Certain-es appellent cela un “mapathon”, d’autres une “sortie de terrain” : récolter en groupe des données géolocalisées, les traiter rapidement, les ajouter à une base de données collective puis en faire des cartes simples est une manière efficace et motivante d’initier certains publics à la cartographie. L’idée est la suivante : amener des néophytes, dans le cadre d’un projet de groupe, à réaliser une carte en passant par toutes les étapes, de la collecte des données géolocalisées à l’édition de la carte, en passant par la création, la gestion de la base de données et le traitement des données dans un logiciel de SIG.
C’est ce qu’ont fait, par exemple, les élèves géographes de 1ère année à l’ENS de Lyon sur les inscriptions et affiches murales dans le centre de Lyon (▻https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/epicollect).
D’autres exemples existent, comme ces cartes réalisées autour de projets menés à l’UPEC, pour lesquels les relevés de terrain ont été réalisés en partie par des cohortes d’étudiant-es de L1 géographie dans le cadre d’un cours d’initiation à la cartographie, coordonné par Juliette Morel.
Dans le cadre du projet de recherche sur la fabrique urbaine de l’indésirabilité, financé par la Défenseure des droits, nous avons créé une application de cartographie collaborative, visant à recenser le mobilier urbain dissuasif, hostile ou révélant des usages et usager-es indésirables (j’en parle ici). Je vous propose ici un tutoriel pour réaliser quelques cartes simples à partir de relevés de terrain sur le mobilier dissuasif, par exemple dans le cadre d’un module d’initiation à la cartographie de terrain. Ce tutoriel s’adresse aux enseignant-es du secondaires comme du supérieur, ainsi qu’aux collectifs militants qui souhaiteraient nous aider.
Le recensement des dispositifs anti-indésirables peut se faire directement sur la carte en ligne, depuis chez soi, via l’onglet “Ajouter un élément”. Toutefois, il est possible, dans le cadre d’une sortie de terrain avec des élèves ou étudiant-es, ou simplement par envie de participer à la complétion de la carte en groupe constitué, de récolter les données “en masse” et en groupe, depuis son téléphone portable. Nous proposons pour cela d’utiliser l’application Epicollect5, développée par des chercheurs-ses de l’université de Cambridge et spécialement adaptée à la collecte de données géolocalisées sur le terrain. Les relevés du groupe, réalisés grâce aux smartphones sur le terrain, peuvent être exportés dans un fichier au format CSV ou JSON, puis importés dans un SIG pour réaliser des cartes à partir des données récoltées par le groupe. Vous pouvez ensuite nous envoyer le fichier pour que l’on ajoute les données que votre groupe a récoltées à la carte générale.
1. Créer un groupe Epicollect5
Après avoir créé un compte sur le site Epicollect5, il vous faudra créer un projet en cliquant sur “Create Project” en haut. Ensuite, il faudra prendre le temps de recopier le formulaire qui vous permettra de récolter des données compatibles avec les catégories de notre carte collaborative (catégorisation du mobilier, photo, géolocalisation, etc.). Voici le questionnaire :
Pour ne pas faire d’erreur et pour ne pas perdre de temps à recopier le formulaire catégorie par catégorie, nous disposons aussi d’un groupe “témoin” qu’il est possible de cloner et sur lequel nous pouvons vous donner les droits d’administration. Pour cela, il suffit de m’écrire (milan.bonte@univ-lille.fr) et de me donner le nom et l’adresse mail associés à votre profil Epicollect. Vous deviendrez ainsi administrateur-rice d’un groupe muni d’un formulaire déjà opérationnel.
Si vous ne travaillez pas en groupe mais que vous souhaitez utiliser Epicollect5 au quotidien, plutôt que l’interface de la carte collaborative, vous pouvez également m’écrire pour rejoindre un groupe pré-existant.
