• Procédure | Prise de décision en matière d’asile. Le régime de la #suspicion

    Autant les collaborateurs du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) que les conseillers juridiques qui accompagnent les demandeurs d’asile semblent s’accorder sur le fait que la majorité des demandes d’asile sont rejetées sur la base du caractère « non vraisemblable » de la demande [1]. Sur son site Internet, le SEM affirme ainsi — et c’est un discours très présent également dans l’espace public — que beaucoup de demandeurs d’asile « racontent une histoire dramatique inventée de toutes pièces, espérant ainsi obtenir le statut de réfugié » [2]. Une attitude qualifiée d’« abus », et contre laquelle l’institution s’érige en rempart.

    Comment expliquer que nombre de décisions négatives soient fondées sur l’article 7 de la loi sur l’asile, qui définit la « vraisemblance », plutôt que sur la non-éligibilité au statut de réfugié (article 3) ? Dans le contexte français, Fassin et Kobelinsky (2012) lient cela au tournant politique des années 80 et 90. Ils montrent que la fin de la guerre froide et la crise économique des années 70 ont conduit à des politiques bien plus restrictives en matière d’immigration et d’asile, mettant davantage l’accent sur la dissuasion et la lutte contre les « #abus ».

    Un constat qui vaut également pour la #Suisse (Miaz, 2017), mais qui ne suffit pas à expliquer la prépondérance du critère de vraisemblance dans l’examen des demandes d’asile. Ma thèse de doctorat, pour laquelle j’ai mené une recherche ethnographique en 2014 et 2015 au sein de différentes divisions du SEM, montre que les mécanismes intra-institutionnels jouent ici un rôle essentiel.

    Un conditionnement institutionnel

    Je me suis ainsi intéressée aux pratiques quotidiennes des collaborateurs du SEM et à la manière dont certains « modèles » de prise de décisions deviennent naturels ou routiniers pour ces derniers. Pour mieux comprendre comment fonctionne la prise de décision en matière d’asile — et dans les bureaucraties plus généralement —, il faut prêter attention à l’élaboration et à la structuration des pratiques discrétionnaires des décideurs.

    Par pratiques discrétionnaires, j’entends ici les actions nécessaires pour interpréter le droit général dans l’évaluation de « cas » ou situations spécifiques.

    Ces pratiques ne sont pas seulement le résultat de choix libres et autonomes des décideurs. Elles sont façonnées par l’institution au sein de laquelle ils travaillent. On peut donc parler d’« habitus institutionnel », que je définis comme schéma de pensée, d’action, de perception et de désir qui découle de la position des collaborateurs au sein du SEM. L’habitus institutionnel met l’accent sur les expériences vécues au travail et sur la socialisation institutionnelle pour comprendre ce qui façonne les manières de comprendre, juger et agir des collaborateurs du SEM.

    Une solution de facilité

    Ma recherche montre ainsi quatre raisons principales pour lesquelles les collaborateurs du SEM préfèrent un raisonnement fondé sur l’examen de la vraisemblance (art. 7 LAsi) à un examen fondé sur l’éligibilité au statut de réfugié (art. 3 LAsi). Selon les personnes interrogées, la décision est premièrement moins susceptible d’être contestée en cas de recours de la part du demandeur d’asile. Deuxièmement, la plupart considèrent que les décisions négatives relevant de l’art. 7 sont moins étroitement contrôlées par leurs supérieurs hiérarchiques. Troisièmement, il leur semble plus facile d’établir et de produire des faits en vue de la décision dans le cadre de l’examen de la vraisemblance — au moyen de techniques et de stratégies d’interrogatoire — que d’établir avec certitude ce que les demandeurs d’asile ont vécu dans leur passé ou des persécutions à venir. Enfin, de nombreux collaborateurs considèrent qu’il est plus facile, émotionnellement, de justifier des décisions prises sur la base de la vraisemblance : la responsabilité de la décision négative revient alors au demandeur qui n’a pas dit « la vérité ».

    La #méfiance valorisée

    Je montre aussi qu’à travers leur socialisation au travail, les décideurs en viennent à assumer le rôle de « protecteurs du système ». Un rôle qui, dans le discours des personnes interrogées, prend un double sens. D’une part, il s’agit de protéger ce qu’ils considèrent comme la valeur humanitaire de l’asile : réserver l’asile à ceux qui le méritent vraiment, en limitant son accès. D’autre part, protéger le système consiste à défendre « les intérêts de l’État » : ne pas rendre l’asile « trop attractif » revient alors à protéger la Suisse contre l’installation d’« un trop grand nombre d’étrangers ».

    Ces finalités ne sont pas revendiquées comme objectifs propres par les collaborateurs, à savoir ce qui oriente leurs prises de décision. Néanmoins, je montre qu’en tant qu’objectifs institutionnels inculqués tout au long de leur socialisation dans l’institution, ceux-ci façonnent la manière dont les collaborateurs envisagent leur rôle et ce qu’ils considèrent comme des valeurs « professionnelles » de prise de décision. Tel est le cas de la suspicion.

    Ainsi, au sein du SEM, être suffisamment méfiant est perçu comme signe de professionnalisme, alors que sera qualifié de « naïveté » et de « paresse » le fait de ne pas « creuser assez profondément » pour trouver des contradictions et des signes de non-vraisemblance. Pour être professionnels, les collaborateurs doivent donc « creuser profondément » pour prouver la (non) véracité des déclarations des demandeurs d’asile et « tester leur crédibilité ».

    Une technique biaisée

    Rappelons seulement que les techniques de questionnement visant à tester la crédibilité ne font pas que découvrir des « contrevérités » et des contradictions. Elles les génèrent activement, comme l’ont montré plusieurs auteurs (Scheffer, 2001 ; Trueman, 2009).

    L’accent mis sur la vraisemblance et l’attitude de suspicion à l’égard des demandeurs d’asile au sein de processus de classification légale conduit ainsi au renforcement de la figure particulière du demandeur d’asile débouté comme « #faux_réfugié » et « #abuseur ».

    Une figure qui, en retour, vient renforcer les volontés du SEM et de ses collaborateurs d’identifier ces « abuseurs » et de les exclure.

    https://asile.ch/2018/11/27/procedure-prise-de-decision-en-matiere-dasile-le-regime-de-la-suspicion
    #vraisemblance #audition #preuves #asile #migrations #réfugiés #procédure_d'asile

    • Crédibilité | Son #récit est qualifié d’invraisemblable malgré plusieurs éléments de #preuve

      Yared* demande l’asile en Suisse après avoir quitté l’Éthiopie, où il a été détenu et maltraité en tant qu’opposant politique. Il présente une convocation officielle des autorités éthiopiennes et un rapport médical rédigé par un service spécialisé attestant de son état de santé et corroborant ses dires. Cependant, le SEM puis le TAF considèrent que ses déclarations sont invraisemblables et prononcent son renvoi de Suisse.

      Yared, d’origine éthiopienne, entre en Suisse en septembre 2015 et y dépose une demande d’asile. Il déclare avoir été arrêté en 2014 dans le cybercafé qu’il gérait à Addis-Abeba, puis emprisonné pendant quatre mois. Les autorités l’accusaient d’être un opposant au régime, car des membres d’un parti de l’opposition utilisaient son cyber-café afin d’imprimer des affiches contre le pouvoir. Yared ajoute avoir été emprisonné une seconde fois pendant deux mois durant la campagne électorale de 2015, à nouveau soupçonné de soutenir l’opposition. Il dit avoir été battu et torturé lors de ces deux périodes de détention. Alors qu’il avait déjà quitté le pays, Yared a reçu une convocation de la part des autorités éthiopiennes datée d’août 2015, réceptionnée par sa sœur et dont l’original a été remis au SEM. Yared verse à son dossier des éléments relatifs à son état de santé, qui corroborent ses dires sur les traitements dont il aurait été victime. En effet, il souffre notamment de troubles de l’audition et de l’articulation de la mâchoire, que les médecins attribuent à de probables coups au niveau de la tête. Yared présente d’autres séquelles, possiblement dues à des passages à tabac et à des brûlures. Il est également suivi sur le plan psychiatrique à la Consultation pour victimes de torture et de guerre (CTG) pour dépression et état de stress post-traumatique. Un rapport médical de juillet 2017, remis lui aussi au SEM, conclut notamment à une perforation des tympans et à un état de stress post-traumatique.

