• Pays-Bas : l’exemple à ne pas suivre d’une agriculture intensive destructrice | Comment le fumier a fait exploser les Pays-Bas
    https://up-magazine.info/planete/pollutions/119155-pays-bas-lexemple-a-ne-pas-suivre-dune-agriculture-intensive-de
    Les #Pays-Bas sont un exemple d’incurie gouvernementale laissant perdurer des pratiques désastreuses pour l’#environnement dont la remise en cause provoque une crise politique majeure. C’est l’un des plus petits pays d’Europe, mais aussi l’un de ses plus grands producteurs et exportateurs de denrées alimentaires, grâce à un secteur agricole intensif extrêmement performant, avec la plus forte densité de bétail d’Europe. Mais les Pays-Bas sont depuis des années au cœur d’une crise liée aux émissions d’azote provenant du fumier, qui, alertent les écologistes, détruisent les #écosystèmes du pays. Alors que la société néerlandaise s’éveille à la difficile réalité que son environnement ne peut plus survivre à son système alimentaire, la façon dont elle réagit est sans doute un avant-goût de ce qui se passera dans d’autres pays.

    OTTERLO, Pays-Bas – Par un bel après-midi de mai, Annemieke Visser-Winterink marchait dans les sous-bois hollandais, les feuilles mortes craquant sous ses bottes alors qu’elle s’approchait d’un arbre et le touchait doucement. « Ils sont tous malades« , soupire-t-elle, les rayons du soleil tombant du couvert forestier sur son uniforme de garde forestier. « Il n’y en a pas un seul dont je dirais qu’il est en pleine forme ou en pleine santé« .

    Les chênes qui l’entourent s’étirent vers le haut, leurs branches s’enroulant dans l’air vif du printemps. Les arbres attirent les foules dans le parc national De Hoge Veluwe, un refuge tentaculaire de 55 kilomètres carrés de prairies couvertes de fleurs sauvages, de dunes de sable arides et de bosquets romantiques. Le Hoge Veluwe est le plus grand parc national des Pays-Bas. À deux pas de la ville d’Arnhem, il attire des touristes de tout le pays, qui viennent observer ses 172 espèces d’oiseaux ou, s’ils ont un permis, chasser le cerf et le sanglier. Les chênes sont l’une des vedettes du parc. Certains sont relativement jeunes ; d’autres ont des centaines d’années, et aujourd’hui, ils sont en train de mourir.

    « Normalement, si vous avez un arbre en bonne santé, vous verrez toutes ses petites brindilles où les feuilles vont pousser« , explique Annemieke Visser-Winterink en fronçant les sourcils devant l’un des chênes. « Si vous regardez celui-ci, vous pouvez voir qu’il a encore des rameaux dans la partie inférieure, mais si vous regardez le sommet, il est mort. Il n’y a plus de branches ni rien d’autre« .

    Les chênes de la Veluwe – ainsi que nombre d’oiseaux, d’insectes et d’autres espèces indigènes – craquent sous le poids du système alimentaire industriel des Pays-Bas. Autour du parc, des fermes laitières avec leurs vaches Holstein-Friesian noires et blanches, emblématiques des Pays-Bas, parsèment le paysage, où elles produisent du lait, du fromage et du beurre pour les supermarchés de toute l’Europe.

    Une machine agricole stupéfiante
    Ces fermes, ainsi que d’autres semblables, représentent l’une des plus grandes réussites du XXe siècle dans le domaine de l’agriculture moderne. Après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture néerlandaise a subi une transformation radicale, passant de petites parcelles dispersées à une machine d’exportation d’une productivité stupéfiante. Aujourd’hui, les Pays-Bas comptent plus de 15 millions de porcs et de vaches, soit presque autant que la population humaine de ce petit pays. Les Pays-Bas ont la plus forte densité de bétail en Europe et, malgré leur taille, ils sont le premier exportateur de viande de l’Union européenne et le quatrième exportateur mondial de lait.

    La réputation des Pays-Bas en tant que puissance alimentaire est si forte qu’en 2017, le National Geographic a publié un article les qualifiant de « pays qui nourrit le monde ». En termes de valeur, les Pays-Bas sont les deuxièmes exportateurs de produits agricoles après les États-Unis. Le succès de l’industrie agricole néerlandaise a enrichi certains de ses plus grands agriculteurs, ainsi que les actionnaires des entreprises, des chaînes de supermarchés et des banques qui les entourent.

    Mais cette réussite flamboyante cache une catastrophe pour la nature.

    La « stikstofcrisis »
    Les émissions du bétail provenant des exploitations agricoles, comme celles situées près du Veluwe, sont le principal facteur contribuant à ce que les Néerlandais appellent la « stikstofcrisis« , la crise de l’azote. Ce qui peut sembler être une obscure préoccupation environnementale a, en fait, déchiré les Pays-Bas, interrompant les activités, provoquant des manifestations de rue explosives de la part des agriculteurs et réécrivant la politique du pays.

    Depuis quatre ans, la stikstofcrisis oppose les écologistes, armés de la réglementation européenne, aux groupes d’agriculteurs et à l’industrie agroalimentaire. Elle a alimenté les rancœurs qui couvaient depuis longtemps dans les campagnes néerlandaises, a provoqué des blocages au parlement et a déclenché l’ascension fulgurante d’un nouveau parti politique populiste qui a balayé les élections au début de l’année.

