• Achat d’Euronews : l’ombre de Viktor Orban | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/economie/achat-deuronews-lombre-de-viktor-orban-6563527.php

    Des entités proches du premier ministre hongrois Viktor Orban ont secrètement participé à l’achat de la principale chaîne d’information européenne Euronews, selon une enquête réalisée par des médias hongrois, français et portugais.

    Officiellement, c’est le fonds d’investissement Alpac Capital, dont le siège est au Portugal, qui a acquis une part majoritaire dans Euronews, en juillet 2022, pour un montant d’environ 170 millions d’euros. La transaction avait été validée, en mai 2022, par le ministère français des Finances, Euronews, qui a son siège à Lyon, étant une entreprise de droit français dans un secteur stratégique, celui des médias.

    45 millions d’euros d’un fonds hongrois
    Or, au moins un tiers des fonds proviennent de sources liées à Viktor Orban, ont révélé, jeudi, le site internet d’investigation hongrois Direkt36, le quotidien français Le Monde et l’hebdomadaire portugais Expresso.

    Le fonds hongrois Szechenyi, un organisme sous la tutelle, au moment de la transaction, d’une fondation présidée par le ministre de l’Économie Mihaly Varga, a apporté une contribution de 45 millions d’euros, selon des documents internes.

    Une présentation PowerPoint, « strictement confidentielle », obtenue par Direkt36, suggère que des considérations d’ordre politique ont joué un rôle dans la décision. L’opération visait notamment à atténuer « le #biais_de_gauche » dans les médias, Euronews étant « influente sur les politiques de l’UE ».

    Le directeur d’Alpac Capital, Pedro Vargas David, est, par ailleurs, le fils de l’ex-député européen Mario David, un ancien conseiller et ami personnel de M. Orban. Le principal partenaire dans les opérations de communication du gouvernement hongrois, New Land Media, a, pour sa part, accordé un prêt de 12,5 millions d’euros à une filiale hongroise d’Alpac Capital impliquée dans cet achat, a confirmé son propriétaire Gyula Balasy à Direkt36.

    Une source interne citée par le média a déclaré qu’il était évident que l’ordre de financer l’investissement venait « d’en haut ».

    « Pas au courant »
    Depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, le paysage médiatique a été profondément remanié : les médias publics sont devenus le relais de la politique officielle, tandis que des proches du pouvoir ont acheté des pans entiers du secteur des médias privés. Euronews, Szechenyi Funds et New Land Media n’étaient pas joignables dans l’immédiat.

    Interrogé par l’AFP, l’attaché de presse de Viktor Orban, Bertalan Havasi, a affirmé que le gouvernement hongrois n’était « pas au courant » de l’accord. Pour l’heure, les journalistes d’Euronews contactés par Le Monde n’ont pas constaté d’influence éditoriale sur les sujets hongrois ou européens. Les syndicats ont cependant dénoncé les contrats publicitaires signés avec des pays comme l’Azerbaïdjan et l’Arabie Saoudite qui, selon eux, affectent les contenus.

    Chaîne d’information continue, lancée en 1993 par une vingtaine de chaînes de télévision européennes, Euronews diffusait, à l’origine, à partir de Lyon, en 15 langues avec une rédaction de 400 journalistes.

    Fournissant des informations à plus de 400 millions de foyers dans 160 pays, elle a connu, depuis 2020, une série de restructurations, avec des effectifs réduits de moitié et une rédaction redéployée à Bruxelles, au plus près des institutions européennes.

  • Women ask fewer questions than men at seminars
    (de 2017, je mets ici pour archivage)

    ONE theory to explain the low share of women in senior academic jobs is that they have less self-confidence than men. This hypothesis is supported by data in a new working paper, by a team of researchers from five universities in America and Europe. In this study, observers counted the attendees, and the questions they asked, at 247 departmental talks and seminars in biology, psychology and philosophy that took place at 35 universities in ten countries. On average, half of each seminar’s audience was female. Men, however, were over 2.5 times more likely to pose questions to the speakers—an action that may be viewed (rightly or wrongly) as a sign of greater competence.

    (#paywall: si quelqu’un·e a accès...)
    https://www.economist.com/science-and-technology/2017/12/07/women-ask-fewer-questions-than-men-at-seminars
    #statistiques #chiffres #questions #séminaires #conférences #genre #femmes #première_question #hommes

    • How to stop men asking all the questions in seminars – it’s really easy!

      I spotted a short item on gender #bias in academia in the Economist this week and tweeted it, which then went viral. The tweet read:

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/wp-content/uploads/2022/09/questions-in-seminars-508x1024.png

      ‘In academic seminars, ‘Men are > 2.5 times more likely to pose questions to the speakers. This male skew was observable only in those seminars in which a man asked first question. When a woman did so, gender split disappeared’. CHAIRS PLEASE NOTE – FIRST Q TO A WOMAN – EVERY TIME.’

      Which confirms an impression I’ve had when chairing assorted discussions – if you let men dominate from the start, it stays that way, but call on women for the first few questions, and things work out much better.

      The research paper that backs up the stats can be found here. It’s based on survey responses of over 600 academics in 20 countriesand observational data from almost 250 seminars in 10 countries. Kudos to the authors, Alecia Carter, Alyssa Croft, Dieter Lukas and Gillian Sandstrom. Their broader recommendations are:

      ‘Increasing the time for or number of questions reduces the imbalance in the questions asked. We recommend that, where possible, the question time not be limited. This could be achieved through, for example, booking a seminar room for longer than one hour so that the next event in the room does not cut short the question time. Having said this, our data suggest that to overcome the male-first question bias, upwards of 25 min is needed for questions, which was a rare occurrence in our data and additionally may be a taxing requirement for the speaker after having given a seminar.

      Alternatively, keeping questions and answers short will allow more questions to be asked during a given question period, and could be an alternative method to allow greater balance in the questions asked. We feel that more could be done through active changes in speakers’, attendees’ and particularly moderators’ behaviour. Having an active, trained moderator may avoid those situations where one audience member seems to be “showing off” (which survey respondents claim to be the case quite often), or is going off-topic, or a speaker who goes over time.

      We would recommend that, should the opportunity arise, a female-first question be prioritised because this was a good predictor of low imbalance in the questions asked in our observational data. In addition, moderators could be trained to see the whole room (location was mentioned as a factor), and to maintain as much balance as possible with respect to gender and seniority of question-askers. In the open-ended survey questions, respondents complained that moderators call on people they know or more senior people, overlooking the rest.

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/wp-content/uploads/2022/09/speeches-disguised-as-comments.jpg

      Although it may seem fair to call on people in the order that they raise their hands, doing so may inadvertently result in fewer women and junior academics asking questions, since they often need more time to formulate questions and work up the nerve.

      Our data clearly show that women are not inherently less likely to ask questions when the conditions are favourable—there is no gender bias when a woman asks the first question. Our suggestions should be seen as aims to create favourable conditions that remove the barriers to speaking up and being visible.’

      One of the single most useful bits of gender-related research I’ve read in a long time. I will do things differently from now on.

      Update: most useful additional advice on twitter comes from Joe Smith. He attended a recent seminar where the chair announced he would take Qs in order ‘girl-boy-girl-boy’. Lets people know in advance, is obviously fair, and is light hearted and infinitely preferable to male chair ‘look how feminist I am’ trumpet-blowing.

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/how-to-stop-men-asking-all-the-questions-in-seminars-its-reall
      #université #recherche #ESR #solution

  • L’#écriture_inclusive par-delà le #point_médian

    La #langue_inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains #stéréotypes induits par l’usage systématique du #masculin_neutre.

    Où sont les femmes dans une langue où le #genre_masculin peut désigner à la fois le #masculin et le #neutre_générique_universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.

    Sharon Peperkamp, chercheuse au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique1 explique : « Il existe une #asymétrie_linguistique en #français où le genre masculin est ambigu et peut être interprété de deux manières, soit comme générique – incluant des personnes de tous genres, soit comme spécifique, incluant uniquement des hommes. Or, on sait depuis longtemps que ce phénomène peut induire un #biais_masculin qui peut avoir a des conséquences sur les #représentations. » Partant de ce postulat que les usages langagiers participent aux #représentations_sociales, les psycholinguistes ont voulu vérifier dans quelle mesure une modification contrôlée de ces usages, notamment par le recours à des tournures dites « inclusives », pouvait affecter certains #stéréotypes_de_genre.

    L’#inclusivité, la #langue_française connaît déjà !

    Un large mouvement a été engagé il y a déjà plusieurs décennies pour reféminiser les usages de langue et la rendre plus égalitaire, à travers l’usage de ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « écriture inclusive ». Mais cette dernière fait #polémique. Des #controverses qui se sont invitées jusqu’au Sénat : le mercredi 25 octobre 2023, la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html). Les parlementaires ont en effet estimé « que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages ». Jugeant, en outre, que « l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une #menace pour la langue française ». Cependant, si tous les regards sont tournés vers l’#écrit et plus précisément vers le point médian, cet aspect-là ne constitue qu’une infirme partie des nombreuses #stratégies_linguistiques proposées pour rendre la langue moins sexiste, tant à l’oral qu’à l’écrit.

    Dans son guide (https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.p) « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié en 2022, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) définit ainsi le #langage_égalitaire (ou non sexiste, ou inclusif) comme « l’ensemble des attentions discursives, c’est-à-dire lexicales, syntaxiques et graphiques qui permettent d’assurer une #égalité de représentation des individus ». Il signale que « cet ensemble est trop souvent réduit à l’expression “écriture inclusive”, qui s’est imposée dans le débat public mais qui ne devrait concerner que les éléments relevant de l’écriture (notamment les abréviations) ». Nous adopterons donc ici l’expression « langage inclusif » ou « langue inclusive » pour désigner les usages oraux et écrits qui permettent d’exploiter les ressources linguistiques à notre disposition pour noter les différents genres.

    « Ce n’est pas la langue française qui est sexiste, ce sont ses locuteurs et locutrices. Qui ne sont pas responsables de ce qu’on leur a mis dans la tête, mais de ce qu’elles et ils en font », affirme Éliane Viennot, professeure émérite de littérature. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’on reféminise la langue. On ne la féminise pas, on la reféminise parce qu’elle a été masculinisée. En fait, il s’agit de la faire fonctionner comme elle sait faire. Tous les noms féminins de métiers, de fonctions sont là depuis toujours – sauf évidemment s’ils correspondent à des activités nouvelles. »

    Et de poursuivre : « Les #accords_égalitaires sont là. Depuis le latin, nous savons faire des #accords_de_proximité ou des #accords_de_majorité. Nous savons utiliser d’autres termes pour parler de l’humanité que le mot “homme”. Nous savons faire des #doublets – il y en a plein les textes anciens, notamment les textes réglementaires. C’est une question de #justesse, ce n’est pas une question de #féminisme. Nos ancêtres n’étaient pas plus féministes que nous ; simplement, ils utilisaient leur langue comme elle s’est faite, comme elle est conçue pour le faire ».

    Le langage inclusif en pratique

    De fait, le français met à notre disposition différentes #stratégies permettant une meilleure représentation des femmes et des minorités de genre dans ses usages. Il est possible de distinguer deux types de stratégies.

    D’une part, les stratégies dites « neutralisantes ». « Il s’agit, non pas d’utiliser du neutre tel qu’il est présent dans la langue aujourd’hui – puisque ce neutre est pensé comme masculin, mais de retrouver du #neutre, de retrouver du commun », expose Eliane Viennot. Cela passe notamment par le recours à des #termes_épicènes, c’est-à-dire des termes qui ne varient pas en fonction du genre comme « scientifique », « architecte », « artiste »… ou encore le pronom « #iel » qui est employé pour définir une personne quel que soit son genre (« les architectes ont reçu des appels à projet auxquels #iels peuvent répondre »).

    Cela passe aussi par l’usage de #mots_génériques tels que « personnes » ou « individus ». Également par des formules englobantes avec des #singuliers_collectifs : « l’équipe » (plutôt que « les salariés »), « l’orchestre » (plutôt que « les musiciens »), « la population étudiante » (plutôt que « les étudiants »), « bonjour tout le monde » (plutôt que « bonjour à tous »). Ou encore par des tournures en apostrophe (« Vous qui lisez cet article » au lieu de « Chers lecteurs ») et autres reformulations, avec, par exemple, le recours à des formulations passives : « L’accès à la bibliothèque est libre » plutôt que « Les utilisateurs ont librement accès à la bibliothèque »).

    D’autre part, les stratégies dites « féminisantes », qui reposent notamment sur la #féminisation des noms de métiers, de fonctions et de qualités : « professeur » = « professeure » ; « Madame le directeur » = « Madame la directrice » ; « L’écrivain Virginie Despentes » = « L’écrivaine Virginie Despentes ». Autre exemple, la #double_flexion, également appelée « #doublet », qui consiste à décliner à la fois au féminin et au masculin les mots : « les lecteurs de cet article » = « les lecteurs et les lectrices de cet article » ; « les auditeurs peuvent nous écrire à cette adresse » = « les auditeurs et les auditrices peuvent nous écrire à écrire à cette adresse ».

    Ces #stratégies_féminisantes englobent aussi les points médians (préférés aux barres obliques et aux parenthèses), qui sont des abréviations de la double flexion : « les lecteur·ices de cet article » ; « Les auditeur·ices », etc. À l’oral, à l’instar des abréviations comme « Dr » ou « Mme » que tout le monde lit « docteur » et « madame », ces termes se prononcent simplement « les lecteurs et les lectrices » ou les « auditeurs et les auditrices » (plus rarement « les lecteurices » ; « les auditeurices »).

    On y trouve également des modalités d’#accords_grammaticaux qui permettent de bannir la règle selon laquelle « #le_masculin_l’emporte_sur_le_féminin ». Les accords de proximité, ou #accords_de_voisinage, qui consistent en l’accord de l’adjectif, du déterminant et/ou du participe passé en genre avec le nom qui se situe au plus proche et qu’il qualifie. Par exemple : « Les auditeurs et les auditrices sont priées d’écrire à cette adresse » ; « Les policiers et les policières sont prêtes à intervenir ». Et les accords de majorité, qui consistent à accorder l’adjectif, le déterminant et/ou le participe passé avec le terme qui exprime le plus grand nombre, par exemple : « Les éditrices et l’écrivain se sont mises d’accord sur le titre du livre ».

    Si le recours à ces différentes stratégies constitue un marqueur social et culturel pour le ou la locutrice, il est loin de ne relever que de la simple posture et produit des effets concrets qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.

    Pour le cerveau, le masculin n’est pas neutre

    Des psycholinguistes se sont ainsi penchés sur les différences entre usage du masculin générique, des formules neutralisantes et des formulations féminisantes comme l’usage d’un pronom ou d’un article féminin et la double flexion pour dire les noms de métiers et de fonctions.

    C’est notamment le cas de Sharon Peperkamp2 : « Nous avons fait lire à nos sujets un court texte portant sur un rassemblement professionnel et leur avons demandé d’estimer le pourcentage d’hommes et de femmes présents à ce rassemblement. Lorsqu’il s’agissait d’une profession non stéréotypée – c’est-à-dire exercée de manière égale par des hommes et des femmes – et lorsque nous avions recours au masculin dit “générique”, les sujets sous-estimaient la proportion de femmes dans le rassemblement. En revanche, lorsque nous utilisions une double flexion, les sujets estimaient un ratio correspondant au ratio effectif dans la société. »

    La chercheuse poursuit : « Lorsqu’il s’agissait d’une profession stéréotypiquement masculine, et que la double flexion était utilisée, la proportion de femmes par rapport à la réalité était en revanche surestimée. » Pour cette psycholinguiste, ces résultats confirment que « il est faux de dire que le langage inclusif ne sert à rien. Il permet au contraire de donner un vrai boost à la visibilité des femmes et permet d’attirer davantage d’entre elles dans des filières supposées masculines. » Elle rappelle, en outre, que des études ont montré que les femmes sont davantage susceptibles de postuler à des #annonces_d’emploi dans lesquelles l’écriture inclusive est utilisée.

    De son côté, Heather Burnett, chercheuse CNRS au Laboratoire de linguistique formelle3, a travaillé sur les différences de représentation engendrées par l’usage d’un article au masculin dit « générique » et d’un article au féminin sur les noms de métier épicènes4 : « L’usage du masculin générique, supposé neutre, engendre un biais masculin. Alors, le masculin est interprété comme référant aux hommes. » Par exemple, « le journaliste » est compris comme un homme exerçant la profession de journaliste.

    C’est aussi ce qu’ont mis en évidence, dans une étude parue en septembre 20235, les psycholinguistes Elsa Spinelli, Jean-Pierre Chevrot et Léo Varnet6. Ce dernier expose : « Nous avons utilisé un protocole expérimental permettant de détecter des différences fines concernant le temps de réponse du cerveau pour traiter le genre des mots. Lorsqu’un nom épicène non stéréotypé est utilisé avec un article également épicène (par exemple “l’otage”ou “l’adulte”), les participants ont largement tendance à l’interpréter comme masculin. Autrement dit, notre cerveau n’interprète pas le masculin comme neutre ». Suivant le même protocole, l’équipe s’est ensuite penchée sur l’usage du point médian. Pour Léo Varnet, les conclusions sont très claires : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. »

    On constate par ailleurs que l’écriture inclusive peut parfois rallonger le temps de #lecture. Ce qui est normal pour Heather Burnett : « Les mots les plus courts et les plus fréquents sont simplement lus plus rapidement ». De son côté, Léo Varlet souligne que si le point médian ralentit un peu la lecture au début d’un article, les sujets s’adaptent et retrouvent rapidement leur rythme de lecture habituel.

    Ces travaux, les tout premiers s’appuyant sur des expériences contrôlées de psycholinguistique et menés avec des sujets francophones, n’épuisent certainement pas le débat scientifique sur les effets cognitifs du langage inclusif. Mais ils indiquent clairement que le recours à certaines tournures inclusives – en particulier dans des stratégies dites « féminisantes » (re)mobilisant des ressources présentes depuis longtemps dans la langue française –, a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes.♦

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/lecriture-inclusive-par-dela-le-point-median

    • Le CNRS ne doit pas être une plateforme militante !
      (mis ici pour archivage...)

      TRIBUNE. Un collectif de 70 personnalités du monde académique appelle la direction du CNRS de corriger les « dérives militantes » de son équipe chargée de la communication.

      Chercheurs et enseignants-chercheurs, nous sommes très attachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à la haute qualité des recherches qui y sont globalement menées en sciences humaines comme en sciences dures. Nous regrettons, du reste, le dénigrement trop fréquent dont cette institution fait l’objet de la part de personnes qui ne la connaissent pas.

      C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons que sa réputation soit ternie par le comportement militant de certains de ses représentants et sa communication. L’article publié dans le Journal du CNRS sous le titre « L’écriture inclusive par-delà le point médian » en est le dernier témoignage. Écrit par une journaliste qui a recueilli l’avis d’enseignants-chercheurs et de chercheurs favorables à l’usage de l’écriture et de la « langue » dites « inclusives », il y est donc entièrement favorable alors que cette forme est fortement controversée, y compris par des linguistes du CNRS.
      Hors cadre scientifique

      Certes, que trouver à redire à ce qu’un journaliste exprime un point de vue ? Rien, à condition du moins que celui-ci soit présenté comme tel et non comme un fait objectif. Mais dans le cas présent, cet article se trouve publié sur l’une des vitrines du CNRS, lui conférant un statut particulier : celui d’un fait scientifique avéré et estampillé par l’institution.

      D’ordinaire, Le Journal du CNRS fait part de découvertes scientifiques solidement étayées, que ce soit en sciences dures ou en sciences humaines. Mais c’est loin d’être le cas ici : l’écriture dite inclusive est un phénomène créé de toutes pièces par des militants, souvent liés au monde universitaire. Y a-t-il un sens à recueillir le point de vue exclusif des tenants de cette innovation militante pour présenter sur un site scientifique une conclusion qui lui est favorable ? La circularité de la démarche fait sortir du cadre scientifique qu’on est en droit d’attendre sur une vitrine de l’institution.

      Enfin, outre qu’il est partisan, l’article est malhonnête dans son propos comme dans ses illustrations. Ainsi, à aucun moment ne sont mentionnés les arguments émanant de chercheurs reconnus contre les prémisses qui ont conduit à l’élaboration de ce langage. L’article présente comme seuls opposants des politiciens et des syndicats de droite.
      Des débats politiques, pas scientifiques

      La communication du CNRS n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Faut-il rappeler les déclarations de certaines des plus hautes instances affirmant en 2021 que l’islamo-gauchisme n’existe pas (seraient-elles aujourd’hui aussi péremptoires ?) ou cautionnant l’usage du concept d’« islamophobie » ? Vu l’absence de tout consensus scientifique sur ces deux sujets, ils relèvent d’un débat politique que l’administration du CNRS n’a pas vocation à trancher.

      Le CNRS est un haut lieu de la recherche publique : son journal et son site ne peuvent devenir l’instrument d’une faction militante, sous peine de se discréditer et, avec lui, les chercheurs qui ont à cœur de remplir leur mission scientifique. En conséquence, nous demandons à sa direction de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger ces dérives en exerçant un droit de regard sans complaisance sur le fonctionnement de sa communication. Il y va de la réputation de l’institution.

      *Cette tribune, signée par un collectif de 70 personnalités du monde académique, est portée par : Michel Botbol (professeur de psychiatrie, université de Bretagne occidentale) ; Bernard Devauchelle (professeur de chirurgie, université de Picardie Jules Verne) ; Dany-Robert Dufour (professeur de philosophie, université Paris-8) ; Nathalie Heinich (sociologue, DRCE CNRS, Paris) ; Catherine Kintzler (professeur de philosophie, université de Lille) ; Israël Nisand (professeur de médecine, université de Strasbourg) ; Pascal Perrineau (politologue, professeur des universités à Sciences Po) ; Denis Peschanski (historien, directeur de recherche au CNRS, Paris) ; François Rastier (directeur de recherche en linguistique, CNRS, Paris) ; Philippe Raynaud (professeur de science politique, université Panthéon-Assas) ; Pierre Schapira (professeur de mathématiques, Sorbonne université) ; Didier Sicard (professeur de médecine, université Paris-Cité) ; Perrine Simon-Nahum (directrice de recherche en philosophie, CNRS) ; Jean Szlamowicz (professeur en linguistique, université de Dijon) et Pierre-André Taguieff (philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS).

      Autres signataires :

      Joubine Aghili, maître de conférences en mathématiques, université de Strasbourg

      Michel Albouy, professeur de sciences de gestion, université de Grenoble

      Martine Benoît, professeur d’histoire des idées, université de Lille

      Sami Biasoni, docteur en philosophie

      Thierry Blin, maître de conférences (HDR) en sociologie, université de Montpellier-3

      Claude Cazalé Bérard, professeur de littérature italienne, université Paris-Nanterre

      Guylain Chevrier, formateur et chargé d’enseignement à l’université

      Jean-Louis Chiss, professeur en sciences du langage, université Sorbonne nouvelle

      Chantal Delsol, philosophe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

      Gilles Denis, maître de conférences HDR HC en histoire des sciences du vivant, université de Lille

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, université de Lille

      Jean Dhombres, EHESS, histoire des sciences

      Laurent Fedi, MCF hors classe, faculté de philosophie de Strasbourg

      Jean Ferrette, docteur en sociologie

      Michel Fichant, professeur de philosophie, faculté des lettres, Sorbonne université

      Renée Fregosi, philosophe et politologue, professeur de l’enseignement supérieur

      Luc Fraisse, professeur de littérature française à l’université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France

      Marc Fryd, linguistique anglaise, maître de conférences HDR, université de Poitiers

      Jean Giot, linguiste, professeur de l’université, université de Namur, Belgique

      Geneviève Gobillot, professeur d’arabe et d’islamologie, université de Lyon-3

      Christian Godin, professeur de philosophie, université d’Auvergne

      Yana Grinshpun, maître de conférences en linguistique française, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Claude Habib, professeur de littérature, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature et langue françaises

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature comparée à Sorbonne université

      Patrick Henriet, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Mustapha Krazem, professeur des universités en sciences du langage, université de Lorraine-Metz

      Philippe de Lara, maître de conférences en philosophie et sciences politiques, université Paris-2

      Marie Leca-Tsiomis, professeur de philosophie, université Paris-Nanterre

      Dominique Legallois, professeur de linguistique française Sorbonne nouvelle

      Michel Messu, professeur des universités en sociologie

      Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Robert Naeije, professeur de médecine, université libre de Bruxelles

      Franck Neveu, professeur des universités de linguistique française, Sorbonne université

      Françoise Nore, linguiste

      Laetitia Petit, maître de conférences, Aix-Marseille université

      Brigitte Poitrenaud-Lamesi, professeur d’italien, université de Caen

      Denis Poizat, professeur en sciences de l’éducation, université Lyon-2

      Florent Poupart, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, université Toulouse-2

      André Quaderi, professeur de psychologie, université Côte d’Azur

      Gérard Rabinovitch, chercheur CNRS en sociologie, Paris

      François Richard, professeur de psychopathologie, université Paris-Cité

      Jacques Robert, professeur de médecine, université de Bordeaux

      François Roudaut, professeur de langue et littérature françaises (UMR IRCL, Montpellier)

      Claudio Rubiliani, maître de conférences en biologie, université Aix-Marseille et CNRS UA Paris-6.

      Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences en langue et littérature médiévales, président du LAÏC

      Jean-Paul Sermain, professeur de littérature française, université de la Sorbonne nouvelle

      Daniel Sibony, philosophe, mathématicien, professeur des universités

      Éric Suire, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne

      Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie, Sorbonne université

      Michel Tibayrenc, professeur de génétique, directeur de recherche IRD, Paris

      Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble, chercheur à Pacte-CNRS

      Dominique Triaire, professeur des universités de littérature française

      François Vazeille, directeur de recherche au Cern, physicien des particules

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Yves Charles Zarka, professeur à l’université Paris-Cité, et ex-directeur de recherche au CNRS

      https://www.lepoint.fr/debats/le-cnrs-ne-doit-pas-etre-une-plateforme-militante-19-02-2024-2552835_2.php

    • La réponse du CAALAP (à la tribune publiée par les « 70 personnalités du monde académique »)

      La fausse neutralité des polémiques conservatrices contre la liberté académique

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant·es et de chercheur·euses qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Contre la police de la science, défendons la liberté académique !

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant.e.s et de chercheur.euse.s qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Ce ne sont rien moins que la section 17 du CNU (Conseil National des Universités), dédiée au suivi des carrières en philosophie, et le CNRS, qui font l’objet de l’opprobre et de la suspicion, sommés de s’amender pour sauver leurs réputations respectives.

      Dans une récente motion, la première propose de mettre en visibilité les violences sexuelles et sexistes, et de reconnaître l’engagement des chercheur.euse.s qui luttent contre ces violences :

      « Au moment de l’examen de l’évolution de la carrière, la section 17 du CNU s’engage à prendre en considération les responsabilités liées à l’instruction et aux suivis des violences sexistes et sexuelles, nous invitons les candidat·e·s aux promotions, congés et primes à l’indiquer expressément dans leur dossier. »

      Sur son blog, la philosophe Catherine Kintzler s’inquiète de la « prise en compte [des politiques d’égalité de genre] de manière aussi insistante dans le processus de recrutement ». Or la motion du CNU traite de « l’évolution de la carrière ». Car les recrutements ne sont pas du ressort du CNU : Catherine Kintzler l’aurait-elle oublié ?

      A cette inquiétude s’ajoute encore la crainte qu’une reconnaissance de ces éléments ne crée un biais fâcheux dans le monde de la recherche, favorisant certains terrains plutôt que d’autres, certain.e.s collègues plutôt que d’autres, alors que les carrières ne devraient tenir compte ni de de l’utilité sociale des travaux académiques, ni de l’implication du scientifique dans la cité. Mme Kintzler ne semble pas craindre pour autant que la non-reconnaissance et l’absence de prise en compte de ces éléments ne favorisent leur neutralisation, créant un biais en faveur des recherches qui occultent et invisibilisent ces violences.

      Se situant dans la ligne de celles et ceux qui présupposent que les chercheur.euse.s, quand ils et elles produisent des contenus, se situent sub specie aeternitatis, adoptant un point de vue de Sirius, elle réitère le fantasme d’une universalité émergeant « de nulle part », comme si cette dernière n’était pas le fruit de la discussion démocratique, du dissensus et de la mise en œuvre de formes de rationalité qui fabriquent de l’universel. Elle s’appuie également sur le mythe de la neutralité du scientifique, dont l’intégrité serait mise en péril par son existence en tant que citoyen.ne, ses activités associatives, son idéologie.

      Ainsi, vouloir inclure la part de l’humanité discriminée en raison de son appartenance de genre, poser cette question de l’égalité à même l’usage du langage, c’est faire preuve d’« idéologie ». Consacrer du temps à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, y compris dans son travail de recherche, y compris au sein de sa propre institution, c’est faire preuve d’« idéologie ». A l’inverse, invisibiliser ces violences, ce serait cela, la neutralité. Tenir les contenus académiques à l’abri du monde réel, se défendre d’aborder des enjeux politiques ou sociaux, c’est-à-dire s’en tenir au statu quo politique, s’accommoder des inégalités et cautionner des dispositifs d’oppression et de domination, bref, être un militant conservateur, être un militant réactionnaire, c’est cela, la neutralité. Comme si l’idéologie n’était pas le vecteur de toute pensée quelle qu’elle soit, et comme si la pensée se fabriquait hors des cadres théoriques et des contextes sociaux qui permettent son émergence.

      Dans le même temps, une tribune, réunissant les 70 signatures de chercheur.euse.s conservateur.rice.s, et parmi elles, de militant.e.s d’une laïcité identitaire, écrit son indignation face à la publication sur le Journal du CNRS, d’un article journalistique évoquant la sensibilité de nombreux.euse.s chercheur.euse.s à l’usage de l’écriture inclusive. Les auteur.rice.s de la tribune déplorent que seuls les arguments favorables à ce mode d’écriture soient présentés dans l’article, sans qu’y figurent les arguments de fond critiques de l’écriture inclusive – tout en admettant que le papier en question est un article journalistique et non pas académique ou scientifique.

      Mais tout à coup, on saute du coq à l’âne, et les auteur.rice.s de cette tribune ne résistent pas à passer de l’écriture inclusive à l’autre cheval de bataille que constitue pour eux l’ « islamo-gauchisme », appellation incontrôlable, créée en 2002 par Pierre-André Taguieff (signataire de cette tribune) pour stigmatiser les défenseurs des Palestiniens, puis revendiquée comme insulte par les militants d’extrême-droite et reprise en chœur par les dignitaires de la mouvance réactionnaire actuelle. Militant pour la reconnaissance d’une réalité du « phénomène islamogauchiste » – et niant symétriquement toute réalité au phénomène rationnellement étayé de l’islamophobie – ce groupuscule de chercheur.euse.s affirme sans ambiguïté son positionnement politique identitaire et réactionnaire. A rebours des méthodes les plus fondamentales des sciences sociales, il s’appuie sur le déni de la parole des premier.ère.s concerné.e.s par les discriminations, qui sont, elles et eux, véritablement « hors cadre scientifique », tenu.e.s en lisière, hors champ du monde académique, alors même que l’une des missions officielles des enseignant.e.s-chercheur.euse.s est de contribuer au dialogue entre sciences et société.

      Le sempiternel argument mobilisé par les auteur.rice.s considère que la défense progressiste de l’égalité et la lutte contre les discriminations relèvent du militantisme, alors que la défense conservatrice du statu quo inégalitaire consiste en une neutralité politique qui serait compatible avec la rigueur scientifique. Ainsi, toutes les positions autres que la position politique conservatrice et/ou réactionnaire des auteur.rice.s de la tribune se retrouvent disqualifiées et suspectes d’un mélange des genres entre savoirs et « idéologies », « hors cadre scientifique ».

      Nous, membres de la CAALAP, protestons contre ces tentatives de censure politique au nom de la neutralité, qu’il s’agisse de l’écriture inclusive ou des travaux documentant les discriminations, notamment racistes et islamophobes. Nous condamnons fermement les entraves à la liberté académique, d’autant plus choquantes quand elles émanent de chercheur·es, à la retraite ou non, qui prétendent faire la police de la science par voie de presse.

      https://blogs.mediapart.fr/caalap/blog/210224/la-fausse-neutralite-des-polemiques-conservatrices-contre-la-liberte

  • More than 1,000 unmarked graves discovered along EU migration routes

    Bodies also piling up in morgues across continent as countries accused of failing to meet human rights obligations.

    Refugees and migrants are being buried in unmarked graves across the European Union at a scale that is unprecedented outside of war.

    The Guardian can reveal that at least 1,015 men, women and children who died at the borders of Europe in the past decade were buried before they were identified.

    They lie in stark, often blank graves along the borders – rough white stones overgrown with weeds in Sidiro cemetery in Greece; crude wooden crosses on Lampedusa in Italy; in northern France faceless slabs marked simply “Monsieur X”; in Poland and Croatia plaques reading “NN” for name unknown.

    On the Spanish island of Gran Canaria, one grave states: “Migrant boat number 4. 25/09/2022.”

    The European parliament passed a resolution in 2021 that called for people who die on migration routes to be identified and recognised the need for a coordinated database to collect details of the bodies.

    But across European countries the issue remains a legislative void, with no centralised data, nor any uniform process for dealing with the bodies.

    Working with forensic scientists from the International Committee of the Red Cross (ICRC) and other researchers, NGOs and pathologists, the Guardian and a consortium of reporters pieced together for the first time the number of migrants and refugees who died in the past decade along the EU’s borders whose names remain unknown. At least 2,162 bodies have still not been identified.

    Some of these bodies are piling up in morgues, funeral parlours and even shipping containers across the continent. Visiting 24 cemeteries and working with researchers, the team found more than 1,000 nameless graves.

    These, however, are the tip of the iceberg. More than 29,000 people died on European migration routes in this period, the majority of whom remain missing.

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    What is the border graves project?
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    About the investigation

    The Guardian teamed up with Süddeutsche Zeitung and eight reporters from the Border Graves Investigation who received funding from Investigative Journalism for Europe and Journalismfund Europe.

    We worked with researchers at the International Committee of the Red Cross who shared exclusively their most up-to-date findings on migrant and refugee deaths registered in Spain, Malta, Greece and Italy between 2014 and 2021.

    Other partners included Marijana Hameršak of the European Irregularized Migration Regime at the Periphery of the EU (ERIM) project in Croatia, Grupa Granica and Podlaskie Humanitarian Emergency Service (POPH) in Poland and Sienos Grupė in Lithuania. The journalist Maël Galisson provided data for France.

    Reporters and researchers also checked death registers, interviewed prosecutors and spoke to local authorities and morgue directors, as well as visiting two dozen cemeteries to track the number of unidentified migrants and refugees who have died trying to cross into the EU in the past decade and find their graves.

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    The problem is “utterly neglected”, according to Europe’s commissioner for human rights, Dunja Mijatović, who has said EU countries are failing in their obligations under international human rights law.

    “The tools are there. We have the agencies and the forensic experts, but they need to be engaged [by governments],” she said. The rise of the hard right and a lack of political will were likely to further impede the development of a proper system to address “the tragedy of missing migrants”, she added.

    Instead, pockets of work happen at a local level. Pathologists, for example, collect DNA samples and the few personal items found on the bodies. The clues to lives lost are meagre: loose change in foreign currency, prayer beads, a Manchester United souvenir badge.

    The lack of coordination leaves bewildered families struggling to navigate localised, often foreign bureaucracy in the search for lost relatives.

    Supporting them falls to aid organisations such as the ICRC, which has recorded 16,500 requests since 2013 for information to its programme for restoring family links from people looking for relatives who went missing en route to Europe. The largest number of requests have come from Afghans, Iraqis, Somalians, Guineans and people from the Democratic Republic of the Congo, Eritrea and Syria. Only 285 successful matches have been achieved.

    And now even some of this support is about to disappear. As governments cut their aid budgets, the ICRC has been forced to refocus its reduced resources. National Red Cross agencies will continue the family links programme but much of the ICRC’s work training police and local authorities is being cut.
    A race against time

    The mini set of scissors and comb worn on a chain were unique to 24-year-old Oussama Tayeb, a small talisman that reflected his job as a barber. For his cousin Abdallah, they were the hope that he had been found.

    Tayeb set sail last year from the north-west of Algeria just before 8pm on Christmas Day. Onboard with him were 22 neighbours who had clubbed together to pay for the boat they had hoped would take them to Spain.

    His family has been searching for him since. Abdallah, who lives in France, fears it is a race against time.

    Spanish police introduced a database in 2007 in which data and genetic samples from unidentified remains are meant to be logged. In practice, the system breaks down when it comes to families searching for missing relatives, who have no clear information about how to access it.

    The family had provided a DNA sample soon after Tayeb’s disappearance. With no news by February, they travelled to southern Spain for a second time to search for him. At the morgue in Almería, a forensic doctor reacted to Tayeb’s photo, saying he looked familiar. She recalled a necklace, but said the man she was thinking of was believed to have died in a jet ski accident.

    “It was a really intense moment because we knew that Oussama was wearing a jet ski lifejacket,” Abdallah said.

    Even with the knowledge that Tayeb’s body may have been found, his cousin was unable to see the corpse lying in the morgue without a police officer. Abdallah remembered the shocking callousness with which he was greeted at one of the many police stations he tried. “One policeman told us that if ‘they don’t want to disappear, they shouldn’t have taken a boat to Spain’.”

    Looming over Abdallah’s continuing search is a practical pressure mentioned by the Spanish pathologist: bodies in the morgue are usually kept for a year and then buried, whether identified or not. “We only want an answer. If we see the chain, this would be like a death certificate. It’s so heartbreaking. It’s like we’re leaving Oussama in the fridge and we can’t do anything about it,” he said.
    ‘Here lies a brother who lost his life’

    The local authorities that receive the most bodies are often on small islands and are increasingly saying they cannot cope.

    They warn that an already inadequate system is going backwards. Spain’s Canary Islands have reported a record 35,410 men, women and children reaching the archipelago by boat this year. In recent months, most of these vessels have sought to land on the tiny, remote island of El Hierro. In the past six weeks alone, seven unidentified people were buried on the island.

    The burial vaults of 15 unidentified people who were found dead on a rickety wooden vessel in 2020, in the town of Agüimes on Gran Canaria, bear identical plaques that read simply: “Here lies a brother who lost his life trying to reach our shores.”

    In the Muslim section of Lanzarote’s Teguise cemetery, the graves of children are marked with circles of stones. They include the grave of a baby believed to have been stillborn on a deadly crossing from Morocco in 2020. Alhassane Bangoura’s body was separated from his mother during the rescue and was buried in an unmarked grave. His name is only recorded informally, engraved on a bowl by locals moved by his plight.

    It is the same story in the other countries at the edge of the EU; unmarked graves dotted along their frontiers standing testament to the crisis. Along the land borders, in Croatia, Poland, Lithuania, the numbers of unmarked graves are fewer but still they are there, blank stones or sometimes an NN marked on plaques.

    In France, the anonymous inscription “X” stands out in cemeteries in Calais. The numbers seem low compared with those found along the southern coastal borders: 35 out of 242 migrants and refugees who died on the Franco-British border since 2014 remain unidentified. The high proportion of the dead identified reflects the fact that people spend time waiting before attempting the Channel crossing so there are often contacts still in France able to name those who die.
    Fragments of hope

    Leaked footage of Polish border guards laughing at a young man hanging upside down, trapped by his foot, stuck in the razor wire on the top of the 180km (110-mile) steel border fence separating Belarus from Poland caused a brief social media storm.

    But the moment he is caught in the searchlights, his frightened face briefly frozen, has haunted 50-year-old Kafya Rachid for the past year. She is sure the man is her missing child, Mohammed Sabah, who was 22 when she last saw him alive.

    Sabah had flown from his home in Iraqi Kurdistan in the autumn of 2021 to Belarus, for which he had a visa. He was successfully taken across the EU border by smugglers but was detained about 50km (30 miles) into Poland and deported back to Belarus.

    Waiting to cross again, his messages suddenly stopped. The family had been coming to terms with the fact he was probably dead. Then the video surfaced. With little else to go on, fragments such as this give families hope.

    Sabah’s parents, as so often happens, were unable to get visas to travel to the EU. Instead, Rekaut Rachid, an uncle of Sabah who has lived in London since 1999, has made three trips to Poland to try to find him.

    Rachid believes the Polish authorities lied to him when they told him the man in the video was Egyptian, and this keeps him searching. “They are hiding something. Five per cent of me thinks maybe he died. But 95% of me thinks he is in prison somewhere in Poland,” he said, adding: “My sister calls every day to ask if I think he is still alive. I don’t know how to answer.”
    Shipping container morgues

    In a corner of the hospital car park in the Greek city of Alexandroupolis, two battered refrigerated shipping containers stand next to some rubbish bins. Inside are the bodies of 40 people.

    The border from Turkey into Greece over the Evros River nearby is only a 10- to 20-minute crossing, but people cross at night when their small rubber boats can easily hit a tree and capsize. Corpses decompose quickly in the riverbed mud, so that facial characteristics, clothing and any documents that might help identify them are rapidly destroyed.

    Twenty of the corpses in the containers are the charred remains of migrants who died in wildfires that consumed this part of Greece during the summer’s heatwave. Identification has proved exceptionally difficult, with only four of the dead named to date.

    Prof Pavlos Pavlidis, the forensic pathologist for the area, works to determine the cause of death, to collect DNA samples and to catalogue any personal effects that might help relatives identify their loved ones at a later date.

    The temporary container morgues in Alexandroupolis are on loan from the ICRC. The humanitarian agency has loaned another container to the island of Lesbos, another migration hotspot, for the same purpose.

    Lampedusa does not have that luxury. “There are no morgues and no refrigerated units,” said Salvatore Vella, the Sicilian head prosecutor who leads investigations into shipwrecks off its coast. “Once placed in body bags, the bodies of migrants are transferred to Sicily. Burial is managed by individual towns. It has happened that migrants have sometimes been buried in sort of mass graves within cemeteries.”

    The scale of the problem was becoming so acute, said Filippo Furri, an anthropologist and an associate researcher at Mecmi, a group that examines deaths during migration, that “there have been cases of coffins abandoned in cemetery warehouses due to lack of space, or bodies that remain in hospital morgues”.
    ‘It’s not only a technical difficulty but also a political one’

    “If you count the relatives of those who are missing, hundreds of thousands of people are impacted. They don’t know where their loved ones are. Were they well treated, were they respected when they were buried? That’s what preys on families’ minds,” said Laurel Clegg, the ICRC forensic coordinator for migration in Europe. “We have an obligation to provide the dead with a dignified burial; and [to address] the other side, providing answers to families through identification of the dead.”

    She said keeping track of the dead relied on lots of parts working well together: a legal framework that protected the unidentified dead, consistent postmortems, morgues, registries, dignified transport and cemeteries.

    The systems are inadequate, however, despite the EU parliament resolution. There are still no common rules about what information should be collected, nor a centralised place to store this information. The political focus is on catching the smugglers rather than finding out who their victims are.

    A spokesperson for the European Commission said the rights and dignity of refugees and migrants had to be addressed alongside tackling people smuggling. They said each member state was responsible individually for how it dealt with those who died on its borders, but that the commission was working to improve coordination and protocols and “regrets the loss of every human life” .

    In Italy, significant efforts have been made to identify the dead from a couple of well-reported, large-scale disasters. Cristina Cattaneo, the head of the laboratory of forensic anthropology and odontology (Labanof) at the University of Milan, has spent years working to identify the dead from a shipwreck in 2015 in which more than 1,000 people lost their lives.

