• Automobile : l’hydrogène vacille avec le retrait de Stellantis
    https://www.connaissancedesenergies.org/afp/hydrogene-la-filiere-vacille-avec-le-retrait-de-stellantis-

    Connaissance des Énergies avec AFP parue le 16 juillet 2025

    L’#hydrogène est-il une #énergie d’avenir pour l’#automobile ? #Stellantis vient de répondre par la négative en sabrant son programme d’utilitaires, tandis que certains constructeurs comme #Toyota y croient encore.

    La nouvelle direction de Stellantis (marques #Fiat, #Peugeot) a annoncé mercredi mettre fin à son programme de développement dans l’hydrogène, une nouvelle qui a résonné comme un coup de tonnerre mercredi matin dans l’usine de sa coentreprise #Symbio, qui joue son avenir.

    Flambant neuve, l’usine de la banlieue lyonnaise prévoyait de produire 50.000 systèmes à hydrogène par an d’ici 2026, dont une grande partie pour Stellantis, pour accompagner la montée en puissance de son offre d’utilitaires.

  • La « merdification » va-t-elle aussi toucher l’automobile ?
    https://www.automobile-propre.com/articles/la-merdification-va-t-elle-aussi-toucher-lautomobile

    Alors que les voitures deviennent des services connectés sur roues, faut-il s’attendre à ce que certaines fonctions, autrefois incluses, deviennent payantes ou disparaissent ?

    Imaginez. Vous êtes au volant, il fait 35 degrés, vous allumez la climatisation. Et là, une alerte sur l’écran, doublée d’un message vocal, vous indique que « L’option air conditionné a expiré et qu’elle est désormais disponible uniquement sur abonnement payant, souhaitez-vous prendre l’abonnement ? »
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    Ce scénario ubuesque, que l’on connait très bien dans le monde du logiciel et des plateformes numériques, pourrait-il se produire dans celui de l’automobile ? À moins que ce ne soit déjà le cas ? C’est fort possible. Retour sur le concept de « merdification ».

    C’est un mot qui sonne mal, mais qui décrit malheureusement très bien une tendance bien réelle. Popularisé par l’auteur Cory Doctorow, le terme « merdification » – ou enshittification en anglais – s’applique d’abord au monde des services numériques. Il désigne le processus par lequel une plateforme auparavant simple, utile et attrayante devient peu à peu un cauchemar d’interface, de publicités et de restrictions, au fil de sa course à la rentabilité. Ainsi, la formation d’oligopoles ou de monopoles se fait souvent au détriment de la qualité. Quand une plateforme domine, elle n’a plus besoin de soigner l’expérience utilisateur.

    Pour bien comprendre le phénomène, il faut le décomposer en trois phases :

    Phase 1 : montée en qualité. La plateforme offre un service de très bonne qualité, généralement en subventionnant son coût (par exemple peu ou pas de publicité, interface simple, fonctionnalités gratuites) afin d’attirer massivement les utilisateurs.
    Phase 2 : exploitation des données et publicités. Une fois la base d’utilisateurs installée, la plateforme commence à la monétiser. Les données personnelles sont exploitées, les publicités et les contenus sponsorisés se multiplient, et l’expérience utilisateur se détériore subtilement.
    Phase 3 : position dominante. Enfin, forte d’un quasi-monopole, la plateforme abuse à la fois des utilisateurs et de ses partenaires commerciaux pour maximiser ses profits. Les tarifs augmentent, des fonctionnalités jadis gratuites passent en payant, l’interface devient plus complexe, et la qualité globale baisse brutalement.

    On l’a vu avec Netflix, devenu plus cher, plus compliqué, et moins riche en contenu original. Spotify multiplie les hausses de prix et pousse des playlists produites à la chaîne. Amazon, YouTube, Facebook : tous ces services ont suivi la même trajectoire. Ils commencent en offrant beaucoup, puis, une fois qu’on est accros, ils dégradent progressivement l’expérience. Mais cela ne concerne pas que les plateformes. Certains éditeurs de logiciels sont également très forts dans ce domaine, avec des méthodes qui parfois confinent à l’escroquerie pure et simple. Pour comprendre, faites un tour des avis au sujet des méthodes de Wondershare et de son logiciel phare Filmora, vous ne serez pas déçus du voyage. Plus de pubs, moins de contrôle, et de plus en plus d’options payantes pour revenir à ce qui, auparavant, était juste… normal. Et inclus au moment de l’achat.

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    Les options désactivables à distance, l’arme ultime des constructeurs

    Mais cette dynamique n’est plus réservée aux plateformes digitales et au monde du logiciel. Et l’on peut craindre qu’elle s’installe aussi dans un autre secteur en pleine mutation : celui de l’automobile. Et plus précisément, celui de la voiture électrique, par nature ultra-connectée. Alors certes, il n’y a pas vraiment de « monopoles » – ou pas encore – dans l’automobile, et aucune marque ne possède la puissance d’un Google ou d’un Netflix sur ce marché. Cette éventualité n’est pour autant pas à écarter quand on voit la prédominance de certaines marques et la consolidation du marché annoncée avec l’avènement de l’électrique, où l’on prédit la disparition de nombreux acteurs dans la décennie à venir.

    Pourquoi cette éventualité ? Parce que la voiture est en train de devenir un service. Ce n’est plus juste un objet mécanique qu’on achète, entretient et revend. C’est un terminal numérique roulant, capable de se mettre à jour à distance, de proposer de nouvelles fonctions… ou d’en désactiver. C’est là que le parallèle devient intéressant. De plus en plus de constructeurs livrent leurs véhicules avec tous les équipements embarqués dès l’usine : sièges chauffants, conduite assistée, recharge bidirectionnelle, projecteurs adaptatifs. Mais toutes ces fonctions ne sont pas activées. Il faut payer pour les débloquer, parfois sous forme d’abonnement mensuel.

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    Vous voulez utiliser le V2L de votre SUV électrique ? Très bien, c’est 9,99 € par mois. Besoin du planificateur d’itinéraire ? 4,99 € si vous ne prenez pas le pack complet. Et ainsi de suite.

    Même chose côté logiciel. La navigation connectée est souvent offerte les deux ou trois premières années, puis devient payante. Certaines mises à jour OTA (over-the-air) ne sont proposées qu’aux modèles récents ou à ceux qui ont souscrit une formule payante. L’interface tactile évolue… mais pas toujours pour le mieux. Certaines fonctions disparaissent, d’autres se retrouvent planquées derrière des couches de menus ou de notifications. Vous voulez un exemple concret et déjà en place depuis quelques années ? Il suffit de demander : quand vous achetez une Fiat 500e, les services de l’application Fiat qui permettent d’accéder et de piloter de nombreuses fonctions de la voiture à distance, sont « offerts » pendant 6 mois. Au-delà, soit vous perdez tout, soit vous payez 120 euros par an pour continuer à les utiliser. Un superbe exemple de dégradation de l’expérience utilisateur face à une clientèle captive.
    La voiture devient une application

    Au final, la voiture pourrait suivre la même logique qu’une application ou qu’un site de streaming. On y accède, on s’y attache, puis on découvre que pour conserver l’expérience qu’on pensait acquise, il va falloir passer à la caisse. Encore. Et encore. Cela pose d’ailleurs de vraies questions. D’abord sur la transparence : le client sait-il ce qu’il achète réellement ? Ensuite sur la pérennité du véhicule : que vaut une voiture d’occasion dont les principales fonctions sont désactivées ? Enfin, sur le modèle même de la propriété : est-ce qu’on achète encore une voiture, ou seulement un droit d’accès à ses fonctions ? Et que se passera-t-il si une marque devient ultra-dominante au point de se retrouver en situation de quasi-monopole ?

    Alors certes, pour l’instant, la merdification du secteur automobile n’est pas aussi avancée que dans le numérique. Mais on en voit les prémices. Et dans un contexte économique où les revenus récurrents séduisent autant les investisseurs que les directions produits, il y a fort à parier que cette logique ne fasse que s’amplifier.

    La voiture électrique connectée promet beaucoup. Elle peut évoluer, s’adapter, s’améliorer. Mais si cette capacité devient un prétexte pour verrouiller, fragmenter et monétiser chaque petit confort, alors elle risque aussi de nous faire regretter le temps où les options étaient juste des boutons physiques… qu’on appuyait, sans abonnement.

    Allez, une dernière allégorie pour la route. Vous arrivez dans un virage… « Cher client, les freins sont désactivés car vous n’avez pas renouvelé votre abonnement Premium. Souhaitez-vous le renouveler ? »

    #Automobile #Emmerdification #Cory_Doctorow

    • (Contre l’inversion et l’amnésie, pour une pensée critique renouvelée)

      paru dans lundimatin#483, le 8 juillet 2025

      Le 3 juillet dernier se tenait le diner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), avec entre autres invités François Bayrou, les ministres Bruno Retailleau, Elisabeth Borne, Gérald Darmanin, Benjamin Haddad, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher. Si le CRIF est l’objet de tous les fantasmes antisémites les plus crasses, il a aussi été régulièrement et légitimement épinglé pour sa proximité avec le pouvoir israélien. Le réalisateur, écrivain et metteur en scène Sylvain George a patiemment décortiqué ce qui s’est dit lors de ce 39e dîner. Contre l’inversion et l’amnésie [1], il propose une pensée critique renouvelée.

      Introduction : Inverser pour régner, la rhétorique de l’impunité

      Qu’est-ce qui s’est dit au discours du CRIF, le 3 juillet 2025 ?

      Le discours prononcé par Yonathan Arfi lors du 39e dîner du CRIF [2], en présence du Premier ministre François Bayrou, ne saurait être réduit à une simple prise de position politique : il constitue un acte performatif, un dispositif de reconfiguration discursive, où se trouvent redéfinies les catégories de victime, de violence, et de légitimité. En inversant les responsabilités, en amalgamant critique et haine, en sanctuarisant certains mots et en criminalisant d’autres, ce discours opère un glissement rhétorique majeur : il ne cherche pas tant à répondre à l’indignation qu’à la neutraliser, en la retournant contre ceux qui l’expriment.

      Ce renversement repose sur une triple opération. Premièrement, il redéfinit les termes du débat en s’appropriant la mémoire des persécutions passées pour en faire un bouclier contre toute interpellation du présent. Deuxièmement, il substitue à la confrontation démocratique des idées une logique d’exclusion morale, où tout désaccord est disqualifié comme haine. Enfin, il instaure un espace discursif verrouillé, où les voix dissidentes sont d’avance suspectes, rendues inaudibles ou accusées d’intentions meurtrières. Le langage n’y sert plus à comprendre, mais à décréter ; il ne dévoile pas le réel, il l’occulte.

      Ce discours, en apparence solennel, est traversé par une logique accusatoire profondément asymétrique. Ainsi, ceux qui dénoncent les massacres à Gaza sont assimilés à des apologues de la terreur ; ceux qui appellent à un cessez-le-feu sont soupçonnés de haine des Juifs ; ceux qui réclament justice sont relégués hors du champ républicain. La critique est ainsi transformée en crime, la compassion en complicité, l’appel à la paix en nihilisme politique. Le langage est retourné comme un gant, et l’histoire, elle-même, devient un arsenal au service d’une impunité justifiée.

      C’est cette architecture discursive qu’il s’agit d’interroger, non pas pour vainement polémiquer, mais pour désamorcer les mécanismes de confiscation du sens, de manipulation de la mémoire, et de déshumanisation non seulement symbolique mais effective. On verra que l’un des ressorts les plus sophistiqués de cette stratégie consiste précisément à dénoncer chez autrui l’inversion que l’on est soi-même en train d’opérer. Arfi accuse les critiques d’Israël de manipuler les faits, de travestir la réalité, de retourner les rôles entre victime et bourreau ; mais en le faisant, il déploie lui-même ce qu’il reproche, transformant le soupçon en arme et le langage en barrage. Il ne s’agit pas là d’un simple effet de miroir, mais d’une opération idéologique structurée, qui vise à produire un espace discursif verrouillé, où toute parole dissidente est rendue inaudible avant même d’être énoncée.

      Ou encore : par un usage maîtrisé de la rhétorique, ce discours opère un basculement stratégique des cadres de légitimation. La critique est immédiatement disqualifiée comme haineuse, la mémoire historique mobilisée comme un rempart contre toute interpellation du présent, et la parole dissidente repoussée hors du champ du raisonnable. Ce geste repose sur une logique d’inversion systémique, où l’accusateur devient accusé, où la dénonciation d’un crime devient elle-même suspecte de malveillance, voire d’antisémitisme.

      Ce qui est en jeu ici, ce n’est donc pas simplement une divergence d’interprétation, mais une tentative de reconfiguration autoritaire du visible, du dicible, du pensable. Une tentative qui prépare, justifie et légitime des actes concrets de violence et d’effacement.

      1.Inversion sémantique, appropriation mémorielle

      Un des passages le plus problématique du discours de Yonathan Arfi réside dans l’analogie qu’il établit entre l’accusation de génocide portée contre Israël et l’antique accusation chrétienne de peuple déicide. En prétendant que qualifier de « génocide » ce qui se déroule aujourd’hui à Gaza reviendrait à essentialiser les Juifs comme jadis on les rendait collectivement responsables de la mort du Christ, le président du CRIF cherche à placer toute critique dans la continuité d’un antisémitisme supposé éternel, rendant ainsi impossible toute mise en cause de la politique israélienne.

      La formule selon laquelle l’« accusation de #génocide » serait un « #sacrilège sécularisé », autrement dit un avatar moderne de la haine antijuive, institue une zone d’immunité discursive autour de l’État d’ #Israël. Cette stratégie repose sur une double opération : d’un côté, elle érige une barrière symbolique qui rend inopérante toute énonciation critique, même lorsqu’elle s’appuie sur des données massives, vérifiées, irréfutables ; de l’autre, elle opère une captation mémorielle, en transformant l’histoire des persécutions juives en dispositif de légitimation inconditionnelle de l’ordre établi.

      Ce type d’argument relève de ce que l’architecte et théoricien Eyal Weizman nomme la « #forensique inversée » : une stratégie par laquelle l’enquête n’a pas pour but d’établir la vérité des faits, mais de les neutraliser en amont, en présupposant la #moralité ou l’ #innocence de celui qui est accusé. Les crimes documentés - destructions massives, enfants démembrés, hôpitaux bombardés - deviennent ainsi méconnaissables, inaudibles, car disqualifiés comme antisémites dès lors qu’ils sont nommés.

      Il ne s’agit donc pas seulement d’un excès rhétorique, mais d’un geste profondément politique qui consiste à inverser les rapports entre victime et bourreau, entre parole et silence, entre mémoire et effacement. Une telle inversion, sous prétexte de protéger une mémoire, en altère la portée véritable, car la mémoire n’est ni un capital identitaire, ni un privilège historique, mais une responsabilité ouverte et partagée, une exigence de lucidité face à ce qui fut infligé, et non un permis de domination renouvelée, un passe-droit pour opprimer à son tour.

      1.1. Qui a le droit d’être pleuré ?

      Une autre dimension essentielle du discours consiste à monopoliser la position de #vulnérabilité, à la fois symbolique, historique et actuelle, en refusant de reconnaître celle des Palestiniens autrement que comme victimes secondaires de la « guerre du #Hamas ». Cette stratégie s’inscrit dans une configuration d’asymétrie radicale : une puissance nucléaire, dotée de l’une des armées les plus sophistiquées du monde, affame, bombarde et dévaste une population civile enfermée, déplacée, mutilée. Parler alors de « juste guerre » revient à effacer les corps, à dissimuler les ruines, à recouvrir les cris. Cela revient à ne pas voir les enfants brûlés vifs, calcinés, les hôpitaux effondrés, les cortèges de cadavres... Cela revient à effacer ce que #Gaza endure : les files d’attentes-abattoirs aux abords des rares points de distribution humanitaire, ces « hungers games » mortels où sont abattus ceux qui tentent de se nourrir, comme tout autant ces petites embarcations frappées par les drones alors qu’elles tentent de pêcher un peu de poisson.

      À cette #invisibilisation s’ajoute une #hiérarchisation assumée de la #souffrance. Le discours d’Arfi est ainsi traversé par ce que Judith Butler appelle une hiérarchie du deuil légitime [3], ou comment seuls certains morts méritent d’être pleurés, seuls certains corps peuvent être reconnus comme dignes de deuil. Les autres, ceux de Gaza, ceux de #Rafah, ceux de Nuseirat, ceux que la photographe Fatem Hassona, et bien d’autres avec elle, photographiait, n’ont droit qu’à une mention convenue, neutralisée, aussitôt diluée dans l’argumentaire d’une guerre « nécessaire » ou « juste ». Ils sont niés, tout en étant mentionnés, posés ainsi comme les variables certes regrettables, mais inévitables, d’une équation guerrière censée rester légitime.

