour celles et ceux qui en étaient bénéficiaires depuis plusieurs années.
    – exercices du droit d’être entendu ou décisions finales du Tribunal administratif fédéral.
    – etc.

    Les déplacements et les contacts entre demandeurs d’asile, assistants sociaux, mandataires juridiques, interprètes, et fonctionnaires du SEM que ces procédures impliquent représentent un risque de contagion alors qu’elles ne revêtent pas un caractère urgent. C’est pourquoi elles doivent êtres suspendues jusqu’à la fin de l’état d’urgence.

    https://csp.ch/geneve/mesures-annoncees-par-le-conseil-federal-sur-lasile-de-la-poudre-aux-yeux

    #procédure_d'asile #asile #migrations #réfugiés #Suisse #auditions #coronavirus #suspension

    –—

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/833574

    Et la métaliste :
    https://seenthis.net/messages/834052

    ping @thomas_lacroix @isskein

  • Qui a peur du Coronavirus, quand on a le gouvernement ?

    Article 7

    2° l) Permettant aux autorités compétentes pour la détermination des modalités d’accès aux formations de l’#enseignement_supérieur, des modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur ou des modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique d’apporter à ces modalités toutes les modifications nécessaires à garantir la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.

    Article 9

    Les mandats échus depuis le 15 mars 2020 ou qui viendraient à l’être avant le 31 juillet 2020, des présidents, des directeurs et des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent la fonction de chef d’établissement dans des établissements relevant du titre I du livre VII du code de l’éducation, ainsi que ceux des membres des conseils de ces établissements sont prolongés jusqu’à une date fixée par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, et, au plus tard, le 1er janvier 2021.

    Academia vient de recevoir le projet de #loi_d’exception contre la crise de COVID-19, débattu ce jeudi 19 et vendredi 20 mars 2020 au Parlement. Les dispositions touchant l’enseignement supérieur et la #recherche pouvaient être attendues — tandis que se discutent les modalités de réunion de jury et d’#auditions 1 des candidat·es aux postes d’enseignement supérieur et de recherche.

    Toutefois, Academia, qui a développé depuis plusieurs mois une collection État de droit au vu des développements de la présidence Macron souhaite faire esquisser quelques analyses à chaud de ce projet de loi. Pour faire court, si le président a prétendu que, pour lutter contre le COVID-19, « il faut faire nation », le Gouvernement gère la crise de façon totalement autoritaire. Les Parlementaires, qui n’ont absolument pas été associés à l’élaboration des dispositifs de crise, mais plutôt singulièrement exposés dans un cluster, se voient demander de voter les #pleins_pouvoirs. L’urgence de la situation semble accentuer la #dérive_autoritaire qui menace la République bien plus sûrement que le coronavirus.

    La loi d’exception

    Le titre I, sur lequel nous passerons, porte sur les #élections_municipales.

    Le titre II institue bien l’état d’urgence, mais, formellement, il ne s’agit pas de l’état d’urgence de la loi du 3 avril 1955, mais d’un état d’urgence spécial2. Ce nouvel état d’urgence est néanmoins pour une part importante le décalque de celui prévu par la loi de 1955, mais va d’une certaine façon beaucoup plus loin : il permet l’assignation à résidence généralisée et de manière plus puissante que l’assignation à résidence individuelle ; l’interdiction générale de sortie du domicile, quelque soit le motif, peut-être prononcée ; le ministre de la santé et le préfet peuvent, de leur côté, prendre des mesures d’assignation individuelles. Il est en outre prévu que les mesures du ministre de la santé peuvent aller au-delà de l’état d’urgence, pour la disparition durable de la crise sanitaire.

    Plus important, très peu de garde-fous ont été mis en place objectivement pour encadrer les conditions de la mise en place de cet #état_d’urgence : le #gouvernement décidera seul, et le #Parlement n’interviendra qu’après un mois pour l’autorisation de prorogation. Cela pose un problème énorme : cet outil demeurera après la crise du covid-19 et sera très dangereux pour les #libertés_publiques. Le gouvernement aurait dû prendre des mesures spécifiques pour cette crise, mais a décidé de prendre des mesures pour toutes les #crises_sanitaires à venir. C’est incompréhensible et injustifiable quand on sait les conditions dans lesquelles le Parlement va avoir à se prononcer sur cette loi aujourd’hui.

    Le dernier titre IV a trait aux #mesures_économiques. Ce sont des habilitations par #ordonnance, parfois très problématiques, mais en tout cas propres à la crise du covid-19, ce qui est une différence énorme. À côté de mesures très comprehensibles, les travailleur·ses vont subir durement ces mesures, en particulier ceux des secteurs dits « particulièrement nécessaires ».

    Permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la #sécurité_de_la_nation ou à la #continuité de la #vie_économique et sociale de déroger aux règles du #code_du_travail et aux stipulations conventionnelles relatives à la #durée_du_travail, au #repos_hebdomadaire et au #repos_dominical (Article 7, I, 1 iv. )

    Le texte crée des #exceptions à tout, souvent au détriment des garde-fous sociaux. C’est la même logique que celle de la loi pour la reconstruction de Notre-dame : on déroge à tout et on donne d’immenses pouvoirs au gouvernement.

    Les dispositions touchant l’enseignement supérieur et la recherche

    Les articles 7 et 9 touchent précisément l’#ESR. Les questions de l’#accès_aux_formations (#Parcoursup) et aux #concours (recrutements) se posent et sont déléguées aux institutions. Pour ce qui est de l’article 9 — sur les mandats des président·es et directeur·trices — deux possibilités peuvent être envisagées : soit le gouvernement prévoit que le confinement va durer jusqu’en juillet et les universités rouvrir en octobre 2020, soit le coronavirus est une excuse pour sauver les présidents en marche de nos #universités !
    Les membres des conseils siègent valablement jusqu’à la nomination de leurs successeurs. Nos universités ont donc toujours des conseils pour toute la durée de l’épidémie. Cette loi d’urgence ne se justifie donc pas de ce point de vue. Quant au- à la président·e, il·elle peut être maintenu en fonction — ou remplacé — avec le statut d’administrateur provisoire, ce qui limite ses pouvoirs à la gestion des affaires courantes, mais évite qu’il/elle engage l’établissement par des décisions qui n’ont plus de légitimité démocratique. On notera l’urgence à maintenir automatiquement ces présidences en poste et les demandes de complétion d’appels à projets en 11 pages pour des projets de recherche contre le COVID-19.

    Un dernier point touche au rôle des « scientifiques » dans la crise. Selon les modifications apportes au #Code_de_santé_publique, au titre

    En cas de déclaration de l’#état_d’urgence_sanitaire, il est réuni sans délai un #comité_de_scientifiques. Son président est nommé par décret du Président de la République. Il comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat et des personnalités qualifiées nommées par décret. Ce comité rend public périodiquement son avis sur les mesures prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25.

    Vu la composition du #comité_scientifique qui a opéré jusque là et quand ses membres ont bien voulu siéger, on peut se demander si les modèles utilisés ne vont pas bientôt être rattrapés par la réalité des inégalités d’#accès_aux_soins, de l’organisation du #système_de_santé et de ses insuffisances, et de la dégradation de la #solidarité nationale, tous thèmes bien connus des sciences humaines et sociales. Il faudra être attentif à la constitution de ce comité et à la mobilisation qu’il fera des travaux des collègues.

    Préparons-nous.

    Projet de #loi_d’urgence pour faire face à l’#épidémie de #COVID-19
    https://academia.hypotheses.org/21284
    #coronavirus

    • Qui a peur du Coronavirus ou du gouvernement ? Le #Sénat veille, mais pas trop

      Le Sénat a adopté hier soir tard une version profondément remaniée du projet de loi d’urgence qu’Academia avait commenté hier, version qui doit être discutée aujourd’hui à l’Assemblée. Academia qui met le texte à disposition, vous en analyse les points saillants, très limités par rapport aux problèmes que soulève ce texte.
      Un Sénat offensif
      Beaucoup d’amendements — plus de cent — ont été déposés, bien plus, à l’évidence, que ce à quoi le gouvernement s’attendait, persuadé sans doute que son projet de loi serait consensuel… Il est fort possible que l’Assemblée — où le gouvernement dispose de la majorité — modifie la version finalement adoptée par le Sénat, et donc qu’une commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, soit réunie ce soir pour chercher un compromis, faute duquel l’Assemblée aura le dernier mot.
      Limiter la portée du texte, mais pas encore assez
      Sur l’état d’urgence sanitaire (titre II), le Sénat a adopté une modification importante, contre l’avis du gouvernement, touchant essentiellement à limiter la portée du texte dans le temps et dans le droit.

      Le Sénat accepte que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré, et ce, pour une durée de deux mois. La prorogation au-delà de ces deux mois devra être autorisée par une nouvelle loi.
      À noter que ce délai de deux mois est spécifique à la crise du covid-19, car le délai « normal » durant lequel le gouvernement pourra déclarer l’état d’urgence sanitaire avant que le Parlement n’intervienne est d’un mois.
      En revanche, le Sénat refuse que le nouveau régime juridique de l’état d’urgence sanitaire soit inscrit dans le droit français de manière définitive. Par cela, il faut comprendre que le Sénat refuse que ce nouveau régime puisse être utilisé pour les crises sanitaires futures. L’utilisation de ces règles ne peut excéder une durée d’un an et son censées disparaître au 1er avril 2021.
      L’idée est de dire que l’on ne peut pas, dans l’urgence actuelle et eu égard aux conditions dans lesquelles le Parlement doit se prononcer sur cette loi ces jours-ci, fixer de manière définitive les règles sur l’état d’urgence sanitaire en général, ce qui paraît tout à fait évident à tous, sauf, visiblement, au gouvernement.
      Par ailleurs, le Sénat a fait un travail consistant à fixer la liste limitative des actes que le gouvernement et les préfets pourront prendre durant l’état d’urgence sanitaire. C’est certainement plus satisfaisant que le blanc-seing général souhaité initialement par le gouvernement, que nous évoquions hier1.

      Ceci précisé, des problèmes majeurs subsistent. La question du contrôle du gouvernement — l’absence de garde-fous évoqué hier — reste entier. En refusant de mettre en place d’un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire, le Sénat n’a pas beaucoup avancé sur ce point. Une immense liberté laissée, encore, quant à la composition du comité scientifique, etc.
      Un gigantestque machinerie à déroger au Code du travail sans limitation de durée
      Le titre III, qui porte sur les habilitations à légiférer par voie d’ordonnances pour prendre des mesures d’urgence économique PROPRES à l’épidémie actuelle de COVID-19, se révèle extrêmement problématique, comme nous l’avions craint. Nous insistons : c’est ainsi un gigantesque machinerie qui se met en place qui ouvre littéralement la possibilité de déroger à tout . Jamais n’avons-nous vu de telles habilitations. Pour celles et ceux qui en doutaient, ce texte va demander, dans les prochains mois, un travail de veille permanente sur ce que produira le gouvernement sur à peu près tous les sujets.

      Ces dispositions sont d’autant plus problématique que le milliard de dérogations aux protections sociales qui va être mis en place grâce à ces ordonnances n’a qu’une limite extrêmement floue dans le temps. Elles prévoient que ces dérogations sont possibles aussi longtemps qu’elles sont nécessaires pour “faire face aux conséquences économiques, financières et sociales du covid-19” (cf. art. 7, I, 1°), ce qui est susceptible d’aller très au-delà de la crise sanitaire à proprement parler. La proposition de limiter ces mesures dérogatoires à un an a été rejetée.
      Il va bien être possible de « modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrages, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne‑temps du salarié », par dérogation aux délais de prévenance et aux règles du code du travail ou du statut général de la fonction publique. Ce qui signifie que les employeurs pourront immédiatement obliger leurs salariés à prendre leurs congés maintenant, jusqu’à 6 jours de congés, de même que leurs RTT sans limite et leurs jours de repos affectés sur le compte épargne-temps sans limite – autant de journées que les travailleurs ne pourront plus prendre cet été, puisqu’on nous aura forcés à les prendre maintenant. Ca revient à faire payer la situation actuelle par les salariés, plutôt que par l’État ou les entreprises.
      De même, comme déjà indiqué hier, il va être possible de

      « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical »

      Cela concerne, il est vrai en priorité les entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la continuité de la vie économique et sociale : ce qui peut rapidement vouloir dire tout et n’importe quel secteur, de la fabrication du papier toilette aux librairies (sic).
      Bref, ce qui s’annonce, pour les travailleurs, c’est une période post-covid 19 qui sera très difficile : fin des 35h, obligation de travail le dimanche, pas de RTT dès lors que cela aura été jugé nécessaire pour « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales du covid-19 ». C’est la casse potentielle de toutes les protections que l’on autorise le gouvernement à opérer par voie d’ordonnances… Il va falloir être très vigilant dans les prochaines semaines.

      Sophie Primas au Sénat explique qu’après le coronavirus on va devoir exploiter les salarié.e.s et leur sucrer leurs vacances, leurs dimanches. #DirectSenat #maisouibiensûr 🤯 pic.twitter.com/JEVCnKV1vG

      Nous ne pouvons le faire ici, mais un nombre gigantesque d’habilitations du même ordre — qui peuvent être extrêmement dangereuses pour les libertés fondamentales — viennent désormais ouvrir par exemple la possibilité de dérogation en matière de délais de procédure judiciaire ou en matière de durée des détentions provisoires, sans autre garde-fou que la limitation « aux seules fins de limiter la propagation du covid-19 ». Academia sera très attentif à la mise en œuvre de toutes ces dispositions.
      Sans oublier les Universités et la recherche

      Universités et EPST sont évidemment susceptibles d’être concernées par la casse des règles de la fonction publique le temps de « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales du covid-19 ». Il faudra être vigilant : les personnels des universités, et en particulier les personnels administratifs et techniques, seront peut-être contraints, dans les prochains mois ou cet été, de travailler au-delà de la durée légale, ou le weekend, ou tout l’été, sous le prétexte de la nécessité d’organiser la prochaine rentrée ou de terminer l’année universitaire actuelle. Il va falloir trouver de bons équilibres, et la manière dont la question de la continuité pédagogique est actuellement gérée ne permet pas d’être très optimiste…
      Rien n’est prévu dans le projet de loi concernant les vacataires, qui ne semblent pas être la préoccupation du MESRI2.
      S’agissant de l’article 9 du projet de loi, qui intéresse directement les universités ou plutôt les mandats des présidents et des conseils d’Universités : le gouvernement a présenté in extremis, à 23h273 une dérogation importante à la prolongation des mandats, en prévoyant désormais que « Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque les élections permettant le renouvellement de ces conseils se sont tenues avant la date de promulgation de la présente loi ». L’objectif, explique le gouvernement dans son amendement, c’est d’éviter « d’empêcher des conseils nouvellement élus d’élire un nouveau président, ce qu’ils peuvent au demeurant faire par voie électronique »4.

      Reste à savoir ce que vont faire l’Assemblée et la commission paritaire.
      Sachez, chères lectrices, chers lecteurs, qu’Academia veille !

      https://academia.hypotheses.org/21312
      #démocratie

    • Qui a peur du Coronavirus, quand on a l’#Assemblée ?

      Petit point de la situation au #Parlement, après un premier passage au Sénat1
      La commission des lois de l’Assemblée n’a pas pu tenir les délais prévus, du fait du nombre d’amendements de l’opposition. Le texte devait être examiné en hémicycle hier après-midi, puis hier soir, et il le sera ce matin à 9h30. Ca risque de prendre toute la matinée, et peut-être une bonne part de l’après-midi.

      La commission des lois a fait le choix d’entériner très largement le texte du Sénat2. Quasiment tous les amendements n’émanant pas de la majorité ont été rejetés.
      Après vote à l’Assemblée, il faudra réunir la Commission mixte paritaire, ce qui sera fait a priori dans la soirée. Il n’est pas complètement impossible qu’elle arrive à un accord — sous réserve d’un point spécial, propre aux élections municipales, concernant la date de déclaration des candidatures au second tour — car le groupe majoritaire à l’Assemblée et le gouvernement sont conscients de deux choses :
      1° les parlementaires savent bien que la version du Sénat ne remet pas en cause ce qu’ils considèrent être l’essentiel du projet, à savoir le principe d’un état d’urgence sanitaire, d’une part ; l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur à peu près tous les sujets jugés nécessaires pour « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales du covid-19 », d’autre part, donc ils sont prêts à faire ce compromis ;
      2° ils savent aussi que le temps leur est compté, vu le nombre de parlementaires qui tombent malades
      Pendant ce temps-là, au Sénat, le volet financier a été adopté.

      https://twitter.com/OuzouliasP/status/1241069975265255424?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Le Parlement a adopté définitivement, vendredi, le volet financier des mesures d’urgence face au coronavirus. Après un accord de l’Assemblée à l’unanimité la veille, le projet de loi de finances rectificative a été voté au Sénat par 327 voix pour, zéro contre et 16 abstentions. Il anticipe un lourd impact du coronavirus sur l’économie française − récession de 1 % du PIB en 2020 et déficit public de 3,9 % – et se veut une « première étape » pour soutenir les entreprises en difficultés. Les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, se sont félicités après le vote de l’« esprit de concorde » qui a prévalu. (Le Monde, 21 mars 2020)

      En attendant une étude plus approfondie, nous savons déjà que la réduction d’une partie du Crédit impôt recherche, pourtant aisément mobilisable pour la recherche3 a été rejeté, comme une hausse très significative du budget hospitalier. Nous avions vu que la séquence parlementaire mettait en exergue les attaques contre les libertés publiques et contre le Code du travail, Désormais, en dépit d’une couverture presse principalement occupée par la quesiton des élections municipales, c’est la politique sanitaire et scientifique même en ce temps d’épidémie qu’il faut continuer

      Suite aujourd’hui ou demain.

      Pour suivre les débats à l’Assemblée

      http://videos.assemblee-nationale.fr/direct.8912562_5e75ce856c752

      https://academia.hypotheses.org/21359

    • La fin de la République ?

      La « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 » a donc été adoptée hier en fin de journée par le Parlement, après quatre jours de débats presque ininterrompus. Dès publication de la loi au Journal officiel, les effets juridiques se feront très vite sentir : le Premier ministre a annoncé que les premières ordonnances prévues par le nouveau texte seront promulguées cette semaine.

      Nous n’avons pas le courage de détailler ici l’ensemble des dispositions que contient la loi d’urgence, pour deux raisons : parce que nous en avons déjà abondamment parlé sur Academia1 chroniquant l’évolution du texte au Parlement ; et parce que des analyses techniques précises de la loi vont sortir dans les prochains jours, sur des sites dont c’est, beaucoup plus qu’Academia, l’objet principal, ainsi qu’à l’occasion d’un « colloque virtuel » qui se tiendra en fin de semaine. On résumera donc ce qui vient de se produire en quelques phrases un peu plus générales.

      -- I.—

      L’état d’urgence sanitaire que met en place la loi adoptée hier offre des prérogatives tout à fait inédites au pouvoir exécutif (nouvel article L. 3131-23 du code de la santé publique), quand bien même, grâce à l’action du Sénat, celles-ci ont été légèrement circonscrites.

      Évidemment, on comprend la nécessité de ces prérogatives ; en revanche, on ne comprend pas que le Président de la République, le gouvernement et le groupe majoritaire à l’Assemblée se refusent, eux, à comprendre qu’on ne peut pas attribuer des pouvoirs aussi extraordinaires sans un contrôle qui serait un tant soit peu sérieux. C’est une règle démocratique de base, qu’on enseigne aux étudiants de droit des premières années : exiger les meilleures raisons du monde — mettre fin à une pandémie, par exemple — n’a jamais suffit et ne suffira jamais à garantir les libertés et éviter les dérives ; les garde-fous de procédure sont, pour cela, mille fois plus efficaces. Il faut bien voir qu’on en arrive aujourd’hui à une situation paradoxale, pointée par Pierre Ouzoulias au Sénat hier après-midi : on dispose de davantage de garanties procédurales lorsque le Président enclenche l’article 16 de la Constitution (la reconnaissance des « pleins pouvoirs »)((Une seule utilisation a été faite à ce jour de l’article 16, lors du putsch des généraux d’Alger de 1961, car cet outil est couramment conçu comme le seuil extrême de la démocratie, qui n’en est alors plus tout à fait une.)) qu’on en dispose aujourd’hui lorsque ce même Président décide d’enclencher « l’état d’urgence sanitaire ».

      Il est complètement fou, à cet égard, qu’il ait fallu une bataille homérique au Parlement pour que soient introduits quelques très timides éléments de contrôle parlementaire en plus de l’obligation d’une loi pour la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois — information sans délai du Parlement des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire ; possibilité pour le Parlement de requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. C’est même une donnée parfaitement glaçante, dont il faudra se souvenir longtemps dans ce qu’elle dévoile de la représentation intellectuelle que le Président et le Premier ministre se font d’un Parlement dans une République : dans le projet de loi initial, celui que le gouvernement a déposé mercredi soir sur le bureau du Sénat, aucun contrôle de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire n’était prévu. Seule une « réunion sans délai » d’un « comité de scientifiques » était-elle rendue obligatoire — un comité scientifique dont les personnalités sont toutes nommées par le pouvoir exécutif, à l’exception de « deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ». Jamais, vraisemblablement, le déséquilibre des pouvoirs constitutionnels au profit du Président de la République ne s’était-il manifesté avec une telle violence à l’encontre du Parlement.

      La décision de suspendre jusqu’au 30 juin 2020 les délais d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) procède d’une même logique2. Qu’il soit très difficile aux juridictions, dans un contexte d’épidémie de covid-19, de saisir dans les délais légaux le Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, c’est une chose qu’on ne conteste pas ; ce qui nous terrorise littéralement, c’est le fait que le gouvernement et la majorité à l’Assemblée se soient opposés à un amendement qui, pourtant, semblait relever de la première évidence : l’amendement — proposée par un membre du groupe UDI, pourtant — qui prévoyait que, par exception au principe général de suspension des délais en matière de QPC, les délais de transmission des QPC ne seraient pas suspendus lorsque ces QPC porteraient sur une des dispositions issues de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Adopter cet amendement, c’était considérer que, quand bien même les meilleures raisons du monde justifient cette loi, le contrôle de constitutionnalité des dispositions qui la compose reste parfaitement incontournable, eu égard à l’ampleur des atteintes aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les termes par lesquels la rapporteure comme le ministre de l’Intérieur ont choisi de s’opposer à cet amendement3 sont proprement indignes de l’enjeu en cause : alors même que jamais, sous la Ve République, autant d’individus ont vu leurs droits et libertés à ce point limités en même temps, le contrôle constitutionnel n’est pas perçu comme une procédure de première importance.

      -- II.—

      La « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 » comporte par ailleurs un titre consacré aux « mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 », qui consiste essentiellement en une gigantesque habilitation du gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances : le Parlement a accepté de déléguer au gouvernement la majeure part de ses propres pouvoirs pour gérer non pas l’épidémie, mais les « conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et [les] conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation ».

      Deux points sont importants à signaler, à cet égard :

      1° il est téméraire de dire, comme certains le prétendent, que les mesures qui seront prises sur ce fondement seront provisoires, puisque aucun délai n’a été fixé pour s’assurer que ce provisoire le sera effectivement. Ce sera un des vrais enjeux des ordonnances, mais on peut d’ores et déjà noter que le gouvernement s’est opposé, lors du débat parlementaire, à l’inscription de tout délai précis.

      2° l’ensemble des très nombreuses ordonnances prévues par la loi d’urgence « sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire », empêchant toute forme de suivi du processus d’écriture des milliers d’articles dans lequel s’engagent à présent les ministères, Matignon et l’Elysée.

      C’est une vieille question de droit constitutionnel que l’épidémie de Covid-19 rouvre, à laquelle on ne répond pas sérieusement en rappelant que les ordonnances devront faire l’objet d’une loi de ratification : jusqu’où le Parlement peut-il aller dans sa propre dépossession ? Car il faut être clair sur un point : quelque soit les atteintes au droit du travail, de la sécurité sociale et de la fonction publique qui seront finalement décidées – et elles s’annoncent de la première importance –, c’est le principe même d’une délégation aussi générale de pouvoir au Président et au gouvernement qui pose problème.

      Sur le contenu même des habilitations, il est désormais bien connu — les médias s’en font désormais largement l’écho — qu’il est très large. Comme nous l’écrivions, il s’agit d’une gigantesque machinerie à déroger au droit du travail, de la sécurité sociale et de la fonction publique qui est mis en place, sur à peu près tous les sujets. Il ne sert à rien, à ce stade, de faire des plans sur la comète : le gouvernement a reçu un pouvoir gigantesque, dont il va, c’est certain, très largement user, et c’est pourquoi une vigilance extrême s’impose dans les prochains mois. Il ne faut pas être naïf non plus : c’est une grande parenthèse des droits sociaux qui va s’ouvrir, et dont on ne sait pas quand elle s’arrêtera ; et quand bien même elle s’arrêtera bien un jour, il est presque sûr que des dispositifs seront pérennisés, et le droit du travail, de la sécurité sociale et de la fonction publique, déjà bien mal en point, ne sortira pas indemne de cet épisode.
      -- III.—

      IIl est un dernier point sur lequel il nous semble important de terminer pour mettre en perspective les deux pans (mise en place de l’état d’urgence sanitaire ; habilitation massive à légiférer par voie d’ordonnance) de la « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ».

      La crise sanitaire qui justifie cette loi est indiscutablement exceptionnelle ; mais il est tout aussi indiscutable que ce caractère exceptionnel est accentué par l’état exsangue de nos outils d’organisation de la vie collective, et en premier lieu de nos services publics. C’est cela que rappelle l’épisode dramatique actuel : quand les services publics se réduisent, les libertés diminuent, pour la simple et bonne raison que les gouvernants n’ont plus d’autres choix que d’augmenter les contraintes pesant sur tous — et, en premier lieu, sur les plus faibles — pour assurer les besoins que les services publics, s’ils n’avaient pas été délaissés, auraient dû assurer. Si une loi telle que la « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 » est adoptée, si de tels pouvoirs sont donnés au président et au gouvernement, c’est aussi parce qu’on n’a pas les moyens de faire des tests en nombre suffisant, comme le Conseil d’État le rappelle dans son ordonnance de référé-liberté d’hier soir, parce qu’on n’a pas suffisamment de lits dans les hôpitaux, parce qu’on n’a pas assez de respirateurs, parce qu’on n’a pas investi dans la recherche fondamentale… C’est une platitude de le rappeler, mais il ne faudrait pas que, dans ce drame, cela soit perdu de vue.

      https://academia.hypotheses.org/21454

    • Il doit y avoir autant de rapport qu’entre l’urgence la loi retraite et l’urgence du covid-19.
      Ca me rappel qu’après la grande peste de 1348 les gens ne voulaient plus allé aux champs travailler pour les seigneurs et les clercs et qu’ils en avaient un peu rien à faire des menaces après avoir survécu à l’épidémie. C’est là que l’église aurait passer un tour d’écrou de plus pour contraindre les femmes à enfanter (entre autre).

  • #Métaliste autour de l’éventuelle #suspension (ou non) de la #procédure_d'asile en raison de la #crise_sanitaire... mais aussi d’autres éléments en lien avec la procédure d’asile, dont le #règlement_Dublin

    #coronavirus #covid-19 #asile #migrations #réfugiés #auditions #renvois_Dublin

    ping @thomas_lacroix @karine4 @isskein

    –---

    A mettre en lien avec la question de la #rétention - #détention_administrative :

    https://seenthis.net/messages/835410

  • Covid-19 | Position d’une médecin des HUG : « Maintenir les auditions va à l’encontre des mesures préconisées par la Confédération »
    https://asile.ch/2020/03/23/auditions-dasile-risques-sanitaires-et-de-sante-publique

    Médecin adjointe au chef du service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Sophie Durieux s’inquiète des risques sanitaires et de santé publique mis en jeu par la poursuite des procédures d’asile, rappelant que le mot d’ordre de l’OFSP est « restez à la maison, sauvez des vies ». Elle en appelle les […]

    • Lettre ouverte du CSP de Genève concernant la lutte contre le covid-19 dans le domaine de l’asile

      Malgré des demandes répétées émanant de toute part, les autorités refusent de suspendre le traitement des demandes d’asile. Le CSP de Genève leur adresse une lettre ouverte pour expliquer en quoi cet entêtement menace l’effort collectif pour lutter contre la propagation du covid-19.

      https://csp.ch/geneve/lettre-ouverte-du-csp-de-geneve-concernant-la-lutte-contre-le-covid-19-dans-le-d

    • «Wir setzen die Befragungen für eine Woche aus»

      In den Asylzentren mehren sich Corona-Fälle. Forderungen werden lauter, das Asylgesetz auszuhebeln. Jetzt stellt der oberste Asylchef Mario Gattiker klar: In der Krise muss Verlass auf den Rechtsstaat sein. Die Asylbefragungen werden aber für eine Woche unterbrochen.

      BLICK: Herr Gattiker, Belgien hat wegen der Corona-Krise das Asylgesetz ausgesetzt. Sollte das auch die Schweiz tun?
      Mario Gattiker: Nein, das würde keine Probleme lösen, aber neue schaffen. Es würde der unkontrollierten Migration Vorschub leisten. Die Kantone wären dann für alle zuständig, die irregulär in die Schweiz gelangen. Auch wenn die Rückführung von Asylsuchenden derzeit schwierig ist, müssen wir die Asylverfahren weiterführen. So haben wir ein Maximum an Kontrolle und können gut mit den Kantonen zusammenarbeiten.

      Doch Nichtregierungsorganisationen fordern zum Schutz der Migranten ein solches Moratorium.
      Wir müssen jetzt alle ruhig bleiben. Gerade in der Krise muss der Rechtsstaat funktionieren. Klar aber ist: Die Gesundheit der Asylsuchenden, unserer Mitarbeitenden und aller anderen Personen in den Asylverfahren hat absolute Priorität. Deshalb setzen wir die Befragungen der Asylbewerber für etwa eine Woche aus.

      Warum der kurze Unterbruch?
      Wir halten schon jetzt alle Empfehlungen des Bundesamts für Gesundheit ein. Aber es gibt Ängste bei den Beteiligten, die wir ernst nehmen. Deshalb rüsten wir die Befragungsräume mit Plexiglas-Trennscheiben aus, um sie noch besser zu schützen. Wenn diese Anpassungen abgeschlossen sind, nehmen wir die Anhörungen wieder auf.

      Macht die Weiterführung der Asylverfahren Sinn? In 18 Dublin-Staaten kann die Schweiz Asylsuchende sowieso nicht zurückbringen.
      Es gibt eine Zeit nach Corona. Dann wollen wir nicht vor einem riesigen Berg von unerledigten Asylgesuchen stehen. Und wir müssen sicherstellen, dass die Auslastung der Asylzentren nicht so stark steigt, dass wir die Empfehlungen des BAG zum Schutz vor dem Coronavirus nicht mehr einhalten können. Wir brauchen in den Bundesasylzentren jeden freien Platz, also muss es weiterhin auch Austritte geben. Deshalb müssen wir Asylverfahren weiterhin durchführen und den Kantonen Asylsuchende zuweisen, bei denen ein Entscheid vorliegt oder bei denen ein erweitertes Verfahren nötig ist. Wer an Leib und Leben bedroht ist, soll weiterhin rasch unseren Schutz erhalten.

      Was nützt es, wenn Sie auch Negativentscheide fällen, wenn die Leute nirgendwo hin können?
      Nochmals: Es ist zentral, dass sich alle auf einen funktionierenden Rechtsstaat verlassen können, das ist in einer Krise umso wichtiger! Deshalb fällen wir auch negative Asylentscheide, trotz erschwerter Rückführungen. Dies entspricht auch der Haltung der Kantone. Nur wenn wir Abgänge aus den Bundesasylzentren haben, können wir die Corona-Massnahmen voll umsetzen.

      Mit den Plexiglasscheiben?
      Nicht nur. Wir überprüfen auch die Gesprächssituation. Derzeit sitzen fünf Leute im Raum, wenn Asylsuchende nach ihren Asylgründen befragt werden: der Asylbewerber, die Dolmetscherin, der Protokollführer, der Rechtsvertreter und die Befragerin. Wenn zum Beispiel einer oder eine von ihnen das Gespräch aus einem anderen Raum aus mitverfolgen kann, senken wir das Ansteckungsrisiko weiter.

      Geht das rechtlich?
      Mit Notrecht ist vieles möglich, wenn es um den Schutz der Gesundheit geht. Wir haben von Bundesrätin Karin Keller-Sutter den Auftrag zu prüfen, wie wir die Zahl der Beteiligten in den Anhörungen reduzieren können. Zudem prüfen wir, ob wir die Ausreisefristen für abgewiesene Asylbewerber verlängern könnten. Zudem haben wir Massnahmen in den Bundesasylzentren getroffen.

      Welche?
      Wir achten auf die Einhaltung der «Social Distancing»-Regeln und verteilen die Asylsuchenden auf mehr Zimmer. Die Hygiene- und Verhaltensregeln des BAG sind in 15 Sprachen übersetzt und an die Asylsuchenden verteilt worden. Unsere Mitarbeitenden sorgen dafür, dass sie eingehalten werden. Und bevor Asylsuchende einem Kanton zugewiesen werden, gibt es zusätzliche Gesundheitstests.

      Machen Sie Corona-Test bei diesen Flüchtlingen?
      Nein, nicht systematisch. Laut BAG machen Tests ja nur Sinn, wenn Verdachtssymptome vorhanden sind. Ansonsten werden Corona-Tests nur bei prioritären Gruppen gemacht. Zum Beispiel bei den Mitarbeitern der Spitäler.

      Wie viele Corona-Fälle verzeichnet das SEM inzwischen?
      Wir haben aktuell weniger als zehn Personen mit einem positivem Corona-Test – es sind Asylsuchende und Mitarbeitende. Die Situation ist aber anspruchsvoll geworden, gerade weil sich die Pandemie in der Schweiz weiter ausbreitet.

      Wie reagiert das SEM auf diese Corona-Fälle?
      Wir separieren Verdachtsfälle konsequent. Zudem werden wir ein Asylzentrum für Risikogruppen einrichten. In diesem sollen ältere Personen und solche mit Vorerkrankungen vor einer Ansteckung geschützt werden. Zudem wollen wir zusätzliche Unterbringungsplätze für Asylsuchende bereitstellen. Schon heute stehen uns 4500 bis 5000 Plätze zur Verfügung. Davon sind derzeit rund 2400 Plätze belegt.

      Aber Sie sichern sich weitere Betten, warum?
      Für für den Fall, dass sich die Pandemie noch weiter ausbreitet und wir mehr Verdachtsfälle und mehr erkrankte Personen hätten. Es geht hier um eine Notfallplanung. Im Auge haben wir auch militärische Objekte.