2. Relever des dispositifs
Une fois que votre groupe est créé et muni de son formulaire, vous pouvez sortir référencer des dispositifs. Il faut télécharger l’application Epicollect5 sur son téléphone, puis chaque contributeur-rice doit rejoindre le groupe que vous avez créé. Une fois sur le groupe, vous pouvez référencer les dispositifs que vous croisez sur le terrain en cliquant sur “Ajouter une entrée”. Le formulaire permet d’ajouter la localisation du téléphone et de prendre une photo, directement via l’application. Après avoir référencé des dispositifs, il faut bien synchroniser ses données et ses photos (petit nuage en haut à droite) pour qu’elles soient partagées avec les autres membres du projet.
Vous pouvez utiliser un groupe Epicollect5 dans le cadre d’une sortie de terrain, pour collecter collectivement des données géolocalisées. Vous pouvez aussi rejoindre l’un des groupes associés au projet pour collecter des dispositifs au cours de vos déplacements quotidiens : c’est ce que nous faisons au sein du Collectif de Recherche sur l’Indésirabilité, qui porte le projet. L’application Epicollect5 est spécifiquement adaptée aux relevés de terrain.
3. Exporter le fichier
Une fois les relevés effectués, vous pouvez exporter vos données en format CSV ou JSON. Il suffit de se connecter à votre compte Epicollect5 sur un ordinateur, de cliquer sur “View Data” pour afficher le tableur contenant les données, puis sur “Download” pour le télécharger.
Cela vous permet de télécharger un fichier CSV dans lequel sont contenues l’ensemble des données récoltées, ainsi que les photos, la latitude et la longitude de chaque dispositif. Voilà ce que ça donne :
Voici, si besoin, un tuto pour importer un fichier CSV dans Excel. Notez que cette étape vous permet de visualiser votre fichier mais n’est pas nécessaire pour la suite.
Une fois que vous avez ce fichier, n’oubliez pas de nous l’envoyer pour que nous puissions ajouter vos contributions à la carte générale !
De votre côté, vous pouvez l’utiliser pour faire quelques cartes, si vous le souhaitez, avec votre groupe (par exemple, dans le cadre d’un module d’initiation à la cartographie ou aux relevés de terrain).
4. Importer les données dans QGis pour réaliser quelques cartes
Pour importer le fichier CSV dans QGis, vous ouvrez le gestionnaire des sources de données (ci-dessous), puis choisissez l’onglet “Texte délimité”.
Vous choisissez ensuite votre fichier, indiquez que les informations sont séparées grâce à des virgules, avec encodage UTF8 (vous pouvez vérifier que l’aperçu de la table en bas de la fenêtre se charge bien avec des colonnes bien séparées les unes des autres). Vous indiquez la variable contenant la latitude, la longitude, puis importez votre fichier.
Pour vous aider à vous repérer dans l’espace, vous pouvez utiliser un fond Open Street Map. J’aime bien les afficher en nuances de gris pour bien mettre en lumière les figurés ponctuels par-dessus (menu Propriétés > Symbologie).
Vous pouvez ensuite décider de représenter l’un ou l’autre des types de dispositif grâce à des sélections attributaires – par exemple, seulement les assises, ou encore seulement les dispositifs manquants ou disparus (absence de bancs, suppression de bancs, etc.). Vous pouvez également classer les dispositifs par type et leur assigner une forme ou une couleur en fonction (sélections et symbologie).
Si vous faites des relevés de grande ampleur dans une ville ou un quartier, vous pouvez aussi les compter par entité administrative (Vecteur > Compter les points dans les polygones). Cela rajoute un champ correspondant au nombre de dispositifs dans chaque entité administrative, ce qui vous permet d’en cartographier, par exemple, la densité en aplats de couleurs, ou simplement le nombre en cercles proportionnels.
N’oubliez-pas de nous envoyer votre fichier CSV pour que vos relevés de terrain soient ajoutés à la carte collaborative ! Nous vous en remercions beaucoup par avance : la légitimité de ce projet repose principalement sur le nombre et la densité des collaborations.
Vous pouvez m’écrire (milan.bonte@univ-lille.fr) ou contacter le CRI (Collectif de Recherche sur l’Indésirabilité – projetDDDindesirabilite@proton.me) pour toute question, remarque ou besoin de support.
Bonne collecte !