      Ainsi se met en place un monopole discursif sur la #souffrance et l’innocence. Celui-ci transforme les faits en affects manipulés, les morts en outils d’un récit unilatéral, les survivants en suspects. Il devient alors possible, dans l’espace public, d’effacer des massacres en cours au nom de la mémoire d’un autre massacre. Ce déplacement n’est pas seulement rhétorique. Il constitue l’un des piliers de l’impunité contemporaine. Il interdit, dès l’origine, toute politique de justice. Il incarne, à ce titre, l’un des signes les plus manifestes de notre faillite morale collective.

      1.2. Le bannissement de la critique, la stratégie de la criminalisation politique

      Le discours de Yonathan Arfi procède à une opération de brouillage sémantique particulièrement préoccupante. Il amalgame de manière volontaire et systématique l’ #antisionisme à l’ #antisémitisme, la critique de l’État d’Israël à une haine des Juifs, et toute dénonciation des massacres à Gaza à un soutien implicite ou explicite au Hamas. Cette confusion, souvent dénoncée mais ici institutionnalisée, vise à rendre indistincts les registres politiques, moraux et historiques, pour disqualifier d’emblée toute parole critique.

      L’appel explicite à l’adoption d’une loi contre l’antisionisme constitue à cet égard un tournant grave. Il érige en dogme ce qui devrait relever du débat public, criminalise une position politique - la critique d’un régime, d’une idéologie, d’un projet colonial - et fait glisser la République vers une forme de religion civile autoritaire, où certaines opinions deviennent sacrilèges. Cette volonté de judiciarisation du désaccord transforme la démocratie en terrain miné, où penser autrement revient à risquer la mise au ban.

      Mais le sommet de cette stratégie est atteint lorsque Arfi accuse des responsables politiques, notamment de La France Insoumise, Rima Hassan ou Jean-Luc Mélenchon, de « souhaiter un génocide » afin de « mieux accabler Israël ». [4]

      Cette accusation, dont la violence symbolique est inouïe, ne se contente pas de délégitimer les critiques : elle les moralise à l’extrême, en les projetant dans un espace de perversion intentionnelle. Ce n’est plus une bataille d’idées, c’est une disqualification radicale de l’adversaire, une tentative de le priver même de légitimité à exister dans le débat. Les opposants ne sont plus seulement des adversaires : ils sont posés comme monstres, animés par le désir de mort.

      Ces propos infâmes, scandaleux dans leur formulation et ignobles dans leurs implications, font écho à ceux tenus par Ivan Attal le 30 mars 2025 sur Radio J, lorsque, interviewé par le journaliste Frédéric Haziza, il n’hésitait pas à affirmer que les palestiniens « envient notre shoah », qu’ils « veulent absolument un génocide » pour obtenir un état, que leur identité s’est construite en « miroir d’Israël », et qu’ils veulent se “réapproprier l’histoire juive ». [5]

      ...
      Ce type de rhétorique fonctionne comme un miroir déformant et attribue aux autres une pulsion génocidaire précisément pour occulter ou neutraliser les accusations formulées à l’égard de la politique israélienne. C’est un renversement stratégique, fondé non sur les faits, mais sur une assignation morale délirante.

      Il faut souligner que cette inversion repose aussi sur un usage pervers du langage républicain. L’universalisme revendiqué devient ici un masque commode pour une entreprise d’exclusion : on invoque la République, la démocratie, l’humanisme… mais pour mieux refuser aux dissidents le droit de s’exprimer, de manifester, de dénoncer. La République ainsi mobilisée devient un mot creux, une incantation vide, un dispositif rhétorique de clôture. Loin d’ouvrir l’espace démocratique, elle le referme sur une identité close, saturée, communautarisée à rebours.

      À travers cette séquence, se dessine une mécanique redoutable : l’enfermement du débat, la stigmatisation des voix critiques, la diabolisation des opposants, et l’institutionnalisation d’une confusion meurtrière entre justice pour les victimes et fidélité aveugle à un État. Cette mécanique ne sert ni la mémoire, ni la justice, ni la République. Elle sert une politique de la peur, de la censure, et de la falsification.

      1.3. Essentialisation, réduction du judaïsme au sionisme, et langage de la déshumanisation

      L’essentialisation opérée par Yonathan Arfi se double d’une confusion entre judaïsme et sionisme. En assimilant les Juifs du monde entier à la politique menée par Israël, il réduit la complexité plurielle du judaïsme à un soutien inconditionnel à l’État israélien. Or, le judaïsme, en tant qu’héritage culturel, éthique et spirituel, ne saurait se réduire à un projet nationaliste. Cette confusion empêche une critique nécessaire et légitime de l’État d’Israël, et met en danger ceux qui refusent cette assimilation forcée.

      Cette réduction est d’autant plus grave qu’elle trahit une longue tradition juive de désobéissance et de critique radicale représentée par des figures telles que Spinoza [6] Walter Benjamin [7], Hannah Arendt [8], Emmanuel Levinas [9], ou encore Yeshayahu Leibowitz [10]. ... Comme on le verra après, penser depuis cette tradition, penser depuis l’éthique juive implique, selon Benjamin, une fidélité au fragment, au reste, à ce qui échappe à toute souveraineté constituée. Ce geste critique empêche toute justification de l’impunité étatique. Il rend possible un judaïsme fidèle à la mémoire des opprimés, et non aux puissances en place.

      Mais cette essentialisation ne se contente pas de réduire le judaïsme. Elle participe d’un langage de la déshumanisation de l’autre. Elle contribue à délégitimer toute souffrance palestinienne, à la rendre inaudible, voire suspecte. Ce processus n’est pas abstrait : il se manifeste dans des déclarations officielles, explicites et répétées. Deux jours après l’attaque du 7 octobre, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant déclarait que l’armée israélienne « combattait des animaux » [11], justifiant un siège complet de Gaza. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, affirmait qu’il fallait « tirer sur les femmes et les enfants pour la sécurité d’Israël » [12]. Le vice-président de la Knesset, Nissim Vaturi, appelait à « effacer Gaza de la surface de la Terre » [13], tandis que le ministre du Patrimoine, Amichay Eliyahu, évoquait l’usage d’une bombe nucléaire en affirmant qu’il n’y avait « aucun civil non impliqué à Gaza ». [14]

      Comme l’a rappelé l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice, ces propos ne sont pas des écarts marginaux : ils incarnent une grammaire génocidaire inscrite au cœur du langage d’État. Ce ne sont pas seulement des mots, mais des cadres d’intelligibilité, des permissions d’agir. Le génocide ne commence pas avec les bombes, mais avec les énoncés qui rendent ces bombes pensables.

      1.4. La complaisance républicaine et la contradiction permanente : François Bayrou et Emmanuel Macron

      La posture du gouvernement français face à Israël ne relève pas d’une simple ambivalence, mais d’une convergence de fond. Contrairement à la politique d’indépendance vis-à-vis des États-Unis incarnée en son temps par le général de Gaulle - qui, en 1967, dénonçait publiquement l’agression israélienne contre ses voisins arabes [15] - Emmanuel Macron n’a jamais exprimé de désaccord fondamental avec la stratégie israélo-américaine. Au contraire, il en épouse les contours majeurs, tout en opérant à la marge quelques gestes à peine symboliques.

      Ainsi, tandis qu’il qualifie publiquement les actions israéliennes à Gaza de « honteuses » et appelle à un cessez-le-feu immédiat, la France maintient et développe ses contrats d’armement avec Israël, soutient le blocus de Gaza en ne le contestant jamais formellement, continue d’observer un silence stratégique sur les nombreuses violations du droit international, contribuant ainsi de manière « indirecte » mais décisive à la poursuite de l’entreprise de destruction. Cette posture schizophrène fragilise la parole de la France, la prive de toute autorité morale, et enracine sa position dans une logique de double langage permanent.

      Ce décalage entre les mots et les actes est rendu encore plus manifeste dans le discours de François Bayrou au dîner du CRIF [16] – qui fait suite à celui tenu l’an dernier par Gabriel Attal, alors premier ministre, et dans lequel il avait dénoncé une « vague d’antisémitisme » en France - où il évoque Israël comme un « miracle », inscrit dans une longue téléologie biblique, et qualifie les violences du 7 octobre de « pogrom le plus grave depuis la Shoah ». Une telle rhétorique sacralise l’État d’Israël tout en escamotant la réalité présente du massacre de masse à Gaza. Elle reconduit la mémoire de la Shoah non comme avertissement universel, mais comme dispositif d’immunisation morale. Elle empêche toute pensée complexe, et neutralise d’avance toute critique comme sacrilège.

      Ce langage du premier ministre s’accompagne d’une rhétorique sécuritaire qui convoque sans cesse le spectre de « la bête immonde » qui prend aujourd’hui la gueule de l’islamisme radical. Ainsi, sous couvert d’une vigilance démocratique, c’est une réactivation continue des figures ennemies qui est opérée : les défenseurs des droits des Palestiniens sont discrédités comme agents d’un islamisme rampant, quand bien même ils en dénoncent les violences. Cette stratégie empêche toute critique autonome d’Israël sans tomber sous le soupçon d’une compromission extrême.

      Comme l’a rappelé la Rapporteuse spéciale des Nations Unies, Francesca Albanese, dans son rapport de juin 2025, cette posture de soutien implicite s’inscrit dans une architecture de responsabilités globalisée. Ce rapport pointe l’implication directe de nombreuses entreprises internationales, y compris européennes, dans l’infrastructure matérielle du génocide en cours. L’exportation d’armes, les systèmes de surveillance, les partenariats technologiques, les soutiens logistiques au blocus participent d’une complicité active, et non d’un simple silence. La France, loin d’être extérieure à cette architecture, y est pleinement intégrée.

      Face à une telle configuration, l’appel à l’éthique ou au droit international ne peut se contenter de formules creuses. Il exige une rupture réelle, matérielle, diplomatique. Il exige que la France cesse d’entretenir des relations stratégiques, militaires et économiques avec un État engagé dans des actes qualifiés de génocidaires par les instances mêmes qu’elle prétend défendre. Faute de quoi, la parole républicaine devient une coquille vide, et le droit une fiction instrumentalisée.

      Dans une telle configuration, invoquer les valeurs républicaines ou le droit international sans en tirer de conséquences concrètes revient à s’en faire les fossoyeurs. L’éthique n’a de sens que si elle interrompt. La mémoire n’a de valeur que si elle oblige. Et la République, si elle ne veut pas devenir le masque d’un ordre inhumain, doit cesser d’armer ceux qui bombardent des enfants.

      II. Pour une pensée critique renouvelée : réaffirmer le sens de la justice

      Face à un tel dispositif discursif, où les mots sont retournés contre les faits, où la mémoire devient une arme de légitimation, où la souffrance est monopolisée et la critique disqualifiée, il est urgent de refonder les termes mêmes du débat. Il ne s’agit pas seulement de répondre, mais de déplacer l’axe du discours, de faire émerger une autre intelligibilité des événements.

      Il s’agit de réarmer la pensée. De sortir de la sidération provoquée par l’ampleur de la violence, comme par le retournement des valeurs. Il s’agit de restaurer la puissance critique du langage, de renouer avec les exigences de justice, de vérité, d’universalité concrète, et non d’un universalisme rhétorique devenu instrument de domination.

      Cette tâche n’est pas secondaire. Elle est à la racine de toute possibilité d’agir politiquement, de nommer l’intolérable, de lutter contre les formes contemporaines de l’effacement. Elle exige un travail rigoureux, lucide, sans surplomb, sans illusion, mais habité par une éthique de la responsabilité et de la rupture.

      2.1. La nécessité de nommer le génocide

      Dans ce contexte apocalyptique, face à l’ampleur vertigineuse des destructions - plus de 42 000 bâtiments détruits ou endommagés selon les données satellitaires de l’ONU (UNOSAT) [17], 32 hôpitaux visés ou anéantis d’après Médecins Sans Frontières [18], environ 400 écoles endommagées ou détruites, laissant plus de 600 000 enfants sans accès à l’éducation. Le bilan humain est effroyable : plus de 15 000 enfants tués, soit 44 % des victimes recensées parmi les quelque 57 000 personnes décédées depuis le début du conflit selon les chiffres croisés du ministère de la santé de Gaza et des agences internationales [19] - ces logiques d’effacement s’accompagnent d’un silence politique d’autant plus assourdissant qu’il est masqué par la rhétorique humanitaire ou l’abstention diplomatique. Les chiffres ne sont pas seulement des données : ils sont les traces d’un monde détruit, d’une réalité que la langue officielle refuse de dire. L’usage du mot génocide n’est ni une outrance militante, ni une provocation rhétorique. Il s’agit d’un impératif éthique, intellectuel et juridique. Ne pas nommer, c’est consentir. Ne pas nommer, c’est effacer, et au moins à deux reprises : d’abord les corps ; puis le sens même de leur disparition.

      L’accusation de génocide repose ici sur des critères définis dans la Convention des Nations Unies de 1948 : volonté d’anéantir, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique ou religieux, par des actes de meurtre, de destruction des conditions de vie, d’empêchement de reproduction, de transfert d’enfants, etc. Or, ce ne sont pas les intentions seules qui qualifient juridiquement un génocide, mais le caractère systématique et délibéré des actes. À Gaza, ces éléments sont présents, documentés, publics, assumés.

      Nommer le #génocide, c’est donc rétablir une ligne de discontinuité dans l’espace discursif et politique, là où le langage tend à se neutraliser lui-même par euphémisation, relativisme ou saturation. C’est dire qu’il existe encore un seuil à ne pas franchir, un interdit structurant pour toute éthique politique digne de ce nom. C’est refuser de laisser s’installer un régime d’indifférence absolue, où l’extermination devient un bruit de fond, une donnée parmi d’autres.

      Nommer le génocide, enfin, ce n’est pas désigner un coupable abstrait, mais désigner un processus historique et une logique d’État à l’œuvre, au nom d’une souveraineté sacralisée, au nom d’un mythe sécuritaire devenu absolu. C’est réinscrire la mémoire des événements dans un ordre symbolique clair, qui redonne aux morts un nom, une adresse, une vérité. C’est, comme le disait Robert Antelme, affirmer que l’homme, même au fond de sa déchéance imposée, demeure l’homme, et qu’aucun appareil militaire, aucun récit national, ne peut révoquer cette part commune.

      2.2. Redonner sens à la République : le dissensus comme impératif démocratique

      La République, telle qu’elle est invoquée dans les discours de Yonathan Arfi ou de François Bayrou, tend à devenir une forme vidée de son contenu démocratique, réduite à un consensus d’exclusion. Présentée comme l’ultime rempart contre les extrémismes, elle se mue pourtant en instance de disqualification systématique de toute voix dissidente, notamment dès lors qu’il s’agit de critiquer la politique d’Israël ou de dénoncer les massacres à Gaza. Cette République-là ne protège certainement pas les marges, elle les stigmatise. Cette République-là n’écoute certainement pas les minorités critiques, elle les criminalise. Cette République-là ne débat certainement pas, elle sanctuarise.

      Or, l’histoire même de la République française enseigne que sa force ne réside pas dans l’effacement du conflit, mais dans sa mise en forme politique. Le dissensus, entendu comme confrontation réelle, parfois violente, mais toujours nécessaire des positions, des mémoires, des visions du juste, est constitutif de toute politique républicaine authentique (Rancière ; Abensour etc.). Ce n’est pas le silence imposé qui fonde la démocratie, mais la parole plurielle, risquée, conflictuelle. Rappelons qu’à l’époque de l’Affaire Dreyfus, ce sont les voix dissonantes de Zola, Jaurès, Lucien Herr, ou Bernard Lazare, souvent marginalisées, diffamées, qui ont permis de faire éclater la vérité, contre l’ordre établi, contre les institutions, contre les évidences supposées.

      C’est pourquoi l’exclusion actuelle de figures critiques, qu’elles soient universitaires, militantes, artistiques ou politiques, ne relève pas d’un sursaut républicain, mais d’un tournant autoritaire du discours public. Assimiler toute critique du sionisme à une forme d’antisémitisme, tout appel à la justice pour Gaza à une apologie du terrorisme, c’est criminaliser la pensée, inverser la charge de la violence, et trahir l’héritage conflictuel de la République elle-même.

      Ce glissement est d’autant plus préoccupant qu’il se prétend fidèle à l’universalisme. Mais il s’agit ici d’un universalisme mutilé, amputé de ceux qu’il refuse d’écouter. L’universel ne se décrète pas, il se conquiert, il se réinvente depuis les blessures, les exils, les révoltes. Comme le rappelait Aimé Césaire, « il n’y a pas de mission civilisatrice, il n’y a que des missions d’humanité. » [20] Et l’humanité véritable commence toujours par l’attention au dissensus, par l’accueil de ce qui dérange, de ce qui résiste, de ce qui s’élève.

      Redonner sens à la République, aujourd’hui, ce n’est donc pas réaffirmer une identité figée, communautarisée, alignée sur une géopolitique, mais retrouver sa capacité d’écoute, sa plasticité conflictuelle, sa mémoire des luttes. C’est rouvrir le champ du pensable et du dicible, là où l’indignation est rendue suspecte, là où la douleur des enfants palestiniens devient un silence stratégique.