    Raising the wreck to retrieve the bodies has cost €9.5m (£8.1m) already. Organising the 30,000 mixed bones into identifiable remains of 528 bodies has been a herculean task. Only six victims have so far been issued official death certificates.

    As political positions on irregular migration have hardened, experts are finding official enthusiasm for their complex work has diminished. “It’s not only a technical difficulty but also a political one,” Cattaneo said.

    In Sicily, Vella has been investigating a fishing boat that sank in October 2019. It was carrying 49 people, mostly from Tunisia. Just a few miles off shore, a group onboard filmed themselves celebrating their imminent arrival in Europe before the boat ran out of fuel and capsized. The Italian coastguard rescued 22 people but 27 others lost their lives.

    Coastguard divers, using robots, captured images of bodies floating near the vessel, but were unable to recover all of them. The footage circulated around the world. A group of Tunisian women who had been searching for their sons contacted the Italian authorities and were given permits to travel to meet the prosecutor, who showed them more footage.

    One mother, Zakia Hamidi, recognised her 18-year-old son, Fheker. It was a searing experience for both her and Vella: “At that moment, I realised the difference between a mother, torn apart by grief, but who at least will return home with her child’s body, and those mothers who will not have a body to mourn. It is something heartbreaking.”
    The torture of not knowing

    The grief that people feel when they have no certainty about the fate of their missing relatives has a very particular intensity.

    Dr Pauline Boss, professor emeritus of psychology at the University of Minnesota in the US, was the first to describe this “ambiguous loss”. “You are stuck, immobilised, you feel guilty if you begin again because that would mean accepting the person is dead. Grieving is frozen, your decision-making is frozen, you can’t work out the facts, can’t answer the questions,” she said.

    Not knowing often has severe practical consequences too. Spouses may not be able to exercise their parental rights, inherit assets or claim welfare support or pensions without a death certificate. Orphans cannot be adopted by extended family without one either.

    Sometimes relatives are left in the dark for years. A decade on from a shipwreck disaster in 2013, bereaved families continue to gather in Lampedusa every year, still searching for answers. Among them this year was a Syrian woman, Sabah al-Joury, whose son Abdulqader was on the boat. She said that not knowing where he ended up was like having “an open wound”.

    Sabah’s family said the torture of not being able to find out what happened to him was “like dying everyday”. Abdallah thinks he must make another trip from Paris to southern Spain before the end of the year. “What is difficult is not to have the body, not to be able to bury him,” he said.

    Rituals around death were indicative of a deep human need, said Boss. “The most important thing is for the name to be marked somewhere, so the family can visit, and the missing can be remembered. A name means you were on this Earth, not forgotten.”

    https://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2023/dec/08/revealed-more-than-1000-unmarked-graves-discovered-along-eu-migration-r

    #migrations #asile #réfugiés #frontières #mourir_aux_frontières #tombes #fosses_communes #Europe #morts_aux_frontières #enterrement #cimetières #morgues #chiffres

    • The Border Graves Investigation

      More than 1,000 migrants who died trying to enter Europe lie buried in nameless graves. EU migration policy has failed the dead and the living.

      A cross-border team of eight journalists has confirmed the existence of 1,015 unmarked graves of migrants buried in 65 cemeteries over the past decade across Spain, Italy, Greece, Malta, Poland, Lithuania, France, and Croatia. The reporters visited more than half of them.

      Unidentified migrants lay to rest in cemeteries in olive groves, on hilltops, in dense forests, and along remote highways. Each unmarked grave represents a person who lost their life en route to Europe, and a fate that will remain forever unknown to their loved ones.

      This months-long investigation underlines that Europe’s migration policies have failed more than a thousand people who have died in transit and the families who survive them.

      In 2021, the European Parliament passed a resolution recognsing the need for a “coordinated European approach” for “prompt and effective identification processes” for bodies found on EU borders. Yet in 2022, the Council of Europe called this area a “legislative void”.

      These failures mean that the responsibility of memorialising unidentified victims often ends up falling to individual municipalities, cemetery keepers and local good Samaritans, with many victims buried without any attempt at identification.

      https://twitter.com/Techjournalisto/status/1733100115781386448

      In the absence of official data from European and national governments, the Border Graves Investigation collaborated with The Guardian and Suddeutsche Zeitung to count 2,162 unidentified deaths of migrants across eight countries in Europe between 2014 and 2023.

      The cross-border team conducted over 60 interviews in six languages. They spoke with families of the missing and deceased, whose loved ones left for Europe from Syria, Afghanistan, Eritrea, Ethiopia, Iraqi Kurdistan, Algeria and Sri Lanka.

      They revealed the institutional and bureaucratic hurdles of searching for bodies and burying the remains of those that are found. One mother compared her unresolved grief to an “open wound,” and an uncle said it was like “dying every day”.

      To understand the complex legal, medical and political landscape of death in each country, the journalists spoke with coroners, grave keepers, forensic doctors, international and local humanitarian groups, government officials, a European MEP and the Council of Europe Human Rights Commissioner.

      The in-depth investigation reveals that the European Union is violating migrants’ last rights. The stories below show how.
      The team

      The Border Graves Investigation team consists of Barbara Matejčić, Daphne Tolis, Danai Maragoudaki, Eoghan Gilmartin, Gabriela Ramirez, Gabriele Cruciata, Leah Pattem, and is coordinated by Tina Xu. The project was supported by the IJ4EU fund and JournalismFund Europe.

      Gabriele Cruciata is a Rome-based award-winning journalist specialising in podcasts and investigative and narrative journalism. He also works as a fixer, producer, journalism consultant, and trainer.

      Gabriele Cruciata IG @gab_cruciata

      Leah Pattem is a Spain-based journalist and photographer specialising in politics, migration and community stories. Leah is also the founder and editor of the popular local media platform Madrid No Frills.

      X @leahpattem
      IG @madridnofrills

      Eoghan Gilmartin is a Spain-based freelance journalist specialising in news, politics and migration. His work has appeared in Jacobin Magazine, The Guardian, Tribune and Open Democracy.

      X @EoghanGilmartin
      Muck Rack: Eoghan Gilmartin

      Gabriela Ramirez is an award-winning multimedia journalist specialising in migration, human rights, ocean conservation, and climate issues, always through a gender-focused lens. Currently serving as the Multimedia & Engagement Editor at Unbias The News.

      X @higabyramirez
      Linkedin Gabriela Ramirez
      Instagram @higabyramirez

      Barbara Matejčić is a Croatian award-winning freelance journalist, non-fiction writer and audio producer focused on social affairs and human rights

      Website: http://barbaramatejcic.com
      FB: https://www.facebook.com/barbara.matejcic.1
      Instagram: @barbaramatejcic

      Danai Maragoudaki is a Greek journalist based in Athens. She works for independent media outlet Solomon and is a member of their investigative team. Her reporting focuses on transparency, finance, and digital threats.

      FB: https://www.facebook.com/danai.maragoudaki
      X: @d_maragoudaki
      IG: @danai_maragoudaki

      Daphne Tolis is an award-winning documentary producer/filmmaker and multimedia journalist based in Athens. She has produced and hosted timely documentaries for VICE Greece and has directed TV documentaries for the EBU and documentaries for the MSF and IFRC. Since 2014 she has been working as a freelance producer and journalist in Greece for the BBC, Newsnight, VICE News Tonight, ABC News, PBS Newshour, SRF, NPR, Channel 4, The New York Times Magazine, ARTE, DW, ZDF, SVT, VPRO and others. She has reported live for DW News, BBC News, CBC News, ABC Australia, and has been a guest contributor on various BBC radio programs, Times Radio, Morning Ireland, RTE, NPR’s ‘Morning Edition’, and others.

      X: https://twitter.com/daphnetoli
      Instagram: https://www.instagram.com/daphne_tolis/?hl=en
      Linkedin: www.linkedin.com/in/daphne-tolis

      Tina Xu is a multimedia journalist and filmmaker working at the intersection of migration, mental health, socially engaged arts, and civil society. Her stories often interrogate the three-way street between people, policy, and power. She received the Excellence in Environmental Reporting Award from Society of Publishers in Asia in 2021, was a laureate of the European Press Prize Innovation Award in 2021 and 2022, and shortlisted for the One World Media Refugee Reporting Award in 2022.

      X: @tinayingxu
      IG: @tinayingxu

      https://www.investigativejournalismforeu.net/projects/border-graves

    • 1000 Lives, 0 Names: The Border Graves Investigation. How the EU is failing migrants’ last rights

      What happens to those who die in their attempts to reach the European Union? How are their lives marked, how can their families honor them? How do governments recognize their existence and their basic rights as human beings?

      Our cross-border team confirmed 1,015 unmarked graves of migrants in 65 cemeteries buried over the last 10 years across Spain, Italy, Greece, Malta, Poland, Lithuania, France, and Croatia. We visited over half of them.

      Each unmarked grave represents a person who lost their life en route to Europe, and a fate that remains painfully unknown to their loved ones.

      In 2021, the European Parliament passed a resolution recognizing the need for a “coordinated European approach” for “prompt and effective identification processes” for bodies found on EU borders. Yet last year, the Council of Europe called this area a “legislative void.”

      In the absence of official data from European and national governments, the Border Graves Investigation counted 2,162 unidentified deaths of migrants across eight countries in Europe from 2014-2023.

      Our cross-border team conducted over 60 interviews in six languages. We spoke with families of the missing and deceased, whose loved ones left for Europe from Syria, Afghanistan, Eritrea, Ethiopia, Iraqi Kurdistan, Algeria, and Sri Lanka. They spoke about the institutional and bureaucratic hurdles of searching for, and if found, burying a body.

      One mother compared the unresolved grief to an “open wound,” and an uncle said it was like “dying every day.”
      Here is how Europe violates the “last rights” of migrants.

      https://unbiasthenews.org/border-graves-investigation

    • Widowed by Europe’s borders

      “No water, I think I’ll die, I love you.” This is the last text Sanooja received from her husband, who disappeared after a pushback into the dense forest that stretches between Belarus, Lithuania, and Poland. For families searching for missing loved ones, the EU inflicts a second death of identity and acknowledgment.

      Samrin and Sanooja were high school classmates. Both born in 1990, they grew up together in Kalpitiya, a town of 80,000 on the tip of a small peninsula in Sri Lanka. When Samrin first asked Sanooja out in the ninth grade, she said no. But years later, when her roommates snuck through her diary, they asked about the boy in all her stories.

      When they turned 20, Sanooja was studying to be a teacher, while Samrin left town for work. After six years of video calls and heart emoji-laden selfies, Samrin returned home in 2017 and they got married, her in a white headscarf and indigo-sleeved dress, him in a matching indigo suit. Their son Haashim was born a year later. They called each other “thangam,” or gold.

      She hoped the birth of their son meant that Samrin would stay close by from now on. They took their son to the beach, to the zoo. Then the 2019 economic crisis hit, the worst since the country’s independence in 1948. There were daily blackouts, a shortage of fuel, and runaway inflation. In 2022, protests rocked the country, and the government claimed bankruptcy.

      Samrin was a difficult person to fall in love with, says Sanooja, because he was so ambitious. Sanooja smiles bitterly over a video call from her home in Kalpitiya. The sun filters through the mango tree in the yard, where the two often sat together and made plans for their future.

      But part of loving him, she explains, meant supporting him even in his hardest decisions. One of these decisions was to take a plane to Moscow, then to travel to Europe and send money home. “He went to keep us happy, to make us good.”

      Their last day together, Sanooja surprised him with a cake: Sky blue icing, an airplane made of fondant, ascending from an earth made of chocolate sprinkles. In big letters: “Love you and will miss you. Have a safe journey, Thangam.” In their last photos together, Haashim sits laughing on Samrin’s lap as he cuts the cake. That night, Samrin squeezed his son and wept. The next day he put on a pair of blue Converse All-Stars, packed a black backpack, and set out. It was June 26, 2022. He had just turned 32 years old.

      Things did not go according to plan. He boarded a bus from St. Petersburg to Helsinki, but the fake Schengen visa they paid so much for was rejected at the Finnish border. Sanooja told him he could always come home. But in order to finance the journey, they had sold a plot of Samrin’s land and Sanooja’s jewelry, and borrowed money from friends. Samrin decided there was no turning back. He pivoted to plan B: He could go to Belarus, where he didn’t need a visa, and cross the border to Lithuania, in the Schengen zone.

      When Samrin checked into the Old Town Trio Hotel in Vilnius on August 16, 2022, the first thing he did was call home: He had survived the forest. Sanooja was relieved to hear his voice. He told her about the eight days crossing the forest between Belarus and Lithuania, the mud up to his knees. Days without food, drinking dirty water. He told her especially about the pains in his stomach as he walked in the forest, due to his recent surgery to remove kidney stones. Sometimes he would urinate blood.

      But he was in the European Union. He bought a plane ticket for a departure to Paris in four days, the city where he hoped to make his new life. What happened next is unclear. This is what Sanooja knows:

      On the third day, Samrin walked into the hotel lobby, and the manager called security. Plainclothes officers shuttled him into a car and whisked him 50 kilometers back once more to the Belarusian border. In less than 72 hours, Samrin found himself trapped again in the forest he had fought to escape.

      It was already dark when Samrin was left alone in the woods. He had no backpack, sleeping bag, or food. His phone was running out of battery. The next morning, Samrin came online briefly to send Sanooja a final message on WhatsApp: “No water, I think I’ll die. Trangam, I love you.”

      That was the beginning of a deafening silence that stretched four and a half months. When she gets to this part of the story, Sanooja, ever talkative and articulate, apologizes that she simply cannot describe it. Her eyes glaze and flit upward.

      The Council of Europe Human Rights Commissioner Dunja Mijatović asserts that families have a “right to truth” surrounding the fates of their loved ones who disappear en route to Europe. In 2021, the European Parliament passed a resolution calling for “prompt and effective identification processes” to connect the bodies of those who perished to those searching for them. Two years on, Mijatović tells us not much has been done, and the issue is a “legislative void.”

      As part of the Border Graves Investigation, conducted with a cross-border team of eight freelance journalists across Europe in collaboration with Unbias the News, The Guardian and Sueddeutche Zeitung, we followed the stories of those who have disappeared in the forest that covers the borders in Eastern Europe, between Belarus and the EU (Lithuania, Poland, Latvia).

      We spoke with their families, as well as over a dozen humanitarian workers, lawyers, and policymakers from organizations in Poland, Lithuania, and Belarus, to piece together the question of what happens after something goes fatally wrong on Europe’s eastern border—and who is responsible.
      Who counts the dead?

      The forest along the Belarussian border is a dense landscape of underbrush, moss and swamps, and encompasses one of the largest ancient forest areas left in Europe.

      Spanning hundreds of square kilometers across the borders with Lithuania and Poland, the forest became an unexpected hotspot when Belarus began issuing visas and opening direct flights to Minsk in the summer of 2021. This power play between Belarussian President Lukashenko and his EU neighbors has been called a “political game” in which migrants are the pawns.

      Since 2021, thousands of people, mostly from the Middle East and Africa, have sought to enter the EU from Belarus via its borders in Poland and Lithuania. Hundreds of people have been caught in a one-kilometer no man’s land between Belarusian territory and the EU border fence, chased back and forth by border guards on both sides under threat of violence. Belarusian guards reportedly threatened to release dogs, and photographs emerged of bite wounds.

      Since 2021, Poland and Lithuania have ramped up on “pushbacks,” in which border guards deport people immediately without the opportunity to ask for asylum, a process that is growing in popularity across Europe despite violating international law. Poland reports having conducted 78,010 pushbacks since the start of the crisis, and Lithuania 21,857. Samrin was apparently one of these cases.

      While these two countries publish precise daily statistics for pushbacks, they do not publish data for deaths at the border, nor people reported missing.

      “National states want to do this job secretly,” explains Tomas Tomilinas, a member of the Lithuanian Parliament. “We are on the margins of the law and constitution here, any government pushing people back is trying to avoid publicity on this topic.”

      Official data is an intentional void. Both the Polish and Lithuanian Border Guards declined to share any numbers with us. However, there are organizations striving to keep count: Humanitarian groups in Poland, including Grupa Granica (“Border Group” in Polish) and Podlaskie Humanitarian Emergency Service (POPH), have documented 52 deaths on the Poland-Belarus border since 2021, and are tracking 16 unidentified bodies.

      In Lithuania, the humanitarian group Sienos Grupė (“Border Group” in Lithuanian) has documented 10 deaths, including three minors who died while in detention centers, and three others who died in car accidents when chased by local authorities after crossing the border region. In Belarus, the NGO Human Constanta reports that 33 have died according to government data shared with them, but it was not recorded whether these bodies have been identified, and whether or where they are buried.

      On the borders between Poland, Lithuania and Belarus, humanitarian groups have compiled a list of more than 300 people reported missing. The organizations emphasize that their numbers are incomplete, as they have neither the access nor the capacity to monitor the full extent of the problem.

      Where to turn?

      It was already past midnight in Sri Lanka when Samrin stopped responding to messages. From 8,000 km away, Sanooja tried to call for help. She found his last known coordinates on Find My iPhone, a blue dot in Trokenikskiy, Grodno region, just across the Belarus side of the border, and tried to report him missing.

      The Lithuanian and Belarussian border guards picked up the phone. She begged them to find him, even if it meant arresting or deporting him. They responded that he had to call himself. It was baffling: How can a missing person call to report themselves?

      She called the migrant detention camps, where people are often detained without access to a phone for months. Maybe he was locked up somewhere. As soon as she said “hello,” they responded, “no English,” and hung up. She emailed them instead, no response. She emailed UNHCR and the Red Cross Society. Both institutions said they had no information about the case. She emailed the police, who responded a week later that they had no information.

      Sanooja had run into the rude reality that there is no authority responsible for nor prepared to respond to such inquiries. Even organizations dedicated to working with migrants, such as the migrant detention camp staff, would or could not respond to basic queries in English.

      International humanitarian organizations, too, are almost absent in the region. Compared to the Mediterranean countries of Spain, Italy, and Greece, which have had a decade to organize to respond to mass deaths on their border, the presence of formal aid in Eastern Europe is much smaller.

      Weeks passed, and in the terrible silence, every possibility behind her husband’s disappearance invaded Sanooja’s mind. Four-year-old Haashim began to cry out for his father every night, who used to wake him up with kisses. When they lost contact, Haashim often wet the bed and refused to go to school. “He must have had some intuition about his father,” said Sanooja.

      Then Sanooja began to wonder if he could be in another country in the region: Latvia? Poland? She broadened her search to all four countries. There was no Sri Lankan Embassy in Lithuania, Poland, Belarus, or Latvia, so she emailed the closest one in Sweden. Then, she went on Facebook. That’s how she found the account of Sienos Grupė, and sent them a message.

      Like many local humanitarian groups across the region, Sienos Grupė is a small team of four part-time staff and around 30 volunteers. The group banded together in 2021 to respond to calls for help through WhatsApp and Facebook and drop off vital supplies in the forest, such as food, water, power banks, and dry clothes.
      “There is a body, please go”

      Local volunteer groups were doing their best to aid the living, but it wasn’t long before they were being contacted to find the missing or the dead.

      On the Polish border, everyone has heard of Piotr Czaban. A local journalist and activist, his contact is shared among migrants attempting to cross the border. He is known as the man who can help find the bodies of people left behind in the woods, a reputation he has lived up to many times. The demands of the work have led him to leave his full-time job.

      He sits on the edge of a weathered log in a forest near Sokolka, a city near the Poland-Belarus border region where he lives. Navigating the thick undergrowth with ease in jeans and trekking boots, he recounts the first search he coordinated back in February 2022. He received a message on Facebook from a Syrian man in Belarus: “There is a body in the forest, here is the place, please go.”

      Piotr was taken off guard. He asked his friends in the police what to do, and they told him the best way was to go himself, take photos, and then call the police. However, the border guards had closed the border region to all non-residents, including journalists and humanitarian workers, so he couldn’t pass the police checkpoints for the area where the body lay.

      So Piotr made another call. This time to Rafal Kowalczyk, the 53-year-old director of the Mammal Research Institute, who has worked in the Bialowieza Forest for three decades. (“In my previous TV job, I interviewed him about bison, and thought he was a good man,” said Piotr by way of introduction).

      Rafal was up for the task. As a wildlife expert, he had access to the restricted forest area, and now he ventured into the woods not to track bison, but to follow the clues sent by a despairing Syrian man.

      In the swamp, Rafal found 26-year-old Ahmed Al-Shawafi from Yemen, barefoot and half-submerged in the water, one shoe in the mud nearby.

      It was difficult for Rafal to point his camera at the face of a dead man, but he did, and this image still haunts him. Piotr forwarded the photos Rafal had taken to the police, with a straightforward message: “We know there’s a body there. Now you have to go.”

      But what if Ahmed could have been found earlier, even alive?

      “The police have no competence”

      Until there is a photo of a dead body, police and border guards have often declined to search for missing or dead migrants.

      Ahmed’s traveling companions, including the man who contacted Piotr, had personally begged Polish border guards for emergency medical aid for Ahmed. They had left Ahmed by the river in the throes of hypothermia to ask for help. Instead of calling paramedics, or searching for Ahmed at all, the border guards pushed the group back to Belarus, leaving Ahmed to die alone in the forest.

      In our investigation, we heard of at least three other deaths that are eerily similar to Ahmed’s: Ethiopian woman Mahlet Kassa, 28; Syrian man Mohammed Yasim, 32; and Yemeni man Dr. Ibrahim Jaber Ahmed Dihiya, 33. In all three cases, traveling companions approached Polish officers for emergency medical attention, but instead got pushed back themselves. Help never arrived.

      Each time the activists receive a report of a missing or dead person, they first share this information with the police. Piotr says he has received responses from the police, including, “We’re busy,” or “Not our problem.”

      After police were provided with the photos and exact GPS location of Ahmed’s body, they called back to say they still couldn’t find him. When Rafal turned his car around to personally lead the police to his body, he found out why: The police had ventured into the swamp without waterproof boots or even a GPS to navigate in a forest where there is often no cell connection.

      “The police are unequipped,” said Rafal, full of disbelief. Two years on from the crisis, the police still do not have the proper basic equipment nor training to conduct searches for people missing or dead in the forest. He recounts that in one trip to retrieve a body with police, they could only walk 300 meters in one hour, and one officer had lost the sole of his shoes in the mud.

      The Polish police responded to our email, “The police is not a force with the competence to deal with persons illegally crossing borders.” As a result, eight of 22 bodies found this year on the Polish side of the border were discovered by volunteers like Piotr and Rafal.

      On the Lithuanian side, Sienos Grupė says there are no such searches. “We are afraid there are many bodies in Lithuanian forests and the area between the fence and Belarus, but we are not allowed there,” says Aušrinė, a 23-year-old medicine student and Sienos Grupė volunteer in Lithuania. “Nobody is looking for them.”
      “In two weeks, there is nothing there”

      Rafal sits down in a wooden lodge on the edge of the forest and orders tea for himself while his two young children play on a tablet. It was his turn with the kids, he explains in a deep voice. His wife came home at four in the morning, after spending the whole night volunteering with POPH on a search for a man with diabetes in the forest.

      He feared that time was running out. We met with Rafal on Thursday evening. The man was found on Saturday morning, already dead. He is the 51st death recorded in Poland this year.

      In the forest, each search is a race against both time and wild animals.

      The winter may preserve a body for two months, but in the summer, the time frame is much shorter. A few times, Rafal has come across mere skeletons. He explains, “When there is a smell, the scavengers go immediately. When you’ve got summer and flies, probably in two weeks, it’s done, there’s nothing there.”

      In such advanced stages of decomposition, the body is exponentially more difficult to identify. However, DNA can be collected from bone fragments, in case families come searching. If they’re lucky, there are objects found close by: glasses, clothes, or jewelry. In one case, a family portrait found near the body was the key to identification.

      However, the Suwałki Prosecutor’s Office in Poland explained to us that the Prosecutor’s Offices keep no central register of data on deceased migrants, such as DNA, personal belongings, or photographs.
      “As a wife, I know his eyes”

      Four and a half months after Samrin disappeared, Sanooja’s phone rang. It was January 5, 2023. She will never forget the voice of the man that spoke. He was calling from the Ministry of Foreign Affairs in Sri Lanka, and informed her that her husband’s DNA had been matched to a body found in the Lithuanian forest. Interpol had drawn Samrin’s biometric data from the UK.

      She considers it fate that the dots came together this way. When they were 20 years old, Samrin’s father passed away, and Samrin left for London on a student visa. Instead of studying, he washed dishes at McDonald’s and KFC, and stocked shelves at Aldi, Lidl, and Iceland. When his visa expired, he lived a clandestine existence, evading the authorities. At age 26, the Home Office arrested him, took his DNA, and deported him. This infraction turned out to be an unexpected lifeline for his identification.

      “Getting the message that my husband was no more, that was nothing compared to those four and a half months,” said Sanooja. She had begun to fear that she would have to live with “lifelong doubt” around Samrin’s fate. Now she knew that four days after Samrin sent his goodbye message, his body was pulled from a river on the Lithuanian side of the border.

      Sanooja has read the police report countless times now: On August 21, 2022, witness Saulius Zakarevičius went for a morning swim in the Neris River. After bathing, he saw something floating. Through binoculars, he was able to decipher human clothes. The river bank is covered with tall grass. At the end of the patch there was a male corpse lying face down. The surface of the skin was swollen, pale, chaotically covered with pink lines, resembling the surface of marble. The skin was peeling from the palms of the corpse…

      She was asked to identify the corpse.

      “As a wife, I know him. I know his eyes. To see them on a dead body, that was terrible.”
      Sanooja

      In photos of his personal items, she instantly recognized Samrin’s shoes: a muddy pair of blue Converse All-Stars, with the laces looped just the way he always did.

      To be able to transport a dead body from Europe to any other part of the world, families must face the financial challenge of costs up to 10,000 euros. But the decision was not only about money for Sanooja. It was about time and dreams.

      For one, she believed that he had suffered enough. “As Muslims, we believe that even dead bodies can feel pain,” she says softly. “I felt broken that he was in the mortuary, feeling the cold for four and a half months.”

      And perhaps most of all, she recites what Samrin had told her before he left: “If I go, this time I’m not coming back.” In the end, Sanooja relied on her husband’s last will. “His dream was to be in Europe. So, at least his body will rest in Europe.”
      “Graves without a plate”

      Samrin’s death was the first border death publicly recognized by the Lithuanian government. Despite being the first, he did not receive any distinctive attention, and his resting place remained an unmarked mound of earth for more than eight months.

      On a hot summer day in July, co-founder of Sienos Grupė, Mantautas Šulskus brings a green watering can and measuring tape to our visit to the Vilnius cemetery where Samrin was buried in February. Green grass is sprouting all over Samrin’s grave. But it is not the only one.

      There are three smaller graves lined in a row. Among them, an eleven-year-old, a five-year-old, and a newborn baby rest side by side, their lives cut short in 2021. “These are three minors who died in detention centers in Lithuania,” Mantautas points out somberly.

      These cases have not been officially acknowledged by Lithuanian authorities, and none of the graves of the minors bear a name, even though their identities were also known to authorities. This lack of recognition paints a haunting picture, suggesting a second, silent death—a death of identity and acknowledgment.

      Bodies are sent to municipal or village governments to bury, and if they do not receive explicit instructions to create a plate, they often opt not to. As a result, the nameless graves of migrants are scattered across cemeteries in the region.

      Yet Mantautas is here in the scorching heat to measure a stone plate nearby in the Muslim corner of the cemetery. Sanooja saw it during a video call with Sienos Grupė volunteers, so that she could pray virtually at her husband’s grave. She asked for a plate with Samrin’s name on it—“just exactly like that one there,” she pointed.

      After some months, Sienos Grupė crowdfunded around 1,500 euros to buy and place stone plates for all four graves. The graves of Samrin and the three children now have names: Yusof Ibrahim Ali, Asma Jawadi, and Fatima Manazarova.

      Resting at the feet of the grave is a plate made of stone bearing the inscription “M.S.M.M. Samrin, 1990-2022, Sri Lanka,” precisely as Sanooja has requested. She explains that, according to Islamic beliefs, this will ensure that her husband will rise when the last days come.

      Hidden graves, unknown bodies

      The chilling thing, Mantautas explains, is nobody knows how many graves of migrants there might be, except for the government, which buries them quietly, often in remote villages.

      Organizations like Sienos Grupė find themselves grasping in the dark for leads. Last month, volunteers came across the grave of Lakshmisundar Sukumaran, an Indian man reported dead in April “quite by accident,” says Mantautas. The revelation came on the Eve of All Saint’s Day, when activists preparing for a control ran into a local returning from a visit to his mother’s grave: “There is a migrant buried in town.”

      Indeed, Sukumaran’s grave stands alone in an isolated corner of a small cemetery in Rameikos, a village of 25 people on the Lithuanian-Belarus border. Set apart from crosses of various sizes, a vertical piece of wood bears the inscription: “Lakshmisundar Sukumaran 1983.06.05 – 2023.04.04.” The border fence is visible from his grave. The earth is decorated by the colorful leaves of Lithuanian autumn.

      Sienos Grupė maintains a list of at least 40 people reported missing on the Lithuania-Belarus border, information the government does not record. When bodies are found, they strive to connect the dots: Location, gender, age, ethnicity, possessions, birthmarks, anything. But if authorities do not report when a body is found, the chances of locating anybody on this list are small.

      Emiljia Śvobaitė, a lawyer and volunteer from Sienos Grupė, explains that the Lithuanian government will only confirm whether something they already know is correct. “It seems like they are hiding these kinds of stories and information unless somebody exposes it. They would only confirm the deaths after activists have said something about it.”
      “No political will”

      The Lithuanian Parliament building, known as the Seimas Palace, is an imposing glass-and-concrete building in downtown Vilnius. It is where the Lithuanians declared independence from the Soviet Union in 1990. From an office with a view over the square, Member of Parliament Tomas Tomilinas wryly explains that their government has legalized pushbacks essentially because Europe has not established that it’s illegal.

      “I would say Europe has no political will to make pushbacks illegal. If there were a European law, the European Commission would put a ban on it. It would put a fine on Lithuania. But nobody’s doing that.”
      Member of Lithuanian Parliament, Tomas Tomilinas

      The Polish parliament legalized pushbacks in October 2021, and the Lithuanian parliament followed suit by legalizing pushbacks in April this year.

      Emiljia raises concerns about the violence of pushbacks her clients have seen. “The government keeps telling us they do everything really nicely. They give people food, and even wave goodbye to them, in the daytime. But when we look at specific cases, where people end up without their limbs on them, those pushbacks are performed at night.”

      She also raises concerns about legalized pushbacks in Lithuania, and whether border guards should be given the right to assess and deny asylum claims on the spot. “It’s funny because border guards should decide right away on the border whether a person is running from persecution, meaning a border guard should identify the conflict in the country of origin, and do all the work that the migration department is doing.”

      “It’s naive to believe that the system would work.”
      Fighting back in court

      With the help of Sienos Grupė’s support for legal expenses, Sanooja took the case to court. If the Lithuanian officials wouldn’t speak with her, perhaps they would speak to lawyers.

      Yet last month, Sanooja’s case was closed for the final time by the Vilnius Regional Prosecutor’s Office after seven appeals. The case never made it to trial.

      The Vilnius court claims there is no basis for a criminal investigation. Emiljia, who was on the team representing Sanooja in the case, responds that the pre-trial investigation didn’t investigate the cause of death properly, nor how the acts of the border police might have caused or contributed to the death of the applicant’s husband.

      Rytis Satkauskas, law professor, managing partner of ReLex law firm, and the lead attorney on Sanooja’s case, questions whether the Lithuanian courts are trying to hide something greater: he points to a series of inconsistencies in Samrin’s autopsy report.

      Autopsies should be conducted immediately to determine the cause of death. However, Samrin’s autopsy report claims that the cause of death cannot be established because the body was in an advanced state of decomposition of up to five months.

      Five months after Samrin’s death is the same time around which Sanooja got in touch to pursue the truth of the matter. Satkauskas does not think this is a coincidence: “I believe they left the body in the repository, then when they established the identity of the person, they had to do this autopsy.”

      The autopsy report explains the advanced state of decomposition by referencing the marshy area in which it was found, claiming the heat of the marsh had accelerated decomposition by up to five months within a matter of days.

      Satkauskas asks further: If Samrin simply drowned, then why do other measurements not add up? He references a table of measurements in the autopsy report, in which the weight and algae content of the lungs are normal. However, Satkauskas says, in cases of drowning, both weight and algae content should be much higher. “I’m convinced they have invented all those measurements,” Satkauskas puts simply.

      As Sanooja’s case has exhausted all legal avenues in Lithuania, it is now eligible for appeal to the European Court of Human Rights.

      Emilija points to a promising parallel: in Alhowais v. Hungary, the European Court of Human Rights ruled this February that a Hungarian border guard’s violent pushback ending in the drowning of a Syrian man violated Articles 2 and 3 of the European Convention of Human Rights, which protects the “right to life” and against “torture or inhuman or degrading treatment or punishment.”

      The decision came in February this year, seven years after the death of the defendant’s brother. Yet for Sanooja and her team, the case provides hope that there is a growing legal precedent for victims of pushbacks.

      A battle in court for Sanooja could be a long and expensive one. The case in Vilnius courts had cost 600 euros for each of the seven appeals, and after Sanooja ran out of funds after the first case, Sienos Grupė stepped in to shoulder the costs of the appeals.

      For the ECHR, it will cost 1500 euros to submit the proposal. Sanooja is exploring the possibility of raising money through NGOs or other means to continue the long quest for truth.

      The window of eligibility to appeal will close in February 2024.
      “Wherever I go, I have memories”

      Day by day, Sanooja’s son grows to look more like Samrin.

      She has tried not to cry in front of him. “It makes him upset. I am the only person now for my son, so I should be strong enough to face these things,” says the 32-year-old widow. “But wherever I go, I have memories. And everything my son does reminds me of him.”

      Before Samrin’s body was found, she told her son “false stories,” but with his body now interred, she has opened up to her son about her father’s death. He understands it the way a child might—he runs around telling neighbors his father is in heaven, and it’s a great place. It will be years before he can point to where Lithuania is on a map.

      Thanks to the cooperation of the Sri Lankan embassy in Sweden, Sanooja is one of the few families who have been able to receive a death certificate. She notes this will be crucial when her son enrolls for school and if they decide to sell or expand their property. However, to correct the misspelling on the document, she needs to travel to Colombo, the capital of Sri Lanka, which takes ten hours and nearly 10,000 rupees.

      Meanwhile, Samrin’s death has ruptured the family into those who can accept the reality of his death, and those who cannot. Sanooja’s mother-in-law has ceased contact with her, unable to wrap her head around the fact that her boy is gone. When Samrin had left, he promised his mother to send money so that she would no longer have to wake up early to make pastries to sell in the morning. On the day of Samrin’s funeral, she told the family, “That is not my son.”

      “What difference does it make, finding the body and burying it?” asks Pauline Boss, the Psychology Professor emeritus at the University of Minnesota who coined the term “ambiguous loss,” which encompasses the unique stress of not knowing whether someone you love is alive or dead.

      Professor Boss states that burying someone is a distinct human need—not just for the dead, but for the living. “In all cases, a human being has to see their loved one transform from breathing to not breathing, and have the power and control to deal with the remains in their particular cultural way. It’s a human need, and it has been for eons.”

      Yet few families are able to attend the funerals of their loved ones in Europe, for the same reason their loved ones tried to travel to Europe on such a dangerous road in the first place: inability to obtain a visa, or lack of funds.

      “I hope one day I will visit, and I will show our son his father’s grave,” Sanooja declares.

      When Samrin was interred into the snow-covered February earth of Liepynės cemetery in Vilnius on Valentine’s Day this year, a volunteer present at the burial offered to video call Sanooja through FaceTime.

      In the grainy constellation of pixels of the phone screen in her palm, from 8,000 kilometers away, she watched her husband disappear forever into the cold European soil.

      https://unbiasthenews.org/widowed-by-europes-borders

      #Lituanie #Biélorussie #forêt #Pologne #Bialowieza

    • Missing data, missing souls in Italy

      How Italy’s failing system makes it almost impossible for families to identify their relatives who passed away while reaching the EU.

      Before the Syrian civil war erupted, Refaat Hazima was a barber in Damascus. His father, grandfather, and great-grandfather had also been barbers. Thanks to his craftsmanship, flair, and a reputation built over four generations, Refaat was a wealthy man. Together with his wife – a doctor for the national service – he could afford to have his three children study instead of sending them to work at a young age.

      “They were always the top of the class,” he recalls in a nostalgic voice as he sits alone in a seaside restaurant on Lampedusa, a small Sicilian island halfway between Malta and the eastern coast of Tunisia. The rocky shores along which he now slowly enjoys eggplant served with fresh tuna were the scene of the most traumatic episode of his life.

      “President Bashar al-Assad had centralized all power in his hands, and our daily life in Syria had become complicated.” Refaat was also temporarily imprisoned for political reasons. But the point of no return for him and his wife was the outbreak of civil war in 2011. It became clear that not only their children’s educational future was in jeopardy, but even the survival of their entire family.

      So they decided to leave.

      The couple paid smugglers more than fifty thousand dollars to attempt to reach Germany, where their children could continue their education. But amid rejections, hurdles, and hesitations that forced the family into months-long stages in different countries, Refaat and his family had to wait until 2013 to finally set sail to the European shores of Lampedusa.

      Although it was autumn, the sea was calm that night. Initial concerns related to the sea conditions and the wooden boat that was all too heavily laden with humans now dissipated. In the darkness of the night sea, the shorelines and the flickering lights of street lamps and restaurants were in sight. But suddenly the boat in which they were traveling capsized.

      “Everyone was screaming as we ended up in the sea,” Rafaat recalls. “I grabbed one of my children, my wife grabbed another child. But in the commotion and screaming of the nighttime shipwreck, two of my children disappeared.”
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      The couple were rescued by Italian authorities and brought to the mainland along with one of their children. The other two, however, disappeared. “One of them told me Dad, give me a kiss on the forehead, and then I never saw him ever again.”

      From 2013 to the present, Refaat has searched everywhere for their children. For 10 years he has been traveling, asking, and searching. He has even appeared on TV hoping one day to be reunited with them. But to this day he still does not know if his children were saved or if they are two of the 268 victims of the October 11, 2013 shipwreck, one of the worst Mediterranean disasters in the last three decades.

      Uncertain and partial numbers

      For more than two decades, Italy has been one of the main gateways for migrants wanting to reach the European Union. Between thirty and forty thousand people have died trying to reach Italy since 2000. But despite this strategic location, authorities have never created a comprehensive register to census the dead returned from the sea, and thus sources are confusing and approximate.

      In any case, the figure of bodies found is only a percentage of the people who lost their lives while attempting to cross over to Europe. In fact, the bodies of those who die at sea are rarely recovered. When this happens, they are even more rarely identified by Italian authorities.

      A study conducted by the International Committee of the Red Cross tried to map the anonymous graves of migrants in various European countries and count the number of deaths recovered at sea. According to the report, between 2014 and 2019, 964 bodies of people – presumed migrants – were found in Italy, of which only 27 percent were identified. In most of the cases analyzed, identification occurred through immediate visual recognition by their fellow travelers, while those traveling without friends or relatives almost always remained anonymous.

      Overall, 73 percent of the bodies recovered in Italy between 2014 and 2019 remain unknown.

      A DNA test for everyone

      “The vast majority of bodies end up at the bottom of the sea and are never recovered, becoming fish food,” explains Tareke Bhrane, founder of the October 3 Committee, an NGO established to protect the rights of those who die trying to reach Europe. “The Committee was born in the aftermath of the two disastrous shipwrecks on October 3 and 11, 2013 to make Italy understand that even those who die have dignity and that respecting that dignity is important not only for those who die, but also for those who survive,” Bhrane recounts.

      On October 3, 2023, the Committee organized a large event on the island of Lampedusa to commemorate the 10th anniversary of the shipwreck. Dozens of families of people who died or disappeared gathered on the island, traveling from many European and Middle Eastern countries.

      On the island were also forensic geneticists from Labanof, a leading forensic medicine laboratory at the University of Milan that has been working with prosecutors and law enforcement agencies for decades now to solve cases and identify unnamed bodies. Relatives of missing persons were thus able to undergo a free DNA test to find out more about their loved ones.

      One of the committee’s main activities in recent years has been to lobby Sicilian municipalities for better management of anonymous graves. Thanks in part to the NGO, today almost all Sicilian provinces now house some victims of migration, often anonymous, in their cemeteries.

      “Among the essential points of our mission,” Bhrane explains, “is to create a European DNA database for the recognition of victims, so that anyone who wants to can take a DNA test anywhere in Europe and find out if a loved one has lost their life trying to get here.”
      Resigned and hopeful

      https://www.youtube.com/watch?v=1RhbqUACTv8&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Funbiasthenews.org%2

      While Refaat has not yet resigned himself to the idea that his children may have died at sea, other relatives have become more aware and would like to know where Italy buried their loved ones. But this is often impossible because the graves are anonymous and there is a lack of national records that they can consult to find their loved ones.

      This is the case for Asmeret Amanuel and Desbele Asfaha, two Eritrean nationals who are respectively the nephew and brother of one of the people aboard the boat that capsized in 2013.

      “We heard from the radio that the boat he was traveling on had sunk. We never heard from him again,” Asmeret says. The two traveled all the way to Lampedusa to undergo DNA testing, hoping to match their loved one’s name for the first time with one of the many acronyms that have appeared on migrants’ anonymous graves and find out where he rests.

      “I remember as children we used to play together,” says Desbele. “And instead today I don’t even know where to mourn him. Yet it would take so little.”

      An organizational failure

      Many Italian cemeteries hold anonymous graves of people who died while migrating, especially in the South. It is difficult to map them all and provide an exact number, just as it is nearly impossible to quantify the number of anonymous graves. Again, there is no centralized, national database, and even at the municipal level information is scarce and partial.

      But thanks to an international investigation project called the “The Border Graves Investigation” and promoted by IJ4EU and Journalism Fund of which Unbias the News is one of the partners, it is now possible to shed light on what resembles a large European mass grave.

      From the Italian side of the investigation, large gaps emerge on Italy’s part in the construction of a national cemetery archive. According to protocol, data on anonymous graves are supposed to be sent every three months from individual cemeteries and work their way up a long bureaucratic chain until they reach the desk of the government’s Special Commissioner for Missing Persons, an office created by the Italian government in 2007 precisely to create a single national database.

      But sources from the Special Commissioner told the Border Graves Investigation team that unidentified bodies are not within their jurisdiction because in cases where there is an alleged crime (e.g., illegal immigration) the jurisdiction passes to the local magistrate. Thus, the source confirmed that no office systematically collects this data and that figures areeverything is scattered in individual prosecutors’ offices.

      However, the documentary traces of migrants’ anonymous graves are often already lost in the records of the cemeteries themselves or municipal records, that is, at the first step in the chain. For example, in Agrigento, it is possible to visit the graves of men and women who died at sea marked by numbers, but in the paper registers consulted by our team of journalists there is no trace of them.

      Yet the records are deposited a few meters from the graves themselves.

      In Sciacca, Agrigento province, the municipal administration moved some anonymous graves of migrants inside a mass grave to make room for new burials. However, it did not follow the prescribed regulations and did not notify the relatives of the few victims who had been identified and whose names were listed on the grave. The matter was discovered at the time when a woman went to the cemetery to pray at her sister’s grave and did not find her in her usual place.

      In other cases, anonymous graves have been moved from one cemetery to another due to the need for space, but without alerting the population.
      The bureaucratic snag

      Finding out the fate of a loved one is so complicated for several reasons. First, the identification of the body, which the Italian authorities do not generally consider a priority. Then there is the difficulty of recognition itself, especially when relatives are abroad or have difficulty contacting Italian authorities.