      En août 2017, le SEM rejette la demande d’asile de Yared, qualifiant ses déclarations d’invraisemblables. Le SEM trouve « incompréhensible » que les autorités éthiopiennes aient décidé d’arrêter Yared sans aucune raison ou indice préalable et « illogique » que celles-ci l’aient libéré faute de preuve puis arrêté à nouveau quelques mois plus tard. Selon le SEM, les explications fournies par Yared sont « vagues », « stéréotypées » et « vides de tout élément de vécu ». Les exigences de vraisemblance posées par l’art. 7 LAsi n’étant selon lui pas réalisées, le SEM renonce à examiner la pertinence des faits allégués. Il réfute la qualité de réfugié de Yared et prononce son renvoi, estimant qu’il n’a démontré aucun risque vraisemblable d’être exposé à une peine ou à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH ni aucune mise en danger concrète due à sa situation médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

      Suite à la décision du SEM, Yared fait recours au TAF en octobre 2017. Il évoque les moyens de preuve détaillés et pertinents qui n’ont pas été considérés par le SEM, comme la convocation des autorités éthiopiennes d’août 2015 ou le certificat médical de juillet 2017. Yared rappelle les séquelles laissées par les mauvais traitements subis lors de sa détention. De plus, en raison de sa présumée appartenance à l’opposition politique éthiopienne, Yared se dit exposé à de sérieux préjudices.

      Le TAF rejette la demande de dispense de frais et d’assistance judiciaire en octobre 2017, le recours étant jugé voué à l’échec. Yared dépose une demande de reconsidération de la décision incidente du TAF, rappelant une fois encore qu’il a apporté des preuves matérielles qui n’ont été considérées ni par le SEM ni par le TAF. De surcroît, dans sa décision incidente, le TAF s’appuie sur le fait que Yared aurait imprimé des tracts en 2015, soit après la fermeture de son cybercafé. Pourtant, la mandataire de Yared rappelle que celui-ci n’a jamais tenu de tels propos. Le TAF rejette ensuite la demande de reconsidération puis le recours de Yared, car celui-ci n’aurait rendu vraisemblable ni l’existence ni le risque de persécutions de la part des autorités éthiopiennes à son égard. Le TAF considère qu’il se serait également contredit sur le moment de sa seconde arrestation. Dans son recours, la mandataire de Yared avait précisé que les indications temporelles données par le recourant étaient effectivement vagues (« ensuite », « puis »), mais que le SEM n’avait pas cherché à les clarifier et à confronter Yared sur les apparentes divergences dans ses déclarations. De plus, ces indications temporelles ont été données dans le cadre d’une question générale sur les motifs d’asile de Yared, et non en réponse à une question spécifique portant sur le moment de la seconde arrestation. Finalement, pour le TAF, bien que le rapport médical et le fait que Yared soit suivi par la CTG attestent des faits avancés, ils ne suffisent pas à rendre vraisemblables les motifs de fuite allégués. Le TAF estime ainsi que Yared ne remplit pas les conditions d’octroi de l’asile et prononce son renvoi.

      https://asile.ch/2018/12/12/credibilite-son-recit-est-qualifie-dinvraisemblable-malgre-plusieurs-elements-
      #vraisemblance #invraisemblance #crédibilité

  • Le #TAF reconnaît que l’imprécision des propos d’une requérante d’asile peut venir du traumatisme subi

    Dans un arrêt du 12 juin 2018, le TAF a octroyé l’asile à une femme irakienne de confession sunnite, enlevée puis frappée et violée par des miliciens chiites. Enceinte de deux mois, elle avait perdu l’enfant suite aux violences subies. Le SEM lui avait refusé l’asile, estimant son récit stéréotypé, évasif et indigent. Le TAF considère quant à lui que le récit est cohérent et que les imprécisions « peuvent d’ailleurs être la conséquence des violences extrêmes que l’intéressée a dit avoir subies, l’amnésie traumatique étant un phénomène reconnu qui affecte notamment les victimes de violences sexuelles ». Concernant, l’art. 3 LAsi, le TAF rappelle que l’intéressée ne peut se prévaloir d’une protection en Irak vu le contexte social et culturel qui y prévaut, qu’elle est sunnite alors que le pays est majoritairement chiite. Par ailleurs, le refuge interne n’est pas envisageable dans le cas d’espèce, des sunnites de sa tribu ayant annoncé vouloir la tuer pour « rétablir leur honneur ». Ainsi, le TAF a cassé la décision du SEM et a octroyé l’asile à la recourante.

    https://odae-romand.ch/breve/le-taf-reconnait-que-limprecision-des-propos-dune-requerante-dasile-lors
    #Suisse #asile #migrations #audition #imprécisions #trauma #traumatisme #récit #réfugiés

  • 50 ans de représentation d’#œuvres d’entraide : deux ROE parlent de leur expérience

    Depuis cinquante ans, les représentantes et représentants d’une oeuvre d’entraide sont présents aux auditions dans la procédure d’asile. Ils observent l’état d’esprit des personnes en quête de protection, écoutent et interviennent lorsque quelque chose n’est pas équitable ou correct. L’OSAR s’est entretenue avec deux représentantes d’oeuvres d’entraide, Nazli Öztürk et Annette Humbel Gmünder. Elles nous racontent leur travail. 20.08.2018

    Comment percevez-vous vos tâches et votre rôle en tant que ROE ?

    Nazli : Je me comporte en observatrice neutre, en veillant à ce que le requérant aille bien et qu’il règne une atmosphère agréable. Dans l’intérêt du requérant, je peux poser des questions, exprimer des objections et faire mentionner dans le procès-verbal si ses droits sont restreints, par exemple si une audition spécifique au genre est nécessaire, si son état de santé est critique ou si l’audition dure trop longtemps sans pauses.

    Annette:Il est important qu’en tant que ROE nous garantissions le déroulement correct des interviews et veillions à ce que personne ne soit mis sous pression. Les directives à cet égard sont claires, j’ai rarement à intervenir, mais je fais très attention à l’exactitude des procès-verbaux d’audition et veille à rédiger moi-même soigneusement mes courts rapports.

    Comment percevez-vous le rôle de ROE ? Comporte-t-il des avantages et des inconvénients ?

    Nazli : Il est vraiment difficile de conserver une attitude neutre tout en agissant dans l’intérêt du requérant. Je peux lui communiquer le sentiment d’être compris et de l’empathie et m’efforcer de créer la confiance, ce qui facilite un peu sa situation. Souvent, les histoires des réfugiés sont très tristes. Un avantage, c’est que l’on apprend soi-même beaucoup sur les pays de provenance, que l’on reçoit de première main des informations sur la situation dans ces pays et la fuite et qu’on fait la connaissance de personnes différentes, allant de la professeure jusqu’au travailleur migrant.

    Annette : Je m’y habitue bien, peut-être parce que dans ce domaine on est plutôt respecté à l’âge mûr ? Ce n’est pas toujours facile d’intervenir, parce que cela peut être interprété comme une dénonciation. Selon l’emplacement, le climat est très différent, tantôt familier, tantôt plutôt distancé. L’inconvénient possible consistant à n’avoir aucune distance dans une atmosphère familière, se révèle souvent dans la pratique comme un avantage en termes de rationalité des procédures : les interventions sont rapidement clarifiées parce que les acteurs se font confiance.

    Comment êtes-vous arrivées à ce travail ?

    Nazli : Des collègues d’université m’en ont parlé.

    Annette:Une camarade d’études travaillait comme coordinatrice ROE suppléante et m’a demandé si cela m’intéressait. Je l’ai accompagnée à une audition et cela a tout de suite suscité mon intérêt.

    Quelle est votre motivation pour ce travail, qui s’accomplit sur appel et de façon irrégulière et qui ne saurait donc garantir un revenu suffisant pour vivre ?