      2.3. Judaïsme, pensée critique et exigence de justice universelle

      Réduire le #judaïsme à un simple soutien à la politique de l’État d’Israël constitue une double trahison. Une trahison théologique tout d’abord, car le judaïsme n’est pas une idéologie étatique. Une trahison éthique ensuite, car il porte en lui une exigence millénaire de justice, de mémoire, de fidélité au fragment et à l’exilé, une attention radicale à la vulnérabilité, à l’opprimé, à l’étranger. C’est cette tradition-là qui est trahie lorsqu’on l’assimile à un nationalisme d’État fondé sur l’ #exclusion, la #colonisation, et la violence d’annihilation.

      Walter Benjamin rappelait que la « tradition véritable » n’est jamais celle des puissants, mais celle des opprimés. Elle ne sacralise pas l’histoire établie, elle en sauve les éclats, les ruines, les fragments. Ce que Benjamin appelle la « tradition des opprimés » se situe à rebours de toute entreprise de légitimation d’un ordre dominant. Elle ouvre un espace critique à l’intérieur même de l’héritage, en le réactivant depuis ce qui a été brisé, effacé, nié.

      Nombreuses aussi sont les voix juives, en Israël, en diaspora, en France, qui refusent cette équation réductrice entre judaïsme et sionisme, entre #judaïcité et allégeance à un État. Leur position n’est pas marginale, mais constitutive d’un courant profond du judaïsme diasporique, de l’anti-idolâtrie prophétique à la dissidence messianique.

      Penser depuis une telle « tradition », c’est refuser que le judaïsme devienne l’instrument d’une hégémonie, et c’est exiger, au contraire, que la mémoire juive reste du côté des humiliés, des déplacés, des sans-voix. C’est depuis cette fidélité critique, et non depuis une solidarité identitaire aveugle, que peut s’exprimer une voix juive fidèle à son histoire de persécutions, de diasporas, d’exodes. La mémoire de la Shoah ne peut être invoquée pour justifier un déni de justice à d’autres peuples. Elle oblige au contraire à refuser qu’un peuple en opprime un autre au nom de sa propre souffrance. Le judaïsme ne peut être confisqué par un État ni réduit à une politique d’anéantissement. La fidélité à cette tradition ne se mesure pas à l’adhésion au pouvoir, mais à la capacité de se tenir auprès de celles et ceux que le pouvoir efface.

      C’est au nom de cette tradition, et non en dépit d’elle, qu’il devient impératif de dénoncer l’oppression exercée sur le peuple palestinien. S’en réclamer aujourd’hui implique non pas le silence, mais l’insurrection éthique.

      Ce que le judaïsme offre au monde, ce n’est pas une forteresse, mais une ouverture, une manière de penser la blessure, la mémoire, la transmission, le refus de l’injustice. Il ne peut être confisqué par un État ni réduit à une politique d’anéantissement. La fidélité à cette tradition ne se mesure pas à l’adhésion au pouvoir, mais à la capacité de se tenir auprès de celles et ceux que le pouvoir efface. C’est cette responsabilité universelle qu’il nous faut réaffirmer, aujourd’hui plus que jamais, depuis #Gaza.

      2.4. La voix des victimes contre le discours dominant

      Alors que Yonathan Arfi et François Bayrou discourent, alors que la scène politique française multiplie les déclarations d’allégeance et les postures morales sélectives, les enfants de Gaza brûlent dans l’indifférence organisée. Les civils palestiniens sont bombardés, privés d’eau, de nourriture, de soins, réduits à l’errance dans les ruines, et toute tentative de dénoncer cette destruction systémique est aussitôt criminalisée, renvoyée à un prétendu antisémitisme.

      L’enjeu n’est pas seulement politique ou diplomatique : il est philosophique, éthique et civilisationnel. Il s’agit d’entendre , non comme un geste compassionnel ou humanitaire, mais comme une exigence de justice, les récits, les cris, les silences de celles et ceux qui vivent sous les bombes. Il s’agit de ne pas détourner le regard, de ne pas se réfugier dans la neutralité commode des institutions, dans la passivité de l’impuissance politique organisée. Car la vérité ne réside pas dans les salons officiels ni dans les communiqués de presse, mais dans les marges, les corps fracassés, les voix étouffées, les images interdites. Ce qui est à entendre ne demande ni charité, ni pitié, ni commisération, mais une rupture avec l’ordre du discours dominant, une interruption de l’aveuglement organisé.

      Comme l’écrivait Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre : « Quand on entend dire que l’humanité est une chose admirable, on cherche des hommes. » [21] Cette phrase condense une critique radicale du discours humaniste tenu par les puissances coloniales, un humanisme d’apparat, purement rhétorique, démenti dans les faits par la violence systémique infligée aux colonisés. A cela, Fanon y oppose la nécessité d’une réhumanisation concrète, arrachée au réel des corps niés, des existences mutilées, des subjectivités écrasées. Cette phrase ne désigne certainement pas une essence, mais une exigence. Celle de retrouver, dans un monde dévasté, la trace de ce qui peut encore faire humanité. Aujourd’hui, ce sont les enfants de Gaza, privés de maisons, d’écoles, de funérailles dignes, qui incarnent cette vérité. Non parce qu’ils seraient meilleurs ou plus innocents que d’autres, mais parce qu’ils sont déshumanisés, niés, effacés, dans un silence médiatique et politique qui redouble la violence qu’ils subissent.

      Faire entendre leur voix, ce n’est pas simplement plaider pour une cause mais tenter de sauver quelque chose de l’idée même de justice, de « l’universalité réelle », contre toutes les rhétoriques d’exception.

      Conclusion : penser contre l’effacement

      Face à cette inversion et cette complicité institutionnelle, nombreux sont ceux qui se mobilisent et pensent autrement, cherchant à reconstruire une pensée capable de désamorcer ces pièges discursifs. Il est urgent de renforcer cette dynamique critique pour retrouver le sens profond de la justice, au nom de toutes les victimes, sans hiérarchisation, sans essentialisation, sans exclusion. C’est cette pensée critique renouvelée qui constitue aujourd’hui une exigence vitale.

      Ceux qui n’ont plus de maison, plus d’école, plus de ville, ce sont eux aujourd’hui qui nous obligent à réinterroger ce que signifie encore « être humain ». Ce sont les enfants de Gaza. Ce sont les femmes de Gaza. Ce sont les hommes de Gaza. Ce sont aussi les ruines de Gaza, les quartiers entiers effacés, les vergers dévastés, les nappes phréatiques polluées, les infrastructures vitales broyées, signes d’un urbicide, d’un écocide, d’une stratégie de destruction intégrale d’un territoire, de ses milieux de vie, de ses formes d’hospitalité. C’est l’ensemble du tissu vivant, humain, architectural, végétal, qui se trouve ainsi visé, disloqué, anéanti.

      La honte ne doit pas simplement changer de camp. Elle doit retrouver une adresse, non pas dans une instance de jugement ou une autorité morale, mais dans ce point de disjonction où l’histoire vacille, où la parole s’interrompt, où la vérité, non juridiquement instituée mais historiquement insupportable, exige d’être dite. Elle ne se formule pas comme une sentence, mais comme un contre-temps. Elle devient alors force de transformation, non pas en tant qu’instrument de réprobation morale, mais comme une puissance de réveil et de désajointement, capable de fracturer le présent, d’arracher l’histoire à ses enchaînements supposés, de restituer à ce qui fut détruit la possibilité d’un nom, d’un geste, d’une survivance.

      Ce n’est pas la responsabilité au sens de l’assignation qu’elle convoque, ni devoir juridique, ni charge morale fondée sur une faute établie, ni sentence articulée à une autorité institutionnelle. Ce type de responsabilité présuppose un sujet défini, une causalité repérable, un jugement prononçable. Il relève d’une économie du compte rendu, du blâme, de la réparation. Or ce qui se manifeste ici procède d’un tout autre régime : non celui de la causalité, mais celui de l’appel. Un appel sans visage, sans origine identifiable, sans visée accusatoire. Un appel muet, anonyme, comparable au messager dont parle Walter Benjamin, porteur d’une vérité qui ne s’impose pas mais expose. Cet appel n’émane pas d’un futur désirable ni d’une transcendance justicière. Il surgit du fond même de l’irréparable, non pas pour réclamer une réparation impossible, mais pour maintenir ouverte la blessure de ce qui fut détruit sans recours. L’irréparable, ici, n’est pas un constat de défaite mais la source d’une exigence éthique radicale, une fidélité inquiète à ce qui, n’ayant pas été sauvé, continue pourtant d’appeler. En ce sens, la honte ne retrouve pas un visage, mais une adresse : ce lieu de disjonction où l’histoire vacille, où la vérité ne se décrète pas, mais insiste. Et l’écoute de cet appel engage, non par injonction extérieure, mais depuis la rupture même qu’il creuse dans le présent. « (…) si l’ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté » [22] écrivait Walter Benjamin dans ses thèses sur la philosophie de l’histoire, ce qui oblige à penser une autre forme de responsabilité comme étant non plus tournée vers la réparation ou le tribunal, mais vers l’interruption, le contretemps, le surgissement d’un devoir depuis ce qui ne peut plus être sauvé, mais ne doit pas être oublié.

      Ce n’est pas dans les palais, les dîners officiels, les discours bien ordonnés ; ni dans les postures confortables de ceux qui se croient, par automatisme ou bonne conscience, du bon côté de l’histoire ; ni dans les silences feutrés d’une certaine gauche progressiste, qui préfère l’abstention morale à l’engagement réel ; ni dans l’assurance de certains qui, convaincus de détenir la vérité, s’exonèrent de toute écoute, que cette exigence prend corps. Elle surgit dans les ruines, les cris, les gestes, ici et ailleurs, de celles et ceux qui, sans honte ni paralysie - ce qui n’excluent pas un profond désespoir - refusent de détourner le regard et organisent le pessimisme. Gaza ne demande pas des #lamentations rituelles, mais une réactivation de la capacité à dire non. À dire, non, plus jamais cela, et faire de ce refus une puissance agissante en inventant des gestes d’ #interruption, des stratégies de #désobéissance, des hospitalités dissidentes, des contre-cartographies concrètes, des formes collectives de #désalignement.

      À dire : non, plus jamais cela. Pour personne, ni humain, ni vivant, ni forme de vie vouée à l’anéantissement.

  • Pour l’égalité réelle en #Corse, refusons l’autonomie législative – Tribune
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    Dans un climat de tension, l’hypothèse d’une autonomie corse fait son retour au sommet de l’État. Brandie par Gérald Darmanin à la veille de l’élection présidentielle de 2022, cette promesse n’a cessé d’alimenter un dangereux engrenage. Loin de répondre aux maux qui frappent l’île – crise du logement, insécurité -, elle ouvre la voie à […]

    #Politique #Autonomie_législative #régionalisme #République

  • 316 criminels députés votent pour multiplier les cancers et accélérer la destruction des écosystèmes
    https://ricochets.cc/316-criminels-deputes-votent-pour-multiplier-les-cancers-et-accelerer-la-d

    Depuis toujours, l’étatico-capitalisme n’est pas du côté de la vie et de la raison car son objectif principal est la fabrication d’un maximum de Valeur, d’argent, par n’importe quel moyen. L’ensemble des droites sert à fond ce modèle, l’adoption de la loi Duplomb le montre une fois de plus, tandis que les gauches de gouvernement s’escriment (le plus souvent mollement) à l’émousser et à contrecarrer certains de ses effets nocifs. 316 député assassins ont donc cyniquement voté pour cette (...) #Les_Articles

    / Autoritarisme, régime policier, démocrature...

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    / #Politique,_divers, Autoritarisme, régime policier, démocrature...

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
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  • Les violences sexuelles comme armes de maintien de l’ordre
    https://ricochets.cc/Les-violences-sexuelles-comme-armes-de-maintien-de-l-ordre-8504.html

    « Les violences sexuelles comme armes de maintien de l’ordre » 429 victimes, 215 agresseurs en uniformes recensés : comment les forces de l’ordre violent et agressent sexuellement en toute impunité Il aura fallu un an à Leïla Miñano, Sarah Benichou et Sophie Boutboul pour réaliser cette enquête révélatrice d’un système : celui des violences sexuelles utilisées par les forces de l’ordre comme véritable arme de domination et de maintien de l’ordre, selon les mots de Leïla Miñano. En (...) #Les_Articles

    / #Violences_policières, Autoritarisme, régime policier, démocrature...

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
    https://contre-attaque.net/2025/06/25/les-violences-sexuelles-comme-armes-de-maintien-de-lordre

  • Le film Nous n’avons pas peur des ruines de Yannis Youlountas est en ligne
    https://ricochets.cc/Le-film-Nous-n-avons-pas-peur-des-ruines-de-Yannis-Youlountas-est-en-ligne

    Après Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suis, L’amour et la révolution, le dernier film documentaire de Yannis Youlountas est disponible en ligne : Résumé : Grèce, 2019 à 2024. Mitsotakis remplace Tsipras au pouvoir en Grèce et promet d’en finir avec Exarcheia, un quartier rebelle et solidaire d’Athènes. Mais la résistance s’organise et des renforts arrivent d’autres villes d’Europe. Le cri de ralliement devient No Pasaran ! Au fil des années, d’autres luttes (...) #Les_Articles

    / Vidéos, films..., #Résistances_au_capitalisme_et_à_la_civilisation_industrielle, Révoltes, insurrections, débordements..., Révolution , #Autonomie_et_autogestion, Luttes (...)

    #Vidéos,_films... #Révoltes,_insurrections,_débordements... #Révolution_ #Luttes_sociales
    http://paspeurdesruines.net/spip.php?rubrique10

  • St Péray / CCRC : une « déviation » pour faciliter l’artificialisation des dernières terres agricoles et naturelles ?
    https://ricochets.cc/St-Peray-CCRC-une-deviation-pour-faciliter-l-artificialisation-des-dernier

    Alors que les canicules se mutiplient que le système en place a entraîné la planète vers un réchauffement catastrophique d’ors et déjà « inévitable » de +2°C, au local comme au national les « élites » et leurs amis veulent continuer à tout prix le modèle de société qui cause et attise les désastres. A St-Péray, la commune et la CCRC de Jacques Dubay ne veut pas démordre de la primauté du routier et des projets d’urbanisation des dernières terres agricoles et naturelles de La Plaine. Avec (...) #Les_Articles

    / #Ecologie, #Catastrophes_climatiques_et_destructions_écologiques, #Saint_Peray, Autoritarisme, régime policier, (...)

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
    https://www.alterre-asso.org/index.php/2025/06/18/plan-durbanisme-de-la-ccrc-0-dinformation-100-dartificialisation-en-vu

  • Sensationelles Urteil: Volksbegehren für weniger Autofahrten in Berlin ist zulässig
    https://www.berliner-zeitung.de/mensch-metropole/sensationelles-urteil-volksbegehren-fuer-weniger-autos-in-berlin-is

    Na jeht doch, Autos raus, Kiezblocks weg, freie Fahrt fürs Taxi

    25.6.2025 von Peter Neumann - Bundesweit einzigartig: Mit einem Plebiszit wollen Berliner den Autoverkehr im Zentrum um fast zwei Drittel verringern. Jetzt ist klar: Es dürfte stattfinden.

    Es ist eine Entscheidung, die Rechts- und Verkehrsgeschichte schreiben könnte. Es ist aber auch ein Urteil, das schon jetzt zu heftigen Diskussionen führt.

    Im Streit um das geplante Volksbegehren zur Reduzierung des privaten Autoverkehrs in der Berliner Innenstadt hat der Verfassungsgerichtshof des Landes den Bürgern recht gegeben (VerfGH 43/22). Der Antrag sei zulässig, heißt es in dem Urteil, das am Mittwochvormittag verkündet wurde. Damit ist der Weg für das weitere Verfahren frei – und noch in diesem Jahr könnten die Berliner Bürger im Rahmen eines Plebiszits darüber abstimmen, ob die private Autonutzung im Stadtzentrum rationiert werden soll. Innerhalb des Rings sollen nur wenige Fahrten möglich sein, sonst drohen Strafen.

    In Saal 240 war die Freude groß. Zumindest bei den jungen Leuten, die sich seit Langem für einen Verkehrsentscheid in Berlin einsetzen - anfangs mit dem Motto Berlin autofrei. Die für heute Abend angesetzte Party könne stattfinden, hieß es. „Das Gericht hat die Freiheit des demokratischen Gesetzgebers gestärkt, über die Nutzung des öffentlichen Raums zu bestimmen“, sagte Rechtsanwalt Philipp Schulte, der den Verein Gemeingut in BürgerInnenhand vertritt. Dazu gehöre auch der Volksgesetzgeber – die Bürger. Die nun verkündete Entscheidung könne nicht angefochten werden, ergänzte der Jurist.

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    Voller Hoffnung: Vor der mündlichen Verhandlung am 2. April 2025 im Gebäude des Kammergerichts am Kleistpark stellen sich die Verkehrsentscheid-Aktivisten mit einer Plakataktion dem Fotografen.Peter Neumann/Berliner Zeitung

    Die Senatsverwaltung für Inneres und Sport hatte das Verfahren vor drei Jahren angehalten und den Gesetzentwurf der Initiative dem Verfassungsgericht vorgelegt. Das geplante Gesetz sei verfassungsrechtlich bedenklich, hieß es. Die Verkehrsverwaltung hatte ebenfalls Zweifel angemeldet. Das nun verkündete Urteil setzt damit auch die Senatorin Ute Bonde (CDU) unter Druck. Die Entscheidung fiel mit acht zu eins Stimmen. Der Richter Christian Burholt verfasste ein Sondervotum.