      Die Zusammenarbeit mit der Armee war in der Vergangenheit schwierig.
      Heute läuft sie gut. Obwohl die Armee durch die Aktivierung von 8000 Soldaten selbst Unterkünfte benötigt, arbeiten wir sehr gut zusammen. Wir brauchen diese Notfallplätze. Und das Militär ist auch bereit, uns im Bedarfsfall zu unterstützen.

      Wie ist die Situation in den Asylzentren? Haben die Leute Angst?
      Wie in der Gesamtbevölkerung nimmt auch bei den Asylsuchenden und den Mitarbeitenden die Verunsicherung zu. Es braucht jetzt viele Gespräche und eine gute Information.

      Ihnen kommt entgegen, dass derzeit wenig Asylsuchende an Ihre Türen klopfen.
      Der Migrationsdruck hat tatsächlich stark abgenommen. Vor der Krise hatten wir in unseren Bundesasylzentren täglich etwa 30 Eintritte, was schon sehr tief war. Jetzt sind es noch 15 Eintritte am Tag.

      Das könnte sich rasch ändern, wenn die Lage an der türkisch-griechischen Grenze sich verschärfte.
      Danach sieht es nicht aus. Natürlich kann sich die Lage rasch ändern. Aber derzeit kontrollieren die türkischen Behörden die Gewässer in der Ägäis wieder, wodurch viel weniger Migranten auf die griechischen Inseln gelangen. Und viele Menschen, die an der türkisch-griechischen Grenze gestrandet waren, wurden von den türkischen Behörden zurückgeführt. Es sollen sich noch 1000 Migranten an der Grenze befinden. Das hat auch mit den Corona-Massnahmen der Türkei zu tun.

      Und wohl mit dem Deal der EU mit Ankara, nicht?
      Es gab eine Konferenz zwischen der Türkei, Frankreich, Deutschland und Grossbritannien. Details zu den Gesprächen sind mir nicht bekannt. Wir können nur feststellen, dass sich die Situation in den letzten Tagen beruhigt hat.

      Wie ist Ihre eigene Situation? Sind Sie ständig im Bundeshaus und an Krisensitzungen?
      Auch meine Arbeit hat sich ins Homeoffice verlagert. Wir kommunizieren nun vor allem über Skype. Wie für alle anderen gilt für mich: Wenn immer möglich zuhause bleiben und sonst konsequent Abstand wahren.

      https://www.blick.ch/news/politik/oberster-asylchef-mario-gattiker-reagiert-auf-corona-krise-wir-setzen-die-befr

    • Suspension des auditions d’asile pendant une semaine : de qui se moque le SEM ?

      Samedi, le secrétaire d’État aux migrations Mario Gattiker a annoncé via une interview dans le Blick la suspension des auditions d’asile pendant une semaine, le temps d’équiper les salles d’audition de parois en plexiglas pour protéger les participants d’une contamination par le coronavirus. Pour rappel, une audition d’asile réunit au moins cinq personnes (requérant d’asile, auditeur, juriste, interprète et procès-verbaliste) dans une petite salle, et cela pendant plusieurs heures.

      Déjà, dans certains médias, circule la fausse information que les procédures d’asile auraient été suspendues. C’est faux. D’après les réponses données au Blick par Mario Gattiker, les procédures se poursuivent, tout comme les décisions, y compris les décisions Dublin. Cela a été dénoncé par Solidarité sans frontières et une cinquantaine d’organisations dans un appel publié la semaine dernière, mais également par Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés.

      Selon toutes ces organisations, la situation actuelle ne permet plus de respecter l’État de droit, y compris dans le cadre de la loi sur l’asile. Cela pour les raisons suivantes :

      1) L’énergie professionnelle des médecins est actuellement mobilisée pour soigner les malades, dépister les cas sévères et communiquer avec la population. Il est impossible pour eux de répondre aux demandes du SEM de rédiger des rapports médicaux. Or, l’établissement des faits médicaux est une des tâches fondamentales de l’autorité dans la procédure d’asile.

      2) Après cette pause d’une semaine, le SEM souhaite recommencer à convoquer les requérants d’asile à des auditions fédérales, ce qui va à l’encontre des mesures de prévention. Les requérants d’asile n’ont alors le choix qu’entre se mettre en danger (et mettre en danger les autres) en se déplaçant pour se rendre à l’audition, ou saboter leur procédure d’asile en refusant de s’y rendre.

      3) Le droit à un recours effectif n’est pas garanti, de nombreux bureaux de conseil juridique ayant dû fermer pour contribuer à l’effort collectif de lutte contre l’expansion de la pandémie.

      Pour toute ces raisons, Solidarité sans frontières demande au SEM et au TAF de faire preuve de bon sens et de tout mettre en œuvre pour respecter les efforts faits par toute la population pour lutter contre le virus. Le Conseil fédéral et les cantons répètent continuellement aux gens de rester chez eux pour réduire l’expansion de la pandémie. En même temps, le SEM veut continuer à mettre les requérants d’asile en danger. C’est irresponsable.

      Protéger les requérants d’asile, c’est aussi protéger l’ensemble de la population.

      Toute la procédure d’asile doit être stoppée jusqu’à la fin de la situation d’exception.

      https://www.sosf.ch/fr/sujets/asile/informations-articles/de-qui-se-moque-le-sem.html?zur=41

    • La fermeture, ou plutôt le « contrôle », des frontières suisses décrétée par le Conseil fédéral en date du 13 mars 2020 sur la base de mesures de santé contre le Covid-19 affecte directement les demandeurs d’asile qui eux sont interdits d’entrer en Suisse en ces temps de pandémie mondiale. Le 1er avril 2020, le Conseil fédéral a prononcé une ordonnance COVID-192 sur les mesures prises en matière d’asile : en raison de la mesure d’exception, toutes les procédures administratives et judiciaires ainsi que les audiences ont été interrompues partout en Suisse, à l’exception du domaine de l’asile. Les auditions sont maintenues, malgré une distanciation sociale pas toujours respectée ou un représentant juridique absent. Les décisions de renvoi sont maintenues, et les délais pour faire recours raccourcis3. Néanmoins, on peut noter un certain paradoxe quand nous voyons que les frontières restent ouvertes pour les travailleur-ses essentiel-les pour la Suisse, et que les vols de renvoi sont maintenus en dépit de la suspension de la majorité des vols internationaux.

      https://seenthis.net/messages/845408

  • COPERA | Demande de suspension de toutes les procédures d’asile en cours
    https://asile.ch/2020/03/22/copera-demande-de-suspension-de-toutes-les-procedures-dasile-en-cours

    La Conférence romande des permanences juridiques pour requérant-e-s d’asile (COPERA) a adressé vendredi 20 mars 2020 au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et au Tribunal administratif fédéral (TAF) un courrier leur demandant de suspendre tous les traitements des demandes d’asile. Ceci en cohérence avec “l’état de nécessité déclaré par le Conseil fédéral pour lutter ensemble […]

  • Faire comme si de rien n’était, vraiment ? À propos de la « #continuité_pédagogique » en période de confinement.

    Samedi, alors que le premier Ministre annonçait le #confinement, sans annuler les élections, j’ai reçu un énième message sur les « #cours_en_distanciel ». Émanant d’une collègue que j’aime beaucoup, il indiquait qu’elle allait faire ses #cours_en_ligne de telle façon, mais pas de telle autre. La notice venait après des dizaines d’autres, sur Twitter et sur des listes professionnelles, où on continuait à voir circuler des appels à contributions pour des colloques, des appels à projet et bien sûr des trucs et astuces pour faire des cours. Sur mes propres listes institutionnelles, une fièvre s’était emparée de mes collègues dès mercredi pour savoir quels étaient les meilleurs #outils, libres ou non, pour faire des séminaires à distance. Était-ce la douceur d’un soir marseillais ? Je me suis demandée comment les Marseillais·es avaient vécu l’épidémie de 1720 — du moins celles et ceux qui n’avaient pas fui

    Ces enseignant•es qui veulent continuer à enseigner envers et contre tout, auraient-il/elles fait la même chose pendant la peste de 1720 ou l’épidémie de choléra de 1832 ?

    Non. Parce que le numérique n’existait pas, me direz-vous.

    Sommes-nous à ce point (dé)connectés que nous ne parvenons pas à comprendre que nous allons vivre une profonde #perturbation de notre #quotidien, de nos #habitudes, de nos #temps_sociaux ? Que cette perturbation implique déjà de nous occuper de nos proches, nos enfants, nos parents, voire nos voisins dans le besoin, et surtout de s’attacher à ne pas propager le virus, en restant chez soi ?
    Peut-être l’idée de connaître des deuils affleure-t-elle encore à peine à la conscience. Peut-être aussi la paranoïa ne laisse pas de place pour l’information objective. Si le taux de mortalité à 3% de la population affectée est confirmée, il n’est pas de doute que la mort va se rapprocher de nous. Elle va aussi se rapprocher des étudiant·es.
    Ne pouvons-nous aussi nous arrêter d’enseigner quelque temps ? Que veut dire cette « continuité pédagogique » qu’on nous serine à longueur de correspondance institutionnelle ?

    On peut légitimement se demander ce que voulait dire déjà cette « continuité pédagogique », quand les étudiant·es se voyaient retirer leur titre de séjour en cours d’année, quand ils ou elles se retrouvaient sans toit, sans emploi, sans de quoi se nourrir, quand leur présence en cours était si rare, parce qu’ils ou elles devaient travailler ? Que veut dire « continuité pédagogique » aujourd’hui ?
    Ce qui m’interroge davantage encore, c’est le rapport qu’entretiennent mes collègues à leur savoir. Déployer de l’énergie à essayer de mettre en œuvre des #visioconférences, c’est aussi imposer aux étudiant·es la croyance que le savoir universitaire — et son partage dans une relation pédagogique — surpasse tout. Je ne parle des collègues qui ne jurent plus que par les « pédagogies innovantes de type MOOC »2 sans s’être jamais demandé de quels outils et de quelle qualité de connexion les étudiant·es disposaient, confiné·es hors des campus. Je ne parle pas non plus de la croyance en la nécessité d’une relation pédagogique surplombante, de maître à élève, en laquelle semblent adhérer quelques collègues. Est-ce le pouvoir qu’ils ou elles retirent de cette #domination_savante qui justifie cet entêtement ? Ou plus simplement, leur #addiction_au_travail et le #déni de la #pandémie ?
    Dans cette logique, la #relation_pédagogique universitaire serait ainsi tellement éminente pour justifier l’enseignement universitaire et sa validation en tout temps. Même en celui où les collègues enseignant·es, hommes et femmes, parents de jeunes et moins jeunes enfants, enfants de parents âgées, se retrouvent du jour au lendemain sans autre solution que de s’en occuper à temps plein.
    Cela fait plusieurs mois qu’en dépit des signaux les plus crus de destruction massive de l’Université et du Code de l’Éducation, de la pauvreté dramatique de certain·es étudiant·es, de la mise en danger du renouvellement de nos disciplines, faute de recrutements, tout le monde continue, comme si de rien n’était, à faire cours, déposer des ANR, organiser des réunions, faire des colloques, recruter des doctorant·es —en sachant pertinemment qu’ils ou elles n’auront pas de postes après les longues et pénibles années de thèse.Pour autant, ce qui a primé, chez une majorité de collègues universitaires c’est continuer à travailler.
    Avec le COVID-19, je prends conscience d’une #pathologie_pédagogique : celle d’une déconnexion de la vie savante et de la vie tout court. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’entraîner mes etudiant•es dans cette voie névrotique.
    Bien au contraire, c’est d’abord du bien-être de mes étudiant·es et de leurs besoins que je me suis enquise. Je l’ai fait non sans savoir que plusieurs d’entre elleux n’auront pas l’envie de dévoiler une situation délicate ou des soucis de santé physique ou mentale, alors qu’ils ou elles sont loin de leurs proches, quand ils ou elles ont encore de la famille. C’est ensuite — d’abord — et surtout de mon fils, avec qui il va me falloir composer pendant quelques semaines, sans sortir. Bien sûr, je sais qu’il me faudra un temps d’#adaptation, après trois mois de veille et de chroniques quotidiennes sur ce blog, auxquelles je suis devenue dépendante. Par chance, contrairement aux Marseillais·es de 1720, le téléphone et Internet existent pour que mon fils et moi maintenions vivante l’affection qui nous lie à nos proches à l’autre bout de la France et à nos ami·es un peu moins éloigné·es, comme à celles et ceux vivant à l’étranger. Il sera temps bientôt de demander si je peux être utile, auprès de collectifs contre les violences faites aux femmes, de Réseau Éducation Sans Frontière, ou d’autres associations solidaires.

    Lors d’une épidémie du 16e siècle, Claire Dolan avait suivi les trajets quotidiens du notaire pour enregistrer sans relâche baptêmes, décès, dernières volontés, au travers des portes cochères et par les fenêtres3 /. En 1720, le dévouement du chevalier Roze et de l’évêque de Belsunce ont durablement marqué la mémoire des Marseillais·es. Les médecins avaient fui. Ce qui est moins connu, c’est que les habitant·es confinés ont eu aussi une grande confiance dans leur soignant·es, ces « chirurgiens de peste » mercenaires, de basse extraction, recrutés dans tout le royaume pour s’occuper des malades, en l’échange de la promesse de pouvoir s’installer sans frais4. Il est peut-être ridicule de nous comparer avec ces humains d’un autre temps. Pourtant réfléchir à leur histoire et leur expérience de l’épidémie nous tend un miroir5 : quel sera le rôle des universitaires de sciences humaines et sociales en ) 2020 ? Faire des cours en ligne ? (Re)devenir simple citoyen ? Continuer d’élaborer, dans le prolongement de la mobilisation de l’hiver, l’Université de demain ? Ou tout autre chose ?

    Notes :

    Sur l’expérience de la peste et la transformation des institutions de police et de justice, voir la thèse de Fleur Beauvieux, Expériences ordinaires de la peste. La société marseillaise en temps d’épidémie (1720-1724) (EHESS, 2017), à paraître chez David Gaussen éditeur en 2020. [↩]
    Je ne parle même pas des collègues qui, n’ayant jamais envoyé un document .pdf à leurs étudiant·es de leur vie, vantent les MOOC sans les avoir pratiqué et don sans connaître leurs désavantages. [↩]
    Claire Dolan, Le notaire, la famille et la ville (Aix-en-Provence à la fin du XVIe siècle. Toulouse, Presses du Mirail, 1998. [↩]
    Voir la thèse de Jamel El Hadj, Les chirurgiens et l’organisation sanitaire contre la peste à Marseille : 17e-18e siècles (EHESS, 2016). [↩]
    À l’instar de celui que Marc Bloch nous a tendu dans L’étrange défaite, texte rédigé entre juillet et septembre 1940, comme manière de rationnaliser la panique qui venait. [↩]

    https://academia.hypotheses.org/21189

    Je sens que je vais assez rapidement détester ce mot... continuité pédagogique...

    • Le #diktat de la « continuité pédagogique » - concept dont il convient de faire la critique - se traduit par la découverte
      d’une fracture numérique béante dans les usages, les pratiques et dans la possession des outils. L’injonction à mettre en ligne ses cours prend des
      formes parfois autoritaires. Ou alors on voit naître des fayots de service, fiers de montrer leur dernières innovations et autorisés à les envoyer en exemple
      à tous les personnels enseignants.
      Alors que des personnes meurent dans l’hôpital de la même ville, alors que les étudiants et médecins qu’on a formés dans cette université travaillent sans les protections rudimentaires qu’ils devraient avoir et exposent leur santé et peut-être leur vie, j’ai trouvé qu’il y avait une #indécence inouïe à se lancer dans cette folie de la continuité pédagogique.
      Je ne mettrai pas un seul cours en ligne. J’aurai de nombreux échanges avec mes étudiants, ils auront des supports de travail en ligne, ce que je fais depuis des années. Ils travailleront beaucoup, mais il n’y aura aucun cours. Il n’y pas de continuité pédagogique sans cours. La situation effective de l’enseignement
      dans les universités françaises est la suivante : une rupture pédagogique, une rupture de la relation pédagogique. Ce qui se passe et s’invente dans les
      nouvelles relations avec des étudiants et des enseignants confinés, n’est pas de l’ordre de la continuité pédagogique. C’est tout autre chose.

      Pour ce qui est des cours, je dirais ceci : chaque cours mis en ligne aujourd’hui c’est une fraction de poste qui sera perdue demain.
      Mais il y a plus grave : c’est ouvrir la possibilité d’être dessaisi de ce qui fait le plus propre de notre subjectivité, ce que nous inventons dans nos cours et nos recherches et qui se promène à tous les vents sous la forme d’un écrit privé de sa voix.
      Or il n’y a pas de cours à l’université sans des voix vivantes incarnées dans des corps, sans la présence d’un regard, sans l’expérience d’un langage
      qui invente l’inconnu grâce à l’écoute et la présence d’un autre. Un cours, c’est une incarnation. Ce n’est pas un écran. Ce n’est pas ce devant quoi
      je suis 18h par jour depuis que je ne fais plus cours.

      Reçu par email de la part de Pascal Maillard, le 18.03.2020.

      –-----

      Pascal Maillard a publié ce texte, légèrement modifié, sur son blog aussi...

      Continuité ou rupture pédagogique ?

      « Confidence d’un confiné : ne plus faire cours me manque. Ça, c’est une rupture, pas une continuité ». Publication d’une lettre envoyée cette nuit aux personnels de l’université. Contre la rupture numérique, la taylorisation des enseignements et le confinement des esprits.

      Bonsoir,

      Voici le message envoyé ce jour à tous les personnels de l’université de Strasbourg par l’intersyndicale. Je joins à ce mail la motion du CHSCT adoptée à l’unanimité le vendredi 13 et qui a fait l’objet d’un refus du président, lequel a été rattrapé par les décisions nationales. Il nous a accordé seulement un représentant des personnels dans la cellule de crise. Dimanche après-midi on y est allé à trois : à contexte exceptionnel, décisions exceptionnelles. On a obtenu une réunion le 20 pour valider le Plan de continuité d’activité, qui est toujours à l’état de brouillon. On a demandé une nouvelle réunion ce jour pour rendre des avis urgents sur de multiples questions.

      Lundi c’était un peu l’anarchie sur le campus. J’avais demandé dimanche qu’ils désactivent les badges d’accès aux bâtiments et ne valident que les accès des personnels essentiels, mais ils n’ont pas voulu au prétexte qu’il fallait laisser les collègues récupérer leurs affaires. Evidemment beaucoup de collègues dans les bureaux et les labos et des contaminations en plus…

      Aujourd’hui c’était plus calme, mais des cas de contamination sont signalés et la mise en place du télétravail est chaotique. Le diktat de la « continuité pédagogique » - concept dont il convient de faire la critique - se traduit par la découverte d’une fracture numérique béante dans les usages, les pratiques et dans la possession des outils. L’injonction à mettre en ligne ses cours prend des formes parfois autoritaires. Ou alors on découvre des collègues fiers de montrer leur dernières innovations et autorisés à les envoyer en exemple à tous les personnels enseignants. Alors que des personnes meurent dans l’hôpital de la même ville, alors que des étudiants et des médecins qu’on a formés dans cette université travaillent sans les protections rudimentaires qu’ils devraient avoir et exposent leur santé et peut-être leur vie, j’ai trouvé qu’il y avait une indécence inouïe à se lancer dans cette folie de la continuité pédagogique.

      Je ne mettrai pas un seul cours en ligne. J’aurai de nombreux échanges avec mes étudiants, ils auront des supports de travail en ligne, ce que je fais depuis des années. Ils travailleront beaucoup, mais il n’y aura aucun cours. Il n’y pas de continuité pédagogique sans cours. La situation effective de l’enseignement dans les universités françaises est la suivante : une rupture pédagogique, une rupture de la relation pédagogique. Ce qui se passe et s’invente dans les nouvelles relations entre des étudiants et des enseignants confinés, n’est pas de l’ordre de la continuité pédagogique. C’est tout autre chose.

      Pour ce qui est des cours, je dirais ceci : chaque cours mis en ligne aujourd’hui c’est une fraction de poste qui sera perdue demain. C’est une main mise dans l’engrenage de la taylorisation de nos enseignements, après celui de la recherche. Mais il y a encore plus grave : c’est ouvrir la possibilité d’être dessaisis de ce qui fait le plus propre de notre subjectivité, de ce que nous inventons dans nos cours et nos recherches et qui se promène à tous les vents sous la forme d’un écrit privé de sa voix. Or il n’y a pas de cours sans des voix vivantes incarnées dans des corps, sans la présence d’un regard, sans l’expérience d’un langage qui invente l’inconnu grâce à l’écoute et la présence d’un autre. Un cours, c’est une incarnation. Ce n’est pas un écran. Ce n’est pas ce devant quoi je suis 18h par jour depuis que je ne fais plus cours.

      Confidence d’un confiné : ne plus faire cours me manque. Ça, c’est une rupture, pas une continuité.

      Bien à vous,

      Pascal Maillard

      PS 1 : Un exemple de dispositif digne d’intérêt : http://philo.unistra.fr/uploads/media/FAC_PHILO-CONTINUITE_PEDAGOGIQUE.05.Publie2020-03-17.pdf

      PS 2 du 18 mars à 14h30 : L’urgence sanitaire requiert d’appeler tout le monde à la plus grande prudence et à la responsabilité. Les représentants des personnels dans les CHSCT ont un rôle majeur à jouer. Il peuvent sauver des vies, surtout dans un contexte où des présidences et des directions d’université, souvent débordées ou mal informées, n’appliquent pas les règles de précaution et de sécurité qui s’imposent. Il faut être inflexible avec elles et imposer le plus haut degré de sécurité. Aucun personnel dans les locaux universitaires sans masques FFP2 et sans gants. Décontamination de tous les locaux occupés. Que les CHSCT prennent des avis en urgence et les fassent respecter. C’est une question d’heure !

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/180320/continuite-ou-rupture-pedagogique

    • « Je sens que je vais assez rapidement détester ce mot... continuité pédagogique... »
      personnellement j’ai commencé à le détester au premier mail reçu de la présidence de l’université. Je lui ai substitué ce qui me semble être un assez bon synonyme : « continuité bureaucratique »

    • Covid19 : Plan de (dis)continuité académique

      Dans la situation de crise actuelle, les universitaires, et probablement plus largement les enseignants, attendent et reçoivent des instructions pour décider de leur comportement professionnel et personnel. Notre appareil de décision et de diffusion des ordres est mis à rude épreuve. L’impression qui se dégage pour l’instant est que le résultat est confus et anxiogène. En plus des fautes de communication, il convient de noter l’absence de l’information la plus importante en temps de crise : un plan de #priorité clair. Cette absence empêche la bonne réorganisation et surtout corsète les initiatives, empêchant de déployer pleinement le potentiel de nos enseignants.

      Le ministre de l’éducation nationale a introduit sa communication de crise par une série d’annonces erronées : la fermeture des écoles n’est pas envisagées, les enseignants continueront d’aller dans les écoles, les examens et concours de recrutement seront maintenus, le dispositif d’enseignement à distance est prêt… Au final, les écoles sont fermées, les enseignants confinés, les examens annulés, et lundi matin le dispositif d’enseignement à distance s’écroulait.

      Pour l’enseignement supérieur, nous disposons d’un courrier d’instructions sommaires et d’un « #plan_de_continuité_pédagogique » consistant en une collection d’#astuces_pédagogiques (« Tenez compte des horaires », « Encouragez les élèves à réfléchir »), de quelques informations techniques sur des plateformes utilisables, et de points de droit notamment sur les stages.

      Premièrement, les prérogatives des enseignants ne sont jamais clairement identifiées : nous ne savons pas quelles questions seront traitées par la hiérarchie, et quelles sont celles que nous pouvons traiter par nous-mêmes. C’est un frein majeur à la #réorganisation. Deuxièmement, aucun plan de priorités clair n’est établi. Toutes les instructions, parfois contradictoires, sont présentées au même niveau. Or, la gestion d’une #crise est en tout premier lieu une histoire de priorités. Etre privé d’un système de priorité pour guider ses décisions est non seulement anxiogène, mais peut aussi conduire à essayer de tout faire, et donc mal faire et s’épuiser, et ensuite peut créer des dissensions au sein des équipes.

      Une proposition de plan de priorités

      Si la hiérarchie n’est pas en mesure de fournir un plan de priorités, il est urgent que les équipes s’en dotent elle-mêmes. En voici une proposition :

      Préserver la santé de tous les étudiants et personnels, y compris précaires, et de leurs proches.

      Exemples :

      Tous doivent être assurés que leur absence ne sera en aucun cas sanctionné sous quelque forme que ce soit, pour peu qu’elle soit notifiée.
      La #continuité_sanitaire pour les étudiants et personnels isolés : un recensement doit être fait, et un plan nourriture/logement établi.

      Limiter le stress du à l’établissement.

      Exemples :

      Les questions liées aux études pour les étudiants et aux rémunérations pour les personnels précaires ne doivent en aucun cas être source d’un stress supplémentaire et ne doivent pas conduire les personnels à se mettre en danger.
      Toutes les difficultés individuelles, y compris au niveau financier, feront l’objet d’un traitement urgent et généreux.
      Assurer le #moral_collectif.

      Exemples :

      La cohésion des équipes et la confiance des personnels est primordiale dès lorsque la santé et le stress sont gérés.
      En temps de crise, la bonne entente est plus importante que l’atteinte d’objectifs fonctionnels, y compris dans l’environnement familial.

      La continuité des activités scientifiques et pédagogiques.

      Exemple :

      C’est seulement lorsque #santé, #stress et #moral sont gérés que les activités scientifiques et pédagogiques peuvent continuer.
      Préserver l’#environnement_familial en période de confinement est plus important qu’assurer des cours à distance.

      Les validations des études et la complétion des formalités administratives.

      Exemples :

      C’est seulement lorsque santé, stress et moral sont gérés, et que les activités scientifiques et pédagogiques ont continué, qu’une validation des études est envisageable.
      Les formalités administratives ne doivent pas empiéter sur la santé, le stress et le moral de la communauté, ainsi que sur la continuité des activités.

      Ce plan de priorité n’est qu’une proposition. On pourra par exemple estimer que les notes sont plus importantes que les cours. Peu importe, mais il est indispensable de pouvoir se référer à un tel plan pour décider de son comportement, notamment lorsque qu’il est impossible de tout faire correctement. Concrètement, ce plan doit permettre à un enseignant dépassé par l’ampleur des tâches de décider de se concentrer soit sur les notes, soit sur les cours, en étant pleinement rassuré que cette décision ne lui portera pas préjudice.

      Sur la base d’un tel plan, les énergies des enseignants pourront se libérer et se focaliser, ce qui sera éventuellement l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de pédagogie.

      Libérer et ouvrir les enseignements

      A l’heure actuelle, puisque l’injonction est d’assurer une continuité pédagogique, nous cherchons à éviter les cassures, et nous reproduisons donc nos classes physiques dans des environnements virtuels, avec l’illusion que ce sera presque pareil. C’est rater l’occasion d’essayer vraiment de nouvelles formes d’organisation pédagogique. Si le plan de priorités estime les notes secondaires, alors il devient possible de s’affranchir des carcans scolaires, et d’innover à l’échelle d’un établissement.

      A titre d’exemple, il devient alors possible que tous les enseignants qui le souhaitent fassent cours à tous les étudiants qui le souhaitent, et même les autres enseignants, les élèves des collèges et lycées, ainsi que les travailleurs et citoyens. Nous sommes parfaitement capables d’adapter les cours que nous maîtrisons déjà ou de monter des conférences de recherche grand public, et de les assurer en ligne, sous forme de cours magistraux. Les infrastructures techniques sont limitées pour une large interaction, mais pas pour une très large diffusion.

      Dans le contexte actuel, libérés des obligations habituelles, il ne faudrait pas plus d’une journée à une université pour collecter une offre pléthorique d’enseignements faisables en ligne. Aucun problème technique ou organisationnel ne s’oppose à la mise en ligne d’un calendrier par les services de communication, puis à une diffusion la plus large possible, à tous les étudiants mais aussi la presse locale. On mettrait ainsi à disposition de tout le monde une véritable offre de formation, faite en direct à la maison, et diffusée en direct dans les maisons.

      La force des libertés académiques

      La force de ce système est le respect des #libertés_académiques. En fournissant un plan de priorités sans indications concrètes sur sa mise en œuvre, on laisserait les universitaires déployer leur énergie et leur imagination au service de toutes et tous, avec la meilleure vue concrète sur le terrain qu’on puisse avoir. En ne prescrivant pas comment les cours doivent être faits ni ce sur quoi ils doivent porter, en laissant les étudiants choisir ce qui les intéresse et en ouvrant les cours au plus grand nombre, on exploiterait pleinement la véritable puissance de l’Université.

      La crise est une occasion unique de réellement faire de l’interdisciplinarité, de l’éducation initiale, scientifique, populaire et continue, et même de la science citoyenne. Rater cette occasion serait une faute morale pour l’Université.

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/03/18/covid19-plan-de-dis-continuite-academique

    • Testo di Filippo Celata, ricevuto via mail:

      «In giorni di isolamento, comunicazioni a distanza, didattica online, riunioni su skype, è bene ricordare i vantaggi preziosi e insostituibili degli incontri di persona, “faccia a faccia”: stimolano la partecipazione attiva, implicano un maggiore impegno reciproco, scoraggiano a mentire, consentono risposte più rapide, forme di comunicazione non verbale, di capire le reali intenzioni e emozioni dell’interlocutore (‘screening’), facilitano la condivisione di valori e linguaggi specifici, consentono la trasmissione di conoscenze tacite, non codificabili, riservate, rafforzano i legami e la fiducia reciproca, rimuovono l’anonimato, riducono la sostituibilità dell’interlocutore, permettono non solo lo scambio di informazioni pre-esistenti per realizzare obiettivi prestabiliti ma di stabilire questi obiettivi e produrre nuove conoscenze, consentono esiti casuali e non pianificati (serendipità), favoriscono l’informalità, permettono il ‘rush’ (condividere decisioni complesse in tempi rapidi), stimolano l’imitazione, sono meno escludenti e escludibili, non richiedono l’utilizzo di infrastrutture di terzi, sono più efficienti e più efficaci. Le relazioni interpersonali, dice John Urry, possono essere per un po’ gestite e mantenute “a distanza”, ma richiedono di essere per lo meno periodicamente riattivate tramite la compresenza. Ok quindi, coronavirus, che l’isolamento sia totale, ma breve.. ne va dell’infrastruttura sociale che arricchisce e sostiene le nostre relazioni personali, amicali, economiche, politiche..»

    • AMIS PROFS, OÙ EST L’URGENCE ?
      Réflexion de #Bénédicte_Tratnjek (@ville_en) publiée sur Facebook, le 19.03.2020.

      Je me remets sur un pavé, ce sera le dernier « cri » que j’écrirai, chacun s’apaisera ou non s’il le souhaite. Je ne m’y épuiserais plus...

      Je lis sans cesse ces jours-ci que la précipitation et l’urgence nous font faire des choix sur lesquels nous pouvons peut-être prendre le temps de réfléchir.

      Je lis sans cesse ces jours-ci des messages d’amis parents désespérés par la surcharge de travail qui leur tombe dessus.

      Pour les familles, lundi, découverte de tous les mails que nous avons envoyés pour expliquer comment nous allions fonctionner, tous individuellement car la situation a fait que nous n’avons pas pu le préparer collectivement. La situation est ainsi, mais laissons le temps aux familles (nos élèves et leurs parents) de digérer tout ça, de comprendre.

      Je lis depuis des messages qui me font halluciner, totalement. Tel prof qui n’a pas dormi depuis 4 jours pour tout mettre en ligne. Mais c’est quoi ce « tout » ??? Scanner tout ce que nous aurions fait en une heure avec les élèves a-t-il du sens ? Se précipiter est-il efficace ?

      Tel autre prof qui a fait un plan de travail sur 2 semaines pour que les élèves fassent totalement en autonomie une activité. Ce plan de travail magnifique, qui a dû prendre un temps fou pour la mise en page, y insérer des tableaux d’objectifs, d’activités, de compétences et de tout un truc qui ne parle qu’à nous est-il accessible en totale autonomie, peu importe la volonté qui mettront nos élèves et leurs familles ? Il est réfléchi, mais pour nous, pour nos besoins. Peut-être faut-il prendre le temps de réfléchir à être explicites dans le contexte présent, différent mais aussi stimulant intellectuellement.

      Tel autre prof qui écrit se lever à 4h du matin pour faire de multiples activités pour ses élèves, puis être surchargé par ce que les collègues demandent à ses propres enfants et s’en plaindre (une contradiction digne des reportages de Guillaume Meurice s’il en est !), puis retourné une partie de la nuit travailler à surcharger ses élèves. L’expérience des uns et des autres ne doit-elle pas nous enrichir plutôt que nous appauvrir ?

      Nous râlons, à juste titre, de ne pas avoir le temps de faire toutes les demandes annexes qui nous sont demandés : histoire des arts, éducation aux médias et à l’information, etc. N’est-ce pas le moment de se donner le temps, avec nos élèves, de faire tout ce que nous aimerions faire habituellement ? Ce lien histoire/français sur le Moyen Âge que nous n’avons jamais le temps de monter en se disant qu’on ne propose aux élèves qu’une activité commune allégeant ainsi de manière raisonnable (ni trop ni pas assez) notre charge de travail (un coup c’est moi, un coup c’est toi qui dépose une activité aux élèves) et celle des élèves (une activité commune, pas trop longue, pour deux heures « officielles » dans l’emploi du temps « ordinaire »). Ce lien arts plastiques/histoire que nous ne faisons jamais sur l’impressionnisme au XIXe siècle (tu leur fais étudier la gare Saint-Lazare de Monet, je fais une reprise plus tard sur l’industrialisation). Ce lien SVT/géographie sur le développement durable. Ce lien mathématiques/géographie sur les échelles. Je pourrais multiplier les exemples, c’est sans fin. Sans l’injonction des EPI, très lourds, en faisant simple. Réutilisable en plus les années prochaines.

      Réfléchissons ensemble : c’est quoi apprendre ? c’est quoi enseigner ? qu’est-ce que je veux vraiment enseigner à mes élèves ? que doivent-ils vraiment retenir/comprendre/savoir-faire pour se construire comme citoyen, comme humain, comme personnes qui pensent par elles-mêmes ?

      Prenons le temps de ne pas nous imposer à nous-mêmes des urgences qui n’existent pas. Les instructions officielles relèvent de la « continuité » pédagogique. J’ai beau cherché dans le dictionnaire, « continuité » n’est pas synonyme de « totalité » et encore moins de surplus. L’antonyme de continuité n’est pas totalité : c’est discontinuité, absence.

      Nous serions en tort de ne rien donner. Nous sommes en tort de trop donner.

      Trop donner, c’est faire stresser nos élèves et leurs familles. Trop donner, c’est créer un sentiment de dévalorisation chez ceux qui ne parviennent pas à suivre ce rythme. Trop donner, c’est favoriser la fracture numérique. Trop donner, c’est forcer les familles à choisir quel enfant de la fratrie aura le plus de temps de connexion pour répondre à toutes les exigences des profs et quel(s) enfant(s) n’auront pas accès à tout ça et seront vus comme « mauvais élèves » par leurs enseignants. Trop donner, c’est accentuer les inégalités sociales.