    Nazli : C’est à cause de ma propre histoire de seconda turque. J’ai grandi dans une maison parentale très politisée. J’aimerais travailler plus tard en qualité de juriste dans le domaine de l’asile et cela me permettra d’acquérir des expériences importantes.

    Annette : À l’époque, lorsque mes trois enfants étaient encore petits, c’était le travail idéal pour moi, et je pouvais très bien le concilier avec la famille. Il est important à mes yeux de pouvoir contribuer de cette manière à une procédure d’asile équitable et licite. Et bien entendu, cela implique toujours de l’empathie et de l’intérêt pour d’autres pays et cultures.

    Combien de fois êtes-vous intervenues à ce jour ?

    Nazli : En moyenne ce sont deux ou trois auditions par semaine.

    Annette : Dans les périodes de pointe, j’interviens une ou deux fois par semaine.

    Vos compétences particulières sont-elles prises en considération lors des interventions ?

    Nazli : Je parle le turc, je connais bien la situation politique de ce pays et je suis très souvent engagée lors d’auditions correspondantes. C’est important pour moi en raison des traductions et de l’interprétation. Les nuances peuvent avoir des répercussions dans ce domaine. Il faut des précisions, par exemple lorsqu’il s’agit de la question de savoir si et surtout comment un parti politique sympathise avec le PKK et son aile militante.

    Annette : Pour moi, ce sont plutôt la disponibilité et la flexibilité qui figurent au premier plan. En effet, le domaine de l’asile est soumis à des fluctuations extrêmes. J’accorde volontiers la priorité aux ROE qui sont tributaires de ce revenu, souvent des étudiants.

    L’empathie diminue-t-elle un peu après de nombreuses auditions ?

    Nazli : Non, je ne pense pas, car chaque personne a son histoire personnelle. Les moments tristes me touchent toujours.

    Annette : Le risque existe, effectivement. Alors que les MNA sont généralement très polis, timides et reconnaissants, il existe comme partout également des requérants qui font qu’il est difficile de conserver son empathie, par exemple lorsqu’ils se font remarquer, qu’ils vous menacent, ou qu’ils mentent très manifestement. Mais cela arrive rarement.

    Pouvez-vous nous parler de vos belles expériences et de vos difficultés en tant que ROE ?

    Nazli : J’ai souvent trouvé très difficile la situation des Roms. Les frontières, les pièces d’identité, tout cela démembre les familles nomades. Une femme rom se trouvait en mauvaise posture à cause de son mari délinquant. Ses enfants vivaient ici, mais elle-même a dû retourner en Serbie, ce que j’ai trouvé très injuste. En revanche, pendant une audition j’ai connu un Syrien mineur qui savait faire des tours de passe-passe. Il s’est mis lui-même dans une situation détendue, en nous présentant des tours de magie et même la collaboratrice du SEM s’en est réjouie.

    Annette : Les requérants racontent souvent des expériences pénibles et terribles qui ne sont pas pertinentes pour l’asile selon la loi suisse sur l’asile. Il me paraît difficile pour nous en tant que ROE de savoir et de gérer cela. C’est agréable quand un cas est clair et qu’un permis B est accordé rapidement. Ou encore l’histoire de deux sœurs, âgées de 18 et 14 ans, qui ont fui l’Italie pour la Suisse à cause de leur mère violente. Parce que l’Italie refusait de les reprendre, elles ont été admises provisoirement. Entre-temps, grâce à une famille d’accueil et une formation, elles sont parfaitement intégrées, ont un permis B et font leur vie ici en Suisse.

    Qu’est-ce qui change personnellement pour vous avec l’introduction de la nouvelle procédure d’asile ?

    Nazli : Pas grand chose, parce que, en tant que juriste, je travaillerai de toute façon dans ce domaine, et les interventions de ROE sont une bonne préparation pour moi.

    Annette : Je n’aurai plus de travail lorsque toutes les demandes faites avant le 1er mars 2019 auront été traitées. Si le profil me correspond, je poserai ma candidature en tant que conseillère de procédure.

    https://www.osar.ch/news/archives/2018/50-ans-de-representation-duvres-dentraide-deux-roe-parlent-de-leur-experience.h
    #audition #témoignage #ROE #oeuvres_d'entraide #Suisse #asile #migrations #réfugiés

  • How Refugees’ Trauma Became ‘Currency’ in Resettlement

    For many, seeking asylum requires repeatedly recounting your story, compounding its impact. Refugees feel pressured not only to prove persecution, but also that they’ve also been damaged by it. Betsy Joles reports from Malaysia.

    https://www.newsdeeply.com/refugees/articles/2018/08/10/how-refugees-trauma-became-currency-in-resettlement
    #réinstallation #asile #migrations #réfugiés #audition #preuve #persécution #trauma #traumatisme #interview

  • IS IT A TRUE STORY TELLING ?

    Ce pourrait être l’histoire d’une image manquante, celle des services de l’immigration et de l’asile qui ne se donnent pas à voir si facilement, ou celle d’une image de cinéma qui ne sait plus quelle croyance véhiculer. A partir d’entretiens et d’enquêtes sociologiques menés auprès de personnes rattachées aux services de l’immigration et de l’asile, ce n’est pas le mythe médiatique de la crise migratoire qui apparaît, mais bien la réalité brute et invisible de la crise de l’accueil des institutions françaises.

    Les récits de ce film ont été écrits à partir d’entretiens et d’enquêtes sociologiques menés auprès de personnes ayant travaillé, ou travaillant encore, dans les services de l’immigration (Préfectures, #OFPRA, CNDA).

    La réalisatrice #Clio_Simon interroge non pas le mythe médiatique de la crise migratoire, mais bien la réalité brute et invisible de la crise de l’accueil des institutions françaises. Ce film possède aussi une dimension sonore considérable, avec le concours du compositeur Javier Elipe Gimeno. Les deux artistes se sont rencontrés lors de leurs études respectives au Fresnoy et à l’Ircam et ont déjà réalisé ensemble le Diable écoute.

    https://vimeo.com/255609530


    #vérité #asile #réfugiés #migrations #audition #récit #migrations #vidéo

  • Asylum decision-maker : ’It’s a lottery’

    The Home Office has denied taking “arbitrary” decisions on asylum cases in order to meet deportation targets, but an asylum caseworker says staff have to work so fast that the results are a “lottery” - one that could result in people being sent home to their deaths. He contacted the BBC because he wants the public to know how the system operates. As he would lose his job if identified, we have called him “Alex”.

    L’auteure mentionne le fait que le #Home_Office ait utilisé le Lonely Planet pour montrer que le Vietnam est un pays sûr... Ici le passage dans l’article :

    When Asylum Aid represented a gay client from Vietnam recently, the Home Office caseworker referred to a Lonely Planet guide to establish whether or not it would be safe for him to return home. Based on the guide’s description of Ho Chi Minh city, the caseworker suggested it would be safe for him to go back.