      In addition, there is the problem of traceability of the bodies, which often remain on the seabed and, in the few cases where they are found, enter a bureaucratic machine in which it is arduous to recover their traces. Researcher and anthropologist Giorgia Mirto explained this to our investigative team: “The corpses should be registered in the registrar’s office where the body is found. But then the body is often moved within the same cemetery, from one cemetery to another or from one municipality to another, and so there is documentation that travels along with the body. Moves that are difficult to track.”

      “Moreover,” Mirto adds, “adding to the difficulty is the absence of unified procedures. “With the Human Cost of Border Control project, we have seen that the only way to count these people and their graves is to do a blanket search of all the municipalities, all the cemetery offices, all the registrars’ offices and all the cemeteries, possibly adding the funeral homes as well.”

      Thus, there is a problem with centralization and transparency of data that is often also linked to the huge austerity cuts that have forced municipalities to work understaffed. Emblematic is the Commissioner’s Office for Missing Persons, which would be responsible for compiling a list of unidentified bodies found on Italian soil, but has been left without a portfolio.

      “As anthropologist Didier Fassin says,” the researcher concludes, “missing data is not the result of carelessness but is an administrative and political choice. It should be understood how much this choice is conscious and how much is the result of disinterest in the good work of municipal archives (an essential resource for historical memory and for the peace of victims’ families) or in understanding the cost of borders in terms of human lives.”

      EU responsibilities

      Forensic scientist Cristina Cattaneo – a professor at the University of Milan and director of the Labanof forensic laboratory – explained to our team that from a forensic point of view, the most important procedure for identifying a body is to collect both post-mortem (from tattoos to DNA, through cadaveric inspections and autopsies) and antemortem medical forensic information, that is, that which comes from family members regarding the missing person.

      However, in many countries, including Italy, no law makes this procedure mandatory. In the case of people who die while migrating, this is done only in egregious cases, such as large shipwrecks that become news. “These cases have shown that a broad and widespread effort to identify the bodies of those who die at sea is possible,” says Cattaneo. “However, most people lose their lives in very small shipwrecks that don’t make too much news. And because there is no protocol to make data collection systematic, many family members are left in doubt as to whether their loved ones are alive or dead.”

      All this happens despite the great efforts made over the years by the government’s Extraordinary Commissioner for Missing Persons, which, despite being the only national institution of its kind at the European level, has to manage a huge amount of data from all Italian municipalities. Data that are often disorganized, reported late, and collected without adhering to common and strict procedures.

      This is why Cattaneo is among the signatories of an appeal calling for the enactment of a European law that would once and for all oblige member states to identify the bodies of migrants.

      “Yet a European solution would exist and from a technical point of view it is already feasible,” Cattaneo adds. It involves data exchange systems such as Interpol, which at the European level already collects, organizes, and can share information and organically to member countries.

      “It would be enough to expand the analysis to include missing migrants and thus make it possible to search and identify them on a European scale. But this is not being done because of a lack of political will on the part of Brussels,” Cattaneo concludes.
      “The art of patience”

      https://www.youtube.com/watch?v=PlDtBRg02aU&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Funbiasthenews.org%2

      Identifying the bodies of people who lose their lives coming to Europe is an important issue on several levels.

      First and foremost, international humanitarian law protects the right to identity for both those who are alive and those who have died. But identifying is also an essential issue for those who remain alive. Indeed, without a death certificate, it is almost impossible for a spouse to marry again or to access survivor’s pensions, just as it is impossible for a minor relative to leave their country with an adult without running into a blockade by the authorities, who cannot rule out the possibility of child abduction.

      Then there is the issue of suspended grief, namely the condition of those who do not know whether to search for a loved one or mourn his or her death.

      This is the case for Asmeret and Desbele, but also for many relatives interviewed by our team.

      Sabah and Ahmed, for example, are a Syrian couple. One of their sons disappeared in 2013 after a shipwreck in Italian waters. For 10 years, Ahmed retraced the same land and sea route followed by his son, hoping to find his body or at least get more information. But the efforts were in vain and to this day the family still does not know what happened to him.

      “His children are still with us and often ask, ‘where is Dad? Where is Dad?’ but without a grave and a body, we still don’t know what to answer.”

      Both Sabah and Ahmed are very religious and today rely on Allah to give them the comfort they have not found in the work of institutions. “The greatest gift from Allah,” they recount, “was the patience with which to be able to move forward in the face of such unnatural grief for a parent.”

      A similar lesson was learned by Refaat, who like Ahmed and Sabah has been living in ignorance for ten years. Today he has opened a barber store in Hamburg and realized his dream of having his surviving son study in Germany.

      “I have been searching for my children for ten years, and Allah knows I will search for them until the end of my days, should I find their dead bodies, or should I find them alive who knows where in the world. But I want to die knowing that I did everything I could to find them.”
      Refaat Hazima

      Sometimes his voice trembles. “I often talk to them in my sleep, I feel that they are still alive. But even if I were to find out they are dead, in all these years I would still have learned how to deal with frustration and pain, how to live with emptiness. And most importantly,” he concludes, “I would have learned the art of patience.”


      https://unbiasthenews.org/missing-data-missing-souls

      #Italie #Tareke_Brhane #comitato_3_ottobre #3_octobre_2013 #Lampedusa

    • Unmarked monuments of EU’s shame in Croatia and Bosnia

      Amid pushbacks and torture, many of the victims of the treacherous Balkan route are laid to an anonymous final resting place in Croatian and Bosnian cemetaries.

      In the village of Siče in eastern Croatia, there are more inhabitants in the cemetery than among the living. The village has 230 living residents, and 250 dead. To be more precise, the cemetery is home to 247 locals and three unknown persons. There would be more people six feet under if Siče hadn’t gotten its own cemetery only in the 1970s. There would also be even more of the living if they hadn’t, like many from that region, gone to bigger cities in search of a better life. Abroad as well, mainly to Germany.

      The graves of Siče’s inhabitants briefly tell the visitor who these people were, where they belong, and whether their loved ones care for them. That’s the thing with graves, they summarise the basic information of our life.

      If the grave bears only the inscription “NN”, that summarises a tragedy.

      Who are these three people whose names are unknown? How come their last resting place is a plain grave in Siče?

      Even if you didn’t know, it’s clear that those three people don’t belong there.

      They have been buried completely separated from the rest of the cemetery. Three wooden crosses with NN inscriptions, stuck in the ground at the edge of the cemetery. NN, an abbreviation of the Latin nomen nescio, literally means, “I do not know the name.” The official explanation from the public burial ground operator is that space has been left for more possible burials of those whose names are not known. However, the explanation that springs to mind when you get there is that they were buried separately so they wouldn’t mix with the locals. Or as the mayor of another town, where NN migrants have also been buried at the edge of the cemetery, let slip in a telephone conversation, “So that they’re not in the way.”

      At the cemetery in Siče, these are the only three graves that no one takes care of. In about five years, all trace of them could disappear. The public burial ground operator is obliged to bury unidentified bodies, but not to maintain graves unless the grave belongs to a person of “special historical and social significance.”

      NN1, NN2 and NN3 are of special significance only to their loved ones, who probably don’t even know where they are. Maybe they are waiting to finally hear from them from Western Europe. Maybe they’re looking for them. Maybe they mourn them.

      Identities known but buried as unknown

      If you do dig a little deeper, you will learn a thing or two about those who rest here nameless.

      In the early, cold morning of December 23, 2022, the police found two bodies on the banks of the Sava, the river that separates Croatia from Bosnia and Herzegovina. It separates the European Union from the rest of Europe. According to the police report, they also found a group of twenty foreign citizens who illegally entered Croatia via the river. The group was missing one more person. After an extensive search, a third body was found in the afternoon. The pathologist of the General Hospital in the town of Nova Gradiška established the time of death for all three people as 2:45 A.M. Two died of hypothermia, one drowned.

      Identity cards from a refugee camp in Bosnia and Herzegovina were found on them. We learned that, according to their IDs, all three were from Afghanistan: Ahmedi Abozari was 17 years old, Basir Naseri was 21 years old and Shakir Atoin was 25 years old. NN1, NN2 and NN3.

      Other migrants from the group also confirmed the identity of two of them, as the Brodsko-Posavska County police administration told us. Then why were they buried as NN? If it was known that they were from Afghanistan, why were they buried under crosses? If families are looking for them, how will they find them?

      The cemetery management was kind and said that they perform burials according to what is written in the burial permit signed by the pathologist – and it said NN.

      The pathologist said that he enters the data based on the information he receives from the police.

      The competent police department told us that the person is buried according to the rules of the local municipality.

      Siče cemetery belongs to the municipality of Nova Kapela, whose mayor, Ivan Šmit, discontentedly listed all the costs that his municipality incurred for those burials and said that whoever is willing to pay for it can change the NN inscription into names.

      We came across a series of similar administrative ambiguities while investigating how authorities deal with the deceased people they recover at EU borders as a part of the Border Graves Investigation carried out by a team of eight freelancers from across Europe together with Unbias the News, The Guardian and Süddeutsche Zeitung.

      There is no centralised European database on the number of migrants’ graves in Europe.

      But the team managed to confirm the existence of at least 1,931 migrants’ graves in Greece, Italy, Spain, Croatia, Malta, Poland and France, dating from 2014 to 2023. Of these, 1,015 were unidentified. More than half of the unidentified graves are in Greece, 551, in Italy 248, and in Spain 109. The data were obtained based on the databases of international organizations, non-governmental organizations, scientists, local authorities and cemeteries, and field visits.

      The team visited 24 cemeteries in Greece, Spain, Italy, Croatia, Poland and Lithuania, where there are a total of 555 graves of unidentified migrants in the last decade, from 2014 to 2023.

      These are only those whose bodies have been found. The International Committee of the Red Cross (ICRC) estimates that more than 93% of those who go missing on Europe’s borders are never found.
      Families lost in bureaucracy

      December 2022, when the three young Afghans died, was rainier than usual and the Sava River swelled. It is big and fast to begin with.

      In that area, just three days earlier, five Turkish citizens went missing after their boat overturned on the Sava. Among them were a two-year-old girl, a twelve-year-old boy and their parents. The brother of the missing father came from Germany to Croatia to find out what happened to the family. From the documentation, which we have in our possession, it is evident that with the help of translator Nina Rajković, he tried to get information about his missing relatives from several police stations. Even months later, he hasn’t received any updates.

      The two had wanted to file a missing person’s report, but the police told them that there was no point in doing so if the person had not previously been registered in the territory of Croatia or Bosnia and Herzegovina.

      We encountered a number of similar examples. A young man had come to Croatia and reported to the police in both Croatia and Slovenia that his brother had drowned in the Kupa River that separates the two countries. However, his brother’s disappearance was not recorded in the Croatian national database of missing persons, which is publicly available. The police did not contact him after several unidentified bodies were found in the Kupa in the following days.

      In another example, an Afghan man waited six months for the body of his brother, who drowned when they tried to cross the Sava together, also in December 2022, to be transferred from Croatia to Bosnia and Herzegovina so that he could bury him. Although he had confirmed that it was his brother, the identification process was lengthy and complicated.

      There are numerous families who tried from afar to track down their loved ones who had disappeared in the territory of Croatia, only to finally give up in discouragement.

      There are many questions and few clear answers when it comes to the issue of missing and dead migrants on the so-called Balkan Route, of which Croatia is a part. There are no clear protocols and procedures defining to whom and how to report a missing person. It is not known whether missing migrants are actively searched for, as tourists are when they disappear in the summer. It is not clear how much and which information is needed for identification.

      “The circulation of information between institutions and individual departments seems almost non-existent to me."

      “In one case, it took me more than two months and dozens of phone calls and emails to different addresses, police stations, police departments, hospitals, and the state attorney’s office, just to prompt the initiation of identification, which to this day, more than a year later, has not been completed,” says Marijana Hameršak, activist and head of the project “European Regime of Irregular Migration on the Periphery of the EU” of the Institute of Ethnology and Folklore Research in Zagreb, which collects knowledge and data on missing and dead migrants.

      Searches for missing migrants and attempts to identify the dead in Croatia, as well as in neighbouring Bosnia and Herzegovina, most often rely on the efforts of volunteers and activists, who, like Marijana, untiringly search for information in the chaotic administration because families who do not know the language find this task practically insurmountable.
      “Die or make your dream come true”

      The Facebook group “Dead and Missing in the Balkans” became the central place to exchange photos and information about the missing and the dead between families and activists.

      The competent Ministry of the Interior does not have a website in English with an address where one can write from Afghanistan or Syria and inquire about the fate of loved ones, leave information about them, and report them missing. There is also no regional database on missing and dead migrants on which the police administrations would cooperate, not even the ones from the countries where the most crossings are recorded – from Bosnia and Herzegovina to Croatia.

      In an interview with our team, Dunja Mijatović, the Council of Europe Commissioner for Human Rights, emphasised that the creation of a centralised European database of missing and dead migrants is extremely important. If such a database combined ante-mortem and post-mortem data on the deceased, the chances of identification would greatly increase.

      “Families have a right to know the truth about the fate of their loved ones.”
      Dunja Mijatović, Council of Europe Commissioner for Human Rights

      Yet, police cooperation in keeping the EU’s external border impervious is effective.

      Previously, people attempting to migrate did not try to cross the Sava so often. They knew it was too dangerous. They share information with each other and do not venture across such a river in children’s inflatable boats or inner tubes. Unless they are utterly desperate. With pushbacks and the use of force, which many organisations like Amnesty International and Human Rights Watch have been warning about for years, the Croatian police made it difficult to cross at other, less dangerous points along the Croatian border, which is the longest external land border in the European Union. As a young Moroccan in Bosnia and Herzegovina who tried to cross the border to Croatia 11 times but was pushed back by the Croatian police each time told us, “You have two choices: die or make your dream come true.”

      It is difficult to determine how many died on the Balkan Route in an attempt to fulfil their dream. The most comprehensive data for ex-Yugoslav countries is collected by the researchers of the “European Regime of Irregular Migration on the Periphery of the EU (ERIM)” project. It records 346 victims from 2014 to 2023 in Croatia, Bosnia and Herzegovina, Serbia, Slovenia, North Macedonia and Kosovo. Each entry in ERIM’s database is individual and contains as much data as the researchers managed to collect, and they use all available sources – media reports, witnesses, official statistics, activist channels. But the figure is certainly significantly higher. Some who went missing were never even registered anywhere.

      Many bodies were never found. For example, another common border crossing, the Stara Planina mountain range between Bulgaria and Serbia, is a rough and inaccessible terrain. Only those who have been driven to this route by the same fate will come across the bodies, and they will not risk encountering authorities to report it.

      If people die in the minefields remaining from the wars in Croatia and Bosnia and Herzegovina, there will not be much left of their bodies. Most bodies were found drowned in rivers, but there is no estimate of how many who drowned were never reported missing, or were never found.

      The Croatian Ministry of the Interior provided us with data on migrants who have died in Croatia since 2015, when records began to be kept, until the end of November 2023: according to the data, a total of 87 migrants died on the territory of the Republic of Croatia. To put it more precisely: that’s how many bodies were found in Croatia. Not a single official body in Croatia, Bosnia and Herzegovina and Serbia keeps records of migrants buried in that territory.

      However, we managed to obtain data for Croatia, thanks to inquiries sent to over 500 addresses of cities, municipalities and municipal companies that manage cemeteries. According to the data obtained, there are 59 graves of migrants in 32 cemeteries in Croatia who were buried in the last decade, namely from 2014 until September 2023. Of these, 45 have not been identified. The Ministry of the Interior says that since 2001, DNA samples have been taken from all unidentified bodies. We asked the Ministry to allow us to talk with experts who work on the identification of migrants, but we were not approved.

      Some of the buried were exhumed and returned to their families in their country of origin, although this is a demanding and extremely expensive process for the families.
      The burden of not knowing

      Among the NN graves is a stillborn baby from Syria buried in 2015 in the town of Slavonski Brod. A five-year-old girl who drowned in the Danube was buried in Dalje in 2021. Last summer, a young man died of exhaustion in the highlands in the Dubrovnik area. Some were hit by a train. Many died of hypothermia. Some die because they were not provided medical help early enough. Some don’t believe anything can help them, so they committed suicide.

      According to the law, they are buried closest to the place of death, which are mostly small cemeteries, such as the one in Siče. Often, just like in that village, their graves are separated from the rest of the cemetery. In some places, like in Otok, one of the tender-hearted local women has given herself the task of taking care of the NN grave. In others, like the cemetery in Prilišće, the NN wooden cross from 2019 has already rotted.

      Each of these NN graves leaves behind loved ones who bear the burden of not knowing what happened. In psychology, this is called ambiguous loss, which means that as long as relatives do not have confirmation that their loved ones are dead, and as long as they do not know where their bodies are, they cannot mourn them.

      If they go on with their lives, they feel guilty. And so they remain frozen in a state between despair and hope. American psychologist Dr. Pauline Boss is the author of the concept and theory of “ambiguous loss.”

      “A grave is so important because it helps to say goodbye,“ she said in an interview for our investigation.

      There are also practical consequences of this frozen state: succession rights cannot be carried out, bank accounts cannot be accessed, family pensions cannot be obtained, the partner cannot remarry, and custody of children is complicated.

      Many families in Croatia and Bosnia and Herzegovina know ambiguous loss very well. Both countries went through war in the 1990s that left thousands of people missing.

      Both countries have special laws on the missing in those wars and well-developed mechanisms of search, identification, data storage and mutual cooperation. But this does not apply to migrants who vanish and die among the thousands who are on the move along the Balkan Route.
      Croatia responsible for death of a child

      Croatia became an important point of entry into the European Union after Hungary closed its borders in September 2015. From then until March 2016, it is estimated that around 660,000 refugees passed through the Croatian section of the Balkan corridor – the interstate, organised route. This corridor allowed them to get from Greece to Western Europe in two or three days. Most importantly, their journey was safe.

      Of these hundreds of thousands of people on the move, the Croatian Ministry of the Interior did not record a single death in 2015 and 2016.

      The corridor was established to prevent casualties after a large number of refugees died on the railway in Macedonia in the spring of 2015. However, with the conclusion of the EU-Turkey refugee agreement in March 2016, the corridor closed. The EU committed to generously funding Turkey to keep refugees on its territory, so that they do not come to the European Union. And so the perilous, informal Balkan Route remained the only option. Many take it. In the first ten months of 2023 alone, the Croatian police recorded 62,452 actions related to illegal border crossings.

      Both the Croatian Ombudswoman Tena Šimonović Einwalter and Council of Europe Human Rights Commissioner Dunja Mijatović warn of the same thing: border and migration policies have a clear impact on the risk of migrants going missing or die. It is necessary to establish legal and safe migration routes in the EU.

      However, the EU expects Croatia to protect its external border, and Croatia is doing so wholeheartedly. Croatian Minister of the Interior Davor Božinović calls such practices “techniques of discouragement” and says they are fully in line with the EU Schengen Border Code.

      The result of such practices is, for example, the death of Madina Hussiny. The six-year-old girl from Afghanistan was struck by a train and killed after Croatian police “discouraged” her and her family away from the Croatian border and told them to follow train tracks back to Serbia in the middle of the night in 2017. The European Court of Human Rights ruled in November 2021 that Croatia was responsible for Madina’s death.

      In a typical “discouragement,” Croatian police transport people to points along the border and order them to cross. In the testimonies we heard, as well as in many reports of non-governmental organisations, people described having to wade or swim across rivers, climb over rocks or make their way through dense forest. They often cross at night, sometimes stripped naked, and without knowing the way because the police usually take away their mobile phones.

      Up to 80% of all pushbacks by Croatian police may be impacted by one or more forms of torture, indicates data collected by Border Violence Monitoring Network in 2019. That means that thousands were victims of border torture.

      According to data collected by the Danish Refugee Council, in the two-year period from the beginning of 2020 to the end of 2022, at least 30,000 people were pushed back to Bosnia and Herzegovina.
      “While trying to reach Europe”

      https://www.youtube.com/watch?time_continue=112&v=SFLYVVtsjGc&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fu

      Among them is Arat Semiullah from Afghanistan. In November 2022, he intended to cross the Sava River and enter Croatia from Bosnia. He was 20 years old. He drowned and was buried at the Orthodox cemetery in Banja Luka. His family in Afghanistan did not know what happened to him. He had sent his mom a selfie with a fresh haircut for entering the European Union and then he stopped answering.

      The mother begged her nephew Payman Sediqi, who lives in Germany, to try to find him. Payman got in touch with the activist Nihad Suljić, who voluntarily helps families find out what happened to their loved ones in Bosnia and Herzegovina. They spent weeks trying to get information. Payman travelled to Bosnia and managed to find his relative thanks to the helpfulness of a policewoman who showed him forensic photographs. Arat’s mom confirmed by phone that it was her son.

      Arat’s obituary published in Bosnia and Herzegovina said that “Croatian police sank the boat using firearms, and he tragically drowned.” With the help of the Muslim community, and at the request of the family, his body was transferred to the Muslim cemetery in the village of Kamičani. The family wanted to bury him in Afghanistan, but it was too expensive and bureaucratically complicated.

      In September 2023, we met with Nihad and Payman when a large tombstone was erected for Arat. It says, “Drowned in the Sava River while trying to reach Europe.” Payman told us that Arat was crossing the Sava with a group of others trying to enter Europe. Some of them managed to cross over to the Croatian side, but then the Croatian police shot at the rubber boat Arat was in. The boat sank and Arat drowned. That’s what a survivor who crossed over to the Croatian bank of the Sava told Payman. Payman says that Arat’s family is in great pain, but at least they know where their son is and that he was buried according to their religious customs. It is important to Payman that his relative’s grave says he died as a migrant.

      “People die every day in Europe, fleeing countries where there is no life for them. Their dreams are buried in Europe. No one cares about them, not even when European policemen shoot at them,” Payman says.

      Payman knows what kind of dreams he’s talking about. He himself came to Germany illegally at the age of 16. He says he was lucky.

      Nihad advocates that other graves of migrants in Bosnia and Herzegovina also be permanently marked as such. He takes us to the cemetery in the town of Zvornik, where 17 NN migrants are buried. Nihad says he was informed that some of them had their passport on them when they were found. From the cemetery, you can see the river Drina, which separates Serbia from Bosnia and where many lives have been lost during crossing attempts. About 30 bodies were found in the Drina this year alone. Nihad says that they are lucky if they wash up on the Bosnian riverbanks, because in Serbia the authorities often do not perform autopsies nor take DNA samples. This was confirmed to us by activists from Serbia. In those cases, they are forever and completely lost to their families.

      The earthen NN graves in Zvornik are overgrown and not demarcated, so you wouldn’t know if you are stepping on them. Nihad managed to convince the Town of Zvornik to replace the wooden signs with black stone. It is important to him that they are buried with dignity, but he also finds it important that they stand there as a memorial.

      “My wish is that even 100 years from now these graves stand as monuments of the EU’s shame. Because it was not the river that killed these people, but the EU border regime,” Nihad says.

      https://unbiasthenews.org/unmarked-monuments-of-eus-shame-croatia-bosnia

      #Bosnie #Croatie #Zvornik #Madina_Hussiny

    • Counting the invisible victims of Spain’s EU borders

      Investigation finds hundreds of victims of migration to the EU lie in unmarked graves along Spain’s borders, with government taking no coordinated action to guarantee “last rights.”

      In January 2020, Alhassane Bangoura was buried in an unmarked grave in the Muslim area of Teguise municipal cemetery in Lanzarote as city officials and members of the local Muslim community watched on. He had been born only a couple of weeks earlier onboard a cramped patera migrant boat on which his mother, who is from Guinea, and 42 others were trying to reach the Spanish Canary Islands. Their boat was adrift on the Atlantic ocean after its motor had failed two days earlier, and Alhassane’s mother had gone into labour at sea. Her child only lived for a few hours before dying just off the coast of Lanzarote.

      Alhassane’s case shocked the island and made national news. Yet as mourners paid their respects, his mother was 200 kilometres away in a migrant reception centre on the neighbouring island of Gran Canaria, having been unable to get permission from authorities to remain on Lanzarote for the funeral.

      “She’d been allowed to see the body of her son one more time before being transferred, and I accompanied her to the funeral home,” says Mamadou Sy, a representative of the local Muslim community. “It was very emotional as she was leaving. All we could do was promise her that her son would not be alone; that like any Muslim, he’d be brought to the Mosque where his body would be washed by other mothers; that we would pray for him and that afterwards we’d send her a video of the burial.”

      Nearly four years later, Alhassane’s final resting place remains without a formal headstone. It lies next to more than three dozen graves of unidentified migrants – whose names are completely unknown but who, like Alhassane, are also victims of Europe’s brutal border regime.

      Border Graves

      Such a scene is no anomaly along Spain’s vast coastline. Border graves like these can be found in cemeteries stretching from Alicante on the country’s eastern Mediterranean coast to Cádiz on the Atlantic seaboard and south to the Canaries. Some have names but, more often than not, the inscription reads some variation of “unidentified migrant,” “unknown Moroccan,” or “victim of the Strait [of Gibraltar],” or there is simply a hand-painted cross.

      In Barbate cemetery in Cádiz, where the deceased are sealed into niches in traditional brick-walled stacks around two metres in height, groundskeeper Germán points out over 30 different migrant graves, the earliest of which date from 2002 and the most recent are from a shipwreck in 2019.

      "No one ever comes to visit, but on days when there are funerals here and flowers are about to be thrown out, I place them on the tombs containing the unknown migrants,” he explains. “In some of the older graves, you have the remains of up to five or six migrants together, each placed in separate sacks within the same niche to save space.”

      Along the coast, in Tarifa, Spain’s earliest mass grave of unidentified migrants, containing 11 victims from a 1988 shipwreck, overlooks the northern reaches of the African continent, which can be seen on a clear day. Meanwhile, around 400 kilometres west of the African coast, on the remote Canarian island of El Hierro, seven unidentified migrants have been buried in the last two months, along with the remains of 30-year old Mamadou Marea. “Locals joined us to accompany the remains of each of these people to their last resting place,” explains Amado Carballo, a councillor on El Hierro. “What upset all of us was not being able to put a name on the tombstone and simply having to leave the person identified by a police code.”

      Such concern was less evident in Arrecife, Lanzarote where two unidentified graves from February this year have been left sealed with a covering that still bears a corporate logo.

      There is no comprehensive data on how many identified and unidentified migrant graves exist in Spain, and the country’s Interior Ministry has never released figures for the total number of bodies recovered across the various maritime migration routes. But in exclusive data from the International Committee of the Red Cross (ICRC), Unbias The News can reveal that the bodies of an estimated 530 people who died at Spain’s borders were recovered between 2014 and 2021 – of which 292 remain unidentified.

      In the six month Europe-wide Border Graves Investigation, undertaken in conjunction with Unbias the News, The Guardian and Süddeutsche Zeitung, 109 unidentified migrant graves from 2014-21 were confirmed in Spain across 18 locations. According to a study by the University of Amsterdam, a further 434 unidentified graves stem from 2000-2013 in at least 65 cemeteries.

      These graves are symbols of a much wider humanitarian tragedy. The ICRC estimates that just 6.89% of those who go missing on Europe’s borders are found, while the Spanish NGO Walking Borders gives an even lower figure for the West African Atlantic route to the Canaries, estimating that only 4.2 percent of the bodies of those who die are ever recovered.

      Guaranteeing “last rights”

      The unvisited and anonymous graves are also a reflection of the fact that the rights to both identification and a dignified burial for those who have died on migration routes have been consistently neglected by national authorities in Spain. As in other European countries, successive Spanish governments have failed to develop legal mechanisms and state protocols to guarantee these “last rights” of victims, as well as their families’ corresponding “right to know” and to mourn their loved ones.

      The problem is “utterly neglected,” says Dunja Mijatović, the Council of Europe’s Commissioner for Human Rights, who insists that EU countries are failing in their obligations under international human rights law to secure families’ “right to truth”. In 2021, the European Parliament passed a resolution calling for “prompt and effective identification processes” to inform families about the fate of their loved ones. Yet last year, the Council of Europe called the area a “legislative void.”

      “People are always calling the office and asking us how to search for a family member, but you have to be honest and say there’s no clear official channel they can turn to,” explains Juan Carlos Lorenzo, director of the Spanish Refugee Council (CEAR) on the Canary Islands. “You can put them in touch with the Red Cross, but there’s no government-led programme of identification. Nor is there the type of dedicated office needed to coordinate with families and centralise information and data on missing migrants.”

      This year alone we are working with over 600 families whose loved ones have disappeared. These families, who are from Morocco, Algeria, Senegal, Guinea and as far afield as Sri Lanka are very much alone and are poorly protected by public administrations. In turn, this means that there are criminal networks and fraudsters seeking to extract money from them.”
      Helena Maleno, director of Walking Borders

      Even in the case of a victim’s identification, a recent report from the Human Rights Association of Andalucia lays out the legal and financial barriers families face in terms of repatriating their loved ones. In 2020/21, ICRC figures show that 284 bodies were recovered but that, of the 116 identified, only 53 were repatriated. The Andalusian Association for Human Rights (APDHA) report also notes, with respect to border graves, that “many people end up buried in a manner contrary to their beliefs.” Just half of Spain’s 50 provinces have Muslim cemeteries, not all of which are on the Spanish coast.

      For Maleno, these state failures are no accident: “Spain and other European states have a policy of making the victims, as well as the border itself, invisible. You have policies of denying the number of dead and of concealing data, but for the families this means obstacles in terms of accessing information and burial rights, as well as endless bureaucratic hurdles.”
      “I dream of Oussama”

      Abdallah Tayeb has gained first-hand experience of the dysfunctionality of the Spanish system in his attempts to confirm whether a body recovered almost a year ago is that of his cousin Oussama, a young barber from Algeria who dreamed of joining Tayeb in France.

      The unnamed corpse, which Tayeb strongly believes is his cousin, is currently in a morgue in Almería and looks set to be buried in an unmarked grave in the new year – unless he can achieve a last minute breakthrough.

      “The feeling is one of powerlessness,” he admits. “Nothing is transparent.”

      Abdallah Tayeb was born in Paris to Algerian parents but spends every summer in Algeria with his family. “As Oussama and I were pretty much the same age, we were really close. He was obsessed with the idea of coming to Europe, as two of his brothers were already living in France. But I didn’t know he had actually arranged to leave on a patera last December.”

      Oussama was among 23 people (including seven children) who vanished after setting out from Mostaganem, Algeria, on a motor boat on Christmas Day 2022. Soon after the patera went missing, his brother Sofiane travelled from France to Cartagena in southern Spain – the destination the vessel had hoped to reach. With the help of the Red Cross, Sofiane was able to file a missing persons report with the Spanish authorities and submit a DNA sample, which he hopes will result in a match with a body held in a morgue. However, so far, he has been unable to piece together any concrete information regarding his brother’s fate.

      A second trip to Spain in February did lead to a breakthrough, however. After driving down the Mediterranean coast together, Tayeb and his cousin Sofiane managed to speak to a forensic pathologist working in the Almería morgue, who seemed to recognise a photo of Oussama. “She kept saying ‘This face looks familiar’ and also mentioned a necklace – something he’d been wearing when he left.” According to the pathologist, there was a potential match with an unidentified body recovered by the coastguard on 27 December 2022.

      Feeling that they were finally close to getting some answers, they were informed at the police headquarters in Almería that, in order to view the body for a visual identification, they would need permission from the police station where the corpse had initially been registered. “This was when the real nightmare began,” Tayeb remembers. Handed a list of five police stations from across the wider region where the corpse could have been registered, they spent the next two days driving from station to station along the Murcian coast.

      “The first police station we visited wouldn’t even let us in the door when we told them we were asking about a missing migrant, and after that it was always the same script: this is not the right place; we don’t have a body; you have to go there instead.” When the pair returned to the first station in Huércal de Almeria after being repeatedly told it was the right place to ask, impatient officers refused to engage, citing privacy laws, and even told them to warn other families searching for missing migrants not to keep coming to inquire.

      “In the end,” Tayeb explains, “we came to the reality that they will never let us have any information. It was very heartbreaking, especially going back to France. It felt like we were leaving him [there] in the fridge.”

      As the subsequent months passed, the frustration and anxiety built for the family. “In May we were told that the DNA sample we gave five months earlier had only just arrived in Madrid and had still not been processed and sent to the database.” No further information has been forthcoming, and Spanish authorities have a policy of only getting in touch with families when there is a positive match and not if the test comes back negative.

      Tayeb is contemplating one final visit to Spain to try and retrieve his cousin Oussama, partly to be certain for his own sake that he’s done everything in his power to find him, but he’s worried that the journey could reopen his trauma of ambiguous loss. “The effort of going is not painful, but what is painful is coming back with nothing,” he says. “This lack of information is the worst thing.”

      “All the people on board were from the same neighbourhood in Mostaganem. I have had a chance to talk to many of their families, and they are destroyed. There is such grief but also no answers. There are only rumours, and some of the mothers believe their sons are in prisons in Morocco and Spain. We all have dreams [about the missing]. In the end, you trust what you will see in your dreams, like cosmic reality telling you he is coming. I dream of Oussama.”

      Dr Pauline Boss, professor emeritus of psychology at the University of Minnesota, USA, explains the concept of ambiguous loss: “It looks like complicated grief, intrusive thoughts,” she says. “There’s nothing else on your mind but the fact that your loved one is missing. You can’t grieve because that would mean the person is dead, and you don’t know for sure.”
      A defective system

      Of all the families of those who went missing on Oussama’s patera, only Tayeb and four other families have been able to file a missing persons report with the Spanish authorities, and only two have been able to give a DNA sample. According to a 2021 study from the International Organization for Migration (IOM), one of the major complications families face in their searches is that in order to register someone as a missing person in Spain, you have to file a report with police in the country itself, which for many families is “a virtually impossible feat” as there are no visas to travel for this purpose.

      The IOM report also notes that, while many families file missing person reports in their home countries, they are “aware of the almost symbolic nature of their efforts” and that “it will never result in any kind of investigation being launched in Spain.”

      Along with the IOM, there have been efforts by domestic NGOs, including APDHA and more than a hundred grassroots organisations, to call out Spain’s failure to adapt existing missing person procedures to the transnational challenges of cases of people who disappeared while migrating. These organisations have repeatedly argued that the country’s legal framework regarding missing persons must be adapted to ensure families can file missing person cases from abroad.

      They have also pushed for the development of specific protocols for police handling cases of disappeared migrants, as well as the creation of a missing-migrant database so as to centralise information and allow it to be exchanged with authorities in other countries. The latter would include a full range of both post-mortem data (from tattoos to DNA, through cadaveric inspections and autopsies) and antemortem medical forensic information, that is, that which comes from family members regarding the missing person.

      “The reality is that the situation across Europe is consistently poor,” explains Julia Black, an analyst with IOM’s Missing Migrant Project. “Despite our research showing these pressing needs of families, neither Spain nor any other European country has significantly changed policy or practice to help this neglected group [in recent years]. Support for families is available only on a very ad hoc basis, mostly in response to mass casualty events that are in the public eye, which leaves many thousands of people without meaningful support.”

      Non-state actors such as the Red Cross and Walking Borders, as well as a network of independent activists, try to fill this void. “It’s a terrible job that we shouldn’t be doing, because states should be responding to families and guaranteeing the rights of victims across borders,” Maleno explains. In the case of the Mostaganem patera, Walking Borders is now planning to visit Algeria next year to take DNA samples from family members and bring them back to Spain. But Maleno also acknowledges that her NGO often has to then “apply a lot of pressure” to get authorities to accept these samples.

      This is something left-wing MP Jon Iñarritu from the Basque EH Bildu party also confirms: “As I sit on the Spanish parliament’s Interior Committee, I’ve had to intervene on a number of occasions to help families seeking to register DNA samples, talking with the foreign ministry or the interior ministry to get them to accept the samples. But it shouldn’t require action from an MP to get this to happen. The whole process needs to be standardised with clear and automatic protocols [for submission]. Right now, there’s no one clear way to do it.”

      Even when IOM recommendations have become the subject of parliamentary debate in Spain, they have tended not to translate into government action. In 2021, for example, a resolution was passed by the Spanish Congress calling on the government to establish a dedicated state office for the families of disappeared migrants. “It’s clear we need to ease the administrative and bureaucratic ordeal for families by offering them a single point of contact [with state authorities],” explains Iñarritu, who sponsored the motion.

      Yet while even government parties voted in favour of the resolution, the countries’ current centre-left administration has failed to act on it in the 18 months since. “From my point of view, the government has no intention of implementing the proposal,” Iñarritu argues. “They were only offering symbolic support.”

      When the above points were put to Spain’s Interior ministry, the reply was that: “The treatment of unidentified corpses arriving on the Spanish coast is identical to that of any other corpse. In Spain, for the identification of corpses, the law enforcement agencies apply the INTERPOL Disaster Victim Identification Guide. Although this guide is especially indicated for events with multiple victims, it is also used as a reference for the identification of an isolated corpse.”

      NGOs and campaigners insist, however, that the application of the INTERPOL guide is no substitute for a specific protocol tailored to the demands of missing migrant cases or for the creation of particular mechanisms to allow for the exchange of information with families and authorities in other jurisdictions.

      Close connections with the people they have helped compensate for strained social interactions and online hate. “They call me brother, sister, and even father,” Rybak shares.
      Burial rights

      APDHA migration director Carlos Arce argues that, within a European framework that views irregular migration predominantly “through the prism of serious crime and border security, […] not even death or disappearance puts an end to the repeated assault on the dignity of migrant people.” Iñarritu also points to the EU’s wider border regime: “Many issues that don’t fit into this dominant policy framework, such as the right to identification, are simply left unmanaged on a day-to-day basis. They are simply not a priority.”

      This is also clear with respect to the Spanish government’s inaction on guaranteeing a dignified burial to those whose bodies are recovered. As noted by a 2023 report from APDHA, “while repatriation is the most desired option for families […,] the cost is very high (thousands of euros) and very few of their [home countries’] embassies help [to cover it].” The NGO recommends that Spain establish repatriation agreements with the countries where migrants come from so as to create “mortuary safe passages” guaranteeing their return at a reduced cost.

      Furthermore, Spain’s central government has also failed to put in place mechanisms to ensure the right of unidentified migrants to a dignified burial within the country, instead maintaining that local councils are responsible for all charitable burials. This has meant that very specific municipalities where coastguard rescue boats are stationed are left legally responsible for the bulk of the interments – and most of these municipalities lack local cemeteries able to cater for traditional Muslim burials.

      The potential for this issue to become a flashpoint for anti-immigration sentiment was made clear this September when the mayor of Mogán in Gran Canaria, Onalia Bueno, insisted that her municipality would no longer pay for such burials, as she did not want to “detract the costs from the taxes of my neighbours.”

      CEAR’s Juan Carlos Lorenzo condemns such “divisive language, which frames the issue in terms of wasting my ‘neighbours’ money’ on someone who is not a neighbour,” and points instead to the actions of municipalities in El Hierro as a positive counterexample.

      Carballo notes that “over 10,000 people have arrived in El Hierro since September, the same as the island’s population. These are quite long trips, between six and nine days at sea, and right now people are arriving in a terrible state of health. With those who have died in recent months, we’ve tried to offer them a dignified burial within the means at our disposal. We’ve had an imam present, with Islamic prayers said before the remains were laid to rest.”

      Currently, the responsibility of memorialising unidentified victims comes down to individual municipalities and even cemetery keepers. Like Gérman at the cemetery in Barbate, who tries to dignify the unmarked tombs by placing flowers on top of them, the cemetery of Motril has adorned tombs with poems. In Teguise, the council has an initiative encouraging locals to leave flowers on the migrant graves when they come to visit the remains of their own families.

      In another memorial, a collection of around 50 discarded fishing boats has become a distinctive feature of Barbate port. These small wooden boats with Arabic script on their hulls were used by migrants attempting to cross the Strait of Gibraltar. Instead of the boats’ being scrapped, APDHA was able to convert the scrapyard into a memorial site and to place plaques on boats stating how many migrants were travelling on them and where and when they were found.

      In the case of little Alhassane Bangoura, residents routinely come to leave fresh flowers and tokens of affection, among which is a small granite bowl with his first name inscribed on it. But many victims are buried without any attempt at identification – and as countless NGOs, politicians and activists demand, it should not be simply left to good-willed residents, grave keepers or local councillors to ensure the last rights of the victims of Fortress Europe.

      https://unbiasthenews.org/counting-the-invisible-victims-of-spains-eu-borders

      #Espagne #Lanzarote #îles_Canaries #route_Atlantique #Teguise #Barbate #Cádiz #Tarifa #Arrecife

    • The unidentified: Unmarked refugee graves on the Greek borders

      Graves marked only with a stick, graves covered with weeds: a cross-border investigation documents official indifference surrounding the dignified burial of refugees who lose their lives at the Greek border.

      The phone rang on a morning in October 2022 at work, in Finland, where 35-year-old Mohamed Samim has been living for the last ten years or so.

      His nephew did not have good news: his brother Samim, Tarin Mohamad, along with his son and two daughters, was on a boat that sank near a Greek island, having sailed from the Turkish coast to Italy.

      When Samim arrived in Kythera the next day, he learned that – although weak after not eating for three days – his brother had managed to save his family before a wave took him away. He immediately went to the site of the wreck. In the water he saw bodies floating – he couldn’t see his brother’s face, but he recognized his back.

      The Coast Guard said that the bad weather had to pass before they could pull the dead from the sea. The first day passed, the second day passed, until on the third day it was finally possible. The coastguard confirmed that 8 Beaufort winds and the morphology of the area made it impossible to retrieve the bodies. Samim will never forget the sight of his brother at sea.

      In Kalamata, it took four days of shifting responsibility between the hospital and the Coast Guard, and the help of a local lawyer who “came and yelled at them” to allow him to follow the identification process of his brother.

      He was warned that it would be a soul-crushing procedure, and that he would have to wear a triple mask because of the smell. Samim says that due to a lack of space in the morgue’s refrigerators, some of the wreck victims were kept in the chamber outside the refrigerator.

      “The stress and the smell. Our knees were shaking”, recalls Samim when we meet him in Kythera a year later.

      They started showing him decomposing bodies. First the ones outside the refrigerator. He didn’t recognize him among them. They went out and changed the masks they wore, returned, opened the refrigerators in turn, reaching the last one.

      “He was lying there, calm. The man you love. We were kind of happy that, after days, we could see him,” Samim said.

      Unclaimed dead

      The number of people dying at Europe’s borders is growing. In addition to the difficulty of recording the deaths, there is also the challenge of identifying the bodies, a traumatic process for the relatives. In some cases, however, there are bodies that remain unidentified, hundreds of men, women and children buried in unidentified graves.

      In July 2023, the European Parliament adopted a resolution recognising the right to identification of people who lose their lives trying to reach Europe, but to date there is no centralised registration system at a pan-European level. Nor is there a single procedure for the handling of bodies that end up in mortuaries, funeral homes – even refrigerated containers.

      The problem is “utterly neglected”, European Commissioner for Human Rights Dunja Mijatovic told Solomon, and added that EU countries are failing in their obligations under international human rights law”. The tragedy of the missing migrants has reached horrifying proportions. The issue requires immediate action,” she added.

      The International Organization for Migration’s (IOM) Missing Migrants platform, which acknowledges that its data is not a comprehensive record, reports more than 1,090 missing refugees and migrants in Europe since 2014.

      As part of the Border Graves investigation, eight European journalists, together with Unbias the News, the Guardian, Süddeutsche Zeitung, and Solomon, have spent seven months investigating what happens to the thousands of unidentified bodies of those who die at European borders, and for the first time they have recorded almost double that number: according to the data collected, more than 2,162 people died between 2014 and 2023.