    Das Landesverfassungsgericht urteilte, dass die rechtlichen Voraussetzungen für die Zulassung des Volksbegehrens gegeben sind. Es habe nicht darüber zu befinden, ob der Gesetzentwurf zweckmäßig, angemessen und praktikabel sei, sagte die Präsidentin Ludgera Selting. Zu prüfen sei, ob er sich innerhalb des gesetzlichen Rahmens bewege. Das sei der Fall. „Der Gesetzentwurf ist mit der Verfassung des Landes Berlin, mit dem Grundgesetz und europäischem Recht vereinbar“, fasste Selting zusammen.

    So besitze das Land Berlin die Kompetenz, ein solches Gesetz zu erlassen. Straßenrecht, um das es hier geht, falle in die Kompetenz der Bundesländer. Ausnahmen gelten für Bundesstraßen, für die der Entwurf aber nicht gilt. „Verhalten im Verkehr wird nicht geregelt“, stellte die Präsidentin des Landesverfassungsgerichts fest. „Es handelt sich nicht um eine straßenverkehrsrechtliche Regelung im Gewand des Straßenrechts“ – das hatte die Senatsverwaltung während der mündlichen Verhandlung am 2. April kritisiert.

    Kein Anspruch darauf, dass auf Berlins Straßen alles so bleibt wie bisher

    Zwar bestehe eine verfassungsrechtliche Verpflichtung zur Aufrechterhaltung eines „Minimums von Verkehrswegen“, sagte Selting. Straßen seien unverzichtbar für viele Tätigkeiten und Handlungen. Doch die Bürger hätten keinen Anspruch darauf, dass ein bestehender Gemeingebrauch aufrechterhalten wird – auch nicht darauf, bestimmte Flächen für den allgemeinen Autoverkehr zuzulassen oder dafür beizubehalten.

    Das Gericht könne keine Verletzung von Grundrechten feststellen, hielt die Präsidentin fest. Beispiel Eigentumsfreiheit: Zwar wären Straßen in der Zuständigkeit des Landes Berlin sowie die dortigen Autostellplätze „deutlich weniger nutzbar“, so das Gericht. Doch der Gesetzentwurf knüpfe nicht an das Eigentum an. Wer ein Auto besitzt, könne es weiterhin nutzen – außerhalb der Ringbahn uneingeschränkt.

    Beispiel Berufsfreiheit: Dem Gericht sei bewusst, dass sich das geplante Gesetz auf Kfz-Werkstätten, Tankstellen und andere Unternehmen auswirken würde, so die Präsidentin. Doch der Gesetzentwurf ziele nicht auf Berufstätigkeit ab, sondern regele die Nutzung öffentlicher Straßen. „Aus der Berufsfreiheit kann kein Anspruch hergeleitet werden, dass die Rahmenbedingungen immer unverändert bleiben“, stellte Selting klar.

    Gericht über Fahrverbote in Berlin: „Die autogerechte Stadt ist ein Irrweg“
    „Zum Teil erhebliche Auswirkungen auf Unternehmen und Privatpersonen“

    Der Gesetzentwurf verletze auch nicht das Grundrecht allgemeiner Handlungsfreiheit, hieß es. Zwar wäre die Kfz-Nutzung geschützt. „Aber auch aus diesem Recht kann kein Anspruch darauf hergeleitet werden, bestimmte Nutzungen widmungsrechtlich zuzulassen und dauerhaft beizubehalten“, bekräftigte Ludgera Selting.

    Auch dem Gebot der Verhältnismäßigkeit werde entsprochen. „Mit dem Gesetzentwurf werden überragend wichtige Gemeinwohlziele – der Schutz von Leben und Gesundheit sowie der Umwelt- und Klimaschutz – verfolgt“, so die Pressemitteilung. „Auch wenn die angestrebte Beschränkung des Kraftfahrzeugverkehrs zum Teil erhebliche Auswirkungen auf Unternehmen und Privatpersonen haben dürfte, ist der Gestaltungsspielraum des Volksgesetzgebers nicht überschritten.“

    Was das Europarecht anbelangt: Beeinträchtigungen der Warenverkehrs- und Dienstleistungsfreiheit seien nicht auszuschließen, aber gerechtfertigt.

    Da der Entwurf umfangreiche Möglichkeiten vorsehe, Sondernutzungserlaubnisse zu erteilen, würden trotzdem auch künftig viele Autos unterwegs sein, sagte die Präsidentin des Verfassungsgerichtshofs. Sie sprach auch ein weiteres Thema an: Wenn private Autofahrten im Zentrum eingeschränkt werden, könnten Busse und Bahnen voller werden. „Der öffentliche Verkehr wird wahrscheinlich Mehrbelastungen ausgesetzt“, merkte Selting an. Doch die Verantwortlichen hätten die Möglichkeit, nachzusteuern.

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    Hier wurde die Entscheidung verkündet: Raum 240 im Gebäude des Kammergerichts Berlin. Der 235 Quadratmeter große und acht Meter hohe Plenarsitzungssaal prunkt mit Kamin, Stuck sowie Decken- und Wandmalerei.Sebastian Christoph Gollnow/dpa

    Das Gericht habe die bestehende Rechtsprechung zum Straßenrecht „konsequent fortgeführt“, lobte Rechtsanwalt Philipp Schulte. Was die Widmung von Straßen anbelangt, gelte der Grundsatz: „Der Nutzer hat sich mit dem zufriedenzugeben, was und solange es geboten wird.“ Trotzdem drohten keine Eingriffe in Grundrechte.

    Das Urteil sei eine Niederlage für den Senat, sagte Marie Wagner. Sie ist Sprecherin der Gruppe, die ihr Anliegen anfangs als „Volksentscheid Berlin autofrei“ und jetzt als „Verkehrsentscheid“ bezeichne. Das Verfassungsgericht habe der Innenverwaltung in allen wesentlichen Punkten widersprochen. Für die Ehrenamtlichen seien die vergangenen Jahre hart gewesen, sagte Wagner. „Wir kamen nicht voran, während der Senat verkehrspolitisch den Rückwärtsgang einlegte.“ Senatorin Manja Schreiner habe Projekte zum Bau von Radwegen gestoppt, ihre Nachfolgerin Ute Bonde (ebenfalls CDU) möchte Tempo-30-Bereiche auf Hauptverkehrsstraßen für Tempo 50 freigeben.

    „Jetzt geht es endlich wieder nach vorn“, so die Sprecherin der Gruppe. Das Abgeordnetenhaus habe nun vier Monate Zeit, über den Gesetzentwurf zu befinden. Nimmt das Landesparlament ihn nicht an, kann die Initiative die Durchführung eines Volksbegehrens verlangen. Stimmen innerhalb von vier Monaten mindestens sieben Prozent der Stimmberechtigten zu (rund 170.000 Berliner), kommt es nach weiteren vier Monaten zum nächsten Plebiszit: einem Volksentscheid. Dafür sind gültige Unterschriften von 613.000 Berlinern erforderlich, und die Zahl der Ja-Stimmen sollte die der Nein-Voten übersteigen. Damit gilt auch für Gegner: teilnehmen und abstimmen!

    Es war eine Premiere – in mehrfacher Hinsicht. Erstmals in Deutschland wird versucht, die private Autonutzung in einer Stadt spürbar zu beschränken. Anstatt an Einzelthemen wie Verkehrsberuhigung oder Parkraumbewirtschaftung herumzudoktern, wollen die Aktivisten an die Wurzel des klimaschädlichen Übels gehen. Und anstatt darauf zu warten, dass sich die Politik um das Thema umfassender als bisher kümmert, wollen sie ihre Ziele auf dem Weg der Volksgesetzgebung mit einem Plebiszit erreichen.

    Der Entwurf des „Berliner Gesetzes für gemeinwohlorientierte Straßennutzung (GemStrG Bln)“ sieht vor, einen Großteil der öffentlichen Straßen und Plätze innerhalb der Ringbahn für den privaten Autoverkehr zu entwidmen. Nach vier Jahren Übergangsfrist sollen sie zu autoreduzierten Bereichen erklärt und „teileingezogen“ werden. Autobahnen und Bundesstraßen wie die Leipziger Straße oder der Kaiserdamm gehören nicht dazu. Autofahrer dürften diese Bundesverkehrswege weiter benutzen.

    Das 18 Paragrafen umfassende geplante Gesetz bestimmt, dass nach der Übergangsfrist für private Pkw-Fahrten eine Erlaubnis benötigt wird. Sie würde für maximal zwölf 24-Stunden-Zeiträume pro Jahr erteilt, später für sechs – jeweils pro Person. So dürfte eine vierköpfige Familie insgesamt 48-mal pro Jahr jeweils 24 Stunden lang in der City Auto fahren, dann 24-mal jährlich. Ordnungswidrigkeiten sollen mit Bußgeldern von bis zu 100.000 Euro geahndet werden.

    Busse, Taxis, Polizei, Feuerwehr, Straßenreinigung, Müllabfuhr, Rettungsdienste und Postfahrzeuge dürften sich ohne Erlaubnispflicht weiter bewegen. Für Berufstätige, die außerhalb des Tagesfahrplans von Bus und Bahn zur Arbeit müssen und mit dem öffentlichen Verkehr viel länger unterwegs wären, sieht eine Härtefallregelung Ausnahmen vor. Auch für Kranke sowie Menschen, die aufgrund körperlicher Einschränkungen auf Autos angewiesen sind, würden Ausnahmen gelten. „Für den Güterwirtschaftsverkehr ist eine Erlaubnis zu erteilen, soweit die verkehrliche Sondernutzung zur gewerblichen Beförderung von Gütern durch die Nutzer:in notwendig ist“, heißt es in Paragraf 7.

    125.000 Erlaubnisverfahren jährlich erwartet

    In der Begründung zum Gesetzentwurf heißt es, dass der motorisierte Verkehr in Berlin um rund 60 Prozent abnehmen würde. Dadurch ließen sich jährlich 425 Millionen Euro einsparen. So würden die Unfallkosten um 200 Millionen, die Lärmkosten um 14 Millionen und die Kosten fürs Klima um 68 Millionen Euro pro Jahr sinken. Demgegenüber stünden Verwaltungsaufwendungen und jährliche Mehrkosten im Landeshaushalt von fünf Millionen Euro im ersten Jahr nach Inkrafttreten des Gesetzes und einmalige Kosten in Höhe von 620.000 Euro. „Es ist davon auszugehen, dass jährlich rund 125.000 Erlaubnisverfahren zu bearbeiten sind“, heißt es.

    Ein ambitioniertes Projekt. Doch die Aktivisten von der Initiative Berlin autofrei, die von Changing Cities, Greenpeace und dem Verkehrsclub Deutschland unterstützt werden, konnten im Sommer 2021 eine erste Hürde nehmen. In der ersten Stufe des Plebiszits, bei der es um den Antrag auf ein Volksbegehren geht, konnten sie mehr als 50.000 Unterschriften sammeln. Es waren deutlich mehr als die 20.000 gültigen Unterschriften von wahlberechtigten Berlinern, die laut Gesetz notwendig wären.

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    Sie verkündete am Mittwoch die Entscheidung vom Volksbegehren Berlin autofrei: Ludgera Selting, 2017 bis 2023 Vizepräsidentin des Landgerichts Berlin, ist Präsidentin des Verfassungsgerichtshofs des Landes Berlin.Sebastian Christoph Gollnow/dpa

    Die Entscheidung des Landesverfassungsgerichts stieß auf heftige Kritik. „Das Autofahren in Berlins Innenstadt weitgehend verbieten zu wollen, wäre ein schwerer Schlag für die Wirtschaft in der Hauptstadtregion“, sagte Alexander Schirp, Hauptgeschäftsführer der Vereinigung der Unternehmensverbände in Berlin und Brandenburg (UVB). „Der Weg zur Arbeit und zurück wäre betroffen, mehr als 500.000 Menschen pendeln von Brandenburg nach Berlin oder umgekehrt. Wegen mangelnder Kapazität und Taktung ist der öNahverkehr für viele keine Alternative. Unternehmen aus Handel, Gastronomie und vielen anderen Branchen würde ein massiver Umsatzeinbruch drohen, weil Kunden entweder ausbleiben oder auf Online-Angebote ausweichen.

    Erste Reaktionen am Mittwoch: Auch die Fußgängerlobby äußert Bedenken

    „Dieses Volksbegehren mag verfassungsrechtlich zulässig sein, inhaltlich ist es absurd und stellt ein faktisches Autoverbot für die Innenstadt dar. Es ist Autohass pur“, sagte Rolf Wiedenhaupt von der AfD. Dies würde den Einzelhandel, die großen Kulturbetriebe in der Stadt ersticken und den Berlinern ihre individuelle Mobilität nehmen. Wir sind jedoch sicher, dass die Berliner klug genug sind, diesen massiven Einschnitt in ihre persönliche Freiheit mehrheitlich abzulehnen.“

    „Die Initiative ‚Berlin autofrei‘ verkennt das enorme Potenzial moderner Verkehrspolitik und riskiert, die gesellschaftliche Spaltung zwischen Innenstadt und Außenbezirken weiter zu vertiefen“, warnte Peter Langer, Generalsekretär der FDP Berlin. „Statt auf Einschränkungen und Verbote zu setzen, braucht Berlin eine intelligente Mobilitätswende, die Technologie, Effizienz und individuelle Freiheit vereint.“

    Bedenken gab es auch bei der Fußgängerlobby. „Wir sollten raus aus der Zwangsfalle: nicht den Autozwang durch Anti-Auto-Zwang ersetzen. Sondern Verkehr zwangloser gestalten, so dass er unterm Strich freier und erträglicher wird“, forderte Roland Stimpel vom Fachverband Fußverkehr Deutschland. Weniger Tempo heißt weniger Gefahr, weniger Lärm und Abgase, freiere Bewegung für die, die ohnehin langsamer sind. „Autos sind die größten Platzfresser in der Innenstadt“, so Stimpel. Doch drei Viertel des Raums für ein Viertel des Verkehrs – das ginge nicht mehr. Wenn der Straßenraum besser aufgeteilt würde, wäre die im Volksbegehren geplante Zwangsbegrenzung von Fahrten unnötig. Wer muss und will, benutzt weiter das Auto. Das wird an manchen Stellen schwieriger und teurer, aber es wird nicht zwangsbegrenzt oder ganz verboten.“

    Senat, Parteien und Volksbegehren sollten einen Konsens suchen, so Stimpel. „Das ist möglich – mit einem Maß an Autoverkehr, das für die Mehrheit der Menschen verträglich ist.“

    #Berlin #Verkehr #autofrei

    • (...)

      🎙️ Résumé de l’émission
      Dans cet échange mené par Tristan Martin, Patrick Coste revient sur son parcours dans l’Éducation nationale et expose les analyses développées dans son ouvrage L’Éducation face à l’impossible (éditions Delga). De la critique des logiques de pouvoir à la crise psychique de l’ #enfant, en passant par les tensions autour de l’ #égalité, de l’ #autorité et de la laïcité, cette discussion interroge en profondeur le rôle de l’ #école dans notre société. Un dialogue exigeant pour repenser les fondements mêmes de l’éducation.

  • Septembre Infini, des nouvelles du camp !
    https://nantes.indymedia.org/posts/148467/septembre-infini-des-nouvelles-du-camp

    Les dernières infos pour être à jour sur le camp de Septembre Infini, près de #Bure. On organise un camp TOUT LE MOIS de septembre 2025, à l’ancienne gare de Luméville près de Bure ! On en parlait déjà dans cet article avec un texte d’appel : https://bureburebure.info/events/event/septembre-infini Ici on…

    #Anti-nucléaire #Autogestion #Global

  • Bilan manif anti-fasciste 10 Mai à Paris et Soirée de soutien 28 Juin à Vitry
    https://ricochets.cc/Bilan-manif-anti-fasciste-10-Mai-a-Paris-et-Soiree-de-soutien-28-Juin-a-Vi

    Bilan de la manifestation anti-fasciste du 10 Mai à Paris contre la manifestation fasciste du C9M. Et invitation à la soirée de soutien Samedi 28 Juin à Vitry-sur-Seine. #Les_Articles

    / #Procès,_justice,_répression_policière_ou_judiciaire, Autoritarisme, régime policier, démocrature..., #Antifascisme

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...