      Trop donner, ce n’est peut-être pas enseigner... On ne sait pas faire, on va se tromper, on va tâtonner. Mais avant tout RÉFLÉCHISSONS. OÙ EST L’URGENCE si je n’envoie pas « du lourd » les premiers jours. Tâtonnons avec les élèves, prenons le temps qu’ils comprennent comment faire, de connaître leur rythme, le nôtre aussi.

      ATTENTION À NOS BONNES INTENTIONS ! Nous les avons toutes et tous. Ce n’est pas la question ! L’enfer est pavé de bonnes intentions... Ne pavons pas l’enfer ! Éclairons nos élèves, donnons leur goût d’apprendre autrement, de pouvoir apprendre avec leurs familles et non pas dans les cris et dans les larmes, veillons à ce qu’ils aillent bien.

      Ce qui se passe est stressant pour des enfants et des jeunes. Et va l’être de plus en plus. Ce n’est que le début de cette période. Soyons raisonnables ! Pour nos élèves, pour leurs familles, pour nous aussi, pour nos proches !

      https://www.facebook.com/benedicte.tratnjek/posts/10156750046895059

      Cela complète cet autre texte de Bénédicte que j’avais déjà publié sur seenthis :
      L’#enseignement en temps de #confinement
      https://seenthis.net/messages/831621

    • Fermeture des universités : la #validation du semestre est nécessaire

      Quelques passages choisis :

      -Nous avons eu accès à une note du ministère concernant le "#Plan_de_continuité_pédagogique", prévoyant d’organiser des #examens_à_distance avec "#télésurveillance" via des prestataires privés, comme #TestWe tarifant un examen à 17€ par étudiant-e. À l’Université de Nanterre par exemple, si les 6752 étudiant-e-s de L1 devaient passer un examen via ce
      prestataire cela reviendrait à 114 784€ l’examen pour une université au budget déjà bien affaibli. Imaginez le #coût que cela engendrerait pour notre université de faire passer la totalité des UE d’un semestre avec ce #prestataire à tou-te-s les étudiant-e-s ! Une mauvaise connexion wifi entraînerait l’ajournement de l’étudiant-e à son partiel ?

      –Maintenir les #examens et #partiels dans cette situation pénaliserait les étudiant.e.s les plus défavorisé.e.s socialement pour qui la situation ne leur permettra pas d’étudier dans
      de bonnes conditions. Nous ne sommes pas opposés à la tenue de cours en ligne si des personnes souhaitent les suivre ou les dispenser, or nous pensons qu’aucune #évaluation ou contrôle d’assiduité ne doit en découler, pour les raisons évoquées plus haut.

      –nous rappelons qu’un examen à distance ne peut pas avoir lieu si l’Université ne peut pas vérifier et garantir que chaque candidat-e dispose des moyens techniques pour être évalué-e. Ainsi le stipule l’article D. 611-12 du Code de l’éducation : « La validation des enseignements contrôlée par des épreuves organisées à distance sous forme numérique, doit être garantie par : « 1° La vérification que le candidat dispose des moyens techniques lui permettant le passage effectif des épreuves ; »

      –Ainsi, nous demandons la validation du semestre 2. C’est la seule mesure qui ne pénalise pas les étudiants, que ce soit sur le plan des résultats ou sur le fait qu’elle ne reporte pas le calendrier universitaire.

      –concernant masters, les possibilité de poursuivre la recherche n’étant pas garantie, nous réclamons le report des rendus de mémoires. En effet la réduction de la documentation accessible ne permet pas de satisfaire les exigences scientifiques attendues pour ces travaux.

      –Il nous semble aussi évident que dans un tel contexte les candidatures en Licence (#Parcoursup) et en Master (#eCandidat) doivent être reportées. Prétendre pouvoir maintenir ces dispositifs de sélection à l’entrée des filières dans un contexte de crise sanitaire, où les #conditions_d’études des étudiant-e-s et lycéen-ne-s sont fortement perturbées, ne fait qu’accroître le #stress et l’#angoisse des jeunes.

      –D’autre part il n’est pas acceptable que #CROUS Grenoble maintienne l’obligation de payer le loyer malgré les mesures de confinement alors même que d’autres CROUS, notamment celui de Poitiers, ont suspendu le versement des loyers pour les étudiant-e-s confiné-e-s.

      –Nous tenons à exprimer notre soutien aux personnels qui souhaiteraient exercer leur #droit_de_retrait si ces mesures n’étaient pas respectées.

      –-> Reçu par mail le 20.03.2020

      #privatisation

    • J’ai fait ce que j’aurais dû faire dès le début, remplir mon #ASA pour #garde_d'enfant.

      Chères et chers collègues,

      Dans ce contexte difficile de crise sanitaire et de confinement, la DGESIP met à notre disposition des fiches relatives à la continuité des activités que vous pouvez consulter ici : https://services.dgesip.fr/T712/covid_19. Elles traitent d’un sujet par fiche et sont mises à jour au fil de l’eau.

      En parallèle, notre ministre a rappelé cette semaine la nécessité de veiller à ce qu’aucun étudiant ne se retrouve complètement isolé, même s’il est connecté, suite aux mesures de confinement. Il est important de dispenser des informations régulièrement dans toutes nos formations et, dans la mesure du possible, de proposer des temps d’interaction avec les étudiants pendant ou en marge de nos enseignements (mails, classes virtuelles, forum moodle, etc.). De même, un petit nombre d’entre nous peut se sentir isolé, il nous appartient, en particulier lorsque nous connaissons les collègues, de maintenir le contact.

      Comme précisé précédemment, la plus grande liberté est laissée aux équipes pédagogiques pour mettre en place les adaptations les plus appropriées à chaque enseignement et aux besoins de chaque population d’étudiants. Le SUPTICE (https://suptice.univ-rennes1.fr) est mobilisé pour vous conseiller et, si vous le souhaitez, vous former et vous accompagner. La Direction de la Communication met à jour quotidiennement des pages d’information pour tous, personnels et étudiants avec des Foires aux Questions (https://www.univ-rennes1.fr/covid19-foires-aux-questions-frequently-asked-questions). La possibilité d’organiser une banque de prêt de matériel informatique est à l’étude à la DFVU (https://www.univ-rennes1.fr/interlocuteurs/direction-de-la-formation-et-de-la-vie-universitaire-dfvu) pour les étudiants qui en sont dépourvus et qui se font connaitre auprès de vous. Pour eux également, des pistes pour participer au financement de forfaits internet adéquats sont examinées. Le pôle handicap est également mobilisé.

      Nous remercions les composantes pour le recensement en cours afin d’identifier les étudiants qui ont besoin de matériel, d’aide ou d’accompagnement spécifique durant cette période. Rester attentif au suivi de nos stagiaires sur le territoire, comme à l’étranger, est une autre priorité et vous êtes nombreux à vous impliquer aux cotés des services, dont la DARI (https://www.univ-rennes1.fr/la-direction-des-affaires-et-relations-internationales), le SFCA (https://www.univ-rennes1.fr/la-direction-des-affaires-et-relations-internationales) et le SOIE (https://soie.univ-rennes1.fr). Avec l’aide de la Fondation Rennes 1, un fonds d’aide d’urgence pour les étudiants en mobilité en difficulté à l’étranger en vue de leur rapatriement, est aussi lancé. Le soutien s’organise et se met en place progressivement au fil des jours, à tous les niveaux. Merci à tous pour votre implication.

      Concernant la continuité pédagogique et l’évolution des modalités des enseignements et des formations, les modifications que vous retiendrez peuvent porter sur les calendriers, les contenus et activités pédagogiques et/ou les MCCC des formations. Il convient de systématiquement les faire valider par les responsables de parcours et de mention, en lien avec les directions de composante. La cohérence et la coordination au sein de nos mentions de diplômes demeurent indispensables, tout comme les échanges préalables sont nécessaires au sein des équipes sur les choix que chacun(e) peut être amené(e) à proposer. Partager l’information et échanger, en toutes situations y compris celle-ci, contribue à la qualité de nos formations.

      Je vous remercie au nom des étudiants pour votre engagement et je vous souhaite de vivre du mieux possible cette période.

      Bien à vous,

      Cette lettre, que j’ai reçue via mail le 20.03.2020, a été accompagnée de ce commentaire :

      Face aux injonctions délirantes de notre université (faire de la continuité pédagogique, en anticipant l’organisation à distance des évaluations et aussi en prenant soin de vérifier que nos étudiants vont bien, et maintenant que nos supports numériques sont accessibles aux handicapés, voir mails envoyés par le VP CFVU et le SUPTICE),

      j’ai fait ce que j’aurais dû faire dès le début, remplir mon ASA pour garde d’enfant.

      Cela ne résoudra pas tous les problèmes, évidemment. Mais déjà si nous remplissons massivement ces ASA, ça leur montrera l’#absurdité de leurs #injonctions.

      Quelques heures avant, cette même enseignante avait envoyé ce message à la liste :

      Je ne supporte plus ces injonctions impossibles à mettre en oeuvre pour nos étudiant.es. Merci de m’indiquer quel est le papier à renvoyer (ASA ?) pour dire que je garde mes enfants et ne peux pas travailler.

      J’essaie tant bien que mal de maintenir un lien avec les étudiant.es connecté.es, et notre université nous parle jour après jour de continuité pédagogique. C’est une pression intolérable.

      – Je n’ai absolument pas le temps ni les compétences pour faire dans l’urgence depuis mon domicile des supports de cours à distance adaptés aux étudiant.es en situation de handicap.

      – De nombreux étudiants confinés seuls, y compris non handicapés, m’ont dit déprimer et ne pas réussir à travailler. Je suis plus inquiète pour leur santé mentale et physique que leurs talents mathématiques présents futurs.

      – De nombreux étudiants ne répondent pas aux sollicitations électroniques, je n’ai pas de nouvelles, je ne sais pas où ni comment ils sont confinés.

      – Je n’ai pas envie de culpabiliser de ne pas réussir à tout gérer : les devoirs des enfants, les courses et repas, et les étudiants.

      – Je n’ai pas une situation plus compliquée que d’autres collègues, et j’imagine que dans le confinement, la plupart des collègues sont dans l’impossibilité matérielle, psychogique ou temporelle de répondre à de telles injonctions, si tant est qu’ils sachent rédiger leurs polys en braille.

      Par conséquent, je souhaite être sous le régime de l’ASA pour garde d’enfant de moins de 16 ans plutôt que de télétravail, et si possible rétroactivement depuis lundi 16 mars, date à laquelle l’école des enfants s’est arrêtée.

    • #Concours titulaires de l’enseignement supérieur et de la recherche : un projet de décret en « #distanciel »

      Le jeudi 24 mars 2020, sera soumis au Comité technique du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation un projet de décret sur le recours à la visio-conférence pour les concours de chercheur·euses et d’enseignant·s-chercheur·ses.

      Le CTMESR est une instance représentative et consultative, devant laquelle le Ministère a l’obligation de présenter tous ses projets en matières d’emploi, de rémunération et de conditions de travail. Son rôle est de fait limité : s’il ne peut abroger un projet qui lui serait soumis, il peut néanmoins les retarder si ses membres, à l’unanimité le juge insuffisant. Dans ce cas, le MESR est censé reconvoquer le CT pour l’examen d’une nouvelle mouture1.

      Compte tenu de l’importance du sujet, il est utile de faire connaître à la communauté, titulaires ou candidat·es au recrutement, le projet du Ministère, qui ne semble pas bien prendre la mesure de l’épidémie. De fait la question des concours poursuit sous une autre forme celle de la « continuité pédagogique » dont Academia a déjà eu l’occasion de présenter les termes du débat 2.

      Nous avons déjà été surpris par le degré d’impréparation des services nationaux de visio-conférence, type Renavisio, qui a immédiatement indiqué ne pouvoir tenir la surcharge du télétravail. En décembre déjà, la tenue des seules soutenances de thèse avaient été chaotiques. Pourtant, elles se tenaient pour l’essentiel sur site, avec deux ou trois membres à distance, pas en distantiel total. Il semble déjà bien impossible de tenir à distance une réunion à 12 ou 15 membres, sans même parler de qualité de délibération.

      Mais ne boudons pas notre plaisir : faisons l’hypothèse que si les titulaires peuvent se réunir à distance pour l’examen des dossiers, au motif qu’ils ou elles disposent des mêmes conditions d’accès (connexion et matériel) à la visio-conférence, nous savons au bout d’une semaine d’essais infructueux que seuls les logiciels type jeux vidéos arrivent à tenir plus de 10 personnes en ligne de façon stable pendant la durée de la réunion. Mais déjà cette hypothèse se trouve infirmée par les relocalisations pré-confinement de plusieurs titulaires dans des zones rurales au câblage moins puissant ; les conversations sont hâchées, coupées pendant plusieurs minutes, interrompues ; le son est quelquefois exécrable, sans même parler des cris d’enfants au milieu des discussions. Si bien évidemment, on souhaite la réunion de l’ensemble du jury, et pas seulement la poignée de membres qui aura réussi à se connecter sans encombre, on peut donc raisonnablement penser que ces réunions seront matériellement impossibles à tenir3.

      Pour ce qui est des #auditions, la perspective n’est même pas envisageable. Le ministère peut-il fournir à l’ensemble des candidat·es l’équipement et la connexion nécessaire à son domicile ? Non. Alors il y a rupture d’#égalité. Jusqu’à présent, les auditions en visio-conférence pouvaient être organisées sur le site universitaire le plus proche du ou de la candidate, plus rarement au domicile. Dans la situation du confinement, ce sera simplement impossible.

      Cela, c’est sans tenir compte de l’inconnue que représente l’évolution de l’épidémie sur la vie quotidienne. Nous pouvons d’ores et déjà que la séquence examens des dossiers + concours se produira au moment attendu du pic de mortalité, en avril. À un moment où les membres des jurys et les candidat·es, s’ils ou elles ne sont pas affectées dans leur corps, auront sans doute à gérer de près ou à distance un décès d’un parent ou d’un proche — sans parler des difficultés inhérentes à toute épidémie, comme les pénuries, les soucis financiers, etc.

      Il sera regrettable qu’en raison de la gestion irresponsable du Ministère, à l’origine de nombreuses ruptures d’égalité ou d’annulations techniques de concours, les candidat·es subissent par des procédures pour #rupture_d’égalité une #double_peine. Ou pire, qu’arguant de la loi d’exception, le Ministère cesse de considérer que les principes d’#impartialité et d’égalité qui régissent les concours de la #fonction_publique cessent d’opérer.

      –------------

      Décret n° du

      fixant les conditions de recours à la #visioconférence pour l’organisation des concours des chargés de recherche et des directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques et des enseignants-chercheurs des établissements d’enseignement supérieur au titre de l’année 2020

      Publics concernés : chargés de recherche et directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) et enseignants-chercheurs des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

      Objet : utilisation de la visioconférence pour les études des dossiers, les auditions ainsi que pour les réunions de délibération des jurys des concours de chercheurs et des comités de sélection et autres jurys de recrutement d’enseignants-chercheurs.

      Entrée en vigueur : lendemain de la publication

      Notice : le décret vise à ouvrir à l’ensemble des membres des jurys des concours de chercheurs et des comités de sélection et jurys d’enseignants-chercheurs organisés au titre de l’année 2020 la possibilité d’utiliser la visioconférence pour les études des dossiers, les auditions et les délibérations.

      Références : le décret peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

      Le Premier ministre,

      Sur le rapport du ministre de l’action et des comptes publics, du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

      Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiées portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu le décret n°82-451 du 28 mai 1982 modifié relatif aux commissions administratives paritaires ;

      Vu le décret n°83-1260 du 30 décembre 1983 modifié fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ;

      Vu le décret n°84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

      Vu le décret n°84-1185 du 27 décembre 1984 modifié relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires du centre national de la recherche scientifique ;

      Vu le décret n°84-1207 du 28 décembre 1984 relatif au statut particulier des corps de fonctionnaires de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ;

      Vu le décret n°84-1206 du 28 décembre 1984 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (I.N.S.E.R.M.) ;

      Vu le décret n°85-1060 du 2 octobre 1985 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ;

      Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu le décret n°86-576 du 14 mars 1986 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique ;

      Vu le décret n°88-451 du 21 avril 1988 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national d’études démographiques ;

      Vu le décret n°99-272 modifié du 6 avril 1999 relatif aux commissions paritaires d’établissement des établissements publics d’enseignement supérieur ;

      Vu le décret n°2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat ;

      Vu le décret n° 2017-1748 du 22 décembre 2017 fixant les conditions de recours à la visioconférence pour l’organisation des voies d’accès à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu l’avis du comité technique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche du ;

      Vu l’avis du comité technique des personnels titulaires et stagiaires de statut universitaire du XXX ;

      Après avis du Conseil d’Etat (section de l’administration),

      Décrète

      Article 1er

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres des jurys des concours d’accès aux corps de chargés de recherche et de directeurs de recherche régis par les dispositions du décret du 30 décembre 1983 susvisé peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par l’établissement dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 2

      La dernière phrase du 4ème alinéa de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984 susvisé ne s’applique pas aux concours de recrutement de professeur des universités ou de maître de conférences régis par ce même décret organisés au titre de l’année 2020.

      Article 3

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres du jury mentionné à l’article 46-1 du décret du 6 juin 1984 susmentionné peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par arrêté ministériel dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 4

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres des jurys des concours d’accès aux corps assimilés aux enseignants-chercheurs relevant du décret du 6 juin 1984 susmentionné peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par l’établissement dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 5

      Les commissions administratives partiaires relevant du décret du 28 mai 1982 susvisé, les commissions consultatives paritaires relevant de l’article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et les commissions paritaires d’établissement relevant du décret du 6 avril 1999 susvisé, instituées dans les services et les établissements publics du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation peuvent, pour leurs réunions organisées en 2020, appliquer les dispositions de l’article 42 du décret du 15 février 2011 susvisé.

      Article 6

      Le ministre de l’action et des comptes publics, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

      Par le Premier ministre :

      Le ministre de l’action et des comptes publics,

      Gérald Darmanin

      La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

      Frédérique Vidal

      Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics,

      Olivier Dussopt

      https://academia.hypotheses.org/21391

    • Continuité pédagogique ? Témoignages d’enseignantes-chercheuses

      Nous avons recueilli, au hasard des listes de discussions, sur Twitter, en échangeant avec les collègues, plusieurs témoignages qu’il nous semble indispensable de publier pour saisir la distinction entre ce que j’ai appelé la névrose de la continuité pédagogique,et les tentatives, sincères, désespérées quelquefois, de faire vivre le lien pédagogique, ayant conduit Julien Gossa à lancer un appel pour un plan de (dis)continuité pédagogique. Car l’Université, c’est avant tout ces chaînes de transmission de savoir, qui sont aussi des liens éthiques et des valeurs.

      –-------

      Caroline Muller – Rennes-2

      « Chères toutes, chers tous,Je prends conscience que, dans l’effervescence de la mise en place de la « continuité pédagogique », je ne vous ai sans doute pas assez dit l’essentiel : cette période étrange n’est en aucun cas le moment de paniquer ou stresser sur vos cours. Nous savons que tout le monde n’a pas une bonne connexion internet ou des conditions de travail optimales ; je sais aussi que le confinement a des effets psychologiques qui peuvent rendre difficile la concentration. Mon mail précédent était indicatif : l’idée est de garder un peu d’activité intellectuelle et d’éviter un « décrochage » trop violent, pas de préparer à tout prix tout ce qui était prévu.

      Profitez de vos proches s’ils sont avec vous, jouez à la console, écoutez de la musique, plongez dans Gallica ou toutes ces très belles offres culturelles qui nous parviennent (comme quoi, en temps de crise, on se rend compte qu’on pourrait inventer une culture gratuite et accessible à tous), regardez des films, cuisinez si vous pouvez, faites du yoga (sans vous cogner aux meubles si vous êtes dans 12 mètres carrés), applaudissez aux fenêtres, observez ce que l’événement fait à la société, fomentez la fin du capitalisme, dormez, rêvez, parlez à vos amis, organisez des apéros Skype si vous avez une connexion, écrivez à vos professeur(e)s qui sont là pour vous, ressortez les puzzle et les lego, bref : faites ce qui vous fait du bien. Et n’hésitez pas à m’écrire si vous êtes angoissés. On peut même créer un groupe de discussion si vous avez besoin.
      Pour ceux et celles qui sont salarié(e)s, ces temps sont aussi particulièrement difficiles à gérer, entre inquiétude de contamination, pressions hiérarchiques, injonctions contradictoires et nécessité de subvenir à ses besoins. N’hésitez pas à nous contacter pour nous faire part de toute situation de grande fragilité ou de précarité et surtout ne vous donnez pas une pression supplémentaire quant au suivi de votre cursus : nous trouverons des solutions ensemble le moment venu ».

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      VB – Région Rhône-Alpes

      J’ai quand même un collègue qui nous dit, quand on discute des difficultés des étudiants, « Oui enfin bon c’est peut-être juste de la fainéantise et il ne faudrait pas que nous baissions notre niveau d’exigence ».
      Au même moment une étudiante m’écrivait pour s’excuser de ne pas avoir participé au chat que j’avais planifié, parce qu’elle est caissière en supermarché et fait plus d’heures à cause des absences. Au supermarché, bordel, pendant que nous on est confinés avec nos 2500 bouquins et qu’on glose sur « oui mais alors faudrait pas donner leur semestre aux fainéants ».

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      CP – Grand Est

      Mail de la hiérarchie demandant, UE par UE, un tableau des aménagements prévus pour la continuité pédagogique, et disant que d’autres formations ont déjà remonté les tableaux le week-end dernier. Je ne sais pas dans quel monde c’est humainement possible. On a besoin de TEMPS là. Jean-Michel Blanquer déteint sur l’ESR ou bien ? Les demandes comminatoires de trucs pas raisonnables et précipités, quand on n’a ni pratique, ni formation, ni anticipation vague du passage en distanciel, ça remet une pièce dans le juke box de l’anxiété.
      Du coup, ma réponse :

      CR – Région Centre – Message envoyé au doyen le 20 mars au doyen

      « Il est clair aujourd’hui que les étudiants sont en train de supporter un stress considérable dans ce système improvisé (improvisation qui n’est la faute de personne) : on leur laisse à penser qu’ils doivent suivre des formations à distance qui seront l’objet d’évaluation.
      De mon point de vue, c’est totalement injuste et irresponsable de notre part.
      Nous savons que les inégalités d’accès à Internet nous obligeront à renoncer à toute évaluation sur les « enseignements » donnés dans ce cadre.

      Il est donc de notre responsabilité de dire clairement le plus vite possible aux étudiants que seuls les cours faits avant la fermeture et éventuellement après la reprise feront l’objet d’une évaluation selon des modalités que nous ignorons aujourd’hui.

      Et, en même temps , leur dire que nous les encourageons malgré tout à ne pas se démobiliser en utilisant les ressources données par les enseignants pour réviser et travailler le reste du programme même si cela ne fera pas partie de ce qui sera évalué. Nos étudiants sont assez intelligents pour comprendre cela.

      C’est ce que nous avons fait pendant et à la suite des grèves de 1995-1996 et 2007-2009 ».

      –----------

      VM – Île-de-France

      « Je me posais déjà la question de l’accès aux outils numériques pour les étudiants, mais j’ai reçu des messages complètement catastrophés d’étudiantes et d’étudiants ces derniers jours : pas d’internet autrement qu’un petit forfait sur le téléphone (donc des devoirs à la main envoyés en photos), un ordi pris d’assaut par la famille, pas de BU, etc.

      Les conditions de confinement sont très variables. Certains sont seuls chez eux, d’autres avec un.e ami.e, d’autres avec leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs grands-parents. Certains sont dans leur petite chambre d’étudiants, d’autres dans l’appartement familial, certains en ville, d’autres à la campagne. Certains continuent à travailler pour leur job étudiant, d’autres se demandent comment ils vont faire financièrement maintenant qu’ils n’ont plus cette source de revenus. Certains ont des proches malades, voire sont malades eux-mêmes. Certains ont besoin de travailler pour mettre à distance ce qui nous arrive, d’autres sont trop angoissés pour le faire.

      Comment alors leur demander de rendre des devoirs en laissant peser la menace du contrôle continu ? Et quand nous reviendrons ou pas et tenterons de valider le semestre, comment faire pour que ceux qui n’ont pas pu travailler ne soient pas pénalisés ?

      J’ai donc décidé pour la semaine prochaine de mettre sur notre ENT un cours et une correction d’un commentaire qui était à me rendre hier. Nous ferons une heure de classe virtuelle pour que je réponde à leurs questions et que nous maintenions un lien. Ensuite, je continuerai à mettre à l’heure normale du cours des textes, des articles, des liens, toujours en rapport avec l’histoire, mais pas nécessairement en lien avec la thématique exacte de mon cours. Je conserve aussi 1h d’échange par chat ou par classe virtuelle par semaine pour continuer à apprendre. Ceux qui peuvent et veulent me renvoient les devoirs initialement prévus : je n’en tiendrai compte dans l’évaluation que si cela leur est favorable. Et je vais réfléchir à des modalités d’évaluation raisonnables et justes pour la fin du semestre.

      Il me semble absolument nécessaire de continuer à réfléchir, à lire, à faire preuve d’esprit critique, à échanger des idées et des connaissances avec eux. Mais je ne veux mettre aucun d’eux dans une situation encore plus difficile et stressante ».

      –------

      6° BS – Région Bretagne

      Echange de courriels
      a. Du Département Suptice

      Chers collègues,
      En cette période de crise sanitaire et de confinement, nous sommes tous mobilisés pour assurer une continuité pédagogique auprès de l’ensemble de nos étudiants, notamment par le recours aux outils et aux ressources d’enseignement en ligne. Dans ce contexte, une attention particulière doit être apportée à nos étudiants en situation de handicap.
      C’est pourquoi nous nous faisons le relais des recommandations proposées par Monsieur XXX , enseignant et référent pédagogique Handicap, en matière de consignes pour la création de supports en ligne respectueux des règles d’accessibilité.
      Nous vous invitons à en prendre connaissance et à les appliquer lors de la création de vos supports de cours.
      Restant à votre écoute,
      Bien cordialement
      b. Message de la Présidence

      Chères et chers collègues,
      Dans ce contexte difficile de crise sanitaire et de confinement, la DGESIP met à notre disposition des fiches relatives à la continuité des activités que vous pouvez consulter ici. Elles traitent d’un sujet par fiche et sont mises à jour au fil de l’eau.
      En parallèle, notre ministre a rappelé cette semaine la nécessité de veiller à ce qu’aucun étudiant ne se retrouve complètement isolé, même s’il est connecté, suite aux mesures de confinement. Il est important de dispenser des informations régulièrement dans toutes nos formations et, dans la mesure du possible, de proposer des temps d’interaction avec les étudiants pendant ou en marge de nos enseignements (mails, classes virtuelles, forum moodle, etc.). De même, un petit nombre d’entre nous peut se sentir isolé, il nous appartient, en particulier lorsque nous connaissons les collègues, de maintenir le contact.
      Comme précisé précédemment, la plus grande liberté est laissée aux équipes pédagogiques pour mettre en place les adaptations les plus appropriées à chaque enseignement et aux besoins de chaque population d’étudiants. Le SUPTICE est mobilisé pour vous conseiller et, si vous le souhaitez, vous former et vous accompagner. La Direction de la Communication met à jour quotidiennement des pages d’information pour tous, personnels et étudiants avec des Foires aux Questions. La possibilité d’organiser une banque de prêt de matériel informatique est à l’étude à la DFVU pour les étudiants qui en sont dépourvus et qui se font connaitre auprès de vous. Pour eux également, des pistes pour participer au financement de forfaits internet adéquats sont examinées. Le pôle handicap est également mobilisé.
      Nous remercions les composantes pour le recensement en cours afin d’identifier les étudiants qui ont besoin de matériel, d’aide ou d’accompagnement spécifique durant cette période. Rester attentif au suivi de nos stagiaires sur le territoire, comme à l’étranger, est une autre priorité et vous êtes nombreux à vous impliquer aux cotés des services, dont la DARI, le SFCA et le SOIE. Avec l’aide de la Fondation de l’Université, un fonds d’aide d’urgence pour les étudiants en mobilité en difficulté à l’étranger en vue de leur rapatriement, est aussi lancé. Le soutien s’organise et se met en place progressivement au fil des jours, à tous les niveaux. Merci à tous pour votre implication.Concernant la continuité pédagogique et l’évolution des modalités des enseignements et des formations, les modifications que vous retiendrez peuvent porter sur les calendriers, les contenus et activités pédagogiques et/ou les MCCC des formations. Il convient de systématiquement les faire valider par les responsables de parcours et de mention, en lien avec les directions de composante. La cohérence et la coordination au sein de nos mentions de diplômes demeurent indispensables, tout comme les échanges préalables sont nécessaires au sein des équipes sur les choix que chacun(e) peut être amené(e) à proposer. Partager l’information et échanger, en toutes situations y compris celle-ci, contribue à la qualité de nos formations.
      Je vous remercie au nom des étudiants pour votre engagement et je vous souhaite de vivre du mieux possible cette période.
      Bien à vous, PRESIDENCE
      c. BS, enseignante-chercheuse

      Bonsoir … , chers collègues,

      Je ne supporte plus ces injonctions impossibles à mettre en œuvre pour nos étudiant.es. Merci de m’indiquer quel est le papier à renvoyer (ASA1 pour dire que je garde mes enfants et ne peux pas travailler. Mon directeur d’UFR est super et soutient tous les personnels de l’UFR. J’essaie de mon côté tant bien que mal de maintenir un lien avec les étudiant·es connecté·es, et notre université nous parle jour après jour de continuité pédagogique. C’est une pression intolérable.

      Je n’ai absolument pas le temps ni les compétences pour faire dans l’urgence depuis mon domicile des supports de cours à distance adaptés aux étudiant.es en situation de handicap.
      De nombreux étudiants confinés seuls, y compris non handicapés, m’ont dit déprimer et ne pas réussir à travailler. Je suis plus inquiète pour leur santé mentale et physique que leurs talents mathématiques présents futurs.
      De nombreux étudiants ne répondent pas aux sollicitations électroniques, je n’ai pas de nouvelles, je ne sais pas où ni comment ils sont confinés.
      Je n’ai pas envie de culpabiliser de ne pas réussir à tout gérer : les devoirs des enfants, les courses et repas, et les étudiants.
      Je n’ai pas une situation plus compliquée que d’autres collègues, et j’imagine que dans le confinement, la plupart des collègues sont dans l’impossibilité matérielle, psychologique ou temporelle de répondre à de telles injonctions, si tant est qu’ils sachent rédiger leurs polys en braille.

      Par conséquent, je souhaite être sous le régime de l’ASA pour garde d’enfant de moins de 16 ans plutôt que de télétravail, et si possible rétroactivement depuis lundi 16 mars, date à laquelle l’école des enfants s’est arrêtée.
      Cordialement, BS

      –--------

      Véronique Beaulande- Université Grenoble Alpes

      https://academia.hypotheses.org/21372

    • Ma vie de prof mise a distance : première semaine

      Jean-Michel #Blanquer a assuré la semaine dernière que tout était prêt pour l’enseignement à distance, mais les enseignants n’en avaient même pas été informés. Nous ne devions donc pas compter dans ce dispositif ? Ou bien nous n’étions attendus que comme « petites mains » de son plan génial ? Malaise.

      Travail du weekend : habituellement, je me limite au maximum sur le travail du weekend, pour… avoir une vie de famille, et essayer d’avoir un temps où je décroche du travail*.

      Malgré tout, comme beaucoup de mes collègues, je travaille le weekend. Et là, il y a une urgence exceptionnelle.

      Samedi 14 : J’ai contacté mes collègues de philosophie pour voir comment nous pourrions mutualiser notre travail pour les semaines à venir. Rédaction et lecture de plusieurs mails à différents moments (samedi après-midi, dimanche après-midi). Deux de mes collègues ont de jeunes enfants qu’elles devront garder à la maison, et m’informent qu’elles ne pourront assurer que le minimum.

      Nous ne savons pas encore si nous aurons l’obligation de nous rendre dans nos établissements sur nos horaires de cours habituels. Cet ordre a été donné par certains recteurs. Ce serait absurde, car nous n’avons pas de bureaux, pas de livres, parfois même pas d’ordinateurs pour travailler sur place, évidemment pas de conditions de sécurité sanitaire minimales, mais cela permettrait à notre institution de nous avoir à l’œil comme des petits moutons, dont on pourrait s’assurer qu’ils ne prennent pas du bon temps pendant la fermeture des établissements scolaires…. Cela semble être la première crainte, la première précaution que notre administration souhaite prendre, j’allais dire « à notre égard », mais c’est plutôt « à notre encontre ». Certains proviseurs envisagent même d’organiser des réunions toute la semaine, et tentent d’intimider et d’humilier les professeurs qui protestent au cours du weekend contre ces mesures.

      Échange mail avec la Cheffe d’Etablissement, pour l’informer de mon inquiétude pour les élèves qui n’auront pas accès à Internet (pas d’ordinateur individuel, pas de connexion de qualité suffisante), ou qui devront faire face à d’autres urgences.

      Retour de mail à tous les enseignants dans l’après-midi, qui nous informe qu’il sera de notre responsabilité d’identifier les élèves qui ne se connecteraient pas. Voilà, la responsabilité est pour nous.

      Dimanche : Je me lève à 7h00 du matin, car je suis prise d’une inspiration subite, et j’écris une longue lettre à mes élèves, avec lesquels je n’ai pas pu communiquer de vive voix après l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, pour les inviter, en cas de difficultés de connexion, à lire de beaux livres, de ces livres capables de porter et ouvrir le monde. Le meilleur enseignement à distance ! Ce qui ne signifie pas que nous n’avons pas besoin de passeurs ou de passeuses pour accéder aux grands textes. (J’ai soigneusement travaillé la rédaction de ma lettre, car je compte sur le travail de l’écriture pour compenser, un peu, la non présence en chair et en os !).

      Je prends mon petit déjeuner en même temps que j’écris, pour ne pas perdre l’inspiration.

      Envoi de ma lettre vers 9h00. J’espère que mes élèves la trouveront en ouvrant l’ENT lundi. Qu’ils aient au moins ça.

      Je vais voter.

      Visite à ma mère qui a quatre-vingts ans. Dernière visite avant combien de temps ? J’ai mal dans les poumons. La perspective de mourir, peut-être dans les deux ou trois semaines à venir, m’a motivée pour arrêter de fumer. Ma mère, en pleine forme, me dit qu’elle a bien vécu sa vie, et m’invite à ne pas m’inquiéter pour elle.

      18h00 : je réponds à une élève qui a déjà lu ma lettre, et me demande des précisions pour se procurer un livre.

