Freud voit dans le tabou de la belle-mère l’expression indirecte du tabou portant sur la mère : « aux îles Salomon, l’homme, une fois marié, ne doit plus voir sa belle-mère ni lui parler. Lorsqu’il la rencontre, il feint de ne pas la connaître et se met à courir aussi vite que possible pour se cacher [1][1] S. Freud, Totem et tabou, Payot, 1951, p. 25. ».
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Dans une autre ethnie, se trouve souligné l’évitement symbolique qui doit être mis en place entre gendre et belle-mère : « aucun d’eux ne doit prononcer le nom de l’autre [2][2] Ibid. ». Le champ symbolique lui-même doit s’organiser autour de l’évitement portant sur une nomination. Dans Malaise, Freud dénudera le recours à une opération forclusive agissant au moment où s’effectue le « progrès culturel » : l’opération consistant à « se détourner » (Abwendung) de la mère ; le champ sensoriel-olfactif s’organisant autour du maternel et du féminin dans son ensemble sera alors forclos. Dans les cultures commandées par un tel tabou, le détournement ne consistera donc pas seulement à abandonner le sensible ou l’imaginaire pour promouvoir le symbolique, mais à procéder à l’effacement ou à la « mise à l’écart » (Beseitigung) du féminin-maternel [3][3] C’est ce processus que la démarche de W. Granoff accompagne....
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Comment la psychanalyse va-t-elle se situer par rapport à cet interdit qui travaille le champ des représentations culturelles ? L’option lacanienne s’inscrit dans la droite ligne de cet héritage basé sur l’interdiction en soutenant : « il n’y a pas à proprement parler, dirons-nous, de symbolisation du sexe de la femme [4][4] J. Lacan, Les Psychoses. Le Séminaire III, Seuil, 1981,... ». Le blanc s’inscrivant ainsi dans le champ symbolique va se doubler d’une mise en garde concernant, non plus la représentation du féminin, mais l’éventuelle interrogation féminine sur ce qui spécifie le continent dit noir. Lacan décourage ainsi un tel projet d’investigation : « devenir une femme et s’interroger sur ce qu’est une femme sont deux choses essentiellement différentes. Je dirai même plus – c’est parce qu’on ne le devient pas qu’on s’interroge, et jusqu’à un certain point, s’interroger est le contraire de le devenir [5][5] Ibid., p. 200. ».
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Une telle prise de position délivre-t-elle la leçon psychanalytique sur la question ? Tant s’en faut, puisque, essentiellement dans les orientations prises initialement, Freud propose une lecture beaucoup plus critique des prescriptions culturelles ; il voit dans cet interdit de regard imposé aux femmes l’une des raisons du malaise culturel : « l’éducation interdit aux femmes de s’occuper intellectuellement des problèmes sexuels pour lesquels elles ont pourtant le plus vif désir de savoir, elle les effraie en leur enseignant que cette curiosité est antiféminine [6][6] « La Morale sexuelle “civilisée” et la maladie nerveuse... ».