    Mais pendant ce temps, peu de progrès ont été réalisés dans la réduction des émissions d’azote provenant des exploitations agricoles. Et le sort d’habitats fragiles tels que le Veluwe semble aujourd’hui plus incertain que jamais.

    Au fil des décennies, les systèmes d’alimentation intensive sont devenus un moteur de destruction écologique qui ravage la biodiversité, de l’Europe à l’Amérique du Sud. La production de viande et de produits laitiers, au cœur de la crise alimentaire, est responsable à elle seule d’environ 15 % des émissions de carbone de l’humanité. Alors que les affrontements culturels et politiques sur la manière de nous nourrir sans détruire la planète s’intensifient, la nature lance un appel de détresse. Inévitablement, notre mode d’alimentation va devoir changer, en particulier dans les pays riches. Mais les Pays-Bas lancent un avertissement au monde entier : ce changement ne se fera pas sans heurts.

    En attendant, la Veluwe, ainsi que le reste des endroits calmes et sauvages de la planète, devront continuer à payer la note de ce qui se trouve dans nos assiettes.

    « Les forêts de chênes sont vraiment sur le point de s’effondrer à cause des dépôts d’ammoniac« , fait observer Bram van Liere, un militant du groupe environnemental néerlandais Milieudefensie. « Cela ne date pas d’aujourd’hui ou de l’année dernière, mais s’accumule dans l’environnement depuis des décennies. Il acidifie le sol, de sorte que les autres éléments nutritifs sont évacués jusqu’à ce qu’il n’en reste pratiquement plus rien. Et il ne s’agit pas de quelques oiseaux qui pourraient disparaître, mais d’un effondrement complet de la biodiversité. C’est toute une biodiversité qui s’effondre« .

    Un nuage qui tue les oiseaux
    L’écologiste Arnold van den Burg a découvert par hasard le rôle de la stikstofcrisis. Doté d’un rire profond et amoureux de la nature, Arnold van den Burg vit à la périphérie du Veluwe, où il étudie les oiseaux. Au début des années 2000, il a remarqué que les œufs de l’épervier d’Europe (Accipiter nisus) échouaient avant l’éclosion des poussins. Les tests qu’il a effectués ont indiqué que la cause était une carence en acides aminés chez les mères. « Cela m’a paru étrange« , raconte Arnold van den Burg, de la Biosphere Science Foundation. « En effet, les oiseaux de proie se nourrissent de protéines. Alors pourquoi manqueraient-ils de protéines ?« 

    Outre les œufs manquants, M. van den Burg a également observé des signes inquiétants chez d’autres espèces. Les poussins des oiseaux chanteurs se cassaient les jambes alors qu’ils étaient encore au nid, leurs os minuscules étant trop fragiles pour supporter leur poids. Il a découvert que les oiseaux chanteurs souffraient d’un manque de calcium. Il a commencé à soupçonner un coupable familier : la surcharge d’azote dans leur habitat.

    Le problème de l’azote aux Pays-Bas n’est pas nouveau, et sa cause n’est pas non plus un mystère. Les vaches et les porcs, qui constituent la base de l’industrie néerlandaise de la viande et des produits laitiers, consomment beaucoup d’aliments pour animaux, principalement des concentrés de soja importés de pays comme les États-Unis et le Brésil. Les agriculteurs qui cultivent ce soja utilisent des engrais synthétiques pour lui apporter de l’azote et du phosphore, les nutriments sur lesquels repose le système agricole mondial.

    Lorsque le bétail mange le soja, une partie de ces nutriments est absorbée par son organisme et donc par sa viande. Mais une plus grande partie encore est excrétée par le biais du fumier et de l’urine. Lorsque les deux se mélangent, que ce soit sur le sol des étables et des écuries ou dans les pâturages extérieurs, ils produisent de l’ammoniac, une forme gazeuse d’azote, qui s’évapore ensuite dans l’atmosphère. Dans les années 1980, la croissance constante du cheptel néerlandais a généré un nuage d’ammoniac dans tout le pays. Combiné aux émissions de dioxyde de soufre des usines, ce nuage a créé des pluies acides – l’un des premiers signes que le triomphe de l’agriculture intensive axée sur l’élevage présentait un inconvénient.

    « Vous pouvez sentir l’ammoniac, c’est un problème pour les gens« , affirme Roland Bobbink, un expert néerlandais de la science des dépôts d’azote à l’université de Radboud. « À la fin des années 80, les autorités ont donc lancé un programme de réduction des émissions d’ammoniac« .

    Surcharges d’azote
    Les mesures prises par le gouvernement comprenaient l’installation de meilleurs filtres sur les cheminées industrielles, ce qui a permis de réduire considérablement les émissions de dioxyde de soufre, ainsi que la mise en place d’une technologie aidant les éleveurs à séparer le fumier de l’urine. Grâce aux quotas laitiers imposés par l’Union européenne, le nombre de vaches laitières aux Pays-Bas a diminué de 600.000 au cours des 25 années suivantes, ce qui a permis de réduire de près de moitié les dépôts d’azote dans l’environnement. Cette baisse a suffi à stopper les pluies acides, mais pas à empêcher la surcharge en azote des écosystèmes voisins.