  • [Le Mans] Présentation-discussion du livre “À bas l’état, les flics et les fachos !
    https://nantes.indymedia.org/events/148420/le-mans-presentation-discussion-du-livre-a-bas-letat-les-flics-et-

    Oyé oyé ! L’Assemblée Générale anti-fasciste de la Sarthe a le plaisir de vous inviter Vendredi 27 Juin à partir de 19h30 à la Maison des citoyen.ne.s (accès par escalier ou ascenseur), place des comtes du Maine au Mans, pour une super soirée de : Présentation et discussion autour du…

    #Anti-fascisme #Anti-répression #Autonomie #dissolution #Fascisme #Le_Mans

  • La profession d’enseignant-chercheur aux prises avec le #nouveau_management_public

    Ce texte se propose d’analyser différents impacts de la #néolibéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) sur le contenu et les #conditions_de_travail des enseignants-chercheurs (EC). L’analyse s’appuie sur les résultats d’une enquête menée entre 2020 et 2022 sur la nature, les causes et les effets des mutations du #travail des EC. Cette recherche visait dans un premier temps à objectiver les évolutions et à saisir les représentations des acteurs à leur sujet. Le second temps entendait analyser les raisons et les vecteurs de ces évolutions. Outre la mobilisation de sources bibliographiques, trois outils ont servi à recueillir des données. Un questionnaire adressé en ligne aux membres des différentes sections du CNU et aux EC en poste dans cinq établissements (aux tailles, localisations et statuts variés), à l’exception de ceux du domaine de la santé [1] a permis de travailler sur 684 réponses complètes reçues. Des entretiens semi-directifs (de 30 à 90 minutes) ont ensuite été menés avec 108 répondants au questionnaire, avec 5 présidents ou vice-présidents d’université (en poste au moment de l’échange) et avec des représentants de 6 syndicats (SNESup, SNESup école émancipée, CFDT, CGT, FO et Sud) [2]. Des résultats provisoires ont enfin été discutés au cours de 7 séminaires réunissant des EC dans le but d’alimenter la réflexion et l’analyse finale. Le livre Enseignants-chercheurs. Un grand corps malade (Bord de l’eau, 2025) rend compte de façon détaillée des résultats de cette recherche.

    On montrera d’abord comment la mise en œuvre des principes du nouveau management public (#NMP) dans l’ESR a entraîné simultanément un alourdissement et un appauvrissement des tâches d’enseignement, de recherche et d’administration incombant aux EC. On abordera ensuite les effets de #surcharge et de #débordements du travail que produisent ces transformations du travail des EC ainsi que les impacts que cela engendre sur leur #moral, leur #engagement et leur #santé.

    Le travail des EC alourdi et appauvri sous l’effet de la #néo-libéralisation et du NMP

    La #néo-managérialisation de l’ESR a démarré dans les années 1990, sans qu’il s’agisse d’une #rupture absolue avec une #université qui aurait jusque-là échappé aux logiques capitalistes dominantes. Parlons plutôt d’une évolution marquée par l’adoption et l’adaptation des principes du néolibéralisme. Promus par la Société du Mont Pèlerin fondée en 1947, puis mis en œuvre à partir des années 1980 (par Thatcher et Reagan), ces principes prônent une réduction des missions et des coûts des services publics s’appuyant sur une gestion comparable à celle des entreprises privées. Il s’agit de rationaliser leur organisation et de réduire leurs budgets, d’instaurer une mise en concurrence interne (entre établissements, départements, équipes et collègues) et externe (avec des organisations privées fournissant des services de même nature), de viser leur rentabilité et de mesurer leur performance. Cela a conduit à favoriser le fonctionnement en mode projet, la diversification des financements en valorisant les #PPP (partenariats public/privé), l’évaluation sur #indicateurs_quantitatifs, les #regroupements… Les objectifs fixés étant l’#efficacité plutôt que l’#équité, l’#efficience plus que l’#utilité_sociale, la #rentabilité avant la qualité de service.

    Ce programme s’applique donc dans l’ESR français à partir des années 1990. En 1998, le #rapport_Attali « Pour un système européen d’enseignement supérieur » répond à une commande de #Claude_Allègre (ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de 1997 à 2000) qui entend « instiller l’#esprit_d’entreprise dans le système éducatif » (Les Échos, 3 février 1998), une #orientation qui constitue une injonction à visée performative. Dans les établissements, et notamment les #universités_publiques, cette orientation va être conduite par des équipes comptant de plus en plus de technocrates et de managers formés et rompus à l’exercice du NMP qui entendent faire fonctionner une logique inscrite dans la droite ligne du « processus de production, de diffusion et de légitimation des idées néo-managériales en France depuis les années 1970 [3] »

    Le rapport Attali propose un cadre européen inspiré d’orientations de l’OCDE. Lors de la célébration du 800e anniversaire de la Sorbonne, toujours en 1998, les dirigeants français, allemand, britannique et italien lancent un appel pour « un cadre commun de référence visant à améliorer la lisibilité des diplômes, à faciliter la mobilité des étudiants ainsi que leur employabilité ». Dès 1999, 25 autres pays européens signent cet appel et donnent naissance au « #processus_de_Bologne » destiné à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur avant 2010. En mars 2000, l’Union européenne rejoint ce projet, qui débouche sur la #stratégie_de_Lisbonne proposant de créer un « #marché_de_la_recherche ». C’est dans ce contexte qu’intervient la #bureaucratisation_néolibérale de l’ESR français qui va transformer la « #gouvernance » de l’ESR, ainsi que le travail et les conditions de travail de ses salariés, dont celles des EC.

    Parallèlement à la dégradation des #taux_d’encadrement (notamment en licence [4], avec des variations entre disciplines et établissements) et aux baisses d’effectifs et de qualification des personnels d’appui, les EC assument des tâches liées à l’enseignement de plus en plus nombreuses, diverses et complexes. Il s’agit notamment d’un travail d’#ingénierie_pédagogique de plus en plus prenant, d’une coordination de plus en plus fréquente d’équipes pédagogiques comprenant des précaires en nombre croissant (dont ils doivent aussi assurer le recrutement et le suivi), de réponses aux injonctions à la « #professionnalisation » (impliquant de faire évoluer les contenus de formation, en réécrivant les maquettes de diplôme en « compétences » [5], en multipliant le nombre de #stages à encadrer et en travaillant sur les #projets_professionnels des étudiants), d’une #complexification de l’#évaluation des étudiants due à la #semestrialisation, à des délais de correction raccourcis, à la « #concurrence » du web et désormais de l’IA et d’une prise en charge d’activités de #marketing et de #communication destinées à vanter, voire à « vendre », les diplômes, les parcours, l’établissement.

    - « On subit une accumulation de #micro-tâches, qui devient chronophage même si c’est souvent des bonnes idées. Par exemple, l’université nous demande de présenter les masters en faisant venir d’anciens étudiants, ce qu’on fait déjà deux fois pour les étudiants de L3 et aux journées portes ouvertes. Ils nous demandent de faire une présentation de plus pour diffuser plus largement sur des plateformes et toucher un public plus large. […] Autre exemple, on nous demande de refaire un point sur les capacités d’accueil de nos masters, et il faut refaire le travail. […] En fait, toute l’année on nous demande des #petits_trucs comme ça. » (PU en sciences de l’éducation et de la formation, en université).

    Une même dynamique opère du côté de la recherche, les activités sont aussi accrues et diversifiées dans un contexte de raréfaction des personnels d’appui, notamment en lien avec la #concurrence aiguisée entre chercheurs, entre labos, entre UFR, entre établissements. Cette évolution c’est aussi la baisse des #budgets_récurrents et la chasse aux #financements, en répondant à des #appels_à_projets émanant de institutions publiques (ANR, ministères, UE) ou d’acteurs privés, la course aux #publications dans les revues classées, en anglais pour certaines disciplines, la multiplication des #évaluations par les établissements, les agences (AÉRES puis #HCÉRES…), les tutelles, le ministère, l’œil rivé sur les classements, notamment celui de Shanghai.

    - « Une partie du temps, on est plus en train de chercher des budgets et de faire du #reporting que de faire la recherche elle-même. Sans compter qu’il faut publier pour être valorisé. Il y a des collègues dont on se demande ce qu’ils publient, parce que leur temps de recherche en fait, c’est du temps d’écriture, mais on ne sait pas sur quoi. » (PU en civilisation américaine en université).
    - « Si on regarde les laboratoires, il y a beaucoup de chercheurs et peu de personnels associés. Nécessairement, les EC doivent faire face à plus de tâches administratives. Et d’autre part, il y a des choses qui ont été formatées, il faut remplir des fichiers, des indicateurs, cela fait beaucoup de tâches administratives à réaliser. » (PU en électronique en IUT).

    À cela s’ajoutent les activités de sélection, de recrutement et de management des étudiants et des doctorants sur des plateformes aux performances discutables (#ParcoursPlus, #Mon_master, Adum), des ATER, des postdocs et des enseignants vacataires et contractuels, ainsi que de titulaires lorsqu’il faut siéger en comité de sélection quand des postes de MCF et PU (Professeur d’Université) sont ouverts. Il faut ici souligner la #surcharge spécifique pesant sur les #femmes, notamment PU, compte tenu des règles de parité (un COS doit compter au moins de 40% de membres de chacun des deux genres) et des inégalités de #genre dans les carrières [ 7].

    Les EC doivent aussi prendre en charge des activités d’information, d’évaluation et de valorisation à destination de divers instances et organismes, dans des délais souvent courts, au moyen d’outils numériques plus ou moins fiables et compatibles. Ces comptes à rendre portent en particulier sur la qualité des cursus, les débouchés professionnels et les taux d’insertion des diplômés, les coûts en heures et en masse salariale des cours, des TD et des TP, les résultats en termes de présence aux examens, de notes, de diplômés, d’abandons en cours de cursus…

    – « Je me sens être très gestionnaire, animatrice, gentille organisatrice une grande partie de mon temps. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout anticipé en entrant dans ce métier, parce que je ne pensais pas avoir autant de #charges_administratives. […] Dès la 3è année après mon recrutement, j’étais directrice des études, à faire des emplois du temps, recruter des vacataires, travailler un petit peu le contenu de leurs interventions, mais je devais surtout faire des RH, essayer que ça convienne à chacun, récupérer les papiers qu’on lui demandait pour qu’il soit payé, etc. » (MCF en sociologie en IUT).

    On a ainsi assisté à un double mouvement d’alourdissement er d’appauvrissement du travail des EC sous les effets combinés des injonctions à la professionnalisation (la #loi-LRU de 2007 a ajouté « l’orientation et l’insertion » aux missions de l’ESR) et aux attentes des tutelles en la matière ainsi que des normes budgétaires strictes et des critères « d’#excellence » qui concrétisent l’essor des logiques et des modes de gestion du NMP et la #managérialisation de l’ESR (comparable à ce qu’a connu l’Hôpital,). Il en découle un ressenti fréquent de #perte_de_sens et un #malaise profond.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du #sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. »(MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).
    - « Quand j’ai démarré au début des années 2000, j’avais l’impression d’être en phase avec mon travail et peut-être plusieurs de mes collègues aussi. J’ai l’impression qu’il y avait une sorte de vision collective partagée. Cette vision collective partagée, je la sens moins parce que je sens des #découragements, je sens des #lassitudes. Le partage de la mission de chercheur, c’est plus compliqué et le partage de la vision de la mission d’enseignement pour moi, elle est galvaudée. » (MCF HDR en chimie en université).

    Le #moral et la santé des EC pâtissent des #surcharges et débordements vécus par les EC.

    La détérioration des situations de travail vécue par les EC produit des effets à la fois sur leur état moral, leur #engagement_professionnel et leur état de santé. Les surcharges combinées au sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail correctement sont à l’origine de nombreuses #souffrances. Leur travail a été peu à peu alourdi par une accumulation de tâches dont une partie tient à la #procédurisation qui concrétise « la #bureaucratisation_néolibérale ». Cela nourrit un important « #travail_caché », invisibilisé et non rémunéré, qui conduit à la fois à accroître et à hacher l’activité.

    Il en découle des #surcharges_temporelles (extension de la durée du travail professionnel), des #surcharges_mentales (dues à l’accumulation de sujets et de préoccupations) et des #surcharges_cognitives (liées aux changements récurrents de registres d’activité).

    - « L’université française s’écroulerait si nous ne consentions pas à faire un travail parfois considérable gratuitement ou presque. » (PU en langue et civilisation)

    L’#intensification_du_travail qui passe par un accroissement du travail invisible, ou plus justement invisibilisé, des EC, implique des débordements fréquents de leur vie professionnelle sur leur #vie_personnelle (aussi bien du point de vue du temps que de celui des lieux). Ce phénomène a été aggravé par l’usage d’outils (téléphone mobile, micro-ordinateur, tablette) et de dispositifs techniques (mails, réunions et cours à distance, remontées de datas, recherches sur le web) qui favorise le travail en tout lieu et à tout moment, et donc le brouillage des frontières entre travail et hors-travail.

    - « Je pense que tous les collègues font un peu comme moi, le temps d’écriture des articles est pris surtout sur le samedi et le dimanche, donc sur le temps personnel, en fait. Parfois, les conjoints ont du mal à s’y faire, mais moi non, mon conjoint est un chercheur. Globalement, on travaille tous les jours. Sinon, ça ne passe pas. Ou alors, on ne fait que de l’enseignement et on écrit un article par an. » (PU en histoire du droit en université).

    Le débordement temporel et spatial est un fait massif difficile à mesurer pour les EC car ceux-ci, comme tous les enseignants, ont toujours travaillé à la fois sur leur lieu de travail et à leur domicile ou en vacances (pour préparer des cours, corriger des copies et des mémoires, lire et écrire des travaux scientifiques, tenir des RV et réunions à distance).

    La porosité des frontières entre lieux de travail et de vie, entre temps de travail et hors-travail est ambivalente. D’un côté, elle permet aux EC de choisir où et quand ils travaillent, à l’inverse de la plupart des salariés. Cette souplesse d’organisation procure un sentiment de liberté, et une liberté réelle, qui facilite la conciliation entre obligations professionnelles et activités personnelles, domestiques, familiales. Mais, c’est aussi un piège qui met en péril la vie personnelle et familiale en impliquant une absence de limite aux temps et aux espaces consacrés au travail. Ce risque est d’autant plus grand que ce sont souvent les activités de recherche (à la fois les plus appréciées et les plus empêchées au quotidien) qui trouvent place en dehors des lieux et temps de travail. Beaucoup d’EC en viennent alors à accepter, voire à rechercher, ces débordements du travail pour retrouver le plaisir de faire ce qu’ils aiment dans un contexte plus favorable qu’au bureau (environnement calme et agréable) et à l’abri de sollicitations multiples (passages, appels téléphoniques, mails urgents, etc.). Ne peut-on évoquer ici une forme d’#aliénation, voire de « #servitude_volontaire » ? Cela rappelle ce que différentes enquêtes ont montré chez des cadres du secteur privé qui, en travaillant chez eux, y compris le soir, le week-end ou en congé, retrouvent comme ils le disent une « certaine continuité temporelle » et un « cadre spatial favorable à la #concentration ».

    - « Il faut avoir le #temps de faire sa recherche, on est dans une espèce de course à l’échalote permanente. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, je ne veux pas cracher dans la soupe, j’ai pu travailler sur ce que je veux, et après à moi de trouver de l’argent. Mais, c’est un métier où ça peut être très dangereux si on ne trouve pas son équilibre. Moi, ça m’a coûté certaines choses au niveau personnel [un divorce !] parce qu’il est arrivé un moment donné où je ne dormais plus la nuit parce que je voyais tout ce que je n’avais pas eu le temps de faire. J’ai eu besoin de faire un travail sur moi pour me ressaisir et me dire que si je n’avais pas fait ça ou ça, ce n’était pas si grave, personne n’est mort à cause de ça, on se détend. J’ai eu de la chance, j’ai refait ma vie avec quelqu’un qui est professeure des écoles donc avec un rythme peu différent ». (MCF en chimie en université).

    Les inégalités de prise en charge des tâches domestiques, familiales et éducatives entre femmes et hommes, auxquelles n’échappent pas les EC, conduisent à exposer de nombreuses EC à des difficultés spécifiques (contribuant aux inégalités de déroulement de carrière à leur détriment), d’autant que la façon d’exercer le métier, de gérer les relations avec les étudiants et de prendre des responsabilités est aussi marquée par des différences de genre.

    – « Cette intensification du temps de travail s’est encore accrue au moment de mon passage PU, avec certains moments de l’année où pour pouvoir conduire mon activité et honorer mes engagements professionnels, je dois sacrifier tous mes week-ends sur une longue période. […] Il me semble que cette intensification tient aussi à une division sexuée du travail présente dans nos composantes : nombre de mes collègues hommes ayant longtemps refusé de prendre des responsabilités, en tous les cas les responsabilités chronophages et peu qualifiantes dans les CV ». (MCF en communication).
    – « Les femmes sont plus touchées que les hommes car elles assument les responsabilités de care pour les étudiants mais aussi pour leurs proches descendants ou ascendants de manière très déséquilibrée par rapport aux hommes. La charge mentale des femmes EC est très lourde. Concilier maternité et ESR (et donc espérer voir évoluer sa carrière) est mission impossible sauf pour celles qui ont un conjoint ou un réseau personnel sur lesquels s’appuyer. L’explosion des publications émanant d’EC masculins pendant la pandémie en est un bon exemple ». (MCF en anglais).