    ... je me rappelle d’une conversation avec une juriste du CSP (Genève), qui avait utilisé, pour un recours contre une décision du SEM, le #Guide_du_Routard. Elle a montré au SEM que le récit de son mandant était vraisemblable quand il a répondu « je ne sais pas, il n’y a rien à voir » à la question de l’auditeur du SEM : « Dites moi le nom de 3 monuments présents dans votre ville d’origine »...


    http://www.bbc.com/news/stories-43555766
    #arbitraire #chance #audition #asile #migrations #réfugiés #Lonely_Planet #loterie #décisions_arbitraires #UK #Angleterre

  • Gilles ­Piquois, son combat magistral pour les réfugiés - Télévision - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/television/gilles-piquois,-son-combat-magistral-pour-les-refugies,n5565720.php#8sUqfv1


    pas vu

    Son métier ? Défendre le cas des demandeurs d’#asile déboutés par l’#Ofpra, explorer leur passé, pour leur donner une dernière chance. Valérie Denesle l’a suivi dans son exercice et en livre un film passionnant, “Je suis votre avocat”, à voir en exclusivité sur Télérama.fr, du 11 avril au 13 mai.
    [...]
    A la veille de la discussion à ­l’Assemblée nationale du projet de loi #Asile et #immigration, et alors que les #avocats qui plaident d’ordinaire à la #CNDA sont en grève depuis la mi-­février pour obtenir son retrait, il nous a paru important de montrer ce film. Aucune chaîne n’ayant souhaité le diffuser, nous avons décidé de le mettre en ligne gratuitement un mois durant, avec l’accord de la société de production Agat Films & Cie et de sa réalisatrice. Nous avons également voulu revenir avec #Gilles_Piquois sur les conditions de son tournage et affiner avec lui le décryptage d’un texte qui « sous prétexte de célérité bafoue les droits les plus élémentaires des demandeurs d’asile ».

    https://www.youtube.com/watch?v=LFKG5_m3gpw

  • Biometric data in large EU IT systems in the areas of borders, visa and asylum – fundamental rights implications

    The EU has developed common rules for managing external borders, for issuing visas and for dealing with asylum requests. These rules require cooperation between EU Member States, including the exchange of personal data concerning third-country nationals. The EU has developed three large scale IT systems to exchange personal data in the areas of asylum, borders and visa: #Eurodac, #SIS II (#Schengen_Information_System) and #VIS (#Visa_Information_System). This project will analyse the fundamental rights implications of inserting, storing and using biometric data – such as fingerprints – in these IT systems. Both the negative as well as the positive fundamental rights implications will be studied.

    http://fra.europa.eu/en/project/2014/biometric-data-large-eu-it-systems-areas-borders-visa-and-asylum-fundamen
    #biométrie #surveillance #frontières #surveillance_frontalière #contrôles_frontaliers #visa #asile #migrations #réfugiés #Schengen #données_biométriques #empreintes_digitales #droits_humains #droits_fondamentaux #rapport

    Mais je ne trouve pas le rapport à télécharger...

    Sous “publications”, par contre, d’autres documents intéressants:
    Fundamental rights implications of the obligation to provide fingerprints for Eurodac

    Processing biometric data for immigration, asylum and border management purposes has become common. This focus paper looks at measures authorities can take to enforce the obligation of newly arrived asylum seekers and migrants in an irregular situation to provide fingerprints for inclusion in Eurodac.

    http://fra.europa.eu/en/publication/2015/fundamental-rights-implications-obligation-provide-fingerprints-eurodac

    #Smart_Borders Pilot Project Technical Report Annexes
    https://www.eulisa.europa.eu/Publications/Reports/Smart%20Borders%20-%20Technical%20Annexes.pdf
    #frontières_intelligentes

    • Europe: l’enjeu des #données_mobiles des migrants

      Les téléphones portables sont de véritables lignes de vie pour les migrants. Outils de documentation, systèmes de navigation, mais aussi et surtout moyens de communication, ils leur permettent d’établir un contact régulier avec leurs proches, les passeurs, et toute autre personne susceptible de les aider dans leur périple. Mais justement parce qu’ils leur permettent de rester connectés, les téléphones portables exposent aussi les migrants à de véritables risques. Parmi eux, l’exploitation de leurs données mobiles par les autorités de certains pays européens, qui peut permettre de retracer leur parcours ou vérifier leur identité.

      Lorsqu’ils sont contraints de quitter leur pays d’origine, des milliers de migrants laissent derrière eux leurs foyers avec pour seuls bagages quelques billets, et un téléphone portable. Juste de quoi leur permettre d’atteindre l’Europe. Être connecté est un point essentiel dans une situation de migration forcée, pour rester en contact avec ses proches, mais aussi pour pouvoir joindre les secours.

      Pour des questions de mobilité, de localisation et de sécurité, les téléphones sont donc des outils indispensables aux migrants, mais pas seulement. Selon Wired UK, la déclinaison britannique du mensuel américain Wired, certains gouvernements européens utilisent les téléphones portables des migrants et en extraient les données mobiles de #géolocalisation et de #messagerie.

      Des entreprises spécialisées dans l’extraction de données

      « Ça ne me surprendrait pas, affirme Carleen Maitland, professeur associée à l’université des sciences de l’information et technologie de Pennstate. Il y a 20 ans déjà, si quelqu’un faisait une demande d’asile, les agents de l’immigration demandaient des preuves pour vérifier les propos des demandeurs. C’est extrêmement inquiétant, et décevant pour des gens qui ont déjà tout perdu de devoir perdre, en plus, leurs #souvenirs_numériques ».
      –-> #audition, donc. Et #vraisemblance

      Un acte rendu possible par la recrudescence d’entreprises spécialisées dans ce domaine, comme par exemple au Royaume-Uni. Là-bas, plusieurs entreprises possèdent même des contrats avec les forces de police britanniques, comme le révèle un rapport de Privacy International, une organisation non gouvernementale basée à Londres, militant pour le droit à la vie privée.

      Selon l’une de ces sociétés, MSAB, 97% des forces de police britanniques utiliseraient le logiciel #XRY, donnant même un accès aux données supprimées des appareils mobiles, qu’il s’agisse de smartphones, de #modem_3G, de #GPS ou encore de #tablettes.

      Manque de transparence

      Aujourd’hui, Privacy International n’a pas la preuve que les forces de police ont recours à ce type de pratique envers les migrants, et ce malgré les révélations du journal The Guardian en 2016, statuant que le Home office, le ministère de l’Intérieur britannique, pouvait bel et bien avoir accès aux données mobiles des téléphones des migrants soupçonnés d’avoir commis un crime. Mais sur quels critères ? Le problème pour Privacy International : un manque de transparence sur cette question, régulée par une loi, selon eux, obsolète - la loi sur la police et les preuves pénales, datant de 1984. Elle accorde à la police le pouvoir d’exiger « n’importe quelle information stockée sous toute forme électronique ».

      « Nous craignons que les données mobiles des migrants soient extraites de leurs téléphones portables quand ils sont détenus dans des centres de rétention, ou lorsqu’ils passent d’un centre à un autre (au Royaume-Uni), sans que personne ne le sache vraiment », s’inquiète Millie Graham Wood, avocate au sein de Privacy International. « La loi sur laquelle ils disent s’appuyer est inadéquate et inapplicable aux nouvelles technologies », ajoute-t-elle.

      Un volume d’informations important

      Une inquiétude d’autant plus légitime lorsque l’on sait à quelles informations peuvent accéder les services de police britanniques quand ils ont recours à la technologie de #Cellebrite : les numéros de chacun des contacts enregistrés dans le téléphone, le journal d’appel, les messages textes et images envoyés, toutes les vidéos et images ainsi que leur date et heure de création (parfois même accompagnées de leur géolocalisation), les fichiers audio, les e-mails, les informations de navigation, les données GPS, les messages et contacts des applications de réseaux sociaux, tous les réseaux bluetooth auxquels a été connecté le téléphone, les codes de déverrouillages (qu’il s’agisse de chiffres ou de schémas), et même les données supprimées.

      « Ils n’ont aucune idée du volume d’informations qui peut leur être pris, et comment cela pourrait être utilisé contre eux dans le futur », explique Millie Graham Wood. D’autant que les informations trouvées dans le téléphone ne sont pas forcément précises et fiables à 100%. « Avec ce manque de transparence autour de la question de la provenance des données des migrants et de leur utilisation, il y a un risque d’erreur judiciaire, qui pourrait conduire à des expulsions à cause de ce qu’on a trouvé sur les téléphones et qui pourrait s’avérer incorrect. »

      Mais le #Royaume-Uni n’est pas le seul pays d’Europe où les données mobiles peuvent se retourner contre les migrants. En #Allemagne, la loi est plus claire : depuis le 18 mai 2017, les autorités peuvent examiner les #métadonnées des migrants potentiels et déterminer dans quels pays ils ont été, et à quel moment - vérifier, donc, leurs #témoignages lors de leur demande d’asile en cas de doute.