    « Au cours des 15 dernières années, la réduction des émissions a stagné« , observe Jeroen Candel, politologue à l’université et au centre de recherche de Wageningen. « Cela s’explique par une philosophie plus large selon laquelle le gouvernement ne devrait pas introduire de mesures coercitives, comme nous l’avons vu dans d’autres États membres de l’UE, mais plutôt s’en remettre au marché pour trouver des solutions. »

    L’ammoniac produit par l’élevage dérive dans l’air et finit par se déposer sur des surfaces situées dans un rayon de 20 à 30 km. Au fil du temps, il s’accumule, en particulier dans les sols. Certaines plantes adorent l’excès d’azote, s’en gavent et évincent les autres espèces. D’autres ne s’en sortent pas aussi bien. Finalement, le sol lui-même s’acidifie, drainant des nutriments vitaux et déséquilibrant les chaînes alimentaires. « On assiste alors à une augmentation de l’aluminium, qui est toxique pour les plantes et les animaux sensibles, ainsi qu’à une perte de calcium, de potassium et de magnésium dans le sol« , explique M. Bobbink.

    Comme le soupçonnait van den Burg, c’est ce qui a causé la souffrance des oiseaux. Au fil des siècles, les espèces vivant dans des écosystèmes tels que la Veluwe ont développé des méthodes complexes pour obtenir les nutriments dont elles ont besoin. Certains oiseaux du parc, par exemple, obtiennent leur calcium en mangeant des coquilles d’escargot. Mais l’acidification a réduit à néant la capacité des escargots à faire pousser leur coquille. « Ces changements entraînent une cascade de problèmes… dont les effets se font sentir sur les plantes, les insectes – qui meurent si on les pose sur les chênes -, les oiseaux chanteurs et les éperviers« , explique M. van den Burg.

    Lorsqu’il a publié ses recherches, celles-ci ont attiré l’attention des groupes de défense de l’environnement aux Pays-Bas, qui sonnaient l’alarme au sujet de l’excès d’azote depuis des décennies. Le problème est loin de se limiter à la seule région de la Veluwe. Selon une étude réalisée par Bobbink et publiée par Greenpeace, 118 des 161 zones protégées croulent sous le poids des dépôts d’azote et 14 seraient en passe de s’effondrer.

    Des cris et des flammes
    Lassés de supplier le gouvernement d’agir, ces groupes ont commencé à adopter une approche plus conflictuelle, se tournant vers les tribunaux des Pays-Bas et de l’UE pour obtenir ce que les politiciens pro-marché du pays ne voulaient pas. Les écologistes ont fait valoir devant la Cour européenne de justice et le Conseil d’État néerlandais, la plus haute juridiction du pays, que le gouvernement ne respectait pas les règles de l’UE qui imposent aux États membres de protéger la #biodiversité. M. Van den Burg était l’un de leurs témoins : « Dans les années 1980, alors qu’ils géraient très bien les dépôts d’acide sulfurique, ils auraient dû faire exactement la même chose avec les dépôts d’azote. Mais à cause du #lobby_des_agriculteurs, ils ne l’ont pas fait ». C’est aussi simple que cela. En mai 2019, le Conseil d’État a rendu son arrêt. La stikstofcrisis a commencé.

    L’arrêt s’est abattu sur les Pays-Bas comme un tombereau de fumier. Le tribunal a donné raison aux groupes de défense de l’environnement qui avaient porté l’affaire devant les tribunaux, ordonnant au gouvernement de cesser de délivrer des permis pour des projets émettant de l’azote jusqu’à ce qu’il présente un plan de réduction rapide des émissions. Du jour au lendemain, 18.000 projets de construction, dont des infrastructures essentielles et des logements, ont été mis en veilleuse jusqu’à ce qu’une nouvelle stratégie puisse être élaborée.

    L’économie étant menacée, un législateur néerlandais proche du cabinet du Premier ministre #Mark_Rutte a suggéré que la seule façon de résoudre le problème était de faire l’impensable : réduire considérablement le cheptel national. Les agriculteurs indignés, encouragés par les fabricants d’aliments pour animaux et d’autres acteurs de l’industrie agroalimentaire, se sont révoltés. Des milliers d’agriculteurs sont descendus dans la rue, bloquant les autoroutes avec leurs tracteurs et se rendant à La Haye, où ils ont organisé des manifestations devant les domiciles des législateurs.

    Mais quelques mois seulement après le début de la crise, la pandémie de COVID-19 est apparue, mettant temporairement fin aux manifestations, les agriculteurs attendant que le gouvernement publie son plan. Entre-temps, les tensions liées aux confinements et aux vaccinations se sont envenimées, alimentant la méfiance et renforçant l’atmosphère de suspicion à l’égard du gouvernement.

    Lorsque le cabinet Rutte a publié son plan azote tant attendu en juin 2022, il s’agissait d’une allumette jetée sur du petit bois sec. Ce plan prévoyait une réduction de 50 % des dépôts d’azote d’ici à 2030. Dans les zones proches des sites Natura 2000 (zones protégées par les réglementations européennes et nationales, comme la Veluwe), cette réduction pourrait atteindre 70 %. Pour parvenir à des réductions aussi spectaculaires, certaines exploitations agricoles devraient être rachetées et fermées.

    L’annonce a mis le feu aux poudres dans la campagne, parfois au sens propre du terme. Les drapeaux néerlandais renversés, symboles du mouvement de protestation, ont été brandis comme une bannière de guerre depuis les maisons, les viaducs et les fermes. Des dizaines de milliers d’agriculteurs en convoi de tracteurs ont sillonné les autoroutes des zones rurales, s’arrêtant pour mettre le feu à des tas de fumier et de foin. À un moment donné, la police a tiré sur un tracteur qui, selon elle, tentait de lui foncer dessus.