      LUNDI :

      Dès 8h00 (mon horaire de début de travail habituel le lundi) : recherche de ce qui est immédiatement disponible (cours déjà prêts et tapés) pour pouvoir les distribuer au plus vite aux élèves.

      9h30 : rédaction de petites fiches de programme de travail pour les élèves que j’ai habituellement en classe les mardi et mercredi.

      9h45 : première tentative de connexion sur l’ENT (Environnement Numérique de Travail) : inaccessible.

      Recherche de textes, mise sous format PDF de mes cours et de documents.

      Re tentative de connexion à l’ENT : inaccessible.

      J’annonce à mon collègue de philosophie que je ne serai vraisemblablement pas disponible pour la réunion téléphonique que j’avais initialement proposée à 14h00.

      13h00 : Re-tentative de connexion à l’ENT, qui plante. Début d’inquiétude : comment faire pour communiquer avec les élèves ? Recherche de solutions : créer des mailing listes ? Communication par liste de diffusion avec les collègues qui constatent le même plantage de l’ENT, et cherchent et proposent des solutions d’accès, qui ne fonctionnent que très ponctuellement.

      Je commence à organiser le lockdown avec mes fils : lequel ira chez moi, lequel ira chez leur père. Préparation des valises et organisation de l’échange de domicile. Appel à ma maman, à ma sœur, pour lesquelles je suis inquiète, car elles seront seules chez elles.

      14h30 : re-tentative de connexion à l’ENT. Sans succès.

      15h00 : préparation du travail pour les classes que j’ai jeudi. Rédaction de contenu de cours, impression de documents, rédaction d’exercices.

      16h30 : échanges avec collègue de philo sur les cours déjà prêts que nous pouvons partager, et ceux que nous aurions à rédiger.

      J’ai renoncé à l’idée de proposer des petits exercices sur les outils de l’ENT, puisque celui-ci n’est pas accessible.

      Pas d’accès sur le site du CNED, pas de possibilité de tester le dispositif de « classe à la maison ».

      Echanges avec les collègues et avec la Cheffe d’Etablissement, pour voir si nous pouvons créer des mailing listes. La CDE m’invite à patienter, « les choses vont se mettre en place ».

      18h00 : Je vais chercher mon fils et ses valises chez son père. Je dis au-revoir à mes deux autres fils. Je ne sais pas quand je vais les revoir.

      20h00 : tentative de connexion à l’ENT.

      22h30 : je reçois un mail, sur une adresse mail de secours (hors ENT) que j’ai pu communiquer à quelques élèves, de la part d’un élève consciencieux, lequel est très inquiet, car une consigne d’un exercice donné par une collègue de physique ne lui parait pas complète. Je pressens qu’à 22h30, dans les premiers temps de la fermeture des établissements scolaires, et juste avant le lockdown, son inquiétude n’est pas que scolaire. Je transfère sa question à ma collègue. Au passage, il me souhaite « bonne nuit » : c’est mignon, ça ne m’était jamais arrivé, qu’un élève me souhaite « bonne nuit » ; je lui souhaite « bonne nuit » à mon tour. Il me pose d’autres questions, mais je cesse de lui répondre, car je suis… au lit !

      MARDI :

      Je me lève à 6h00. Angoissée ? oui.

      J’en profite pour tenter de me connecter à l’ENT. Je parviens à envoyer un mail.

      Petit déjeuner et douche : je ne sais plus si c’est sur mon temps de travail ou pas : on en est où ?

      Tentative de création et d’envoi sur une mailing liste : ça ne marche pas correctement. Protestation inquiète ou amusée d’élèves, sur l’adresse mail de secours. Je leur réponds. Echanges avec les collègues sur le plantage de l’ENT, sur les possibilités de prendre d’autres chemins de communication avec les élèves. Est-ce légal, est-ce une bonne chose pour eux et pour nous ? Débat sur fond de désarroi et sentiment d’être abandonnés par notre institution. Question à la Cheffe d’Etablissement : je lui demande des instructions claires sur ce point. Elle m’invite à patienter. Certains collègues sont parvenus à créer eux-mêmes des moyens de communication avec les élèves, mais avouent déjà craquer, car ils/elles travaillent 12h00 par jour depuis le weekend.

      L’institution semble s’inquiéter grandement de la manière de nous surveiller, de disposer de nous pour toute nouvelle mission, par exemple, contacter les familles avec nos téléphones personnels, faire des photocopies sur nos imprimantes, mais pas de nous informer ni de nous donner les outils de travail qui nous sont indispensables. Mais qui, parmi nos « managers », nos « super managers », sait ce que c’est qu’un travail de prof ? Aucun. De là à penser que ce que l’on ignore n’existe pas : erreur classique, basique. Et alors, comment exploiter, diriger ce dont on ignore tout, si ce n’est en compartimentant en petites cases méthodiquement, en contrôlant on ne sait pas trop quoi, en mettant tout en pièces, personnes et savoirs ?

      Beaucoup de collègues sont angoissés, car ils/elles ne veulent pas abandonner leurs élèves les plus fragiles : les élèves qui n’auront pas à leur domicile des conditions correctes d’études.

      Rédaction de fiches d’exercices et de contenus. Proposition à mon collègue de philosophie de contenus que je peux mettre à sa disposition, et proposition d’un nouveau programme de travail pour nous, si il est possible de le tenir !

      J’ai des copies en retard : je culpabilise.

      J’ai des bulletins à remplir : pas d’accès à l’ENT.

      Après-midi : je ne sais plus quelle heure, tout se mélange.

      J’ai enfin accès à l’ENT, je poste le maximum d’infos et contenus que je peux à destination des élèves, dans leurs casiers, le cahier de texte, en documents partagés. Pas d’accès à la messagerie. Pas de possibilité de remplir les bulletins. Les élèves n’ont pas accès à l’ENT.

      Echange par mail avec les professeures principales de mes classes, sur leurs adresses personnelles, car pas d’accès à la messagerie de l’ENT. Je leur transmets un scan de mes appréciations et avis sur les élèves pour les prochains conseils de classe.

      J’informe les collègues, avec lesquels je suis en contact, de l’accès possible à l’ENT pour les professeurs.

      Je prends la résolution de respecter le temps de travail pour lequel je suis rémunérée= 80%. En gros, soit quatre jours pleins, soit trois jours pleins plus deux demi-journées.

      Je m’occupe de mon fils qui a un gros coup de déprime ce soir.

      MERCREDI :

      Réveil 6h00 et gros coup de déprime pour moi aussi. Déjà ? Comment est-ce que je vais tenir ? Comment est-ce que l’on va tenir ?

      Échange avec des élèves qui me demandent quel est le travail à faire, sur mails persos, car ils ont difficilement accès à l’ENT ou pas du tout. Je les rassure : je n’exige pas le rendu du travail immédiatement, et je leur donne jusqu’à la fin de la semaine, pour rendre ce travail de préférence, sur l’ENT.

      Rédaction d’un cours pour les élèves de TS pour la semaine prochaine, sur les Propos sur les pouvoirs d’Alain.

      Après-midi : il fait beau, je jardine, et j’alterne la rédaction de mon cours et le jardinage. Le jardinage me fait du bien : être dehors, travailler avec son corps, toucher les plantes et la terre, travailler à la beauté.

      Une élève, inquiète, m’écrit pour me dire que certains des élèves de la classe ont pu avoir accès à l’ENT, mais pas elle. Elle me demande si je peux lui proposer une autre solution. Je lui réponds que non, pour le moment.

      Un élève se plaint de ce que j’ai envoyé trop de messages, et dans des dossiers différents : il ne s’y retrouve plus.

      Un élève n’a pas compris la consigne. En classe, on répète les consignes plusieurs fois, on les écrit au tableau, dans le cahier, on les reformule, on commente. Pas question de jouer à cela par mail, sinon les élèves vont être perdus. Je laisse tomber.

      21h00 : mon compagnon, qui est prof aussi, m’indique qu’il a pu enfin avoir accès à la classe virtuelle du CNED. Je me connecte, je crée des groupes, je poste du contenu : celui que j’ai déjà posté à destination de mes élèves sur l’ENT.

      C’est peut-être la solution pour mon élève qui n’y a pas accès. Je me réjouis d’avoir trouvé la solution, et de pouvoir la lui proposer dès demain matin.

      21h30 : réception de deux photos : un élève à photographié son travail manuscrit. Il a pris soin de bien calligraphier. Je désespère : comment vais-je pouvoir lire et corriger cela ? Comment vais-je m’en sortir, si mes 130 élèves m’envoient, par différents canaux, plusieurs pages manuscrites, copiées sous différents formats ? Comment vais-je pouvoir m’y retrouver : les classer, les lire et les corriger, les rendre ?

      22h00 : j’arrête pour ce soir.

      22h45 : Je supplie mon compagnon, qui répond encore à des mails d’élèves, d’arrêter de travailler. Je suis déjà au lit avec un livre, j’ai hésité à lire le livre de philosophie que j’étudie avec mes élèves, mais finalement, j’ai choisi un roman. Je suis incapable de lire.

      JEUDI :

      Réveil à 6h20 : je progresse, je dors un peu mieux…

      Mon compagnon se lève, prend un petit déjeuner vite fait, et s’installe pour corriger des copies. Je le supplie de définir des horaires de travail.

      Il me propose de venir voir son travail sur la classe en ligne. Je proteste : il est 8h00, je ne suis pas encore au « bureau ».

      8h30 : j’ouvre ma classe virtuelle du CNED : tout ce que j’ai créé la veille, les groupes, et les documents que j’au cru pouvoir mettre à la disposition des élèves a disparu… Que de temps perdu !

      Mon compagnon est en classe virtuelle avec ses élèves, de 9h00 à 10h30. Je regarde comment cela fonctionne.

      Échange de mails pour prendre des nouvelles de collègues que je sais isolés.

      Recherche et rédaction de cours à partager avec mes collègues de philosophie.

      Récréation : je jardine une demie heure. En rentrant dans la maison, je m’arrête devant la porte d’entrée. C’est le choc :

      L’HORREUR DE LA CLÔTURE, LA TERREUR DE L’ENFERMEMENT !

      Je respire. Je bois un café.

      Réponse à quelques mails d’élèves, paumés, qui n’ont pas accès aux documents, ne parviennent pas à les ouvrir. Je reçois par mail un exercice d’élève enregistré dans un format que je ne parviens pas à ouvrir.

      C’est vrai que leur demander un exercice écrit tapé au clavier est une difficulté supplémentaire pour eux. Très difficile pour moi de corriger des exercices rendus manuscrits, très difficile pour eux de composer des écrits sur clavier. Comment faire ?

      Échanges avec des collègues sur la situation.

      14h00 : Je prépare la séance avec les élèves de première prévue demain, sur la révolution astronomique : visionnage et sélection de vidéos (trois heures), rédaction de questions pour guider leur activité (une heure trente).

      J’envisage un rendez-vous avec eux en classe virtuelle via le CNED. Problème : comment faire un cours de philosophie à distance ? Le cours de philosophie suppose un temps de travail et de réflexion des élèves, qu’ils peuvent faire en « autonomie guidée » (les vidéos avec les questions à préparer), mais il suppose aussi un dialogue avec la classe. Cela peut-il fonctionner en classe virtuelle ? Que faire si je n’ai aucune réaction en face de moi ? Vais-je discourir toute seule devant mon écran ? Cela n’a aucun sens.

      Comment lire avec eux un texte ? Comment construire avec eux un problème ? Comment faire sans les visages ?

      Je me propose de donner tout de même rendez-vous aux élèves pour tester le dispositif demain, et pouvoir les écouter et répondre à leurs questions.

      Test du dispositif classe virtuelle chez moi (une heure) : problème de son. Je ne peux ni recevoir, ni émettre.

      J’arrête à 19h00 : ma séquence pour demain n’est pas prête. Je n’ai pas non plus pu adapter le cours que je me proposai d’envoyer à mon collègue : ce sera pour vendredi.

      Copies non corrigées : je culpabilise.

      Bulletins pas encore remplis : je culpabilise.

      Je consulte la messagerie professionnelle.

      Pas de retours d’exercices d’élèves sur l’ENT.

      22h05 : mail d’un élève qui m’annonce qu’il m’envoie son exercice. Pas de pièce jointe.

      22h06 : la pièce jointe.

      22h30 : j’essaie de lire, je n’y arrive pas. Trop de tension, c’est la surchauffe.

      Le bruit commence à courir que l’année scolaire pourrait être prolongée, le bac reporté en juillet…

      VENDREDI :

      Nouveau visionnage des vidéos que j’ai sélectionnées pour les élèves de première. Le deuxième documentaire que j’avais sélectionné n’est plus accessible : il me faut en choisir un autre.

      Vont-ils pouvoir consulter l’ENT, lire les vidéos ? Seront-ils au rendez-vous tout à l’heure ? Aurais-je du son ?

      Ou bien : est-ce que j’aurais travaillé plusieurs heures pour rien ?

      Invitation lancée à mes collègues pour une réunion syndicale, par téléphone, lundi prochain à 16h30 : il faut que l’on puisse réfléchir ensemble à ce que l’on est en train de faire, à ce que l’on nous demande, aux limites que nous rencontrons, et à celles que nous devons poser. Reprendre une réflexion collective et politique.

      Je reçois encore quelques exercices d’élèves, par des canaux différents. Les élèves n’ont pas respecté la consigne de les envoyer sur l’ENT. Pas pu ? Heureusement qu’il n’y en a pas trop : il me faudra vite les classer.

      Une collègue a ouvert un forum de discussion à destination de ses élèves sur l’ENT. Je fais de même pour trois de mes classes, afin de pouvoir répondre à leurs questions et être informée de leurs problèmes matériels. Les questions arrivent tout au long de la journée, sur tous les sujets, et pas seulement celui de la philosophie…

      Des collègues témoignent sur les réseaux sociaux de chefs d’établissements qui leur demandent des preuves de leur travail : horaires de connexion, échanges par mail, par téléphone avec les élèves, fiches de préparation. Ça y est, l’institution retrouve de sa vigueur, la grande surveillance va tenter de se mettre en place. L’institution n’est pas bienveillante. L’institution n’a aucune notion de la confiance. L’institution est aveugle et méfiante.

      13h30. Je m’installe dans ma classe virtuelle. Déconnexion toutes les quarante secondes. Je revisionne une dernière fois les vidéos. Je télécharge les documents que je souhaite partager avec la classe.

      Déconnexion.

      14h30 : Top départ : c’est l’heure du rendez-vous avec les élèves. J’ai le trac.

      J’essaie d’ouvrir ma session, et je reçois le message selon lequel je suis déjà connectée.

      Je réessaie. Dix fois. Je suis déconnectée. Je suis déjà connectée. Déconnectée. Je redémarre l’ordinateur : je suis déjà connectée.

      A 14h45, je reçois un mail d’une élève sur l’adresse mail de secours. Elle ne parvient pas à se connecter. Elle reçoit un message qui lui indique qu’elle est déjà connectée. Nous tournons en rond. Nous finissons par comprendre que nous avons le même lien, et que personne ne peut se connecter…

      Je vérifie : sur mon bloc note, j’ai effectivement deux fois le même lien. Je recherche le mail de confirmation d’inscription reçu du CNED : la messagerie académique ne fonctionne pas.

      Et puis tout d’un coup j’ai mal au dos. Grosse montée d’angoisse. Je devrais sortir, mais, dehors, c’est tellement désespérant.

      J’imagine une « manifestation fantôme » : nous irions à notre tour déposer nos pancartes, nos gilets jaunes, sur une place, au pied des arbres. Demain ?

      https://blogs.mediapart.fr/arielle-kies/blog/200320/ma-vie-de-prof-mise-distance-premiere-semaine

    • Bonjour

      En tant qu’enseignant-chercheur, j’approuve sans réserve la lettre de l’enseignante postée plus haut sur ses interrogations à propos de ce qui se passe du côté des étudiant⋅e⋅s. Du côté des enfants je n’ai pas de souci particulier, j’ai mon fils à la maison, mais c’est un « grand » de terminale, il ne réclame pas une attention constante.

      Pour en revenir au chapitre des étudiant⋅e⋅s, il y a plusieurs choses qui me chiffonnent. J’ai monté dans l’urgence tout un tas de dispositifs pour essayer de continuer à faire mes TP (j’enseigne l’info en IUT, et en ce moment j’ai une longue période de TPs, en programmation, et en administration système, pour ceux qui connaissent). Je passe sur les aspects techniques qui sont hors-sujet dans cette discussion, pour perler du lien aux étudiant⋅e⋅s.

      Le premier jour (mercredi dernier donc) j’ai du avoir 95% de taux de présence et beaucoup d’interaction. En gros : ils ou elles accédaient à distance à une de nos salles à l’université, ce qui était déjà tout un souk, tout en pouvant interagir avec moi par chat, et quand je voyais qu’un problème ou une question était récurrente, je faisais un petit billet sur un forum dédié pour que ça serve aux suivants. 4 groupes dans la journée, 2h chacun. À la fin j’étais nerveusement épuisé, vidé.

      Jeudi j’ai du avoir a peu près le même taux de présence, peut-être un peu moins (même matière, même nombre de groupes). Même état d’épuisement à la fin.

      Vendredi c’était programmation, 4 groupes toujours, elles ou ils bossent chez eux, interagissent par chat (+forum là aussi pour globaliser et pérenniser les retours), me déposent des travaux à évaluer sur un ensemble de points de dépôt correspondant à des étapes dans le projet qu’ils doivent réaliser. 50% de présence... J’appréhende la semaine prochaine, et j’ai pas envie de jouer au flic.

      Bon, tout ça c’est essentiellement du factuel. Ce que je retire de tout ça maintenant : Le « groupe de tête », celles et ceux qui sont toujours en avance sur les autres, s’accommode fort bien de ce mode de fonctionnement. Ils ou elles adorent même. De toutes façon celles ou ceux-là, je pense que tu peux avoir n’importe quelle attitude pédagogique, ils ou elles sont quasi autonomes dans l’acquisition des connaissances. Je dis bien quasi, parce que je sais aussi le nombre de trucs qu’ils ou elles croient savoir et que je corrige mine de rien.

      Vient la masse de celles et ceux pour qui ça se passe pas trop mal, à des degrés divers. Ils avancent à peu près correctement. C’est plus compliqué avec celles et ceux-ci, par manque d’interaction, c’est pas immédiat le chat, et puis ça permet pas tout, et puis je peux pas d’un coup attraper un feutre pour aller gribouiller un truc au tableau. Voilà c’est ça : je ne peux pas alterner mode individuel et mode groupe comme je veux. C’est pas possible. Donc je répète sans arrêt les conseils, je fais les mêmes réponses à x étudiants. C’est extrêmement usant. J’ai beau essayer d’amortir ça en me servant du forum pour faire remonter des informations synthétisées à tou⋅te⋅s, c’est usant.

      Et puis il y a celles et ceux qui s’accrochent mais ont de réelles difficultés pour plein de raisons, personnelles (problèmes de communication, problèmes familiaux...). Là c’est terrible, parce-que tu les sens partir. Tu les sens glisser alors que quand tu les as devant toi tu peux les maintenir à flot, parce que tu es présent, tu as un lien avec eux et tu peux les encourager, d’un mot, d’un geste, d’un regard, de petits riens de la communication qui changent absolument tout. Et là je les vois s’éloigner, et je crains la semaine qui vient, en me demandant combien je vais en perdre d’autres.

      Je pourrais aussi parler de l’étudiant qui m’écris pour me dire qu’il est pompier volontaire et donc réquisitionné, et donc qu’il ne pourra pas suivre mes TP en ligne ; celui qui bosse dans une supérette et qui a aussi été réquisitionné (je vous laisse apprécier la différence entre ces deux réquisitions... le deuxième j’ai été très tenté de lui répondre qu’il devrait foutre son poing dans la gueule de son patron).

      Le vendredi d’avant le confinement, lors de la dernière journée de TP, j’ai demandé aux étudiant⋅e⋅s qui n’auraient pas accès à un ordinateur de tout suite prendre contact avec moi. Je n’ai pas eu de retour, est-ce que ça veut dire qu’il n’y en a pas, je ne sais pas.

      Ce que je sais c’est qu’au final cette histoire de continuité pédagogique c’est la continuité du hamster dans sa roue : on essaie de se persuader qu’on va continuer « presque comme avant », mais en réalité on fait du tri social : les plus faibles vont dégager, sauf que c’est rendu invisible par l’interface technologique. Mais ça va tout à fait dans le sens de l’université voulue par les peigne-culs qui nous gouvernent : le high-tech pour les classes aisées, la caisse du supermarché pour les autres. Le tri social par l’accès aux technologies, et le recul de la réflexion sur le savoir : tournez petits hamsters.

      Bon voilà. En relisant je me dis que c’est un peu le bordel ce texte, je crois que j’avais besoin de dire tout ça, mais maintenant il faudrait faire le tri et revoir le tout sous plusieurs angles.

      Si vous aussi vous êtes confrontés au télé-enseignement j’aimerais bien avoir votre avis et le récit de votre vécu.

    • A la «continuité», le CDNT répond «solidarité» !

      En pleine crise sanitaire, alors que nous devrions tout faire pour faciliter la vie des plus vulnérables d’entre nous, l’injonction à la "continuité" pédagogique tient de l’acharnement. Or, nous ne pouvons accepter de sacrifier nos conditions de travail et les conditions de vie de nos étudiant.e.s pour satisfaire à la seule rhétorique guerrière de nos pouvoirs publics.

      De toute évidence, la pandémie de Covid-19 est une crise sanitaire sans précédent qui exige des mesures économiques et sociales exceptionnelles, à l’instar de ces mesures de confinement que nous nous devons de respecter dans l’intérêt de tou.te.s. Cependant, si la situation est exceptionnelle, nous ne pouvons tolérer que des décisions puissent être prises sans respect du cadre démocratique et du dialogue social. Ainsi, si nous souhaitons bien évidemment que ce temps de confinement soit dédié au partage et à la solidarité, l’injonction à la « continuité pédagogique » qui nous est faite par le gouvernement, et relayée localement par la présidence de notre établissement et nos directions de composantes nous semble complètement déconnectée de la réalité présente et des enjeux actuels. Elle n’est ni réalisable, ni souhaitable, tout en n’ayant pas fait l’objet d’une réelle consultation préalable des équipes pédagogiques et administratives et de leurs organisations représentatives.

      Déconnectée, tout d’abord, parce qu’au moment où nous devons organiser localement de nouvelles solidarités pour faire face au défi posé par le Covid-19 (pour nos familles, pour nos proches, pour nos voisin.e.s, et notamment pour les plus vulnérables d’entre elleux), le maintien d’une activité d’enseignement à distance n’est pas une priorité. Nous ne considérons pas l’enseignement et la recherche comme des activités non-essentielles ; au contraire, nous nous battons depuis des années pour que celles-ci puissent être exercées dans des conditions dignes, et puissent occuper une place d’autant plus importante dans notre société. Mais s’acharner à vouloir « enseigner » alors que nos étudiant.e.s et nous-mêmes avons certainement d’autres priorités tiendrait, pour reprendre ce terme à un camarade strasbourgeois syndiqué au SNESUP, de « l’indécence »[1].

      Irréalisable, ensuite, parce que nous ne disposons pas des moyens adéquats pour maintenir notre activité là où personnels et étudiant.e.s sont inégalement équipé.e.s et disponibles pour enseigner et apprendre. Qu’en est-il de la fracture numérique, là où nous savons qu’une part non-négligeable de nos étudiant.e.s, parmi les plus précaires, ne sont pas équipé.e.s d’ordinateurs personnels à domicile ? Qu’en est-il de la qualité du suivi, quand la principale alternative semble être la seule mise en ligne de nos cours sur une plateforme numérique (ce qui pose des problèmes de propriété intellectuelle au demeurant) ? Qu’en est-il de la qualité du travail, quand nous devons parfois nous occuper de nos enfants ou des personnes les plus vulnérables de notre entourage ?

      Et si cette « continuité pédagogique » n’est pas souhaitable, c’est parce qu’elle s’inscrit en faux avec tout ce pour quoi nous nous battons afin d’améliorer nos conditions de travail et d’étude dans l’ESR. Elle est à la fois un dévoiement du sens de notre métier, qui est un métier de contact et d’accompagnement qui ne saurait être réduit à la seule production de contenus, et une attaque contre nos conditions de travail, en nous imposant une organisation du travail à laquelle nous n’avons pas consentie et qui est inadaptée aux enjeux réels de l’Université.

      Signalons par ailleurs que la dématérialisation de l’enseignement est l’un des objectifs des réformes successives que l’université publique subit depuis plusieurs années. Montrer que notre métier est « dématérialisable », c’est aussi accepter les suppressions de postes que nous connaissons déjà et que nous connaîtrons encore avec cette gestion néo-libérale de l’ESR.

      Nous continuerons à être en contact avec nos étudiant.e.s. Mais si nous le faisons, c’est pour construire de nouvelles solidarités à un moment où nous en avons tou.te.s particulièrement besoin. Nous continuerons à construire l’université publique que nous désirons : une université ouverte et démocratique. Mais nous refusons d’être les promoteur.ices d’une université marchande réduite à la seule production industrielle de connaissances scientifiques. Nous refusons de sacrifier nos existences et celles de nos étudiant.e.s avec pour seule finalité celle de continuer pour continuer. Nous refusons enfin de fermer les yeux sur les profondes inégalités qui existent au sein du corps étudiant et que nous ne ferons qu’aggraver en défendant cette forme d’enseignement à distance : si nous devions défendre l’enseignement à distance, ce serait sous la forme d’un suivi particulier, notamment à destination des personnes qui ne peuvent se rendre à l’Université, mais celui-ci nécessite des moyens dont nous ne disposons pas en l’état.

      En somme, la crise sanitaire actuelle, bien loin de suspendre les enjeux politiques et sociaux face auxquels nous nous engageons depuis plusieurs années, et en particulier depuis le mois de novembre, les exacerbe. Cette situation, d’ores et déjà dénoncée par de nombreux collectifs étudiants, n’est pas digne de notre institution.

      Les inégalités sociales et la précarité étudiante et enseignante continuent d’être pensées "au cas par cas" alors qu’elle constitue une problématique sociale, structurelle que l’ESR semble vouloir continuer d’ignorer. Les réformes en cours, bien que "suspendues" ou "reportées" présentent toujours un danger pour l’avenir de nos retraites, de nos parcours professionnels, et pour l’enseignement et la recherche. Par conséquent, la rétention des notes engagée au premier semestre pour toutes ces raisons reste d’actualité. Nous ne nous "encombrerons pas des casseroles" de celleux qui considèrent à la fois qu’il faut continuer le travail pédagogique et clôturer les luttes engagées jusque-là. Si besoin, nous continuerons de communiquer ces notes aux étudiant.e.s qui en font la demande et nous pourrons faire des attestations au cas par cas si celles-ci sont nécessaires dans le cadre de candidatures à des formations ou de démarches administratives.

      Pour terminer, nous serons vigilant.e.s. à ce que les personnels les plus précaires, les personnels vacataires, soient bel et bien rémunéré.e.s pendant cette période de confinement. Nous demandons à ce titre le versement rapide de leurs salaires dus et que la mensualisation soit effective et scrupuleusement respectée en cette période où ielles en ont plus que besoin, ainsi qu’à l’avenir. Nous serons également vigilant.e.s à ce que cette période ne soit pas l’occasion pour certain.e.s de sanctionner et de contrôler d’autant plus nos collègues. Nous appelons par ailleurs à l’annulation des examens et autres modalités d’évaluation au profit d’une validation du semestre avec une note unique (18/20) pour tou.te.s, ceci en considérant l’impossibilité de garantir des conditions d’examen égalitaires. Enfin, nous souhaitons faire part de notre solidarité à celleux qui luttent au quotidien contre cette crise sanitaire, les personnels de santé, mais aussi les personnels d’entretien, de la distribution, et tous.tes celles.eux qui aident, par leur travail trop souvent invisibilisé, à faire face à cette crise dans les meilleures conditions.

      Force à elles et eux au cours des prochaines semaines !

      Le collectif des doctorant.e.s et non-titulaires de Lyon 2

      https://blogs.mediapart.fr/enseignant-vacataire-en-greve-lyon-2/blog/200320/la-continuite-le-cdnt-repond-solidarite

    • « Restez chez vous » mais « continuez l’activité » : trois temps d’une lecture syndicale pour un paradoxe de crises

      Dans le cadre de la pandémie du COVID-19, nous ne pouvons que saluer la décision du gouvernement de protéger les étudiants et les personnels de l’université, en privilégiant le télétravail pour le plus grand nombre et en accordant des autorisations spéciales d’absences aux personnels lorsque le télétravail n’est pas possible. Nous soutenons de tout cœur les personnels amenés à continuer à se rendre au travail, pour assurer les fonctions vitales de notre Université.

      Cependant, les injonctions du gouvernement sont à la fois « restez chez vous » et « continuez l’activité », et ce paradoxe demande réflexion. La vie de notre université doit effectivement continuer, mais la crise et les réponses gouvernementales et locales appellent des actions et des propositions.

      Dans une demande certaine d’unité nationale, les organisations syndicales continuent à avoir des choses à faire et à dire. Le paradoxe des injonctions gouvernementales contradictoires, ancré dans des crises multiples, nous semble appeler trois temps d’une lecture syndicale, pour aujourd’hui, pour hier et pour demain.

      Aujourd’hui, et dans les jours et les semaines à venir, l’heure est à l’action pour organiser la vie de et dans notre université. Nous saluons et appuyons la volonté des équipes de direction de l’Université de fournir une réponse cohérente et précise qui permette à chacun de s’adapter au mieux aux conséquences graves de cette crise. Concrètement, nous sommes engagés dans cette réponse collective, comme tous les membres de notre communauté académique, mais aussi comme élus au CT, au CHSCT, aux conseils centraux, et comme organisation syndicale. Nous avons porté au CT dématérialisé de ce lundi 23 mars à l’UGA et en réunion intersyndicale avec la présidence de Grenoble-INP un certain nombre de questions portant sur les points suivants :

      · Continuité des rémunérations – Nous saluons les engagements pris par l’UGA et de Grenoble-INP pour garantir la continuité des rémunérations, pour les titulaires, les contractuels et les vacataires. Un problème subsiste concernant les gratifications de stages : en effet, les stages en cours peuvent être arrêtés à la demande des structures d’accueil, ce qui suspend de fait le versement des gratifications. Nous demandons que l’établissement mette en place des aides individualisées, comme le prévoit la "FICHE 6 stage" du courrier du ministère du 17 mars 2020 et conformément à l’article L. 821-1, alinéa 2, du Code de l’éducation.

      · Fracture numérique – Des dispositifs sont mis en place à Grenoble pour tenter de venir en aide aux étudiants confinés dans leur famille, en colocation ou dans les résidences universitaires, mais, à notre connaissance, ceux-ci sont disponibles uniquement par internet (pour le moment). Comment aider les étudiants dénués d’accès à l’internet ? (dans leur vie quotidienne et dans le cadre de leurs études). L’enquête de l’UGA a recensé 45 étudiants dénués d’ordinateur pour suivre les cours. L’UGA leur fournira une tablette afin qu’ils puissent travailler. Cependant, ce nombre nous semble sous-estimé, étant donné que le recensement des étudiants n’est pas terminé dans toutes les composantes.
      Cette fracture touche aussi certains personnels qui -même s’ils ont pu bénéficier des mesures facilitant le télétravail mises en place à l’UGA- n’ont pas forcement tous une connexion internet haut débit, une imprimante, etc… Plus globalement, les outils de travail collaboratifs sont saturés (par exemple, ENT, framapad). Comment envisager la « continuité » du travail dans un cadre aussi inégalitaire ? Ne faudrait-il pas nous concentrer sur l’absolu nécessaire, en acceptant pleinement l’idée que nous travaillions en mode « dégradé » ?

      · Conditions de travail des personnels – Les personnels sont invités à continuer leurs activités administratives. Au-delà d’une simple « relocalisation de l’activité » (de l’université vers la maison), il s’agit d’un changement radical de l’environnement de travail, dans lequel les collectifs de travail sont disloqués et les individus se retrouvent bien souvent livrés à eux-mêmes. Comment organiser des réponses collectives, comment bien répartir les situations et la charge de travail ? Et les conditions de sécurité des personnels qui doivent aller travailler à l’UGA, sont-elles suffisantes, adaptées et respectées ?

      · Continuité pédagogique – Les enseignants sont appelés à assurer la « continuité pédagogique ». Mais comment transposer les cours, travaux dirigés et travaux pratiques, initialement élaborés pour du présentiel, en un contenu à distance, avec une situation dégradée sur le plan pédagogique, qui fait fi de la nécessaire interaction collective ? Comment corriger les inégalités d’accès aux enseignements (que crée cette situation de confinement) pour nos étudiants ? Pouvons-nous décemment organiser des examens ou des évaluations dans ces conditions (comme le prévoit le ministère en proposant de recourir à des sociétés privées pour organiser des examens « dématérialisés ») ? Comment empêcher que les étudiants ne se découragent et n’abandonnent leurs études ? Ces questionnements sont tout à fait en phase avec les inquiétudes légitimes de nos étudiants (voir communiqué en pièce jointe) et nous demandons à la présidence d’y répondre.

      En général, nous insistons sur la nécessité d’alléger le programme des UE, sur le besoin de flexibilité des emplois du temps (par exemple, ne pas suivre forcément les calendriers de cours tels que prévus sur ADE avant le confinement), sur l’utilisation de moyens les plus simples et les plus légers possible pour enseigner à distance, et bien sûr nous insistons pour ne pas contrôler l’assiduité des étudiants lorsqu’ils se connectent aux plateformes numériques (et nous nous opposons à tout moyen de pression à destination des étudiants en général). Des dispositions particulières pour les examens devront aussi être trouvées, afin de ne pénaliser aucun·e étudiant·e face à la fracture numérique.

      · Appels à projets – Les chercheurs et enseignants-chercheurs doivent-ils continuer à répondre aux appels à projets (deux appels IDEX pour la mobilité internationale ont été lancés la semaine dernière, ainsi qu’un appel de Grenoble INP sur les dispositifs bourses présidence …) ? Ces appels ne sont-ils pas un peu « décalés » dans le contexte de confinement global de la population ? Plus généralement, faut-il maintenir la compétition entre collègues ou, au contraire, l’université doit-elle assurer la solidarité entre les personnels qui voient leurs recherches arrêtées, avec parfois des répercussions qui s’étaleront sur plusieurs mois, voire quelques années ?

      · Accréditations – Le report d’un mois de la remontée des dossiers HCERES annoncée par le ministère est une bonne nouvelle mais ne suspend pas le travail. Les responsables pédagogiques doivent-ils continuer d’assurer la préparation de la prochaine accréditation (qui plus est anticipée par rapport aux autres établissements de la vague A) ? doivent-ils dès maintenant organiser la rentrée 2020 comme prévu ? Les contenus ne devront-ils pas être adaptés en septembre, pour tenir compte de la période de confinement et de la dégradation des conditions d’études de nos étudiants ? Et vu des nombreux incidents qui émaillent l’usage des environnements numériques de travail dans les établissements du second degré (voir cet article), ne serait-il pas urgent d’obtenir de la ministre la suspension du processus Parcoursup, comme de toutes les procédures d’inscription en ligne (ecandidat, PEF) dont l’accès n’est plus garanti pour tout le monde ?