    Ces débordements s’inscrivant dans un contexte de dégradation de la qualité du travail et des conditions de sa réalisation contribuent à nourrir un sentiment d’#insatisfaction. C’est aussi de la #désillusion et diverses #souffrances_morales mais aussi physiques qui découlent de cette combinaison mortifère entre surcharges, débordements et insatisfaction.

    - « Moi, j’ai beaucoup de désillusions sur mon métier. Beaucoup d’#amertume, en fait. […] Quand on est enseignant-chercheur, on démarre, on est à fond, on en veut, etc. On a plein d’envies, on a plein d’ambition, puis on arrive dans la réalité et on prend un gros coup dans la figure et ça t’arrête net. Parce qu’on te colle tout de suite une responsabilité. […] Et tout ça pour un salaire de m… ! […] Moi je trouve que former des gens comme on les forme pour faire ça, c’est du gâchis franchement. » (Vice-présidente d’une université en poste).

    Ce qui mine et fait mal, comme l’évoquent de nombreux EC quand ils décrivent l’évolution de leur métier, c’est en particulier l’impression de devoir travailler toujours plus avec toujours moins de moyens disponibles, et donc pour un résultat dégradé ; ils ont le sentiment d’un « #travail_empêché » (comme le nomme Yves Clot) parce qu’ils se sentent empêchés de faire un travail de qualité comme ils savent et voudraient le faire ; ils ont des doutes sur la réalité de ce qu’ils font par rapport à ce qu’ils attendent de leur travail et ce qu’ils pensent que doit être le #service_public.

    Beaucoup des EC interrogés durant l’enquête se demandent ce qu’est devenu leur travail, quel sens ils peuvent encore lui donner et quel avenir attend l’université (et plus largement l’ESR). Si la plupart acceptent que le cœur de leur métier dépasse largement les seules activités de base d’enseignement et de recherche, ils doutent de plus en plus de pouvoir faire ce métier, auquel ils sont attachés, dans les règles de l’art telles qu’ils les conçoivent, et en particulier avec l’attention requise et les résultats voulus.

    - « Je pense que le métier d’enseignant-chercheur au-delà des 35 heures, ce n’est pas trop quelque chose de nouveau. Un chercheur, je pense qu’il a toujours beaucoup travaillé le soir. Mais peut-être que maintenant, on n’arrive plus à trouver le temps de tout faire ce qu’on nous demande. Et peut-être que ça, c’est nouveau ». (PU en biologie en IUT).
    – « J’ai vraiment du mal à croire qu’on puisse faire les trois choses ensemble. C’est-à-dire à la fois avoir une activité de recherche de haut niveau, avoir un investissement dans l’enseignement qui permet, enfin selon le critère qui est le mien, de renouveler ses cours extrêmement régulièrement pour ne pas se répéter, et en plus avoir des fonctions administratives ». (MCF en histoire en université).

    Cela fait émerger des questions majeures : à quoi et à qui sert aujourd’hui le travail des EC ? Sont-ils en mesure de réaliser des enseignements et des recherches de qualité ? Que devient le service public de l’ESR ? Ces questionnements rejoignent les trois dimensions majeures du sens du travail énoncées : son utilité vis-à-vis de ses destinataires, le respect de leurs valeurs éthiques et professionnelles, et le développement de leurs capacités.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. » (MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).

    Les différentes évolutions que nous venons de décrire peuvent s’interpréter comme les signes d’un risque de #déprofessionnalisation, un processus à la fois lent et peu visible prenant la forme d’une remise en cause ce qui fonde leurs « gestes professionnels » et de leur #identité_professionnelle ». Ce dont on parle ici ne concerne pas seulement tel ou tel individu, mais le groupe professionnel des EC à travers trois aspects.

    Le premier élément est une déqualification liée au fait que les EC sont de plus en plus souvent chargés de tâches ne correspondant ni au contenu, ni au niveau de leurs savoirs et de leurs objectifs. La deuxième dimension concerne la perte d’#autonomie à rebours de la #liberté_académique et de l’autonomie affirmées dans les textes. Le troisième aspect est le sentiment massivement exprimé durant l’enquête de l’#inutilité d’une part croissante du travail réalisé par rapport à ce que les EC voudraient apporter à leurs étudiants, et plus largement à la société qui finance leurs salaires, ce qui touche au cœur de l’identité fondant leur profession.

    La managérialisation de l’ESR alimente ce risque de déprofessionnalisation en enrôlant les EC dans les évolutions de leur travail et de leurs conditions de travail qui leur déplaisent, en les conduisant à faire - et pour ceux qui ont des responsabilités à faire faire à leurs collègues - ce qui les fait souffrir et que, pour partie, ils désapprouvent. C’est sans doute une des réussites du NMP que d’obtenir cette mobilisation subjective, comme la nomme la sociologue Danièle Linhart.

    La question de la déprofessionnalisation des EC mérite sans aucun doute d’être approfondie en termes de causes, de manifestations et d’effets. En l’état actuel de l’analyse, c’est une hypothèse à creuser dans le cadre d’un questionnement sur les impacts - et l’efficience - des modes de gestion impulsés par le nouveau management public et la bureaucratisation néolibérale.

    Si cette enquête ne suffit évidemment pas à établir un diagnostic global sur la santé des EC, elle permet néanmoins de mettre à jour des réalités peu connues et alarmantes. Ainsi, le terme épuisement est souvent revenu : il est employé spontanément par 45 répondants au questionnaire (dont 31 femmes). Il est évoqué 10 fois en réponse à la question : « Rencontrez-vous ou avez-vous rencontré des difficultés pour concilier vos différents activités professionnelles (enseignement, recherche, tâches administratives) ? Si oui, lesquelles ? ». Le stress, lui, est explicitement abordé dans 35 réponses (29 femmes) sans compter celles qui parlent du stress des étudiants et des Biatss. 17 répondants (dont 13 femmes) parlent de burn-out. Dans 7 de ces 17 cas, les répondants témoignent de burn-out subi par eux-mêmes ou par un membre de leur équipe au cours des dernières années. Les autres évoquent le risque ou la peur d’en arriver là. Les deux verbatims suivants illustrent l’importance de cette question.

    – « Il y a 20 ans, les réunions pouvaient durer 1 heure, 1 heure et demie. Aujourd’hui, il n’y a pas une réunion du CHSCT qui dure moins de 3 ou 4 heures. Parce qu’il y a un nombre incroyable de remontées au niveau des enseignants-chercheurs. […] Dans notre département, il y a eu pas moins de trois burn-out cette année, avec des arrêts maladie, des demandes de collègues de se mettre à mi-temps. » (PU, élu CGT).
    – « Je pense qu’il faut faire très, très attention. On est sur un fil raide. Ça peut basculer d’un côté comme de l’autre. Et je pense qu’on doit arrêter un peu le rythme, les gens sont fatigués, épuisés, donc il faut qu’on trouve un moyen de minimiser un peu les appels à projets. C’est sur ça qu’on se bat. Les garder, mais en faire moins. […] Bien sûr qu’on manque de moyens et bien sûr qu’il faut qu’on fasse comprendre à notre fichu pays que l’enseignement supérieur et la recherche, c’est un investissement. Je crois à ça profondément. » (Présidente d’une université en poste au moment de l’entretien).

    Pour conclure

    La profession des EC ressent assez largement un #malaise mettant en cause leur activité, voire leur carrière. Face à cela, la plupart des réponses sont aujourd’hui individuelles, elles passent pour certains par différentes formes de #surengagement (débouchant parfois sur du #stress, des #dépressions ou du #burn-out), pour d’autres (et parfois les mêmes à d’autres moments de leur carrière) à des variantes de désengagement (vis-à-vis de certaines tâches) pouvant aller jusqu’à diverses voies d’Exit (mises en disponibilité, départs en retraite avant l’âge limite, démissions très difficiles à quantifier). Les solutions collectives ont été assez décrédibilisées, notamment après l’échec du mouvement anti-LRU. De nouvelles pistes restent à imaginer et à construire pour ne pas continuer à subir les méfaits de la néo-libéralisation de l’ESR et trouver des alternatives aux dégradations en cours.

    [1] La situation des MCF-PH et des PU-PH à la fois EC à l’université et praticiens en milieu hospitalier étant très particulière.

    [2] Les verbatims présentés dans cette communication sont extraits des réponses au questionnaire ou des entretiens.

    [3] Bezès P. (2012). « État, experts et savoirs néo-managériaux, les producteurs et diffuseur du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en Sciences Sociales, n° 3, p. 18.

    [4] La massification de l’accès au bac s’est traduite par une très forte hausse du nombre d’élèves et étudiants inscrits dans l’ESR. Sur les 4 dernière décennies, ce nombre a plus que doublé en passant d’un peu moins de 1,2 million (à la rentrée 1980) à près de 2,8 millions (à la rentrée 2020). Le nombre d’EC n’a pas suivi !

    [5] Les diplômes universitaires doivent désormais figurer dans le Répertoire national des certifications professionnelles (le RNCP) conçu dans la logique des compétences.

    [6] Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé de l’enseignement supérieur.

    [7] En dépit des principes d’égalité professionnelle, les femmes sont infériorisées dans l’ESR. Parmi les MCF, seul le domaine droit, science politique, économie et gestion (DSPEG) est à parité avec 51% de femmes et 49% d’hommes. Les femmes sont sur-représentées (58%) en Lettres, Langues et Sciences humaines (LLSH) et sous-représentées (34%) en Sciences et Techniques (ST). Du côté des PU, les femmes sont 29% (contre 45% parmi les MCF) même si ce pourcentage a augmenté ces dernières années. Les femmes sont minoritaires parmi les PU dans les trois domaines, y compris là où elles sont majoritaires parmi les MCF : elles sont 36% en DSPEG, 45% en LLSH et 21% en ST. Et les écarts de statut ne sont pas les seules inégalités de genre entre EC.

    https://blogs.alternatives-economiques.fr/les-economistes-atterres/2025/06/17/crise-de-l-esr-contribution-2-la-profession-d-enseign
    #ESR #enseignement #recherche #new_public_management

  • Israël attaque l’Iran, une escalade à laquelle s’associe Macron
    https://ricochets.cc/Israel-attaque-l-Iran-une-escalade-a-laquelle-s-associe-Macron-8477.html

    Si le régime iranien n’est pas plus sympathique que le régime israélien, c’est bien Israël qui a attaqué l’Iran de manière préméditée. Il est toujours possible pour les tyrans de trouver de bons prétextes pour faire la guerre, quitte à en fabriquer/inventer s’il le faut, tant les Etats sont tous scélérats. A l’inverse, il reste possible d’éviter la guerre si l’intérêt commun est recherché. Comme dans toutes les #Guerres, les peuples trinquent pour les intérêts géostratégiques et de (...) #Les_Articles

    / Autoritarisme, régime policier, démocrature..., Guerres

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...

  • THE TYRANNY of STRUCTURELESSNESS

    The earliest version of this article was given as a talk at a conference called by the Southern Female Rights Union, held in Beulah, Mississippi in May 1970. It was written up for Notes from the Third Year (1971), but the editors did not use it. It was then submitted to several movement publications, but only one asked permission to publish it; others did so without permission. The first official place of publication was in Vol. 2, No. 1 of The Second Wave (1972). This early version in movement publications was authored by Joreen. Different versions were published in the Berkeley Journal of Sociology, Vol. 17, 1972-73, pp. 151-165, and Ms. magazine, July 1973, pp. 76-78, 86-89, authored by Jo Freeman. This piece spread all over the world. Numerous people have edited, reprinted, cut, and translated “Tyranny” for magazines, books and web sites, usually without the permission or knowledge of the author. The version below is a blend of the three cited here.

    During the years in which the women’s liberation movement has been taking shape, a great emphasis has been placed on what are called leaderless, structureless groups as the main — if not sole — organizational form of the movement. The source of this idea was a natural reaction against the over-structured society in which most of us found ourselves, and the inevitable control this gave others over our lives, and the continual elitism of the Left and similar groups among those who were supposedly fighting this overstructuredness.
    The idea of “structurelessness,” however, has moved from a healthy counter to those tendencies to becoming a goddess in its own right. The idea is as little examined as the term is much used, but it has become an intrinsic and unquestioned part of women’s liberation ideology. For the early development of the movement this did not much matter. It early defined its main goal, and its main method, as consciousness-raising, and the “structureless” rap group was an excellent means to this end. The looseness and informality of it encouraged participation in discussion, and its often supportive atmosphere elicited personal insight. If nothing more concrete than personal insight ever resulted from these groups, that did not much matter, because their purpose did not really extend beyond this.

    The basic problems didn’t appear until individual rap groups exhausted the virtues of consciousness-raising and decided they wanted to do something more specific. At this point they usually foundered because most groups were unwilling to change their structure when they changed their tasks. Women had thoroughly accepted the idea of “structurelessness” without realizing the limitations of its uses. People would try to use the “structureless” group and the informal conference for purposes for which they were unsuitable out of a blind belief that no other means could possibly be anything but oppressive.
    If the movement is to grow beyond these elementary stages of development, it will have to disabuse itself of some of its prejudices about organization and structure. There is nothing inherently bad about either of these. They can be and often are misused, but to reject them out of hand because they are misused is to deny ourselves the necessary tools to further development. We need to understand why “structurelessness” does not work.

    FORMAL AND INFORMAL STRUCTURES

    Contrary to what we would like to believe, there is no such thing as a structureless group. Any group of people of whatever nature that comes together for any length of time for any purpose will inevitably structure itself in some fashion. The structure may be flexible; it may vary over time; it may evenly or unevenly distribute tasks, power and resources over the members of the group. But it will be formed regardless of the abilities, personalities, or intentions of the people involved. The very fact that we are individuals, with different talents, predispositions, and backgrounds makes this inevitable. Only if we refused to relate or interact on any basis whatsoever could we approximate structurelessness — and that is not the nature of a human group.
    This means that to strive for a structureless group is as useful, and as deceptive, as to aim at an “objective” news story, “value-free” social science, or a “free” economy. A “laissez faire” group is about as realistic as a “laissez faire” society; the idea becomes a smokescreen for the strong or the lucky to establish unquestioned hegemony over others. This hegemony can be so easily established because the idea of “structurelessness” does not prevent the formation of informal structures, only formal ones. Similarly “laissez faire” philosophy did not prevent the economically powerful from establishing control over wages, prices, and distribution of goods; it only prevented the government from doing so. Thus structurelessness becomes a way of masking power, and within the women’s movement is usually most strongly advocated by those who are the most powerful (whether they are conscious of their power or not). As long as the structure of the group is informal, the rules of how decisions are made are known only to a few and awareness of power is limited to those who know the rules. Those who do not know the rules and are not chosen for initiation must remain in confusion, or suffer from paranoid delusions that something is happening of which they are not quite aware.

    For everyone to have the opportunity to be involved in a given group and to participate in its activities the structure must be explicit, not implicit. The rules of decision-making must be open and available to everyone, and this can happen only if they are formalized. This is not to say that formalization of a structure of a group will destroy the informal structure. It usually doesn’t. But it does hinder the informal structure from having predominant control and make available some means of attacking it if the people involved are not at least responsible to the needs of the group at large. “Structurelessness” is organizationally impossible. We cannot decide whether to have a structured or structureless group, only whether or not to have a formally structured one. Therefore the word will not be used any longer except to refer to the idea it represents. Unstructured will refer to those groups which have not been deliberately structured in a particular manner. Structured will refer to those which have. A Structured group always has formal structure, and may also have an informal, or covert, structure. It is this informal structure, particularly in Unstructured groups, which forms the basis for elites.