    Collés à leur écran, la plupart des Néerlandais n’ont pu s’empêcher de sympathiser avec les manifestants, y compris de nombreux écologistes, qui estimaient que les agriculteurs devaient supporter le fardeau d’une crise que le gouvernement aurait dû régler il y a des années. « Ce n’est pas leur faute principale« , remarque M. van den Burg. « C’est un manque de bonne gouvernance qui se produit aujourd’hui. Pendant des décennies, les agriculteurs ont été incités à produire de plus en plus, quel que soit le coût pour l’environnement. »

    Cette réaction explosive a soulevé des questions difficiles pour le mouvement écologiste. Pour protéger la nature, les émissions d’#azote doivent baisser immédiatement. Mais les mesures que beaucoup jugent nécessaires risquent de mettre certains agriculteurs sur la paille. Alors que la protection de l’environnement se heurte de plein fouet aux moyens de subsistance de ces agriculteurs, les responsables politiques néerlandais seraient-ils en mesure de survivre à ces mesures ?

    Ici, à l’ombre des chênes de la #Veluwe, les événements de l’été 2022 semblent lointains, bien loin de la décomposition silencieuse et lente qui s’opère sous le sol et l’écorce. C’est un défi pour les écologistes : au milieu de l’éclosion pittoresque d’une nouvelle vie, il faut un œil expérimenté et réfléchi comme celui de Visser-Winterink pour voir ce qui risque d’être perdu. Comparée à la réaction énergique aux politiques destinées à l’inverser, la lenteur du déclin de la biodiversité aux Pays-Bas est facile à ignorer.

    Alors que la société néerlandaise s’éveille à la difficile réalité que son environnement ne peut plus survivre à son système alimentaire, la façon dont elle réagit pourrait être un avant-goût de ce qui se passera au-delà de ses frontières. « La polarisation au sein des groupes est une chose qui surprend tout le monde", soupire Mme Visser-Winterink. « La situation devient très dure, et les gens ne sont plus capables de se retrouver. Les agriculteurs ne pensent qu’à leurs intérêts et les défenseurs de la nature ne pensent qu’aux leurs. Ils ne trouvent pas de terrain d’entente. ».

  • Azote aux Pays-Bas : une crise sentinelle - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/04/04/azote-aux-pays-bas-une-crise-sentinelle

    Alors que Le Monde publie une série d’articles sur les méfaits de l’agriculture industrielle et sa défense par des moyens violents, cet article sur les Pays-Bas est très original et intéressant. Face à une pollution devenue inacceptable au regard des normes européennes, le gouvernement a été obligé de prendre une loi qui met en oeuvre une réduction massive de la production animale intensive dans ce pays - suscitant en retour une réaction politique forte de la part des agriculteurs, qui font face à des injonctions à un changement de modèle d’exploitation ou des expropriations.

    Qui plus est, cette transformation est due à l’action d’un collectif écologiste qui a su viser au bon endroit au bon moment. Rendons-nous compte : elle ne découle ni d’un sabotage armé ni d’une révolution mais d’une simple action en justice qui suffit à opérer la bascule économique, écologique et politique d’un pays entier – voire davantage : « “La principale différence par rapport aux mesures précédentes est une réduction du nombre de têtes de bétail”, a déclaré le Dr Helen Harwatt[…]. En 2019, elle a dirigé un groupe de scientifiques appelant à prendre des mesures pour assurer le déclin du bétail. “Nous avons tendance à ne voir que des approches technologiques pour réduire l’azote du côté de la production ou à réduire les rejets dans l’environnement, plutôt que de réduire la production agricole elle-même. Tous les regards seront tournés vers les Pays-Bas pour tirer les leçons de cette transition.”[4] »

    La crise néerlandaise de l’azote constitue bien un laboratoire mondial de la fermeture/du renoncement qui appelle d’autres réformes à sa suite. Une telle transformation aurait pu être jugée impossible en vertu de son ampleur : jamais le capitalisme ne laisserait faire ; jamais l’industrie n’abandonnerait ses profits ; en outre, le droit n’est-il pas l’instrument du pouvoir ? Évidemment, tout ceci n’est pas faux mais ces réflexes offusquent de réels leviers stratégiques.

  • Azote : la crise environnementale dont vous n’avez pas encore entendu parler | Ashoka Mukpo
    https://up-magazine.info/planete/climat/93757-azote-la-crise-environnementale-dont-vous-navez-pas-encore-enten

    La création des engrais de synthèse au début du XXe siècle a marqué un tournant dans l’histoire de l’humanité, permettant une augmentation des rendements agricoles et provoquant un boom démographique. Mais l’utilisation excessive d’azote et de phosphore provenant de ces engrais est à l’origine d’une crise environnementale, avec la prolifération des algues et l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des « zones mortes » océaniques. Source : UP’ Magazine

  • Sur les algues vertes, la Cour des comptes met sévèrement en cause l’Etat et les élus bretons
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/11/la-cour-des-comptes-juge-severement-l-echec-de-la-lutte-contre-les-algues-ve


    Algues vertes dans la baie de Morieux (Côtes-d’Armor), le 29 avril 2021.
    PHILIPPE RENAULT / OUEST-FRANCE / MAXPPP

    Dans un rapport attendu fin juin, que « Le Monde » a pu consulter, les magistrats financiers analysent les raisons de l’échec de la lutte contre les marées vertes. Un problème sanitaire et environnemental qui empoisonne les côtes bretonnes depuis les années 1970.