      Mais la situation d’aujourd’hui ne peut s’analyser sans revenir dès à présent sur ce qu’était celle d’hier. Dans le domaine de la santé, la solidarité et l’immense respect qui accompagne le dévouement sans limites des personnels hospitaliers ne peut se passer du rappel de la déshérence organisationnelle et matérielle dans laquelle l’hôpital public est placé depuis des années. Dans le domaine de l’éducation, dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche, le dévouement des enseignants, des enseignants chercheurs, des chercheurs, des personnels techniques et administratifs pour assurer un minimum de continuité de service ne peut masquer l’incompréhension et la colère qui ont monté depuis des mois face à une politique gouvernementale à la fois libérale et autoritaire, sure d’elle-même et systématiquement sourde et méprisante face à toutes les analyses et revendications portées par les personnels. Jour après jour et depuis des mois, jusqu’au 13 mars, date du début des annonces qui ont mené au confinement que nous connaissons, nous avons dénoncé des projets de loi construits sur les inégalités et la mise en concurrence et en opposition des individus à tous les niveaux. Plus que jamais, ce qui était et reste dans les cartons du gouvernement, retraite à points, LPPR, doit être dénoncé et combattu. Plus que jamais, la défense du service public, de l’hôpital, de l’éducation, de la formation, de la recherche, des transports, de l’énergie, de la culture, du sport, est nécessaire, et nos luttes d’hier construisent, à travers les grandes difficultés d’aujourd’hui, les transformations nécessaires de demain.

      Car effectivement, il va bien falloir penser à demain. Même si nos énergies sont tendues aujourd’hui dans l’engagement individuel et collectif, le souci des proches, la solidarité au quotidien, demain est déjà en vue, et peut proposer le meilleur comme le pire.

      Le meilleur, ce serait que cette pandémie dramatique permette enfin d’affronter les autres crises qui nous menacent, au-delà de la crise sanitaire et de la crise économique – crise climatique, crise démocratique qui oppose des gouvernances inflexibles à des populations qui veulent changer de modèles. Le meilleur, ce serait dans l’ESR de prendre enfin la mesure de ce que devrait être une formation universitaire démocratique et ouverte, une recherche collaborative et libre au service de la société. Le meilleur pourrait être, à l’UGA, de redéfinir comment notre « université d’excellence » constamment soumise aux directives de l’IDEX pourrait redevenir une communauté académique sachant réfléchir collectivement à ses fonctionnements, à ses stratégies et à l’utilisation de ses moyens, et comment l’UGA pourrait construire un plan d’urgence à destination des personnels et des étudiants permettant un redéploiement des ressources de l’IDEX et de l’ANR pour mieux assurer les besoins « de base » de l’université.

      Mais demain peut aussi nous apporter le pire. Les crises fournissent des occasions fortes, pour des lobbys bien organisés à proximité des pouvoirs, de rebattre fortement et durablement les cartes dans une « stratégie du choc » bien décrite par ailleurs (voir ici). Demain est déjà en préparation dans la loi d’urgence du gouvernement, avec des évolutions dangereuses et potentiellement durables de nos conditions de travail (voir ici et là).

      Le débat commence, nous proposons à chacun d’y participer et de ne pas abandonner, dans les solidarités conjoncturelles d’aujourd’hui, la construction de solidarités plus profondes qui devraient être celles de demain …

      Nous appelons nos collègues et nos étudiants à rejoindre toutes les formes de solidarité qui sont en train de se construire : les démarches collectives qui retissent un "tou·te·s ensemble" et toutes les formes d’expression pour soutenir les personnes qui assurent la continuité des soins et de la vie quotidienne, ou analyser sans complaisance les risques de décisions d’un gouvernement "guerrier" sont notre meilleure réponse au confinement !

      Reçu par mail du syndicat SNESUP-FSU, le 23.03.2020

    • Communiqué signé par l’Association 11ème Thèse, la section CNT Sup Recherche Bordeaux, le Collectif Marcel Mauss, le collectif des Précaires de l’ESR de Bordeaux, SOlidaires étudiant-e-s Bordeaux ainsi que SUD Recherche Bordeaux :

      Nous ne sommes pas en guerre, restons vénères et solidaires !

      On s’y attendait : Macron a ordonné le confinement généralisé de la population à compter du mardi 17 mars à midi. Cette mesure fait suite à la décision, jeudi dernier, de fermer tous les établissements scolaires et tous les établissements de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) à compter du lundi 16 mars, puis à celle du vendredi 13 mars, d’interdire tout rassemblement de plus 100 personnes.

      Ces réponses à la crise sanitaire causée par l’épidémie du Covid-19 cachent mal le fait que cette crise n’est en rien le fruit d’un hasard malheureux. Il s’agit d’une crise sanitaire mais également et surtout d’une crise systémique. Les gouvernements néolibéraux précédents et actuels, ici comme ailleurs, ont participé à en créer les conditions par leur inaction écologique, leurs politiques anti-sociales qui accroissent la vulnérabilité des plus fragiles, et leur démantèlement des services publics de santé. Comme de nombreux chercheurs l’affirment [1], cette crise résulte d’un système d’exploitation de la nature et des humains : la perte de biodiversité liée à la destruction des habitats naturels, l’urbanisation débridée, les élevages industriels intensifs ; autant de facteurs qui concourent aux développements de zoonoses (c’est-à-dire de maladies transmissibles entre animaux humains et non humains) par une promiscuité croissante entre espèces sauvages et domestiques et à la propagation de maladies infectieuses, dont le nombre de crises se multiplient de manière inquiétante à travers le monde ces dernières années (SRAS, grippe aviaire, Ebola, Covid-19, etc.). Par ailleurs, l’amenuisement du soutien à la recherche fondamentale publique, que manifeste la politique de suppression de postes et de réduction des budgets, a conduit à une situation de vulnérabilité face aux risques sanitaires qui aurait pu être évitée [2]. La crise actuelle est le résultat de politiques de démantèlement et de privatisation des services publics de recherche, de santé et d’éducation.

      Les mesures prises dans l’urgence, en décalage avec les
      recommandations de l’OMS et dans la cacophonie d’un gouvernement qui semble ne rien maîtriser de la situation, ne font qu’aggraver la situation des plus précaires et des plus vulnérables. A cela s’ajoute, le tournant autoritaire et répressif que prend l’opération de confinement ordonnée par le gouvernement. Tandis que 100 000 policiers et gendarmes sont déployés dans les rues pour contrôler et mettre des
      amendes à celles et ceux qui ne respecteraient les normes du
      confinement, le mot d’ordre « Restez chez vous » n’empêche pas les employeurs d’imposer aux travailleu.r.se.s des conditions de travail qui mettent en danger leur vie et la santé.

      La mise en place de « plans de continuité d’activités pédagogiques » alors même que les universités sont fermées compte parmi les mesures qui sont en total décalage avec l’urgence de la situation des étudiants et personnels les plus précaires et vulnérables. Cette exigence de continuité pédagogique par voie numérique que cherchent à mettre en place les universités et le ministère de l’éducation nationale relève en effet d’une fausse logique : celle de maintenir « coûte que coûte » un système social et économique qui étale pourtant au grand jour son inadéquation et ses injustices. La précarité n’est pas seulement un concept mais une réalité qui affecte la plupart d’entre nous de façon croissante : c’est l’impossibilité de s’en sortir quand on perd ses maigres sources de revenus en tant qu’étudiant.e salarié.e ; c’est
      l’isolement psychologique et social quand on est étudiant.e étranger.e sans structure de soutien ; c’est l’exposition aux risques sanitaires quand on est personnel BIATSS ; c’est le risque de ne pas être payé quand on est personnel précaire, etc. Ceci expose clairement l’aveuglement du gouvernement actuel qui ne prend aucunement la mesure
      de la nature des problèmes économiques, sociaux et sanitaires que pose l’épidémie du Covid-19.

      L’urgence pour une grande partie des étudiant.e.s aujourd’hui, c’est d’abord le besoin de structures solidaires pour s’alimenter ou se procurer des produits de première nécessité. Il est absolument vital de fournir des autorisations de circuler aux associations et de mobiliser l’entraide. En ces temps de crise, il relève de la responsabilité du
      CROUS de maintenir des distributions de nourriture par solidarité avec les étudiant.e.s en manque de revenus, isolé.e.s psychologiquement, socialement et géographiquement. Rappelons que la moitié des étudiant.e.s doivent travailler pour subvenir à leurs besoins et se retrouvent par conséquent dans une situation critique, en particulier les étudiant.e.s résidant dans des logements du CROUS et les étudiant.e.s étranger.e.s. Sans plus de sources de revenus, sans possibilité d’êtres aidé.e.s par leurs familles, et sans une aide
      sociale d’urgence, les étudiant.e.s vont être les premier.e.s à pâtir d’une longue situation de confinement. Les risques psycho-sociaux pour des étudiant.e.s déjà précarisé.e.s et isolé.e.s sont importants.

      À cet égard la volonté de continuité pédagogique paraît bien loin des réalités du terrain, sans compter qu’elle provoquera une rupture d’égalité, qui accentuera encore la situation de précarité des plus fragiles. Pour rappel en effet, une partie importante des étudiant.e.s salarié.e.s ou des étudiant.e.s résidant dans des logements du CROUS n’ont pas d’accès personnel garanti à internet, ni même d’ordinateur
      portable individuel. Les plus isolé.e.s sont éloigné.e.s de leurs
      familles et n’ont pas d’accès aux ressources culturelles (bibliothèques fermées, peu ou pas de livres sous la main, etc.) pourtant nécessaires
      pour assurer des conditions matérielles et psychologiques propices au suivi de cours numériques et à la préparation des examens. Le simple accès à leur messagerie, essentiel pour être informé.e des directives de la présidence ou de leurs enseignant.e.s, leur est compromis.

      À cet égard, sur le campus bordelais, des personnels et étudiant.e.s mobilisé.e.s ce lundi 16 mars ont pu recueillir des témoignages directs de la détresse des étudiant.e.s qui se sont trouvé.e.s dans l’impossibilité de s’approvisionner (isolement sur le campus, étudiant.e.s étranger.e.s esseulé.e.s, étudiant.e.s se retrouvant sans revenus, structures du CROUS fermées pour l’alimentation, etc.). Plus de 160 étudiant.e.s ont pu être aidé.e.s en urgence pour des besoins de première nécessité, mais c’est une réponse hélas bien dérisoire au regard des dizaines de demandes locales qui ne cessent d’affluer.

      Pour ce qui est des personnels précaires de l’ESR, il est aberrant que la production de cours numériques par télétravail soit exigée de la part des enseignants vacataires. En effet, non seulement, pour le moment, aucune garantie n’a été donnée concernant le paiement de leurs services, mais encore, les moyens techniques fournis par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas adaptés. Qu’en est-il par ailleurs de la prise en charge des coûts matériels et
      économiques liés au télétravail (ordinateur adapté, accès internet, logiciels payants, imprimante et scanner pour la correction d’éventuels travaux, etc.) ? Dans la situation actuelle, des règles strictes encadrent le télétravail (horaires, jours travaillés, matériel, etc.) et les droits des travailleur.ses doivent être respectés [3][4]. Concernant les personnels BIATSS, et notamment les personnels de nettoyage et de maintenance, les risques sanitaires doivent être précisément évalués et des moyens alloués pour assurer leur sécurité,
      puisque l’injonction qui leur est faite de se rendre sur leurs lieux de travail et la nature de leurs tâches les exposent plus que jamais.

      Au vu des manquements, des risques sanitaires et psycho-sociaux, des précipitations et des incohérences dans les mesures prises, souvent dans la poursuite d’intérêts économiques supposés et jamais dans l’intérêt des travailleur.ses, personnels et étudiant.es, nous appelons tous les personnels précaires et titulaires de l’ESR à exercer leur droit de retrait !

      Si elle rendra d’autant plus manifestes et critiques les situations de précarité économique, psychologique et sociale, la crise du Coronavirus ne doit pas nous faire oublier ni arrêter le combat mené contre la réforme des retraites et la réforme de l’ESR.

      Précaires de l’ESR de Bordeaux, nous renouvelons l’appel au droit de retrait de tous les personnels et à la grève de toutes et tous ! Libérons-nous du temps, mobilisons-nous dans l’entraide aux étudiant.e.s les plus démuni.e.s et isolé.e.s et non pour des « cours numériques » ou pour la préparation d’examens dans ces conditions iniques et selon un calendrier hypothétique !

      Face à la crise actuelle maintenons une vigilance à tous égards pour les travailleurs.ses précaires et vulnérables ! Faisons respecter nos droits et intensifions la lutte contre un système qui nous rend vulnérables !
      Seule une stratégie de solidarité pourra nous permettre de faire face à la crise du Covid-19 et de faire plier le gouvernement ! Tou.te.s pour l’abrogation de la LPPR et du projet de réforme des retraites !!! Une fois le confinement levé, ne nous laissons pas endormir et réinvestissons nos lieux de travail et la rue au service de la lutte sociale ! Penser la suite demande de s’engager maintenant !

      Sources :
      [1]
      https://charliehebdo.fr/2020/02/societe/la-crise-de-la-biodiversite-favorise-les-maladies-infectieuses-emergent
      [2]
      https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-science-fondamentale-est-notre-meilleure-assurance-contre-les-epid

      [3]
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035994394&categorieLien=id

      [4]
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032036983&categorieLien=id

    • Les étudiants face à la pression scolaire : « je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement »

      L’Université a affiché cette semaine sa priorité : la « continuité pédagogique », sans considérer les inégalités entre les étudiants, que ce soit au niveau sanitaire, des conditions de confinement ou d’accès aux matériels informatiques : témoignages d’étudiants de l’Université Paris 1 confinés.

      La « continuité pédagogique », c’est tout ou rien : #surcharge_de_travail ou silence Radio du corps enseignants. De la même manière qu’elle avait maintenu des partiels en période de grève, l’université, toujours sous couvert de sa « valeur du diplôme », s’acharne à maintenir une #notation plutôt que de dispenser un enseignement.

      A Paris 1, malgré les directives de la Présidence, les étudiants sont soumis aux exigences inégales de leurs professeurs. La plupart font reposer sur leurs chargés de TD la tâche de rassurer les étudiants, sans leur donner de réelles informations à communiquer. S’il faut reconnaitre que certains ont assoupli le contrôle continu, en évaluant sur la base du volontariat, la majorité laisse les étudiants totalement livrés à eux même.

      Comme le témoigne Maria et Irene* (les prénoms ont été modifiés), étudiantes en Droit, le #stress et la pression sont décuplés : « je suis plus stressée qu’en présentiel. Sous prétexte d’une soi-disant #valeur_du_diplôme, on autorise ce genre de conditions. Il est temps que les étudiants se fassent entendre, on n’est pas des robots ».

      Alors que les étudiants se retrouvent dans des situations très inégalitaires, et que les pressions de la #sélection pèsent sur les élèves, les règles sont pourtant les mêmes pour tout le monde : « je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement. Entre les préparations de TD notées, à rendre à heures fixes, auxquelles s’ajoutent les devoirs supplémentaires, les évaluations et les examens en ligne, certains professeurs nous laissent carrément élaborer notre cours tout seul. Dans le meilleur des cas on reçoit les plans, avec des références à des manuels. Les manuels en question peuvent couter plus de 50€, on avait l’habitude de les consulter en bibliothèque, surtout qu’ils ne sont pas tous accessible en ligne. En plus, c’est l’année de la sélection. On a l’impression que l’université s’en fou, est dans le #déni total. Moi j’ai pas d’ordinateur, je galère. Je pense même pas à ceux qui n’ont pas internet, ou qui sont confinés dans un 9m carré. Quand tu sais pas comment payer ton loyer, acheter un livre à 50€, c’est la dernière de tes priorités ».

      Plutôt que d’installer un système d’#entraide entre les étudiants, l’université semble accroître sa logique de #pression_scolaire, le tout pour maintenir la sélection en master 1 et master 2, et nourrir l’illusion de la valeur du diplôme. Dans de telles conditions, elle ne sélectionnera pas sur des compétences, mais bien en fonction de critères sociaux.

      Finalement, cette crise met en lumières tous les problèmes liés à la #précarité_étudiante : un étudiant sur trois est bousier, un sur quatre est salarié, ce seront eux les plus touchés.

      Pour Lucien, étudiant en Histoire de l’art et archéologie, « ce virus n’a fait qu’exacerber les contradictions de classes au sein de notre système éducatif […] C’est comme si la fac fermait les yeux sur les #inégalités entre ses étudiants. Certains élèves sont cloitrés chez eux, seuls, avec un minimum de moyen financier. »

      Comme l’explique Nadia*, étudiante en Économie, une nouvelle fois l’université met de côté ceux qui sont dans des situations précaires, et qui ont par exemple été licenciés ces derniers jours : « Avec le confinement, on a perdu notre boulot. Il faut pas oublier que quand t’es étudiant, t’as pas beaucoup de choix pour travailler. On travaille dans la restauration, ou en tant que baby sitter, la plupart du temps non déclaré. Y a pas de chômage technique quand tu travailles au black. »

      Lola, elle, est en régime terminal : un régime spécifique souvent utilisé par les étudiants qui sont obligés de se salarier à côté de leurs études, ou qui ont des problèmes de santé : « Dans tout ça, on oublie les étudiants en #examen_terminal. Pour nous, on ne sait pas, c’est silence radio. L’administration ne donne aucune réponse claire sur la tenue des examens. On est déjà livrés à nous même toute l’année. Il faut pas oublier qu’on a choisi ce régime pour des raisons de santé, ou parce que notre situation financière ne nous permet pas de vivre avec la bourse et les petits boulots. Là on nous laisse sur le carreau, j’ai l’impression qu’on est même pas considéré dans la gestion de la crise ».

      Face à cette crise, l’obstination dont fait preuve l’université à noter ses étudiants et à maintenir une sélection, malgré leur état de stress, les inégalités de confinement et d’accès à l’enseignement qui les divisent, illustre ce qu’elle est devenue depuis plusieurs années et notamment depuis 2018 et la loi ORE : une institution qui se complet dans un système concurrentiel, au mépris de sa vocation première, l’accessibilité, et l’égalité devant l’instruction.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Les-etudiants-face-a-la-pression-scolaire-je-n-ai-jamais-eu-aut

    • « Continuité pédagogique » : Méfiance... - Lettre flash n°10 du 25 mars 2020

      La pandémie provoquée par le Covid-19 a entraîné un certain nombre de mesures sanitaires d’une dimension exceptionnelle. Parmi elles, les mesures de confinement ont un impact très important sur l’ensemble des secteurs de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans l’état actuel des informations, les établissements devraient continuer à être fermés jusqu’à la fin du mois d’avril. De telles mesures, indispensables, bouleversent les calendriers universitaires du second semestre et posent la question de la continuité du service public de l’ESR, traduite hâtivement et sans précaution en “continuité pédagogique”.

      Les consignes gouvernementales demandent expressément de rester confiné-es et de recourir au télétravail ou au travail à distance. Aucun personnel ne peut être sommé de déroger au confinement, sauf absolue nécessité justifiée par l’organisation concrète de la continuité du service. Les déplacements doivent être réduits à l’essentiel et il convient de ne pas se rendre sur son lieu de travail. Le SNESUP-FSU rappelle que les moyens nécessaires doivent être donnés aux personnels pour qu’ils assurent à distance les missions considérées comme d’absolue nécessité.

      Cela implique par conséquent que des mesures soient prises pour assurer l’égalité dans l’accès aux outils numériques pour l’ensemble des étudiant·es. Et pour les enseignant-es, de mettre en place les moyens de la concertation pour trouver des solutions, dans le respect du confinement, en ce qui concerne les disciplines où le travail à distance est particulièrement difficile voire impossible. Cela implique aussi d’engager la concertation avec les personnels pour étudier les conditions de validation du semestre et de l’année en cours en garantissant l’égalité de traitement pour tou·tes les étudiant-es. L’engagement collectif de toutes et de tous est le meilleur garant de la qualité des formations et des diplômes qui seront délivrés cette année.

      Le SNESUP-FSU rappelle, qu’en tout état de cause, les dispositifs pédagogiques mis en place par les enseignant-es sont transitoires et répondent à une situation tout à fait exceptionnelle. En aucun cas, ils ne peuvent être envisagés de façon pérenne comme des mesures servant à pallier le manque dramatique de postes de titulaires.

      Les personnels de tous les métiers de l’Enseignement Supérieur font preuve de la plus grande responsabilité et de professionnalisme. Les enseignant·es mettent tout en œuvre pour maintenir le lien avec tou·tes leurs étudiant·es. Il faut leur faire confiance. Pour le SNESUP-FSU, l’urgence n’est pas dans le maintien total des contenus des cours mais dans le maintien pour toutes et tous les étudiant·es d’un lien avec les apprentissages et la recherche, dans le respect de la protection due aux agent·es. La situation est suffisamment anxiogène pour rester raisonnable dans les attentes. Elle demande une attention particulière aux difficultés rencontrées par les étudiant·es. L’accompagnement des étudiant·es ne doit pas conduire à la normalisation des pratiques pédagogiques prônée par le ministère et certains établissements. Il est illusoire de chercher à délivrer des notes et des évaluations à un rythme ordinaire et coûte que coûte. Les enseignant·es et les étudiant·es font le maximum en fonction de leurs moyens et de leur vie extra-universitaire. Nous devons accepter de fonctionner dans un mode “dégradé”, respecter les consignes de confinement ainsi que les contraintes et les rythmes nouveaux qu’elles entraînent.

      Dans ce contexte, le SNESUP-FSU réaffirme la nécessité que pour tous les personnels, tous statuts confondus, y compris pour les contractuel·les et les vacataires, l’intégralité du service soit réputé fait et que toutes les heures prévues à l’emploi du temps soient prises en compte pour les rémunérations.

      https://www.snesup.fr/article/continuite-pedagogique-mefiance-lettre-flash-ndeg10-du-25-mars-2020

    • Détenu·es confin·ées : #discontinuité_pédagogique

      Aucun plan de gestion de la crise du COVID-19 en prison n’a vraiment été prévu, à l’instar de l’Italie. On s’achemine donc vers une situation tout aussi explosive : un risque d’épidémie grave ; l’arrêt des contacts avec l’extérieur, des surveillant·es en première ligne d’exposition au virus, des mutineries, des drames.

      Toutes les prisons ne sont pas dans la même situation. Les prisons centrales, pour les longues peines, dont la plupart des personnes incarcérées bénéficient d’une cellule individuelle, sont relativement moins surpeuplées que les maisons d’arrêt. En revanche, les maisons d’arrêts, qui mélangent toutes les peines, sont, quant à elles, vraiment surpeuplées et atteignent aujourd’hui 138%, selon l’Observatoire international des prisons (1e janvier 2020)2.

      On pourrait avoir l’illusion que les détenu∙es étaient déjà confinés. Ce serait ignorer la vie d’une prison : il y a de nouveaux arrivants tout le temps ; des extérieurs qui s’y rendent. Aujourd’hui, familles, avocat∙es, enseignant∙es n’ont plus le droit de s’y rendre. Mais il faut bien administrer la prison : les surveillant·es continuent d’y travailler.

      Des cas de coronavirus ont été déclarés en prison. Vu la surpopulation en détention, le confinement individuel des personnes atteintes est impossible. Le virus risque de se répandre très rapidement, tant chez les personnes détenues que les surveillant∙es. L’épidémie risque d’y être d’autant plus grave que 1° la promiscuité et la surpopulation facilitent les contaminations 2° les bâtiments sont insalubres, l’hygiène insuffisante, les systèmes de santé vétustes. Qui plus est, les populations carcérales s’avèrent particulièrement à risque, en raison de leur mauvais état de santé général.

      Mais ce n’est pas tout : parmi les personnes-cibles de l’épidémie en prison, on risque non seulement les surveillant∙es, donc, mais aussi le personnel de santé. On trouvera bien sûr des personnes condamnées, mais aussi des personnes en incarcération préventive3, soit un quart de la population carcérale (21 000/80 000 personnes détenues)4. Dans la prison surpeuplée de Fresnes, un homme testé positif au coronavirus est mort. Il avait été incarcéré dix jours avant, alors qu’il était très âgé (74 ans) et de santé fragile – indice, s’il en était besoin, des inégalités exacerbées par la situation carcérale, entre un Balkany et un détenu anonyme. Le jour même, deux infirmières y étaient testées positives au coronavirus.

      Quelles sont les mesures qui sont prises ? Pour l’instant, surtout l’arrêt presque total des interventions extérieures, des parloirs, etc. Or beauoup de détenus auront d’immenses difficultés à vivre, physiquement5 et mentalement sans contacts extérieurs. En conséquence, des incidents ont éclaté dans de nombreuses prisons – et même un début de mutinerie à Réau, Perpignan, Angers, Maubeuge, Bois d’Arcy, La Santé6 et des émeutes à Grasse, avec interventions des ERIS et tirs de sommations. Le problème c’est qu’on risque une escalade de la violence : interdiction possible des promenades, par exemple, pour éviter tout regroupement collectif, détenus encore plus à cran, surveillants déjà à cran, sans protection (masques, par ex) encore plus exposés, etc.

      https://twitter.com/AdelineHazan/status/1239986843757826048?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Devant cette situation, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a demandé la mise en place de visioconférences pour compenser la fin des parloirs ainsi que la gratuité du téléphone.7

      La seule mesure efficace serait le désengorgement des prisons et la fermeture des centres de rétention8. C’est ce à quoi appellent plusieurs associations, syndicats et la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté elle-même. Ce serait un changement majeur.

      D’autres lieux de privation de liberté sont concernés par l’épidémie : les geôles, en cas de gardes à vue prolongées, et de comparution immédiate. Ces pratiques judiciaires se poursuivent en dépit de risques sanitaires graves.

      Le coronavirus expose tous les dysfonctionnements de notre société. Il suffit de peu de choses pour que tout explose. Ça vaut pour nos services publics exsangue, mais aussi pour les prisons. Et devant la maladie, ce sont toujours les plus fragiles et les plus précaires qui sont aussi le plus exposés.


      *

      Ailleurs dans le monde, on retrouve la même situation explosive. Émeutes, grèves de la fin, destructions matérielles, évasions : les prisons italiennes ont déjà connu plusieurs morts, dans un système pénitentiaire surpeuplé à 130%, où la moitié de la population a plus de 50 ans. Avec 2,2 millions de détenus, les États-Unis abritent les prisons les plus peuplées au monde, laissant craindre une flambée de l’épidémie de coronavirus en milieu carcéral. En Iran, l’un des pays les plus touchés du monde par le coronavirus, 85.000 détenus ont été libérés : il s’agit d’hommes et de femmes condamnés à moins de 5 ans, qui devront finir de purger leur peine à une date indéterminée.

      Le manque de communication claire a des conséquences particulièrement graves en prison, où n’importe quel petit rien peut favoriser la psychose et le développement de rumeurs qui enflent en raison de l’enfermement, des addictions, de la santé mentale fragique des populations carcérales, sans même de l’incompréhension de la situation par les personnes non francophones.

      Mais même dans ces situations-là on traite les détenus de sales privilégiés : un article, intitulé « Nous allons distribuer 100 000 masques en prison », annonce Nicole Belloubet, se trouvent rapidement assortis de commentaires de type « eux ont le droit à des masques, pas nous ! », alors que les masques sont destinés aux surveillant∙es…

      Le 19 mars, le Ministère de la Justice annonce quelques mesures : à partir du lundi 23 mars, chaque détenu aura d’un crédit de 40€ par mois pour téléphoner ; la télé sera gratuite ; les détenus indigents recevront une aide majorée de 40€/mois pour cantiner.

      https://twitter.com/OIP_sectionfr/status/1240602063224156161?s=20

      En revanche, il n’y a aucune continuité pédagogique mise en place en détention. Les enseignant∙es ont été prévenu·es au dernier moment, n’ont rien pu préparer. En l’absence d’Internet, les cours sont suspendus. Simplement.

      https://academia.hypotheses.org/21331
      #prisons #prison

    • Des enfants confiés et confinés à domicile

      « Je suis éducateur dans une association de la protection de l’enfance, dans un service qui intervient auprès de famille où l’enfant est confié par le juge des enfants au département, mais reste domicilié chez leurs parents (chez l’un d’entre eux du moins).

      En cette période, ma collègue et moi-même avons pour directive de ne pas nous rendre dans les familles. Nous sommes donc en lien téléphonique avec elles. En cas d’urgences réelles, que nous nous devons d’évaluer nous-même ou si les familles nous sollicitent, nous pouvons être amené à nous y déplacer.

      Il est compliqué à l’heure actuelle de dire que c’est difficile pour les enfants d’être H24 avec leurs parents sans que ces derniers bénéficient d’un soutien éducatif plus soutenu, comme le demandent les mesures de placement.

      Cependant, nous nous devons de faire confiance, faire confiance en ces parents qui, bien qu’ils aient des compétences (sur lesquelles on s’appuie énormément), peuvent être défaillants ou en difficultés. Je leur tire mon chapeau car ils font au moins pire. Malgré cela, sur les 12 enfants accompagnés, la scolarité est grandement impactée pour plus de la moitié d’entre eux.

      Alors que sur les groupes d’internat de l’association qui accueillent des jeunes confiés quotidiennement, des moyens ont été trouvé pour assurer le minimum de continuité scolaire avec la présence d’éducateurs scolaires et d’éducateurs techniques, les parents auprès desquelles j’interviens, sont livrés à eux-mêmes. Rares sont ceux qui bénéficient d’un accès à un PC où PRONOTE, Maxicours ou le CNED permettent (lorsqu’il y a suffisamment de connexion) d’avoir accès à des supports de cours.

      Certains ont pu se mettre en lien avec l’enseignant pour avoir des documents papiers imprimés. D’autres utilisent simplement leur smartphone pour avoir accès aux plateformes….

      Pour certaines familles, nous avons pu imprimer énormément de documents, et nous leur avons fait parvenir…

      Quelle utopie maintenant ? Celle d’avoir des enfants qui se mettent à travailler d’eux-mêmes, aidés si besoin par leurs parents qui peuvent leur expliquer les cours de physique, chimie, SVT, Français, Histoire-Géographie, Anglais, Espagnol…. Je ne cible pas leurs incompétences, car ils s’essaient tous tant bien que mal. Mais nous même, nous ne sommes pas capables de fournir un tel accompagnement, alors comment demander, à des familles où la problématique est souvent ailleurs, d’assurer cette scolarité ? A cela, s’ajoute les pathologies psychologiques (TDAH, trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, par exemple) et difficultés scolaires de ces enfants qui en temps normal bénéficient d’une scolarité spécifique et/ ou de soins. Cette charge est donc laissée quotidiennement aux parents qui ont probablement d’autres choses à gérer (comme un budget repas par exemple, où l’aide à la cantine scolaire ne fonctionne pas à la maison….).

      Alors, oui, en ces temps de confinement, nous veillons à ce que le domicile reste un environnement sain, moins pire qu’ailleurs. Quitte à passer la scolarité au troisième plans. Tant pis si lorsque le confinement sera terminé, nous auront creusé de nouvelles inégalités… »

      https://www.modop.org/se-relier/#26mars

    • La continuité pédagogique, vraiment ?

      Dès avant la fermeture des établissements le 16 mars dernier, les enseignant.es ont reçu des consignes pour leur demander d’assurer ce qu’on a appelé la “continuité pédagogique” : il fallait aussi rapidement que possible imaginer et mettre en oeuvre des solutions pour continuer d’assurer les cours magistraux et les travaux dirigés, les séminaires et les stages. Face à cette injonction pressante, des solutions ont été très vite expérimentées, dès le début de la semaine dernière. Des solutions très variables, pour ce que j’ai pu en observer dans mon université grenobloise, et dans quelques autres à travers les récits de collègues : certain.es enseignant.es ont pu très rapidement trouver des formes alternatives d’enseignement en utilisant des plateformes collaboratives permettant d’utiliser la vidéo ou l’audio, comme Discord ou Zoom ; d’autres enseignant.es ont enregistré leurs cours dans des fichiers audio ; d’autres enfin, moins habitué.es à utiliser les outils numériques, ont déposé des versions écrites de leurs cours dans les ENT (environnements numériques de travail) de leur établissement. Tout y poussait : la conscience professionnelle, le souhait de maintenir le contact avec les étudiant.es pour éviter les abandons, la crainte de leur faire “manquer” un semestre.

      Il m’a pourtant très vite semblé qu’on mettait en quelque sorte la charrue avant les boeufs et qu’on essayait de mettre ainsi en oeuvre cette “continuité pédagogique”, de façon un peu désordonnée, sans se demander ni si c’était souhaitables, ni si c’était possible et à quelles conditions. Mes interrogations me venaient de mes propres difficultés : comme les autres, je cherchais des solutions, et dans mon cas particulier, j’avais beaucoup de mal à les trouver : comment faire, en effet, pour enseigner les méthodes quantitatives avec R à distance, dans des groupes de TD de plusieurs dizaines d’étudiant.es de deuxième année de licence ou de première année de master de sociologie ? Tout ce que nous avions “en présentiel”, était-il possible de le reconstituer à distance : des ordinateurs suffisamment puissants, des logiciels correctement installés, le travail en groupes, l’accompagnement individuel, face aux écrans ?

      Plutôt que supposer que tout cela était possible, nous avons alors choisi, avec mon collègue Olivier Zerbib qui co-anime avec moi ces travaux dirigés, de réaliser un sondage auprès de nos étudiant.es pour essayer d’évaluer leur capacité à suivre des cours à distance. Ce sont les résultats de ce sondage, que nous avons finalement étendu à la totalité des étudiant.es de licence de sociologie de l’Université Grenoble Alpes ainsi qu’aux quelques étudiants du master (SIRS) “Sociologie de l’innovation et recompositions sociales”, que je voudrais vous présenter rapidement dans ce billet.
      Un sondage sur les capacités à suivre des cours à distance ? Encore faut-il pouvoir même y répondre…

      Le questionnaire de cette mini-enquête a été mis en ligne sur Moodle (la plateforme ENT de l’UGA) le jeudi 19 mars, et il est resté ouvert jusqu’au samedi 21 mars à midi. Les étudiant.es ont été invité.es à y répondre par plusieurs messages envoyés là encore par Moodle, et relayés de différentes façons (pages Facebook, forums Discord, emails personnels…) par les enseignant.es et les étudiant.es de sociologie. Le choix de mesurer la capacité des étudiant.es à suivre des cours à distance à partir d’un sondage sur Moodle était délibéré : cela devait permettre déjà tout simplement de déterminer la proportion des étudiant.es qui recevraient le message les invitant à répondre à ce sondage, par un canal ou un autre, et qui arriveraient à y répondre dans Moodle. La non-participation au sondage pourrait de ce fait être tenue comme un indice d’une très grande difficulté à utiliser même les outils les plus simples à notre disposition pour faire cours à distance, et qui sont aussi ceux que notre établissement nous recommande très fortement d’utiliser.