      We studied documents and interviewed state coroners, prosecutors and funeral home workers; residents and relatives of the deceased and missing; and gained exclusive access to unpublished data from the International Committee of the Red Cross.

      In 65 cemeteries along the European border - Greece, Spain, Italy, Malta, Poland, Lithuania, France, Spain, Italy, Malta, Lithuania, France and Croatia - we have recorded more than 1,000 unidentified graves from the last decade.

      The investigation documents how state indifference to the dignified burial of people who die at the border is pervasive in European countries.

      In Greece, we recorded more than 540 unidentified refugee graves, 54% of the total recorded by the European survey. We travelled to the Aegean islands and Evros, and found graves in fields sometimes covered by weeds, and marble slabs with dates of death erased, while in other cases a piece of wood with a number is the only marking.

      The data from our survey, combined with the data from the International Committee of the Red Cross, is not an exhaustive account of the issue. However, they do capture for the first time the gaps and difficulties of a system that leads to thousands of families not knowing where their relatives are buried.

      Lesvos: 167 unidentified refugee graves

      A long dirt road surrounded by olive trees leads to the gate of the cemetery of Kato Tritos, which is usually locked with a padlock.

      The “graveyard of refugees,” as they call it on the island, is located about 15 kilometers west of Mytilene. It is the only burial site exclusively for refugees and migrants in Greece.

      During one of our visits, the funeral of four children was taking place. They lost their lives on August 28, 2023, when the boat they were on with 18 other people sank southeast of Lesvos.

      The grieving mother and several women, including family members, sat under a tree, while the men prayed near the shed used for the burial process, according to Islamic tradition.

      In Kato Tritos and Agios Panteleimonas, the cemetery on Mytilene where people who died while migrating had been buried until then, we counted a total of 167 unidentified graves from between 2014-2023.

      Local journalist and former member of the North Aegean Regional Council Nikos Manavis explains that the cemetery was created in 2015 in an olive grove belonging to the municipality of Mytilene due to an emergency: a deadly shipwreck in the north of the island on October 28 of that year resulted in at least 60 dead, for whom the island’s cemeteries were not sufficient.

      Many shipwreck victims remain buried in unidentified graves. Gravestones are marked with the estimated age of the deceased and the date of burial, sometimes only a number. Other times, a piece of wood and surrounding stones mark the grave.

      “What we see is a field, not a graveyard. It shows no respect for the people who were buried here.”
      Nikos Manavis

      This lack of respect for the Lower Third Cemetery mobilized the Earth Medicine organization. As Dimitris Patounis, a member of the NGO, explains, in January 2022 they made a proposal to the municipality of Mytilene for the restoration of the cemetery. Their plan is to create a place of rest with respect and dignity, where refugees and asylum seekers can satisfy the most sacred human need, mourning for their loved ones.

      Although the city council approved the proposal in the spring of 2023, the October municipal elections delayed the project. Patounis says he is positive that the graves will soon be inventoried and the area fenced.

      Christos Mavrachilis, an undertaker at the Agios Panteleimon cemetery, recalls that in 2015 Muslim refugees were buried in a specific area of the cemetery.

      “If someone was unidentified, I would write ‘Unknown’ on their grave,” he says. If there were no relatives who could cover the cost, Mavrachilis would cut a marble himself and write as much information as he could on the death certificate. “They were people too,” he says, “I did what I could.”

      For his part, Thomas Vanavakis, a former owner of a funeral parlour that offered services in Lesvos until 2020, also says that they often had to cover burials without receiving payment. “Do you know how many times we went into the sea and paid workers out of our own pockets to pull out the bodies and didn’t get a penny?” he says.

      Efi Latsoudi, who lives in Lesvos and works for Refugee Support Aegean (RSA), says that in 2015 there were burials that the municipality of Mytilene could not cover, and sometimes “the people who participated in the ceremony paid for them. We were trying to give a dignity to the process. But it was not enough,” she says.

      Latsoudi recalls something a refugee had mentioned to her in 2015: ’The worst thing that can happen to us is to die somewhere far away and have no one at our funeral’.

      The municipality of Mytilene did not answer our questions regarding the dignified burial of refugees in the cemeteries under its responsibility.

      Chios and Samos: graves covered by weeds

      According to Greek legislation, the local government (and in case of its inability, the region) covers the cost of the burial of both unidentified people who die at the border and those who are in financial difficulty.

      For its part, the Municipal Authority of Chios stated that funding is provided for the relevant costs, and that “within the framework of its responsibilities for the cemeteries, it maintains and cares for all the sites, without discrimination and with the required respect for all the dead.”

      But during our visit in August to the cemetery in Mersinidi, a few kilometers north of Chios town, where refugees are buried next to the graves of the locals, it was not difficult to spot the separation: the five unidentified graves of refugees were marked simply by a marble, usually covered by vegetation.

      Natasha Strachini, an RSA lawyer living in Chios, has taken part in several funerals of refugees both in Chios and Lesvos. For her, the importance of the local community and presence at such a difficult human moment is very important.

      Regarding burials, he explains that “only a good registration system could help relatives to locate the grave of a person they have lost, as usually in cemeteries after three to five years exhumations take place.” He says that sometimes a grave remains unidentified even though the body has been identified, either because the identification process was delayed or because the relatives could not afford to change the grave.

      In Heraion of Samos, next to the municipal cemetery, on a plot of land owned by the Metropolis and used as a burial site for refugees, we recorded dozens of graves dating between 2014-2023. The plaques – some broken – placed on the ground, hidden by branches, pine needles and pine cones, simply inscribe a number and the date of burial.

      Lawyer Dimitris Choulis, who lives in Samos and handles cases related to the refugee issue, commented: ‘It is a shameful image to see such graves. It is unjustifiable for a modern society like Greece.”
      Searching for data

      The International Committee of the Red Cross is one of the few international organisations working to identify the dead refugees. Among other things, they have conducted several training sessions in Greece for members of the Coast Guard and the Greek Police.

      “We have an obligation to provide the dead with a dignified burial; and the other side, providing answers to families through identification of the dead. If you count the relatives of those who are missing, hundreds of thousands of people are impacted. They don’t know where their loved ones are. Were they well treated, were they respected when they were buried? That’s what preys on families’ minds,” says Laurel Clegg, ICRC forensic Coordinator for Migration to Europe.

      She explains that keeping track of the dead “consists of lots of parts working well together – a legal framework that protects the unidentified dead, consistent post-mortems, morgues, registries, dignified transport, cemeteries”

      However, countries’ “medical and legal systems are proving inadequate to deal with the scale of the problem,” she says.

      Since 2013, as part of its programme to restore family links, the Red Cross has registered 16,500 requests in Europe from people looking for their missing relatives. According to the international organisation, only 285 successful matches (1.7%) have been made.

      These matches are made by the local forensic experts.

      “We always collect DNA samples from unidentified bodies. It is standard practice and may be the only feasible means of identification,” says Panagiotis Kotretsos, a forensic pathologist in Rhodes. The samples are sent to the DNA laboratory of the Criminal Investigation Department of the Greek Police, according to an INTERPOL protocol.

      According to the Red Cross, difficulties usually arise when families are outside the EU, and are due to a number of factors, such as differences in the legal framework or medical systems of the countries. For example, some EU countries cannot ‘open’ a case and take DNA samples from families without a mandate from the authorities of the country where the body of the relative being sought has been recovered.

      The most difficult part of the DNA identification process is that there needs to be a second sample to be compared with the one collected by the forensic experts, which has to be sent by the families of the missing persons. “For a refugee who started his journey from a country in central Africa, travelled for months, and died in Greece, there will be genetic material in the morgue. But it will remain unmatched until a first-degree relative sends a DNA sample,” says Kotretsos.

      He explains that this is not always possible. “We have received calls from relatives who were in Syria, looking for missing family members, and could not send samples precisely because they were in Syria.”

      Outside the university hospital of Alexandroupolis, two refrigerated containers provided by the Red Cross as temporary mortuaries house the bodies of 40 refugees.

      Pavlos Pavlidis, Professor of Forensic Medicine at the Democritus University of Thrace, has since 2000 performed autopsies on at least 800 bodies of people on the move, with the main causes of death being drowning in the waters of Evros and hypothermia.

      The forensic scientist goes beyond the necessary DNA collection: he or she records data such as birthmarks or tattoos and objects (like wallets, rings, glasses), which could be the missing link for a relative looking for a loved one.

      He says a total of 313 bodies found in Evros since 2014 remain unidentified. Those that cannot be identified are buried in a special cemetery in Sidiro, which is managed by the municipality of Soufli, while 15-20 unidentified bodies were buried in Orestiada while the Sidiro cemetery was being expanded.

      The bodies of Muslim refugees who are identified are buried in the Muslim cemetery in Messouni Komotini or repatriated when relatives can cover the cost of repatriation.

      “This is not decent”

      In response to questions, the Ministry of Immigration and Asylum said that the issue of identification and burial procedures for refugees does not fall within its competence. A Commission spokesman said that no funds were foreseen for Greece, but that such expenditure “could be supported under the National Programme of the Asylum, Migration and Integration Fund”, which is managed by the Migration Ministry.

      Theodoros Nousias is the chief forensic pathologist of the North Aegean Forensic Service, responsible for the islands of Lesvos, Samos, Chios and Lemnos. According to the coroner, the DNA identification procedure has improved a lot compared to a few years ago.

      Nusias says he was always available when asked to identify someone. “You have to serve people, that’s why you’re there. To serve people so they can find their family,” he adds.

      The coroner lives in Lesvos, but says he has never been to the cemetery in Kato Tritos. “I don’t want to go. It will be difficult for me because most of these people have passed through my hands.”

      In October 2022, 32-year-old Suja Ahmadi and his sister Marina also travelled to Kythera and then to Kalamata to identify the body of their father, Abdul Ghasi.

      The 65-year-old had started the journey to Italy with his wife Hatige – she survived. The two brothers visited the hospital, where they were shown all eight bodies, male and female, although they had explained from the start that the man they were looking for was a man.

      Their father’s body was among those outside the freezer.

      “My sister was crying and screaming at them to get our father out of the refrigerator container because he smelled,” Suja recalls. “It was not a decent place for a man.”

      https://unbiasthenews.org/the-unidentified-unmarked-refugee-graves-in-the-greek-borders

      #Grèce #Chios #Evros #Samos #Alexandroupolis #Lesbos #Kato_Tritos #Sidiro #Mersinidi #Mersinidi #Pavlos_Pavlidis

    • Enterrar a más de mil personas sin nombre: las trabas de la UE y España para identificar los cuerpos de migrantes

      Cientos de personas fallecidas en la última década yacen en tumbas sin nombre en España, sin que el Gobierno tome medidas coordinadas para garantizar su identificación

      En enero de 2020, Alhassane Bangoura fue enterrado en una tumba sin nombre en la zona musulmana del cementerio municipal de Teguise, en Lanzarote, ante la presencia de funcionarios municipales y miembros de la comunidad musulmana local. El pequeño había nacido apenas un par de semanas antes a bordo de una patera abarrotada en la que su madre, originaria de Guinea, y otras 42 personas intentaban llegar a las Islas Canarias. La embarcación llevaba dos días a la deriva en el océano Atlántico, tras averiarse el motor, y la madre de Alhassane se puso de parto en el mar. Su hijo sólo alcanzó a vivir unas pocas horas antes de morir frente a la costa de Lanzarote.

      El caso de Alhassane conmocionó a la isla y saltó a las noticias de todo el país. Sin embargo, mientras los asistentes al entierro ofrecían sus condolencias, la madre del bebé fallecido se encontraba a 200 kilómetros de distancia, en un centro de acogida de migrantes de la vecina isla de Gran Canaria, al no haber podido obtener permiso de las autoridades para permanecer en Lanzarote durante el funeral.

      “Le habían permitido ver el cuerpo de su hijo una vez más antes de ser trasladada, y yo la acompañé a la funeraria”, cuenta Mamadou Sy, representante de la comunidad musulmana local. “Fue muy emotivo cuando se tuvo que marchar. Lo único que pudimos hacer fue prometerle que su hijo no estaría solo; que, como cualquier musulmán, sería llevado a la mezquita, donde su cuerpo sería lavado por otras madres; que rezaríamos por él y que después le enviaríamos un vídeo del entierro”.

      Casi cuatro años después, el lugar donde reposan los restos de Alhassane sigue sin tener una lápida formal. La tumba se encuentra junto a los restos de más de tres docenas de personas migrantes no identificadas, cuyos nombres se desconocen por completo pero que, como Alhassane, también son víctimas del brutal régimen fronterizo de Europa.
      Las tumbas de la frontera

      A lo largo de las fronteras de la Unión Europea, miles de personas están siendo enterradas de forma precipitada en tumbas sin nombre. El equipo de investigación de Border Graves (Las Tumbas de la Frontera) ha contabilizado que, en los últimos 10 años, al menos 2.162 cadáveres de migrantes han sido encontrados en las fronteras europeas sin identificar.

      El equipo de investigación también ha confirmado la existencia de 1.015 tumbas de inmigrantes sin identificar entre 2014 y 2021 en 103 cementerios, todas ellas pertenecientes a personas que intentaban emigrar a Europa.

      El problema está “absolutamente abandonado”, afirma Dunja Mijatović, Comisaria de Derechos Humanos del Consejo de Europa, que insiste en que los países de la UE incumplen sus obligaciones en virtud de la legislación internacional sobre derechos humanos. “La tragedia de los migrantes desaparecidos ha alcanzado una magnitud espantosa. El asunto exige una actuación inmediata”.

      Las condiciones de sepultura de estos migrantes varían en todo el continente. En la última década, en la isla griega de Lesbos, un olivar se ha convertido en un cementerio informal para refugiados. Al menos 147 tumbas sin identificar se pueden encontrar en el pequeño pueblo de Kato Tritos, que según explica el periodista Nikos Manavis brotaron tras la gran oleada de refugiados de 2015. “Los otros cementerios de la isla eran inapropiados y no podían cubrir el número de muertos que había que enterrar en Lesbos”, afirma. “Pero no es un cementerio. Es sólo un campo. No se muestra ningún respeto por la gente enterrada aquí”.

      En Siče, una población al este de Croacia, se hallan las tumbas de tres refugiados afganos al borde del cementerio del pueblo, separadas de las de los residentes locales. Los tres hombres no identificados, que se ahogaron intentando cruzar el río Sava desde Bosnia a Croacia, están enterrados bajo sencillas cruces de madera en las que se lee “NN” (desconocido).

      En la frontera entre Lituania y Bielorrusia, un pequeño cementerio de la tranquila localidad de Rameikos alberga la tumba de un emigrante indio. El lugar está marcado por un trozo de madera vertical, a pocos metros de la valla fronteriza. En el cementerio de Piano Gatta, en Agrigento (Sicilia), están enterrados decenas de cadáveres sin identificar del naufragio de Lampedusa en 2013, en el que perdieron la vida 368 personas de Eritrea y Somalia al hundirse el pesquero en el que viajaban.

      En cuanto a la extensa costa española, pueden encontrarse tumbas de inmigrantes desde Alicante hasta Cádiz, y hacia el sur hasta las Canarias. Algunas tienen nombre, pero lo más frecuente es que las inscripciones sean del estilo de “inmigrante no identificado”, “marroquí desconocido” o “víctima del Estrecho [de Gibraltar]”. O, simplemente, una cruz pintada a mano.

      En el cementerio de Barbate, en Cádiz, donde los difuntos están sepultados en nichos, el jardinero Germán señala más de 30 tumbas de inmigrantes: las más antiguas datan de 2002 y las más recientes son de un naufragio de 2019. “Nunca viene nadie a visitarlos, pero los días que hay funerales aquí y se van a tirar las flores antiguas, las coloco en las tumbas de los migrantes desconocidos”, explica. “En algunas de las más antiguas hay restos de hasta cinco o seis emigrantes juntos, cada uno colocado en bolsas separadas dentro del mismo nicho para ahorrar espacio”.

      Tal preocupación era menos evidente en Arrecife, Lanzarote, donde dos tumbas no identificadas de febrero de este año se han dejado selladas con una cubierta que aún lleva el logotipo de una empresa.

      No existen datos exhaustivos sobre cuántas fosas de inmigrantes identificadas y no identificadas existen en España, y el Ministerio del Interior nunca ha dado a conocer cifras sobre el número total de cadáveres recuperados en las distintas rutas migratorias marítimas. Pero los datos del Comité Internacional de la Cruz Roja (CICR) revelan que entre 2014 y 2021 se recuperaron los cuerpos de alrededor de 530 personas fallecidas en las fronteras españolas, de las cuales 292 permanecen sin identificar.

      En los diez meses que ha durado la investigación europea Border Graves, llevada a cabo de manera conjunta entre un grupo de periodistas independientes y los medios Unbias the News, The Guardian y Süddeutsche Zeitung y publicada en exclusiva en España por elDiario.es, se ha confirmado la existencia de 109 tumbas de migrantes no identificados entre 2014 y 2021 en 18 lugares de España. Según un estudio de la Universidad de Ámsterdam, otras 434 tumbas sin identificar se remontan al periodo 2000-2013 en al menos 65 cementerios del territorio nacional.

      Estas tumbas son símbolos de una tragedia humanitaria mucho mayor. El CICR calcula que sólo el 6,89% de los restos mortales de las personas que desaparecen a lo largo de las fronteras europeas son recuperados, mientras que la ONG española Caminando Fronteras da una cifra aún más baja para la ruta atlántica de África Occidental a Canarias, estimando que sólo se recupera el 4,2% de los cuerpos de los fallecidos.
      Garantizar los “últimos derechos”

      Las tumbas anónimas y sin visitar reflejan también el hecho de que el derecho a la identificación y a un entierro digno de los fallecidos en las rutas migratorias ha sido sistemáticamente desatendido por las autoridades nacionales españolas. En 2021, el Parlamento Europeo aprobó una resolución que reconoce el derecho a la identificación de los fallecidos en las rutas migratorias, y la necesidad de una base de datos coordinada que recoja los datos de la frontera. Pero, al igual que en otros países europeos, los sucesivos gobiernos han sido incapaces de desarrollar mecanismos legales y protocolos estatales para garantizar estos “últimos derechos” de las víctimas, así como el “derecho a saber” y a llorar a sus seres queridos que corresponde a las familias.

      “La gente siempre llama a la oficina y nos pregunta cómo buscar a un familiar, pero hay que ser sincero y decir que no hay un canal oficial claro al que puedan dirigirse”, explica Juan Carlos Lorenzo, coordinador del Consejo Español para los Refugiados (CEAR) en Canarias. “Se les puede poner en contacto con la Cruz Roja, pero no hay un programa de identificación liderado por el Gobierno. Tampoco existe el tipo de recurso especializado necesario para coordinarse con las familias y centralizar la información y los datos sobre los migrantes desaparecidos”.

      Helena Maleno, directora de Caminando Fronteras, afirma: “Sólo este año estamos trabajando con más de 600 familias cuyos seres queridos han desaparecido. Estas familias, procedentes de Marruecos, Argelia, Senegal, Guinea y países tan lejanos como Sri Lanka, están muy solas y poco protegidas por las administraciones públicas. A su vez, esto significa que hay redes criminales y estafadores que buscan sacarles dinero”.

      Incluso en el caso de la identificación de una víctima, un reciente informe de la Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía (APDHA) expone las barreras legales y financieras a las que se enfrentan las familias para repatriar a sus seres queridos. En 2020/21, las cifras del CICR muestran que se recuperaron 284 cuerpos pero que, de los 116 identificados, sólo 53 fueron repatriados. El informe de la APDHA también señala, respecto a las tumbas fronterizas, que “muchas personas acaban enterradas de manera contraria a sus creencias”. Apenas la mitad de las 50 provincias españolas cuentan con cementerios musulmanes, y no todos están en la costa española.

      Para Maleno, estos fallos del Estado no son casualidad: “España y otros Estados europeos mantienen una política de invisibilización de las víctimas y de la propia frontera. Tienen políticas de negación del número de muertos y de ocultación de datos, pero para las familias esto significa obstáculos en cuanto al acceso a la información y a los derechos de sepultura, así como interminables trabas burocráticas”.
      “Sueño con Oussama”

      Abdallah Tayeb ha sufrido en primera persona las deficiencias del sistema español en sus intentos por confirmar si un cadáver recuperado en diciembre de 2022 es el de su primo Oussama, un joven barbero argelino que soñaba con reunirse con Tayeb en Francia.

      Tayeb está convencido de que el cuerpo sin identificar, que se cree que está en un depósito de cadáveres de Almería, es el de su primo. Está previsto que los restos sean enterrados a comienzos del próximo año en una tumba sin nombre, a menos que se consiga algún avance de última hora. “La sensación es de impotencia”, admite. “No hay nada de transparencia”.

      Tayeb nació en París, de padres argelinos, pero pasa todos los veranos en Argelia con su familia. “Como Oussama y yo teníamos más o menos la misma edad, estábamos muy unidos. Le obsesionaba la idea de venir a Europa, pues dos de sus hermanos ya vivían en Francia. Pero yo no sabía que en realidad ya había organizado su viaje en una patera a finales del año pasado”.

      Oussama formaba parte de un grupo de 23 personas (entre ellas siete niños) que desaparecieron tras zarpar de Mostaganem, Argelia, en una lancha motora el día de Navidad de 2022. Poco después de la desaparición de la patera, su hermano Sofiane viajó de Francia a Cartagena, el destino al que esperaba llegar la embarcación. Con la ayuda de la Cruz Roja, Sofiane pudo presentar una denuncia por desaparición y dar una muestra de ADN, pero no pudo reunir ninguna información concreta sobre la suerte de su hermano.

      Sin embargo, un segundo viaje a España en febrero condujo a un gran avance. Tras recorrer juntos la costa mediterránea, Tayeb y su primo Sofiane consiguieron hablar con una patóloga forense que trabaja en la morgue de Almería, quien pareció reconocer una foto de Oussama. “No paraba de decir ’esta cara me suena’ y también mencionó un collar, algo que llevaba cuando se fue”. Según la forense, había una posible coincidencia con un cuerpo sin identificar recuperado por los guardacostas el 27 de diciembre de 2022.
      El laberinto burocrático

      Con la sensación de que por fin estaban cerca de obtener alguna respuesta, en la comisaría de Almería les informaron de que, para poder ver el cadáver –o incluso las pertenencias– y proceder a su identificación visual, necesitarían el permiso de la comisaría donde se había registrado inicialmente el cadáver. “Fue entonces cuando empezó la verdadera pesadilla”, recuerda Tayeb. Les entregaron una lista de cinco comisarías de toda la región en las que se podría haber registrado el cadáver, y se pasaron los dos días siguientes conduciendo de comisaría en comisaría a lo largo de la costa murciana.

      “En la primera comisaría que visitamos ni siquiera nos dejaron entrar cuando les dijimos que estábamos buscando a un inmigrante desaparecido, y después siempre fue la misma consigna: éste no es el lugar adecuado; no tenemos ningún cadáver; tenéis que ir a este otro lugar…”, continúa. Cuando ambos regresaron a la primera comisaría de Huércal de Almería, después de que les dijeran repetidamente que era el lugar adecuado para preguntar, los agentes, impacientes, se negaron a atenderlos, alegando leyes de protección de la intimidad, e incluso les dijeron que advirtieran a otras familias que buscaban a migrantes desaparecidos que no siguieran viniendo a preguntar.

      “Al final”, explica Tayeb, “nos dimos cuenta de que nunca nos darían ninguna información. Fue muy desgarrador, sobre todo volver a Francia. Fue como si le dejáramos [allí] en la nevera”.
      Incertidumbre

      A medida que pasaban los meses, la frustración y la ansiedad aumentaban para la familia. “En mayo nos dijeron que la muestra de ADN que habíamos dado cinco meses antes acababa de llegar a Madrid y aún no había sido procesada ni enviada a la base de datos”. No se les ha facilitado más información, y las autoridades españolas tienen la política de ponerse en contacto con las familias sólo cuando hay una coincidencia positiva, pero no si la prueba da negativo.

      Tayeb se plantea una última visita a España para intentar recuperar a su primo Oussama, en parte para estar seguro de que ha hecho todo lo posible por encontrarlo, pero le preocupa que el viaje pueda reabrir su trauma de “pérdida ambigua”. “El esfuerzo de ir no es doloroso, lo doloroso es volver sin nada”, dice. “Esta falta de información es lo peor”.

      La Dra. Pauline Boss, catedrática emérita de Psicología de la Universidad de Minnesota (EE.UU.), explica el concepto de pérdida ambigua: “Se parece a un duelo complejo, con pensamientos intrusivos”, dice. “No tienes otra cosa en la cabeza más que el hecho de que tu ser querido ha desaparecido. No puedes afrontar el duelo, porque eso significaría que la persona está muerta, y no lo sabes con certeza”.

      Tayeb lo explica con sus propias palabras: “Todas las personas que iban a bordo eran del mismo barrio de Mostaganem. He podido hablar con muchas de sus familias y están destrozadas. Hay mucho dolor, pero tampoco hay respuestas. Sólo hay rumores, y algunas de las madres creen que sus hijos están en cárceles de Marruecos y España. Todos tenemos sueños [sobre los desaparecidos]. Al final, confías en lo que ves en tus sueños, como si la realidad cósmica te dijera que va a venir. Sueño con Oussama”.
      Un sistema defectuoso

      De todas las familias de los desaparecidos en la patera de Oussama, sólo Tayeb y otras tres familias han podido presentar denuncias de desaparición ante las autoridades españolas, y únicamente en dos casos se han podido entregar muestras de ADN. Según un informe de 2021 de la Organización Internacional para las Migraciones (OIM), una de las mayores complicaciones a las que se enfrentan las familias en sus búsquedas es que, para registrar a alguien como desaparecido en España, hay que presentar una denuncia ante la policía del propio país, lo que para muchas familias es “una hazaña prácticamente imposible”, ya que no existen visados para viajar con este fin.

      El informe de la OIM también señala que, aunque muchas familias presentan denuncias de personas desaparecidas en sus países de origen, son “conscientes del carácter casi simbólico de sus esfuerzos” y de que “nunca darán lugar a que se inicie ningún tipo de investigación en España.”

      Junto con la OIM, algunas ONG nacionales, como la APDHA y más de un centenar de organizaciones comunitarias, han denunciado la incapacidad de España para adaptar los procedimientos vigentes en materia de personas desaparecidas a los retos transnacionales que plantean los casos de migrantes desaparecidos. Estas organizaciones han defendido en repetidas ocasiones que el marco jurídico del país en materia de personas desaparecidas debe adaptarse para garantizar que las familias puedan presentar denuncias desde el extranjero por casos de personas desaparecidas.

      También han presionado para que se elaboren protocolos específicos para la policía al tratar casos de migrantes desaparecidos, así como para que se cree una base de datos de migrantes desaparecidos que permita centralizar la información y haga posible el intercambio con autoridades de otros países. Esta incluiría todos los datos disponibles post mortem (desde tatuajes hasta ADN, pasando por inspecciones de cadáveres y autopsias) como de información médica forense ante mortem, es decir, la que procede de los familiares en relación con la persona desaparecida.

      “La realidad es que la situación en toda Europa es sistemáticamente deficiente”, explica Julia Black, analista del Proyecto Migrantes Desaparecidos de la OIM. “A pesar de que nuestras investigaciones muestran estas necesidades acuciantes de las familias, ni España ni ningún otro país europeo ha cambiado [en los últimos años] de forma significativa sus políticas, ni tampoco han mejorado las prácticas para ayudar a este grupo desatendido. El apoyo a las familias sólo está disponible de forma muy puntual, sobre todo en respuesta a sucesos con víctimas masivas que están en el punto de mira de la opinión pública, lo que deja a muchos miles de personas sin un apoyo adecuado”.

      Actores no estatales como la Cruz Roja y Caminando Fronteras, así como una red de activistas independientes, intentan llenar este vacío. “Es un trabajo terrible que no deberíamos estar haciendo, porque los Estados deberían responder a las familias y garantizar los derechos de las víctimas más allá de las fronteras”, explica Maleno. En el caso de la patera de Mostaganem, Caminando Fronteras tiene previsto viajar a Argelia el año que viene para tomar muestras de ADN de los familiares y traerlas a España. Pero Maleno también reconoce que su ONG a menudo tiene que “ejercer mucha presión” para que las autoridades acepten estas muestras.

      Es algo que también confirma Jon Iñarritu, diputado de EH Bildu: “Como miembro de la Comisión de Interior del Congreso de los Diputados, he tenido que intervenir en varias ocasiones para ayudar a las familias que querían registrar muestras de ADN, hablando con el Ministerio de Asuntos Exteriores o con el Ministerio del Interior para que aceptaran las muestras. Pero no debería ser necesaria la intervención de un diputado para conseguirlo. Es necesario normalizar todo el proceso con protocolos claros y automáticos [para la presentación de las muestras]. Ahora mismo, no hay una forma clara de hacerlo”.

      Incluso cuando las recomendaciones de la OIM han sido objeto de debate parlamentario en España, no han tendido a traducirse en medidas gubernamentales. En 2021, por ejemplo, el Congreso de los Diputados aprobó una Proposición no de Ley en la que se instaba al Gobierno a crear una oficina estatal específica para las familias de migrantes desaparecidos. “Está claro que necesitamos aliviar el calvario administrativo y burocrático para las familias ofreciéndoles un único punto de contacto [con las autoridades estatales]”, explica Iñárritu, impulsor de la moción.

      Sin embargo, aunque los partidos en el gobierno votaron a favor de la resolución, no se ha tomado ninguna medida al respecto en los 18 meses transcurridos desde la aprobación de la resolución. “Desde mi punto de vista, el Gobierno no tiene ninguna intención de aplicar la propuesta”, argumenta Iñárritu. “Sólo ofrecían un apoyo simbólico”.

      Cuando se expusieron las cuestiones anteriores al Ministerio del Interior, la respuesta fue la siguiente: “El tratamiento de los cadáveres sin identificar que llegan a las costas de España es idéntico al hallazgo de cualquier otro cadáver. En España, para la identificación de cadáveres, las Fuerzas y Cuerpos de Seguridad del Estado aplican la Guía de INTERPOL para la Identificación de Víctimas de Catástrofes. Esta Guía, aunque está especialmente indicada para los sucesos con víctimas múltiples, también es aplicada como referencia para la identificación de un cadáver aislado”.
      Derechos de sepultura

      El director de migraciones de APDHA, Carlos Arce, escribe que, en un marco europeo que contempla la migración irregular predominantemente a través del prisma de la criminalidad grave y la seguridad fronteriza, “ni siquiera la muerte o desaparición de las personas migrantes pone freno a la concatenación de ataques a su dignidad”. Por su parte, Iñárritu también apunta al régimen fronterizo más amplio de la UE: “Muchas cuestiones que no encajan en este marco político dominante, como el derecho de identificación, simplemente se dejan sin gestionar en el día a día. Sencillamente, no son una prioridad”.

      Esto también queda claro en lo que respecta a la inacción del gobierno español a la hora de garantizar un entierro digno a las personas cuyos cuerpos son recuperados. Como señala un informe de 2023 de APDHA, “aunque la repatriación es la opción más deseada por las familias [...] el coste es muy elevado (miles de euros) y muy pocas de sus embajadas ayudan [a sufragarlo]”. La ONG recomienda a España que establezca acuerdos de repatriación con los países de procedencia de los inmigrantes para crear “salvoconductos mortuorios” que garanticen su retorno a un coste reducido.

      A esto se suma que el gobierno central tampoco ha establecido mecanismos para garantizar el derecho de los inmigrantes no identificados a un entierro digno dentro del territorio español, sino que sostiene que los ayuntamientos son responsables de todos los entierros de carácter benéfico. Esto ha supuesto que municipios muy concretos, en los que están estacionadas las embarcaciones de salvamento marítimo, sean legalmente responsables de la mayor parte de los entierros, y la mayoría de estos municipios carecen de cementerios locales capaces de acoger entierros musulmanes tradicionales.

      La posibilidad de que este asunto se convierta en un caldo de cultivo para el rechazo a la inmigración quedó patente el pasado mes de septiembre, cuando la alcaldesa de Mogán (Gran Canaria), Onalia Bueno, insistió en que su municipio dejaría de sufragar estos entierros, ya que no quería “detraer los costes de los impuestos de mis vecinos”. Juan Carlos Lorenzo, de CEAR, condena ese “lenguaje divisivo, que enmarca la cuestión en términos de malgastar el dinero de mis ’vecinos’ en alguien que no es un vecino”, y señala en cambio la actuación de los municipios de El Hierro como contraejemplo positivo.

      En esta isla poco poblada, en los últimos dos meses han sido enterrados siete inmigrantes no identificados, junto con los restos de Mamadou Marea, de 30 años. “Los habitantes de la isla se unieron a nosotros para acompañar los restos de cada una de estas personas hasta su lugar de descanso”, explica Amado Carballo, concejal de El Hierro. “Lo que nos entristeció a todos fue no poder poner un nombre en la lápida y simplemente tener que dejar a las personas identificadas con un código policial”.

      Carballo señala que “más de 10.000 personas han llegado a El Hierro desde septiembre, lo mismo que la población de la isla. Son viajes muy largos, de entre seis y nueve días en el mar, y ahora mismo la gente llega en un pésimo estado de salud. A los que han muerto en los últimos meses hemos intentado ofrecerles un entierro digno dentro de los medios de que disponemos. Hemos contado con la presencia de un imán, que ha rezado oraciones del Islam antes de depositar los restos”.

      En la actualidad, la responsabilidad de conmemorar a las víctimas no identificadas recae en los municipios e incluso en los responsables de los cementerios. Al igual que Germán en el cementerio de Barbate, que intenta dignificar las tumbas sin nombre colocando flores sobre ellas, el cementerio de Motril ha adornado las tumbas con poemas. En Teguise, el Ayuntamiento ha puesto en marcha una iniciativa que anima a los vecinos a dejar flores en las tumbas de los inmigrantes cuando vienen a visitar los restos de sus familiares.

      En otro gesto conmemorativo, una colección de unas 50 barcas de pesca desechadas se ha convertido en un rasgo distintivo del puerto de Barbate. Estas pequeñas embarcaciones de madera con escritura árabe en el casco eran utilizadas por los emigrantes que intentaban cruzar el Estrecho de Gibraltar. En lugar de ser desguazadas, APDHA pudo convertir el astillero en un lugar conmemorativo y colocar placas en las embarcaciones en las que se indicaba cuántas personas viajaban en ellas y dónde y cuándo fueron encontradas.

      En el caso del pequeño Alhassane Bangoura, los vecinos acuden habitualmente a dejar flores frescas y otras muestras de afecto, entre ellas un pequeño cuenco de granito con su nombre de pila inscrito. Pero muchas víctimas son enterradas sin ningún intento de identificación y, tal y como exigen innumerables ONG, políticos y activistas, no debería dejarse en manos de la buena voluntad de residentes, trabajadores de cementerios o concejales el garantizar los últimos derechos de las víctimas de la Fortaleza Europa.

      https://www.eldiario.es/desalambre/enterrar-mil-personas-nombre-trabas-ue-espana-identificar-cuerpos-migrantes

    • « Αγνώστων στοιχείων » : Πάνω από 1.000 αταυτοποίητοι τάφοι στα ευρωπαϊκά σύνορα

      Τάφοι με μόνη σήμανση ένα ξύλο, μνήματα που καλύπτονται από αγριόχορτα : μια διασυνοριακή έρευνα οκτώ δημοσιογράφων σε συνεργασία με Solomon, Guardian και Süddeutsche Zeitung καταγράφει την αδιαφορία γύρω από την αξιοπρεπή ταφή των προσφύγων που χάνουν τη ζωή τους στα ευρωπαϊκά σύνορα.

      Το τηλέφωνο χτύπησε ένα πρωινό του Οκτωβρίου 2022 στη δουλειά, στη Φινλανδία όπου ο 35χρονος Μοχάμεντ Σαμίμ ζει τα τελευταία δέκα περίπου χρόνια.

      Ο ανιψιός του δεν είχε καλά νέα : ο αδερφός του Σαμίμ, Ταρίν Μοχαμάντ, μαζί με τον γιο και τις δύο κόρες του, βρισκόταν σε ένα σκάφος που βυθίστηκε κοντά σε ένα ελληνικό νησί, έχοντας αποπλεύσει από τα τουρκικά παράλια για την Ιταλία.

      Όταν ο Σαμίμ έφτασε την επομένη στα Κύθηρα, έμαθε πως —παρότι αδύναμος αφού δεν είχε φάει επί τρεις μέρες— ο αδερφός του είχε καταφέρει να σώσει την οικογένειά του πριν ένα κύμα τον πάρει μακριά. Πήγε αμέσως στο σημείο του ναυαγίου. Μέσα στο νερό είδε σώματα να επιπλέουν — δεν μπορούσε να δει το πρόσωπο του αδερφού του, αλλά αναγνώρισε την πλάτη του.

      Το Λιμενικό είπε πως έπρεπε να περάσει η κακοκαιρία για να μπορέσουν να βγάλουν τους νεκρούς από τη θάλασσα. Πέρασε η πρώτη μέρα, πέρασε και δεύτερη, ώσπου την τρίτη ημέρα κατέστη τελικά δυνατό. Το Λιμενικό επιβεβαίωσε στο Solomon πως άνεμοι έντασης 8 μποφόρ και η μορφολογία της περιοχής καθιστούσαν την ανάσυρση των σορών αδύνατη. Ο Σαμίμ δεν θα ξεχάσει ποτέ την εικόνα του αδερφού του στη θάλασσα.

      Στην Καλαμάτα, χρειάστηκε να περάσουν τέσσερις ημέρες μετακύλισης της ευθύνης μεταξύ νοσοκομείου και Λιμενικού, και η βοήθεια μιας ντόπιας δικηγόρου που « ήρθε και τους έβαλε τις φωνές », προκειμένου να του επιτραπεί να ακολουθήσει τη διαδικασία ταυτοποίησης του αδερφού του.

      Τον προειδοποίησαν πως θα ήταν μια ψυχοφθόρα διαδικασία, και πως θα έπρεπε να φορέσει τριπλή μάσκα λόγω της μυρωδιάς. Ο Σαμίμ λέει πως, λόγω έλλειψης χώρου στα ψυγεία του νεκροτομείου, ορισμένα από τα θύματα του ναυαγίου βρίσκονταν στον θάλαμο εκτός ψυγείου.

      « Το άγχος και η μυρωδιά. Τα γόνατά μας έτρεμαν », θυμάται ο Σαμίμ όταν τον συναντάμε στα Κύθηρα ένα χρόνο μετά.

      Ξεκίνησαν να του δείχνουν σώματα σε αποσύνθεση. Πρώτα αυτά εκτός ψυγείου. Δεν τον αναγνώρισε ανάμεσά τους. Βγήκαν έξω και άλλαξαν τις μάσκες που φορούσαν, επέστρεψαν, άνοιξαν με τη σειρά τα ψυγεία φτάνοντας στο τελευταίο.

      « Βρισκόταν εκεί, ήρεμος. Ο άνθρωπος που αγαπάς. Ήμασταν κάπως χαρούμενοι που, μετά από μέρες, μπορούσαμε να τον δούμε », είπε ο Σαμίμ.
      Νεκροί πρόσφυγες στα αζήτητα

      Ο αριθμός των προσφύγων που πεθαίνουν στα σύνορα της Ευρώπης ολοένα και μεγαλώνει. Πέρα από τη δυσκολία καταγραφής των θανάτων, υπάρχει και η πρόκληση της ταυτοποίησης των σορών, μια διαδικασία ψυχοφθόρα για τους συγγενείς. Σε κάποιες περιπτώσεις, ωστόσο, υπάρχουν σοροί που μένουν αταυτοποίητες, εκατοντάδες άνδρες, γυναίκες και παιδιά που θάβονται σε τάφους αγνώστων στοιχείων.

      Τον Ιούλιο του 2023, το Ευρωπαϊκό Κοινοβούλιο υιοθέτησε ψήφισμα που αναγνωρίζει το δικαίωμα στην ταυτοποίηση των ανθρώπων που χάνουν τη ζωή τους στην προσπάθεια να φτάσουν στην Ευρώπη, έως σήμερα ωστόσο δεν υπάρχει κεντρικό σύστημα καταγραφής σε πανευρωπαϊκό επίπεδο. Ούτε ενιαία διαδικασία για τη διαχείριση των σορών που καταλήγουν σε νεκροτομεία, γραφεία κηδειών — ακόμη και κοντέινερ ψύξης.

      Το πρόβλημα είναι « εντελώς παραμελημένο », είπε στο Solomon η Ευρωπαία Επίτροπος Ανθρωπίνων Δικαιωμάτων, Dunja Mijatović, η οποία αναφέρει ότι οι χώρες της ΕΕ δεν εκπληρώνουν τις υποχρεώσεις τους βάσει του διεθνούς δικαίου των ανθρωπίνων δικαιωμάτων. « Η τραγωδία των αγνοούμενων μεταναστών έχει λάβει τρομακτικές διαστάσεις. Το ζήτημα απαιτεί άμεση δράση », πρόσθεσε.

      Η πλατφόρμα Missing Migrants του Διεθνούς Οργανισμού Μετανάστευσης (ΔΟΜ), που αναγνωρίζει πως τα στοιχεία της δεν αποτελούν ολοκληρωμένη καταγραφή, κάνει λόγο για πάνω από 1.090 αγνοούμενους πρόσφυγες και μετανάστες στην Ευρώπη από το 2014.

      Στο πλαίσιο της έρευνας Border Graves, οκτώ Ευρωπαίοι δημοσιογράφοι, από κοινού με την βρετανική εφημερίδα Guardian, την γερμανική εφημερίδα Süddeutsche Zeitung, και το Solomon για την Ελλάδα, ερεύνησαν επί επτά μήνες τι συμβαίνει με τις χιλιάδες αταυτοποίητες σορούς όσων χάνουν τη ζωή τους στα ευρωπαϊκά σύνορα, και καταγράφουν για πρώτη φορά έναν σχεδόν διπλάσιο αριθμό : σύμφωνα με τα στοιχεία που συγκεντρώθηκαν, περισσότεροι από 2.162 άνθρωποι πέθαναν την περίοδο 2014-2023.

      Μελετήσαμε έγγραφα και πήραμε συνεντεύξεις από κρατικούς ιατροδικαστές, εισαγγελείς και εργαζομένους σε γραφεία τελετών· από κατοίκους και συγγενείς θανόντων και αγνοουμένων· και αποκτήσαμε αποκλειστική πρόσβαση σε αδημοσίευτα στοιχεία της Διεθνούς Επιτροπής του Ερυθρού Σταυρού.

      Σε 65 νεκροταφεία κατά μήκος των ευρωπαϊκών συνόρων –Ελλάδα, Ισπανία, Ιταλία, Μάλτα, Πολωνία, Λιθουανία, Γαλλία και Κροατία– καταγράψαμε περισσότερους από 1.000 τάφους αγνώστων στοιχείων κατά την τελευταία δεκαετία.

      Η έρευνα καταγράφει τον τρόπο με τον οποίο η κρατική αδιαφορία γύρω από την αξιοπρεπή ταφή των ανθρώπων που χάνουν τη ζωή τους στα σύνορα διαπερνά τις ευρωπαϊκές χώρες. Στην Ιταλία, συναντήσαμε ξύλινους σταυρούς. Στην Κροατία και τη Βοσνία, συναντήσαμε δεκάδες τάφους με την ένδειξη « ΝΝ » (αγνώστων στοιχείων), στη Γαλλία απλώς με ένα « Χ ».

      Στα ισπανικά Γκραν Κανάρια, εντοπίσαμε πλάκες που δεν αναφέρουν την ταυτότητα των θανόντων, αλλά σε ποιο ναυάγιο πέθαναν : « Βάρκα μεταναστών νούμερο 4. 25/09/2022 ».