      Selon Wired, les autorités allemandes ont recours à un logiciel informatique appelé #Atos, qui utilise les technologies de deux entreprises spécialisées dans l’analyse forensique des téléphones, #T3K... et MSAB. Une combinaison d’outils qui permet d’accéder aux métadonnées contenues dans les téléphones portables.

      Des politiques différentes en Europe

      En Allemagne, la loi sur la surveillance des téléphones ne peut s’appliquer que dans le cas où l’identité ou la nationalité d’un demandeur d’asile ne peut pas être prouvée, et s’appuie sur la section 15a de l’Asylum Act, selon Annegret Korff, porte-parole de l’Office allemand des migrations (BAMF), interrogée par confrères du site Infomigrants. Seul le BAMF peut ensuite traiter ces données.

      En 2017, la #Belgique s’est aussi inspirée de son voisin allemand ; au mois de novembre, la Chambre a adopté la réforme du droit d’asile du secrétaire d’Etat Theo Francken. Un texte qui donne aux autorités la possibilité d’inspecter les téléphones portables des demandeurs d’asile, mais aussi d’éplucher leurs profils sur les réseaux sociaux afin de vérifier le récit du candidat quant à son parcours. L’objectif est aussi de contrôler leur #identité s’ils ne possèdent pas de documents pouvant la prouver. En cas de refus de rendre accessible son téléphone portable et ses réseaux sociaux, le demandeur d’asile peut être enfermé.

      Même chose en #Turquie. Là-bas aussi, les autorités se penchent sur les profils des migrants, dès leur passage à la frontière avec la Syrie. C’est ce que l’on peut lire dans un article de Marie Gillespie, professeur de sociologie à l’Open University du Royaume-Uni, et Souad Osseiran, anthropologiste spécialisée sur les questions de migrations et réfugiés en Turquie, ainsi que Margie Cheesman, de l’université d’Oxford au Royaume-Uni. Ils ont interrogé Saleem, qui témoigne : « quand je suis arrivé à la frontière en Turquie, le garde a pris mon téléphone et m’a demandé mon mot de passe Facebook. Au début, je ne voulais pas lui donner parce que j’avais peur, mais ils m’ont mis en prison pendant 15 jours, et m’ont frappé. Ils avaient pris mon téléphone, et j’étais coincé. »

      Dans l’article, on apprend aussi que la #surveillance en ligne peut continuer une fois les frontières européennes passées, puisque les autorités demandent aux demandeurs d’asile des informations à propos de leur compte #Facebook, les incitant à « nettoyer » leurs profils.

      La #France adopte, elle, une position différente de ses voisins : les autorités ne peuvent surveiller les données mobiles des migrants pour des procédures administratives telles que des demandes d’asile, sauf dans le cadre de la lutte contre le #terrorisme - où n’importe quelle personne suspectée peut être mise sur écoute.

      Mais alors pourquoi de telles différences de pratiques entre les pays européens ? Interrogé par Infomigrants en mars 2018, le Bureau des migrations et des affaires intérieures de la Commission européenne a répondu que le droit européen ne réglementait pas cette question. Chaque Etat-membre est donc en mesure de décider si oui ou non les demandeurs d’asile doivent remettre leur téléphone portable aux autorités, et s’ils font appel à des entreprises comme #MSAB. La firme résume d’ailleurs bien quelles sont ses possibilités en matière d’exploitation des données : « si vous avez accès à une #carte_SIM, vous avez accès à la vie entière d’une personne ».

      http://www.rfi.fr/europe/20180730-europe-donnees-mobiles-migrants-immigration-portables
      #smartphones #téléphones_portables #SIM

  • Documentaire | Officiers du droit d’asile
    https://asile.ch/2017/10/27/documentaire-officiers-droit-dasile

    Dans les bureaux de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, des hommes et des femmes accueillent ceux qui viennent du monde entier pour bénéficier du droit d’asile. Ce sont les officiers de protection de l’OFPRA. Ils écoutent, interrogent, décident de donner la protection de la France, ou de la refuser le plus souvent. […]

    • Pierre-Nicolas Durand face au quotidien des « Officiers du droit d’asile » de l’OFPRA

      C’est une vieille connaissance qui revient sur Le Blog documentaire, qui y était déjà venue il y a quelques années pour décrire son « itinéraire d’un jeune documentariste »… Pierre-Nicolas Durand signe aujourd’hui un nouveau film, « Officiers du droit d’asile », diffusé à partir de ce samedi 30 septembre sur Public Sénat. Une plongée inédite à l’OFPRA, au plus près des agents et des demandeurs d’une protection de l’Etat français. Entretien avec le réalisateur.

      http://leblogdocumentaire.fr/pierre-nicolas-durand-face-quotidien-officiers-droit-dasile-de-lo

    • Asile : le piège des dealers d’histoires

      Pour demander l’asile en France, présenter un « #récit de vie rédigé en français » est obligatoire… Et mission impossible pour les exilés qui découvrent la langue française. Des trafiquants en profitent pour monnayer leurs services, souvent contre-productifs.

      Deux sur trois. C’est le ratio de dossiers qu’Elise (1) refuse chaque jour. De son bureau de Fontenay-sous-Bois (Ile-de-France), cette salariée de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) voit défiler les demandeurs d’asile. En tant qu’officier de protection (OP), et comme ses 800 collègues, elle examine et instruit les demandes de régularisation reçues par l’Ofpra. Et pour chaque demande, Elise évalue la gravité de la situation fuie par l’exilé. Au cours d’un entretien d’environ deux heures, secondée par un traducteur, elle interroge les migrants sur leur histoire et vérifie la cohérence des faits racontés.

      Dans l’écrasante majorité des cas, ces entretiens se soldent par un refus : seulement 27% des demandes enregistrées se traduisent par l’obtention du statut de réfugié. Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse de ces chiffres : les critères limités à la convention de Genève et excluant la détresse sociale et économique, le manque d’accompagnement et de suivi pour aider les demandeurs d’asile dans leurs démarches, l’engorgement des plateformes d’accueil mises en place par l’Etat, les contraintes de délai conduisant les OP de l’Ofpra à travailler en cadence… Mais pas seulement.

      Pour Elise, si tant de demandes d’asile sont déboutées, c’est surtout à cause d’un problème majeur et pourtant méconnu : les fausses histoires. L’OP explique refuser au moins la moitié des dossiers qu’elle examine à cause de « récits stéréotypés » : « On tape beaucoup sur l’Ofpra en disant qu’on accepte à peine un tiers des demandes… Mais il faut voir les demandes qu’on reçoit ! A une époque, presque tous les dossiers que je recevais étaient écrits avec la même écriture, les mêmes fautes d’orthographe, la même histoire… Il n’y avait que les noms qui changeaient. A tel point qu’à la fin, je leur donnais des numéros, "Dossier La Chapelle 1, 2, 3", etc. »

      Dans le jargon des travailleurs du droit d’asile, le problème mentionné par Elise porte plusieurs noms : « faux récits de vie », « récits stéréotypés », « histoires toutes faites »… Moyennant des sommes allant jusqu’à une centaine d’euros, des « dealers » écument les camps de migrants, proposant leurs services aux nouveaux arrivants. La rumeur va vite et les demandeurs d’asile savent qu’ils seront moins d’un tiers à obtenir le statut de réfugié. Alors les escrocs leur font miroiter monts et merveilles : en trafiquant des récits aux parcours de vie et nationalité factices, ils promettent aux exilés un futur meilleur. Acheter une histoire est présenté comme la meilleure façon d’obtenir l’asile. Les associations s’efforcent bien de proposer des traductions gratuites, mais la demande est trop importante et l’accompagnement trop éclaté pour que les bonnes informations circulent correctement. Alors, sans savoir qu’ils pourraient faire traduire leurs histoires sans débourser un centime, et dans l’espoir d’être le plus convaincants possible, les exilés tombent dans le piège des « dealers de récits ».
      « Des histoires sans queue ni tête »