    Inefficacité et manque d’ambition : ainsi pourrait se résumer le rapport que la Cour des comptes et la chambre régionale des comptes consacrent à la politique publique de lutte contre les proliférations d’algues vertes en Bretagne menée depuis 2010. La publication de cette coproduction est attendue fin juin, au moment des élections régionales, mais Le Télégramme en a déjà évoqué la teneur dans ses colonnes.

    Très documenté, fruit de deux ans de travail et d’une centaine d’auditions, ce document de près de six cents pages daté du 20 avril et que Le Monde a pu consulter risque d’animer la campagne électorale. Car il dresse un constat d’échec patent de la part de l’Etat, mais aussi des élus de la région, face à un problème sanitaire et environnemental qui empoisonne les côtes bretonnes depuis les années 1970.

    Les marées d’ulves nauséabondes dopées aux nitrates qui s’amoncellent en couche épaisse à la belle saison ne touchent pas que le littoral armoricain, elles s’étendent désormais du Calvados à la Charente-Maritime. Mais elles se concentrent aux trois quarts en Bretagne. Les pires années, jusqu’à 60 000 tonnes y ont été collectées, le volume cumulé de 2009 à 2020 s’élève à 461 630 tonnes. Les rapporteurs évoquent avec « précaution » « une tendance incertaine à la baisse » depuis 2007 sur les plages de sable, tout en observant un rebond en sens inverse depuis 2013.
    Et le phénomène s’étend vers le sud de la région : les échouements touchent désormais les zones de vasières du Morbihan, un département encore récemment épargné. Les magistrats financiers recommandent de traiter ces accumulations sans plus attendre, car les tas d’ulves en décomposition peuvent dégager de l’hydrogène sulfuré. Un gaz déjà responsable, rappellent-ils, de la mort de deux personnes qui couraient sur le littoral, d’un chauffeur de camion transportant des algues vertes, de chiens, d’un cheval…

    Modestie des moyens alloués
    « Les études scientifiques démontrent sans ambiguïté que les apports d’azote [qui se transforme en nitrates une fois dans l’eau] dans les baies d’algues vertes sont essentiellement d’origine agricole », résume le rapport. « Selon les bassins versants et les périodes, l’activité agricole contrôle de 90 % à 98 % de ce flux d’azote » qui s’échappe vers les nappes souterraines, les sols et les rivières par le biais des épandages d’engrais chimiques ou organiques – lisiers, fumiers… –, et les concentrations de bovins. Il s’agit donc du « seul levier d’action permettant de limiter les proliférations des algues vertes à l’heure actuelle ».

    • L’origine des marées vertes est donc clairement identifiée, leurs localisations aussi : elles se concentrent dans huit bassins versants des Côtes-d’Armor et du Finistère qui collectent à eux seuls 92 % des algues en excès de Bretagne. Pourtant, la résolution du problème piétine depuis bientôt un demi-siècle. La Cour des comptes analyse méthodiquement les raisons de ce fiasco et désigne les responsables.

      D’abord, les agriculteurs de ces huit bassins versants auprès de qui un sondage a été organisé pour l’occasion. Ils sont encore 41 % à répondre que les installations d’assainissement des communes côtières seraient en cause dans les proliférations d’ulves et seulement 6 % envisagent une réduction des cheptels bretons comme pouvant constituer une partie de la solution. Les magistrats reconnaissent et saluent néanmoins « le changement généralisé des mentalités et l’évolution des pratiques qui sont intervenus depuis les années 2000, après plusieurs décennies d’incitations des agriculteurs au productivisme par la quasi-totalité des acteurs institutionnels, sans prise de conscience des conséquences environnementales ».

      Ils se montrent plus sévères vis-à-vis de l’Etat, qui apporte 43 % des financements, et de l’agence de l’eau Loire-Bretagne (27 %). Alors que la Cour des comptes est généralement prompte à dénoncer les excès de dépenses publiques, elle souligne cette fois la modestie des moyens alloués aux deux plans de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) de 2010 à 2019.

      Les engagements de ces deux bailleurs ajoutés à ceux de la région, des départements, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie et des chambres d’agriculture se sont élevés à 150 millions d’euros, pour des dépenses réelles de 109 millions. Ces sommes apparaissent « dérisoires si on les compare au montant des aides du premier pilier de la PAC [politique agricole commune] en Bretagne » – entre 435 millions et 614 millions d’euros par an ces six dernières années.

      Aucun effort de prévention exigé

      Au total, avec le recours des fonds européens, 50 millions d’euros sont réellement allés à la prévention des fuites d’azote d’origine agricole entre 2010 et 2019. Une bonne partie des 59 millions restants a été consacrée au ramassage des ulves. Dans cette enveloppe, 16 millions d’euros ont contribué à améliorer l’assainissement et soutenir le développement de la méthanisation durant le premier plan. Cette dernière initiative s’étant révélée contre-productive sur le front des nitrates, elle n’a pas été reconduite.

      C’est l’un des principaux reproches énoncés : l’Etat, l’agence de l’eau comme la région – compétente pour le développement économique – accordent leurs aides sans exiger d’effort de prévention de l’environnement en retour. Exemples à l’appui, les magistrats montrent « le manque d’implication » des filières agroalimentaires. Très présentes en Bretagne, y compris dans les baies les plus contaminées, leurs grandes coopératives ne se mobilisent pas pour soutenir des initiatives qui permettraient de développer de nouvelles productions moins dommageables pour les territoires.