      Στην Ελλάδα, καταγράψαμε περισσότερους από 540 αταυτοποίητους τάφους προσφύγων, το 54% όσων συνολικά κατέγραψε η ευρωπαϊκή έρευνα. Ταξιδέψαμε στα νησιά του Αιγαίου και τον Έβρο, και εντοπίσαμε τάφους σε χωράφια που ενίοτε καλύπτονται από αγριόχορτα, και μαρμάρινες πλάκες με ημερομηνίες θανάτου που έχουν σβηστεί, ενώ σε άλλες περιπτώσεις ένα κομμάτι ξύλο μαζί με έναν αριθμό αποτελεί τη μόνη σήμανσή τους.

      Τα στοιχεία της έρευνάς μας, σε συνδυασμό με τα στοιχεία της Διεθνούς Επιτροπής του Ερυθρού Σταυρού, δεν αποτελούν εξαντλητική καταγραφή του ζητήματος. Ωστόσο, αποτυπώνουν για πρώτη φορά τα κενά και τις δυσκολίες ενός συστήματος, που οδηγεί χιλιάδες οικογένειες να μην γνωρίζουν πού είναι θαμμένοι οι συγγενείς τους.

      Λέσβος : 167 αταυτοποίητοι τάφοι προσφύγων

      Ένας μακρύς χωματόδρομος, που τριγυρίζεται από ελαιόδεντρα, οδηγεί στην πύλη του νεκροταφείου του Κάτω Τρίτου, που συνήθως παραμένει κλειδωμένη με λουκέτο.

      Το « νεκροταφείο των προσφύγων », όπως το αποκαλούν στο νησί, βρίσκεται περίπου 15χλμ δυτικά της Μυτιλήνης. Αποτελεί τον μοναδικό χώρο ταφής αποκλειστικά για πρόσφυγες και μετανάστες στην Ελλάδα.

      Κατά τη διάρκεια μίας από τις επισκέψεις μας, λάμβανε χώρα η κηδεία τεσσάρων παιδιών. Έχασαν τη ζωή τους στις 28 Αυγούστου 2023, όταν η βάρκα στην οποία επέβαιναν μαζί με 18 ακόμη ανθρώπους βυθίστηκε νοτιοανατολικά της Λέσβου.

      Η πενθούσα μητέρα και αρκετές γυναίκες, μεταξύ των οποίων μέλη της οικογένειας, κάθονταν κάτω από ένα δέντρο, ενώ οι άνδρες προσεύχονταν κοντά στο υπόστεγο που χρησιμοποιείται για τη διαδικασία της ταφής σύμφωνα με την ισλαμική παράδοση.

      Στον Κάτω Τρίτο και τον Άγιο Παντελεήμονα, το νεκροταφείο της Μυτιλήνης όπου θάβονταν οι πρόσφυγες έως τότε, μετρήσαμε συνολικά 167 τάφους αγνώστων στοιχείων μεταξύ 2014-2023.

      Ο τοπικός δημοσιογράφος, και πρώην μέλος του Περιφερειακού Συμβουλίου Βορείου Αιγαίου Νίκος Μανάβης, εξηγεί πως το νεκροταφείο δημιουργήθηκε το 2015 σε έναν ελαιώνα που ανήκει στο δήμο Μυτιλήνης λόγω ανάγκης : ένα πολύνεκρο ναυάγιο στα βόρεια του νησιού, στις 28 Οκτωβρίου του έτους, είχε ως αποτέλεσμα τουλάχιστον 60 νεκρούς, για τους οποίους τα νεκροταφεία του νησιού δεν επαρκούσαν.

      Πολλά θύματα ναυαγίων παραμένουν θαμμένα σε τάφους αγνώστων στοιχείων. Στις ταφόπλακες αναγράφεται η εκτιμώμενη ηλικία των θανόντων και η ημερομηνία ταφής, ενίοτε μόνο ένας αριθμός. Άλλες φορές, ένα κομμάτι ξύλο και περιμετρικά τοποθετημένες πέτρες σηματοδοτούν τον τάφο.

      « Αυτό που βλέπουμε είναι ένα χωράφι, όχι ένα νεκροταφείο. Δεν δείχνει σεβασμό στους ανθρώπους που τάφηκαν εδώ », λέει ο Μανάβης.

      Αυτή η έλλειψη σεβασμού στο νεκροταφείο του Κάτω Τρίτου κινητοποίησε την οργάνωση Earth Medicine. Όπως εξηγεί ο Δημήτρης Πατούνης, μέλος της ΜΚΟ, τον Ιανουάριο του 2022 έκαναν πρόταση στο δήμο Μυτιλήνης για την αποκατάσταση του νεκροταφείου. Το σχέδιό τους είναι να δημιουργήσουν ένα χώρο ανάπαυσης με σεβασμό και αξιοπρέπεια, όπου οι πρόσφυγες και οι αιτούντες άσυλο θα μπορούν να ικανοποιήσουν την πιο ιερή ανθρώπινη ανάγκη, το πένθος για τους αγαπημένους τους.

      Παρόλο που το δημοτικό συμβούλιο ενέκρινε την πρόταση την άνοιξη του 2023, οι δημοτικές εκλογές του Οκτωβρίου καθυστέρησαν το έργο. Ο Πατούνης δηλώνει θετικός ότι σύντομα θα γίνει καταγραφή των τάφων και περίφραξη της περιοχής.

      Ο Χρήστος Μαυραχείλης, νεκροθάφτης στο νεκροταφείο του Αγίου Παντελεήμονα, θυμάται ότι το 2015 οι μουσουλμάνοι πρόσφυγες θάβονταν σε συγκεκριμένη περιοχή του νεκροταφείου.

      « Αν κάποιος ήταν αγνώστου ταυτότητας έγραφα στον τάφο του “Άγνωστος” », λέει. Εάν δεν υπήρχαν συγγενείς, που θα μπορούσαν να καλύψουν το κόστος, ο Μαυραχείλης έκοβε ο ίδιος ένα μάρμαρο και έγραφε όσα στοιχεία μπορούσε από το πιστοποιητικό θανάτου. « Άνθρωποι ήταν κι αυτοί », λέει, « έκανα ό,τι μπορούσα ».

      Από την πλευρά του, ο Θωμάς Βαναβάκης, πρώην ιδιοκτήτης γραφείου τελετών που πρόσφερε υπηρεσίες στη Λέσβο έως το 2020, λέει επίσης πως συχνά χρειάστηκε να καλύψουν ταφές δίχως να λάβουν αμοιβή. « Ξέρετε πόσες φορές μπήκαμε στη θάλασσα και πληρώσαμε εργάτες από την τσέπη μας για να τραβήξουμε τα πτώματα και δεν παίρναμε φράγκο ; », λέει.

      « Το να βλέπεις τόσα μωρά, να τα μαζεύεις και να τα πετάς σε ένα κουτί… Πώς μπορείς να πας σπίτι και να κοιμηθείς μετά από αυτό ; », λέει ο Βαναβάκης.

      Η Έφη Λατσούδη, που ζει στη Λέσβο και εργάζεται στην οργάνωση Refugee Support Aegean (RSA), λέει πως το 2015 υπήρχαν ταφές που δεν μπορούσε να καλύψει ο δήμος Μυτιλήνης, και ορισμένες φορές τις « πληρώναν οι άνθρωποι που συμμετείχαν στην τελετή. Προσπαθούσαμε να δώσουμε μια αξιοπρέπεια στη διαδικασία. Αλλά δεν ήταν αρκετό », λέει.

      Η Λατσούδη θυμάται κάτι που της είχε αναφέρει μια προσφύγισσα το 2015 : « Το χειρότερο που μπορεί να μας συμβεί είναι να πεθάνουμε κάπου μακριά και να μην είναι κανείς στην κηδεία μας ».

      Ο δήμος Μυτιλήνης δεν απάντησε στα ερωτήματά μας σχετικά με την αξιοπρεπή ταφή των προσφύγων στα νεκροταφεία ευθύνης του.
      Χίος και Σάμος : τάφοι καλύπτονται από αγριόχορτα

      Σύμφωνα με την ελληνική νομοθεσία, η τοπική αυτοδιοίκηση (και σε περίπτωση αδυναμίας της η περιφέρεια) καλύπτει το κόστος για την ταφή τόσο των αταυτοποίητων προσφύγων που πεθαίνουν στα σύνορα, όσο και εκείνων που βρίσκονται σε οικονομική αδυναμία.

      Από πλευράς της, η δημοτική Αρχή Χίου δήλωσε πως προβλέπεται χρηματοδότηση για τις σχετικές δαπάνες, καθώς και ότι « στο πλαίσιο των αρμοδιοτήτων της για τα νεκροταφεία, συντηρεί και φροντίζει όλους τους χώρους, χωρίς διακρίσεις και με τον απαιτούμενο σεβασμό, για όλους τους νεκρούς ».

      Αλλά κατά την επίσκεψή μας τον Αύγουστο στο νεκροταφείο του Μερσινιδίου, λίγα χιλιόμετρα βόρεια της πόλης της Χίου, όπου πρόσφυγες βρίσκονται θαμμένοι πλάι στα μνήματα των ντόπιων, δεν ήταν δύσκολο να εντοπίσει κανείς τον διαχωρισμό : οι πέντε τάφοι αταυτοποίητων προσφύγων σηματοδοτούνταν απλώς από ένα μάρμαρο, το οποίο έτεινε να υπερκαλύψει η βλάστηση.

      Η Νατάσα Στραχίνη, δικηγόρος του RSA που ζει στη Χίο, έχει λάβει μέρος σε αρκετές κηδείες προσφύγων τόσο στη Χίο όσο και στη Λέσβο. Για εκείνη, είναι πολύ μεγάλη η σημασία της τοπικής κοινότητας και η παρουσία σε μια τόσο δύσκολη ανθρώπινη στιγμή.

      Σχετικά με τις ταφές, εξηγεί πως « μόνο ένα καλό σύστημα καταγραφής θα μπορούσε να βοηθήσει τους συγγενείς να εντοπίσουν τον τάφο ενός ανθρώπου που έχασαν, καθώς συνήθως στα νεκροταφεία μετά από 3-5 χρόνια γίνονται εκταφές ». Αναφέρει πως ενίοτε ένας τάφος παραμένει αγνώστων στοιχείων παρότι η σορός έχει ταυτοποιηθεί, είτε γιατί καθυστέρησε η διαδικασία ταυτοποίησης, είτε γιατί οι συγγενείς δεν είχαν την οικονομική δυνατότητα να αλλάξουν το μνήμα.

      Στο Ηραίο Σάμου, δίπλα στο δημοτικό νεκροταφείο, σε ένα οικόπεδο που ανήκει στη Μητρόπολη και χρησιμοποιείται ως χώρος ταφής προσφύγων, καταγράψαμε δεκάδες μνήματα που χρονολογούνται μεταξύ 2014-2023. Οι πλάκες –ορισμένες σπασμένες– που έχουν τοποθετηθεί στο έδαφος, « κρυμμένες » από κλαδιά, πευκοβελόνες και κουκουνάρια, αναγράφουν απλώς έναν αριθμό και τη χρονολογία της ταφής.

      Ο δικηγόρος Δημήτρης Χούλης, που ζει στη Σάμο και χειρίζεται υποθέσεις γύρω από το προσφυγικό, σχολίασε σχετικά : « Είναι ντροπιαστική εικόνα να βλέπεις τέτοιους τάφους. Είναι αδικαιολόγητο για μια σύγχρονη κοινωνία όπως η Ελλάδα ».

      Αναζητώντας στοιχεία

      Η Διεθνής Επιτροπή του Ερυθρού Σταυρού είναι από τις λίγες διεθνείς οργανώσεις που εργάζονται για την ταυτοποίηση των νεκρών πρσοφύγων. Μεταξύ άλλων, και στην Ελλάδα έχουν πραγματοποιήσει αρκετές σχετικές εκπαιδεύσεις σε στελέχη του Λιμενικού και της Ελληνικής Αστυνομίας.

      « Είναι υποχρέωσή μας να παρέχουμε στους νεκρούς μια αξιοπρεπή ταφή. Παράλληλα, οφείλουμε να δίνουμε απαντήσεις στις οικογένειες μέσω της ταυτοποίησης των νεκρών. Αν υπολογίσουμε τους συγγενείς των αγνοουμένων, αυτή η διαδικασία επηρεάζει εκατοντάδες χιλιάδες ανθρώπους. Δεν γνωρίζουν πού βρίσκονται οι αγαπημένοι τους. Τους φέρθηκαν καλά ; Τους σεβάστηκαν όταν τους έθαψαν ; », αναφέρει η Laurel Clegg, συντονίστρια ιατροδικαστής για τη μετανάστευση στην Ευρώπη.

      Εξηγεί πως η καταγραφή των νεκρών αποτελεί διαδικασία που « απαιτεί την καλή συνεργασία μεταξύ πολλών μερών : ένα νομικό πλαίσιο που να προστατεύει τους αταυτοποίητους νεκρούς, συστηματικές νεκροψίες (consistent post-mortems), νεκροτομεία, ληξιαρχεία, αξιοπρεπή μεταφορά, νεκροταφεία ».

      Ωστόσο, τα ιατρικά και νομικά συστήματα των χωρών αποδεικνύονται ανεπαρκή για να αντιμετωπίσουν τη διάσταση του προβλήματος, προσθέτει.

      Από το 2013, στο πλαίσιο του προγράμματος για την αποκατάσταση οικογενειακών δεσμών, ο Ερυθρός Σταυρός έχει καταγράψει στην Ευρώπη 16.500 αιτήματα από ανθρώπους που αναζητούν αγνοούμενους συγγενείς τους. Σύμφωνα με τον διεθνή οργανισμό έχουν επιτευχθεί μόλις 285 επιτυχείς αντιστοιχίσεις (1,7%).

      Τις αντιστοιχίσεις αυτές αναλαμβάνουν οι κατά τόπους ιατροδικαστές.

      « Συλλέγουμε πάντα δείγματα DNA από τις σορούς αγνώστων στοιχείων. Είναι συνήθης πρακτική και μπορεί να είναι το μόνο εφικτό μέσο ταυτοποίησης », αναφέρει ο Παναγιώτης Κοτρέτσος, ιατροδικαστής στη Ρόδο. Τα δείγματα αποστέλλονται στο εργαστήριο DNA της Διεύθυνσης Εγκληματολογικών Ερευνών της Ελληνικής Αστυνομίας, σύμφωνα με πρωτόκολλο της INTERPOL.

      Σύμφωνα με τον Ερυθρό Σταυρό, οι δυσκολίες συνήθως προκύπτουν όταν οι οικογένειες βρίσκονται εκτός ΕΕ, και οφείλονται σε διάφορους παράγοντες, όπως τυχόν διαφορές στο νομικό πλαίσιο ή στα ιατρικά συστήματα των χωρών. Για παράδειγμα, ορισμένες χώρες της ΕΕ δεν μπορούν να « ανοίξουν » υπόθεση και να πάρουν δείγματα DNA από οικογένειες, χωρίς εντολή από τις Aρχές της χώρας στην οποία έχει ανασυρθεί η σορός του συγγενή που αναζητάται.

      Το πιο δύσκολο μέρος στη διαδικασία ταυτοποίησης μέσω DNA είναι ότι χρειάζεται να υπάρχει κι ένα δεύτερο δείγμα που θα συγκριθεί με εκείνο που συνέλεξαν οι ιατροδικαστές, το οποίο πρέπει να σταλεί από τις οικογένειες των αγνοουμένων. « Για έναν πρόσφυγα που ξεκίνησε το ταξίδι του από μια χώρα της κεντρικής Αφρικής, ταξίδεψε για μήνες, και πέθανε στην Ελλάδα, θα υπάρχει το γενετικό υλικό στο νεκροτομείο. Αλλά θα παραμείνει αταίριαστο μέχρι κάποιος συγγενής πρώτου βαθμού να στείλει δείγμα DNA », λέει ο Κοτρέτσος.

      Εξηγεί πως αυτό δεν είναι πάντα εφικτό. « Έχουμε δεχτεί τηλεφωνήματα από συγγενείς που βρίσκονταν στη στη Συρία, και αναζητούσαν αγνοούμενα μέλη της οικογένειάς τους, και δεν μπορούσαν να στείλουν δείγματα ακριβώς επειδή βρίσκονταν στη Συρία ».

      Έξω από το πανεπιστημιακό νοσοκομείο της Αλεξανδρούπολης, δύο κοντέινερ ψυγεία που έχουν παραχωρηθεί από τον Ερυθρό Σταυρό ως προσωρινοί νεκροθάλαμοι φιλοξενούν τα σώματα 40 προσφύγων.

      Ο καθηγητής Ιατροδικαστικής στο Δημοκρίτειο Πανεπιστήμιο Θράκης, Παύλος Παυλίδης, έχει από το 2000 πραγματοποιήσει αυτοψίες σε τουλάχιστον 800 σώματα ανθρώπων σε κίνηση, με βασικές αιτίες θανάτου τον πνιγμό στα νερά του Έβρου και την υποθερμία.

      Ο ιατροδικαστής δεν αρκείται στην απαραίτητη συλλογή DNA : καταγράφει δεδομένα όπως σημάδια γέννησης ή τατουάζ και αντικείμενα (π.χ. πορτοφόλια, δαχτυλίδια, γυαλιά), τα οποία θα μπορούσαν να αποτελέσουν τον συνδετικό κρίκο για έναν συγγενή που αναζητά το αγαπημένο του πρόσωπο.

      Λέει πως συνολικά 313 σοροί που βρέθηκαν στον Έβρο από το 2014 παραμένουν αγνώστων στοιχείων. Όσες δεν μπορούν να ταυτοποιηθούν θάβονται σε ειδικό νεκροταφείο στο Σιδηρώ, το οποίο διαχειρίζεται ο δήμος Σουφλίου, ενώ 15-20 αταυτοποίητες σοροί τάφηκαν στην Ορεστιάδα όσο γινόταν η επέκταση του νεκροταφείου Σιδηρού.

      Οι σοροί των μουσουλμάνων προσφύγων που ταυτοποιούνται ενταφιάζονται στο μουσουλμανικό νεκροταφείο στη Μεσσούνη Κομοτηνής ή επαναπατρίζονται, όταν οι συγγενείς μπορούν να καλύψουν το κόστος επαναπατρισμού.

      « Αυτό δεν είναι αξιοπρεπές »

      Απαντώντας σε σχετικά ερωτήματα, το υπουργείο Μετανάστευσης και Ασύλου είπε πως το ζήτημα των διαδικασιών ταυτοποίησης και ταφής προσφύγων δεν εμπίπτει στις αρμοδιότητές του. Εκπρόσωπος της Κομισιόν δήλωσε πως σχετικά κονδύλια προς την Ελλάδα δεν προβλέπονται, ωστόσο εν λόγω δαπάνες « θα μπορούσαν να υποστηριχθούν στο πλαίσιο του Εθνικού Προγράμματος του Ταμείου Ασύλου, Μετανάστευσης και Ένταξης », το οποίο διαχειρίζεται το υπουργείο Μετανάστευσης.

      Ο Θεόδωρος Νούσιας είναι επικεφαλής ιατροδικαστής της Ιατροδικαστικής Υπηρεσίας Βορείου Αιγαίου, δηλαδή υπεύθυνος για τα νησιά Λέσβο, Σάμο, Χίο, και Λήμνο. Σύμφωνα με τον ιατροδικαστή, η διαδικασία ταυτοποίησης μέσω DNA έχει βελτιωθεί πολύ σε σχέση με πριν από μερικά χρόνια.

      Ο Νούσιας λέει ότι πάντα ήταν διαθέσιμος, όταν του ζητήθηκε να αναγνωρίσει κάποιον. « Πρέπει να εξυπηρετείς τους ανθρώπους, γι’ αυτό βρίσκεσαι εκεί. Να εξυπηρετείς τους ανθρώπους για να μπορούν να βρουν την οικογένειά τους », προσθέτει.

      Ο ιατροδικαστής ζει στη Λέσβο, αλλά λέει πως δεν έχει πάει ποτέ στο νεκροταφείο στον Κάτω Τρίτο. « Δεν θέλω να πάω. Θα είναι δύσκολο για μένα γιατί οι περισσότεροι από αυτούς τους ανθρώπους έχουν περάσει από τα χέρια μου ».

      Τον Οκτώβριο του 2022, ο 32χρονος Σουτζά Αχμαντί και η αδελφή του Μαρίνα ταξίδεψαν επίσης στα Κύθηρα και, στη συνέχεια, στην Καλαμάτα προκειμένου να αναγνωρίσουν τη σορό του πατέρα τους, Αμπντούλ Γασί.

      Ο 65χρονος είχε ξεκινήσει το ταξίδι για την Ιταλία μαζί με τη γυναίκα του Χατίτζε — εκείνη επέζησε. Τα δύο αδέλφια επισκέφθηκαν το νοσοκομείο, όπου τους έδειξαν και τα οκτώ πτώματα, άνδρες και γυναίκες, παρότι είχαν εξαρχής εξηγήσει πως ο άνθρωπος που αναζητούσαν ήταν άνδρας.

      Το σώμα του πατέρα τους ήταν μεταξύ εκείνων που βρίσκονταν εκτός ψυγείου.

      « Η αδελφή μου έκλαιγε και τους φώναζε να πάρουν τον πατέρα μας από το κοντέινερ ψυγείο γιατί μύριζε », θυμάται ο Σουτζά. « Δεν ήταν αξιοπρεπές μέρος για έναν άνθρωπο ».

      Για την έρευνα συνεργάστηκαν οι : Gabriele Cruciata, Eoghan Gilmartin, Danai Maragoudaki, Barbara Matejčić, Leah Pattem, Gabriela Ramírez, Daphne Tolis and Tina Xu (συντονίστρια).

      Η έρευνα υποστηρίχθηκε από το Investigative Journalism for Europe (IJ4EU) και Journalismfund Europe.

      https://wearesolomon.com/el/mag/format-el/erevnes/agnoston-stoixeion-pano-apo-1000-ataftopoihtoi-tafoi-sta-evropaika-syn

    • U Hrvatskoj pronađeno 45 neimenovanih grobova migranata, među njima je bila i 5-godišnja curica: ‘Policija ih često tjera u rijeku’

      Telegram ekskluzivno donosi veliku priču Barbare Matejčić koja je, kao jedina novinarka iz Hrvatske, sudjelovala u međunarodnoj novinarskoj istrazi s kolegama iz uglednih medija poput britanskog Guardiana i njemačkog Süddeutsche Zeitunga. Otkrili su kako završavaju tijela onih koji su stradali pokušavajući ući u Europsku uniju

      U selu Siče u istočnoj Hrvatskoj više je Sičana na groblju nego među živima: živih je 230, a umrlih 250. Točnije, na groblju je 247 Sičana i tri nepoznate osobe. Bilo bi ih još više pod zemljom da Siče svoje groblje nema tek od 1970-ih. Bilo bi još više i živih da nisu, kao mnogi iz tog kraja, odlazili u veće gradove ili u inozemstvo u potrazi za boljim životom. Grobovi Sičana, ukratko, posjetitelju kažu tko su ti ljudi bili, gdje pripadaju i posjećuju li ih bližnji. Tako to biva s grobovima, sažimaju osnovne informacije naših života. Ako na grobu stoji samo NN, to sažima tragediju.

      Tko su te tri osobe kojima se ne zna ime? Kako im je posljednja adresa skromni humak u Siču? Migranti, utopili su se u obližnjoj rijeci, reći će vam mještani. Malo je mjesto, malo je groblje, sve se zna. I da ne znate ništa, jasno vam je da te tri osobe tu ne pripadaju. Ukopani su sasvim izdvojeno od ostatka groblja. Tri drvena križa s NN natpisima, zabodena u zemlju na rubu groblja. NN, kao skraćenica od latinskog nomen nescio, doslovno znači: ne znam ime.

      https://www.youtube.com/watch?v=iQAGqiWBB78&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.telegram.hr%2F&

      Službeno objašnjenje komunalnog poduzeća koje upravlja grobljem je da je ostavljeno mjesta za još mogućih ukopa onih kojima se ne zna ime. A objašnjenje na koje pomislite kad tamo dođete jest da su ukopani izdvojeno kako se ne bi miješali s mještanima. Ili, kako nam se u telefonskom razgovoru izlanuo načelnik jednog drugog mjesta gdje su također na margini groblja NN migrantski grobovi: “Da nam ne smetaju.”

      Afganistanci pod križem

      Na groblju u Sičama to su jedina tri groba o kojima nitko ne vodi računa. Za nekih pet godina mogao bi im nestati svaki trag. Komunalna poduzeća su dužna ukopati neidentificirana tijela, ali ne i održavati grobove osim ako grob nije od “osobe od posebnog povijesnog i društvenog značaja”, kako zakon nalaže. NN1, NN2 i NN3 su od posebnog značaja samo svojim bližnjima, koji vjerojatno ni ne znaju gdje su. Možda čekaju da im se konačno jave iz zapadne Europe. Možda ih traže. Možda ih oplakuju. No, ako zakopate malo dublje, saznat ćete ponešto o onima koji tu počivaju bez imena.

      U rano i hladno jutro 23. prosinca 2022. policija je pronašla dva tijela na obali Save, koja je u tom području odvaja Hrvatsku od Bosne i Hercegovine. Odvaja Europsku uniju od ostatka Europe. Prema policijskom izvještaju, pronašli su i skupinu od dvadeset stranih državljana koji su tim putem nezakonito ušli u Hrvatsku. Skupini je nedostajala još jedna osoba. Nakon opsežne potrage u popodnevnim satima je pronađeno i treće tijelo. Patolog Opće bolnice u Novoj Gradiški ustanovio je da je smrt za sve troje nastupila u 2.45 u noći. Dvojica su umrla od pothlađenosti, jedan se utopio.

      Kod njih su pronađene iskaznice iz izbjegličkog kampa u Bosni i Hercegovini. Saznali smo da su, prema iskaznicama, sva trojica bila iz Afganistana: Ahmedi Abozari imao je 17 godina, Basir Naseri imao je 21 godinu i Shakir Atoin je imao 25 godina. NN1, NN2 i NN3. Za dvojicu od njih su i drugi iz skupine migranata potvrdili identitet, rekli su nam iz Policijske uprave brodsko-posavske. Zašto su onda pokopani kao NN? Ako se znalo da su iz Afganistana, zašto su pokopani pod križem? Ako ih traže obitelji, kako će ih naći?
      ‘Neka plate za ime na grobu’

      U upravi groblja su bili ljubazni i rekli da pokapaju prema tome kako stoji u dozvoli za ukop koju potpisuje patolog. A stajalo je NN. Patolog je rekao da podatke ispisuje na temelju informacija dobivenih od policije i mrtvozornika. Iz nadležne policije su nam rekli da se osoba sahranjuje po pravilima lokalne uprave. Groblje Siče pripada Općini Nova Kapela, čiji nam je načelnik Ivan Šmit nezadovoljno nabrojao sve troškove koje je njegova općina snosila za te ukope i poručio da ako će netko za to platiti, onda može promijeniti oznaku NN u imena.

      Na niz smo takvih administrativnih nejasnoća naišli istražujući kako nadležna tijela postupaju s tijelima onih koji su stradali pokušavajući ući u Europsku uniju, kao dio Border Graves Investigation koje je proveo tim od osam slobodnih novinara u zemljama na migrantskim rutama, zajedno s britanskim Guardianom i njemačkim Süddeutsche Zeitungom.

      Nema jedinstvene europske baze podataka o broju migranata koji su pokopani u Europi. No tim je uspio potvrditi najmanje 1.931 takav grob u Grčkoj, Italiji, Španjolskoj, Hrvatskoj, Malti, Poljskoj i Francuskoj u zadnjem desetljeću, dakle od 2014. do 2023. Od toga je 1.015 NN grobova. Više od polovice neidentificiranih grobova je, očekivano, u Grčkoj – 551, u Italiji 248 i u Španjolskoj 109. U Hrvatskoj smo utvrdili 59 grobova migranata koji su ukopani posljednjeg desetljeća, od čega ih 45 nije identificirano. Podaci su temeljeni na različitim bazama podataka koje u pojedinačnim zemljama prikupljaju međunarodne organizacije, nevladine udruge, znanstvenici i istraživači, kao i od lokalnih vlasti te terenskim radom.

      Tim novinara je posjetio 24 groblja u Grčkoj, Italiji, Španjolskoj, Hrvatskoj, Poljskoj i Litvi, gdje je ukupno 555 grobova neidentificiranih migranata od 2014. do 2023. To su oni čija su tijela pronađena i pokopana. Međunarodni odbor Crvenog križa procjenjuje da se 87 posto onih koji nestanu na europskim južnim granicama nikad ne pronađe. Za kopnene migrantske rute nema procjena.
      Traže li migrante kao što traže turiste?

      Prosinac 2022. kad su umrla trojica mladih Afganistanaca je bio kišniji nego inače i Sava je nabujala. No ionako je velika i brza. Na tom je području samo tri dana ranije nestalo petero turskih državljana nakon što im se na Savi prevrnuo čamac. Među njima su bili dvogodišnja curica, dvanaestogodišnji dečko i njihovi roditelji. Brat nestalog oca je došao iz Njemačke u Hrvatsku kako bi saznao što se dogodilo s obitelji. Iz dokumentacije koju posjedujemo, vidljivo je da je uz pomoć turkologinje Nine Rajković pokušavao od više policijskih postaja doći do informacija u vezi nestalih. Nije ih dobio ni mjesecima kasnije. Htjeli su prijaviti nestanak, no u policiji im je rečeno da prijavu nema smisla pisati ako osobe nisu prethodno registrirane na području Hrvatske ili Bosne i Hercegovine.

      Na niz smo sličnih primjera naišli baveći se ovom temom. Mladić je došao u Hrvatsku i prijavio policiji i u Hrvatskoj i u Sloveniji da mu se brat utopio u Kupi. No njegov nestanak nije evidentiran u hrvatskoj nacionalnoj bazi nestalih osoba koja je javno dostupna. Policija brata nije kontaktirala nakon što je u narednim danima u Kupi nađeno više neidentificiranih tijela. Afganistanac je šest mjeseci čekao da se tijelo njegova brata, koji se utopio kad su zajedno pokušali prijeći Savu također u prosincu 2022., prebaci iz Hrvatske u Bosnu i Hercegovinu da ga može pokopati. Iako je potvrdio da je riječ o njegovu bratu, proces identifikacije je bio spor i kompliciran.

      Naišli smo i na primjere obitelji koje nemaju nekoga u Europi tko može doputovati i uporno tragati za informacijama, već izdaleka pokušavaju ući u trag bližnjima koji se gube na području Hrvatske i na kraju su obeshrabreno odustali. Puno je pitanja i malo jasnih odgovora na temu nestalih i umrlih migranata na tzv. Balkanskoj ruti, čiji je Hrvatska dio. Ne postoje jasni protokoli i procedure oko toga kome i kako se prijavljuje nestanak. Ne zna se traži li se nestale migrante aktivno, kao što se ljeti traži nestale turiste. Nije jasno koliko je informacija, i kojih, potrebno za identifikaciju.
      Obitelji se nemaju kome javiti

      “Kruženje informacije između institucija i pojedinih odjela mi se čini gotovo nepostojeća. U jednom slučaju mi je trebalo više od dva mjeseca i deseci telefonskih poziva i mailova upućenih na različite adrese, policijske postaje, policijske uprave, bolnice, državno odvjetništvo, samo da potaknem pokretanje identifikacije koja do danas, više od godinu dana kasnije, još nije završena”, kaže Marijana Hameršak s Instituta za etnologiju i folkloristiku u Zagrebu. Ona vodi znanstveni projekt “Europski režim iregulariziranih migracija na periferiji EU” u kojem se prikuplja znanje i podaci o nestalim i umrlim migrantima. Na kraju sve ovisi o susretljivim i posvećenim pojedincima u institucijama, kaže Hamrešak, no oni ne mogu nositi cijeli teret disfunkcionalnog sustava.

      Potrage za nestalim i pokušaji identifikacije umrlih migranata u Hrvatskoj, kao i susjednoj Bosni i Hercegovini, najčešće počivaju na trudu volontera i aktivista, koji poput Marijane tragaju za informacijama u kaotičnoj administraciji jer je obiteljima koje ne poznaju jezik taj zadatak praktički nesavladiv. Tako je Facebook grupa Dead and Missing in the Balkans postala glavno mjesto razmjene fotografija i podataka o nestalima i umrlima između obitelji i aktivista. Ne postoj internetska stranica na engleskom nadležnog Ministarstva unutarnjih poslova na koju se mogu javiti iz Afganistana ili Sirije i raspitati se za sudbinu svojih bližnjih, ostaviti podatke o njima i prijaviti nestanak.

      https://www.youtube.com/watch?v=PldA9Pa3LJc&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.telegram.hr%2F&

      Nema ni regionalne baze podataka o nestalim i umrlim migrantima na kojoj bi surađivale policije makar iz zemalja među kojima se bilježi najviše prelazaka – iz Bosne i Hercegovine u Hrvatsku. Povjerenica Vijeća Europe za ljudska prava Dunja Mijatović je u razgovoru s našim timom naglasila da je iznimno važno uspostaviti centraliziranu europsku bazu podataka o nestalim i umrlim migrantima. Kad bi takva baza podataka objedinjavala ante-mortem (podaci o osobi koji se prikupljaju od rodbine i poznanika, poput fizičkih karakteristika i opisa odjeće koju je nosila posljednji put, koje je predmete imala uz sebe itd.) i post-mortem (kao DNK uzorak i fotografije) podatke o umrlima, uvelike bi se povećale šanse za identifikaciju.
      Poginuti ili ostvariti san

      “Obitelji imaju pravo znati istinu o tome što se dogodilo njihovim najbližima”, kaže Mijatović. No suradnja policija susjednih zemalja u održavanju vanjske granice EU nepropusnom je učinkovita. Ranije migranti nisu tako često pokušavali prijeći Savu. Znali su da je previše opasna. Dijele informacije jedni s drugima i ne upuštaju se u prelazak takve rijeke u dječjim čamcima na napuhavanje ili u zračnicama kotača. Ako nisu sasvim očajni.

      Hrvatska policija je push-backovima i upotrebom sile – na što već godinama upozoravaju Amnesty International i Human Rights Watch – otežala prelazak drugim, manje opasnim prijelazima duž zelene granice s Bosnom i Hercegovinom. Kako nam je rekao mladi Marokanac u Bosni i Hercegovini, koji je 11 puta pokušao preći u Hrvatsku ali ga je hrvatska policija svaki put vratila: “Imaš dva izbora: poginuti ili ostvariti san.” Koliko ih je poginulo na Balkanskoj ruti u pokušaju ostvarenja sna, teško je utvrditi. Najsveobuhvatniji podaci za zemlje bivše Jugoslavije su oni koje prikupljaju istraživači projekta “Europski režim iregulariziranih migracija na periferiji EU”, i broje 346 stradalih od 2014. do 2023. u Hrvatskoj, Bosni i Hercegovini, Srbiji, Sloveniji, Sjevernoj Makedoniji i na Kosovu.

      ERIM-ova baza pojedinačno navodi svakog stradalog i sadrži onoliko podataka koliko su istraživači mogli prikupiti iz raznih izvora – medija, svjedoka stradanja, od institucija, iz aktivističkih kanala. No brojka je zasigurno bitno veća. Nestanak nekih nije ni evidentiran. Tijela mnogih nikad nisu pronađena. Stara planina između Bugarske i Srbije težak je i nedostupan teren. Tu će na preminule naići samo oni koji su istom sudbinom nagnani na taj put i neće riskirati prijavu. Ako stradaju u minskim poljima zaostalim iza ratova u Hrvatskoj i Bosni i Hercegovini, od tijela im neće ostati mnogo. Najviše je pronađeno tijela utopljenih u rijekama, no nema procjena koliko utopljenih nije nikad pronađeno.
      U Hrvatskoj 45 neidentificiranih

      Hrvatsko Ministarstvo unutarnjih poslova nam je dostavilo podatke o stradalim migrantima od 2015., otkad vode evidenciju, do kraja studenog 2023.: ukupno 87 stradalih migranata na području Republike Hrvatske. Ni jedno službeno tijelo u Hrvatskoj, Bosni i Hercegovini i Srbiji ne vodi evidenciju o pokopanim migrantima na tom teritoriju. No za Hrvatsku smo uspjeli doći do podataka, zahvaljujući upitima poslanima na preko 500 adresa gradova, općina i komunalnih poduzeća koja upravljaju grobljima. Prema dobivenim podacima, u Hrvatskoj se na 32 groblja nalazi 59 grobova migranata, koji su ukopani posljednjeg desetljeća, dakle od 2014. do danas. Od toga ih 45 nije identificirano.

      Neki pokopani migranti su ekshumirani i vraćeni obiteljima u zemlju porijekla, premda je to za obitelji zahtjevan i iznimno skup proces. U MUP-u navode da se od 2001. DNK uzorci uzimaju od svih neidentificiranih tijela, a obradu provodi Centar za forenzična ispitivanja, istraživanja i vještačenja Ivan Vučetić. Tražili smo od MUP-a razgovor sa stručnjacima koji rade na identifikaciji migranata, ali nam nije udovoljeno.

      Među NN grobovima u Hrvatskoj je mrtvorođena beba iz Sirije pokopana 2015. u Slavonskom Brodu. Petogodišnja djevojčica koja se utopila u Dunavu i pokopana je 2021. u Dalju. Prošlo ljeto je mladić u brdovitom predjelu na dubrovačkom području umro od iscrpljenosti. Neke je udario vlak. Mnogi su umrli od pothlađenosti. Neki umru jer im nije na vrijeme pružena pomoć. Neki ne vjeruju da im išta više može pomoći pa se ubiju.
      Nerazriješeni gubitak

      Prema zakonu, sahranjuju se najbliže mjestu stradavanja tako da su uglavnom na malim grobljima poput onog u Sičama. Često su, baš kao tamo, njihovi grobovi izdvojeni od ostatka groblja. Ponegdje je, kao u Otoku, netko od mještanki mekog srca dao sebi u zadatak da brine o NN grobu. Negdje je, kao na groblju u Prilišću, NN drveni križ iz 2019. već istrunuo.

      Iza svakog tog NN groba ostaju bližnji koji se nose s teretom neznanja što se dogodilo. Psiholozi to zovu nerazriješenim gubitkom, jer toliko dugo koliko bližnji nemaju potvrdu da su njihovi voljeni mrtvi i ne znaju gdje su im tijela, ne mogu žalovati za njima. Ako nastave sa životom, osjećaju krivnju. I tako su zamrznuti u stanju između očaja i nade. Američka psihologinja dr. Pauline Boss autorica je termina i teorije o nerazriješenom gubitku. “Znati gdje je grob bližnje osobe je jako važno jer pomaže da se oprostite”, rekla je dr. Boss u razgovoru za naš tim.

      Postoji i praktična strana te zamrznutosti: ako osoba nije proglašena mrtvom, ne može se provesti nasljeđivanje, ne može se pristupiti bankovnom računu, ne može se dobiti obiteljska mirovina, partner ili partnerica se ne mogu ponovno vjenčati, komplicira se skrbništvo nad djecom. Mnoge obitelj i u Hrvatskoj i u Bosni i Hercegovini dobro poznaju nerazriješeni gubitak; ratovi u devedesetima ostavili su tisuće nestalih. Obje zemlje imaju posebne zakone o nestalima u tim ratovima i dobro razrađene mehanizme potrage, identifikacije, pohranjivanja podataka i međusobne suradnje. No to se ne primjenjuje na migrante koji se gube i pogibaju među tisućama koji se kreću Balkanskom rutom.
      Uređeni koridor – nula mrtvih

      Hrvatska je postala važna točka ulaska u Europsku uniju nakon što je Mađarska zatvorila granice u rujnu 2015. Od tada pa do ožujka 2016. preko hrvatske dionice Balkanskog koridora – dakle, međudržavnog, organiziranog puta – prema procjenama, prošlo je oko 660.000 izbjeglica. Taj koridor im je omogućio da od Grčke pa do zapadne Europe dođu u dva ili tri dana. I dolazili su sigurno. Od tih stotina tisuća ljudi u pokretu, hrvatski MUP ne bilježi niti jednu smrt 2015. i 2016. Koridor je i uspostavljen da bi se spriječila stradavanja nakon što je veći broj izbjeglica u proljeće 2015. poginuo na željezničkoj pruzi u Makedoniji.

      No sa sklapanjem europsko-turskog sporazuma o izbjeglicama u ožujku 2016. godine, koridor je zatvoren. EU se obavezala izdašno financirati Tursku da izbjeglice drži na svom teritoriju kako ne bi dolazili u Europsku uniju. I tako je migrantima ostala pogibeljna Balkanska ruta. Mnogi njom idu. Samo u deset mjeseci 2023. hrvatska je policija evidentirala 62.452 postupanja vezano za nezakonite prelaske granice.

      I Ured pučke pravobraniteljice u Hrvatskoj i povjerenica Vijeća Europe za ljudska prava upozoravaju na isto: granične i migracijske politike utječu na povećanje rizika od nestajanja migranata. I da je potrebno da se u EU uspostave legalni i sigurni putevi migracija. No, EU očekuje od Hrvatske da štiti zajedničku vanjsku granicu. I Hrvatska to zdušno radi. Takvu praksu ministar Davor Božinović naziva “obeshrabrivanjem” migranata da uđu u Hrvatsku.
      ‘Obeshrabreni’ pod vlak

      Rezultat takve prakse je, primjerice, smrt Madine Hussiny. Šestogodišnju afganistansku djevojčicu je ubio vlak nakon što je njenu obitelj hrvatska policija “obeshrabrila” i usred noći 2017. potjerala nazad u Srbiju uz uputu da prate tračnice. Europski sud za ljudska prava u studenom 2021. je presudio da je Hrvatska odgovorna za Madininu smrt. U svjedočanstvima koja smo čuli, kao i u mnogim izvještajima nevladinih organizacija, migranti opisuju da im je hrvatska policija na granici naredila da pregaze ili preplivaju rijeku kako bi se vratili u Bosnu ili Srbiju, da se penju preko stijena, idu kroz šumu, nekad i svučeni dogola i ne znajući put jer im policija u pravilu oduzme mobitele.

      Prema podacima koje prikuplja Dansko vijeće za izbjeglice, od početka 2020. do kraja 2022. najmanje je 30.000 ljudi prisilno vraćeno iz Hrvatske u Bosnu i Hercegovinu. Među njima je bio i Afganistanac Arat Semiullah. U studenom 2022. je namjeravao prijeći Savu i ući iz Bosne u Hrvatsku. Utopio se. Imao je 20 godina. Pokopan je na pravoslavnom groblju u Banja Luci. Njegova obitelj u Afganistanu nije znala što mu se dogodilo. Dan ranije je poslao mami fotografiju na kojoj je svježe ošišan za ulazak u Europsku uniju. I onda se prestao javljati.

      https://www.youtube.com/watch?v=_2nVP5AL1x0&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.telegram.hr%2F&

      Majka je molila nećaka Paymana Sediqija, koji živi u Njemačkoj, da ga pokuša pronaći. Payman je stupio u kontakt s aktivistom Nihadom Suljićem, koji u Bosni i Hercegovini samostalno pomaže obiteljima da doznaju što je s njihovim bližnjima. Tjednima su pokušavali doći do informacija. Payman je otputovao u Bosnu i uspio pronaći tijelo rođaka zahvaljujući susretljivosti policajke koja mu je pokazala forenzičke fotografije. Aratova mama je telefonski potvrdila da je to njezin sin.
      U Europi sahranili snove

      Na Aratovoj osmrtnici objavljenoj u Bosni i Hercegovini piše da je “hrvatska policija vatrenim oružjem potopila čamac te se on tragično utopio”. Uz pomoć muslimanske zajednice, a na želju obitelji, uspjeli su tijelo prebaciti iz Banja Luke na muslimansko groblje u Kamičanima. Htjeli su ga pokopati u Afganistanu, ali im je bilo previše skupo i birokratski komplicirano. U rujnu 2023. susreli smo se s Nihadom i Paymanom kad je Aratu postavljen velik kameni nadgrobni spomenik. Na njemu piše: “U pokušaju dolaska do Europe utopio se u rijeci Savi.”

