FOCUS - Alors qu’une réunion se tient ce lundi à Bercy pour dresser un état des lieux des conséquences du mouvement sur l’activité des entreprises, les territoires tirent la sonnette d’alarme.
Réunion au sommet : ce lundi, une quinzaine de fédérations professionnelles sont réunies à Bercy pour une « première évaluation des conséquences économiques du mouvement des gilets jaunes sur l’ensemble des territoires », ainsi que pour « convenir de mesures d’accompagnement pour les professionnels ». Car les effets sont d’ores et déjà remarquables : à l’échelle nationale, l’institut Nielsen a par exemple estimé que la grande distribution avait vu ses pertes se creuser tout au long de la semaine dernière, de -35% samedi à -32% lundi, -13% mardi et -5% mercredi.
À l’échelle locale, un grand nombre d’institutions ont fait remonter les inquiétudes des entreprises et des professionnels qui souffrent des blocages et autres barrages filtrants. Ce sont ces échelons, aux préoccupations de plus en plus marquées, que le gouvernement devra rassurer.
Dans l’Hérault
La Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de l’Hérault a mené une étude entre le 19 et le 21 novembre auprès des commerçants. Publiée jeudi, elle note un effet massif de la mobilisation : en comparaison avec une période « normale », les 300 commerçants ont pointé une « baisse moyenne de fréquentation de 60% » ainsi que de chiffre d’affaires « de 55% ». Près des trois quarts des personnes interrogées ont constaté un ralentissement de leur activité, et celui-ci s’étend sur l’ensemble du territoire, touchant les centres-villes comme les zones rurales, les centres commerciaux ou les commerces de proximité des petits villages.
Et la Chambre de citer l’exemple de six magasins Intersport du département : leur dirigeant, Patrick Hanot, déplore une « perte de 40% de chiffre d’affaires » depuis le samedi 17. « L’impact économique négatif est hélas bien réel et important », souligne le communiqué. Le même jour, le président de la Chambre, André Deljarry, a dénoncé le blocage d’une plateforme logistique alimentaire du groupe Intermarché, à Villeneuve-les-Béziers et a mis en garde contre les « conséquences » des actions « à l’opposé des fondements initiaux du mouvement ». Le dirigeant a exprimé son souhait de voir « la population et l’économie locale » retrouver de la « sérénité ».
Dans le Bordelais
La CCI Bordeaux Gironde a aussi appelé à une « sortie rapide du conflit » : pour son président, Patrick Seguin, les blocages pénalisent « fortement » les entreprises, en particulier à la veille des fêtes. Tout en disant comprendre « cette colère », il explique rester soucieux « de ne pas amplifier le conflit » et compte sur sa résolution le plus rapidement possible. Contactée par nos soins, la Chambre ne dispose pas encore d’éléments chiffrés permettant d’estimer l’impact de la mobilisation. Pour autant, les remontées dont elle dispose font état d’une perte de chiffre d’affaires de « 20 à 30% ». Elle cite également l’exemple du festival Bordeaux S.O Good, organisé le week-end du 17, et qui a vu sa fréquentation baisser de plus de 20%, une évolution que la Chambre impute en partie aux mobilisations organisées au même moment.
La situation dans cette zone est d’autant plus préoccupante que l’économie locale souffrait déjà d’une perte de vitesse marquée : l’activité girondine a enregistré, au troisième trimestre, un « ralentissement » de son chiffre d’affaires, son carnet de commandes, ses marges commerciales ainsi que de ses investissements. Les professionnels locaux comptent donc d’autant plus sur cette période de fin d’année.
À la Réunion
Exemple le plus emblématique, l’économie de la Réunion a été mise à l’arrêt par les mobilisations qui continuent aujourd’hui encore. Cité par nos confrères du Monde, le président de la Chambre de commerce locale, Ibrahim Patel, déplore une perte de chiffre d’affaires de « 500 millions d’euros » dans le commerce depuis le 17. Il souligne également les difficultés rencontrées par les salariés pour se rendre à leur lieu de travail et estime que les exportations ont perdu « 10 millions d’euros » depuis une semaine.
Devant les mobilisations, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a annoncé qu’elle se rendrait sur l’île ce mercredi pour annoncer des mesures visant à calmer la colère populaire. De nouvelles annonces sur l’emploi et le coût de la vie sont attendues, au lendemain du gel de la hausse des taxes sur les carburants. Dès le début du mouvement des « gilets jaunes », le 19, la CCI demandait à l’État de « déclarer l’île en zone de catastrophe économique », expliquant qu’elle était « paralysée économiquement ».
Dans le Gard
Dans le Gard, la Chambre de commerce s’est dite « fortement sollicitée » par les professionnels inquiets devant l’ampleur des blocages. Une adresse mail spécifique blocages@gard.cci.fr a été créée pour les « aider à traverser au mieux cette crise ». La CCI a également adressé un communiqué estimant que la démarche des gilets jaunes est « contre-productive » : « ce qui se produit depuis samedi n’est pas tolérable », développe-t-elle, en regrettant notamment les « dégradations commises à l’encontre de certaines entreprises ».
Dans les zones rurales
Plusieurs départements ont souligné l’impact important des mouvements sur leur économie. Dès le 9 novembre, l’Allier s’inquiétait par exemple de « l’impact de la hausse du prix des carburants » sur les entreprises de la zone, et estimait qu’il fallait éviter de « pénaliser plus l’économie de proximité et des territoires déjà frappés par un vieillissement de la population, la désertification et un fort taux de chômage ».
Dans le Tarn, le préfet, Jean-Michel Mougard, a appelé la semaine dernière au « rétablissement de la libre circulation », plaidant pour un arrêt des rassemblements qui « perturbent le bon fonctionnement » des entreprises : les manifestants, ajoute-t-il, doivent garder en tête les « conséquences » de leurs actions « sur l’activité économique, le cas échéant sur l’emploi des Tarnais ».
En Ardèche, la CCI a également transmis la « très grande préoccupation des chefs d’entreprise » : « les ventes en ligne explosent et les commerces du territoire souffrent. Évitons d’affaiblir un peu plus le commerce de proximité, en centre-ville ou en périphérie », implore son président, Jean-Paul Poulet, qui conseille aux « gilets jaunes » de se concentrer sur des actions évitant de « se mettre à dos les personnes qui souhaitent circuler et travailler ».