      Les services de l’Etat en région n’ont pas non plus de réponse face aux fermes, dont les pratiques d’épandage ou la saturation des fosses à lisier ruinent les efforts vertueux de leurs voisins. D’une part, il n’est pas prévu de « renforcement crédible des obligations réglementaires », notent les rapporteurs. D’autre part, le nombre des contrôles a chuté de 73 % depuis 2010, notamment parce que les effectifs des agents se sont réduits de 24 %. Le niveau d’infractions pour non-conformité constaté dans la moitié des exploitations est lui resté à peu près stable.

      Le rapport insiste aussi sur le manque de contrôle a priori. Lorsqu’un exploitant demande à étendre son troupeau ou bien à créer un nouvel élevage, l’autorisation lui est généralement donnée automatiquement, sans étude environnementale, même dans un canton qui croule déjà sous les lisiers. Normal : sous un certain seuil, il n’y a pas d’instruction du dossier. « Sur demande de la profession agricole », ceux-ci sont passés à partir de 2013 de 450 à 2 000 porcs par exploitation, de 30 000 à 40 000 volailles, et de 200 à 400 vaches.

      Coordination défaillante

      En outre, il n’existe aucun statut particulier pour les huit baies « algues vertes », où les « services de l’Etat ne conditionnent donc pas » leur autorisation d’augmentation des cheptels à des mesures de prévention de la qualité de l’eau. On apprend au passage que ces derniers n’ont pas accès à des bases de données nationales d’identification des porcs et des volailles. Ce serait pertinent, mais le ministère de l’agriculture qui les détient ne leur en donne pas l’accès, malgré la demande de la préfète de Bretagne.

      Malgré tout, entre 1995 et 2013, la teneur moyenne des nitrates dans les cours d’eau bretons est passée de 47,2 mg/litre à 35,4 mg/litre, puis a ralenti pour atteindre 31,7 mg/litre en 2019. Quels taux faudrait-il atteindre pour réduire de moitié les proliférations d’ulves ? Sans doute entre 10 mg/litre et 25 mg/litre, mais on ne le sait toujours pas avec précision. Le rapport lie davantage cette baisse globale à une prise de conscience collective plutôt qu’à l’effet des PLAV.

      Car l’action publique pâtit encore d’une coordination défaillante entre les différents acteurs chargés de menés une politique « aux objectifs mal définis » ; d’une gestion foncière qui ne joue pas le jeu des installations en bio ; d’un manque de volonté politique des élus locaux. Sans guère d’incitations financières ni contraintes réglementaires, et faute d’indicateurs, il se révèle néanmoins malaisé de mesurer l’impact réel des PLAV. Les magistrats suggèrent de ne pas les transposer à d’autres sites et de leur préférer les règles de droit commun. Leur absence d’ambition et de résultats sur une souhaitable amélioration de la qualité des eaux expose la France à une nouvelle mise en demeure de la part de la Commission européenne.

      #agroalimentaire #élevage_industriel #Bretagne #pollution

  • En France, l’agriculture productiviste n’est plus compétitive
    https://reporterre.net/En-France-l-agriculture-productiviste-n-est-plus-competitive

    Qu’y voit-on et qu’y dit-on ? « L’excédent de la balance commerciale agroalimentaire provient essentiellement des vins et spiritueux et la valeur ajoutée des grandes cultures est faible, voire nulle si on tient compte des aides publiques. » « Pour de nombreux produits standardisés, la concurrence mondiale est devenue féroce et les producteurs et industriels n’ont aucun intérêt a se positionner sur ces marchés. La montée en gamme permettra d’accéder à des marchés plus valorisants. » Autre bonne révélation : « Le #travail ne doit plus être considéré comme un coût mais comme créateur de #valeur_ajoutée », comparant la filière laitière française et la filière allemande, avec un avantage de 20.000 emplois en France grâce aux produits de qualité. Autre satisfaction : « Les pratiques agroécologiques et biologiques doivent être encouragées, au regard des aménités qu’elles fournissent, et pourraient être financées par une #fiscalité_écologique en taxant l’#azote_minéral, les #pesticides et les #gaz_a_effets_de_serre. »

    La FNSEA a voté contre, montrant son isolement sociétal puisque l’avis a été adopté par le Cese par 122 voix pour, 15 abstentions et 32 votes contre (les seuls groupes de la FNSEA et du Medef).

    #agroindustrie #agriculture #agroécologie

  • Les pressions environnementales progressent en #Nouvelle-Zélande - OCDE
    http://www.oecd.org/fr/nouvellezelande/les-pressions-environnementales-progressent-en-nouvelle-zelande.htm

    ‌L’#agriculture est à l’origine de 49 % des émissions, un record dans l’#OCDE. [...]
     
    Du fait de l’expansion de la production laitière intensive, les concentrations d’#azote dans les #sols et les #eaux de surface et souterraines ont progressé. Entre 2000 et 2010, le bilan azoté (écart entre les éléments nutritifs entrant dans le système et ceux qui en sortent) s’est détérioré dans des proportions plus importantes que dans tous les autres pays de l’OCDE.
     
    Consciente du besoin de protéger la qualité de l’#eau, la Nouvelle-Zélande a engagé un processus de réforme de la politique nationale sur l’#eau_douce en publiant en février un programme pour la propreté de l’eau, dont les propositions répondent à certaines des recommandations de l’OCDE. L’administration centrale devra accroître son soutien pour aider les autorités locales à fixer des objectifs rigoureux et à accélérer la mise en œuvre.

