• « Nous avons atteint le stade suprême du consumérisme » (Razmig Keucheyan, Libération, 27.09.19)
    https://www.liberation.fr/debats/2019/09/27/razmig-keucheyan-nous-avons-atteint-le-stade-supreme-du-consumerisme_1754

    Pour Marx, le #capitalisme repose sur une double logique : le #productivisme et le #consumérisme, qui sont étroitement imbriqués. On produit des #marchandises toujours nouvelles, qui sont déversées sur le marché afin d’être consommées. Et ainsi de suite à l’infini. Marx a compris que pour soutenir cette logique dont dépend le profit, le capitalisme doit périodiquement générer des #besoins_artificiels. Cette #théorie_des_besoins, il l’utilise pour développer sa critique de l’#aliénation. Dans les sociétés capitalistes, les individus sont aliénés parce que leurs besoins authentiques sont ensevelis sous des faux besoins. Mais il l’emploie aussi pour comprendre le lien entre le capitalisme et la nature, montrant que la prolifération de besoins artificiels induit un épuisement des #ressources et des #pollutions multiples.
    […]
    Les objets qui nous entourent sont partie prenante des rapports de force politiques. Accroître la durée de vie des biens est une manière de contrecarrer le productivisme et le consumérisme. […] Etendre la garantie favorise la réparation et donc l’inscription des objets dans le temps : 80 % des objets sous garantie sont rapportés pour être réparés lorsqu’ils tombent en panne. Ce chiffre tombe en dessous de 40 % dès lors que celle-ci arrive à échéance. Si l’on veut diminuer la quantité de biens en circulation, afin de soulager l’environnement et nos subjectivités, la garantie est un levier puissant.
    […]
    Tout au long des XIXe et XXe siècles, des courants majoritaires du mouvement ouvrier et des gauches ont été productivistes. Le développement des forces productives devait donner lieu à un accroissement du niveau de vie des classes populaires, et par là même les faire entrer dans la modernité. Il y a une critique rétrospective un peu facile des Trente Glorieuses qui passe sous silence le fait que, dans les pays du Nord en tout cas, les #inégalités ont été stabilisées, si ce n’est réduites. Mais il est clair que le bilan écologique des sociétés d’après-guerre, de part et d’autre du rideau de fer, est assez catastrophique. L’aggravation de la crise environnementale impose une hybridation des mouvements écologistes et anticapitalistes.