      Sauf que ces récits sont surtout la garantie d’un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), où les exilés peuvent faire appel quand la protection leur est refusée. Car quelques questions suffisent aux officiers de l’Ofpra pour débusquer un faux récit. « Parce qu’on leur a dit que l’Ofpra accordait l’asile aux personnes de telle ou telle nationalité, ils jettent leurs passeports ou achètent des récits qui racontent des histoires sans queue ni tête, explique Elise. Quand ils n’ont pas vécu ce qui est écrit dans le récit, ils sont incapables de répondre à nos questions et on s’en rend compte très rapidement. C’est terrible, parce que souvent les personnes peuvent parfaitement venir de zones dangereuses et avoir rencontré des situations qui permettraient d’obtenir la protection en France. »

      En 2015, le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice, affirmait à Slate ne pas tenir rigueur des fausses histoires : « Les récits stéréotypés ne portent pas préjudice aux demandeurs. C’est notre politique. » Mais, en deux ans de carrière, Elise n’a jamais vu un demandeur d’asile reconnaître qu’il avait acheté son récit : « Les demandeurs n’ont pas confiance en nous, car pour eux on représente l’Etat ou la police. A leur place, je n’aurais pas confiance non plus, reconnaît l’employée de l’Ofpra. Je ferais confiance à quelqu’un qui parle ma langue plutôt qu’à quelqu’un qui travaille pour l’Etat. »

      Le constat est le même du côté des travailleurs sociaux. Antoine de Courcelles, responsable de l’aide administrative auprès des demandeurs d’asile pour l’association la Cimade Ile-de-France, dénonce l’extrême exigence de l’Ofpra : « L’Ofpra a développé depuis les années 80 un discours de suspicion vis-à-vis des demandeurs d’asile, car le discours politique à l’égard des réfugiés et de leur accueil a complètement changé. » Une bénévole du Bureau d’aide et d’accompagnement des migrants (BAAM) regrette également cette posture : « Les officiers de l’Ofpra sont là pour jouer au détecteur de mensonges. » Craintifs, les demandeurs restent donc souvent mutiques. Floués par les dealers de récits, ils se trouvent prisonniers d’une histoire qui leur ferme les portes de l’asile.

      Originaire du Tchad, Mahamad, 23 ans, a traversé la Libye et l’Italie avant d’arriver en France. Aujourd’hui en attente d’une réponse de l’Ofpra, il a dû rédiger un récit de vie en français. A son arrivée il y a sept mois, il ne parlait qu’un français balbutiant. Alors, dès ses premiers jours sur le camp de la Porte de la Chapelle, Mahamad a eu affaire aux dealers de récits : « Des gars sont venus me voir et m’ont dit en arabe : "T’es nouveau toi ? Ça se voit que t’es nouveau." Ils m’ont demandé si je voulais obtenir l’asile, si je connaissais les règles. Ils m’ont dit qu’ils connaissaient les "bonnes histoires" et que, pour m’aider, ils allaient améliorer la mienne. » Se fiant à son instinct, Mahamad a refusé leur « aide ». « J’ai senti qu’ils voulaient me tromper, alors je suis parti. »
      « Le moins de bruit possible »

      Tous n’ont pas le flair de Mahamad. « Souvent, les demandeurs d’asile sont tellement sous pression qu’ils se présentent eux-mêmes aux dealers de récits pour qu’ils traduisent leur histoire. Ils ont besoin d’écrire leur récit, ils ont vingt-et-un jours pour remplir un dossier en français, donc ils font tout pour se débrouiller. Va comprendre la convention de Genève quand tu viens d’arriver d’Afghanistan ! » raconte Héloïse Mary, présidente du BAAM.

      Le trafic de faux récits est très difficile à identifier. Malgré des années d’expérience sur le terrain avec les migrants, les bénévoles présents sur les camps peinent à cerner cette nébuleuse : « C’est la même chose que si tu avais des dealers en face de toi, constate l’une d’entre eux. Comme tous les dealers, ils font le moins de bruit possible pour faire leur business discrètement. » Ce sentiment d’impuissance est largement partagé dans les associations d’aide aux migrants. Morgann Barbara Pernot, cofondatrice de Paris d’Exil, déplore aussi une omerta : « On a tenté de mener l’enquête mais on n’arrive jamais à savoir si c’est un ami qui a traduit, un traducteur ou carrément un vendeur de récits bidons. Et même quand les demandeurs d’asile en parlent, ils disent ignorer le vrai nom du vendeur. »

      Dhrubo (1) fait partie de ceux qui distillent des informations lapidaires. Ce jeune exilé du Bangladesh, qui sollicite l’asile politique pour persécution, dit avoir vu graviter des passeurs potentiels au métro La Chapelle, à la jonction des Xe et XVIIIe arrondissements de Paris : « J’attendais sur le quai et j’ai surpris une conversation. Ils parlaient le bengali, ma langue natale, et expliquaient à quelqu’un qu’ils allaient améliorer son histoire », se souvient-il. Mais au moment d’entrer dans les détails, le jeune homme reste énigmatique : « Je ne sais pas qui c’était. Ça peut être dangereux, lâche-t-il dans un soupir. On a peur. On a tous peur. »
      Une « culture restrictive »

      Entre Barbès-Rochechouart et place de la Chapelle, les rues sont jalonnées de taxiphones, cybercafés et petites boutiques de téléphonie. Derrière les enseignes clignotantes et les grands sourires commerciaux, des vendeurs s’affairent parmi les téléphones prépayés et les smartphones retapés à neuf. Mais à la mention d’éventuels traducteurs travaillant avec des migrants, c’est silence radio. On hausse les épaules, fronce les sourcils et invite gentiment à aller voir ailleurs : « Allez voir vers Barbès, c’est là qu’il y a des traducteurs ! » conseille un vendeur d’une boutique de La Chapelle. Et du côté de Barbès : « Vous devriez essayer d’aller à La Chapelle, je crois qu’il y a des gens qui font ça chez eux ! » Les bénévoles le répètent, il est quasiment impossible de poser des questions sans se faire balader.

      « Comment voulez-vous mettre le doigt dessus sans que l’on s’intéresse à la cause du problème ? soupire la présidente du BAAM. Tant qu’on imposera des récits en français, qu’il n’y aura pas de service d’aide géré par l’Etat et que tout reposera essentiellement sur la bonne volonté des associations, il y a aura toujours de la débrouille ! » Car pour les travailleurs sociaux comme pour les salariés de l’Ofpra, ce trafic n’est que la manifestation d’un problème plus profond. Le désengagement de l’Etat laisse les exilés livrés à eux-mêmes, l’économie de la misère squatte la place laissée vacante par les institutions. Pour Antoine de Courcelles, de la Cimade, voilà la preuve d’une « culture restrictive distillée depuis longtemps à l’Ofpra selon laquelle le droit d’asile serait quelque chose de rare, et seulement accessible à une minorité de personnes. »

      La solution pour supprimer ce business des traducteurs mal intentionnés existe, disent les associations : supprimer les récits en français. Selon Héloïse Mary, « il faudrait que les personnes puissent s’exprimer oralement sur leur histoire dans leur propre langue. Imposer un récit manuscrit suppose une maîtrise parfaite de la lecture et de l’écriture, alors que beaucoup viennent de pays où le taux d’alphabétisation est faible ». Une revendication que partage Antoine de Courcelles : « C’est étrange de demander à des demandeurs d’asile venus des quatre coins du monde de rédiger en français les motivations de leur demande. Il faudrait tout simplement supprimer cette obligation. »

      (1) Les prénoms ont été modifiés à la demande des intervenants.

      http://www.liberation.fr/france/2018/05/14/asile-le-piege-des-dealers-d-histoires_1649999

    • A scream, for example, carries more volume sensation than a double bass might, although RMS indicates higher numbers for the instrument (and basses weigh heavily with the old measure). This is because the human voice is in the middle region.

      LUFS was created to approximate how our hearing works.