      De ce point de vue, la conclusion est malheureusement sans ambiguïté. Même après avoir restreint la population étudiée à la liste des étudiant.es qui se sont connecté.es à Moodle au moins une fois depuis le début de l’année universitaire, le taux de réponse général au sondage est très faible (voir tableau ci-dessous).

      Seulement 92 des 334 étudiant.es de sociologie ont pu répondre à l’enquête, soit 28% d’entre eux. Et on constate de fortes disparités : les meilleurs taux de réponse sont observés en L2 et M1, et les plus faibles en L1 et en L3. Ce faible taux de réponse ne s’explique probablement pas fondamentalement par des difficultés “techniques” de connexion : ces étudiant.es ont pratiquement tou.tes des smartphones avec des abonnements internet mobiles, et comme on sait qu’ils.elles sont déjà allé.es au moins une fois sur Moodle depuis le début de l’année universitaire, on peut faire l’hypothèse qu’ils connaissent leur identifiant et leur mot de passe.

      La première explication est liée aux variations de leur “implication”, autrement dit du lien qu’ils.elles ont pu maintenir avec les préoccupations universitaires, ou que nous, enseignant.es, avons pu maintenir. Ce sont les fortes variations du taux de réponse en fonction du niveau qui permettent de le penser. Les meilleurs taux de réponse sont en effet observés en L2 et M1, et les plus faibles en L1 et en L3, et cela peut s’expliquer en partie par le fait que le sondage a été transmis aux étudiant.es de L2 et M1 dans le Moodle de cours où ils m’ont comme enseignant ce semestre : cela a pu favoriser leur implication. On note du reste qu’un sondage similaire réalisé par Olivier Zerbib directement dans son cours de “Sociologie de l’innovation” en L3 a reçu 19 réponses sur 24 inscrit.es au cours, alors que le sondage mis dans le Moodle dans le cours de “sociologie des réseaux” du premier semestre n’a reçu que 4 réponses sur 47. Mais il n’en reste pas moins qu’en L1 le taux de réponse est très faible, et qu’en L2, où les étudiant.es ont reçu plusieurs relances par plusieurs canaux pour répondre au sondage, cette capacité à répondre à une demande très simple dans Moodle en moins de trois jours n’est observable que dans à peine la moitié de la promotion. Et en L2, les ayant vu vendredi juste avant la fermeture, Olivier a pu leur recommander très fortement de rester connectés.

      La seconde explication n’est pas liée aux événements. Avant même d’invoquer des difficultés de connexion liées à la crise sanitaire et au confinement, ou la démobilisation, il faut d’abord tout simplement se demander si même avant le début de cette crise, les étudiant.es de sociologie utilisaient Moodle. Or, la date de la dernière connexion permet de voir que c’est loin d’être le cas de tout.es : en réalité, déjà un quart d’entre eux ne s’étaient pas connectés à Moodle depuis le début du semestre.

      Le résultat : une très faible capacité générale à suivre des cours à distance

      De ce qui précède, il ressort que déjà, même en L2 où le taux de réponse a été “élevé”, c’est en réalité à peine la moitié des étudiant.es qui a pu répondre à un questionnaire de 3 questions dans Moodle. Dans les autres niveaux, que ce soit en licence ou en master, ces taux sont bien moindres. Qu’ont-ils.elles répondu, celles et ceux qui sont parvenu.es à le faire ? Pour évaluer la capacité des étudiant.es de sociologie à suivre des cours à distance, trois questions leur avaient été posées, dont vous trouverez les réponses dans les tableaux ci-dessous, calculées en fonction du niveau de licence et de master.
      Une accès basique à internet apparemment correct, mais un accès compliqué aux plateformes nécessitant un débit élevé et un ordinateur fixe.

      Les réponses à la première question sont pratiquement unanimes : en tout cas parmi celles et ceux qui ont pu répondre au sondage, il n’y a en tout et pour tout que 2 étudiant.es qui n’ont pas les moyens d’accéder aux outils les plus basiques, soit la messagerie électronique et Moodle. Par construction, cela dit, on peut estimer que les étudiant.es qui ont pu répondre à ce sondage sur Moodle après avoir reçu un message sur leur messagerie universitaire disposaient par définition de ces moyens élémentaires de travail à distance. Les réponses à cette question démontrent toutefois qu’il reste possible de communiquer avec cette moitié-là de nos étudiant.es via Moodle et la messagerie universitaire, qu’ils.elles peuvent consulter au moins sur leur smartphone.

      Ils.elles sont déjà un peu plus nombreux.ses, une quinzaine sur la centaine de répondant.es, à ne pas avoir les moyens de suivre des cours à distance qui mobiliseraient des outils plus complexes ou plus gourmands en bande passante, comme les outils et plateformes de visio- ou d’audio-conférence. Les très nombreux commentaires libres donnés en réponse à la dernière question du sondage sont particulièrement éclairants de ce point de vue. Ils permettent en effet de prendre la dimension des très nombreuses difficultés qui vont faire obstacle à la possibilité de suivre des cours et de produire des travaux universitaires en utilisant les outils bureautiques habituels : accès à internet seulement avec des abonnements mobiles dont les plafonds sont très rapidement atteints, difficultés à s’approprier des outils instables, pas d’ordinateur, ordinateurs trop anciens ou pas suffisamment puissants…

      Cela dit, il faut en partie relativiser ces difficultés : sur la quinzaine d’étudiant.es indiquant de telles difficultés, il y en a 9 qui sont en L2. Or, cela tient certainement en partie au fait que le sondage leur ait été diffusé dans le Moodle du TD de méthodes quantitatives, et qu’ils.elles s’inquiètent pour l’utilisation de R à distance et le travail de groupe avec ce logiciel, comme en témoignent les commentaires libres.
      Des conditions de travail dégradées pour un nombre significatif d’étudiant.es

      Enfin, et surtout, la dernière question montre qu’on aurait tort de penser que les obstacles sont seulement techniques. En effet, presque la moitié des étudiant.es de sociologie qui ont pu répondre au sondage ne s’estiment pas dans des “conditions matérielles, intellectuelles, économiques et sociales” (on aurait dû ajouter également “psychologiques” dans la formulation de la question) qui leur permettraient de suivre correctement des cours et d’effectuer leur travail universitaire à distance. Là encore, les commentaires libres sont instructifs : pertes des emplois qui leur permettaient de financer les études, horaires des cours incompatibles avec des obligations professionnelles ou familiales, conditions de logement ne permettant pas de s’isoler pour travailler, anxiété, inquiétudes face au caractère inégalitaire de l’enseignement à distance…


      Le tableau ci-dessus indique aussi qu’il faudrait dissocier les réponses pédagogiques à apporter en L1 de celles pour les autres niveaux de formations. Parmi celles et ceux qui ont pu répondre au sondage, ce sont les étudiant.es de première année qui indiquent le plus nettement qu’ils.elles ne sont pas dans des conditions générales qui leur permettent d’étudier à distance. La question reste de savoir s’il faut en conclure qu’il faut renoncer à le faire, ou au contraire qu’il faut prendre le problème à bras le corps pour leur proposer des solutions pédagogiques spécifiques, parce que l’enjeu est crucial et les conséquences sur le taux d’abandon potentiellement dramatiques.
      La continuité pédagogique, à toutes forces ?

      On peut résumer les résultats qui précèdent en un seul tableau très simple, synthétisant les différents critères utilisés pour mesurer la capacité des étudiant.es à suivre des cours à distance. On utiliser pour cela une échelle unique, allant du simple fait de n’avoir même pas pu répondre au sondage sur Moodle (qu’on appellera le niveau 0 de la capacité à suivre des cours à distance), jusqu’à un niveau 3 correspondant à l’absence totale de difficultés à suivre de tels cours.

      La conclusion reste quantitativement sans ambiguïté : seule une très faible minorité d’étudiant.es est parvenue à nous indiquer qu’elle se trouve dans des conditions générales permettant d’étudier correctement à distance. Cette conclusion peut néanmoins être légèrement nuancée selon les niveaux : en L2, un tiers tout de même des étudiant.es ont pu indiquer qu’ils étaient dans des conditions correctes pour étudier à distance, et c’est le cas également de plus de la moitié des étudiant.es de M1 SIRS (voir tableau ci-dessous). On peut aussi redire que dans le cours de L3 de sociologie de l’innovation animé par Olivier, 18 des 19 étudiant.es qui ont répondu au sondage d’Olivier ont indiqué être en capacité de suivre ce cours à distance. Il en reste tout de même 6 (soit un peu plus de 20%) qui ne le peuvent pas, soit parce qu’ils.elles ne sont pas dans la capacité de le faire, soit parce qu’ils.elles y ont renoncé.

      Dans tous les cas, et probablement même dans le cas des L3, ces proportions ne semblent pas suffisantes pour garantir que la mise en place d’enseignements à distance, et a fortiori d’évaluations de ces enseignements à distance, ne produira pas d’importantes inégalités entre des étudiant.es de sociologie dont les commentaires libres témoignent qu’ils.elles y sont particulièrement sensibles. Comment s’en étonner ? D’une part nos étudiant.es n’appartiennent pas forcément aux mêmes milieux sociaux que d’autres composantes de l’université qui ont mis en place des enseignements à distance sans se préoccuper de la rupture d’équité que cela pouvait occasionner. Et d’autre part, cette attention de nos étudiant.es aux inégalités, nous devrions au contraire en être fier.es, puisque c’est aussi notre métier que de leur en montrer et en démonter les mécanismes.

      En tout état de cause, les résultats de ce sondage plaideraient plutôt en faveur des conclusions suivantes :

      Seulement une très faible minorité des étudiant.es de sociologie de l’UGA se déclare pour l’instant en situation de suivre correctement des cours à distance.
      Dans ces conditions, instaurer des cours à distance dont les évaluations participeraient à la validation du second semestre provoquerait une profonde rupture de l’équité entre les étudiant.es.
      La seule mesure générale qu’il est possible de préconiser au vu de ces résultats est la validation de l’ensemble des enseignements dont les modalités de contrôle n’avaient pas été satisfaites à la date de la fermeture de l’université, ou reposeraient sur des connaissances qui devraient être acquises après cette date.
      La traduction la plus simple possible de cette mesure générale consisterait à valider le second semestre pour l’ensemble des étudiant.es ayant validé des UE de premier semestre, de façon à permettre à ces étudiant.es de poursuivre normalement leurs études sans “perdre” un semestre ou un an.

      Ces conclusions n’interdisent bien entendu pas, dans certains cas particuliers et clairement identifiés, de mettre en place des formes d’activités pédagogiques à distance. Il faut peut-être par exemple appliquer des règles différentes en L1 et dans les niveaux suivants de licence, où les effectifs plus réduits et la socialisation plus ancienne aux études universitaires permettent d’expérimenter des formes pédagogiques alternatives.

      En TD de méthodes quantitatives de L2, avec Olivier, nous allons essayer de continuer à accompagner le travail de nos étudiants sur les données de leur belle enquête sur les couples et le numérique (ils.elles venaient de finir d’en saisir les 1759 questionnaires quand nous avons fermé), en nous appuyant sur Moodle et sur Discord. Plusieurs commentaires libres, et nos échanges de la semaine écoulée avec nos étudiant.es, pointent l’importance du rôle socialisateur de ces initiatives développées par certain.es d’entre nous.

      En master au contraire, il peut être tout-à-fait bénéfique de renoncer aux cours magistraux pour permettre aux étudiant.es de se concentrer sur la rédaction de leurs mémoires de recherche (ils étaient en train de terminer leurs terrains) et de stage (si celui-ci a pu être réalisé, ou peut être réalisé en télétravail), en leur proposant des formes d’accompagnement à distance adaptées (forums, rendez-vous par Skype, séminaires d’accompagnement et de méthodologie de la recherche en ligne…).

      On peut néanmoins redire que toutes ces activités pédagogiques à distance devraient au minimum respecter un certain nombre de règles importantes, pour atténuer la rupture d’équité qu’entraîne leur maintien :

      Ces activités devraient avoir principalement pour fonction de maintenir des formes de communication et de socialisation avec celles et ceux des étudiant.es pour qui elles exercent un effet socialement structurant, qui peut être précieux dans ce contexte de crise.
      Ces activités ne devraient pas être évaluées, ou en tout cas ces évaluations doivent avoir une visée purement pédagogique et ne pas conditionner la validation des enseignements.
      En licence au moins, ces activités ne devraient pas se dérouler seulement en direct sur des plateformes de diffusion vidéo ou audio, dans la mesure où de nombeux.ses étudiant.es n’ont pas la possibilité d’être disponibles aux horaires des cours, ou ne bénéficient pas de conditions permettant de les suivre correctement (pas de wifi, pas d’ordinateur, impossibilité de s’isoler…). Il faudrait que les cours puissent être suivis en différé, et donc que les documents à lire et les enregistrements vidéo et audio restent facilement accessibles même après la fin de la séance.
      Ces activités ne devraient pas obliger les étudiant.es à utiliser un nombre trop élevé de plateformes et d’outils différents. Elles devraient centralement utiliser les possibilités offertes par Moodle et à l’intérieur de Moodle. L’expérience de la semaine écoulée a montré que des étudiant.es avaient apprécié l’utilisation de Discord par certains enseignants, même si là encore nous n’avons aucune garantie du caractère égalitaire du recours à cet outil. Dans tous les cas, on devrait éviter de multiplier les outils utilisés, au gré des initiatives individuelles, et on devrait éviter en particulier les outils nécessitant des ressources techniques trop importantes, et a fortiori les outils payants.

      Et pour clore provisoirement cette présentation des résultats de notre petite enquête, on peut également dire qu’en fonction des solutions adoptées, il faudra certainement en observer avec la plus grande attention les effets, aussi bien sur les étudiant.es et leurs cursus, que sur l’enseignement supérieur même et les évolutions des études universitaires dans les mois et les années à venir. Force est de constater que la crise sanitaire en cours, et en particulier le confinement, fabriquent de fait le consommateur et la consommatrice dont rêvaient les plateformes numériques. Et donc peut-être aussi l’étudiant.e dont rêvaient les établissements d’enseignement supérieur : assigné.e à résidence, moins coûteux.se en locaux et en personnels, privé.e de sa capacité à se mobiliser… En nous précipitant sur les outils numériques permettant de faire cours à distance à un nombre très restreint d’étudiant.es bénéficiant de conditions matérielles, économiques et sociales privilégiées, et disposant aussi des capacités socialement construites à l’auto-discipline que nécessitent les auto-apprentissages, on prend le risque de faire croire que c’est possible, sans se demander ni se soucier ce qui est réellement transmis de cette façon, ni à qui. Quand on a ouvert la boîte de Pandore, il est très difficile de la refermer…

      http://pierremerckle.fr/2020/03/la-continuite-pedagogique-vraiment

    • … et il n’y a toujours pas de masques

      Il y a elle ; elle est chez ses parents au fin fond de quelque part, et ne capte pas grand chose, d’un point de vue informatique je veux dire, elle a bien la 3G mais c’est littéralement au fond du jardin.

      Il y a ma compagne ; elle est professeure de français histoire géographie dans un lycée professionnel. Elle a des classes et des élèves. Elle a des « elle » et des « il » aussi. Il faut qu’elle s’en occupe.

      Il y a mon groupe 2 en DIG2 ; il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe, il faut que…

      Il y a lui ; il est réquisitionné et travaille dans l’alimentaire à 125% depuis le début du confinement, il est inquiet pour la suite de ses études.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste.

      Il y a elle ; elle dit que “Nous n’entendons pas demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas, compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser la France entière pour aller récolter des fraises gariguette”…

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a iel ; son père/ sa mère est docteur.e/infirmier.ère, iel est inquiète et a du mal à travailler.

      Il y a ma fille ; elle a 7 ans, cette semaine elle a appris deux nouveaux sons sans sa maîtresse. Elle a besoin de ses parents.

      Il y a mon groupe 1 en découverte 2, il ne faut pas que je les oublie, il ne faut pas que je les oublie …

      Il y a lui ; il est juste inquiet, juste angoissé, il n’a jamais vu ça. Il ne sait pas s’il arrivera à finir son semestre.

      Il y a elles et ils ; iels font la queue devant le magasin de fruits et de légumes, une file étrange au milieu d’une route sans voiture. Eloigné.es les un.es des autres d’un mètre au moins ; iels attendent, iels ne parlent pas.

      Il y a le service public télé et radio qui organise une soirée de soutien pour trouver des sous pour le service public hospitalier… et tout le monde a l’air de trouver ça normal de faire nos fonds de poches pour les services publics que nos gouvernements managérisent, déstructurent, détruisent depuis des années.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle, elle a besoin d’une lettre de recommandation. C’est pour partir à l’étranger l’année prochaine. Ah. C’est bien, il y aura une année prochaine…

      Il y a ma fille de 11 ans ; elle a des devoirs tous les jours. On n’a pas d’imprimante alors elle recopie ses leçons à la main. Elle râle un peu mais ça va. Elle a besoin de ses parents.

      Il y a mon amphi de L1 ; il faut que je transforme mon CM en chapitre de livre, il faut que je transforme mon CM en chapitre de livre, …

      Il y a ce mail là, un peu bizarre pour une réunion le 3 juillet…

      Il y a iel ; iel ne comprend pas comment compléter des diaporamas sans support de cours et juste avec des liens internet… moi non plus. Je ne sais pas trop quoi lui dire, ce n’est pas mon cours.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste. Il y a un temps à la fois long et court, bref et étonnamment élastique.

      Il y a les cloches qui sonnent huit heures, on va applaudir sur le balcon toustes celles et ceux qui luttent pour sauver des vies.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle ; par chance elle a pris une UE de sport ce semestre. Cette UE est considérée comme acquise.

      Il y a mes parents ; iels sont âgé.es. Je suis inquiet et j’ai besoin de mes parents. Il y a mon groupe 6 en DIG2, il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe, il faut que…

      Il y a lui, par malchance il y pris une ETC disciplinaire comme « égalité femmes hommes » par exemple et doit quand même rendre quelque chose.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste. Il y a un temps à la fois long et court, bref et étonnamment élastique. Il y a les informations qui hantent nos journées.

      Il y a le président ; il a l’air de trouver que finalement l’hôpital c’est pas mal et que ça vaut le coup d’investir dedans.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle ; elle est dans la réserve sanitaire, mobilisable à tout moment. Il y a lui ; il est dans la réserve militaire ; il est mobilisable à tout moment.

      Il y a ma fille ; elle a 13 ans, ses enseignant.es du collège ont pris leur rythme de croisière, elle travaille au moins 5 heures par jour. Elle a besoin de ses parents. Il y a lui ; ils sont à cinq dans un petit appartement, il y a un PC, le papa travaille en télétravail, la maman travaille en télétravail, son frère fait l’école à la maison et ses cours arrivent par internet et sa sœur fait l’école à la maison et ses cours arrivent par internet. Et puis il y a celui qui n’a qu’un téléphone dans sa chambre de 11m² du CROUS.

      Il y a mon groupe de Géo & média, il ne faut pas que je les oublie, il ne faut pas que je les oublie …

      Il y a elle ; elle m’envoie un courriel pour me dire qu’elle est en quatorzaine dans sa chambre ;

      Il y a chamilo, un jour je le ferai griller au-dessus d’un feu de bois ou dans une cheminée,

      Il y a les questions nombreuses qui affluent par courriel : et le confinement ? monsieur, s’il se prolonge ? et les notes monsieur ? comment on fait ? monsieur on n’a pas de nouvelle d’untel ? monsieur, monsieur ?

      Il y a mon groupe 1 en découverte 2, il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe…

      Et il y a les miennes de questions. Pourquoi on continue de faire comme si c’était normal ? Comment on va gérer tous les « il » et toutes les « elle » qui se multiplient ces derniers jours et qui ne pourront pas être traité.es comme toustes les autres ?

      Et pour les stages ? il y a elle ou lui qui l’ont déjà et il y a elle ou lui qui ne l’ont pas fait ; comment les noter équitablement ? et quand est-ce qu’on décide d’arrêter la mascarade et d’annoncer que l’année est terminée ? et quand est-ce qu’on admet qu’on n’était pas prêt ? et que ce n’est pas grave ? et qu’en est-ce qu’on arrête le délire sur les maquettes et que l’université nous dit que « c’es bon » on décale tout de trois mois…

      Et quand est-ce qu’on arrête de faire semblant, de faire comme si tout était normal alors que pas grand choses ne l’est en ce moment…

      Et puis, il y a Jérôme Salomon qui prend la parole et qui compte les morts…

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      https://academia.hypotheses.org/21695

    • Message d’une promo de l’IUGA à Grenoble :

      Suite à de nombreux échanges entre nous, vous voulons vous faire part de notre avis sur la situation actuelle et les différents travaux demandés.
      Tout d’abord, nous sommes conscients que la période que nous traversons est autant difficile pour nous que pour vous. Cependant, les projets notés que nous devons vous rendre ne semblent pas en adéquation avec ce que nous vivons, et nous voulons vous faire part de notre inquiétude. En effet, nos conditions de travail en cette période de confinement sont toutes très différentes, certains n’ayant plus d’espace de travail approprié, un accès à un internet limité et les différentes ressources auxquelles on peut accéder (bibliothèques, espaces de travail...) étant fermées.
      A des fins égalitaires, il nous paraît injuste de nous noter sur un même piédestal. De plus nous ne reconnaissons pas l’aspect pédagogique de certains travaux, nous avons l’impression de travailler sans rien apprendre, bien loin de la fonction principale d’une université. Nous avons peur que ces notes soient préjudiciables pour la suite de nos études.
      Nous savons que la situation est loin d’être évidente pour vous également mais il nous paraissait important de vous faire part de la situation qui préoccupe l’ensemble de la promo, mais également le corps enseignant de part l’appel a la grève promulguée par certains de vos collègues que nous rejoignons (notamment par la lettre de Sébastien Leroux « Il y a iel » : https://academia.hypotheses.org/21695).
      Par conséquent, et compte tenu de cette situation inédite ne permettant pas une évaluation équitable entre les étudiants, nous souhaiterions une organisation différente nous permettant d’être évalué sur nos réelles capacités (comme ce fut le cas lors du premier semestre) et non sur des travaux n’ayant pour seul but le remplissage d’un bulletin qui n’aura aucune réelle valeur pédagogique.

    • Ma réponse à mon collègue Sébastien Leroux (https://academia.hypotheses.org/21695) :

      Et puis… la colère, et puis …la peur

      « En lisant le texte de mon collègue Sébastien, je me demande comment il fait et comment font mes collègues enseignant·es à la fac qui ont beaucoup de cours à donner ce semestre. Par chance, mon semestre est chargé en automne, mais beaucoup moins au printemps.

      Et je n’ai pas d’enfants. Nous accueillons chez nous à la maison un demandeur d’asile, mais il est majeur, autonome et est surtout une aide… Il nous fait souvent à manger, il nous aide dans les tâches ménagères et aide mon compagnon à terminer les petits travaux qui restent à faire dans notre nouvel appartement.

      Malgré ma situation décidément privilégiée, je n’arrête pas. Il y a des étudiant·es étrangères dont je m’occupe en tant que responsable du master international que je dirige et qui sont en difficulté. Cela m’a pris beaucoup de temps. Mais en réalité, ce n’est pas vraiment cela qui me prend plus de temps. Et ce n’est pas cela qui m’empêche d’avoir du temps et de l’énergie. C’est la multiplication des mails de gestion administrative de la crise. Et ce sont des pensées qui trottent dans la tête, en ces temps bien étranges. Car, comme me l’a dit hier une collègue, on voit tellement clairement avec cette crise qu’on a tout un arsenal prêt pour une guerre, la « vraie guerre », pas celle contre l’ « ennemi invisible » de Macron… On a une armée et des soldats, des bombes, on a mis en place des tactiques et des stratégies… Mais rien pour contrer ce virus, dont son émergence était tout de même « annoncée », comme le dit si bien le microbiologiste Sansonetti ; on est complètement démuni·es. Seule solution : le confinement. Seule solution car il n’y a pas de tests de dépistages, il n’y a pas de masques et il n’y a pas assez de lits dans nos hôpitaux, que les gouvernements successifs ont démantelé, brique par brique.

      Et la colère monte, en pensant à cela. C’est cette colère qui m’empêche de me concentrer. Et qui me pousse à faire ce que fais en temps « normaux », mais ce travail prend désormais plus de temps car aux thèmes habituels s’ajoutent ceux liées à la crise sanitaire : prendre et archiver des infos, les partager. En « temps normaux », je fais ce travail sur mes thèmes de recherche : migrations, réfugiés et frontières. Mais désormais s’ajoutent à cela des infos sur ce virus et cette crise sanitaire, pour que l’info critique puisse circuler. Alors je trie l’info, je la mets sur mon réseau social préféré et sur lequel j’archive des infos depuis des années : seenthis.net. Et en plus, je partage l’info avec celleux qui m’ont dit vouloir se tenir informé·es par des canaux autres que ceux gouvernementaux ou des médias mainstream.

      Du coup, j’ai créé un fil sur seenthis sur la maudite continuité pédagogique, car en tant qu’enseignante, c’est parmi les thèmes qui m’agacent le plus.

      Mais il y a aussi cette autre question, très peu traitée par les médias, celle du lien entre confinement et violences domestiques, dont se préoccupent pas mal de personnes autour de moi, mais dont on parle très peu, en réalité. Car le mot d’ordre est « restez chez vous ». Mais quand le « chez soi » n’est pas un refuge mais un condensé de violence, quoi faire ? Et quand, à vrai dire, on n’a pas du tout de chez soi ?

      (…)

      Et puis, dans notre amap, c’est la trêve hivernale pour notre maraîcher. Pas de légumes, jusqu’au mois de mai. Trop difficile, une vie sans les légumes d’Yvan. Et alors, j’essaie d’organiser un moyen pour ne pas devoir me rendre dans les supermarchés où je ne vais plus depuis que je suis arrivée en France… Il y a un « plan légumes via notre amap ». J’y adhère, je partage avec des ami·es qui, elleux aussi, sont à la recherche de légumes. C’est parti, petit tableau pour regrouper les commandes, organisation de la distribution…

      Tout cela, ça prend du temps. Mais c’est ce qui me donne de la vie et de l’énergie en ces temps de confinement. Confiné·es, mais pas isolé·es. Et alors j’essaie de me dire que c’est une chance peut-être de pouvoir s’organiser autrement, de pouvoir trouver d’autres liens. On peut enfin apprécier une ville sans trafic motorisé. Et ça fait du bien, oh que ça fait du bien ! Je me dis, parfois, qu’il y a de l’espoir… c’est peut-être une chance. Pour repenser notre monde. Un jour, peut-être, on dira « merci coronavirus ». Les gens ont enfin compris que l’hôpital public, c’est essentiel. Que nos maraîchers et maraîchères, sont essentiels. A la survie. A la vie.

      Mais souvent, c’est la peur qui me prend à la gorge. Non pas la peur de ce virus, malgré les nouvelles inquiétantes qui nous arrivent d’Italie, que j’ai commencé à suivre bien avant mes ami·es et collègues ici en France. Je savais que ça allait arriver ici aussi. Cela semble se confirmer : 11 jours de retard sur l’Italie. 11 jours. Et tout sera comme en Italie. Et les nouvelles de Bergame, ça fait peur. Je ne sais pas si le fait d’être de langue maternelle italienne est une chance ou pas, dans ces conditions. Je ne l’ai pas encore compris.

      La peur, je disais… La peur qu’en réalité, dans l’après covid-19, on se réveillera et ça fera mal. La peur que ce que Naomi Klein décrivait pour l’Irak, est en train de se passer ici et maintenant. En Europe, en 2020. La stratégie du choc. C’est cela, la peur qui me prend à la gorge. C’est cela qui m’empêche de penser à ce que je dois faire comme si « tout était normal ». C’est cette peur qui ne me fait pas croire à la « continuité pédagogique ». Pour moi, un seul cours à assurer (et l’appui à un autre), mais je n’arrive pas à m’y mettre vraiment. Pourtant, pour ce cours, les étudiant·es sont là, présent·es. Ielles travaillent et s’y mettent. Avec ma collègue nous avons adapté le cours, et ça a l’air de marcher. Je n’avais pas de nouvelles d’un sous-groupe, j’étais inquiète. Après quelques jours, j’arrive à atteindre les étudiants du groupe, une personne sans internet dans le groupe. Et tout s’écroule. Mais il va bien. C’est ce qui compte. On adaptera. On ne pénalisera pas. Mais j’ai cette étrange impression que ces étudiant·es de L3 GES sont bien plus présent·es que moi. Ou alors ielles jouent. The show must go on. Continuité pédagogique oblige. Je ne sais pas si ielles font semblant ou si ielles y croient vraiment à ce beau projet qu’on était en train de construire ensemble : améliorer l’offre alimentaire des étudiant·es de l’IUGA. Je pense qu’ielles y croient et c’est pour cela qu’ielles sont là, présent·es. Ou peut-être ielles ont juste peur de ne pas avoir les crédits à la fin de l’année. Je pense qu’on ne le saura jamais. Mais je leur suis vraiment très reconnaissante, car ielles me motivent à ne pas lâcher. A les accompagner. On se donne tous les vendredis RV sur Discord. Et ça marche. Parce qu’ielles sont là au RV. Là avec leurs idées et leur envie d’avancer. Juste pour cela, ielles méritent une bonne note. Une belle leçon. »

      https://www.modop.org/se-relier/#29mars

      Le texte complet : https://www.modop.org/wp-content/uploads/2020/03/Et-puis-la-col%C3%A8re-et-puis-la-peur.pdf

    • Lettre ouverte adressée au président de l’université Savoie Mont Blanc par des étudiant.e.s mobilisé.e.s, à travers le syndicat Solidaires Etudiant-es, 31.03.2020

      Monsieur le Président de l’Université Savoie Mont Blanc,

      Le syndicat Solidaire Etudiant·e·s Savoie a pris l’initiative de créer un questionnaire à destination des étudiant·e·s sur la situation actuelle de la crise sanitaire et sociale. Le but de celui-ci est d’identifier les problèmes rencontrés par les étudiant·e·s durant cette période exceptionnelle de confinement pour tou·te·s, en se basant aussi bien sur l’aspect matériel que psychologique. Nous vous adressons donc aujourd’hui, Monsieur le Président, une lettre pour vous faire état de cette situation. 
Nous avons conscience que cette période apporte beaucoup d’inquiétudes, de questions et que les réflexions à distance sont compliquées. Cependant, nous souhaitons faire entendre les voix des étudiant·e·s. Le confinement nous oblige à modifier le déroulement de la fin de ce second semestre tant pour la continuité pédagogique que pour les examens qui devaient se tenir entre le 27 avril et le 16 mai 2020. Les craintes étudiantes concernant les modalités d’évaluation sont plus que présentes. C’est pourquoi nous vous demandons de prendre en considération les conséquences que pourrait avoir le maintien des examens. Aussi, ce questionnaire n’a aucune vocation scientifique ; il a été créé dans l’urgence et en réponse au questionnaire envoyé par la direction LLSH de l’USMB, que nous jugeons insuffisant puisque la seule dimension technique (connexion internet, ou pas) y est abordée. Pourtant, c’est loin d’être l’unique difficulté rencontrée. D’autres facteurs sont tout autant importants, à commencer par l’aspect psychologique, non négligeable, qui compte de cette situation inédite.

      Nous avons voulu connaître la situation des étudiant·e·s. C’était donc le but de notre questionnaire qui a été mis en ligne entre jeudi 26 mars et lundi 30 mars 14 heures. Il a été clôturé temporairement pour nous laisser le temps d’analyser les 808 réponses récoltées à l’heure de ces lignes. Nous le remettrons en ligne suite à la demande de plusieurs personnes. Les questions portent sur les conséquences du confinement ; l’état émotionnel, l’organisation personnelle dans la continuité pédagogique, sur les difficultés à suivre les cours à distance aussi bien au niveau des problèmes de matériel, de connexion qu’au niveau de la mise en place d’un environnement de travail approprié pour étudier.

      Dans un premier temps, nous pensons qu’il est important de souligner le taux d’inquiétude, de stress et d’angoisse incroyablement élevé des étudiant·e·s. En effet, à la question « êtes-tu angoissé·e, stressé·e, inquièt·e ? » 74,6% ont répondu par l’affirmative. Ce niveau d’angoisse extrême est facilement explicable par la crise sanitaire que nous vivons et beaucoup l’ont développé : la peur de tomber malade ou bien qu’un proche le soit a envahi leur quotidien. Face à ce taux particulièrement haut, nous avons cherché à savoir qu’elle était la source de cette inquiétude à travers les études. Le plus évident est d’abord la validation de leur année (506 personnes sur 808 se sentent concernées) mais également les concours reportés (170 sur 808). L’angoisse vis-à-vis des examens s’accroît d’autant plus avec les conditions de travail à la maison, qui ne garantissent pas l’égalité des chances. Certain·e·s étudiant·e·s doivent assurer la continuité pédagogique de leur·s frère·s ou soeur·s en plus de la concentration demandée pour leurs propres études. De même, les conditions de travail sont radicalement changées et ce malgré la volonté des professeur·e·s de bien faire : débit internet insuffisant, partage d’ordinateur avec les autres membres de la famille notamment pour le télétravail, impossibilité d’avoir un endroit au calme et de pouvoir travailler sans être dérangé·e, activités professionnelles qui continuent dans la grande distribution par exemple donc dans des lieux à risques ce qui engendre une inquiétude en plus et une méfiance parfois. Travailler chez soi est difficile pour beaucoup. Sur 808 étudiant·e·s, seulement 176 ont la possibilité de suivre correctement leurs cours, soit 21,8%, ce qui ne représente qu’un cinquième des étudiant·e·s sondé·e·s. C’est peu et insuffisant pour permettre la tenue d’examens en de bonnes conditions. Les étudiant·e·s sont également anxieux·ses face au report des examens ; vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup sont obligé·e·s de travailler dès les mois de mai ou juin pour assurer une stabilité financière qui leur permettra d’avoir des conditions de vie décentes (567 étudiant·e·s sondé·e·s sur 808 soit 70,2% déclarent qu’un report des examens aurait des conséquences financières dramatiques pour eux·elles)
Un report des examens en présentiel ne ferait que renforcer le statut déjà précaire des étudiant·e·s. 
Les inquiétudes sont aussi tournées vers les conséquences de cette situation sur les sélections en master, la mobilité étudiante ou encore les stages et concours reportés.
      Nous demandons des décisions à la hauteur de la situation actuelle, égalitaires et équitables pour tou·te·s et surtout qui élimineraient les différents problèmes mentionnés ici.