    THE NATURE OF ELITISM

    “Elitist” is probably the most abused word in the women’s liberation movement. It is used as frequently, and for the same reasons, as “pinko” was used in the fifties. It is rarely used correctly. Within the movement it commonly refers to individuals, though the personal characteristics and activities of those to whom it is directed may differ widely: An individual, as an individual can never be an elitist, because the only proper application of the term “elite” is to groups. Any individual, regardless of how well-known that person may be, can never be an elite.
    Correctly, an elite refers to a small group of people who have power over a larger group of which they are part, usually without direct responsibility to that larger group, and often without their knowledge or consent. A person becomes an elitist by being part of, or advocating the rule by, such a small group, whether or not that individual is well known or not known at all. Notoriety is not a definition of an elitist. The most insidious elites are usually run by people not known to the larger public at all. Intelligent elitists are usually smart enough not to allow themselves to become well known; when they become known, they are watched, and the mask over their power is no longer firmly lodged.
    Elites are not conspiracies. Very seldom does a small group of people get together and deliberately try to take over a larger group for its own ends. Elites are nothing more, and nothing less, than groups of friends who also happen to participate in the same political activities. They would probably maintain their friendship whether or not they were involved in political activities; they would probably be involved in political activities whether or not they maintained their friendships. It is the coincidence of these two phenomena which creates elites in any group and makes them so difficult to break.
    These friendship groups function as networks of communication outside any regular channels for such communication that may have been set up by a group. If no channels are set up, they function as the only networks of communication. Because people are friends, because they usually share the same values and orientations, because they talk to each other socially and consult with each other when common decisions have to be made, the people involved in these networks have more power in the group than those who don’t. And it is a rare group that does not establish some informal networks of communication through the friends that are made in it.
    Some groups, depending on their size, may have more than one such informal communications network. Networks may even overlap. When only one such network exists, it is the elite of an otherwise Unstructured group, whether the participants in it want to be elitists or not. If it is the only such network in a Structured group it may or may not be an elite depending on its composition and the nature of the formal Structure. If there are two or more such networks of friends, they may compete for power within the group, thus forming factions, or one may deliberately opt out of the competition, leaving the other as the elite. In a Structured group, two or more such friendship networks usually compete with each other for formal power. This is often the healthiest situation, as the other members are in a position to arbitrate between the two competitors for power and thus to make demands on those to whom they give their temporary allegiance.
    The inevitably elitist and exclusive nature of informal communication networks of friends is neither a new phenomenon characteristic of the women’s movement nor a phenomenon new to women. Such informal relationships have excluded women for centuries from participating in integrated groups of which they were a part. In any profession or organization these networks have created the “locker room” mentality and the “old school” ties which have effectively prevented women as a group (as well as some men individually) from having equal access to the sources of power or social reward. Much of the energy of past women’s movements has been directed to having the structures of decision-making and the selection processes formalized so that the exclusion of women could be confronted directly. As we well know, these efforts have not prevented the informal male-only networks from discriminating against women, but they have made it more difficult.
    Because elites are informal does not mean they are invisible. At any small group meeting anyone with a sharp eye and an acute ear can tell who is influencing whom. The members of a friendship group will relate more to each other than to other people. They listen more attentively, and interrupt less; they repeat each other’s points and give in amiably; they tend to ignore or grapple with the “outs” whose approval is not necessary for making a decision. But it is necessary for the “outs” to stay on good terms with the “ins.” Of course the lines are not as sharp as I have drawn them. They are nuances of interaction, not prewritten scripts. But they are discernible, and they do have their effect. Once one knows with whom it is important to check before a decision is made, and whose approval is the stamp of acceptance, one knows who is running things.
    Since movement groups have made no concrete decisions about who shall exercise power within them, many different criteria are used around the country. Most criteria are along the lines of traditional female characteristics. For instance, in the early days of the movement, marriage was usually a prerequisite for participation in the informal elite. As women have been traditionally taught, married women relate primarily to each other, and look upon single women as too threatening to have as close friends. In many cities, this criterion was further refined to include only those women married to New Left men. This standard had more than tradition behind it, however, because New Left men often had access to resources needed by the movement — such as mailing lists, printing presses, contacts, and information — and women were used to getting what they needed through men rather than independently. As the movement has charged through time, marriage has become a less universal criterion for effective participation, but all informal elites establish standards by which only women who possess certain material or personal characteristics may join. They frequently include: middle-class background (despite all the rhetoric about relating to the working class); being married; not being married but living with someone; being or pretending to be a lesbian; being between the ages of twenty and thirty; being college educated or at least having some college background; being “hip”; not being too “hip”; holding a certain political line or identification as a “radical”; having children or at least liking them; not having children; having certain “feminine” personality characteristics such as being “nice”; dressing right (whether in the traditional style or the antitraditional style); etc. There are also some characteristics which will almost always tag one as a “deviant” who should not be related to. They include: being too old; working full time, particularly if one is actively committed to a “career”; not being “nice”; and being avowedly single (i.e., neither actively heterosexual nor homosexual).
    Other criteria could be included, but they all have common themes. The characteristics prerequisite for participating in the informal elites of the movement, and thus for exercising power, concern one’s background, personality, or allocation of time. They do not include one’s competence, dedication to feminism, talents, or potential contribution to the movement. The former are the criteria one usually uses in determining one’s friends. The latter are what any movement or organization has to use if it is going to be politically effective.
    The criteria of participation may differ from group to group, but the means of becoming a member of the informal elite if one meets those criteria art pretty much the same. The only main difference depends on whether one is in a group from the beginning, or joins it after it has begun. If involved from the beginning it is important to have as many of one’s personal friends as possible also join. If no one knows anyone else very well, then one must deliberately form friendships with a select number and establish the informal interaction patterns crucial to the creation of an informal structure. Once the informal patterns are formed they act to maintain themselves, and one of the most successful tactics of maintenance is to continuously recruit new people who “fit in.” One joins such an elite much the same way one pledges a sorority. If perceived as a potential addition, one is “rushed” by the members of the informal structure and eventually either dropped or initiated. If the sorority is not politically aware enough to actively engage in this process itself it can be started by the outsider pretty much the same way one joins any private club. Find a sponsor, i.e., pick some member of the elite who appears to be well respected within it, and actively cultivate that person’s friendship. Eventually, she will most likely bring you into the inner circle.

    All of these procedures take time. So if one works full time or has a similar major commitment, it is usually impossible to join simply because there are not enough hours left to go to all the meetings and cultivate the personal relationship necessary to have a voice in the decision-making. That is why formal structures of decision making are a boon to the overworked person. Having an established process for decision-making ensures that everyone can participate in it to some extent.
    Although this dissection of the process of elite formation within small groups has been critical in perspective, it is not made in the belief that these informal structures are inevitably bad — merely inevitable. All groups create informal structures as a result of interaction patterns among the members of the group. Such informal structures can do very useful things But only Unstructured groups are totally governed by them. When informal elites are combined with a myth of “structurelessness,” there can be no attempt to put limits on the use of power. It becomes capricious.
    This has two potentially negative consequences of which we should be aware. The first is that the informal structure of decision-making will be much like a sorority — one in which people listen to others because they like them and not because they say significant things. As long as the movement does not do significant things this does not much matter. But if its development is not to be arrested at this preliminary stage, it will have to alter this trend. The second is that informal structures have no obligation to be responsible to the group at large. Their power was not given to them; it cannot be taken away. Their influence is not based on what they do for the group; therefore they cannot be directly influenced by the group. This does not necessarily make informal structures irresponsible. Those who are concerned with maintaining their influence will usually try to be responsible. The group simply cannot compel such responsibility; it is dependent on the interests of the elite.

    THE “STAR” SYSTEM

    The idea of “structurelessness” has created the “star” system. We live in a society which expects political groups to make decisions and to select people to articulate those decisions to the public at large. The press and the public do not know how to listen seriously to individual women as women; they want to know how the group feels. Only three techniques have ever been developed for establishing mass group opinion: the vote or referendum, the public opinion survey questionnaire, and the selection of group spokespeople at an appropriate meeting. The women’s liberation movement has used none of these to communicate with the public. Neither the movement as a whole nor most of the multitudinous groups within it have established a means of explaining their position on various issues. But the public is conditioned to look for spokespeople.
    While it has consciously not chosen spokespeople, the movement has thrown up many women who have caught the public eye for varying reasons. These women represent no particular group or established opinion; they know this and usually say so. But because there are no official spokespeople nor any decision-making body that the press can query when it wants to know the movement’s position on a subject, these women are perceived as the spokespeople. Thus, whether they want to or not, whether the movement likes it or not, women of public note are put in the role of spokespeople by default.
    This is one main source of the ire that is often felt toward the women who are labeled “stars.” Because they were not selected by the women in the movement to represent the movement’s views, they are resented when the press presumes that they speak for the movement. But as long as the movement does not select its own spokeswomen, such women will be placed in that role by the press and the public, regardless of their own desires.
    This has several negative consequences for both the movement and the women labeled “stars.” First, because the movement didn’t put them in the role of spokesperson, the movement cannot remove them. The press put them there and only the press can choose not to listen. The press will continue to look to “stars” as spokeswomen as long as it has no official alternatives to go to for authoritative statements from the movement. The movement has no control in the selection of its representatives to the public as long as it believes that it should have no representatives at all. Second, women put in this position often find themselves viciously attacked by their sisters. This achieves nothing for the movement and is painfully destructive to the individuals involved. Such attacks only result in either the woman leaving the movement entirely-often bitterly alienated — or in her ceasing to feel responsible to her “sisters.” She may maintain some loyalty to the movement, vaguely defined, but she is no longer susceptible to pressures from other women in it. One cannot feel responsible to people who have been the source of such pain without being a masochist, and these women are usually too strong to bow to that kind of personal pressure. Thus the backlash to the “star” system in effect encourages the very kind of individualistic nonresponsibility that the movement condemns. By purging a sister as a “star,” the movement loses whatever control it may have had over the person who then becomes free to commit all of the individualistic sins of which she has been accused.

    POLITICAL IMPOTENCE

    Unstructured groups may be very effective in getting women to talk about their lives; they aren’t very good for getting things done. It is when people get tired of “just talking” and want to do something more that the groups flounder, unless they change the nature of their operation. Occasionally, the developed informal structure of the group coincides with an available need that the group can fill in such a way as to give the appearance that an Unstructured group “works.” That is, the group has fortuitously developed precisely the kind of structure best suited for engaging in a particular project.
    While working in this kind of group is a very heady experience, it is also rare and very hard to replicate. There are almost inevitably four conditions found in such a group;

    1) It is task oriented. Its function is very narrow and very specific, like putting on a conference or putting out a newspaper. It is the task that basically structures the group. The task determines what needs to be done and when it needs to be done. It provides a guide by which people can judge their actions and make plans for future activity.
    2) It is relatively small and homogeneous. Homogeneity is necessary to insure that participants have a “common language” for interaction. People from widely different backgrounds may provide richness to a consciousness-raising group where each can learn from the others’ experience, but too great a diversity among members of a task-oriented group means only that they continually misunderstand each other. Such diverse people interpret words and actions differently. They have different expectations about each other’s behavior and judge the results according to different criteria. If everyone knows everyone else well enough to understand the nuances, these can be accommodated. Usually, they only lead to confusion and endless hours spent straightening out conflicts no one ever thought would arise.
    3) There is a high degree of communication. Information must be passed on to everyone, opinions checked, work divided up, and participation assured in the relevant decisions. This is only possible if the group is small and people practically live together for the most crucial phases of the task. Needless to say, the number of interactions necessary to involve everybody increases geometrically with the number of participants. This inevitably limits group participants to about five, or excludes some from some of the decisions. Successful groups can be as large as 10 or 15, but only when they are in fact composed of several smaller subgroups which perform specific parts of the task, and whose members overlap with each other so that knowledge of what the different subgroups are doing can be passed around easily.
    4) There is a low degree of skill specialization. Not everyone has to be able to do everything, but everything must be able to be done by more than one person. Thus no one is indispensable. To a certain extent, people become interchangeable parts.

    While these conditions can occur serendipitously in small groups, this is not possible in large ones. Consequently, because the larger movement in most cities is as unstructured as individual rap groups, it is not too much more effective than the separate groups at specific tasks. The informal structure is rarely together enough or in touch enough with the people to be able to operate effectively. So the movement generates much motion and few results. Unfortunately, the consequences of all this motion are not as innocuous as the results’ and their victim is the movement itself.
    Some groups have formed themselves into local action projects if they do not involve many people and work on a small scale. But this form restricts movement activity to the local level; it cannot be done on the regional or national. Also, to function well the groups must usually pare themselves down to that informal group of friends who were running things in the first place. This excludes many women from participating. As long as the only way women can participate in the movement is through membership in a small group, the nongregarious are at a distinct disadvantage. As long as friendship groups are the main means of organizational activity, elitism becomes institutionalized.
    For those groups which cannot find a local project to which to devote themselves, the mere act of staying together becomes the reason for their staying together. When a group has no specific task (and consciousness raising is a task), the people in it turn their energies to controlling others in the group. This is not done so much out of a malicious desire to manipulate others (though sometimes it is) as out of a lack of anything better to do with their talents. Able people with time on their hands and a need to justify their coming together put their efforts into personal control, and spend their time criticizing the personalities of the other members in the group. Infighting and personal power games rule the day. When a group is involved in a task, people learn to get along with others as they are and to subsume personal dislikes for the sake of the larger goal. There are limits placed on the compulsion to remold every person in our image of what they should be.

    The end of consciousness-raising leaves people with no place to go, and the lack of structure leaves them with no way of getting there. The women the movement either turn in on themselves and their sisters or seek other alternatives of action. There are few that are available. Some women just “do their own thing.” This can lead to a great deal of individual creativity, much of which is useful for the movement, but it is not a viable alternative for most women and certainly does not foster a spirit of cooperative group effort. Other women drift out of the movement entirely because they don’t want to develop an individual project and they have found no way of discovering, joining, or starting group projects that interest them.
    Many turn to other political organizations to give them the kind of structured, effective activity that they have not been able to find in the women’s movement. Those political organizations which see women’s liberation as only one of many issues to which women should devote their time thus find the movement a vast recruiting ground for new members. There is no need for such organizations to “infiltrate” (though this is not precluded). The desire for meaningful political activity generated in women by their becoming part of the women’s liberation movement is sufficient to make them eager to join other organizations when the movement itself provides no outlets for their new ideas and energies. Those women who join other political organizations while remaining within the women’s liberation movement, or who join women’s liberation while remaining in other political organizations, in turn become the framework for new informal structures. These friendship networks are based upon their common nonfeminist politics rather than the characteristics discussed earlier, but operate in much the same way. Because these women share common values, ideas, and political orientations, they too become informal, unplanned, unselected, unresponsible elites — whether they intend to be so or not.
    These new informal elites are often perceived as threats by the old informal elites previously developed within different movement groups. This is a correct perception. Such politically oriented networks are rarely willing to be merely “sororities” as many of the old ones were, and want to proselytize their political as well as their feminist ideas. This is only natural, but its implications for women’s liberation have never been adequately discussed. The old elites are rarely willing to bring such differences of opinion out into the open because it would involve exposing the nature of the informal structure of the group.
    Many of these informal elites have been hiding under the banner of “anti-elitism” and “structurelessness.” To effectively counter the competition from another informal structure, they would have to become “public,” and this possibility is fraught with many dangerous implications. Thus, to maintain its own power, it is easier to rationalize the exclusion of the members of the other informal structure by such means as “red-baiting,” "reformist-baiting," “lesbian-baiting,” or “straight-baiting.” The only other alternative is to formally structure the group in such a way that the original power structure is institutionalized. This is not always possible. If the informal elites have been well structured and have exercised a fair amount of power in the past, such a task is feasible. These groups have a history of being somewhat politically effective in the past, as the tightness of the informal structure has proven an adequate substitute for a formal structure. Becoming Structured does not alter their operation much, though the institutionalization of the power structure does open it to formal challenge. It is those groups which are in greatest need of structure that are often least capable of creating it. Their informal structures have not been too well formed and adherence to the ideology of “structurelessness” makes them reluctant to change tactics. The more Unstructured a group is, the more lacking it is in informal structures, and the more it adheres to an ideology of “structurelessness,” the more vulnerable it is to being taken over by a group of political comrades.
    Since the movement at large is just as Unstructured as most of its constituent groups, it is similarly susceptible to indirect influence. But the phenomenon manifests itself differently. On a local level most groups can operate autonomously; but the only groups that can organize a national activity are nationally organized groups. Thus, it is often the Structured feminist organizations that provide national direction for feminist activities, and this direction is determined by the priorities of those organizations. Such groups as NOW, WEAL, and some leftist women’s caucuses are simply the only organizations capable of mounting a national campaign. The multitude of Unstructured women’s liberation groups can choose to support or not support the national campaigns, but are incapable of mounting their own. Thus their members become the troops under the leadership of the Structured organizations. The avowedly Unstructured groups have no way of drawing upon the movement’s vast resources to support its priorities. It doesn’t even have a way of deciding what they are.
    The more unstructured a movement it, the less control it has over the directions in which it develops and the political actions in which it engages. This does not mean that its ideas do not spread. Given a certain amount of interest by the media and the appropriateness of social conditions, the ideas will still be diffused widely. But diffusion of ideas does not mean they are implemented; it only means they are talked about. Insofar as they can be applied individually they may be acted on; insofar as they require coordinated political power to be implemented, they will not be.
    As long as the women’s liberation movement stays dedicated to a form of organization which stresses small, inactive discussion groups among friends, the worst problems of Unstructuredness will not be felt. But this style of organization has its limits; it is politically inefficacious, exclusive, and discriminatory against those women who are not or cannot be tied into the friendship networks. Those who do not fit into what already exists because of class, race, occupation, education, parental or marital status, personality, etc., will inevitably be discouraged from trying to participate. Those who do fit in will develop vested interests in maintaining things as they are.
    The informal groups’ vested interests will be sustained by the informal structures which exist, and the movement will have no way of determining who shall exercise power within it. If the movement continues deliberately to not select who shall exercise power, it does not thereby abolish power. All it does is abdicate the right to demand that those who do exercise power and influence be responsible for it. If the movement continues to keep power as diffuse as possible because it knows it cannot demand responsibility from those who have it, it does prevent any group or person from totally dominating. But it simultaneously insures that the movement is as ineffective as possible. Some middle ground between domination and ineffectiveness can and must be found.
    These problems are coming to a head at this time because the nature of the movement is necessarily changing. Consciousness-raising as the main function of the women’s liberation movement is becoming obsolete. Due to the intense press publicity of the last two years and the numerous overground books and articles now being circulated, women’s liberation has become a household word. Its issues are discussed and informal rap groups are formed by people who have no explicit connection with any movement group. The movement must go on to other tasks. It now needs to establish its priorities, articulate its goals, and pursue its objectives in a coordinated fashion. To do this it must get organized — locally, regionally, and nationally.