      #merci
      ping @intempestive

  • Limbo : a virtual experience of waiting for asylum - 360 video

    What is it like to flee your home and start again in a new country? Asylum seekers live on £5 a day while they wait to hear whether they can stay in the UK. This exclusive Guardian virtual reality film allows you to experience how this period of limbo feels, waiting for a decision that will affect the rest of your life

    https://www.theguardian.com/technology/2017/jul/05/limbo-a-virtual-experience-of-waiting-for-asylum-360-video
    #limbe #exil #vidéo #asile #migrations #réfugiés #UK #Angleterre #attente #invisibilité #solitude #vie_séparées #indifférence #lenteur #mémoire #audition (à partir de la minute 5’) #vraisemblance

    Pour voir la #vidéo complète :
    https://www.youtube.com/watch?v=AyWLvrWBKHA


    cc @reka @albertocampiphoto @philippe_de_jonckheere @fil

  • Dutch #App Lets You Interview Asylum Seekers

    An innovative interactive film in the Netherlands puts people in the interviewer’s chair at the asylum agency. Its producers discuss the importance of new forms of storytelling in breaking down barriers to understanding.
    Who is entitled to asylum status in the Netherlands? Who will be welcomed as a refugee and who will be rejected? The outcome of these questions is highly politicized, but the process by which they are made is poorly understood by the public.

    As a society, how do we decide who stays and who does not? What if we could put ordinary Dutch people in charge of making a decision like this, what would they learn? These were the questions we had in mind when we decided to bring this decisive conversation to life in the form of an interactive documentary for smartphones called “The Detailed Interview“ (linked site in Dutch).

    https://www.newsdeeply.com/refugees/op-eds/2016/07/13/dutch-app-lets-you-interview-asylum-seekers
    #asile #migrations #réfugiés #storytelling #témoignage #interview #audition

  • Home Office asylum policy guidance: sexuality

    Widespread incidents of Home Office interviewers asking offensive and inappropriate questions to people claiming asylum because of their sexuality have become somewhat notorious. Paul Dillane has recently written an excellent article about the “toxic mix of homophobia, misogyny and ignorance corrupts the asylum system”.

    http://www.righttoremain.org.uk/legal/home-office-asylum-policy-guidance-sexuality
    #LGBT #homosexualité #asile #migrations #réfugiés #audition

  • Le temps des réfugiés | Votation du 5 juin : L’assistance juridique gratuite prévue dans la nouvelle loi sur l’asile est un progrès
    http://asile.ch/2016/05/18/le-temps-des-refugies-votation-du-5-juin-lassistance-juridique-gratuite-prevue

    Le malaise plane du côté des défenseurs des requérants d’asile concernant la nouvelle loi sur l’asile soumise à votation le 5 juin prochain. L’OSAR et Amnesty International recommandent de voter pour la nouvelle loi alors que plusieurs autres associations comme le Centre social protestant, Vivre Ensemble, Stop Exclusion et le Comité pour la sauvegarde du […]

  • Psychological research relating to Refugee Status Determination procedures

    Dr. Jane Herlihy is the Executive Director of the Centre for the Study of Emotion and Law (CSEL). She is a Chartered Consultant Clinical Psychologist and has been writing and conducting research into the decision-making process in refugee status claims since 2000. She has a part time clinical role at the Trauma Clinic in London and is an Honorary Lecturer at University College, London.

    http://refugeelegalaidinformation.org/psychological-research-relating-refugee-status-determina

    #audition #asile #migrations #réfugiés #procédure_d'asile

  • Cultures & Conflits | Entre faits et fiction : l’instruction de la demande d’asile en Allemagne et en France
    http://asile.ch/2016/01/19/cultures-conflits-entre-faits-et-fiction-linstruction-de-la-demande-dasile-en-

    Depuis les années 1980-90, le nombre d’accords de statuts de protection internationale a radicalement baissé proportionnellement au nombre de demandes d’asile introduites dans les pays européens. L’évolution des dispositifs d’asile étatiques et de leurs pratiques décisionnelles sont bien entendu déterminées par les politiques nationales et européennes. Comprendre pleinement cette évolution suppose cependant une prise en […]

  • Genève, 06.12.2015 | Samira et Travel: explorer l’humanitarisme sexuel par le film ethnographique expérimental
    http://asile.ch/2015/12/06/geneve-06-12-2015-samira-et-travel-explorer-lhumanitarisme-sexuel-par-le-film-

    Au cours des trente dernières années, les flux migratoires se sont accrus et diversifiés. Les politiques néolibérales ont inclus le genre et la sexualité parmi les critères d’éligibilité à la protection humanitaire, tout en restreignant l’accès aux marchés du travail dans le Nord. C’est pourquoi la protection humanitaire et le droit d’asile sont devenus des […]

  • Humeur | Mieux que la connaissance du jeune homme est l’expérience du vieil homme (Proverbe tibétain)
    http://asile.ch/2015/11/23/humeur-mieux-que-la-connaissance-du-jeune-homme-est-lexperience-du-vieil-homme

    Ces derniers mois, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) s’est mis à questionner lui-même les demandeurs d’asile tibétains sur leurs connaissances générales du Tibet dans le cadre de l’audition sur leurs motifs de fuite. En jeu : l’impossibilité pour les autorités de les renvoyer en Chine. Le SEM cherche à vérifier si lesdits Tibétains ont […] Cet article Humeur | Mieux que la connaissance du jeune homme est l’expérience du vieil homme (Proverbe tibétain) est apparu en premier sur asile.ch.

  • #Livre et #conférence | #Elise_Pestre, « La vie psychique des réfugiés »

    Le réfugié est la principale figure historique du XXIe siècle. On estime aujourd’hui que plus de quinze millions de personnes sont des #exilés en quête de #refuge et les spécialistes annoncent que ce nombre devrait beaucoup augmenter dans les années à venir. Désormais, on ne parle plus seulement de réfugiés économiques ou politiques, mais aussi de réfugiés climatiques ou thérapeutiques.

    Or les Etats présupposent que la majorité des demandeurs d’asile mentent pour obtenir la qualité de réfugiés. Ils exigent donc des #preuves, et ces preuves ne peuvent passer que par le #témoignage. Mais comment témoigner quand on ne parle pas la même langue ? Qu’implique le fait de se remémorer dans l’urgence une série d’événements traumatiques ? Quel rôle le corps peut-il être amené à jouer ? A quels problèmes particuliers les professionnels, y compris les psychothérapeuthes, se trouvent-ils confrontés ?

    Sur la nécessité d’un refuge territorial et psychique ; sur le sens du témoignage chez des personnes qui évitent précisément de se dire ; sur des pathologies qui seraient spécifiques aux réfugiés ; et donc sur l’émergence d’une nouvelle « clinique de l’asile » – ce livre, situé au croisement de la psychanalyse, de l’anthropologie et de la philosophie politique, apporte des réponses cruciales.


    http://www.histoire-immigration.fr/agenda/2014-08/la-vie-psychique-des-refugies-pour-une-clinique-de-l-asile
    #réfugiés #audition #asile #attente #soupçon #psychologue #psychologie #psychothérapeute

    Notes que j’ai prises à partir de cette conférence donnée par Pestre à Paris :
    http://www.histoire-immigration.fr/2014/8/la-vie-psychique-des-refugies

    Pestre souligne que dans les procédures d’asile, le requérant doit faire face à une dépendance absolue à l’autre, ici à l’Etat à qui il fait une demande d’asile.

    La question de la précarité psychique :
    Etymologie du mot « précarité » → « ce qui s’obtient par la prière » et aussi « ce qui est susceptible d’être remis en cause et qui doit sans cesse être redemandé ».
    Celui qui tombe dans la précarité est celui qui est toujours dans la position de demander.

    Avec l’introduction de critères très strictes pour obtenir l’asile, la question de la sélection va se poser. Ce tri est appliqué par des professionnels… qui n’en sortent pas toujours indemnes, surtout dans un contexte où les catégories des réfugiés deviennent flous.

    Le requérant d’asile doit prouver que ses craintes de persécution sont vraies. Avec toute la difficulté et la crainte que représente cette objectivation par d’autres d’un tel affecte… alors que par essence l’affecte est subjectif.

    Beaucoup vont être identifiés par les autorités comme faisant de fausses déclarations. Et rejetés car considérés comme faux réfugiés. Ce soupçon et la non-reconnaissance des persécutions par l’Etat de droit a le pouvoir d’engendrer des effets destructurant sur le psychisme de celui qui est exilé et qui est en quête d’un abri.