    Why are New Zealand’s waters so polluted ? | New Zealand | Al Jazeera
    http://www.aljazeera.com/blogs/asia/2017/08/zealand-waters-polluted-170831090454283.html

    Every litre of milk produced requires about 1,000 litres of water. The most irrigated region of New Zealand is Canterbury, on the east coast of the country’s South Island. It has seen significant economic growth on the back of dairy farming but, over the same period of time, has also seen a drastic decline in the quality of its waterways.

    #co2 #lobby

  • Découverte d’importantes zones mortes dans l’océan Atlantique Nord - notre-planete.info
    http://www.notre-planete.info/actualites/4269-zones-mortes-ocean

    « Avant notre étude, on pensait que les eaux libres, loin des côtes, de l’Atlantique Nord avaient des concentrations minimales en oxygène d’environ 40 micromoles par litre d’eau de mer, ou encore 1 millilitre d’oxygène dissous par litre d’eau de mer » explique l’auteur principal de l’étude, Johannes Karstensen, un chercheur à GEOMAR, au Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel, (Kiel, Allemagne). Si cette concentration en oxygène est faible, elle est suffisante pour assurer la survie de la plupart des poissons.

    Carte des zones mortes. Les cercles rouges localisent et donnent la taille de la plupart des zones mortes. Les points noirs localisent des zones mortes dont la taille n’est pas connue

    #Zone_morte — Wikipédia
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_morte

    Une zone morte est une zone hypoxique (déficitaire en oxygène dissous) située dans un environnement aquatique (mers, océans, estuaires, grands lacs, mares, etc.).

    [...]

    La plupart des formes de vie consommant de l’oxygène disparaissent alors au profit de #bactéries et d’organismes fongiques.

    [...]

    Le nombre et la taille de ces zones augmentent chaque décennie au moins depuis les années 1970 et plus particulièrement depuis la fin des années 19904. Les scientifiques en comptaient en 2003 près de 150 majeures sur la planète, chacune traduisant très probablement des phénomènes graves de dystrophisation marine. Dans certains cas, comme en mer Baltique, en quelques dizaines d’années, toutes les formes de vie supérieure ont disparu, au profit de bactéries très primitives proches de celles qui vivaient il y a plusieurs milliards d’années, avant l’apparition de la vie sur les terres émergées.

    [...]

    Dans un premier rapport pour l’ONU, les experts ont identifié comme première cause les apports de #fertilisants agricoles et les apports de nutriments et de matière organique induits par la dégradation et l’#érosion croissante des #sols agricoles ou déboisés, dans un contexte d’#agriculture de plus en plus intensive. Le rapport OSPAR 2002 sur l’état de #santé des #écosystèmes pointe plus particulièrement l’#azote comme responsable.

    [...]

    Divers facteurs aggravent ces effets :
    – pollutions diverses, principalement industrielles, urbaines et automobiles.
    – Le manque de réseaux de collecte et d’épuration des eaux usées dans les régions densément peuplées participe sans doute aussi au phénomène, mais ne peut expliquer à lui seul la répartition de ces zones.
    – Dans certaines régions du monde, les taux d’azote dissous dans les pluies augmentent également fortement (notamment depuis l’usage de l’épandage d’engrais azotés liquides sur les champs). De même, les pluies acides solubilisent plus de nutriments, qui sont emportés à la mer ou dans les lacs. Les grandes inondations sont également plus fréquentes, souvent pour des causes humaines (pratiques agricoles, remembrements, perte de matière organique des sols et imperméabilisation croissante des surfaces habitées). La combinaison de ces trois phénomènes accélèrent les apports de matières eutrophisantes en mer.
    – La turbidité augmente alors, au point d’empêcher les rayons solaires de pénétrer l’eau. La photosynthèse planctonique est inhibée et ni les rayons ultra-violets solaires, ni l’oxygène ne jouent plus leur rôle de « désinfectant » naturel.
    – Diverses #pollutions, par les #pesticides, par les métaux lourds, par les hydrocarbures et localement par des polluants chimiques issus de l’immersion de déchets, peuvent exacerber le phénomène en inhibant également la photosynthèse et/ou en tuant un grand nombre de plantes ou d’autres organismes.
    – Localement, un lien possible avec l’impact de fermes marines aquacoles a été évoqué.
    – L’utilisation de boules d’amorces riches en matière organique par les pêcheurs en eau douce fermée ou à courant lent est également une cause majeure d’eutrophisation et d’anoxie des eaux non superficielles ;
    – Enfin, une cause possible ou additionnelle, non citée par le rapport de l’ONU, mais décrite par la Commission OSPAR pourrait être explorée, en Baltique notamment ; il s’agit de possibles impacts différés de l’immersion massive dans le passé de #munitions conventionnelles et chimiques.

  • A quoi ressemblerait la Terre sans #microbes ?
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/12/21/a-quoi-ressemblerait-la-terre-sans-microbes

    En l’absence des #procaryotes, toute la #chaîne_alimentaire imploserait.

    Commençons par le bas. Sans les #bactéries, qui jouent un rôle essentiel dans la fixation de l’#azote par les #plantes, la #photosynthèse cesserait dans l’année qui suivrait. L’humanité pourrait néanmoins parer le coup en nourrissant ses cultures avec des engrais azotés que l’on sait produire à bas coût. Mais pourrait-on également apporter ces compléments à toutes les grandes zones végétales sauvages du monde, à toutes les #forêts tropicales, à la #taïga, à la #savane, etc. ? On en doute. Passons à l’étage supérieur, celui des #herbivores et en particulier des ruminants qui nous fournissent leur #viande et leur #lait. Si nous ne voulons pas dire « adieu, veaux, vaches, moutons, chèvres », il faudra là encore, expliquent Gilbert et Neufeld, avoir recours au talent des chimistes humains pour que ces animaux se passent des services des bactéries et archées qui aident notre bétail à digérer la #cellulose des plantes.