      Monsieur le Président, nous voulons sincèrement croire en votre « sincère et fidèle soutien dans la situation particulière que nous traversons ». Mais les effets de manche ne suffiront pas aux étudiant·e·s : les actes doivent suivre les discours. Ainsi, vu la situation sanitaire et sociale d’un bon ensemble de vos étudiant·e·s, les modalités d’évaluation classiques ne pourront pas s’appliquer.
      Premièrement, nous demandons la suppression des évaluations en contrôle continu (en ligne) durant la période de confinement et de fermeture de l’Université. Ensuite, en ce qui concerne les contrôles terminaux : un report des examens durant les mois de mai ou de juin, en présentiel, est inconcevable pour différentes raisons : certain·e·s n’auront pas la possibilité de se loger en mai et juin, d’autres se sont déjà engagé·e·s dans des responsabilités professionnelles, familiales ou associatives. Un report des examens en présentiel impliquera de facto des conséquences financières et logistiques nuisant à beaucoup. Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’enseignement pédagogique à distance n’est pas possible pour tout un ensemble d’étudiant·e·s, malgré la bonne volonté des différentes équipes pédagogiques. Une évaluation terminale, sur des contenus et relations pédagogiques fragiles de part la distance, que certain·e·s n’auront pas vécu·e·s, est donc totalement incohérente.
      Pour ce même objet, l’alternative numérique est un danger. Nous implorons donc à chacun et chacune ne pas céder à quelque démagogie ou essentialisme que ce soit : non, les « jeunes » ne préfèrent pas, par nature, l’usage du numérique. Si elle peut apparaître comme une solution par défaut, nous y voyons au contraire un outil excluant bon nombre d’entre nous.

      Mais alors... quelles solutions ? Nous demandons la validation de tous les enseignements dont les modalités de contrôle n’ont pas été faites avant la fermeture de l’Université. La condition sine qua non de cette mesure est l’établissement d’une note plancher de 12 pour toutes et tous, ou en fonction des notes correspondantes à celles des UE du premier semestre ou alors la validation automatique. Pour les étudiant·e·s en rattrapages, une solution devra être proposée, en prenant considération des contraintes de ce second semestre.
      Cette modification administrative concernant les notes et la validation du semestre ne signifie pas la fin de la continuité pédagogique, bien au contraire. Beaucoup d’équipes pédagogiques font des efforts considérables pour permettre à toutes et tous d’avoir des éléments et ressources pédagogiques. Nous demandons que cet effort soit maintenu, et que les échanges pédagogiques perdurent.

      Nos sincères salutations,

      Solidaire Etudiant·e·s Savoie

      –-> reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • Lettre écrite à l’initiative de plusieurs enseignant.e.s du département des sciences de l’éducation de Paris8

      Bonjour à tous et toutes,
      Nous sommes quelques enseignant·e·s de l’UFR de sciences de l’éducation de l’université
      Paris 8 à nous poser des questions sur ce qui nous arrive et nous tenons à partager avec
      vous nos interrogations.
      Nous voici confiné.e.s pour au moins quinze jours, mais probablement le double si l’on en
      croit les expériences du Hubeï ou d’Italie.
      Nous sommes passé·e·s d’une vie publique et politique intense à une vie resserrée sur
      l’espace domestique. Pourtant rien ne cesse vraiment de nous indigner.
      Paraît-il que les journalistes se sont organisé·e·s pour assurer la « continuité de
      l’information » et nous voici avec un flot continu de discours sur l’évolution à la minute de
      la pandémie, la réaction de nos politiques en temps réel et les soubresauts de la bourse,
      tout ceci bien enrobé « d’unité nationale ». Alors à nous tous et toutes, professionnel·le·s
      de l’éducation de la maternelle à l’université, de prendre nos responsabilités pour assurer
      la « continuité pédagogique » et de faire vivre cette « nation apprenante » dont on voit mal
      ou trop bien (c’est selon) ce qu’elle peut bien signifier ! Nous savons tous et toutes que les
      plus vulnérables seront les plus touché·e·s par le virus, mais aussi par la nécessité
      d’assurer toutes formes de continuité, de s’occuper des proches, de gérer le quotidien.
      La grève prend ainsi une drôle de tournure dans un moment où la défense de nos services
      publics et une plus juste répartition des richesses semblent d’une brûlante actualité. Il ne
      s’agit évidemment pas de contester la décision de confinement mais de ne pas cesser
      d’être critiques et solidaires parce que nous avons cessé de sortir et de nous réunir. Il ne
      s’agit peut-être pas non plus d’assurer une « continuité de la grève » plutôt qu’une
      continuité pédagogique… mais peut-être d’accepter la rupture !
      Cessons de tenter de télé-travailler, tout en essayant de télé-enseigner, de télé-s’éduquer,
      de télé-s’angoisser les un·e·s les autres. Partageons plutôt des ressources, des attentions,
      des idées, des sourires, des réflexions, des lectures...
      Cette année a été chamboulée et tout ne sera pas rattrapé, quelle que soit la date de
      sortie de confinement. Les mouvements sociaux suspendus en plein vol n’ont pas perdu
      de leur pertinence, bien au contraire. La lettre d’un chercheur travaillant sur le coronavirus
      et exposant ces difficultés récurrentes à obtenir des financements pour ses recherches au

      cours des dernières années en est un exemple frappant. Il s’agira donc d’en tenir compte
      et d’avancer à partir de ces données. Peut-être arriverons-nous à trouver les espaces pour
      nous demander collectivement ce que nous avons appris de cette drôle d’année et la
      manière dont ces apprentissages résonnent avec nos projets individuels et collectifs.
      Peut-être arriverons-nous à penser et mettre en oeuvre une université de service public qui
      soit une réelle institution des communs.
      En définitive, nous refusons fermement :
      ● De passer de la grève à la continuité pédagogique sans nous interroger sur ce que
      cela signifie.
      ● Que l’on continue à nous faire croire que notre société peut persévérer dans ses
      routines de vitesse, de performance, de résultats et de compétition généralisée.
      C’est ce qui se joue derrière les injonctions faites aux enseignant·e·s et aux parents
      de continuer l’école à la maison, au détriment des foyers les moins équipés et des
      familles les moins familières de la culture scolaire. C’est ce qui se joue également
      dans l’injonction faite aux élèves et aux étudiant·e·s de continuer à étudier sans
      tenir compte de la grande précarité de certaines situations.
      ● De faire comme si les élèves et les étudiant·e·s pouvaient passer les examens de
      fin d’année comme si de rien n’était alors qu’ils et elles sont matériellement et
      culturellement dans une situation d’inégalité face à l’offre d’apprentissage à
      distance proposée par le ministère de l’éducation et par les universités.
      ● De répondre à l’injonction de télé-enseigner alors que nous nous occupons de nos
      enfants et de nos proches, fonction dont on sait que, socialement, elle incombe
      surtout aux femmes.
      ● De demander à nos élèves et étudiant·e·s de répondre à l’injonction de télé-étudier
      alors que certain·e·s sont dans des situations de précarité, ont des familles à
      charge, n’ont pas cessé leur activité salariée ou dépendent de parents qui n’ont pas
      le temps de les aider à prendre en main les outils numériques.
      ● De taire nos critiques au nom d’une prétendue solidarité qui arrive bien tardivement
      dans le quinquennat présidentiel !
      Nous voulons pouvoir parler de ce qui fâche : l’avenir de nos sociétés mondialisées
      néo-libérales et celui de nos démocraties qui, les unes après les autres, renoncent aux
      libertés fondamentales pour faire face à l’épidémie.
      À partir de là et poing à point contre les inquiétudes, nous voulons adresser les messages
      suivants à nos étudiant.e.s :
      ● La priorité est au soin de soi et de ses proches (idée : une carte des solidarités -
      sans se mettre en danger !)
      ● Si vous rencontrez des difficultés particulières face à cette situation de confinement,
      des professionnel·le·s et des militant·e·s sont disponibles par mail et par téléphone
      pour répondre à vos questions et besoins : violences conjugales (appeler le 3919 – Il
      est déconseillé de sortir, mais il n’est pas interdit de fuir), problème de logement,
      situation de travail, éventuelles questions sur le droit de retrait (lire par exemple le
      communiqué de solidaires étudiant·e·s ).
      Vous pouvez évidemment vous confier aux enseignant·e·s en qui vous avez confiance. Ils
      et elles feront de leur mieux pour vous aider et/ou vous orienter vers les personnes
      compétentes.
      ● Nous tenterons, quoiqu’il arrive, de rester en contact mais sans pression de part et
      d’autre. Nous restons joignables à nos adresses mails et ferons au mieux, avec tout
      ce que nous avons à gérer de quotidien, pour y répondre avec précision.
      ● Le semestre sera validé pour tous les étudiants et toutes les étudiantes qui suivent
      nos cours. Les modalités se discuteront collectivement autant que faire se peut, mais
      chaque enseignant·e·s reste décisionnaire pour les cours qui le concernent.
      Des enseignant·e·s de l’UFR SEPF - Université Paris8.

      –-> reçue le 30.03.2020 via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • « Des gens vont mourir, mais il faut que tu passes ton bac »

      Les mots sortent avec difficulté. Le constat est douloureux. « Je suis dépassée », confie Milouda, 51 ans, une femme de ménage qui élève seule ses deux enfants de 11 et 18 ans en Ariège. Elle continue de travailler à un rythme réduit. Comme tous les élèves de France, son fils, qui est en sixième, a du travail à faire. Et cela au nom de la sacro-sainte « continuité pédagogique » voulue par Jean-Michel Blanquer, au mépris des multiples réalités sociales des familles.

      La mère explique que ses difficultés à faire la classe à la maison sont imputables, entre autres, à sa mauvaise maîtrise de l’informatique. Elle dispose d’une tablette mais « n’y arrive pas » et ne possède pas d’imprimante. Il lui est donc difficile de suivre les consignes des enseignants, eux-mêmes assez absents. Une fois, en ces deux semaines, un enseignant a donné un cours d’histoire-géographie à distance. Il s’agit du seul contact que Milouda et son fils ont eu avec le corps enseignant.

      La situation semble inextricable. Cela génère tensions et souffrances pour la mère et son fils. « Je suis à bout, j’ai lâché, je ne peux plus rien faire, on ne fait plus rien du tout. Je n’arrive pas à lui expliquer les cours. Je me sens impuissante de ne pas pouvoir faire d’autres exercices. J’ai du mal à avoir les devoirs aussi, car je n’ai pas le matériel. Comme je suis arrivée tard du Maroc, je n’ai pas le niveau et je ne sais pas quoi faire. Mon fils ne se sent pas bien, il se dit qu’il est nul », soupire Milouda. Son fils sait accéder à l’espace numérique de travail (ENT) seul mais c’est tout.

      Alors, elle veut témoigner pour alerter sur sa situation et celle d’autres familles dans son cas. Elle veut raconter à quel point cette configuration est injuste pour une population modeste déjà oubliée. Milouda doit tout assumer seule, sans aide. « Je me sentais déjà larguée, il fallait que je me batte pour beaucoup de choses. Là, il n’y a rien de pire, on est des sacrifiés. Déjà qu’on avait l’impression que tout le monde se fout de nous… »

      Nordy Granger, responsable de l’association Sorosa, dans la Drôme, connaît les difficultés induites par l’école à distance. Elle accompagne des jeunes mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs étrangers scolarisés en lycée professionnel ou en centre de formation d’apprentis (CFA) éventuellement. Les mineurs sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il a fallu là encore s’organiser pour faire face à l’école à distance, particulièrement délicate en filière professionnelle.

      « Au début, raconte la responsable, la première semaine, il y a eu un cafouillage, la continuité pédagogique n’a pas été tellement mise en place. Puis, il y a eu une accélération. Les profs ont envoyé des devoirs par mail. »

      Depuis le début de la fermeture des établissements scolaires, il y a deux semaines, des difficultés techniques sur les plateformes officielles de travail à distance ont obligé les enseignants à faire preuve de créativité. Certains ont conçu des groupes WhatsApp. D’autres envoient simplement des consignes et exercices par courriel. Un peu trop parfois.

      Un jeune s’est retrouvé aussi avec 40 pages de travail, avec un rendu la semaine suivante.

      Certains élèves n’ont pas d’adresse mail, d’ordinateur, Internet ou de smartphone. Les éducateurs du département n’ont pas le droit de se déplacer. « Personne ne savait comment procéder. Pour les familles exilées, c’est compliqué. Parfois, elles ne parlent pas français. S’il y a un grand frère ou une grande sœur adolescente qui parle français, il ou elle va expliquer ce que les petits doivent faire. S’il n’y a pas de grands, cela signifie que les petits ne vont pas faire de devoir tout le temps du confinement ? Vont-ils redoubler ? », s’interroge encore Nordy Granger.

      Elle explique qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Certains sont francophones mais ont des difficultés à l’écrit et besoin d’un enseignant pour tout comprendre. « Les éducateurs font tout ce qu’ils peuvent, ils sont eux-mêmes en télétravail, ils essaient d’aider par téléphone. Les enseignants de français langue étrangère, le FLE, appellent les élèves pour discuter avec eux et les rassurer. Mais c’est un tel chantier… »

      Alors l’association a décidé de tenir une permanence le mercredi et le samedi, en respectant les règles sanitaires et en filtrant l’accès au local, personne par personne. Ainsi une adolescente de 14 ans est-elle venue faire ses devoirs dans le petit bureau de la permanence, car elle vit dans un squat sans ordinateur.

      Nordy Granger s’inquiète de ces bouleversements de la scolarité, même s’ils sont indépendants de leur volonté. Quid des diplômes ? Comment vont faire les élèves en apprentissage pour valider leur cursus alors que les entreprises – hors BTP – sont à l’arrêt ?

      Elle craint que cela les pénalise pour obtenir un titre de séjour, lequel est conditionné par « suivi réel et sérieux de leurs études ». Or, s’il est écrit que le demandeur n’a pas fait d’effort pour suivre les cours dans son bulletin du troisième trimestre, la préfecture pourrait bien refuser sa délivrance.

      De son côté Aurore, mère de deux enfants, enceinte du troisième et proche du terme, joue de malchance. L’ordinateur familial a planté. Il n’est pas possible de le faire réparer ni d’aller en acheter un nouveau, faute d’avoir le budget et de pouvoir se rendre dans les magasins. Ses enfants, respectivement en sixième et en troisième, se débrouillent avec les smartphones de leurs parents.

      Seulement, il est difficile d’aller sur Pronote, l’une des plateformes utilisées pour l’école à distance, sur un simple téléphone. « Nous avons accès à tous les cours mais impossible d’être évalués », résume Aurore.

      L’école française se distingue pour sa propension à nourrir les inégalités qui la traversent. Ce moment inédit qui voit 12 millions d’élèves suivre leurs cours à distance met au jour ce que tous les observateurs du monde scolaire s’échinent à dénoncer. L’école est loin d’être aveugle aux différences sociales et, pire, elle ne fait pas grand-chose pour les corriger.

      Le ministre de l’éducation nationale l’a reconnu mardi 31 mars sur CNews. Selon Jean-Michel Blanquer, il y a « un grand risque » que la situation actuelle « creuse les inégalités » entre les familles qui ont la possibilité de faire la classe à la maison et les autres. Il a estimé qu’entre 5 et 8 % des élèves ont été perdus par leurs professeurs, qui ne peuvent pas les joindre depuis deux semaines.

      Pour lutter contre cela, un accord a notamment été passé avec La Poste, qui « va permettre à chaque professeur d’envoyer à partir de son ordinateur un document imprimé à un élève qui n’a pas d’équipement numérique ou qu’il n’a pas réussi à joindre autrement », a-t-il détaillé. Des tablettes peuvent être distribuées par des collectivités locales ou des associations aux familles qui n’ont pas d’équipement informatique, a promis le ministre.
      Le système D prévaut

      En attendant, pour les familles comme pour les enseignants, le système D prévaut.

      Virginie*, professeure des écoles dans une école Réseau d’éducation prioritaire (REP) à Pantin, en Seine-Saint-Denis, a fait en sorte de contourner les difficultés des familles de sa classe et a scanné un maximum d’exercices pour faire écrire les petits de CM2. Elle regrette simplement de n’avoir pas pensé à donner des crayons de couleur et des feutres aux élèves les plus démunis, car elle leur a aussi demandé de colorier des cartes et n’est pas sûre que tous possèdent le matériel idoine. Mais dans la précipitation, elle a paré au plus urgent.

      Depuis le début du confinement, Julien enseignant dans le Morbihan, s’occupe de sa classe de CM2 et de ses filles. Comme sa collègue de Pantin, il a veillé à limiter au maximum le stress. Il sait que des familles dysfonctionnent et que mettre une trop grande pression aux petits pourrait créer des conflits dans des foyers déjà violents. Certains n’ont pas d’équipement numérique ou pas de réseau internet. Il a donc évincé tout exercice nécessitant une imprimante et a privilégié les ressources gratuites et activités ludiques. Il fait écrire ses élèves « pour qu’ils ne perdent pas tout ».

      Parce qu’il sait aussi que la réalité scolaire, plus que jamais, est conditionnée par le milieu social des enfants.

      « Je fais attention au vocabulaire que j’emploie dans mes consignes pour ne pas utiliser le jargon pédago incompréhensible pour le commun des mortels. Malgré tout, plein de parents m’écrivent, car leur enfant pleure tous les jours et ne veut rien faire. Je leur dis de le laisser appréhender la situation car c’est incroyable ce qu’on vit. »

      La responsable de l’association Sorosa a contacté les enseignants, « bienveillants » pour leur demander de restreindre les demandes d’impression, « car on ne sait pas comment on va se procurer de l’encre quand on n’aura plus de réserves. Et surtout, on a envie de leur dire d’arrêter de mettre la pression aux élèves ».

      Pour sa part Milouda se débrouille malgré le confinement et réussit à se rendre chez un camarade de son fils, à deux kilomètres de là. « Le problème, c’est que son beau-père est raciste, il refuse que je vienne. Alors, j’y vais très tôt, avant qu’il ne se réveille, je récupère des devoirs que me donne la maman par la fenêtre. Mais elle ne peut pas tout imprimer car elle aussi est en rade. » Mais c’est déjà ça.

      Milouda est inquiète, car son fils a déjà des difficultés à l’école. En temps normal, il fréquente l’aide aux devoirs. Un soutien appréciable mais inaccessible aujourd’hui. « En milieu rural, il n’y a pas de MJC, pas de service public. Il n’y a rien pour les ados, pas de solidarité », regrette-t-elle.

      Des difficultés dans toutes les familles

      Des parents, mieux armés, font eux aussi part de leurs difficultés à assurer la mission qui leur est dévolue. À tel point que la FCPE de Paris a réclamé dans un communiqué qu’il y ait moins de pression sur les parents, les enfants et les enseignants de la part du ministère, qui tient à ce que tout continue.

      Marie a 46 ans et vit à Bayonne avec ses deux enfants de 10 et 2 ans. Adjointe administrative, elle est en télétravail. Son conjoint est à son compte mais avec une activité ralentie. De son propre aveu, elle se sent « privilégiée », même si l’école à la maison n’est pas une sinécure. Elle est très angoissée pour sa fille. Résultat, les premiers jours ont été très tendus.

      Sa fille est en CM1 et reçoit un planning quotidien, « assez ludique », par mail. Une fois par semaine, il y a une classe virtuelle d’une heure pour que tous les élèves se voient. Enfin… pour ceux qui possèdent le matériel informatique idoine… De son côté, Marie explique que tout est chronométré dans la journée de l’écolière.

      « Nous on déborde sur le temps de pause, ce qui nous met la pression. J’ai peur que ma fille n’y arrive pas et qu’elle accumule du retard. » Au bout de quelques jours, la mère de famille s’est dit qu’il fallait dédramatiser et que ce n’était pas grave de louper quelques exercices. « Sinon cela va devenir irrespirable. »

      Même les parents d’adolescents peuvent se sentir submergés. C’est le cas de France, 48 ans. Elle travaille à Paris dans la communication et s’occupe de son fils, élève de première. Celui-ci, comme tous les élèves de son niveau, a connu une année mouvementée, entre les grèves de transports, les blocus contre les « E3C », les nouvelles épreuves de contrôle continu, et maintenant le confinement pour cause de coronavirus. Les jeunes qui préparent un examen attendent encore des réponses claires de la part du ministre pour connaître les modalités du baccalauréat, ce qui ajoute un peu plus d’angoisse.

      La mère de cet adolescent reconnaît tout de go « ne pas être une super pédagogue », malgré ses diplômes de l’enseignement supérieur. « À 17 ans, ce n’est pas sa meilleure période, ni avec moi ni avec lui-même. Famille recomposée. On a un seul ordinateur, pas d’imprimante, ça complique les choses. »

      Elle ne se voit pas non plus dispenser à son fils un cours de sociologie ou disserter avec lui sur Le Rouge et le Noir de Stendhal, au programme, mais qu’elle a lu il y a une éternité.

      Eva* a 40 ans et vit dans le Val-de-Marne. Elle a deux enfants en primaire, en CE2 et en CM2. Responsable des ressources dans une association, elle gère son équipe à distance. Son conjoint est infirmier, donc impossible pour lui de l’aider dans le contexte actuel. Alors, la mère de famille s’est organisée le mieux possible. Elle a constitué des plannings avec des temps de travail, de pause et de déjeuner. Elle s’astreint à une routine avec ses enfants « pour différencier les jours de la semaine ».

      Sur le plan scolaire, Eva explique qu’elle gère au fil de l’eau, surtout avec un fils qui réclame une attention particulière : « On fait comme on peut, on reçoit par mail tout ce qu’il faut faire chaque soir. Autant l’aînée est autonome, elle a peu besoin d’aide. Mais son petit frère est en CE2, avec des difficultés de concentration et d’apprentissage. Ce n’est pas inquiétant mais il ne peut pas travailler tout seul. Et là c’est dur. Avec la maîtresse, il n’y a pas de lien affectif dans la dimension éducative. Là, tout vire au conflit. »

      Elle craint que son fils ne décroche s’il n’écrit pas et ne lit pas régulièrement. « Je vois tout ce qu’il aurait dû faire en une journée et qu’on n’a pas réussi… »
      Et si on arrêtait l’école à la maison ?

      Marwa aussi se démène comme elle peut avec deux enfants atteints de troubles de l’attention. À 43 ans, elle vit dans le VIIIe arrondissement à Paris, un quartier chic. Cette commerciale « à temps partiel » tient à préciser qu’elle élève seule ses deux enfants de 7 et 10 ans et occupe un logement social. Les deux souffrent d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

      La mère a entretenu une relation complexe avec l’école. Victime d’une orientation forcée en BEP secrétariat, elle regrette de n’avoir pu suivre les études longues dont elle rêvait. Elle raconte encore que son fils aîné a subi du harcèlement à l’école plus jeune et craint surtout que ses deux fils ne soient « catalogués comme futurs ratés en allant dans une école de bourgeois sans l’être eux-mêmes ».

      Alors, elle fait en sorte qu’ils poursuivent tant bien que mal leur scolarité, même confinés. L’aîné a été diagnostiqué tardivement, il accuse un retard dans son cursus. Marwa possède « une imprimante mais pas d’encre ». Elle se rend régulièrement à l’école – malgré les dangers – pour récupérer des exercices auprès du directeur.

      Marwa constate que la charge de travail est énorme. Elle tente de s’adapter. « C’est dur pour une maman solo. Ils ne savent pas se canaliser, ça hurle, ça chahute. Le matin, ce sont des piles électriques, impossible de les calmer. Après le déjeuner, j’arrive à avoir un moment d’attention. En temps normal, le premier a un AESH [accompagnant des élèves en situation de handicap − ndlr]. Là, il est greffé à moi. Le dernier arrive à peu près à travailler ; mais au bout d’un quart d’heure, il a besoin d’une pause. »

      Son fils aîné se braque dans un contexte tendu qui exacerbe son hypersensibilité, explique encore Marwa. « Il refuse de faire le minimum et se trouve des excuses. Je me retrouve à me battre pour un exercice. Je me suis battue deux heures pour une fraction… Ce n’est pas mon métier, on est à la maison. Lui-même n’arrive plus à se contenir. L’école le calme, c’est un cadre pour lui, il y a des règles là-bas. »

      D’ordinaire, un enseignant de collège, formé à travailler avec des enfants souffrant d’un TDAH, vient deux fois par semaine, le mercredi et le samedi pour aider les deux fils de Marwa. Ce qui lui permet un peu de souffler. Ce n’est pas le cas en ce moment.

      Aujourd’hui, elle vit mal son isolement et son sentiment d’impuissance. « On nous met une espèce de culpabilité, car on n’a pas toujours les moyens intellectuels ou la méthodologie pour expliquer à nos enfants. Rien que les divisions, ça a changé. On ne les pose plus pareil. » Elle craint qu’à la rentrée, une partie des élèves « ne soit complètement larguée, car dans le VIIIe, c’est marche ou crève ».

      France identifie une multitude « de micro-choses » qui font que c’est stressant. Le contexte général, très anxiogène, la pression volontaire ou involontaire des enseignants et des parents, la masse considérable de travail à rendre, parfois sur des notions à peine survolées en cours.

      « C’est un peu culpabilisant. J’ai l’impression d’être l’artisan de l’échec de nos enfants. Il y aura deux camps. Ceux qui auront su et ceux qui n’auront pas pu. Je ne comprends pas l’acharnement à maintenir tout cela. À part quelques ados qui ont le plaisir de l’apprentissage, on va dégoûter cette génération parce qu’on ne veut pas prendre en compte la réalité. On marche sur la tête. Il y a une pandémie, des gens vont mourir, mais il faut que tu passes ton bac. On ne peut pas fonctionner normalement quand rien ne fonctionne normalement. »

      Eva plaide en faveur d’une solution radicale. Arrêter l’école à la maison. « Il est impossible d’enseigner et de télétravailler en même temps. Stopper les cours desserrerait la pression, mettrait tout le monde à égalité, même si on sait que les CSP+ ne laisseront pas leurs enfants devant la télé. Mais du point de vue de l’institution, il n’y aura pas d’injonction remplie d’un côté et pas de l’autre… »

      Julien, l’enseignant du Morbihan, s’est aussi étonné que sa propre fille, en CM1, ait reçu une somme considérable de travail, une quarantaine de pages. À tel point qu’il a été surpris du nombre de feuilles sorties de l’imprimante qu’il a lancée sans regarder. Sans compter qu’il est difficile d’enseigner à son propre enfant, quand bien même c’est son métier. Lui aussi a dû faire face à des crises avec sa fille, qui s’est braquée à plusieurs reprises.

      Pour toutes ces raisons, il aurait aimé que tous les enseignants n’obéissent pas à la consigne ministérielle et proposent, au lieu des révisions des leçons, des activités pédagogiques. Histoire de réussir à ne pas trop creuser les inégalités dont est percluse l’école française.

      Le professeur ne se fait guère d’illusions : « De toute façon, on dénonce le mythe de l’école républicaine qui abolirait les différences. On savait que c’était faux, mais là, ça l’accentue. Là, le grand public les vit au quotidien, ces inégalités et leurs conséquences, ce qu’on dénonce tous depuis des années. »

      Certaines familles se sont « évanouies dans la nature », constate Virginie. Sur une vingtaine, une petite quinzaine ne donne pas de nouvelles. Les autres se surinvestissent au contraire. « Elles poussent leurs enfants, ce que j’arrivais à contenir quand on était en classe. Ces parents m’envoient cinq messages par jour pour me poser des questions. Ce sont ceux de la classe moyenne qui veulent que leurs enfants prennent l’ascenseur social », analyse Virginie.

      L’enseignante est inquiète des conséquences du confinement, car elle sait que certains sont inscrits sur des sites qui prétendent offrir des cours particuliers efficaces en ces temps inhabituels. « J’ai peur que les parents prennent trop d’initiatives. Quand je vais les récupérer, ils auront vu de nouvelles notions, ça va creuser les inégalités. En fait, cette situation exacerbe les comportements habituels. Ça laisse libre cours à ceux qui s’en fichent et à ceux qui mettent trop de pression à leurs enfants. »

      La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer suscite de plus en plus de critiques. De nombreux parents, notamment dans les familles modestes, se sentent dépassés. Témoignages de parents qui galèrent.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/310320/des-gens-vont-mourir-mais-il-faut-que-tu-passes-ton-bac?onglet=full

    • M. Blanquer, arrêtez de #faire_semblant

      Si l’on en croit M. Le ministre de l’Education nationale, tout est sous contrôle. Tout le monde a trouvé son « rythme de croisière » sur la plateforme Ma classe à la maison, les jeunes de Terminale pourront passer leur bac d’ici la fin du mois de juin, les élèves rattraperont leurs retards d’apprentissage cet été grâce à des modules gratuits…
      Mais M. Blanquer, si vous arrêtiez de faire semblant ?
      Semblant de maîtriser une situation imprévisible, ou à tout le moins imprévue, semblant de faire comme si la continuité pédagogique fonctionnait, semblant de penser que plus de 90 % des élèves n’ont pas « décroché »… Bien sûr, les parents sont reconnaissants du travail réalisé par des professeurs mis en demeure d’enseigner à distance alors même qu’ils n’ont jamais, ou presque, été formés à ces nouvelles pratiques. Bien sûr, les parents ont répondu présent quand le Ministre leur a demandé d’accompagner leurs enfants dans ce processus. Mais voilà, ils n’en peuvent plus ! Ils disent stop à la pression qui s’exerce sur eux et les élèves.
      Ils ne veulent plus qu’on leur donne des dates de sortie de confinement sujettes à caution, recevoir des injonctions sur ce qu’ils devraient faire ou ne pas faire durant leurs vacances, préparer leurs enfants à des examens dont on ne connaît même pas l’organisation, aller chercher des devoirs photocopiés alors qu’ils devraient rester confinés. Tous se plaignent des devoirs trop lourds, du coût matériel induit par cette « continuité pédagogique » ou encore de l’impossibilité de se connecter à Parcoursup en respectant les dates limites.
      Nous, nous ne faisons pas semblant, tous les jours nous devons répondre aux parents stressés par leur difficulté à ne pas perdre pied dans le travail qui est demandé à leur enfants et qui s’ajoute à l’inquiétude causée par la pandémie.
      Désormais, nous exigeons :
      – la suspension immédiate de Parcoursup ;
      – l’arrêt des notes données aux élèves en cette période de confinement ;
      – l’allégement des travaux à réaliser à la maison ;
      – la garantie d’une reprise des cours là où les enseignants les avaient arrêtés le 16 mars dernier ;
      – la garantie que les diplômes des élèves ne prendront en compte que les notes obtenues en présentiel.

      https://www.fcpe.asso.fr/sites/default/files/2020-03/31-03-2020-M%20Blanquer%20arre%CC%82tez%20de%20faire%20semblant%281%29.pdf

    • La #loi_organique_d’urgence, le #Conseil_constitutionnel et la continuité pédagogique

      Démarrons par un point apparemment éloigné de la continuité pédagogique : le Conseil constitutionnel a rendu jeudi 26 mars sa décision sur la « loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ». La loi « organique » d’urgence est une loi qui vient compléter la loi « ordinaire » d’urgence du 23 mars dernier, sur un point bien précis : elle suspend jusqu’au 30 juin 2020 les délais dans lesquels doivent être normalement examinées les questions prioritaires de constitutionnalité, « afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus covid-19 » (article unique de la loi, qui n’a toujours pas été publiée au Journal officiel).

      Les lois organiques sont des lois d’un type très particulier. Leur adoption étant prévue par la Constitution elle-même, elles sont d’une valeur juridique supérieure aux lois ordinaires et doivent être promulguées selon une procédure spéciale fixée à l’article 46 de la Constitution. Entre autres choses, un projet de loi organique ne peut pas « être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt » (alinéa 2). L’objectif poursuivi par cette règle est simple : si la Constitution de la Ve République impose qu’entre le dépôt du projet de loi organique par le gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat et sa discussion par le Parlement, quinze jours au moins se soient écoulés, c’est parce que les lois organiques sont trop importantes pour que l’on puisse prendre le risque de les adopter dans la précipitation.

      Pour la loi organique d’urgence, cette condition n’était pas remplie. Le projet de loi a été déposé mercredi 18 mars 2020 sur le bureau du Sénat et a commencé à être examiné dès le lendemain. Le non-respect du texte de la Constitution était donc indiscutable. Et pourtant… Dans sa décision du jeudi 26 mars, le Conseil constitutionnel ne voit là aucun motif d’inconstitutionnalité. Plus précisément, il estime que « compte-tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ». « Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce », une demi-phrase, et c’en est tout de l’argumentation juridique. C’est qu’il n’y a pas grand-chose à expliquer, en fait : face à une loi organique qui viole de manière flagrante l’article 46 de la Constitution, le Conseil constitutionnel n’a pas eu d’autre choix que de créer une « théorie des circonstances exceptionnelles » en droit constitutionnel français. C’était, pourrait-on dire, le prix constitutionnel à payer à partir du moment où son choix était de sauver la loi organique.
      On comprend que le Conseil constitutionnel, eu égard à l’âge vénérable de ses membres – 72 ans de moyenne d’âge – et aux risques qui y sont associés, se sente en première ligne face à l’épidémie de covid-19, et panique quelque peu. Mais la décision de jeudi dernier est proprement indigne : indigne de toutes celles et tous ceux qui, des caisses de supermarché aux hôpitaux, sont vraiment en première ligne ; indigne, surtout, des fonctions d’une institution qui, normalement, ne devrait pas avoir vocation – en tout cas pas si facilement – à être aux ordres. Perd-on donc toute lucidité juridique dès que la situation devient exceptionnelle et urgente ?

      C’est à tous les niveaux que cette perte de lucidité juridique s’observe en ce moment, en réalité. L’enseignement supérieur et la recherche, on l’aura compris des différents articles publiés sur Academia depuis le début de l’épidémie, n’échappe pas à ce constat1. Que les circonstances soient exceptionnelles, c’est une chose ; qu’elles autorisent le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et les établissements qui en relèvent, à faire n’importe quoi, c’en est une autre. Pour la communauté de l’ESR, la situation devient très désagréable : englué dans l’urgence de la situation et le bouleversement de nos quotidiens, on regarde, sidéré, les « consignes » tomber. Il est temps, cependant, de reprendre collectivement notre lucidité juridique2, pour ne pas être écrasés par l’exceptionnalité du moment : vérifions une à une la validité de ces injonctions, et faisons la part des choses.
      La continuité pédagogique, certes, mais à quelles conditions juridiques ?

      La continuité pédagogique est la grande injonction du moment, et elle autorise tous les abus. À l’évidence, certains – au ministère, dans les rectorats et dans nos universités – semblent intimement persuadés que le vieux principe juridique de « continuité du service public », associé aux circonstances exceptionnelles qui sont les nôtres, suffit à recouvrir d’un voile de légalité chacune des décisions qui sont prises.

      Qu’il existe un principe de continuité du service public, c’est certain, tout comme il est certain que le juge administratif a toujours été compréhensif vis-à-vis des administrations qui, confrontées à une circonstance exceptionnelle, prenaient quelques largesses avec le droit auquel elles étaient soumises. Mais il serait désastreux que l’on prenne ces deux certitudes pour un argumentaire juridique à toute épreuve : à ce niveau de généralité, il ne s’agit que d’une mauvaise bouillie de droit administratif.