    Les troubles sont dus :
    – au vécu traumatique passé ;
    – à la situation d’attente et soupçon rencontrée une fois arrivé dans le pays de destination.

    Eléments qui conditionnent la vie psychique des réfugiés → 2 aspects qui vont agir sur son psychisme et se mêler aux troubles qu’il présente déjà :
    – l’attente : suspension géographique et territoriale. Les requérants d’asile identifient cette étape comme génératrice d’angoisses. L’attente dans cet entre-deux peut même devenir traumatique lorsqu’elle s’infinitise. C’est vécu comme un désaveu du passé
    – le rejet à sa demande d’asile. Avec le statut juridique de débouté, la position du requérant d’asile se radicalise, dans le sens où l’expérience s’amenuise ou s’effondre. Il va être expulsé de cet entre-deux inconfortable, mais dans lequel il y avait encore de l’espoir. Désormais, il va être déshabillé de ses droits dans une sorte de no man’s land juridique et une nudité juridique va s’installer.

    Le requérant d’asile qui été tenu par sa position de demander, qui était une position active, entre dans un état où il est passivé.

    L’annonce de ce rejet peut provoquer une forme de déterritorialisation psychique, en utilisant les termes de Deleuze et Gattari, qui va les conduire dans une forme d’errance et qui va entraver la capacité à se créer un lieu, à se reterritorialiser : créer une nouvelle demeure quelque part.

    Le débouté se sent rejeté, abandonné, au sens d’un nouveau bannissement, comme celui qu’il a déjà vécu en quittant son pays. Et qui va renvoyer, comme le rappelle Agamben, à la structure du « ban » : « Celui qui est mis au ban, dit Agamben, n’est pas simplement placé en dehors de la loi ni indifférent à elle, il est abandonné par elle, exposé et risqué en ce seuil où la vie et le droit, l’extérieur et l’intérieur, se confondent ».

    Lorsque la confiance de laquelle il a besoin n’est pas accordée par la communauté d’accueil, il n’y a pas d’hospitalité délivrée, le réfugié peut se sentir profondément abandonné.

    Concept de « homo sacer » de Agamben → le réfugié serait le « homo sacer » des temps modernes, car il demeure un « homme tuable ».

    Retour sur les auditions…

    D’où son attention accrue et permanente face aux dangers, car si il relâche son attention, alors qu’il est débouté, il sera expulsé du pays.
    → on assiste donc à l’amplification de symptômes avec le vécu d’exclusion (de l’exclusion de la communauté de droit), mais aussi à la naissance de symptômes auparavant inexistants et qui émergent avec la production de son témoignage. Là, la « crainte de ne pas être cru » va infiltrer son récit et provoquer des effets contre-productifs sur son interlocuteur → il y a un télescopage/collision entre la scène juridique et la scène psychique.

    Or, répondre à cette injonction de l’Etat à témoigner est une action complexe car le psychisme pour se défendre d’un possible retour du trauma et de la violence vécue, va plutôt avoir tendance, à son insu, à exclure de la mémoire certains souvenirs, voire transformer certains contenus inénarrables en contenus narrables et entendables.

    Le gel des affectes lors de la production narrative lors des auditions :
    Ce gel permet au requérant d’asile de congeler, à son insu, ses affectes dépressifs, ce qui va engendrer une certaine froideur affective. Cela va générer sur son interlocuteur un ressenti d’étrangeté, de distance qui va pouvoir l’amener à penser que le demandeur n’est pas affecté et que donc c’est pas vrai.

    Hypothèse : le rejet par les instances décisionnelles va entrer dans une dépendance très forte avec les affectes de la symptomatologie traumatique des requérants d’asile. Evidemment, ce n’est pas que la symptomatologie qui produit du rejet, mais l’hypothèse c’est que ça va participer, infiltrer l’interlocuteur lorsqu’il va prendre des décisions. Et que la subjectivité du requérant d’asile va être indexée à celle du décisionnel.

    Pourquoi un tel aurait un statut et l’autre pas ? Cela va renvoyer à la construction narrative de son récit, à l’élaboration de son traumatisme. S’il est très traumatisé et qu’il va mal, il ne va pas pouvoir être dans un récit construit structuré, temporalisé, exhaustif. D’où cette hypothèse de glissement entre les scènes du psychique et du juridique.

    Le témoignage :
    Les scènes traumatiques sont convoquées lors du témoignage, et avec elles le risque de réactualisation de la souffrance qu’elles ont provoquée. Pour éviter cette réactualisation, des sortes de récit mi-vrais mi-fictifs viennent opérer une fonction de protection contre la terreur que le réfugié a rencontrée.

    Dans la forme de témoignages requise par les administrateurs, on voit combien la vie psychique du réfugié est affectée par la logique de l’Etat, par ses exigences, ces propres représentations du « bon réfugié ». L’Etat participe ainsi à son insu de la création de ces témoignages malades, de ces récits-refuge, liés à cette injonction à témoigner.

    Le point de vue des professionnels :

    C’est le deuxième versant de la « clinique de l’asile ». Sur une quinzaine d’entretiens, la majorité était atteinte en profondeur, parfois même blessée par ce qu’ils vivaient au quotidien dans leur pratique avec les réfugiés (ceci est valable pour médecins et soignants mais aussi pour les agents de l’OFPRA).

    Deux caractéristiques concernant les soignants :
    – une demande débordante de la part du réfugié. Une demande d’amour nous dit Lakan, qui se relie à la question de la survie. Si la demande est si intense à l’égard des soignants, c’est parce que cet espace incarne l’unique lieu où le requérant se sentira écouté et cru. Et en cela ça représente un espace de survie majeur ;
    – la manière dont l’espace psychothérapeutique va être fréquemment atteint, voire contaminé par la situation juridique rencontrée par le réfugié. Le psy va se sentir parfois attrapé par le social, la précarité que son patient rencontre, mais aussi par la situation juridique envahissante du patient. Au risque de se sentir instrumentalisé non seulement par l’Etat et ses injonctions faites au soignant pour délivrer des attestations et des certificats qui prouvent l’état traumatique de son patient, mais parfois il se sent instrumentalisé par son patient aussi, qui veut cette attestation coûte que coûte parce qu’il est convaincu, et avec raison, que si il peut attester qu’il est traumatisé, ça lui facilitera la donne pour obtenir son statut. Donc ces demandes de l’Etat et du patient le placent dans une situation très particulière, inconfortable, qui peut entrer en conflit avec son travail d’écoute et d’accompagnement, parce qu’il est mis en position d’expert. Et s’il ne parvient pas à s’extraire de cette position d’expert et qu’il se met à évaluer la véracité des dires de son patient, il y a des risques de se transformer en « expert de la vérité », alors que le psychologique se doit de travailler avec la vérité psychique de son patient et non sur la quête d’une vérité juridique.

    Celui qui accueille des réfugiés, quelle que soit sa profession, s’identifie souvent de manière massive et à son insu au vécu douloureux de son patient. Avec cette clinique extrême, il va y avoir des phénomènes identificatoires et projectifs à l’égard du patient-réfugié, qui se dessineront comme caractéristiques essentielles et paradigmatiques de cette clinique. Cela va se manifester par des phénomènes de contagion entre la symptomatologie des patients, et celle du psychologue. Pour parer aux effets de la destructivité et soutenir l’exercice de sa praxis, le clinicien qui vit certaines de ces séquences cliniques avec angoisse, tente de s’en extraire par des stratégies de défense, voire de survie thérapeutique, et il va lui aussi déployer des mécanismes de défense qui vont être plus ou moins opérants. Notamment la question du doute aussi : eux-mêmes se mettent parfois à douter de ce que dit le patient.

    → D’où la nécessité de mettre en place des espaces pour les professionnels où la parole puisse circuler. D’où l’importance de lieux de parole, de supervision où circule la pensée, la réflexion, l’élaboration psychique. Ceci pour prendre soin de ceux qui prennent soin des populations réfugiées.