      Payman nam je ispričao da je Arat prelazio Savu u skupini migranata. Dio njih je uspio doći do hrvatske obale, no onda je hrvatska policija pucala u gumeni čamac u kojem je bio Arat. Čamac se potopio i Arat se utopio. Tako je Paymanu ispričao preživjeli koji je prešao na hrvatsku obalu Save. Payman kaže da je Aratova obitelj u velikoj boli, ali da makar znaju gdje im je sin i da je pokopan po religijskim običajima. Paymanu je važno da na grobu piše da je Arat stradao kao migrant.

      “Svakodnevno u Europi umiru ljudi koji bježe iz zemalja u kojima im nema života. U Europi se sahranjuju njihovi snovi. Nikoga nije briga za njih, čak ni kad europski policajci pucaju na njih”, kaže Payman. Zna o kakvim snovima govori; i sam je ilegalno došao u Njemačku sa 16 godina. Kaže da je imao sreće. Nihad se zalaže da se i drugi grobovi migranata u Bosni i Hercegovini trajno obilježe. Vodi nas na groblje u Zvorniku gdje je pokopano 17 NN migranata. Kaže kako za neke od njih ima informaciju da su imali pasoš sa sobom kad su pronađeni.
      ‘Ove ljude nije ubila rijeka’

      S groblja se vidi Drina, koja dijeli Srbiju od Bosne i u kojoj mnogi izgube život pokušavajući je preći. Samo je ove godine u Drini pronađeno tridesetak tijela. Nihad kaže da imaju sreće ako ih rijeka izbaci na bosansku stranu jer se u Srbiji često ne radi ni obdukcija niti uzimaju DNK uzorci. To su nam potvrdili i aktivisti iz Srbije. U tom slučaju su i u smrti sasvim izgubljeni za svoje obitelji. Zemljani NN grobovi u Zvorniku su zarasli i nisu omeđeni, tako da ne znate gazite li po njima.

      Nihad je uspio uvjeriti Grad Zvornik da drvena obilježja zamijene crnim kamenom. Važno mu je da su pokopani dostojanstveno, ali mu je još važnije da ostanu svjedočiti. “Želja mi je da i za sto godina ovi grobovi budu spomenici srama EU. Jer, nije ove ljude ubila rijeka, nego granični režim EU”, kaže Nihad.

      https://www.youtube.com/watch?v=UJkS3qHfA54&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.telegram.hr%2F&

      https://www.telegram.hr/preview/1905158

    • An obscure island grave: fate of deadly EU migration route’s youngest victim

      Case of #Alhassane_Bangoura in #Lanzarote highlights Europe-wide failure as authorities struggle to cope with scale of deaths

      Stretching less than a metre in length and covered in the ochre-coloured soil that dots the Canary island of Lanzarote, large stones encircle the tiny mound. There is no tombstone or plaque; nothing official to signal that this is the final resting site of the infant believed to be the youngest victim of one of the world’s deadliest migration routes.

      Instead, two bouquets of plastic daisies adorn the grave, along with a granite bowl engraved with his name, Alhassane Bangoura, hinting at the impact his story had on many across the island.

      His mother, originally from Guinea, was among three pregnant women who joined 40 others in an inflatable raft that left Morocco in early January 2020. After running out of fuel, the flimsy raft was left to the mercy of Atlantic currents for three days.

      “They were driven by desperation,” said Mamadou Sy, a municipal councillor for the Socialist party in Lanzarote. “Nobody would get into one of these vessels if they had even a little bit of hope in their own country. Nobody would do it.”

      So far this year, a record 35,410 migrants and refugees have arrived on the shores of the Canary Islands – a 135% increase over last year. More than 11,000 of them landed at the tiny island of El Hierro, home to just 9,000 people.

      The surge in those risking the perilous route has transformed the archipelago into a microcosm of the wider strain playing out across the EU as authorities struggle to deal with the bodies of those that die on their way. A Guardian investigation in collaboration with a consortium of reporters has found that refugees and migrants are being buried in unmarked graves across the EU at a scale that is unprecedented outside of war.

      In September, the mayor of Mogán, a municipality on the island of Gran Canaria, gave voice to the tensions that have at times surfaced as officials across the EU confront this issue, announcing she would no longer use her budget to cover the cost of burying refugees and migrants who are found along the shores that buttress the municipality.

      “When they die on the high seas, it is the responsibility of the state,” Onalia Bueno told reporters, in rejection of a Spanish law that requires municipalities to foot the bills for people who die within their jurisdiction and who are either unidentified or whose families cannot cover the costs.

      At the Teguise municipal cemetery on the island of Lanzarote, more than 25 unmarked graves sit among a plot containing about 60 graves in total. It was here that baby Alhassane was buried. His mother had delivered him as the rickety vessel pitched against the fierce Atlantic swells; those onboard later told media they never heard the baby cry.

      His body was cold when the vessel was rescued, an emergency services spokesperson said. He was taken to the nearest hospital but was declared dead on arrival. His body was taken to judicial authorities as is the standard practice in Spain for migrants and refugees who perish at sea or on arrival.

      Alhassane’s mother, who was unconscious when she was rescued, was later sent to Gran Canaria, about 200km (125 miles) away, where an NGO had agreed to take her into its care. But the Spanish judicial system had yet to release her son’s body – a process that can take up to eight months in Lanzarote.

      The funeral took place on 25 January. “She wasn’t able to attend the funeral,” said Laetitia Marthe, who was among those who unsuccessfully battled for Alhassane’s mother to be allowed to attend. “Basically they’re treated like numbers.”

      Instead, Marthe was among the handful of people who attended the funeral in her name.

      Judicial officials had liaised with the mother to check the baby’s name, said Eugenio Robayna Díaz, the municipal councillor responsible for cemeteries in the city of Teguise. But he did not know why the name had not made it on to the grave.

      Julie Campagne, an anthropologist based in Lanzarote, called for the baby’s grave to be marked with a plaque. “We’re witnessing the process of forgetting in real time. And this loss of memory comes with a shirking of our responsibility for what is happening.”

      Generally speaking, all over the world, there is always a small fraction of people who die and are never identified, she added. “But that is not what is happening here. This is happening for specific reasons. This is happening because of the policy decisions of our governments.”

      While Alhassane’s mother was not able to attend the funeral, what did eventually make it to his gravesite was a smooth stone, painted by her in yellow and red and brought there by those travelling from Gran Canaria shortly after the burial. Written on the stone was a message for her son.

      More than three years of rain has washed away much of what was there but Marthe copied down the message, hoping to one day add it to a formal marker of the site. “I will miss you a lot my baby,” it reads. “I love you.”

      https://www.theguardian.com/world/2023/dec/08/an-obscure-island-grave-fate-of-deadly-eu-migration-routes-youngest-vic

      #Teguise

    • Dead refugees in the Balkans: bribes to find missing relatives

      In comparison to 2015, today more asylum seekers are dying on the Balkan route. While relatives are forced to overcome state indifference to identify their loved ones, they are also forced to bribe authorities, even border guards, in the hope of finding them.

      He had hoped to find his son in a refugee camp. And after spending three weeks looking for him, he had prepared himself for the possibility of finding him in a hospital.

      But he didn’t expect to find him in the graveyard.

      When the policeman with Bulgarian insignia on his uniform showed him the picture of his son lying lifeless in the grass, he lost the ground under his feet. “I wish I could at least have been able to see Majd one last time. My mind still can’t believe that the person in this grave is my son,” says Husam Adin Bibars.

      The 56-year-old Syrian refugee, a father of four other children, had spent 22 days searching for his son from afar when he decided to spend his meager savings to travel from Denmark to Bulgaria to look for him – but it was too late.

      In Bulgaria, he learned that 27-year-old Majd’s body had been buried within just four days of its discovery. Majd had been buried as an unidentified person; there was nothing to indicate that the person buried under that pile of dirt, which Bibars later visited, was his son.

      “We hear that Europe is the land of freedom, democracy, and human rights,” says Bibars soberly. “Where are human rights if I am not able to see my son before his burial?”

      Dead without identification

      Majd had crossed from Turkey to Bulgaria with a group of about 20 other people, hoping to reunite with his parents and siblings in Europe. Once he arrived, his pregnant wife and their daughter, Hannah, would follow.

      Toward the end of September, he stopped returning calls and texts. The smuggler told Bibars that Majd had fallen ill and they needed to leave him behind. Authorities told Bibars his son died of thirst, exhaustion, and exposure.

      In recent years, with the support of EU funds and the increased involvement of the European border agency Frontex, Balkan countries have stepped up border controls, constructing fences, deploying drones and surveillance mechanisms. But this doesn’t deter asylum seekers – it causes them to take longer and more dangerous routes to avoid authorities.

      An investigation by Solomon in collaboration with investigative newsroom Lighthouse Reports, the German magazine Der Spiegel and German public television ARD, the British newspaper i, and Radio Free Europe/Radio Liberty, found that the hostility people face at the borders of Europe in life continues even in death.

      We found that since the start of 2022, the lifeless bodies of 155 people presumed to be migrants have ended up in morgues close to borders along a route that includes Serbia, Bulgaria, and Bosnia.

      According to the data, for 2023 there is already a 46% increase in deaths compared to the whole of 2022.

      In the Balkans, people making the journey have to cope with harsh weather conditions, but also with pushbacks, increased brutality by border guards and smugglers, theft by border forces – even detention in secret prisons.

      For their part, the families of those who go missing or die in the region have to search for their loved ones in morgues, hospitals, and special Facebook and WhatsApp groups, and to cope with an equally arduous effort facing the indifference of the authorities.

      In Bulgaria, this investigation reveals, they often also need to pay bribes in the hope of learning more about their missing loved ones.
      The 10 key findings of the investigation:

      - In 2022, the number of people travelling irregularly through the Balkans to Western Europe reached its highest point since 2015, with Frontex recording 144,118 irregular border crossings.

      – The corresponding figure for 2023 is lower (79,609 by September), but remains a multiple of 2019 (15,127) and 2018 (5,844).

      – The Balkan route is more dangerous than ever: in the absence of a centralised relevant registration system, the International Organization for Migration’s (IOM) Missing Migrants platform suggests that more people died or went missing in 2022 than in 2015.

      - According to data gathered for this investigation, at least 155 unidentified bodies ended up in six selected morgues along a section of the Balkan route that includes Bulgaria, Serbia, and Bosnia. The majority of the bodies (92) were found this year.

      - For 2023, the number is already showing a 46% increase compared to 2022, and is exploding in some morgues.

      – Some morgues in Bulgaria (Burgas, Yambol) are having difficulty finding space for the bodies of refugees. Others in Serbia (Loznina) have no space at all.

      - This contributes to unidentified bodies being buried within days, in ‘No Name’ graves. This means that families are left without the opportunity to search for their loved ones.

      - In Bulgaria, families told us that they had to bribe staff at hospitals and morgues, but border guards too, when searching for their loved ones. Sources in the field confirm the practice, which is also recorded in an audio file in our possession.

      – In Bosnia, at least 28 people presumed to be asylum seekers have already died in the Drina River this year, compared to just five in 2022 and three in 2021.

      - Bureaucracy and lack of state interest are recorded as hampering efforts to identify dead asylum seekers.

      Dead but cause of death unknown

      What do you do when your little brother is missing, and because of your status in the country you live in, you can’t travel to look for him?

      Asmatullah Sediqi, a 29-year-old asylum seeker, was in his asylum accommodation in Warrington, UK, when his brother’s travel companions informed him that 22-year-old Rahmatullah was likely dead.

      Due to his status as an asylum seeker, the UK Home Office did not allow Asmatullah to return to Bulgaria, which he had also crossed on his journey, to look for his brother.

      When a friend was able to go on his behalf, the Bulgarian police refused to give any information. And the morgue staff asked for 300 euros to let him see some bodies, Sediqi said in this investigation.

      “In such a situation, a person should help a person,” he added. “They only know money. They are not interested in human life.”

      He managed to borrow the amount they asked for. In July 2022, 55 days after his brother’s disappearance, the Burgas hospital confirmed that one of the bodies in the morgue belonged to Rahmatullah. With another 3,000 euros borrowed, a company repatriated the remains to their parents in Afghanistan.

      But to this day, Sediqi is consumed by one thought: he doesn’t know how, he hasn’t been told why, his brother died.

      The Bulgarian authorities have not given him the results of the autopsy “because I don’t have a visa to travel there,” he says. “I’m sure that when the police found him in the forest, they must have taken some photos. It’s very painful not knowing what happened to my brother. It’s devastating.”
      “Not a single complaint”

      As part of this investigation by Solomon, Lighthouse Reports, RFE/RL, inews, ARD και Der Spiegel, several relatives told us they had also been forced to bribe workers at the Burgas hospital’s morgue to find out if their family members were among the dead.

      When we asked the hospital administration whether they were aware of such practices, Galina Mileva, head of the forensic medicine department at Burgas hospital, said that they had not received “a single report or complaint about such a case. The identification of the bodies is done only in the presence of a police officer conducting the investigation and a forensic expert.”

      The administration also replied that there is no legal provision under which employees could claim money from relatives for this procedure.

      “We appeal to these complaints to be addressed through official channels to us and to the investigating authorities. If such practices are found to exist, the workers will be held accountable,” they added.
      “Money is requested at every step of the process”

      Another relative, whose family also travelled to Bulgaria in late 2022 to search for a family member, told us that after they paid staff at the morgue 300 euros to be allowed to look at the dead bodies, they also had to pay border guards.

      It was the only way they could be taken seriously, the relative explained.

      When they asked the border guards to show them photos of people who had been found dead, the border guards said they didn’t have time, but when the family agreed to pay 20 euros for each photo shown to them, time was found.

      Georgi Voynov, a lawyer for the Bulgarian Committee Helsinki Refugee and Migrant Programme, confirmed that families of deceased persons have approached the Committee about cases in which hospitals asked for large sums of money to confirm that the bodies of their loved ones were there.

      “They complain that they are being asked for money at every step of the process,” he said.

      International organisations, including the Bulgarian Red Cross, confirmed that they had such experiences from persons they had supported, who said they had been forced to pay money to hospitals and morgues.

      A Bulgarian Red Cross official, who spoke on condition of anonymity, commented:

      “We understand that these people are very overwhelmed and have to be paid extra for all the extra work they do. But this should be done in a legal way.”

      https://wearesolomon.com/mag/focus-area/migration/dead-refugees-in-the-balkans

      #Bulgarie #Drina #Galina_Mileva

  • Poland’s border wall will cut Europe’s oldest forest in half
    (sorti en 2021)

    Poland is planning to build a wall along its border with Belarus, primarily to block migrants fleeing the Middle East and Asia. But the wall would also divide the vast and ancient #Białowieża Forest, a #UNESCO World Heritage site which harbours more than 12,000 animal species and includes the largest remnants of primeval forest that once covered most of lowland Europe.

    Frontiers like this are of conservation priority because they often host unique biodiversity and ecosystems but are increasingly threatened by border fortification. We are experts in forest ecosystems and two of us combined have more than three decades of experience working in Białowieża, at the intersections of forest, plant and bird ecology. In the journal Science, we recently described how the border wall planned by Poland would jeopardise this trans-boundary forest.

    The core of Białowieża is characterised by old-growth forest rich in dead and decaying wood on which mosses, lichens, fungi, insects and also many vertebrates depend. Big animals such as the European bison, boar, lynx and wolf inhabit the forest on both sides of the border.

    A wall would block the movement of these animals, for instance preventing brown bears from recolonising the Polish side of the forest where they were recently observed after a long absence. The wall would also risk plant invasions, and would mean noise and light pollution that will displace wildlife. The influx of people and vehicles, and already accumulated garbage (mainly plastics) also pose risks, including disease – we already know that humans can transmit COVID to wild species, like deer.

    Poland’s wall will be 5.5 metres high, solid, with barbed wire at the top, and will replace a 130 km provisional 2.5m high razor-wire fence built during summer to autumn 2021. This wall will be high enough to affect low-flying birds, such as grouse.
    Impeding wildlife more than people

    Poland’s proposed wall resembles the barrier built along parts of the US-Mexico border. Research there based on camera-traps shows that such walls deter people less than they impede wildlife. Animals affected by the US-Mexico barrier include jaguars, pygmy owls, and a bison herd whose food and water were split by the border.

    The fences across Europe are highly varied, and no mitigation standards exist. A razor-wire fence, constructed in 2015 by Slovenia along its border with Croatia, killed deer and herons with a mortality rate of 0.12 ungulates (hoofed mammals) per kilometre of fence. Along the Hungary-Croatia border, mortality in the first 28 months following construction of a fence was higher, at 0.47 ungulates per kilometre. Large congregations of red deer were also observed at the fence-line which could spread disease and upset the predator-prey dynamic by making them easier for wolves to catch.

    People can and will use ramps, tunnels, and alternative routes by air and sea, whereas wildlife often cannot. Walls have a big human cost too. They may redirect people, and to a lesser extent wildlife, to more dangerous routes, for example, river crossings or deserts, which may intersect with areas of high natural or cultural value.

    Physical barriers such as fences and walls now line 32,000 kilometres of borders worldwide with significant increases over the past few decades. According to one recent study, nearly 700 mammal species could now find it difficult to cross into different countries, thwarting their adaptation to climate change. The fragmentation of populations and habitats means reduced gene flow within species and less resilient ecosystems.
    Border security over climate action

    According to the Transnational Institute, wealthy nations are prioritising border security over climate action, which contravenes pledges made at COP26 such as protecting the world’s forests. Some of the 257 World Heritage forests are now releasing more carbon than they absorb, but Białowieża Forest is still a healthy, well-connected landscape. Poland’s border wall would put this at risk.

    The construction of such walls also tends to bypass or be at odds with environmental laws. They devalue conservation investment and hamper cross-boundary cooperation. It was already hard for us to collaborate with fellow scientists from Belarus – the new wall will make cross-border scientific work even harder.

    It is possible to mitigate the effects of certain border barriers. But that requires, at the very least, identifying at-risk species and habitats, designing fences to minimise ecological harm and targeting mitigation at known wildlife crossing points. It may also mean assisted migration across a barrier for certain species. To our best knowledge no formal assessment of either social or environmental costs has yet been carried out in the case of Poland’s planned wall.

    It’s time conservation biologists made themselves heard, particularly when it comes to the issue of border barriers. As climate change threatens to disrupt borders and migratory patterns of people and of wildlife, we will need to reform, not only policies and frameworks, but also how we perceive borders.

    This is already happening without us as “natural borders flood, drift, crumble, or dry up”. Walls – like reactive travel bans – are out of sync with the global solidarity and coordinated actions we urgently need to safeguard life on earth.

    https://theconversation.com/polands-border-wall-will-cut-europes-oldest-forest-in-half-173735
    #forêt #nature #murs #barrières_frontalières #frontières #flore #faune #Pologne #Biélorussie #migrations #asile #réfugiés

    –—
    v. aussi la métaliste sur la situation à la #frontière entre la #Pologne et la #Biélorussie :
    https://seenthis.net/messages/935860

    • Emmanuel Macron affirme (https://twitter.com/BFMTV/status/1718960210902237424) qu’en langue française, “le #masculin fait le #neutre, on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible”. Pour le CNRS, en français, “pour le cerveau, le neutre n’est pas neutre”.

      Il est désormais bien établi que l’utilisation du #masculin_générique engendre des #représentations_mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les #formulations_neutres, sans marque de #genre_grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le #biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full).

      Pour éclairer le débat, lire Spinelli E., Chevrot J-P., Varnet L. 2023, Neutral is not fair enough : testing the efficiency of different language gender-fair strategies, Frontiers in Psychology ou son compte rendu sur la lettre du CNRS.

      #écriture_inclusive #Macron #Emmanuel_Macron #CNRS #langue #français #langue_française

    • Le rêve d’un abruti sur tout les fronts, ça me rappelle les Ceaucescus qui se targuaient de savoir et de science faux diplômes à l’appui mais n’avaient que la securitate pour s’imposer.

      les misérables à l’œuvre partout s’épaulent pour leurs crimes, du simple langage aux meurtres des enfants

      Bien dit :
      « A travers les mains de ceux qui la bite »

      PS
      Il ne dit pas ’des choses pour la rendre lisible’ mais ’des choses pour la rendre illisible’ et là il est tellement content qu’il boit un verre de vodka pendant que son auditoire de vieux chnocks et chnokesses, jackLang au premier rang applaudit.

      EDIT
      D’ailleurs quelques jours après, en relisant le post, il doit quand même être morveux de sortir une énormité pareille puisqu’il bafouille et noie ensuite ses mots dans son verre de vodka·eau. De fait, c’est comique puisqu’il bafouille « illisible » qui devient dans les médias « lisible » preuve qu’il est inaudible, et est incapable de parler distinctement le français !

    • #Interdiction de l’écriture inclusive : les ressorts d’un procès politique

      Pour une fois, les hommes et les femmes de la chambre haute se sont pressées pour proposer une loi visant à interdire l’écriture inclusive. Mais l’application de cette #prohibition, purement idéologique, ne serait pas sans lourdes conséquences administratives.

      Lundi 30 octobre 2023, les sénateurs et sénatrices françaises (double flexion inclusive avec accord de proximité certifié de tradition française multiséculaire) ont adopté à 221 voix pour et 82 contre une #proposition_de_loi de droite particulièrement intrusive et extensive visant à « protéger la langue française des #dérives de l’écriture dite inclusive » et interdisant, sous peine de nullité, l’usage de certains traits d’inclusivité – le point médian, perçu comme un comédon typographique, est évidemment ciblé – dans les actes juridiques, les modes d’emploi, les contrats de travail ou les règlements intérieurs d’entreprise.

      Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est fort opportunément coordonné avec les débats et le vote depuis Villers-Cotterêts, où il inaugurait la Cité internationale de la langue française. S’évertuant à remplir les amples chausses de François Ier, il a tenu à faire part de sa « pensée complexe » en la matière. Il a appelé – leçon de girouette politique – à ne pas « céder aux airs du temps » et rappelé doctement, avec un sens admirable de la précision, que dans la langue française, dont la perfection, l’état d’achèvement ne sont plus à démontrer, « le masculin fait le neutre » et qu’« on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible ».

      On eût aimé que les un·es et les autres, dans leurs « travaux » et gloses diverses sur cette langue divinisée que le monde entier nous envie, se renseignassent un minimum auprès des linguistes et des philologues, des praticien·nes et historien·nes de « la langue », avant de proférer, en l’occasion, les énormités qui constituent la récolte ordinaire du marronnier régulièrement secoué par Le Figaro.

      Mais qu’attendre, en vérité, d’un personnel politique de droite, d’extrême droite et d’extrême centre qui, à l’oral comme à l’écrit, passe sa vie, dans les hémicycles, sur les réseaux sociaux, sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio, à écorcher, appauvrir, atrophier et faire rancir le sacro-saint français ; qui nous bassine avec ses néologismes publicitaires à forte valeur non ajoutée (« start-up nation ») ou ses interdicteurs de pensée et de débat (« islamogauchisme », « wokisme ») ?

      Nous serons assez charitables pour rappeler au président de la République que l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) ne se réduit pas à l’image d’Épinal du bon père de la Nation qui généralise l’emploi du français, déjà bien présent depuis le Moyen Âge dans les actes notariés dans tout son nuancier dialectal, à l’ensemble des actes administratifs.

      D’abord, de portée très limitée (si on la compare au projet de loi sénatorial), elle ne s’appliquait qu’aux documents de justice ; ensuite, dans un pays fait de plusieurs « nations » (au sens de l’Ancien Régime), dont certaines d’arrimage récent (Bretagne), le français n’était qu’un « langage maternel » parmi d’autres, et ces autres se sont pour une bonne part maintenus, en s’appuyant sur ladite ordonnance, la promotion du « langage maternel françoys » étant entendue comme celle du « langage maternel ou françoys ». L’essentiel était alors que les actes de justice, rédigés en langue vernaculaire, fussent compréhensibles par les habitant·es de la province et non par les seuls hommes de l’art, francophones ou pas.

      Nous signalerons tout aussi charitablement aux sénatrices et sénateurs que le vieux ressort argumentatif rouillé d’une inclusivité non inclusive à l’endroit des personnes dyslexiques et dysorthographiques rendrait un autre son si étaient exigées dans la foulée l’abolition des mots composés et des abréviations, ainsi que la simplification réelle et la mise en cohérence effective de l’orthographie française. Mais telle n’est pas leur ambition. En revanche, l’emploi du mot « dérives » et la distance sanitaire signifiée par l’expression « écriture dite inclusive » nous disent très bien leur présupposé. L’inclusivité elle-même est en sursis probatoire.

      La proposition de loi sénatoriale, si elle était définitivement adoptée, pourrait entraîner des bouleversements considérables, qui plus est rétroactifs, sachant que l’administration n’a pas attendu les « airs du temps » pour pratiquer l’inclusivité. Elle utilise depuis des lustres le banal trait d’union à la place du point médian et la double flexion (elle tolérée par le Palais du Luxembourg).

      Nos arbitres des élégances typographiques se souviennent-ils seulement des bouleversements considérables occasionnés par la dernière « grosse » réforme de modernisation de l’orthographie à avoir été réellement mise en œuvre, en 1835 ? Guizot, alors à la tête du ministère de l’instruction publique, voulait traduire en actes les préconisations de la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française. Les trois principales mesures de cette réforme, déjà poussées en son temps par Voltaire, étaient celles-ci :

      – on passe de [oi] à [ai] là où on prononçait déjà le son \ɛ\, la graphie [oi] étant réservée au son \wa\ (typiquement françois/français, mais sont aussi touchées une bonne partie des formes verbales) ;

      – les mots se terminant jusque-là par [-nt] au singulier et faisant [-ns] au pluriel, comme parent/parens, se finissent désormais en [-nts] ;

      – l’esperluette [&] est remplacée par [et] (un petit mot de rien mais surabondant).

      Point de cris d’orfraie, à l’époque, dans les rangs des assemblées, pourtant encore bien réactionnaires, contre cet « air du temps » là. Adoptée sans opposition notable, cette (petite) révolution en différé, initiée – une fois n’est pas coutume – par l’Académie elle-même, obligea à réimprimer une bonne partie de la littérature du temps et des temps passés (un Armageddon paperassier régulièrement brandi par les contempteurs et contemptrices de l’écriture inclusive). Trois mesurettes, dont la première en forme de rattrapage phonétique, mais conséquences maousses.

      Vu l’accroissement considérable du volume depuis l’époque de Guizot, la proposition de loi du Sénat ressemble fort à une usine à gaz chronophage et dévoreuse de ressources, plus susceptible de mettre le zbeul que de mettre bon ordre à une orthographie officielle qui, nonobstant plusieurs propositions réformatrices de savants et de ministres, a globalement peu bougé depuis 1835, soit près de deux siècles – c’est dire la vigueur des attaques qu’elle a subies.
      Force de frappe idéologique

      À défaut de protéger « la langue », quintessence à jamais inaccessible et assurément fumeuse, la droite sénatoriale et son caudataire présidentiel montrent surtout l’étendue et de leur ignorance et de leurs préjugés. Objectivement, ce n’est pas tant l’inclusivité qui les gêne, celle-ci étant pratiquée diversement en français depuis le Moyen Âge, ainsi que le pôle Correction de Mediapart le rappelait dans ce billet, et même en partie entérinée par l’Académie française elle-même pour les noms de métier.

      Non, ce qui les gêne, c’est que certains milieux militants, notamment féministes mais pas que, s’en soient emparés dès les années 1970, en jouent, continuent de la faire vivre, lui donnent une force de frappe idéologique perceptible, à l’heure des grandes régressions sociales et sociétales, sans réclamer nécessairement, du reste – ce qui serait contradictoire avec la plasticité recherchée – son institutionnalisation, sa normalisation, sa glaciation.

      Pendant qu’on ergote et chicane sans fin sur les effets de graphie, dont la plupart des écrivain·es, des éditeurs et éditrices se sont soucié·es pendant des siècles comme de leur première chemise, y compris aux époques (eh oui, c’est cyclique, mesdames messieurs les déclinistes) du rayonnement international de la lingua franca, on ne travaille pas sur les effets de lexique et de sens (l’inclusivité se loge aussi là), autrement délicats, où se nouent, pour l’essentiel, les rapports de force politiques, voire géopolitiques, de sexe, de classe ou de race, où les discriminations s’expriment et se résolvent parfois.

      Les progrès de l’inclusivité sont encore, au plan éditorial, largement marginaux, nul ne songeant à l’imposer à coups de règle, comme du reste la dernière réformette orthographique de 1990, ce qui rend l’alarme sénatoriale et présidentielle d’autant plus pathétique, pour ne pas dire risible. À la fin des fins, la pratique ordinaire tranchera. Une large partie de l’expression langagière, par nature dérivante (non au plan moral mais au plan linguistique), échappe, hors contexte totalitaire, aux tentatives d’arraisonnement et d’encagement, et ce depuis que notre langue est langue. Mais cela, les intelligences artificielles de certain·es de nos représentant·es et dirigeant·es ont du mal à le concevoir.

      https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021123/interdiction-de-l-ecriture-inclusive-les-ressorts-d-un-proces-politique

    • Communiqué de presse : « Le masculin fait le neutre… » ou pas

      Dans son discours d’inauguration de la Cité internationale de la langue française prononcé le lundi 30 octobre 2023 à Villers-Cotterêts, le Président de la République a pris position contre « l’écriture inclusive », en affirmant : « le masculin fait le neutre, on n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre illisible ».

      La position surplombante du président donne l’impression de vouloir édicter une règle une fois pour toutes qu’il imposerait, par sa seule parole, à des millions de francophones, en France et hors de France, à rebours du symbole que représente la Cité inaugurée ce jour-là.

      Nous rappelons, en tant que scientifiques spécialistes du langage et des langues – et de la langue française en particulier – que les règles se forment au fil du temps par les pratiques des locuteurs et locutrices, et que c’est l’usage qui finit par s’imposer, et non la volonté d’une autorité, fût-elle académique, ministérielle ou présidentielle. Si les questions d’enseignement et d’orthographe nécessitent des décisions politiques, elles ne sauraient être tranchées par une seule personne, aussi puissante soit-elle.

      Emmanuel Macron semble se positionner contre le point médian et d’autres formes abrégées. Beaucoup, comme lui, feignent de réduire l’écriture inclusive à un seul procédé, au milieu de nombreuses autres possibilités (accord de proximité, mots épicènes…). D’ailleurs, il utilise lui-même des procédés inclusifs dans le discours du 30 octobre comme dans ses autres prises de parole. Les doublets complets (« Françaises, Français… ») existent depuis longtemps, et la littérature classique regorge de rois et reines, de princes et princesses plutôt que rois ou princes quand il s’agit de personnes des deux sexes : ils ressortissent du langage inclusif. En outre, certaines formes abrégées présentes depuis des décennies sur les documents officiels de la République française (dont la carte d’identité ou des formulaires administratifs : « né(e) le… », « domicilié(e) à… ») ne posent aucun problème. Les doublets complets ou abrégés se déploient aujourd’hui sur de nombreux supports (privés, publics, papier, numériques, sites, presse, cartels de musées…) sans être l’apanage d’une poignée de militants ou de militantes, contrairement à l’idée fausse qui est véhiculée. Il ne s’agit pas d’un système d’écriture figé ni imposé, mais d’une série de pratiques dont l’un des objectifs premiers est de préciser la composition de groupes humains.

      La formule « le masculin fait le neutre » est contredite par de nombreux travaux scientifiques qui montrent, à partir de données et d’expérimentations, que le sens premier du masculin, pour les humains, est de désigner des hommes, et que l’emploi dit générique est source d’ambigüité. Moins de femmes répondent aux offres d’emploi rédigées au masculin par exemple. Tout ceci est documenté.

      Le jour de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, il eût été important de ne pas oublier ces choses élémentaires, de faire davantage appel aux travaux scientifiques, et sans doute encore plus opportun d’évoquer l’un des sujets majeurs pour l’avenir du français et des francophones, à savoir l’orthographe à enseigner : celle de 1990, comme en Belgique et en Suisse ? Ou celle de 1878, comme c’est trop souvent le cas ? Si le Président se soucie de la lisibilité du français, qu’il joigne sa voix aux nombreuses autres, dont des fédérations de professeurs de français et des linguistes (voir Le Monde du 16 octobre dernier), qui demandent une nouvelle réforme de l’orthographe.

      Le collectif des Linguistes atterrées, le 31 octobre 2023

      https://www.tract-linguistes.org/communique-de-presse-communique-le-masculin-fait-le-neutre-ou-pas

    • Écriture inclusive : “Le président ne peut pas faire la loi sur la langue que parlent les Français”

      Le débat sur l’écriture inclusive, relancé lundi par Emmanuel Macron, ainsi que par le Sénat, pose la question de l’action politique sur la langue. Entretien avec le linguiste Michel Launey.

      « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible. » Le discours d’Emmanuel Macron, le 30 octobre, lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, et tandis que le Sénat votait une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », a relancé le débat autour de celle-ci. Michel Launey, linguiste et auteur de La République et les langues 1, rappelle la dimension politique d’une telle prise de parole. Membre du collectif des Linguistes atterrées, il met en lumière l’importance d’une rationalisation de la langue, venant du peuple et pas de l’État.

      Quand Emmanuel Macron dit qu’il ne faut pas « céder aux airs du temps », que cela signifie-t-il ?
      Les changements linguistiques sont généralement des phénomènes lents, inconscients et collectifs. S’il parle d’une mode passagère, c’est mal poser le problème car la langue est dans son temps : on verra bien si les innovations et les changements restent ou pas. Ce n’est pas le président de la République ou le Sénat qui le décideront, ce sont les jeunes, les vieux, tous les locuteurs. Cela revient à mélanger le phénomène d’innovation linguistique et le phénomène de mode – qui, par ailleurs, n’est ni bon ni mauvais par essence.

      L’écriture inclusive est-elle une mode ?
      Je suis prudent sur le sujet, mais c’est un phénomène intéressant car il s’agit, pour une fois, d’une action consciente d’une partie de la population, alors que généralement les évolutions de la langue ne sont pas concertées. D’ailleurs, quand on parle d’écriture inclusive, on mélange ses trois branches. La première, la féminisation des noms de métiers, est plutôt passée dans le langage courant, c’est un premier combat gagné. Les deux autres concernent l’accord de proximité [accorder avec le nom situé au plus proche, par exemple « les marcheurs et marcheuses sont contentes », ndlr] et le point médian [par exemple un·e écrivain·e, ndlr].

      Pourquoi cette crispation autour du point médian ?
      Une objection au point médian est que les formules ne sont pas facilement lisibles à l’oral. Ceci dit, il peut y avoir une convention qui définirait comment lire « les étudiant·e·s », tout comme on sait prononcer le mot « deux », quand on lit « 2 », c’est le même mécanisme. On est habitués à la différence entre ce qu’on lit et ce qu’on prononce, notamment en mathématiques. Par ailleurs, une partie de la communication écrite n’a pas pour fonction d’être lue à l’oral, donc ce n’est pas choquant tant que c’est compris. L’intérêt de l’écriture inclusive est d’ailleurs relevé par le Haut Conseil à l’égalité : les femmes ont par exemple tendance à moins postuler à une offre d’emploi écrite au masculin, plutôt qu’en écriture inclusive.

      Est-ce à un président ou à l’État de dicter l’usage de la langue française ?
      C’est peut-être le rêve de certains, mais ce n’est pas dans les compétences du président. Il ne peut pas faire la loi sur la langue que parlent l’ensemble des Français et Françaises. On a, en France, le plus grand mal à penser une langue qui présente des variations, qui n’est pas unique. La doxa veut que la langue française, comme la République, soit une, et que tout ce qui s’écarte des standards ne soit plus du français. Or pour moi, c’est très grave. Par exemple dire d’un jeune de banlieue que ce qu’il parle n’est pas du français, alors qu’il ne parle pas une autre langue, revient à l’exclure de la communauté des francophones. On organise une déchéance de langue, une apatridie linguistique.

      Que symbolise la volonté d’un « bon usage » du français ?
      C’est une volonté politique, assurément. Si on prend le français à la création de l’Académie française, en 1634, il était une évolution du bas latin qui avait beaucoup changé en un millénaire. On lui avait retiré les déclinaisons, ajouté des articles, etc. Quand ces changements se sont produits, personne ne les a refusés sous prétexte que leurs ancêtres parlaient différemment. Et, de toute façon, ceux qui ont engendré ces modifications étaient les membres de la communauté linguistique tout entière – le peuple, des gens majoritairement non instruits et illettrés. Il ne s’agissait pas d’une affaire de loi, ni de noblesse, clergé ou bourgeoisie. Le début de la légifération de la langue est arrivé avec la création de l’Académie française.

      Est-il utile de vouloir légiférer sur la langue ?
      Le texte de loi voté au Sénat hier est, selon moi, une stupidité politique. S’il passait l’Assemblée nationale, il serait sans doute bloqué par le Conseil constitutionnel car il ne relève pas de la compétence de l’État. Et même s’il était validé, on ne peut pas mettre en place une police linguistique pour vérifier le non-usage de l’écriture inclusive dans le cadre privé.

      Cela ne veut pas dire que la langue ne doit pas évoluer – surtout son orthographe. Il n’y a pas eu de vrai changement orthographique depuis 1835, il est temps d’une rationalisation, car le français contient beaucoup d’illogismes qui vampirisent le temps d’apprentissage. Il y a une multitude d’exemples, comme le mot « nénuphar » qui n’a aucune raison de s’écrire avec « ph » et pas un « f », aucune racine grecque. Si changement il y a, je crois qu’il n’aura pas lieu à l’Académie française ; il faudrait plutôt un rassemblement international de francophones avec des linguistes, des écrivains, des éditeurs pour réfléchir ensemble, tranquillement à ces sujets.

      https://www.telerama.fr/debats-reportages/ecriture-inclusive-le-president-ne-peut-pas-faire-la-loi-sur-la-langue-que-

    • Pourquoi utiliser l’écriture inclusive ?

      Parce que la langue façonne notre perception du monde, #Marie_Barbier, corédactrice en chef de la revue féministe La Déferlante, défend l’usage de l’écriture inclusive, comme un outil pour ne laisser de côté ni les femmes ni les minorités de genre.

      Pour nous, à La Déferlante, il était évident de ne pas utiliser une langue où le masculin l’emporte sur le féminin. Dès qu’on a commencé à travailler sur la revue, un an avant la publication de notre premier numéro (en mars 2021), c’était certain que la revue des révolutions féministes serait écrite en écriture inclusive.

      Nous avons travaillé avec deux correctrices, Sophie Hofnung et Aurélie Charrier, qui ont réalisé une charte d’écriture inclusive – qui est désormais actualisée par Mélanie Tanous. C’est une charte vivante, on la fait évoluer au fur et à mesure du temps.

      Tout, tout le temps, doit être lisible et compréhensible par nos lectrices et lecteurs, y compris par des personnes qui ne pratiquent pas l’écriture inclusive. Il faut qu’elles ne soient pas rebutées par ça quand elles ouvrent la revue. On tient aussi à respecter les propos des personnes interrogées, donc toujours demander si elles sont d’accord pour que leurs propos soient transposés en écriture inclusive. Pour résumer, on tient à respecter au maximum la parole donnée, tout en étant au clair avec la ligne éditoriale de la revue.

      Depuis notre création, jamais personne ne nous a dit que c’était illisible. On n’a pas du tout ce genre de retours. Ça veut dire qu’en France, il y a des gens capables de lire 144 pages de revue en écriture inclusive de A à Z sans que ce soit un problème de lecture. Les correctrices, Sophie Hofnung, Mélanie Tanous et Sara Roumette, font extrêmement attention à cela.

      Par exemple, dans notre dernière newsletter sur la Palestine (envoyée le vendredi 10 novembre), je pensais écrire « juif·ves », mais la correctrice m’a repris en disant qu’on essayait de ne pas écrire de choses imprononçables. Donc, ici, on a mis le doublé : « juifs et juives ».
      La langue française révèle les discriminations

      Dans les débats récents sur la proposition de loi au Sénat, les sénateurs et sénatrices sont d’une mauvaise foi crasse. Évidemment que la langue française révèle les discriminations qu’il y a dans la société. Ça peut paraître anecdotique, mais ça ne l’est absolument pas.

      C’est très important de redonner la place au féminin dans la langue française. « Le masculin l’emporte sur le féminin », c’est l’apothéose du patriarcat : ce n’est pas possible, nulle part. Que ce soit dans la société, dans la langue, dans tous les domaines possibles, le masculin ne doit pas l’emporter sur le féminin.

      D’autant que l’on peut retracer cette habitude au 17e siècle, lorsqu’on a instauré des normes qui disaient, en substance, que le masculin était plus noble que le féminin. C’est donc une construction de la langue. Comme beaucoup de choses contre lesquelles on se bat, c’est une construction sociale. À un moment donné, les dominants se sont emparés de l’outil qui est la langue pour asseoir leur domination. Ce n’est pas envisageable de ne pas le questionner, au moins.
      Il n’y a pas qu’une écriture inclusive

      Ce n’est pas vrai qu’un point d’ortho-typo peut gêner la lecture. C’est utilisé dans plein d’autres choses. C’est ce que dit aussi la tribune de 130 féministes, dont la grammairienne Éliane Viennot, en réponse à Emmanuel Macron. Par exemple, on utilise le « né(e) le » dans des documents administratifs. Et quel symbole de mettre entre parenthèses le féminin ! Ça dit quelque chose. On ne le met pas entre parenthèses, le féminin est l’égal du masculin dans la langue, et on l’assoit de la manière la plus lisible possible.

      Les conservateurs et les conservatrices sont arcbouté·es sur une vision passéiste de la langue. Ils et elles sont dans une logique de domination, où la langue reflète une domination et une vision de la société, qui fait peu de cas de la place des femmes et des minorités sexuelles.

      Le « Citoyens, citoyennes » utilisé par Macron, c’est le doublé, c’est de l’écriture inclusive. C’est le fait d’intégrer le féminin et de le mettre à égalité avec le masculin. Donc la présidence française utilise l’écriture inclusive. Il y a plein de moyens d’utiliser l’écriture inclusive. À chaque numéro, on fait un petit marque-page avec des techniques d’écriture inclusive, et les gens adorent, ils le scotchent au-dessus de leur bureau.

      On explique par exemple qu’on peut utiliser les mots épicènes, dont la forme ne varie pas selon le genre. Il y a plein de techniques simples qui permettent de reformuler, ça demande juste un petit peu de temps.
      Appliquer l’égalité des genres

      Nous sommes une revue engagée, nous défendons le féminisme, mais au-delà de ça, on est une revue créée par des professionnelles de l’information. Donc, ça nous tient extrêmement à cœur que l’égalité des genres soit retranscrite dans la revue jusque dans son écriture. Il ne s’agit pas d’une lutte anecdotique, contrairement à ce que peuvent dire les gens de droite – qui, soit dit en passant, mettent une énergie démesurée à se battre contre. Non, ce n’est pas anecdotique, parce que la langue qu’on utilise est très révélatrice. Nous, elle nous permet d’appliquer l’égalité des genres jusqu’au bout.