      Commençons plutôt par rappeler une donnée simple. Ni les « plans de continuité pédagogique » divers et variés qui inondent nos boîtes mail, ni les « plans de continuité des activités » (PCA) que tous les établissements arborent désormais pompeusement ne produisent du droit et n’ont pas davantage d’autorité réglementaire. Ils ne le peuvent tout simplement pas : ce sont tantôt des conseils, tantôt des mesures d’organisation des services ; mais, dans tous les cas, ce ne sont pas des mesures d’une force juridique suffisante pour introduire des dérogations au droit de la fonction publique, et encore moins des limitations aux libertés universitaires.

      Reprenons, à partir de là, les choses dans l’ordre. La réalité juridique actuelle dans les universités est bien plus prosaïque qu’on ne le croit, en fait. Elle tient en deux phrases : sur le fondement du décret du 23 mars 2020 « prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire »,

      1° nos universités sont fermées aux « usagers des activités de formation », c’est-à-dire aux étudiants (article 9) ; et
      2° nous n’avons, pas davantage que nos étudiants, le droit d’y accéder, car, pour l’immense majorité d’entre nous, les trajets entre nos domiciles et nos établissements ne sont pas considérés comme des déplacements « insusceptibles d’être différés » (article 3).

      À ce stade, nous ne voyons rien d’autre sur le plan des textes juridiques. Ce ne sont pas les occasions légistiques qui ont manqué, pourtant : une loi et 31 ordonnances ont été publiées au Journal officiel la semaine dernière pour « faire face à l’épidémie », sans compter les multiples décrets et arrêtés. Mais c’est ainsi : le décret du 23 mars 2020 ne dit rien qui pourrait concerner la continuité pédagogique, pas plus que la loi d’urgence du 23 mars 2020. Aucune mesure d’« adaptation provisoire » du décret du 6 juin 1984 – le statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences –, et en particulier de son article 7 sur les services d’enseignement, n’a par ailleurs été prise. Et rien n’a été modifié quant aux conditions d’application du décret du 11 février 2016 sur la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique.

      Cette donnée juridique là, ce ne sont pas les « fiches » de la direction générale de l’Enseignement supérieur et de l’Insertion professionnelle qui y changeront quoi que ce soit, pas plus que la flopée de mails de nos présidents d’université. Pour le dire autrement, s’il existe bien un principe de continuité du service public, et quand bien même les circonstances sont exceptionnelles, ni la DGESIP, ni les présidents d’université n’ont un titre juridique suffisant pour ordonner ce que l’on doit faire pour assurer la continuité pédagogique. Il serait très grave que ce principe soit oublié dans le contexte dramatique actuel, et il est crucial de tenir bon sur ce point, alors que les présidents viennent déjà de recevoir des pouvoirs exorbitants pour décider des formes des prochains examens – une question qui relève, pourtant, directement des choix pédagogiques ((Sur les marges de manœuvre considérables qui sont reconnues aux présidents, ainsi que sur les interrogations quant aux concours de recrutement, nous renvoyons aux analyses – encore à approfondir – de l’ordonnance du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 : « Il n’est pas besoin de beaucoup de mots » : dérogations à tout va dans les universités, 28 mars 2020 et Oups ! Fin prématurée des mandats de présidents d’université ?, 29 mars 2020.)).

      Sans texte juridique, aucun dispositif précis de contrôle ne peut d’ailleurs être introduit. Qui aurait le droit de décider qu’une heure d’enseignement vaut une heure de vidéo ou de son, ou X pages de cours ? Qui aurait le droit de procéder à de telles équivalences, alors même que le bouleversement de notre cadre de travail est sans équivalent ? La règle, si règle il y a, elle est bien simple : chacun fait ce qu’il peut et ce qu’il se sent de faire, selon ses possibilités personnelles et familiales, son environnement de travail et son état psychologique. Personne, en particulier, ne pourra être sanctionné parce qu’il n’a pas assuré l’intégralité de son service : il manquerait un fondement juridique à cela, tout simplement parce que personne n’aura enfreint aucune règle, tant que les règles n’auront pas été modifiées. N’inversons pas l’ordre des choses, tout simplement : ce que fait le droit pour l’instant, ce n’est pas de nous obliger à une quelconque continuité pédagogique ; ce qu’il fait, c’est de nous confiner, donc de nous empêcher d’assurer nos heures d’enseignement relevant de nos obligations statutaires ou de nos contrats.

      Pour que les choses soient parfaitement claires : cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune obligation de télétravail. En effet, même si, du côté de la fonction publique, il n’existe pas l’équivalent de l’article L. 1222-11 du code du travail, il ne fait aucun doute qu’en cas de contentieux, le juge administratif soutiendra qu’en période d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail doit être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité du service public et garantir la protection des agents. Mais cela signifie, en revanche, qu’on ne saurait se laisser dicter les conditions de la continuité pédagogique.

      Celle-ci est littéralement nue : faute de fondement juridique, elle n’est qu’une injonction. Bien sûr, il n’est pas impossible que de nouveaux textes soient édictés dans les prochaines semaines ; mais pour l’instant, la continuité pédagogique, ce n’est que ça : une injonction parfois autoritaire, qui se drape dans l’intérêt supérieur de nos étudiants, tout en oubliant qu’elle passe en réalité par pertes et profits la dégradation considérable de la qualité des enseignements que ces mêmes étudiants reçoivent et les inégalités tout aussi considérables que l’on crée entre eux. De ce point de vue, faute de fondement juridique, la continuité pédagogique ne s’apprécie que sur le plan pédagogique, de sorte que chaque enseignant-chercheur et enseignant, au titre de sa liberté d’enseigner, est légitime à apporter sa réponse aux problèmes pédagogiques lourds que soulève l’épisode actuel : combien d’étudiants perdons-nous en route dans toute cette affaire ? Quel est, plus précisément, notre seuil d’acceptabilité ?

      Bref, s’il est évidemment crucial qu’en ces temps tourmentés, nous accompagnions du mieux que l’on peut nos étudiants, il ne faudrait pas, pour autant, que quelques collègues – parfois devenus plus managers que collègues, d’ailleurs – perdent de vue que si continuité pédagogique il y a, elle procède d’abord et avant tout de la bonne volonté et du sens du service public des personnels de l’ESR. Il ne faudrait pas non plus, d’ailleurs, qu’ils perdent de vue que dans tous les cas, l’enseignement n’occupe qu’une partie de nos fonctions : les conditions d’une continuité de la recherche doivent aussi être respectées. Nous devons avoir un peu de temps pour bosser sur nos articles et nos livres, en somme.

      Hors ce dernier point, et quand bien même la « liberté pédagogique » des enseignants de l’éducation nationale n’offre pas le même niveau d’indépendance que les libertés universitaires, on observe que ce constat vaut largement, aussi, pour les collègues enseignant dans le premier degré et dans le second degré. C’est sans doute pourquoi, d’ailleurs, la porte-parole du gouvernement a si vite rétropédalé, mercredi dernier, après ses propos sur les « enseignants qui ne travaillent pas ». Ce n’est pas seulement que ses propos étaient factuellement faux ; c’est qu’ils présentent l’inconvénient d’attirer l’attention sur une réalité juridique dont chacun devrait prendre conscience : si la « continuité pédagogique » est à l’œuvre, c’est d’abord et avant tout en raison de la bienveillance des enseignants à l’égard de leurs élèves, beaucoup plus qu’en raison d’une obligation juridique. C’est aux enseignants qu’il revient d’en déterminer le contenu et la forme.

      Voilà le fin mot : sans nous, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche ne sont rien, car nous portons le système. Et en ce moment – dans les « circonstances particulières de l’espèce », pour reprendre la formule du Conseil constitutionnel –, nous le portons bien au-delà de ce à quoi nous sommes obligés.

      https://academia.hypotheses.org/21798

    • Message reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.4.2020 :

      Je partage avec vous un email reçu il y a 2 ans m’indiquant que la visioconférence prise en charge avec un équipement professionnel n’était pas envisageable mais aujourd’hui l’université impose la continuité pédagogique de la même discipline sur la plateforme #moodle avec des heures fixées et un temps imparti pour réaliser le devoir.
      Il paraît évident qu’à présent que les étudiants sont enfermés chez eux avec un ordinateur de fortune et une connexion internet basique, tout devient possible.

      C’est #carnavalesque !

      –-----------

      Bonsoir,

      J’ai lu avec attention votre message concernant $$$$$$$$.
      Je comprends aisément, à l’insistance de vos messages, combien la discipline vous tient à cœur au sein de l’université.

      Toutefois, je tiens à vous informer que le $$$$$$$$ n’est pas référencé dans les maquettes pédagogiques proposées par $$$$$$$$ ... et il n’est donc pas envisageable, sous quelque régime que ce soit, d’organiser un enseignement de $$$$$$$$.

      De manière complètement partagée par l’ensemble de l’équipe pédagogique locale, la formule de la visio conférence reste perçue comme la « pire » des choses quant à l’efficacité pédagogique, notamment, et surtout, pour ce type de matière, basée d’abord (et surtout) sur la notion de « dialogue permanent et fluide ». « L’échange » (réel, et non pas biaisé) avec un enseignant reste primordial si l’on désire garantir un certain niveau de résultat, ce que le système ne permet pas vraiment à ce jour, aussi performant soit-il technologiquement.

      Nos étudiants le savent parfaitement et en ont accepté le principe : le niveau d’exigence attendu dans toutes les matières dispensées présentiellement est perçu par eux comme relativement élevé.

      Je ne voudrais pas néanmoins que vous en concluiez que le $$$$$$$$ restera, par choix institutionnel, à jamais « sinistré » $$$$$$$$.
      S’il est une solution à envisager, je pense qu’il conviendrait de la mettre en œuvre en partenariat avec le service du $$$$$$$$, dont $$$$$$$$ constitue la mission première. A travers lui, des étudiants passionnés isolés pourraient trouver tout à loisir réponse à leurs attentes.
      Je vous invite donc désormais à plutôt vous adresser à $$$$$$$$, qui en est la directrice à $$$$$$$$.

      Ayant je l’espère apporté tous les éclairages nécessaires (et suffisants) à vos préoccupations et à votre démarche,
      Bien cordialement,

      –-> vous avez vu cette phrase, qui date, selon la personne qui envoyé le message, d’il y a 2 ans ??

      "la formule de la #visioconférence reste perçue comme la « pire » des choses quant à l’efficacité pédagogique"

      #visio-conférence

    • Oui à la continuité pédagogique à l’université, mais sans évaluation !

      Plus de 120 enseignants-chercheurs, issus de différentes universités, s’élèvent contre l’évaluation des étudiants pendant cette période de confinement. « Cette continuité pédagogique, imprévue et donc mise en place brutalement, exacerbe les inégalités sociales déjà présentes ». Une évaluation reviendrait à les renforcer davantage.

      Nous vivons une situation de crise exceptionnelle et historique, malgré cela de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur sont dans la continuité (des examens, des concours…) comme si tout pouvait se poursuivre normalement. Or pour de nombreux étudiants, la situation actuelle de confinement n’est pas propice pour étudier convenablement à l’université. S’il est ainsi souhaitable de leur proposer des enseignements à distance, les évaluer sur des notions travaillées pendant cette période reviendrait à créer de profondes inégalités.

      Tout comme l’enseignement primaire et secondaire, l’université s’est lancée dans la poursuite des enseignements (cours magistraux, travaux dirigés, parfois même travaux pratiques) effectués avant le début du confinement. Les enseignants et enseignants-chercheurs ont souvent dû faire preuve d’ingéniosité et de ténacité pour continuer sur leur lancée. Contrairement au primaire et au secondaire où les enseignants doivent suivre les directives ministérielles, ceux de l’université ont une certaine liberté sur le contenu et les modalités pédagogiques (notamment l’évaluation) de leurs enseignements.

      Cette continuité pédagogique, imprévue et donc mise en place brutalement, exacerbe les inégalités sociales déjà présentes. En temps normal, elles sont quelque peu lissées : les étudiants peuvent tous assister (au moins en partie) aux cours, même s’ils ont de longs trajets ou s’ils doivent travailler à côté pour subvenir à leurs besoins… L’université met en effet à leur disposition des bibliothèques universitaires pour travailler au calme et utiliser des ressources documentaires, des ordinateurs, du réseau (wifi), parfois des imprimantes… Comme elle ne fournit pas ou peu d’ordinateurs portables aux étudiants ni de connexion Internet « à la maison », cette période de confinement et de « continuité pédagogique » repose uniquement sur les outils et accès au réseau personnels des étudiants.

      Des sondages réalisés récemment auprès d’étudiants de différents instituts montrent qu’un nombre non négligeable d’étudiants dispose uniquement d’un smartphone, ou doit partager ordinateur ou tablette avec le reste de la famille. L’étudiant muni seulement de son smartphone est alors fortement dépendant de son forfait personnel, mais aussi du réseau local. Une de nos étudiantes, confinée à la campagne, doit aller en haut d’une colline pour simplement lire ses mails ! Ne parlons pas de suivre des cours en ligne… Ou de lire un polycopié sur un écran de téléphone. Même avec un ordinateur, la qualité de la connexion peut être insuffisante pour assurer le suivi de cours en ligne avec des vidéos particulièrement gourmandes en termes de débit numérique.

      Au-delà de ces conditions techniques, il faut également bénéficier d’un endroit calme pour travailler pendant une partie substantielle de la journée, ce qui n’a rien d’évident. Dans une filière de l’université Paris Saclay où un sondage auprès des étudiants a été effectué, seuls les deux tiers des étudiants peuvent s’isoler pour travailler. Nombre d’étudiants doivent ainsi composer avec un logement étroit pour une famille, garder des frères et sœurs, etc. Certains doivent poursuivre leur travail alimentaire à côté : une étudiante caissière doit faire plus d’heures qu’en temps normal à cause de l’épidémie, elle est donc moins disponible pour suivre les cours. Il peut en outre y avoir des tensions au sein de la famille, moins perceptibles habituellement. On peut ainsi constater toutes sortes de situations bien réelles, qui sont objectivement un frein à l’apprentissage à distance.

      Malgré cela des cours en ligne ont lieu. On peut ici saluer le travail remarquable fait par les enseignants qui, s’ils sont en général confinés dans de meilleures conditions que leurs étudiants, sont également confrontés à certaines difficultés évoquées plus haut.

      La situation exceptionnelle que nous vivons est particulièrement anxiogène : étudier dans ces conditions est loin d’être optimal. Prolonger alors un cours à distance, en confinement, est une façon de penser à autre chose non seulement pour les étudiants qui peuvent le suivre décemment, mais aussi pour les enseignants. « Je dirais que les cours en visio sont ce qu’il y a de plus constructif et agréable, les rapports humains étant presque absents dans ce confinement, ils permettent d’entretenir du lien et d’entendre la voix de nos professeurs », témoigne ainsi une étudiante de l’Inalco.

      Compte tenu de toutes ces raisons, il est important que les enseignants poursuivent tant bien que mal leurs cours et travaux dirigés par l’intermédiaire d’outils de visualisation en ligne. En revanche, ces parties de cours effectuées depuis le début du confinement ne doivent pas faire l’objet d’une évaluation des étudiants ⎼⎼ à distance ou pas ⎼⎼ visant à l’attribution d’une note comptant dans la scolarité, sous peine d’amplifier les inégalités entre eux. Des examens pourront éventuellement se tenir à l’issue du confinement, dans les locaux des universités, et non en ligne, et ne devront pas porter sur des concepts vus pendant le confinement.

      Le service public d’enseignement supérieur fait un travail admirable pour le suivi pédagogique des étudiants à distance. Néanmoins, les processus d’enseignement à distance mis en place doivent faire figure d’exception et non devenir une norme, rien ne peut remplacer la présence physique d’un enseignant dans le processus d’apprentissage. « Par rapport à un cours présentiel, chaque activité me demande deux fois plus de temps. Les cours en ligne me demandent un travail très important et j’ai du mal à tout assimiler. Apprendre un concept seul ou avec de faibles interactions est beaucoup plus compliqué qu’en présentiel. » rapporte une étudiante de l’université Grenoble Alpes.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/220420/oui-la-continuite-pedagogique-l-universite-mais-sans-evaluation

  • Émilie a fait de la garde à vue

    #Emilie_Rolquin est étudiante en école d’animation. Le 8 décembre 2018, elle fait partie des 974 personnes placées en garde à vue à Paris à l’occasion de l’acte 4 des Gilets jaunes. Ces 24 heures de privation de liberté, les cellules sales, sa rencontre avec la police, c’est tout cela qu’elle raconte admirablement dans ce petit film d’animation.


    https://www.youtube.com/watch?time_continue=82&v=n4fnRmLzH8E&feature=emb_logo

    #film_d'animation #lumière #odeurs #témoignage #fouille #bruit #attente #dignité #haine #police #audition #droits #droits_humains #épreuve_mentale

  • Elle l’a bien cherché

    Sur les 250 000 #victimes de viols ou de #tentatives_de_viols dénombrées chaque année en France, seules 16 000 franchissent la porte d’un #commissariat. Entre tribunaux saturés et préjugés tenaces, ce documentaire montre le douloureux parcours de quatre victimes de viol pour se faire entendre. Une plongée sans fard dans un processus archaïque.

    Souvent rongées par la #honte ou la #peur de ne pas être prises au sérieux, seules 16 000, sur les 250 000 #victimes de viols ou de tentatives de viols dénombrées chaque année en France, franchissent la porte d’un commissariat. Elles ne verront pas toutes leur agresseur condamné puisqu’une plainte sur dix seulement aboutit aux assises. Débordés, #policiers et #magistrats sont contraints de ne garder que les dossiers les plus « solides ». Un témoignage fragile, des circonstances obscures ou une absence de séquelles physiques peuvent conduire au #classement_sans_suite de l’affaire. Victimes de viol, Marie, 20 ans, Manon, 27 ans, Michèle, 56 ans et Muriel, 42 ans, expérimentent ce long combat où, à tout moment, le destin de leur plainte peut basculer.

    #Suspicion latente

    #Auditions au commissariat, confrontations, suivi à l’hôpital, entretiens avec l’avocat puis procès : #Laetitia_Ohnona n’omet rien du #parcours_du_combattant qui incombe aux victimes de viol. Il leur faudra répéter inlassablement leur histoire, maîtriser leurs angoisses, subir les #questions_intimes des policiers et les #examens_gynécologiques. Au plus près de quatre #femmes à différents stades de la procédure, la réalisatrice questionne aussi les représentations pesant sur elles. « Le jury populaire a souvent de nombreux #a_priori », prévient l’avocate de Muriel, violée à la suite d’une soirée arrosée qui a dérapé. L’alcool, une tenue légère ou un flirt renvoient souvent à une #suspicion_latente de #coresponsabilité. Sans pour autant incriminer une institution judiciaire dépourvue de moyens, ce documentaire lève le voile sur les lacunes du processus et interroge notre conscience de juré potentiel.

    https://www.arte.tv/fr/videos/075213-000-A/elle-l-a-bien-cherche
    #film #film_documentaire
    #abus_sexuel #plainte #viol #viols #confrontation #justice #examen_sérologique #maladies_sexuellement_transmissibles #culpabilisation #procédure_judiciaire #stress_post-traumatique #TSPT #impunité #procès #inversion_du_sentiment_de_culpabilité #juré_populaire #France #culture_du_viol

  • Why ’stronger borders’ don’t work

    Thousands of people die annually trying to cross borders. It’s often argued stronger borders and more checks would deter people from making dangerous crossings. But how accurate is this? Maya Goodfellow explores what the current border regime means for people seeking asylum

    https://www.theguardian.com/uk-news/video/2020/jan/21/why-stronger-borders-dont-work
    #fermeture_des_frontières #asile #migrations #réfugiés #walls_don't_work #dissuasion #frontières #problème #solution #vidéo #externalisation #vulnérabilité #danger #péril #militarisation_des_frontières #ressources_pédagogiques #pull_factor #facteur_pull #stéréotypes #préjugés #pull-factor #audition #voies_légales #réinstallation

    Cette carte


    #cartographie #visualisation #frontières_intérieures #Schengen (fin de -)
    ping @karine4 @isskein

  • « Longue vie à l’arbitraire ! » Les avocats exclus des auditions en zone d’attente

    Par une décision du 6 décembre, le #Conseil_constitutionnel a refusé de reconnaître le droit d’être assistées d’un·e avocat·e aux personnes étrangères qui font l’objet d’#auditions par la #police à leur arrivée aux #frontières. Encore une preuve du régime dérogatoire réservé aux personnes étrangères aux frontières !

    Saisi par une ressortissante nicaraguayenne qui avait subi ces auditions et par nos organisations, le Conseil constitutionnel n’a pas saisi l’opportunité qui lui était ainsi donnée de consacrer l’application du principe fondamental des droits de la défense pendant les auditions de personnes étrangères précédant ou suivant la notification d’une décision de #refus_d’entrée_sur_le territoire et de maintien en #zone_d’attente.

    En déclarant les articles L.213-2 et L.221-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile conformes à la Constitution, il a fait de la zone d’attente le seul lieu où la contrainte et la #privation_de_liberté peuvent s’exercer sans la présence d’un·e avocat·e.

    Or, ces auditions en zone d’attente – autrement dit ces #interrogatoires, parfois musclés – sont lourdes de conséquences pour les personnes étrangères, qui risquent non seulement d’être refoulées avant même d’avoir pu entrer en #France mais aussi d’être préalablement enfermées pour une durée qui peut aller jusqu’à vingt-six jours. En dépit de la gravité de ces enjeux, la zone d’attente restera hors d’atteinte des droits de la défense.

    « Dis que tu viens travailler ! Avoue ! » : ceci n’est pas un témoignage isolé de #pressions_policières fréquemment subies par les personnes qui se présentent aux frontières pour leur faire déclarer les raisons présupposées – voire fantasmées – de leur venue sur le territoire Schengen. En refusant que ces auditions soient menées sous le regard des avocat·es le Conseil constitutionnel permet que de tels comportements perdurent.

    Les "sages" du Conseil constitutionnel ne sont-ils pas, pourtant, les garants des libertés constitutionnellement protégées ? Il faut croire que – pas plus que les droits de la défense – la sagesse n’a sa place en zone d’attente.

    Dénonçant un inquiétant déni des droits des personnes retenues aux frontières, nos organisations continueront d’exiger la mise en place d’une permanence gratuite d’avocat·es en zone d’attente, seule garantie d’un véritable accès aux droits pour les personnes qui y sont enfermées.

    http://www.anafe.org/spip.php?article548
    #justice #conseil_juridique #refoulement #push-back #enfermement #tri #catégorisation #migrations #asile #réfugiés #rétention

    ping @karine4

  • "Des hommes m’ont vendu un faux récit pour l’Ofpra. Je suis tellement en colère contre eux"

    InfoMigrants a recueilli le témoignage de Omar, un Soudanais actuellement retenu dans le CRA de Rennes et sur le point d’être expulsé, selon l’association la Cimade. Le jeune homme de 25 ans revient sur son parcours migratoire chaotique, émaillé de violences et de trahisons.

    Omar*, un migrant soudanais débouté de sa demande d’asile et actuellement retenu dans le centre de rétention administrative (CRA) de Rennes, est sur le point d’être expulsé du territoire français, selon l’association la Cimade. Déboussolé lors de son arrivée en France en 2015, après des années d’errance, le jeune homme avoue avoir eu recours à un faux récit lors de sa demande d’asile auprès de l’Ofpra, dans l’espoir de mettre toutes les chances de son côté. Il raconte à InfoMigrants son parcours chaotique, du Darfour jusqu’à l’enceinte du CRA.

    “Je m’appelle Omar, j’ai 25 ans, je suis Soudanais. Je suis actuellement à l’hôpital de Rennes. Hier [jeudi 14 novembre, NDLR], j’ai été tabassé par trois autres migrants retenus au CRA parce que je ne voulais pas leur donner des cigarettes. Ils m’ont frappé à l’oeil, je n’arrive plus à l’ouvrir. J’ai mal au dos aussi. Hier, j’aurais dû être expulsé vers Khartoum, une ville que je ne connais pas. Il y avait une place dans un avion pour moi mais mon expulsion a été annulée au dernier moment**. Ils ne sont pas venus me chercher. Je suis soulagé, mais je sais que je serai expulsé plus tard. Je ne sais pas quand : dans quelques heures ou dans quelques jours.

    Darfour, Soudan

    Je viens du Darfour. J’ai grandi dans un petit village qui s’appelle Abu Srou avec mes parents, mes frères et ma soeur. Quand j’avais 13 ans, les Janjawid [miliciens issus de plusieurs tribus arabes au Soudan, NDLR] sont venus pour "fermer le village". Ils disaient qu’on faisait partie de l’opposition au gouvernement soudanais. Ils ont brûlé nos maisons. Mes deux frères et ma sœur ont été tués. Beaucoup de gens sont morts. Quant à mes parents, je ne sais pas ce qui leur est arrivé, je ne les ai jamais revus.

    Moi, je suis parti en courant avec d’autres personnes. On est allés loin, jusqu’à un village dont je ne connais pas le nom. J’étais avec mon oncle. Il m’a dit : ‘Reste là, je vais retourner au village pour voir ce qu’il s’est passé pour les autres’. Mon oncle n’est jamais revenu.

    Tchad

    On m’a dit : ‘Il ne faut pas rester ici’, donc je suis parti jusqu’à un autre village, puis encore un autre et je suis finalement arrivé au Tchad, dans le village de Tina [à la frontière avec le Soudan, NDLR]. J’y suis resté un mois. À Tina, il y a un grand marché, où les gens vendent toutes sortes de choses : des motos, des vaches, etc. Je vivais sur ce marché, je passais mes nuits dans des camions. J’ai rencontré un homme qui m’a proposé de travailler avec lui dans son camion. Il faisait du commerce de bétail entre le Tchad et la Libye. J’avais 13 ans, je suis parti avec lui en Libye.

    Kofra, Libye

    On est arrivés à Om Al Araneb, à la frontière, côté libyen. On a travaillé et, une semaine plus tard, je me suis rendu compte que l’homme qui m’embauchait n’avait pas l’intention de me payer. J’ai décidé de partir. Dans le village, j’ai rencontré un vieil homme, un éleveur de poules, qui m’a proposé du travail dans sa ferme, située dans la région de Kofra. J’ai accepté. Je devais m’occuper des poulets, des œufs, du nettoyage, c’était beaucoup de travail. Le fermier vivait avec sa femme et ses enfants, dont deux fils d’une vingtaine d’années. Ils avaient tous la peau claire et ils me parlaient souvent du fait que, moi, j’étais noir. Ils disaient que mon corps n’était pas pareil que les leur.

    Au bout de deux semaines, j’ai réclamé mon salaire au fermier mais il m’a répondu : ‘Elle est où ta famille ? Tu n’en as pas ? Bon, ben, tu restes avec moi’. Après ça, il est devenu violent. Il m’a dit que j’étais son esclave, m’a battu et m’a enfermé dans une cage avec les poules. Je lui ai demandé pourquoi il faisait ça, il m’a dit : ‘Tu restes là’.

    Dans la cage, je dormais au sol, tout habillé. Je passais de très mauvaises nuits et je ne mangeais pas bien. Les fils du fermier venaient régulièrement me voir, accompagnés de voisins. Ils étaient six garçons en tout. Dans la cage, ils me violaient, presque tous les jours. Ils m’attachaient les mains et les pieds à des bâtons de bois pour que je ne puisse pas bouger. Ils restaient une ou deux heures à chaque fois.

    Un matin, un an après mon arrivée dans cette ferme, j’ai pu m’enfuir. Je suis parti en courant et j’ai couru à toute allure pendant 30-40 minutes. À Al-Kofra, je suis tombé sur un Soudanais. Il m’a dit : ‘Les gens ici, ils sont fous. Je ne veux pas rester.’ J’ai dit : ‘S’il vous plaît, je veux aller avec vous’.

    Benghazi, Libye

    On est arrivés à Benghazi deux mois avant mes 15 ans. Pendant un an, je suis resté avec environ 45 autres migrants soudanais dans une grande maison. J’ai trouvé plusieurs petits boulots : je faisais le ménage chez des gens, du jardinage, de la maçonnerie, j’étais aussi mécanicien.

    Un jour, des Libyens m’ont arrêté dans la rue. Ils m’ont demandé de l’argent et mon téléphone. J’ai refusé, alors ils ont commencé à être violents. Ils m’ont frappé puis ils m’ont amené, moi et environ 20 autres personnes, dans un bâtiment où ils nous ont enfermés. Ils nous frappaient, encore et encore. Ils ont voulu appeler ma famille pour leur demander de l’argent, je leur ai dit que je ne connaissais personne avec de l’argent. Ceux qui en avaient, ils les ont laissés partir. Moi, je leur ai donné tout ce que j’avais, seulement 56 dinars [environ 30 euros]. Je suis resté 9 jours dans ce bâtiment, à la fin j’étais tout seul, je voulais mourir. J’avais 17 ans. Puis ils ont ouvert la porte, ils m’ont laissé partir.

    En tout, je suis resté quatre ans en Libye. Je voulais aller en Europe. Je me disais que là-bas, il n’y avait pas la guerre. Je suis parti sur un bateau sur la mer Méditerranée pour rejoindre l’Italie, je suis arrivé en Sicile. J’ai voyagé en train jusqu’à Milan, puis Vintimille, puis j’ai pris encore un autre train. Je suis arrivé en France le 10 mai 2015.

    France

    J’ai vécu dans la rue à Paris, entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz, près de la Seine. Je voulais obtenir l’asile et j’ai demandé un rendez-vous avec l’Ofpra. Des gens qui étaient avec moi dans la rue, des Soudanais, comme moi, m’ont dit qu’il fallait que je raconte une fausse histoire pour obtenir l’asile. Ils m’ont dit quoi raconter et je leur ai fait confiance car on vivait ensemble, on dormait ensemble. Je leur ai donné 25 euros. Ils n’ont pas fait ça qu’avec moi, ils ont écrit des histoires pour plusieurs personnes. Quand j’ai eu rendez-vous avec l’Ofpra, j’ai donc raconté cette histoire : ‘Au Soudan, je travaillais pour un homme, j’amenais de l’eau pour ses chevaux tous les matins et tous les soirs. Un jour, cet homme est mort dans un accident et depuis, la police est à ma recherche. Elle me croit coupable. J’ai dû fuir.’

    À l’Ofpra, ils m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas bien mon histoire. Ils m’ont dit : ‘Peut-être que tu ne viens pas vraiment du Darfour’. Ils m’ont demandé ‘Mais pourquoi la police vous cherchait-elle, vous, en particulier ?’. Je ne comprenais rien à ce qu’il se passait. Ma demande a été rejetée. Je n’ai jamais revu les hommes qui m’ont donné ce faux récit. Je suis tellement en colère contre eux.

    J’ai décidé d’écrire mon histoire, la vraie. J’ai demandé à des personnes de m’aider car je ne sais pas vraiment écrire. J’ai déposé un recours auprès de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). J’ai eu un rendez-vous mais on ne m’a pas laissé parler, on m’a coupé la parole. Ma demande a été rejetée, encore. Je suis parti en Allemagne déposer une demande d’asile là-bas mais je suis dublinéen France, alors je suis revenu. Je suis allé à Bordeaux puis à Nantes, où j’ai vécu dans un squat, à Jeanne-Bernard de Saint-Herblain, pendant un an. J’ai continué à essayer de demander l’asile. Il y a quelques semaines, des policiers sont venus [Le 8 octobre, une opération de police visant à recenser et à mettre à l’abri les migrants a eu lieu dans ce squat de Nantes, NDLR] et j’ai été envoyé dans le CRA de Rennes. Mais moi, je n’ai rien fait de mal. Je n’ai jamais fait de mal à personne. Jamais.”

    *Le prénom a été changé

    **Contactée par InfoMigrants, la préfecture d’Ille-et-Vilaine n’a pas souhaité commenter le cas de Omar. Aucune confirmation quant à sa future expulsion n’a été donnée. Selon la Cimade, l’expulsion prévue jeudi 14 novembre a été annulée en raison d’un manque de policiers escorteurs.


    https://www.infomigrants.net/fr/post/20955/des-hommes-m-ont-vendu-un-faux-recit-pour-l-ofpra-je-suis-tellement-en
    #marché_des_récits #récits #asile #migrations #réfugiés #France #migrerrance #audition

    ping @karine4

  • #Et_pourtant_elles_dansent

    Marie-Noëlle, Denise, Asyath, Odile, Lizana, Emi­na ou encore Augustine et d’autres, toutes femmes réfugiées en France, se retrouvent à l’association Femmes en Luth à Valence et se sont confiées sur les raisons qui les ont contraintes à quitter leurs pays, souvent pour leur survie, laissant parfois leurs proches et leurs biens derrière elles. Portant le poids d’une culpabilité qui ne les quittera pas, elles évoquent les violences subies, les tortures au tra­vers de leurs témoignages, affichent leur courage et transmettent malgré tout un message de paix. Elles chantent, dansent, peignent et sourient ! Présent dans l’association, Vincent Djinda les a accompa­gnées durant une année.


    https://www.desrondsdanslo.com/EtPourtantEllesDansent.html
    #BD #livre #asile #migrations #réfugiés #procédure_d'asile #France #déqualification #femmes #déracinement #Tchétchénie #viols #viol_comme_arme_de_guerre #torture #violences_domestiques #violences_conjugales #prostitution #Valence #Femmes_en_Luth #guerre #témoignage #audition #récit #preuves #torture

  • #Accueillir_à_Villeurbanne
    https://www.youtube.com/watch?v=BmMMDWPPsqw&feature=youtu.be

    Le site d’accueillir Villeurbanne :
    https://accueillir-villeurbanne.fr/jury-citoyen

    Rapport du jury citoyen

    Le contenu du rapport qui suit est issu du croisement entre ces différentes formes de travail et a fait l’objet d’échanges, débats et de délibérations des juré·e·s citoyen·ne·s.

    https://accueillir-villeurbanne.fr/wp-content/uploads/2018/01/RapportDuJuryCitoyen_08-02-2019.pdf

    J’ai participé lors d’une #audition du jury citoyen...
    Et évidemment, j’ai montré la carte de @reka de l’arc des réfugiés :

    #Villeurbanne #jury_citoyen #asile #migrations #réfugiés #vidéo #villes-refuge

    ping @isskein

  • ODAE | Rapport :« La vraisemblance dans la procédure d’asile »
    https://asile.ch/2019/02/25/odae-rapport-la-vraisemblance-dans-la-procedure-dasile

    Dix ans après sa création, l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers (ODAE-Suisse) vient de publier un rapport anniversaire qui s’intitule La vraisemblance dans la procédure d’asile. Ce dernier revient sur les critères et les exigences à remplir pour rendre vraisemblables les motifs d’asile invoqués et souligne les difficultés d’y parvenir. Nous publions ci-dessous les […]