    Ce n’est là que le début des problèmes. Il faudrait par exemple penser à donner à tous les animaux du monde (et notamment au #phytoplancton) de la vitamine B12 qui nous est fournie grâce à l’activité bactérienne. Cette dernière joue aussi un rôle important dans le recyclage de la biomasse. Ainsi, sans les bactéries, le #phosphore qui existe en quantité limitée à la surface de la planète et qui est contenu dans les êtres vivants, ne pourrait plus, une fois ceux-ci passés de vie à trépas, être restitué à la nature et viendrait progressivement à manquer, en particulier dans les #océans qui cesseraient de produire de la vie en quelques décennies, sauf à se dire que nos chimistes joueraient de nouveau les pompiers et ensemençant toutes les mers du globe en phosphore...

    Même en imaginant que nous puissions, par notre chimie, empêcher la chaîne alimentaire de s’effondrer complètement, il est un domaine où l’absence de bactéries finirait par se faire cruellement sentir : celui de l’#oxygène que nous respirons. Sa production serait déjà bien entamée par la disparition prévisible d’une bonne partie des écosystèmes végétaux, terrestres ou marins, mais le phénomène serait aggravé parce qu’une partie de cet oxygène provient directement des #cyanobactéries ! Nous pourrions vivre sur les réserves probablement pendant plusieurs centaines de millénaires, calculent nos deux biologistes, mais celles-ci finiraient par s’épuiser.

    Il est de toute manière fort probable qu’avant d’arriver à l’asphyxie finale, l’humanité n’aura pas survécu à des périodes prolongées de famine et de guerres pour la nourriture dignes de certaines fictions apocalyptiques. Les auteurs soulignent que, même si la disparition subite des bactéries n’entraînait pas dans la foulée celle des plantes et animaux, « la survie à long terme des eucaryotes serait douteuse ». Bel euphémisme. Cette expérience de pensée a le mérite, en décortiquant la multitude de processus dans lesquels les #micro-organismes sont impliqués, de mettre en lumière à quel point ces minuscules êtres, que l’on regroupe un peu par dédain sous le terme de « microbes », sont en réalité les véritables maîtres de la #vie sur #Terre.

  • Ces #nitrates que je ne saurais voir
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/09/13/ces-nitrates-que-je-ne-saurais-voir_4486949_3232.html

    Lorsqu’un enfant présente une forte fièvre, deux solutions s’offrent à ceux qui en ont la charge. La première consiste à consulter le personnel médical, à identifier le mal et, le cas échéant, à envisager un traitement. La seconde solution est bien plus séduisante : à chaque prise de température, il suffit, par convention, d’inscrire « 37 °C » à l’endroit où s’arrête le mercure. En changeant la graduation du thermomètre, les choses deviennent tout de suite beaucoup plus simples.

    S’agissant de la qualité de l’eau, c’est à peu près cette stratégie – ignorer ou corrompre la mesure – qui est fidèlement suivie par les autorités françaises depuis de nombreuses années. Elle vient d’être à nouveau sanctionnée, début septembre, par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a condamné Paris pour non-conformité avec la directive de 1991 visant à protéger la ressource en eau des nitrates d’origine agricole, issus de l’azote des fertilisants, des effluents des exploitations, etc.

    #grr #paywall #pollution #eau #agrobusiness

  • La planète souffre d’une crise des #engrais
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/02/20/la-planete-souffre-d-une-crise-des-engrais_1834972_3244.html

    L’#azote et le #phosphore, les deux engrais les plus utilisés dans le monde, sont à la fois trop consommés par endroits – engendrant des catastrophes environnementales – et mal répartis dans d’autres – faisant cruellement défaut dans les régions les plus pauvres. Ce sont les conclusions du Programme pour l’environnement des Nations unies (PNUE) dans son dernier rapport Our Nutrient World, publié lundi 18 février.

    Résultat : le coût global des dommages causés par la pollution de l’azote à l’environnement, la santé et la biodiversité est estimé à entre 200 et 2 000 milliards de dollars par an. Une utilisation 20 % plus efficace des engrais azotés permettrait de réduire la consommation annuelle de 20 millions de tonnes et d’économiser 170 milliards de dollars par an d’ici la fin de la décennie, estiment les scientifiques.

    Au-delà des gains financiers, plus de nourriture et d’énergie pourraient être produits tout en réduisant la pollution. « Notre analyse montre qu’en améliorant la gestion de la circulation des éléments nutritifs, nous pouvons protéger l’environnement, le climat et la santé humaine, tout en répondant aux préoccupations de sécurité alimentaire et de l’énergie », assure Mark Sutton, auteur principal du rapport et professeur au Centre du Royaume-Uni pour l’écologie et l’hydrologie.

    [...]

    Mais surtout, les scientifiques appellent à une baisse dans la consommation de protéines animales. Et le rapport d’assurer : « Alors que la consommation de viande et de produits laitiers augmente rapidement, notamment avec l’Asie et l’Amérique latine qui rattrapent les niveaux européens et nord-américains, nos choix alimentaires ont un énorme potentiel pour influencer les futurs niveaux de la pollution mondiale aux engrais. »

    #agriculture #agrobusiness #élevage