    PRINCIPLES OF DEMOCRATIC STRUCTURING

    Once the movement no longer clings tenaciously to the ideology of “structurelessness,” it is free to develop those forms of organization best suited to its healthy functioning. This does not mean that we should go to the other extreme and blindly imitate the traditional forms of organization. But neither should we blindly reject them all. Some of the traditional techniques will prove useful, albeit not perfect; some will give us insights into what we should and should not do to obtain certain ends with minimal costs to the individuals in the movement. Mostly, we will have to experiment with different kinds of structuring and develop a variety of techniques to use for different situations. The Lot System is one such idea which has emerged from the movement. It is not applicable to all situations, but is useful in some. Other ideas for structuring are needed. But before we can proceed to experiment intelligently, we must accept the idea that there is nothing inherently bad about structure itself — only its excess use.

    While engaging in this trial-and-error process, there are some principles we can keep in mind that are essential to democratic structuring and are also politically effective:

    1) Delegation of specific authority to specific individuals for specific tasks by democratic procedures. Letting people assume jobs or tasks only by default means they are not dependably done. If people are selected to do a task, preferably after expressing an interest or willingness to do it, they have made a commitment which cannot so easily be ignored.
    2) Requiring all those to whom authority has been delegated to be responsible to those who selected them. This is how the group has control over people in positions of authority. Individuals may exercise power, but it is the group that has ultimate say over how the power is exercised.
    3) Distribution of authority among as many people as is reasonably possible. This prevents monopoly of power and requires those in positions of authority to consult with many others in the process of exercising it. It also gives many people the opportunity to have responsibility for specific tasks and thereby to learn different skills.
    4) Rotation of tasks among individuals. Responsibilities which are held too long by one person, formally or informally, come to be seen as that person’s “property” and are not easily relinquished or controlled by the group. Conversely, if tasks are rotated too frequently the individual does not have time to learn her job well and acquire the sense of satisfaction of doing a good job.
    5) Allocation of tasks along rational criteria. Selecting someone for a position because they are liked by the group or giving them hard work because they are disliked serves neither the group nor the person in the long run. Ability, interest, and responsibility have got to be the major concerns in such selection. People should be given an opportunity to learn skills they do not have, but this is best done through some sort of “apprenticeship” program rather than the “sink or swim” method. Having a responsibility one can’t handle well is demoralizing. Conversely, being blacklisted from doing what one can do well does not encourage one to develop one’s skills. Women have been punished for being competent throughout most of human history; the movement does not need to repeat this process.
    6) Diffusion of information to everyone as frequently as possible. Information is power. Access to information enhances one’s power. When an informal network spreads new ideas and information among themselves outside the group, they are already engaged in the process of forming an opinion — without the group participating. The more one knows about how things work and what is happening, the more politically effective one can be.
    7) Equal access to resources needed by the group. This is not always perfectly possible, but should be striven for. A member who maintains a monopoly over a needed resource (like a printing press owned by a husband, or a darkroom) can unduly influence the use of that resource. Skills and information are also resources. Members’ skills can be equitably available only when members are willing to teach what they know to others.

    When these principles are applied, they insure that whatever structures are developed by different movement groups will be controlled by and responsible to the group. The group of people in positions of authority will be diffuse, flexible, open, and temporary. They will not be in such an easy position to institutionalize their power because ultimate decisions will be made by the group at large. The group will have the power to determine who shall exercise authority within it.

    https://www.jofreeman.com/joreen/tyranny.htm

    traduction en français :
    https://organisez-vous.org/tyrannie-horizontalite-jo-freeman

    #horizontalité #tyrannie #pouvoir #hiérarchie #structure #Jo_Freeman #Joreen #leaders #élitisme #féminisme #militantisme #actions #limites #oppression #organisation #groupe #laisser-faire #écran_de_fumée #hégémonie #structures_formelles #structures_informelles #explicitation #règles #prises_de_décision #pinko #élite #star_system #autorité #rotation_des_tâches #rotation

  • Perm #méca_vélo #Queer
    https://nantes.indymedia.org/events/147658/perm-meca-velo-queer

    le dimanche 22 juin, on refait une permanence d’autoréparation vélo de selle’N’guid(i)on, en mixité choisie queer et/ou en questionnement l’idée c’est d’apprendre à réparer son vélo soi-même (tu peux aussi venir sans vélo et apprendre sur le vélo de qqun-e d’autre) en prenant son temps, sans pression : on peut…

    #Autonomie #Vélocampus_Nantes

  • Faux indépendants : #Deliveroo fait face à une pluie de #condamnations

    Plusieurs dizaines de décisions rendues récemment par la cour d’appel et les prud’hommes confirment que la plateforme de livraison aurait dû faire travailler les #livreurs en tant que #salariés, et non comme #autoentrepreneurs. L’entreprise assure que son modèle actuel est désormais légal.

    Année après année, et quel que soit le type de juridiction, la justice française dresse le même constat : la plateforme de livraison de repas Deliveroo aurait dû traiter comme des salarié·es les livreurs et livreuses qui, pendant des années, ont apporté leurs repas et leurs courses aux consommateurs et consommatrices.

    En les obligeant à exercer en tant qu’autoentrepreneurs alors qu’elle les maintenait dans une situation de #subordination, l’entreprise leur a fait porter le coût des #cotisations_sociales qu’elle aurait dû verser à l’Urssaf et les a privé·es des avantages liés à un #contrat_de_travail : paiement des heures supplémentaires, congés payés, droit au chômage, meilleure couverture sociale.

    Le 28 mai, la cour d’appel de Paris a rendu vingt-deux décisions donnant tort à Deliveroo et requalifiant en contrats de #travail les contrats liant l’entreprise à autant de livreurs ou livreuses. En première instance, l’entreprise avait été victorieuse dans plusieurs de ces dossiers. Neuf autres décisions, qui iront sans doute dans le même sens, sont attendues pour le mois de juillet.

    Interrogée par Mediapart, la société Deliveroo n’a pas indiqué qu’elle se pourvoirait en cassation, ces condamnations sont donc définitives. Tout comme vingt-quatre jugements prud’homaux de première instance, rendus en janvier dernier : Deliveroo avait fait appel des décisions, mais a renoncé à rendre ses conclusions à temps, laissant la procédure s’éteindre d’elle-même. Dans l’un de ces derniers dossiers, un livreur avait été licencié pour avoir fait grève, un droit pourtant à valeur constitutionnelle.

    La situation est embarrassante pour l’entreprise, dont la revente à #DoorDash, géant américain de la #livraison de repas, est en passe d’être finalisée, pour 3,4 milliards d’euros. En parallèle, une autre chambre de la cour d’appel a donné raison à quatre livreurs ayant travaillé pour #Foodora, une autre entreprise de livraison qui a quitté la France en 2018 et qui sera jugée au pénal courant 2026.

    L’avocat Kevin Mention, à la manœuvre dans tous ces dossiers, savoure en revanche le moment. « Ces décisions nous permettent d’affirmer que 100 % de nos recours sont favorables aux #coursiers après correction des quelques jugements de première instance, rendus par des juges non professionnels », se réjouit celui qui est un opposant historique à l’ubérisation des livreurs et coursiers.

    Il y a trois ans, le 22 avril 2022, Deliveroo avait été condamnée au pénal à 375 000 euros d’#amende pour les même faits : « le détournement planifié et généralisé » du #statut_d’indépendant entre 2015 et 2017, à une époque où l’entreprise s’installait en France et faisait donc travailler peu de monde – un peu plus de 2 000 personnes, contre au moins 60 000 aujourd’hui.

    En septembre 2022, trois des anciens dirigeants de l’entreprise ont vu leur #condamnation à des amendes confirmées en deuxième instance, tandis que leurs peines de prison ont été annulées. Deliveroo avait, elle, renoncé à faire appel.

    Volonté d’échapper aux cotisations

    Les jugements d’appel rendus fin mai concernent cette fois des dossiers individuels. « La cour d’appel a fait un travail énorme, en citant explicitement dans chaque cas plusieurs pièces issues des dossiers, là où des affirmations plus générales auraient été suffisantes, souligne Kevin Mention. J’y vois une volonté de montrer qu’elle accorde une importance à ces dossiers et que tout a été analysé avec précision. »

    Au fil des décisions, les juges ont pointé un à un les nombreux critères montrant que les livreurs n’étaient pas de vrais #travailleurs_indépendants.

    « Le livreur ne fixe pas librement ses tarifs, ne se constitue aucune clientèle propre, n’organise pas son travail, est contrôlé et est sanctionné dans le choix de ses horaires. Il est en outre soumis à une régularité de travail, sans qu’aucun élément ne permette d’établir qu’il choisisse lui-même ses horaires de connexion », écrivent-ils par exemple.

    « Les éléments relevés dénotent la direction et le contrôle exercés sur les livreurs qui font de ces derniers des #salariés », soulignent-ils ailleurs. Et ils rappellent les conséquences financières de cette stratégie, maintenue année après année : « L’évolution des contrats de prestations au fil des années alors que le fonctionnement de la société est resté le même établit la volonté de la société Deliveroo d’échapper au paiement des cotisations pour les livreurs qui étaient sous la subordination juridique de l’entreprise. »

    L’entreprise est donc tenue de payer elle-même les dizaines de milliers d’euros de cotisations sociales qu’elle s’était épargné de régler jusque-là. Quant aux livreurs et livreuses, ils et elles obtiennent chacun·e des dizaines de milliers d’euros – avec un record à presque 130 000 euros – sous forme de rattrapage d’heures supplémentaires non payées, de congés payés, de préavis de licenciement et d’indemnités diverses.

    « C’est une forme de #reconnaissance. J’ai été victimisée pendant des années, et là, la justice reconnaît notre souffrance », souffle Marie*, une intermittente du spectacle qui, la soixantaine passée, a enfourché son vélo en région parisienne de 2017 à 2021 « pour gagner des clopinettes ». Pendant plusieurs mois, elle a travaillé plus de quatre-vingts heures par semaine, « juste pour gagner le Smic », pleinement consciente de vivre « un #cauchemar ». Un mot qui revient avec insistance dans son témoignage.

    « Vous devenez une #esclave pour 30 euros par jour, vous entrez dans un #engrenage où vous bossez tout le temps, la nuit, le week-end. Tout en sachant que la manière dont l’entreprise vous fait travailler est illégale, témoigne-t-elle. Ils voulaient que je sois autoentrepreneuse pour ne pas payer de charges, mais ils me maintenaient en même temps dans une forme de #dépendance vis-à-vis d’eux. Ils voulaient gagner sur tous les tableaux. »

    Marie avait été déboutée aux prud’hommes, mais a gagné en appel, « très contente qu’ils se fassent démolir par la justice ». Plus flegmatique, Marc* est dans la même situation. Lui travaillait à scooter dans le Sud-Ouest, entre 2017 et 2021. « Le soir où ils ont supprimé mon compte de livreur, soi-disant parce que j’avais fait des doubles courses pour Deliveroo et Uber en même temps, j’ai écrit à Me Mention, dont j’avais repéré les messages dans les groupes de messageries de livreurs, raconte-t-il. J’étais confiant, la condamnation de l’entreprise est amplement méritée. »

    L’administration a validé le modèle actuel de Deliveroo

    Si elle ne s’étend pas sur les décisions de justice, Deliveroo insiste sur le fait que « les livreurs concernés par cette décision opéraient, pour l’essentiel, via un contrat historique », ancien. Depuis, assure la société, « le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants ».

    Cette question est au cœur du débat. Pour la plateforme de livraison, les raisons pour lesquelles elle a été condamnée pour ses pratiques de 2016 et 2017 ont disparu, et il n’existe plus de lien de subordination, et donc de contrat de travail entre elle et les livreurs et livreuses. Depuis 2020, elle a notamment supprimé les plannings et les différentes catégories de livreurs et livreuses qui pouvaient s’y inscrire en priorité ou non.

    Les sanctions en cas de refus de course ou de retards ont aussi officiellement disparu, tout comme les instructions directes pendant une course. C’est d’ailleurs ce qu’attestent des constats d’huissiers, établis en 2023, qu’elle a présentés dans les dossiers jugés par la cour d’appel – ils n’ont pas été pris en compte puisqu’ils concernent une époque postérieure aux faits qui étaient jugés.

    Mais l’avocat Kevin Mention prend ces affirmations avec circonspection. « Les jugements que nous avons obtenus concernent des faits qui se sont déroulés bien après ceux qui ont été jugés au pénal, et qui concernaient les débuts de l’entreprise jusqu’en 2017, rappelle-t-il. Nous parlons de coursiers qui ont commencé à travailler en 2018 ou 2019, et ils disposent de nombreux éléments montrant qu’au fond, les pratiques de Deliveroo n’ont pas changé. Les contrôles sur la vitesse et le parcours perdurent, par exemple. »

    Sur ce point, Deliveroo est ferme et met en avant un soutien de poids : « L’administration a reconnu que le modèle actuel de Deliveroo proposait bien un véritable #travail_indépendant, ce dont nous nous réjouissons », déclare la plateforme. Selon nos informations, elle a en effet obtenu que l’#Urssaf donne officiellement son accord concernant son modèle actuel, comme elle l’a affirmé à plusieurs reprises lors de diverses audiences.

    Cette prise de position de l’Urssaf est un revirement spectaculaire. C’est en effet cette administration qui avait lancé la procédure ayant finalement abouti au procès pénal de 2022. Et comme Mediapart l’avait raconté, elle avait aussi adressé au parquet de Paris un signalement pour la période postérieure. Elle avait aussi envoyé à l’entreprise une très lourde demande de redressement d’au moins 100 millions d’euros, visant à lui faire payer les cotisations sociales pour les dizaines de milliers de livreurs et livreuses dont elle estimait à l’époque qu’ils et elles auraient dû être salarié·es.

    Une menace existentielle pour Deliveroo, qui avait entamé avec l’Urssaf des négociations sous haute tension, embauchant comme avocat le maire de Meaux et ancien ministre Jean-François Copé et nommant une administratrice judiciaire pour mener les discussions en toute confidentialité.

    L’entreprise a désormais clos ce chapitre et envisage l’avenir de manière bien plus sereine. Elle se prépare tout de même à affronter d’autres épisodes judiciaires : d’ici l’automne prochain, une centaine de décisions concernant des livreurs et livreuses auront été rendues par les prud’hommes et la cour d’appel. Et surtout, Kevin Mention prépare le dépôt d’une #plainte pénale sur les pratiques de Deliveroo pour la période post-2017. Il annonce avoir réuni plus de cent ex-forçats des livraisons, prêts à unir leurs forces contre la plateforme.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/090625/faux-independants-deliveroo-fait-face-une-pluie-de-condamnations
    #ubérisation #justice #droit_du_travail #exploitation

  • [Nantes] Le 12 juin, les archéologues des Pays de la Loire manifestent à #Paris.
    https://nantes.indymedia.org/posts/147471/nantes-le-12-juin-les-archeologues-des-pays-de-la-loire-manifesten

    COMMUNIQUÉ DE PRESSE Plus de 50 archéologues nantais·es et ligérien·nes mobilisé·es contre le démantèlement de l’archéologie préventive. Le 7 juin 2025, à #Nantes. Le Collectif de Lutte des Archéologues Nantais.es annonce que plus de 50 archéologues de la région des Pays de la Loire se déplaceront à Paris le jeudi…

    #archéologie #Autogestion #CLAN #Manifestation #Local

  • Deliveroo à nouveau contraint à la requalification de ses livreurs en tant que salariés
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/06/06/deliveroo-a-nouveau-contraint-a-la-requalification-de-ses-livreurs-en-tant-q


    Un livreur Deliveroo, à Toulouse, le 18 mars 2025. ED JONES/AFP
    ... Ces décisions interviennent au moment où une directive européenne favorable aux livreurs doit être transposée en droit français.

    C’est une nouvelle victoire pour les livreurs contre les plateformes : 46 coursiers #autoentrepreneurs de la plateforme #Deliveroo ont récemment été requalifiés comme salariés. 24 d’entre eux ont obtenu ce jugement en première instance en janvier, décision admise de fait par la plateforme puisqu’elle a abandonné son appel faute de conclusions envoyées à temps. Les 22 autres livreurs ont gagné en appel fin mai.
    Deliveroo avait déjà été condamnée, par le passé, aux prud’hommes et en appel pour le même motif, mais c’est la première fois qu’un groupe de #livreurs aussi conséquent l’emporte. Ces derniers ne travaillent plus pour la plateforme et sont indemnisés comme s’ils avaient été licenciés. Une soixantaine de dossiers supplémentaires sont en attente de décision d’ici début juillet.

    https://archive.ph/MSoi5

    #travail #travail_indépendant #droit_du_travail