      Ce n’est pas juste une question pour les gens de gauche. Moi, ça m’énerve que l’école ne l’utilise pas, ça m’énerve que Jean-Michel Blanquer (ancien ministre de l’Éducation nationale) s’y soit opposé. J’apprends à mes enfants le point médian, et il n’y a aucun problème avec ça. Ils l’utilisent, et ils savent le faire. C’est tout à fait possible. Les enfants ne sont pas perturbés par ça.

      Au contraire, ça permet de questionner la binarité de genre, de dire que si tu ne te sens pas fille ou garçon, qu’on peut utiliser le point médian et que c’est OK. Ça va au-delà de la question du masculin qui l’emporte sur le féminin, parce que dans la langue française, il y a une binarité très marquée. Le point médian comme le pronom « iel » permettent d’aller au-delà de cette binarité. C’est un des avantages : ça ouvre à des personnes qui ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre d’être incluses dans la langue française.

      L’écriture inclusive devrait être utilisée par tout le monde. Ce n’est pas vrai que c’est compliqué, c’est simple et ça permet d’inclure le plus grand nombre et de ne pas rejeter des personnes de la langue française. Ça permet d’inclure les femmes, les personnes non binaires, les personnes trans, tout le monde. Je ne comprends pas pourquoi le fait d’inclure des gens dans la langue et de la rendre plus égalitaire est un problème.

      https://basta.media/pourquoi-utiliser-ecriture-inclusive-Senat

  • Les IA génératives réduisent les stéréotypes à leur version la plus clichée
    https://www.nextinpact.com/lebrief/72691/les-ia-generatives-reduisent-stereotypes-a-leur-version-plus-clichee

    En juillet, Buzzfeed publiait un article contenant 195 images produites par Midjourney et censée représenter la poupée Barbie stéréotypique de chaque pays du monde.

    Parmi les Barbie Afghanistan, Barbie Albanie, Barbie Algérie et les autres, plusieurs résultats présentaient de vrais problèmes : les représentations censées correspondre à la Thaïlande, à Singapour et aux Philippines avaient les cheveux blonds, Barbie Allemagne portait des vêtements militaires, Barbie Soudan du Sud était armée…

    Si l’article a fini par être supprimé, il a malencontreusement illustré toute une série de biais et de stéréotypes qui peuplent les bases d’images servant à l’entraînement de systèmes génératifs comme Midjourney, Dall-E ou Stable Diffusion.

    Pour avoir une idée plus précise du phénomène, le média Rest of World a donc réalisé ses propres tests. Pour chaque requête combinant un élément (une personne, une maison, un plat) et une nationalité, l’équipe a généré 100 images, récoltant un total de 3 000 résultat.

    Que ce soit pour créer des images d’habitants de divers pays du monde, ou de rues des villes supposées de ces mêmes pays, Rest of World constate une tendance marquée des modèles de génération d’image à produire des stéréotypes très réducteurs.

    « Une personne indienne », par exemple, renvoie quasiment toujours un vieil homme avec une barbe et un turban. « Une personne mexicaine », un homme, plutôt âgé aussi, avec un sombrero. Les supposées « rues de New Delhi » sont représentées pleines de détritus, les « plats indonésiens », toujours servis sur des feuilles de banane.

    Pour le directeur exécutif de l’AI Now Institute Amba Kak, ce que font les machines consiste fondamentalement à « aplatir des descriptions, par exemple, d’une "personne indienne" ou d’une "maison nigériane" en stéréotypes spécifiques susceptibles d’être perçus de manière négative ». Ils effacent toute la complexité et l’hétérogénéité des cultures concernées, ajoute de son côté la chercheuse en éthique de l’IA Sasha Luccioni.

    Le problème n’est pas seulement interne aux pays concernés, il est aussi international. Une étude de l’Indian Institute of Science montre par exemple que demander la représentation d’ « un drapeau » à un modèle génératif tend à produire comme résultat… un drapeau américain.

    #Intelligence_artificielle #IA_générative #Biais #Génération_images

  • Six Tropes to Look Out for That Distort Israel/Palestine Coverage - FAIR
    https://fair.org/home/six-tropes-to-look-out-for-that-distort-israel-palestine-coverage

    “I asked @OpenAI whether Palestinians deserve to be free,” he said. The natural-language processing tool responded to Abusaada’s query ambivalently:

    As an AI language model, I do not have personal opinions, feelings or beliefs. The question of whether Palestinians deserve to be free is a complex and controversial issue with many different perspectives and opinions….

    But then he posed the same question about Israelis. This time, the chat box did not equivocate:

    Yes, like all people, Israelis deserve to be free. Freedom is a fundamental human right that should be protected and guaranteed for all individuals, regardless of their nationality, ethnicity or religion. It is essential that Israelis, like all people, are able to live their lives free from violence, oppression and discrimination….

    “Explanation?” demanded Abusaada.

    The explanation lies in the overarching attitudes of the 570 GB of #data that ChatGPT scrapes from the #internet. And, with news media being one of the primary sources of information that the bot is trained on, Abusaada’s experience is hardly surprising.

    #données #IA #AI #biais #MSM

    • ping @arno , notre maître Tchat GPT, qui appréciera la démarche de Abusaada :-)

      Bientôt, une ode à la Palestine vs une à Israël, en exclu sur ce thread 🧵

  • Despite limited statistical power
    The backpack fallacy rears its ugly head once again | Statistical Modeling, Causal Inference, and Social Science
    https://statmodeling.stat.columbia.edu/2023/08/22/the-backpack-fallacy-rears-its-ugly-head-once-again

    Shravan points to this that he saw in Footnote 11 in some paper:

    “However, the fact that we get significant differences in spite of the relatively small samples provides further support for our results.”

    My response: Oh yes, this sort of thing happens all the time. Just google “Despite limited statistical power”.

    This is a big problem, a major fallacy that even leading researchers fall for. Which is why Eric Loken and I wrote this article a few years ago, “Measurement error and the replication crisis,” subtitled, “The assumption that measurement error always reduces effect sizes is false.”

    Anyway, we’ll just keep saying this over and over again. Maybe new generations of researchers will get the point.

    billet qui rappelle (et me fait découvrir) ce très intéressant papier (un poil technique)

    Measurement error and the replication crisis
    http://www.stat.columbia.edu/~gelman/research/published/measurement.pdf
    The assumption that measurement error always reduces effect sizes is false

    En présence de données bruitées et si la puissance du test est faible (taille d’échantillon trop petite) le bruit peut conduire à surestimer l’effet détecté particulièrement en présence de #biais_de_sélection … (dit aussi #cherry_picking qui consiste à ne retenir (et publier) que les expériences dont la #p-value (#probabilité-associée (à l’hypothèse nulle) est bonne. Pratique plus que courante, systématique…

    Article de 2017 qui éclaire une des causes de la crise de la réplication (les labos, y compris – fréquemment – celui qui a publié ne retrouvent pas les résultats publiés lorsqu’ils reproduisent l’expérience). On ne parle plus trop de cette crise aujourd’hui, bien que la question se posait (et se pose toujours…) dans la célèbre affaire du druide marseillais – où il ne s’agissait pas que d’erreurs de mesure et de variance un peu large…

    (non, c’est vrai, je n’ai toujours pas digéré les vaticinations sur la significativité particulière des effets détectés dans des essais à (très) faible puissance statistique !)

  • Dans l’enfer de #Białowieża

    À cheval entre la #Biélorussie et la #Pologne, Białowieża est la dernière grande forêt primaire d’Europe. Vaste étendue de végétation dense et inhospitalière, elle est le théâtre d’une #chasse_aux_migrants orchestrée par le gouvernement de Varsovie. Un traitement implacable qui tranche avec l’hospitalité accordée aux #réfugiés_ukrainiens.


    À mesure que l’on progresse dans la forêt de Białowieża, écrasante masse verte, hérissée et fauve, l’impression s’impose qu’on n’y pénètre pas. Elle nous absorbe et se rend toujours plus profonde. Quoique muni d’un GPS et des coordonnées de sa destination, Stefan (1) ne sait pas où aller. Mais il continue d’avancer, d’escalader, de ramper sous les milliers d’arbres morts en suspension ou écroulés au sol. De tomber dans les bosquets d’orties se prenant pour des fougères arborescentes, de lutter contre le harcèlement permanent des hordes d’insectes. D’extirper ses bottes de l’effet de succion de la vase des marais putrescents. D’être en alerte, au moindre bruit suspect, d’une patrouille des forces de l’ordre ou d’un hélicoptère.

    Ce jeune militant cherche un groupe de migrants indiens qui lui ont envoyé leur position par texto après avoir traversé clandestinement la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, en passant par cette forêt à cheval sur les deux pays. Ont-ils été arrêtés par l’armée polonaise, les garde-frontières ou la police ? Ici, les migrants ne sont pas les bienvenus. Des #haut-parleurs, installés le long de la démarcation, le rappellent, hurlant sans discontinuer un même message dans plusieurs langues — supposément celles des candidats à l’exil (anglais, arabe, chinois, espagnol, français…) : « Cette frontière est ferme (sic). C’est fini de votre voyage. Vous êtes trompés et votre argent s’est envolé. Ce n’est pas comme promis. Vous devrez retourner au Minsk. L’autorité de Biélorusse vous devrait transporter à votre pays. Votre cauchemar prendra fini », indique, dans un français approximatif, le message à destination des ressortissants d’Afrique francophone.

    Un #mur a également été construit pour empêcher les passages de migrants. Long de deux cents kilomètres, érigé au beau milieu de la forêt par Varsovie entre novembre 2021 et juin 2022 pour la somme de 340 millions d’euros, il fait la fierté du gouvernement polonais : grâce à cette barrière, le pays protégerait l’Union européenne d’une invasion. Le 5 septembre 2022, le premier ministre, M. Mateusz Morawiecki (parti Droit et justice [PiS], conservateur), se rendait ainsi au poste-frontière de Czeremcha pour se mettre en scène devant le mur et ses barbelés déployés comme un tourbillon de foire, étincelant dans les rayons du soleil couchant, pour se féliciter d’une construction infranchissable, « la meilleure preuve de l’efficacité du PiS en matière de sécurité (2) ».

    Ce discours s’est imposé à la faveur de la « crise migratoire » qui a opposé la Pologne et la Biélorussie à l’automne 2021, quand des milliers d’exilés, désireux d’entrer dans l’Union européenne, se sont massés dans la forêt de Białowieża. Bruxelles a alors accusé Minsk d’organiser l’afflux en guise de représailles aux nouvelles sanctions occidentales infligées au pays depuis 2020 (3). En visite à Washington le 10 novembre 2021, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, affirmait ainsi : « Il ne s’agit pas d’une crise migratoire. Il s’agit d’une tentative de déstabilisation menée par un régime autoritaire contre ses voisins démocratiques. C’est l’ensemble de l’Union européenne qui est défiée. » Le même jour, lors d’un débat au Parlement, le président du Parti populaire européen (PPE), M. Manfred Weber, allait plus loin encore, évoquant une « guerre hybride contre l’Union européenne » (4). Pour se défendre, Bruxelles et Varsovie n’ont pas lésiné sur les moyens répressifs, repoussant les exilés au canon à eau malgré un froid glacial et pratiquant abondamment le refoulement systématique, immédiat et illégal des migrants qui ont réussi à franchir la frontière.

    « Personne ne respecte nos droits. On est traités comme des animaux »

    Si, depuis cette crise, les flux ont diminué, cette route de l’est ne s’est pas fermée pour autant. Plusieurs milliers de migrants continuent d’y passer chaque mois, venant des quatre coins du monde, principalement d’Afghanistan, du Pakistan, d’Inde et du Yémen, mais aussi d’Afrique subsaharienne, de Chine et même de Cuba. Une goutte d’eau comparée aux millions de réfugiés ukrainiens arrivés en Pologne depuis février 2022. Mais peu importent les chiffres : tandis qu’il se montre relativement accueillant avec les Ukrainiens (5), le gouvernement polonais traque les migrants qui tentent de passer par la porte biélorusse, ainsi que les militants qui les aident. Le 15 août 2022, lors de célébrations de la Journée de l’armée polonaise, le président Andrzej Duda a ainsi qualifié « d’imbéciles et de traîtres les personnes qui sauvent des réfugiés et des migrants à la frontière polono-biélorusse ».

    Alors qu’un énième passage d’hélicoptère au-dessus de son jardin fait trembler sa tasse de thé, Jan baisse la tête plutôt que de lever les yeux au ciel. Après avoir soigneusement éteint son téléphone, et l’avoir rangé dans un placard, ce « traître » déplore la légitime résignation, si ce n’est l’abattement, de certains activistes. Las des tensions permanentes qu’affrontent les habitants de la région depuis un an, il explique, les yeux humides : « On se croirait en zone de guerre. Nerveusement, on est à bout. On a aidé énormément et on continue comme on peut. Mais on est trop peu nombreux. On sait que des gens meurent dans notre forêt. On est criminalisé si on les aide. Mais on ne peut pas tolérer de les abandonner comme ça. Nos interventions dans cette nature hostile sont très périlleuses et éprouvantes émotionnellement. »

    La forêt de Białowieża apparaît comme une #zone_de_non-droit où le gouvernement polonais agit à sa guise, piétinant le droit international. Dès le 2 septembre 2021, le président Duda a décrété l’état d’urgence dans la région de Białowieża, ce qui lui a permis d’isoler la zone frontalière avec la Biélorussie de toute caméra et des regards indiscrets, ainsi que de s’opposer à la présence des organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires (Médecins sans frontières, Amnesty International…), des Nations unies et même de Frontex, la police des frontières de l’Union européenne, pourtant guère réputée pour son sens de l’accueil. Si l’état d’urgence et ses diverses interdictions ont été levés le 1er juillet 2022, Varsovie a ainsi pu éviter qu’une lumière trop crue soit jetée sur sa « politique de gestion » des migrants. Laquelle se résume à un principe simple : reconduire, manu militari, tout intrus du côté biélorusse de la frontière. Une politique commode pour l’Union, qui endosse ainsi le beau rôle en se déchargeant de ses responsabilités sur Varsovie tout en lui reprochant de ne pas respecter les droits des migrants — dont Bruxelles se soucie moins quand il s’agit de les renvoyer en Libye.

    « Honte sur vous ! Honte sur vous ! », hurle, à travers les barbelés affûtés comme des rasoirs, un Irakien aux gardes-frontières polonais qui viennent de le rejeter, avec sa famille, en Biélorussie. Un de ses enfants, âgé de 6 ans, pleure dans les bras de sa mère après avoir été aspergé de gaz lacrymogène par des soldats encagoulés. Ils viennent d’être victimes d’un refoulement de la part de l’armée polonaise. « Vous êtes des Européens. Pensez-y !, reprend le père de famille. Même dans mon pays, personne ne se permettrait de faire ce que vous avez fait à un enfant ! » Selon Monika, bénévole dans l’association de soutien aux migrants Grupa Granica, la grande majorité de la population polonaise approuve cette politique répressive, et de nombreux bénévoles sont découragés.

    Andrzej n’est pas de ceux-là. Cet adolescent, qui porte un tee-shirt floqué du mot « Free », a abandonné les jeux vidéo qui occupaient son temps libre pour sillonner désormais la forêt de Białowieża à la recherche de migrants, auxquels il fournit de la nourriture et du matériel médical. À quelques encablures d’une prison de la région, alors qu’il regarde frénétiquement le GPS de son téléphone portable, Andrzej essaie de presser le pas en se frayant un chemin dans un dédale d’arbres morts tombés au sol. Il cherche un groupe de migrants venus de pays africains. « Est-ce qu’on peut vraiment parler de crise migratoire quand il s’agit en réalité de moins de cinquante mille tentatives de passage illégales de la frontière en un an ?, interroge-t-il. La Pologne accueille quatre millions d’Ukrainiens depuis le début de la guerre… Ça lui a permis d’obtenir que l’Union européenne lève en partie ses sanctions. Bruxelles punissait nos autorités, maintenant ce sont les Européens eux-mêmes qui laissent le PiS se moquer de l’État de droit », ajoute-t-il en faisant référence aux sanctions imposées par l’Union à Varsovie pour ses manquements à l’indépendance de la justice.

    Après un long parcours, Andrezj finit par retrouver le groupe de onze hommes et femmes. Emmurés dans la terreur de leur traversée de la forêt, ils n’ont qu’une supplique : « Aidez-nous à sortir de là ! Si on reste ici, on va mourir… » Dans un premier temps, les migrants n’ont souvent que faire des soins proposés par les volontaires polonais : ils veulent avant tout pouvoir déposer un dossier de demande d’asile et obtenir des papiers. « Cela fait plus de huit jours qu’on erre dans cette forêt qui nous rend malades et ronge jusqu’à nos chaussures, nous raconte une exilée togolaise. On est blessés à cause des branches cassées qui nous lacèrent le corps, on est malades d’avoir bu l’eau des marais. Nos blessures et les piqûres d’insectes sont infectées. On va y rester… On est partis de Brest [en Biélorussie] et il ne nous reste que 180 dollars. On a déjà perdu deux personnes qui étaient trop faibles pour suivre. On sait qu’ici personne ne respectera nos droits, on est traqués comme des animaux. On ne peut pas déposer de dossier de demande d’asile auprès des autorités. S’ils nous tombent dessus, ils nous expulseront sans considération à nouveau en Biélorussie. » Les yeux hagards, elle n’a pas remarqué qu’à proximité de son sac à dos un fémur humain dépassait des lambeaux d’un pantalon abandonné. Dans le trou de forêt putride où ces migrants surveillent chaque seconde qui passe avant que le crépuscule sonne la reprise de son odyssée vers l’ouest, les assauts incessants des moustiques font écho aux sifflements des drones scrutant la zone frontalière.

    Plus que jamais le « deux poids, deux mesures »

    Le lendemain, c’est au tour de quatre Cubains d’être assistés par un groupe d’activistes ayant battu la forêt avant de faire relâche dans une clairière. Après une lapidaire synthèse de leur situation, l’un d’eux laisse éclater son incompréhension : « Combien de Polonais sont prêts à nous aider ? On est abandonnés à notre propre sort, condamnés à disparaître dans cette forêt. On marche aux côtés de la mort en permanence. Seules quelques trop rares personnes risquent encore leur peau pour nous. Nos vies ne valent-elles rien par rapport à celles des Ukrainiens qui fuient leur pays comme nous ? »On apprendra quelques jours plus tard que les quatre hommes ont réussi à rejoindre l’Espagne. Moyennant près de 1 500 euros chacun, ils ont trouvé un chauffeur dont personne ne saura s’il est lié à des réseaux de passeurs organisés, ou isolé. Avec les passeurs, tout se monnaye. Jusqu’à l’eau, facturée 20 euros la bouteille dans la forêt de Białowieża.

    Changement de décor. Sous les colonnes de la terrasse du Bar Studio de Varsovie, Magdalena Chrzczonowicz, journaliste polonaise du média indépendant Oko.press, fait partie des rares reporters à avoir bravé l’interdiction du gouvernement de se rendre dans la région de Białowieża pendant l’état d’urgence. « Avec la propagande organisée par l’État, la zone d’exclusion et la peur de la population face à l’érosion de son pouvoir d’achat, la situation des migrants à la frontière biélorusse n’est pas un sujet d’intérêt particulier en Pologne. » Le PiS utilise même la situation pour séduire l’électorat conservateur, en mettant en scène son intransigeance en matière sécuritaire et en insistant sur son attachement à la défense de la souveraineté. Il s’en sert également comme d’un outil de politique extérieure pour arracher la mansuétude de Bruxelles, au même titre que son implication dans l’aide aux réfugiés ukrainiens. Comme le rappelle l’historien et politiste Jean-Yves Potel, « le gouvernement polonais s’est montré solidaire de l’Ukraine face à la Russie, il a mis en place la directive de protection temporaire débloquée le 3 mars 2022 par la Commission européenne. Une loi a été adoptée. Chaque réfugié venant d’Ukraine a pu bénéficier rapidement, parfois en quelques heures, d’un statut protecteur pour dix-huit mois renouvelables, comprenant des aides financières, un hébergement provisoire, le droit au travail, l’accès aux services de santé, à l’école pour les enfants, un numéro de sécurité sociale et le bénéfice de nombreux services sociaux (6) »

    En proposant aux exilés ukrainiens des conditions d’accueil décentes, propices à leur bonne intégration, la Pologne et l’Union européenne ont montré qu’elles pouvaient faire ce qu’elles disent impossible pour des êtres humains venus d’ailleurs. Plus que jamais, le « deux poids, deux mesures » régit les politiques migratoires. Et, de la Pologne à la France, l’heure est au tri entre « ceux qu’on veut accueillir et qu’on doit bien intégrer, et ceux qui ne méritent pas de rester et qui doivent donc être reconduits (7) » — selon le programme fièrement exposé par la présidente française du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Mme Aurore Bergé.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/COLOMA/65591
    #Bialowieza #frontières #asile #migrations #réfugiés #barrières_frontalières

  • N’oubliez pas de baisser le chauffage et de trier vos pots de yaourts vides . . . Grand Bornand : pour le biathlon la neige arrive en camions Sandra Stavo-Debauge - Alpinemag
    https://alpinemag.fr/grand-bornand-pour-le-biathlon-la-neige-arrive-en-camions

    Dix jours avant la coupe du monde de biathlon qui se déroulera au Grand-Bornand du 12 au 18 décembre 2022, la neige arrive… par camions !

    Mercredi 30 novembre, nous sommes allés constater de visu cet étrange ballet, entre le Grand-Bornand Village et Le Chinaillon. Nous avons discuté avec un habitant résidant en face de l’opération, la directrice de l’office du tourisme, Isabelle Pochat Cotillot, et Yannick Aujouannet, secrétaire général du comité d’organisation de la coupe du monde de biathlon Annecy-le Grand-Bornand, une organisation tiraillée entre le côté fédérateur du biathlon et ces contradictions peu en accord avec les valeurs environnementales prônées par le Grand-Bornand.


    Ballet de camions pour le biathlon ©Sandra Stavo-Debauge

    À quelques jours de la coupe du monde de biathlon, il serait peut-être plus judicieux d’organiser une compétition de ski roues sur le stade de biathlon du Grand-Bornand situé à un peu moins de 1000 m d’altitude. Hormis les tas de neige (artificielle) déposés par camion sur le stade, puis étalés par les ratracks tel un serpent, car autour du village les champs sont verts. La limite de la neige se trouve vers 1400 mètres d’altitude, et c’est encore timide, à peine 5 cm au sol.


    Alors depuis le 28 novembre, ce ne sont pas les coureurs qui font la course, ce sont des semi-remorques à bennes et autres monstres de 5 et 6 essieux ! A 7h du matin, ce lundi, un habitant du Chinaillon (qui souhaite rester anonyme) a eu la surprise de voir la gendarmerie monter avec les premiers camions, . . . . . .
    La suite payante, mais est ce nécéssaire ?

    #pollution #gaspillage #camions #environnement #transport #sport #ski #biathlon #neige #neige_artificielle #gendarmerie #sport

  • LA CONNERIE A PRIS LE POUVOIR ! COMPRENDRE LE CERVEAU DE NOS « ÉLITES » – Jacques Généreux
    https://www.les-crises.fr/la-connerie-a-pris-le-pouvoir-comprendre-le-cerveau-de-nos-elites

    Jacques Généreux est professeur d’économie, une matière qu’il enseigne depuis près de trente-cinq ans. Pourfendeur de longue date du néolibéralisme et de l’absurdité des politiques économiques menée depuis 30 ans, Jacques Généreux a écrit de nombreux ouvrages fondamentaux pour proposer une économie plus égalitaire et rationnelle. Face au refus de nos élites de mettre fin […]

    #Vidéo #biais_cognitifs #Économie #sciences_cognitives #sciences_sociales #Vidéo,_biais_cognitifs,_Économie,_sciences_cognitives,_sciences_sociales

  • Inchiesta su BF, il vero “sovrano” dell’agricoltura industriale italiana

    La holding quotata in Borsa ha ormai inglobato i segmenti chiave del comparto -dalle sementi ai consorzi agrari- e tramite #Bonifiche_Ferraresi è anche la prima azienda agricola del Paese. Chi la controlla, come si muove e perché ci riguarda.

    C’è un acronimo che ben riassume i processi di trasformazione in corso nella filiera agroindustriale italiana: è BF, cioè il nome della holding quotata alla Borsa di Milano che con le sue controllate ha inglobato ormai i segmenti chiave del comparto. Dalla selezione, lavorazione e vendita delle sementi (con la Società italiana sementi Spa) alla proprietà dei terreni attraverso la più grande azienda agricola italiana per superficie utilizzata (Bonifiche Ferraresi, cui si affianca la BF agricola Spa), dalla progettazione di contratti di filiera (ad esempio con la Filiera bovini Italia Srl, in partnership con Coldiretti) alla realizzazione di impianti per la macinazione di cereali (Milling hub Spa, tra le altre), dalla trasformazione dei prodotti (BF agro-industriale Srl) alla loro commercializzazione nei canali della Grande distribuzione organizzata anche tramite un marchio di proprietà (come la pasta, le passate o i legumi de “Le Stagioni d’Italia”). Del conglomerato fa parte anche Consorzi agrari d’Italia Spa, che si occupa della commercializzazione, produzione ed erogazione di servizi e prodotti a favore degli operatori agricoli attraverso la rete dei consorzi agrari.

    Non si tratta di un comparto rilevante solo per addetti ai lavori o appassionati dell’azienda con sede a Jolanda di Savoia (FE). L’agricoltura, così come la filiera alimentare, è infatti tra le principali cause della perdita di biodiversità e dei cambiamenti climatici, come ricorda la coalizione #CambiamoAgricoltura lanciata da organizzazioni ambientaliste e dell’agricoltura biologica e biodinamica per una riforma della fallimentare Politica agricola comune (Pac) in vista del ciclo di programmazione 2023-2027. Terra e cibo rappresentano uno snodo decisivo per una non rinviabile svolta agroecologica finalizzata a proteggere la natura, a invertire il degrado degli ecosistemi e le perdite di sostanze dei suoli, a rendere “sana, equa e sostenibile” la produzione del cibo, come tratteggiato dall’Unione europea attraverso la strategia “Farm to fork” e quella sulla biodiversità per il 2030. È in questo delicato terreno che si muove BF. Non lo fa da comparsa ma da “primario operatore nazionale attivo, a livello integrato, nel settore agroindustriale”, per usare la fredda etichetta dell’Autorità garante della concorrenza e del mercato (Agcm).

    A metà ottobre 2022 gli “azionisti rilevanti” di BF erano quattro. Il primo, con il 20,13% delle quote, è la Arum Spa, che fa capo a Federico Vecchioni, amministratore delegato di BF e della sua controllata Bonifiche Ferraresi, che in passato è stato anche presidente della Confederazione generale dell’agricoltura italiana (Confagricoltura). Poi c’è la Dompé holdings Srl (al 20,04%), “contenitore” di partecipazioni finanziarie che fa capo a Sergio Dompé, imprenditore al vertice del gruppo multinazionale biofarmaceutico Dompé. Il terzo azionista è Fondazione Cariplo, che detiene il 19,29% di BF, seguita da Cdp equity Spa (in passato Fondo strategico italiano), investitore pubblico di lungo periodo che acquisisce quote in imprese di “rilevante interesse nazionale” per conto di Cassa depositi e prestiti (controllata per circa l’83% dal ministero dell’Economia e per quasi il 16% da diverse fondazioni bancarie).

    Nell’estate 2022 il campo d’azione di BF si è ulteriormente allargato. A metà luglio ha infatti perfezionato l’acquisizione del 100% della Bia Spa, azienda specializzata nella “produzione e commercializzazione di couscous da filiera italiana”, per 20,5 milioni di euro. “L’operazione si inserisce nel più ampio progetto di sviluppo di un polo cerealicolo attraverso l’integrazione delle società Ghigi 1870 Spa, Milling Hub Spa e Pasta Fabianelli Spa, già parti del Gruppo BF, e Bia, con lo scopo di creare sinergie e garantire, insieme a BF, il presidio sull’intera filiera del frumento italiano”, come ha dichiarato l’amministratore delegato Vecchioni. Lo scopo di “presidiare l’intera filiera” torna spesso nella comunicazione del colosso, che con i 7.750 ettari coltivati da Bonifiche Ferraresi tra le province di Ferrara, Arezzo, Oristano e Grosseto è anche il “primo proprietario terriero in Italia” (riso, mais, grano duro e tenero, orzo, barbabietole da zucchero, erba medica, soia, orticole, piante officinali e frutta).

    Questo potere (o “presidio”) si riproduce anche nel segmento dei semi. Come detto, BF ha in mano quasi il 42% della Società italiana sementi (Sis): controlla cioè, dal 2017, l’azienda leader nel settore del frumento e che tratta qualcosa come 600 varietà, 116 delle quali attraverso “diritti di esclusiva”. È Sis ad avere in mano l’esclusiva per la moltiplicazione e la vendita di una nota varietà denominata grano “Cappelli”. Quella stessa varietà di cui l’azienda controllata da BF, come ha denunciato più volte la Rete Semi Rurali, che si occupa di promuovere una gestione davvero dinamica della biodiversità agricola, ne avrebbe “limitato la vendita del seme solo a quegli agricoltori disposti a restituire il raccolto e ha diffuso la voce che chi non compra il loro seme certificato non può più usare il nome ‘Cappelli’ nell’etichetta del prodotto”.

    La rete di vendita su cui si appoggia Sis è prevalentemente quella dei consorzi agrari, un altro ganglio decisivo che porta, nuovamente, a BF. La società guidata da Vecchioni è infatti il primo azionista (con il 35,89%) della Consorzi agrari d’Italia (Cai Spa), veicolo che dal 2019 vorrebbe raccogliere parte di quel che resta dei 72 iniziali consorzi del nostro Paese (oggi poco più di 20), nati oltre un secolo fa sotto forma di cooperative di agricoltori. Gli altri azionisti della Cai sono il Consorzio agrario dell’Emilia-Romagna (4.300 soci), il Consorzio dell’Adriatico (oltre 3mila), il Consorzio del Tirreno (circa mille) e quello del Centro-Sud (284 soci). L’ultimo che si è aggregato in ordine di tempo è stato il Consorzio agrario del Nord-Est, attivo in Lombardia e Veneto e che nel 2021 ha realizzato un fatturato di circa 474 milioni di euro. A fine luglio 2022 il Consorzio del Nord-Est è entrato ufficialmente in Cai con il 23,58% delle quote, ricevendo il benestare dell’Antitrust che in agosto non ha ravvisato “significativi effetti verticali di restrizione della concorrenza sui mercati interessati” e ha dunque dato luce verde. BF ha festeggiato anche perché “le dimensioni raggiunte da Cai con l’ingresso di Consorzio Nord-Est conferiscono al Gruppo capacità competitiva e apportano una ancor più significativa presenza territoriale”.

    Maggiore “presenza territoriale” significa del resto “maggiori ricavi”, come dimostra il fatturato consolidato di BF che include i cosiddetti “apporti” della Cai. Al 30 giugno 2022 i ricavi dalle vendite ammontano a oltre 433,2 milioni di euro contro i 32,5 del primo semestre 2021. L’esplosione (più 1.200% in un anno) è dovuta in larga parte alla vendita all’ingrosso di carburanti per autotrazione e agricoltura (135 milioni) svolta dalla Eurocap Petroli, seguita dalla vendita di concimi antiparassitari (91,2 milioni), dalla vendita di cereali da granella (65,9), di sementi (39,1), o introiti da colture foraggere e mangimi (27,3). Tradotto: l’apporto della Consorzi agrari d’Italia “pesa” sul fatturato di BF per il 91%. È il suo core business.

    A rinforzare la rete del Gruppo BF c’è anche l’alleanza con Coldiretti, la più importante associazione di rappresentanza dell’agricoltura italiana nata nel 1944 che dichiara 1,6 milioni di soci ed è presieduta da Ettore Prandini (da leggere a proposito il saggio “La Coldiretti e la storia d’Italia” di Emanuele Bernardi per Donzelli editore). Questa partnership ha anche risvolti societari. È il caso della Filiera bovini Italia Srl, nata per “sviluppare progetti e contratti di filiera che assicurino una giusta ed equa remunerazione agli allevatori negli anni”. I soci sono due: BF, al 51%, e la Filiera agricola italiana Spa, al 49%. Quest’ultima è una “struttura economica di Coldiretti” -come tra le altre la Germina Campus o la Fondazione Campagna Amica- che detiene quote anche della Società italiana sementi (4,96%).

    Ma Coldiretti non è l’unico alleato di BF. A fine 2021 la capogruppo ha infatti annunciato un accordo strategico “di ampio respiro” con Eni -che è entrata nel capitale di BF- “per lo sviluppo di prodotti agricoli sostenibili per la produzione di biocarburanti”. Eni si è impegnata dal 2030 a non usare più olio di palma nelle sue raffinerie di Gela e Marghera e punterebbe a sostituirlo con “sementi di piante oleaginose da utilizzare come feedstock”. BF dovrebbe occuparsi quindi della ricerca presso i terreni che ha in Sardegna (chiamati nel patto “Laboratori a cielo aperto”), lasciando poi a Eni la “valutazione della possibilità di produrre economicamente le stesse sementi” in alcuni Paesi in cui la multinazionale fossile è presente: Ghana, Congo, Costa d’Avorio e Kenya.

    E poi c’è l’accordo con Intesa Sanpaolo: nel 2021 la banca ha investito in BF circa 20 milioni di euro, garantendosi il 3,32% del capitale, andando a sostenere un “operatore di mercato focalizzato sulla filiera agroalimentare, settore fondamentale per l’economia italiana e il made in Italy”. È la logica del “campione nazionale” che sovrasta qualsiasi altra riflessione, anche critica, sugli impatti di un modello agricolo intensivo e industriale opposto a una gestione dinamica, biologica e collettiva della diversità agricola. Tanto che qualsiasi richiamo alla biodiversità, alla tutela degli impollinatori, alla riduzione dei pesticidi chimici o dei fertilizzanti è vissuto come un attacco al “made in Italy” o alla sovranità alimentare.

    Ne è l’emblema il discorso che Giorgia Meloni ha tenuto al “Villaggio Coldiretti” di Milano a inizio ottobre 2022, in occasione della sua prima uscita pubblica post voto. Dopo aver garantito di non voler “disturbare chi vuole fare e chi vuole creare ricchezza”, la presidente di Fratelli d’Italia, tra applausi e bandiere gialle, si è scagliata contro “l’approccio ideologico spesso assurdo” dell’Unione europea che “non aiuta la sostenibilità e la produttività”. Perché “noi vogliamo difendere l’ambiente ma con l’uomo dentro”, ha detto, salutando con favore la “pausa di riflessione” presa allora dal Consiglio europeo sul “tema dei fitofarmaci”. Come se l’Italia fosse solo la culla, leggera e priva di impatti, di un’eccellenza “minacciata” da fuori e non invece il Paese che vede oltre il 10% dei suoli già classificato come “molto vulnerabile” alla degradazione (fonte Ispra), che ha perso circa 400mila aziende agricole tra 2010 e 2020 (-30%) mentre la superficie si è ridotta del 2,5% (fonte Istat) e che al 30 giugno 2022 ha già importato in valore più prodotti agroalimentari di quanti ne abbia esportati (29,8 miliardi di euro contro 29,4, fonte Ismea): il pesce e l’olio extravergine di oliva dalla Spagna, i bovini vivi e il frumento tenero dalla Francia, i formaggi dalla Germania o i semi di soia dal Brasile.
    Uno strano concetto di “sovranità”.

    https://altreconomia.it/inchiesta-su-bf-il-vero-sovrano-dellagricoltura-industriale-italiana

    #industrie_agro-alimentaire #Italie #BF #agriculture #agriculture_industrielle #semences #Società_italiana_sementi #BF_agricola #Coldiretti #Milling_hub #BF_agro-industriale #Le_Stagioni_d’Italia #supermarchés #grande_distribution #Consorzi_agrari_d’Italia #Arum #Federico_Vecchioni #confagricoltura #Dompé_holdings #Sergio_Dompé #Dompé #Fondazione_Cariplo #Cdp_equity #Fondo_strategico_italiano #Cassa_depositi_e_prestiti #Bia #Ghigi_1870 #Pasta_Fabianelli #Gruppo_BF #blé #terres #graines #Società_italiana_sementi (#Sis) #senatore_cappelli #consorzi_agrari #Consorzi_agrari_d’Italia #Ettore_Prandini #Filiera_bovini_Italia #Eni #biocarburants #Intesa_Sanpaolo

  • Radio : Barbara Stiegler, L’idéologie du libéralisme autoritaire, 2020

    #Barbara_Stiegler, professeure de philosophie politique à l’université Bordeaux-Montaigne, analyse comment les cabinets de conseil comme McKinsey ou la BVA Nudge Unit, se basant sur les sciences comportementales ont inspiré la gestion de l’épidémie de Covid-19 ces dernières années. Et plus généralement comment l’idéologie des #biais_cognitifs et des « #nudges » constituent des éléments pseudo-scientifiques servant à justifier la forme autoritaire que prend le #libéralisme aujourd’hui.

    https://sniadecki.wordpress.com/2022/07/28/rmu-stiegler

  • Un verre de vin par jour... vraiment bon pour la santé ? | Infox ? Ripostes ! avec Thomas Gauthier - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=WbK9YhaHNRo

    « Un verre de vin par jour, c’est bon pour la santé ! ». Cette affirmation que l’on aime bien entendre, est aujourd’hui remise en cause par de nouvelles études. Entre risque cancérigène et intérêts économiques, tentons d’y voir plus clair. Michael Naassila, professeur de physiologie et Thomas Gauthier, youtubeur québécois s’attaquent à cette infox et nous donnent des clés pour décoder le vrai du faux.
    Un épisode de la série « Infox ? Ripostes !, des scientifiques face à la désinformation »

    Réalisation : Hélène Seingier
    Production : Fablabchannel, Universcience,en partenariat avec TV5 Monde et Phosphore/Bayard 2022

    #EMI #Biais #Sciences #Alcool #Santé #Désinformation

  • ETE Fr sur Twitter
    https://twitter.com/ete_fr/status/1532375840910102528

    Sur les cas de #variole #simesque (#MPXV) détectés de par le monde, quelques réflexions d’épidémiologie, de modélisation et d’évolution de l’équipe. Car, pour le moment, ce sont surtout les #génomes viraux qui apportent des indications !

    https://threadreaderapp.com/thread/1532375840910102528.html

    […]
    Mais ⚠️, à ce stade, les conclusions épidémiologiques sont très fragiles à cause des #biais de dépistage.
    Plus on cherche de cas, plus on en trouve.
    La hausse pourrait donc ne traduire qu’un effort de dépistage.

    Au passage, il s’agit de l’exact effet inverse observé actuellement avec le nombre de reproduction #Rt du #SARSCoV2 calculé sur les dépistages en France, en forte baisse avec le pont de l’Ascension.
    […]
    Les inconnues sont nombreuses.

    Quelle proportion des personnes infectées ont des #symptômes ?

    Combien de cas secondaires sont causés par une infection #R0 ?

    Quelle est la #virulence de l’infection et sa durée ?


    figure de @MT_Sofonea

  • L’idéologie des biais cognitifs - avec Barbara Stiegler - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=Z71oV00aqxk

    Conférence tenue dans le cadre de la Fabrique du citoyen 2022 le 7 avril 2022, avec Barbara Stiegler, professeure de philosophie politique et animée par Manon Delobel.
    📔 Emprunter des ouvrages de Barbara Stiegler : https://bit.ly/3wnBLSI
    SOMMAIRE CLIQUABLE DES QUESTIONS :
    00:02:06 Qu’entendez-vous par l’idéologie des biais cognitifs ?
    00:16:16 La démocratie devient-elle fragile face à un discours participe à une dévalorisation des capacités de jugement politique des populations ?
    00:23:15 Y a-t-il des bons et des mauvais usages des biais cognitifs ? Que sont les « nudges » ?
    00:46:06 Apocalypse cognitive (G. Bronner) et réseaux sociaux

  • Geographies of Digital Exclusion: Data and Inequality

    Today’s urban environments are layered with data and algorithms that fundamentally shape how we perceive and move through space. But are our digitally dense environments continuing to amplify inequalities rather than alleviate them? This book looks at the key contours of information inequality, and who, what and where gets left out.

    Platforms like Google Maps and Wikipedia have become important gateways to understanding the world, and yet they are characterised by significant gaps and biases, often driven by processes of exclusion. As a result, their digital augmentations tend to be refractions rather than reflections: they highlight only some facets of the world at the expense of others.

    This doesn’t mean that more equitable futures aren’t possible. By outlining the mechanisms through which our digital and material worlds intersect, the authors conclude with a roadmap for what alternative digital geographies might look like.

    https://www.oii.ox.ac.uk/research/publications/geographies-of-digital-exclusion-data-and-inequality
    #données #inégalités #exclusion #exclusion_digitale #biais #cartographie #visualisation #alternative
    #livre

  • *Désinformer en informant - le #rapport_Bronner*

    Imputer à « la destructuration du paysage informatif » l’assaut du Capitole, les antivaccins et le risque de voir emportée la cohésion nationale, comme le fait le Président dans sa lettre de mission, est une démarche audacieuse et abusive, mais elle comporte l’avantage immense d’exonérer le politique. La désinformation aussi est toujours celle des autres.

    –-> Lettre à #Gérald_Bronner, président de la commission « Les lumières à l’ère numérique ». Quand la lutte contre la désinformation désinforme :

    Monsieur,

    « #Didier_Raoult est un grand scientifique français. », disait le 2 septembre 2021, le président de la République, qui insistait : "Il faut rendre justice à Didier Raoult, qui est un grand scientifique"[1].
    Le 29 septembre 2021, dans la lettre de mission par laquelle il vous demandait de présider la commission de haut niveau qui allait prendre pour titre « #Les_lumières_à_l’ère_numérique », le président faisait figurer parmi les phénomènes inquiétants qui rendaient opportune la mise en place de votre mission, la montée des #mouvements_antivaccins, qu’il rattachait à l’éclatement des sources d’information, comme il le faisait pour la prise du #Capitole.
    Chacun le sait, les adversaires du vaccin trouvent dans les interventions publiques du docteur Raoult une forme presque irremplaçable de légitimation[2].
    Dans votre rapport, vous vous référez à une étude qui montre, je vous cite, que, dans l’ensemble, les Français s’informent eux aussi majoritairement sur des sources web fiables. Selon cette étude, la consultation de sites non fiables sur Internet représenterait environ 0.4% du temps de connexion à Internet des résidents en France. On lit dans la même étude que 95% du temps que les Français passent à s’informer est consacré à des sites fiables.
    La désinformation dont sont victimes les Français ne semble pouvoir être détachée, sans simplification abusive, ni de déclarations telles que celles du président ni des sites fiables qui les véhiculent. On peut rappeler d’autres épisodes : #Olivier_Véran et les #masques inutiles contre le #COVID, le président et le chlordécone, les ministres #Blanquer et #Darmanin sur le prétendu déficit de petites filles musulmanes à l’Ecole, le ministre Blanquer au sujet des ventes d’écrans plats au mois de septembre, la ministre Vidal et son observatoire des libertés académiques[3], etc.
    Il est établi, en outre, que les #lobbies_industriels parviennent à désinformer les citoyens avec une redoutable efficacité (tabac, sucre, réchauffement climatique…)[4] et ce, par le truchement de sites fiables ou de personnalités respectables.
    En se focalisant sur les sites non fiables et sur les #réseaux_sociaux, votre rapport donne une image biaisée de la désinformation, comme si les manifestations de celle-ci ne devaient pas avoir grand-chose à voir avec les acteurs publics ou privés respectables dans sa genèse et avec les médias fiables dans sa diffusion.
    Ce #biais était attendu et il transparaissait déjà dans la lettre de mission du Président, qui, on l’a vu, présente la #prise_du_Capitole comme une conséquence de l’éclatement des sources d’information, mais omet de mentionner le discours de monsieur Trump ou l’organisation tout sauf spontanée des émeutiers. A lire le Président, on pourrait penser que la prise du Capitole a été un effet émergent des réseaux sociaux et que tel est le cas aussi pour les antivaccins.
    Il faut cependant noter que le Président affirme aussi que ces antivaccins n’ont pas prospéré. Il vous a fallu donc vous intéresser à la montée des antivaccins provoquée par la révolution virtuelle en dépit du fait que cette montée n’a pas prospéré.
    A titre subsidiaire, on observera que le Président affirme que les antivaccins ont cessé d’être des citoyens, ce qui est inexact, et qu’il veut les emmerder, ce qui pourrait être un propos haineux, sur la prévention desquels le Président vous demande aussi, dans sa lettre de mission, de réfléchir. Sans doute avez-vous manqué de temps pour vous intéresser à ces propos, tenus peu de temps avant la remise de votre rapport, mais on se souvient ceux de février 2019 au sujet du prétendu parler des boxeurs gitans et de l’impossibilité pour cette catégorie de la population de s’exprimer correctement. On ne sait pas si les conséquences de ce genre d’affirmations, devenues virales, doivent être imputées aux réseaux ou au Président. C’est une question importante que vous n’approfondissez pas.
    Mais en vérité, le Président va plus loin, car, selon lui, les développements d’#Internet mettent en cause rien de moins que la #cohésion_nationale et c’est en tant que garant de cette dernière qu’il agit lorsqu’il vous demande de prendre la tête de la commission qu’il met en place. Imputer à Internet l’affaiblissement de la cohésion nationale a pour effet de rendre moins visibles d’autres causes plus massives, plus directes, plus politiques et qui ne relèvent pas du fonctionnement des algorithmes des gafam, mais se trouvent dans le périmètre d’action du politique. La cohésion nationale est-elle affaiblie parce que le Président exclut de la #citoyenneté une partie de la population ou parce que cette déclaration, pensée sans doute pour l’être, devient virale ?
    Se concentrer sur ce qui est périphérique et occulter l’essentiel est une tactique de désinformation fréquemment utilisée par l’industrie du tabac et autres marchands de doute, connus pour financer des études sur tous les sujets possibles afin de noyer l’essentiel. Situer Internet au centre de la question de la désinformation et de l’affaiblissement de la cohésion nationale et en faire le point de départ, comme le veut la lettre de mission que vous avez reçue, donne une vision déformée de ces problèmes qui exonère le pouvoir politique et les médias fiables de leurs #responsabilités.
    On peut craindre dès lors que votre rapport ait surtout pour effet de renforcer la croyance selon laquelle la désinformation n’est jamais le fait de #médias fiables, des gouvernants ou des entreprises et que l’affaiblissement de la cohésion nationale découle d’Internet et non, par exemple, des inégalités sociales et de l’absence de volonté de les réduire ou de l’impuissance du politique à le faire.
    Par construction, par commande du Président, le #désordre_informationnel devait être rattaché par votre commission aux sites non fiables et aux réseaux sociaux. Vous ne deviez pas chercher à savoir si le gouvernement, les sites fiables ou les lobbies désinforment. Vous deviez, pour ainsi dire, vous intéresser aux 5%, pas aux 95%. C’est ce que vous avez fait. Que votre analyse de ces 5% soit souvent pertinente n’y change rien.
    C’est cette démarche, au demeurant, qu’adopte l’Education Nationale ; votre rapport y sera sans doute cité et diffusé. Il y sera fait appel dans les stages par lesquels notre institution veut centrer notre réflexion sur la désinformation aux phénomènes que vous commentez. Votre rapport contribuera probablement à rendre plus difficile notre mission de traiter de façon objective la question de la désinformation.

    Bien à vous,

    Nowenstein, professeur agrégé.

    [1] La video est consultable ici : https://www.dailymotion.com/video/x83wskh

    [2] Cet article du Monde reprend certaines déclarations du docteur Raoult qui ont contribué à semer le doute sur l’intérêt du vaccin contre le COVID : https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/12/la-tumultueuse-fin-de-regne-de-didier-raoult-desavoue-par-sa-fille-medecin-e

    [3] Sur ces quatre derniers sujets, j’ai écrit par la voie hiérarchique aux intéressés sans jamais obtenir de réponse. Voir ici.

    [4] On se rappelle, par exemple, les déclarations su président Macron en faveur du #vin (https://sebastiannowenstein.org/2020/01/21/lettre-au-president-macron-par-la-voie-hierarchique-au-sujet-du) : il arrive souvent qu’il soit difficile de dissocier acteurs privés et publics dans des actions qui ont pour effet de produire de la désinformation dans l’#opinion_publique.

    #désinformation #Bronner #vaccins #santé #mensonges #Macron #Emmanuel_Macron #Macronisme #Raoult #anti-vaxx #anti-vax

  • Les femmes meurent davantage lorsque c’est un homme qui les opère
    https://fr.news.yahoo.com/femmes-meurent-davantage-homme-chirurgien-170923420.html?guce_referre

    Les patientes auraient 30% de risques supplémentaires de mourir que les patients à la suite d’une opération chirurgicale menée par un homme, révèle une étude.

    Y a-t-il du sexisme dans les soins chirurgicaux qui mènerait à une grande inégalité de traitement ? Des chercheurs canadiens se sont posé la question. D’après les résultats d’une étude publiée dans la revue scientifique JAMA Surgery, lorsqu’un chirurgien masculin opère une femme, elle aurait 32 % plus de risques de décéder qu’un patient de sexe masculin.

    Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont analysé les données de plus d’un million de patients opérés au Canada entre 2007 et 2019 par 2 937 chirurgiens. Le sexe du patient, celui du professionnel de santé et les suites post-opératoires font partie des critères retenus par les scientifiques.
    « Ces résultats sont préoccupants »

    Au total, 602 560 malades étaient « en concordance de sexe avec leur chirurgien ». Plus de 500 000 patients hommes ont ainsi été opérés par des chirurgiens masculins et près de 93 000 patientes femmes ont été opérées par des chirurgiennes. Au contraire, 717 548 personnes étaient en discordance de sexe (667 279 femmes opérées par un homme et 50 269 hommes opérés par une femme). Quelque 189 390 patients, soit 14,9%, ont connu au moins une complication après l’opération.

    « Nous avons constaté que les patientes opérées par des hommes avaient 15 % de risques supplémentaires d’obtenir de moins bons résultats que les patientes opérées par des femmes », a expliqué le Dr Angela Jerath, co-auteure de l’étude, au journal britannique The Guardian. De plus, les hommes opérés par des femmes avaient de meilleures suites post-opératoires.

    « Ces résultats sont préoccupants car il ne devrait pas y avoir de différence entre les sexes en ce qui concerne les suites post-opératoires des patients, quel que soit le sexe du chirurgien », conclut la scientifique. Les « préjugés sexistes implicites, les attitudes et les stéréotypes profondément enracinés » peuvent être une explication possible à ces résultats.

  • Janvier 2022, un "colloque" (soi-disant) est organisé par l’#Observatoire_du_décolonialisme et le #Collège_de_philosophie.
    Sont entre autres présents à ce "colloque" #Jean-Michel_Blanquer et #Thierry_Coulhon (patron de l’HCERES)...

    Titre du colloque « Après la #déconstruction : reconstruire les sciences et la culture »
    https://decolonialisme.fr/?p=6333

    Ci-dessous un fil de discussion à son propos.

    #Université : « L’#universalisme_républicain ne se décrète pas, il se construit »

    Dans une tribune au « Monde », soixante-quatorze universitaires expliquent pourquoi le colloque organisé par l’Observatoire du décolonialisme, les 7 et 8 janvier à la Sorbonne, constitue une caricature de son objet, car il conduit à observer pour ne rien voir !

    Tribune :

    L’#Observatoire_du_décolonialisme et le #Collège_de_philosophie organisent les 7 et 8 janvier, avec l’aval de #Jean-Michel_Blanquer, un #colloque à la #Sorbonne, intitulé « Après la #déconstruction : reconstruire les #sciences et la #culture » dont l’objectif affiché est de dénoncer l’« #ordre_moral » que la « “pensée” décoloniale », également nommée « #woke » ou « #cancel_culture », introduit dans le domaine éducatif en contradiction avec « l’#esprit_d’ouverture, de #pluralisme et de #laïcité qui en constitue l’essence ».

    Il s’agit, est-il précisé, de « favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des #repères_culturels fondamentaux » et de « faire un état des lieux, aussi nuancé que possible ». Cette recommandation laisse perplexe lorsque l’on constate que les animateurs des tables rondes sont les intervenants et vice-versa, et la quasi-totalité d’entre eux membres de l’Observatoire. Il serait vain dès lors d’attendre #débat_contradictoire ou mise en perspective.

    On pourrait s’étonner de la participation annoncée du président de l’agence gouvernementale chargée d’évaluer la recherche dans l’enseignement supérieur, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), dont dépend l’avenir des laboratoires de sciences humaines et sociales. On sait toutefois que la dénonciation du #wokisme, ou d’autres chimères comme l’« #islamo-gauchisme », est un cheval de bataille du ministre de l’éducation nationale comme de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Une #police_de_la pensée

    La caution quasi officielle apportée par le président du #HCERES à l’Observatoire du décolonialisme laisse-t-elle présager l’apparition d’une police de la pensée qui sanctionnerait toute recherche suspectée d’être contaminée par le prétendu wokisme ? Admettons, bien qu’il soit infondé, le postulat de réduction du #décolonialisme à l’idéologie woke et à la cancel culture.

    De quoi est-il donc question ? On sait que l’expression « #being_woke » s’est popularisée aux Etats-Unis dans la communauté afro-américaine tout au long du XXe siècle pour désigner une nécessité : celle d’être éveillé aux #injustices, principalement alors de nature socio-économique. Le slogan, repris par le mouvement #Black_Lives_Matter (« les vies noires comptent »), gagne en popularité avant d’être récupéré par les conservateurs américains pour le dénigrer et disqualifier ceux qui en font usage.

    C’est ainsi que s’impose #wokisme, lequel suggère l’existence d’un mouvement politique homogène chargé de propager l’#idéologie_woke. Il est d’ailleurs assez cocasse que la dénonciation de l’américanisation du débat s’accommode de l’importation (fautive) de mots américains.

    Les nouveaux inquisiteurs

    Désormais, le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT, etc. Sous couvert d’alerter sur le nouveau danger qui menacerait l’école républicaine, il s’agit de réprouver ceux qui dénoncent les #discriminations fondées sur la couleur et qui font un lien entre celles-ci et notre passé colonial et/ou esclavagiste.

    Dans la rhétorique réactionnaire des nouveaux inquisiteurs, on pratique une stratégie d’#éradication_lexicale visant à éliminer du vocabulaire des #sciences_sociales des termes tels que #racisme_systémique, #privilège_blanc, #racisation, #intersectionnalité, #décolonialisme, termes prétendument dénués de toute rationalité. A de nombreux égards, la querelle ressemble à celle de la #political_correctness (le #politiquement_correct) du début des années 1990.

    En effet, cette dernière fut avant tout, aux Etats-Unis, l’occasion d’une offensive des conservateurs et de l’extrême droite contre le pouvoir supposé des #minorités. En France, le terme désigne, dans la méconnaissance du contexte américain, un ensemble hétérogène composé de marxistes, de multiculturalistes, de féministes, de postmodernistes, etc., tous accusés, entre autres vices, de #puritanisme, de #censure, de #dictature_des_minorités.

    Le #cyberharcèlement moralisateur

    A l’inverse, celui qui se veut politiquement incorrect fonde ses jugements sur la #liberté_de_penser, la #rationalité, le #courage_intellectuel. Qui ne s’en réclamerait ? Quelle est donc la valeur d’une position qui rassemble tout le monde et chasse des fantômes ? La « #wokeness » doit en réalité être comprise comme une dynamique inhérente à la #démocratie et, au-delà, l’indice des manquements de celle-ci à ses principes fondamentaux.

    Le sort réservé à la cancel culture (#culture_de_l’annulation) illustre ce point de vue. Comme le wokisme, il s’agit essentiellement d’un terme polémique, lequel a servi, d’abord à la droite américaine puis aux néoconservateurs français, à disqualifier toute interpellation progressiste. Ses adversaires pensent que son invocation relève du tribunal populaire et s’accompagne nécessairement de #cyberharcèlement_moralisateur.

    Il convient plutôt de l’interpréter comme une modalité de la protestation à l’usage de ceux qui disposent du seul pouvoir de marquer leur indignation en dénonçant certains dysfonctionnements dont la société s’accommode si souvent. Peut-on réellement penser que la cancel culture exprime, comme l’écrivent sans vergogne l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, la tentation de faire « table rase du passé, de l’histoire, de l’art, de la littérature, et de l’ensemble de l’héritage civilisationnel occidental » ? Nuance, disent-ils ?

    Les choses commencent à changer

    Plutôt que des effets de la cancel culture, ne faudrait-il pas s’inquiéter de la culture de l’#impunité, laquelle préfère la #disqualification à la dispute argumentée ? Que les choses commencent à changer, nous ne pouvons que nous en réjouir et non redouter la « dictature des minorités ». C’est, au contraire, des droits de ces dernières que nous devrions nous soucier si nous voulons combattre la dérive droitière à laquelle les organisateurs, en invitant #Mathieu_Bock-Côté à s’exprimer, sont coupablement inattentifs.

    L’#universalisme_républicain ne se décrète pas, il se construit. Cela passe par la lutte contre les discriminations de classe, sexistes, homophobes ou ethnoraciales, comme contre les #préjugés racistes, antisémites et islamophobes, aujourd’hui de nouveau en vogue dans les espaces publics. Nier leur existence, c’est nuire gravement à l’idéal républicain.

    Les signataires de cette tribune sont : Nicolas Bancel, professeur ordinaire, université de Lausanne ; Gilles Bastin, professeur, Sciences Po Grenoble ; Hourya Bentouhami, maîtresse de conférences, université Toulouse-II-Jean-Jaurès ; Magali Bessone, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Pascal Blanchard, chercheur associé, CRHIM/UNIL Lausanne ; Philippe Blanchet, professeur, université Rennes-II ; Fabienne Bock, professeure émérite, Paris-XIII ; Gilles Boëtsch, directeur de recherche émérite, INEE-CNRS ; Olivier Borraz, directeur de recherche, IEP Paris ; Ahmed Boubeker, professeur, université de Saint-Etienne ; Michel Cahen, directeur de recherche émérite, IEP Bordeaux ; François Calori, maître de conférences, Rennes-I ; Philippe Chanial, professeur, université de Caen ; Sébastien Chauvin, professeur associé, université de Lausanne ; Christiane Chauviré, professeure émérite, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Catherine Coquio, professeure, Université de Paris ; Philippe Corcuff, maître de conférences, IEP Lyon ; James Costa, maître de conférences, université Sorbonne-Nouvelle ; Bruno Cousin, professeur assistant, IEP Paris ; Pierre Crétois, maître de conférences, université Bordeaux-Montaigne ; Martine de Gaudemar, professeure émérite, université Paris-Nanterre ; Thierry Deshayes, chercheur postdoctoral, université de Neuchâtel ; Stéphane Dufoix, professeur, membre senior de l’IUF, université Paris-Nanterre ; Estelle Ferrarese, professeure de philosophie, université de Picardie Jules-Verne ; Franck Fischbach, professeur, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Vincent Foucher, chargé de recherche, IEP Bordeaux ; Jean-Louis Fournel, professeur, université Paris-VIII ; Pierre François, directeur de recherche, IEP Paris ; Claude Gautier, professeur, ENS Lyon ; Jean-Christophe Goddard, professeur, université de Toulouse-II Jean-Jaurès ; Sophie Guérard de Latour, professeure, ENS Lyon ; Jacques Haiech, professeur honoraire, université de Strasbourg ; Abdelhafid Hammouche, professeur, université de Lille ; Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure, Paris-Nanterre ; François Héran, professeur, Collège de France ; Philippe Huneman, directeur de recherche, IHPST ; Chantal Jaquet, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences, université Paris-VIII ; Stefan Kristensen, professeur, université de Strasbourg ; Sandra Laugier, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Jeanne Lazarus, directrice du département de sociologie, IEP Paris ; Olivier Le Cour Grandmaison, professeur, université d’Evry ; Patrick Le Galès, directeur de recherche, IEP Paris ; Claire Lemercier, directrice de recherche, IEP Paris ; Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite, université d’Aix-Marseille ; Pascal Maillard, professeur agrégé, université de Strasbourg ; Philippe Marlière, professeur, University College London ; Nonna Mayer, directrice de recherche émérite, IEP Paris ; Catherine Miller, directrice de recherche, université d’Aix-Marseille ; Yann Moulier-Boutang, professeur émérite, UTC-Alliance Sorbonne-Université ; Laure Murat, professeure, université de Californie à Los Angeles (UCLA) ; Christine Musselin, directrice de recherche, IEP Paris ; Etienne Nouguez, chargé de recherche, IEP Paris ; Janie Pélabay, chargée de recherche, IEP Paris ; Roland Pfefferkorn, professeur émérite, université de Strasbourg ; Alain Policar, chercheur associé, IEP Paris ; Clotilde Policar, professeure, ENS Paris ; Jean-Yves Pranchère, professeur, ULB Bruxelles ; Alain Renaut, professeur émérite, Sorbonne-Université ; Jacob Rogozinski, professeur, université de Strasbourg ; Diane Roman, professeure, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Laurence Rosier, professeure, ULB Bruxelles ; Emma Rubio-Milet, professeure agrégée, université Sorbonne-Nouvelle ; Haoues Seniguer, maître de conférences, IEP Lyon ; Réjane Sénac, directrice de recherche, IEP Paris ; Vincent Tiberj, professeur associé, IEP Bordeaux ; Julien Talpin, Chargé de recherche, université de Lille ; Fabrice Virgili, directeur de recherche, UMR Sirice/CNRS ; Tommaso Vitale, professeur associé, IEP Paris ; Albin Wagener, maître de conférences, université Rennes-II ; Patrick Werly, maître de conférences HDR, université de Strasbourg ; Aline Wiame, maîtresse de conférences, université Toulouse-II Jean-Jaurès ; Charles Wolfe, professeur, université de Toulouse Jean-Jaurès ; Geneviève Zoïa, professeure, université de Montpellier ; Valentine Zuber, directrice d’études, EPHE.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/05/universite-l-universalisme-republicain-ne-se-decrete-pas-il-se-construit_610

    #Blanquer #Thierry_Culhon

    –-
    ajouté à ce fil de discussion :

    Projet de #loi sur les #principes_républicains : le niveau des eaux continue de monter
    https://seenthis.net/messages/908798

    • Un vrai-faux colloque à la Sorbonne pour mener le procès du « wokisme »

      Vendredi 7 et samedi 8 janvier s’est tenu à la Sorbonne un #colloque éloigné des canons du genre, mais patronné par d’illustres visiteurs, dont le ministre de l’éducation nationale, qui a par ailleurs aidé à financer l’événement. « Épidémie de #transgenres », « soleil noir des minorités » : les formules ont fleuri pour qualifier la manière dont le #décolonialisme et les #études_intersectionnelles martyriseraient l’université française.

      Vendredi 7 janvier, il est à peine neuf heures, deux mondes s’affrontent aux portes de la Sorbonne. Dehors, étudiants et enseignants-chercheurs (soutenus par plusieurs syndicats, dont Solidaires, la CGT et l’Unef, ainsi que par le Nouveau Parti anticapitaliste) moquent « les paniques identitaires » et dénoncent un événement « réactionnaire ». Dedans, on se presse pour prendre place dans le prestigieux amphithéâtre Liard, pour deux jours de colloque sur la « déconstruction » et le « wokisme », afin de « reconstruire les sciences et la culture ». Plus de 1 300 personne se sont inscrites pour assister aux débats, la plupart suivront la discussion jusqu’à samedi en ligne, en raison du contexte sanitaire.

      En plus des agents de la Sorbonne, légèrement sur les dents, des jeunes du très droitier syndicat UNI (Union nationale universitaire) font le contrôle des passes sanitaires et des identités, sweat-shirts floqués à leurs couleurs sur le dos. Ce sont d’ailleurs quasiment les seuls étudiants présents, les cheveux blancs étant plutôt dominant dans l’assistance. Deux jeunes gens s’en plaignent auprès de l’un des intervenants : « Les étudiants ont eu peur de venir, c’est sûr, mais nous vous soutenons ! »

      Dans les travées, avant l’ouverture des travaux sur « la pensée décoloniale, aussi nommée woke ou cancel culture », les discussions donnent un peu le ton : « Maintenant, si tu as un fils qui veut mettre une jupe, tu vas devoir lui dire “oui, peut-être”, se plaint un participant. Alors qu’il y a 30 ans, ça ne se faisait pas, et puis c’est tout. Aujourd’hui, tu es homme hétérosexuel le lundi, femme le mardi et tu te fais opérer le mercredi… » L’eurodéputé Les Républicains (LR) #François-Xavier_Bellamy tweete depuis la salle ses remerciements pour cette initiative « salutaire ».

      #Élisabeth_Lévy, éditorialiste vedette du magazine Causeur, distribue les saluts sonores, une journaliste prend des notes pour l’Incorrect. D’autres spectateurs ont tout annulé pour entendre en vrai de vrai #Mathieu_Bock-Côté, chroniqueur choisi par Europe 1 et CNews en remplacement de Zemmour. « Je l’adore, il est génial, non ? »

      Ils seront servis. Nombre des intervenants sont des chouchous de CNews et de FigaroVox, effrayés par la « dictature des minorités » : l’essayiste #Pascal_Bruckner, figure médiatique de ce courant néoconservateur qui a récemment publié Un coupable presque parfait. La construction du bouc émissaire blanc (Grasset, 2020) ; le dessinateur #Xavier_Gorce, qui a récemment quitté Le Monde après la « censure » de dessins jugés insultants ; #Pierre-André_Taguieff, qui a imposé le terme d’« islamo-gauchisme » dans le débat public et dont Nicolas Lebourg rappelait récemment dans Mediapart le rôle essentiel joué dans la dénonciation de l’#antiracisme comme « #nouveau_totalitarisme » ; ou encore le linguiste #François_Rastier, connu pour ses croisades contre l’#écriture_inclusive et les recherches sur le genre.

      Mais pour l’heure, la star du jour s’appelle Jean-Michel Blanquer, présent à la tribune en ouverture des travaux. Le ministre de l’éducation nationale remercie les organisateurs pour ce colloque sur un thème « si essentiel », « pour avoir eu le courage et la persévérance de l’organiser », et s’excuse par avance de la brièveté de son passage, « en raison de la crise sanitaire », mais il « devait être là, en Sorbonne ». Le ministre a même financé l’événement sur un fonds réservé. « Quand l’université ne soutient pas les universitaires, il faut bien qu’ils aillent chercher du soutien ailleurs », nous a répondu la professeure de littérature #Emmanuelle_Hénin, cheville ouvrière de l’opération.

      Un tel patronage n’a rien d’évident. Co-organisé par deux associations extra-universitaires controversées, l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, l’événement ressemble plus à une discussion savante – mais très politique – qu’à un colloque selon les canons du genre.

      Contactée par Mediapart, Sorbonne-Université a d’ailleurs tenu à préciser qu’elle n’avait rien à voir avec l’organisation, nous renvoyant vers la chancellerie des universités. Celle-ci, sous le patronage du recteur de Paris, propose en effet différentes salles du prestigieux bâtiment à la location pour des entreprises, des associations, autonomie des universités oblige…

      L’Observatoire du décolonialisme, fondé l’an dernier pour « mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs » par « l’idéologie décoloniale », réunit des universitaires et des chercheurs, pour certains éminents dans leur spécialité, mais qui ont tous pour point commun de ne pas avoir de compétence particulière sur les sujets de sciences sociales dont ils parlent.

      Dans une tribune publiée le 5 janvier dans Le Monde, 74 chercheurs mettaient en garde contre une telle « caricature » : « Il s’agit, est-il précisé [dans ce colloque – ndlr], de “favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des repères culturels fondamentaux” et de “ faire un état des lieux, aussi nuancé que possible”. Cette recommandation laisse perplexe lorsque l’on constate que les animateurs des tables rondes sont les intervenants, et vice versa, et la quasi-totalité d’entre eux membres de l’Observatoire. Il serait vain dès lors d’attendre débat contradictoire ou mise en perspective. »

      Enfin le Collège de philosophie, association loi 1901 pour le moins confidentielle, peut induire en erreur tant son nom est proche du Collège international de philosophie, une institution au rayonnement scientifique international, créée notamment par Jacques Derrida, le penseur de la déconstruction. Des intellectuels tels que Giorgio Agamben, Barbara Cassin, Jacques Rancière, Alain Badiou en ont assuré la renommée.

      Et alors qu’il sera tout au long de la première journée beaucoup question de #Derrida, pas un seul spécialiste connu de l’intellectuel n’est présent. « On parle de la #déconstruction, qui n’est pas la propriété de Derrida, justement pour montrer que c’est un concept dynamique, pas figé, qui est aujourd’hui réinterprété », justifie Emmanuelle Hénin. Certes, mais quand l’anthropologue #Albert_Doja saute en quelques minutes de la dispute intellectuelle opposant Jacques Derrida et Claude Lévi-Strauss sur la « leçon d’écriture » du célèbre ouvrage Tristes tropiques à… l’écriture inclusive, on s’interroge sur le choix du panel.

      Parmi les intervenants, mêmes approximations et parfois tromperies sur l’étiquette. #Sami_Biasoni, présenté comme philosophe, est un ancien trader en matières premières à la Société générale, ancien candidat aux municipales sur une liste dissidente de LR dans le VIIIe arrondissement de Paris, docteur en philosophie. Mais on ne lui connaît aucune publication scientifique. #Pierre_Valentin, également présenté comme philosophe, est en réalité « journaliste en formation », salarié depuis un an par FigaroVox. Il est l’auteur d’une note sur le « phémonène woke » pour la #Fondapol, « en deux volumes ». L’agrégé de lettres classiques et adjoint à l’urbanisme à la mairie de Pecq, #Raphaël_Doan, devient, dans cette présentation, « historien » et intervient sur la « cancel culture ».

      « Ce n’est pas un colloque scientifique, c’est une #réunion_politique, cingle Caroline Ibos, sociologue au département Études de genre à l’université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis. Ce n’est pas un problème d’ailleurs, encore faut-il le dire... C’est d’autant plus gênant que ces gens se drapent dans la neutralité axiologique et ne cessent de dénoncer les chercheurs qui confondraient la science et le militantisme. Le plus gros souci dans tout cela est la présence de Blanquer. »

      Le ministre de l’éducation nationale semble n’avoir cure de cette critique, vantant dans sa prise de parole « un événement intellectuel, scientifique » sur un sujet qui a « de grandes conséquences sociales, sociétales, civiques ». « Les Lumières font peur, il y a comme une haine de soi qui doit être identifiée, poursuit le ministre, avant d’appeler à « l’offensive » pour sauver « l’#universalisme pris en tenaille entre #revendications_identitaires de l’extrême gauche comme de l’extrême droite ». Il est vivement applaudi.

      « Ceci n’est pas un colloque », s’amuse le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, co-organisateur, citant le peintre Magritte, alors que le ministre s’échappe, sous les huées du dehors. Pour présenter la première table ronde, consacrée aux « trois âges » de la pensée déconstructionniste, dont le « wokisme » et l’intersectionnalité seraient les enfants, il invite à réfléchir sur une période où « tout serait oppression, unique clé de lecture du monde contemporain ». L’historien #Pierre_Vermeren, spécialiste du monde arabe et auteur d’un livre récent sur la métropolisation du monde, estime que tout est sur la table depuis 60 ans, un seul « mot d’ordre intellectuel et politique » : retourner la #civilisation_européenne contre elle-même, le « verbe français contre lui-même ».

      Au fil des tables rondes et de la critique de l’intersectionnalité (concept visant, dans l’analyse sociologique et politique, à croiser les discriminations de classe, de genre ou encore de race au sens de construction sociale), l’ouvrier, le prolétaire, est régulièrement convoqué face au « soleil noir que sont devenues les minorités » (comprendre les femmes, les racisé·es, les personnes LGBTQ+), souvent par des personnalités pourtant peu connues pour leurs sympathies marxistes.

      #Pascal_Perrineau, politologue à Sciences-Po Paris, habitué des plateaux télévisés, critique ainsi une idéologie qui vise à déconstruire « toutes les catégories du réel et la démocratie représentative », et parle d’une « obscure oppression généralisée, par les hommes blancs hétérosexuels, qu’il faudrait déconstruire avec d’autant plus de vigueur qu’elle n’a pas l’évidence de l’oppression économique ».

      Il tacle au passage des membres du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (#Cevipof), et notamment #Réjane_Sénac pour son livre L’Égalité sans condition. Osons nous imaginer et être semblables (Rue de l’Échiquier, 2019), avant de glisser, sous l’œil complice de l’assistance : « Vous voyez pourquoi je ne suis plus directeur… », après quand même 21 années passées à la tête du Cevipof.

      La prétendue mainmise des tenants de l’intersectionnalité, du décolonialisme ou des « #genderistes » sur l’université française, sous influence-nord américaine, est au cœur des discussions. Y compris sur les sciences dites dures, comme la physique ou les mathématiques. Le programme pour la mobilisation des #savoirs_autochtones dans l’étude de la physique, développé par l’université Concordia au Canada, provoque l’effroi (« Ils veulent décoloniser la lumière », moque #Bruno_Chaouat, spécialiste de littérature), alors que le mathématicien de Princeton Sergiu Klainerman dénonce dans une vidéo le débat autour du manque de diversité dans l’enseignement des mathématiques et d’un #biais_raciste.

      « Deux et deux ne font plus quatre », déclare t-on à la tribune. « Cela rappelle le moment Lyssenko, quand la science prolétaire devait remplacer la science bourgeoise, ou le moment Goebbels, quand la science devenait plus sensible à la race », ose Bruno Chaouat.

      Ces propos trouvent un écho bien au-delà du cénacle de l’amphithéâtre Liard. En juin 2020, Emmanuel Macron disait en privé que les universitaires sont coupables d’« ethnicisation de la question sociale » » et « cassent la République en deux », des propos proches des théories des mouvements du Printemps républicain et de Vigilance université, dont nombre d’intervenants du colloque sont proches ou membres.

      Jean-Michel Blanquer lui-même a parlé, visant à nouveau les universitaires, de « complicités » après l’attentat contre Samuel Paty en octobre 2020. Il y a un, an Frédérique Vidal déclenchait à son tour la consternation dans la communauté scientifique en annonçant vouloir diligenter une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université.

      Le CNRS, auquel cette embarrassante mission aurait été confiée, avait immédiatement répondu par voie de communiqué que la notion n’était qu’un « slogan politique » ne correspondant « à aucune réalité scientifique ». L’organisme avait par ailleurs mis en garde contre toute « instrumentalisation de la science », en précisant qu’il condamnait « les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de “race”, ou tout autre champ de la connaissance ».

      Certains débats du colloque tentent de sortir de l’acrimonie, notamment sur la question de la place de l’étude de l’islam à l’université, avec les interventions moins directement polémistes du sociologue #Bernard_Rougier (lire ici son portrait dans Le Crieur) et du politologue #Arnaud_Lacheret, basé au Bahreïn.

      Mais les outrances l’emportent le plus souvent, dont celles de Pierre-André Taguieff, qui n’hésite pas à faire du « wokisme » un « #ethnocide de grande ampleur », ou de la sociologue de l’art #Nathalie_Heinich, qui parle « d’#abus_sur_enfant » en donnant les coordonnées d’une association luttant contre ce qu’elle nomme une « #épidémie_de_transgenres » favorisée par les enseignants de l’Éducation nationale.

      Le mélange des registres n’arrange rien puisque chacun y va de son histoire personnelle, de la journaliste #Claire_Koç au politologue #Vincent_Tournier, enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble, où les polémiques s’enchaînent depuis neuf mois. Ce dernier, dans une table ronde intitulée « Il faut sauver Blanche-Neige ! Totems et tabous de la cancel culture », n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.

      Relevant sous forme de blague la non-parité à la tribune (norme du colloque d’après nos observations), il disserte sur la censure dans le cinéma et fait rire en regrettant qu’une photo d’actrice nue soit peu visible sur le grand écran de la Sorbonne. « Vous ratez, messieurs, la meilleure partie du film ! » Puis, à propos de Blanche-Neige, il se demande benoîtement si le dessin animé n’est pas totalement « woke-compatible », puisqu’il met en scène des nains, et même le « quota handicapé, grâce à Simplet ».

      Aucune expression réellement discordante n’a eu voix au chapitre. « Nous avons essayé d’en inviter mais ils ne sont pas venus, par peur des réactions, explique Emmanuelle Hénin. Et d’ailleurs, quand il y a des colloques sur le colonialisme, ils ne nous invitent pas ! » Au moins trois chercheurs, dont le professeur de droit Olivier Beaud et le professeur de littérature Jean-Yves Masson, ont effectivement fini par décliner l’invitation devant l’absence de légitimité académique de certains des intervenants.

      « Quand l’Observatoire du décolonialisme a lancé son appel lors de sa création, ils ont été 77 à répondre, 30 professeurs émérites, donc des retraités, et 60 hommes, c’est un premier élément d’explication, remarque Caroline Ibos. Ce sont des gens qui ont été puissants, très puissants, et qui se trouvent confrontés à une perte de pouvoir car oui, l’université change, et les sciences sociales aussi. Nous, on fait notre travail de chercheurs, on dirige des thèses, on gère un laboratoire, on travaille beaucoup. Nous n’avons pas le temps pour ces bêtises. »

      Se poursuivant samedi 8 janvier, le colloque devait se clore par l’intervention de #Gilbert_Abergel, président du #Comité_laïcité_République, et plus surprenant, de Thierry Coulhon, président du très officiel Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Interrogé sur la critique concernant le manque de rigueur scientifique des intitulés et la composition des panels, ce dernier reconnaît « des formulations un peu flottantes et peu rigoureuses ».

      Pas de quoi faire renoncer Thierry Coulhon, ancien conseiller d’Emmanuel Macron sur l’enseignement supérieur : « Je ne suis pas là pour apporter une caution ou pour me faire instrumentaliser mais je trouve dangereux d’aller à des débats où l’on est d’accord avec tout le monde. Dans le milieu universitaire, on a intérêt à se parler. » Quitte à monologuer.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/080122/un-vrai-faux-colloque-la-sorbonne-pour-mener-le-proces-du-wokisme

    • Avec le hashtag #colloquedelahonte, Olivier Compagnon a fait un très bon live twitter :

      Voici le résumé du 1er jour du « colloque » :

      Colloque de la honte « Après la déconstruction », premier constat à 9h09 : les organisateurs n’ont pas encore déconstruit leur rapport au numérique puisqu’ils ne savent manifestement pas se servir de zoom.

      9h16 : il semble que ces collègues n’ont pas fait beaucoup d’enseignement à distance ou d’hybride pendant le confinement. Le zoom est désormais coupé.

      9h21, ça ne s’arrange pas. Le colloque de la reprise en main de l’enseignement supérieur et de la recherche est mal parti

      9h35, je renonce à ma rééducation intellectuelle puisque le zoom du #colloquedelahonte ne fonctionne pas. On ne dira pas que je n’ai pas essayé. Tout cela me laisse du temps pour lire

      Bon, je dois dire que je viens d’écouter 10 mn d’une introduction ânonnée. C’est nul et réac comme on pouvait s’y attendre, mais le pire est le niveau des commentaires sur le zoom. Un exemple : quand sont évoqués les risques pesant sur le latin, un gars écrit « le latin.e »...

      Si l’on entend bien les remerciements, le ministère de l’Education nationale a contribué au financement de ce #colloquedelahonte.

      Ah merde, tout est de la faute de la « pensée 68 » et un hommage est rendu à Luc Ferry pour ses analyses libératrices

      « Quelle est la domination la pire ? C’est ma domination, c’est pas la tienne ».

      Un peu de nostalgie avec Pierre Vermeren : tout ce bordel commence en 1962, avec l’indépendance de l’Algérie, qui met un terme à un grand projet d’expansion civilisationnel français et européen. Les origines de l’"effondrement politique et moral" contemporain

      Ah, il balance sur Hélène Cixous, c’est la transition vers la prochaine présentation sur « l’imposture Derrida ». Finalement, tout cela ne serait pas arrivé si on avait su garder l’Algérie.

      Bon, c’est dégueulasse, ça suffit.

      Ce #colloquedelahonte est addictif : j’y reviens après pris l’air. On parle d’hétéronormativité, de retour à une conception du savoir du XVIe siècle, ça n’a pas l’air de s’arranger.

      Là, ils font la pause, ils doivent être crevés après des débats d’un tel niveau. Surtout quand il s’est agi de comparer le « déconstructionnisme » à l’apparition de chaires sur la magie dans l’université.

      La bonne nouvelle, c’est qu’ils ne savent toujours se servir de zoom (11h59) et que le public zoom n’a rien entendu à la vidéo de Taguieff.

      La parole est désormais à Helen Pluckrose, cette journaliste britannique qui a envoyé à des revues scientifiques de faux articles sur la culture du viol chez les chiens. Quel casting !

      Comme c’est en anglais, le public zoom échange sur la qualité du son de sa vidéo. #colloquedelahonte

      On passe à « l’état des sciences humaines aux Etats-Unis ». Le mec dénonce « l’essentialisme stratégique » et n’aime pas trop les trans apparemment. Il lance aussi un parallèle entre « déconstructionnisme » et nazisme en s’appuyant sur Heidegger. Les digues sautent

      « Terrorisme intellectuel » : le mot est lâché, enfin ! Blanquer doit être content là. Le mec a dit « étudiantes femelles » aussi, mais s’est repris quand même

      La parole est désormais à un spécialiste d’équations différentielles. Beaucoup de mecs dans le casting, quand même, ce matin, non ? Le gars y va fort d’emblée : enjeu civilisationnel, avenir de l’humanité, etc.

      Un petit coup d’oeil aux commentaires du public zoom, ça détend.

      Le matheux, c’est un suprémaciste blanc. Applaudissements nourris, commentaire du modérateur parlant de totalitarisme.

      On parle désormais des « Science and Technology Studies ». La déconstruction, c’est « l’anti-science », c’est « la recherche d’un monde sans tragique ». Est mal à l’aise avec « science participative » et « science citoyenne » qui rappellent la « physique aryenne »

      Conclut sur la « soi-disant discrimination entre hommes et femmes ». C’est génial, ce #colloquedelahonte

      La parole à Christophe de Voogd, « normalien » (surtout de l’Institut Montaigne en fait), sur les usages du passé. Mépris pour les étudiants qui ne connaissent plus Marc Bloch. A dix minutes de parole, mais prend le temps de rappeler qu’il est agrégé

      « Si on oublie le puritanisme, on ne comprend rien au wokisme ». Tout se barre et en France on ne sait plus l’histoire, la sociologie est devenue dominante (celle de ce sale Bourdieu alors qu’on a oublié Boudon) « ah pardon chère Nathalie Heinich ».

      30 minutes de retard, ça n’en finit pas. Edward Said, cette peste. New York Times collabo. Séparer le grain de l’ivraie. Terrible défi. En gros, son idée de base est que les « déconstructionnistes » sont ignorants, ne connaissent pas les faits. Faiblard

      Ouf, ils vont manger. Sans doute un bourguignon plutôt que des tacos.

      J’ai fini mon poulet tikka (hommage à Dipesh Chakrabarty évidemment) et je piaffe en attendant la table ronde sur « Le retour de la race ».

      Gros programme cet aprem : race / islam / gender / cancel. Je vais me contenter de la race avec une table ronde composée de « témoins » et d’"experts". Ah, petit lapsus historique / hystérique en intro, très bon.

      « Vous me pardonnerez mes raccourcis ». Ben non...

      Bruckner explique (depuis les témoignages de J. Baker ou Baldwin) que, dans la France des années 40-50, les afro-descendants ou les gays ne subissaient aucune discrimination, aucune stigmatisation.

      « Le wokisme est une religion ». Les wokes infantilisent la communauté noire et, dans le même temps, reconstituent un nouveau racisme (anti-blanc). Le vrai problème aux US, c’est « la violence interne à la communauté noire » (sic).

      Si je comprends bien, les Noirs n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Bien, Bruckner, bien. Personne n’a encore dit que la race était une construction sociale (ce qu’on commence à dire aux étudiants à tous les niveaux, non ?)

      Ah, belle conclusion : Tahar Bouhafs = nazi (dit moins brutalement, mais c’est ce qu’il a dit).

      Claire Koç prend la parole et a le mérite de préciser que son témoignage n’a pas valeur de généralisation. Etre français, c’est le vouloir, le prénom est fondamental. Bon c’est du Zemmour. Eloge de l’assimilation, on se croirait au milieu du XXe siècle

      « Je ne porte pas mes origines en bandoulière ». Métaphore mal maîtrisée ?

      « Français de souche »

      Voici le Québécois de CNEWS, qui va essayer de décrire « l’univers mental » du wokisme.

      n gros, il n’y a pas de privilège blanc mais le wokisme conduit à un racisme anti-blanc. Je trouve que ça tourne un peu en rond (sans compter que l’administration de la preuve c’est pas leur truc aux grands témoins)

      Gros niveau parmi le public zoom

      « L’éternelle question des révolutionnaires totalitaires », pas mal. « Je vais me tourner vers mes amis racisés pour me rééduquer dans une sorte de vigilance permanente de ma conscience » (éclats de rire dans la salle).

      « Le wokisme est une logique totalitaire ». Déjà dit ce matin, tu préparais ton émission de CNEWS, t’as pas pu assister ?

      La faute politique, c’est d’avoir dénationaliser comme dans le « woke Canada ». Le woke est un discours désormais dominant dans les universités, chez Microsoft, tout le monde s’est soumis. Il faut combattre le wokisme comme certains ont combattu le marxisme

      Eloge de la nation et des nationalismes donc, t’as bien choisi en allant chez CNEWS mec.

      Commence le débat. Bruckner dit que c’est la faute à la gauche et balance sur FI, le NPA, les Verts, etc. On ne peut pas continuer à soumettre le monde occidental à la vindicte ("l’Europe n’a pas inventé l’esclavage, mais l’abolition")

      il passe à la guerre d’Algérie : « Bouteklika a balancé sur la France génocidaire, il aurait mieux fait de s’en prendre à l’Empire ottoman ». Traduction : notre colonisation fut si douce, si civilisée

      « Exister en tant que Blanc, ce n’est plus qu’expier ». Bon, il a écrit le Sanglot de l’homme blanc en 1983 et le bégaye depuis. Vieillir est un naufrage, ça se confirme.
      Ah, de nouveau une attaque contre le New York Times

      « Le wokisme, c’est l’alliance d’une idéologie majoritaire dans les élites et le grand capitalisme ». Assia Traoré est ainsi l’émissaire de grandes marques. Hum, j’ai du mal à suivre la pensée là

      « Tous les Blancs ne sont pas interchangeables » : une pensée puissante du mec de CNEWS pour conclure la table. Applaudissements enthousiastes.

      La salle est à fond après cette table ronde

      e m’arrête là pour aujourd’hui. Y’a pas trop de quoi s’inquiéter tellement c’est faible, c’est une simple litanie depuis 9h du mat’. Faut juste éviter que ces gens-là ne gagnent définitivement la bataille médiatique. Celle des idées, ils ne risquent pas.

      Je ne me suis pas déconnecté assez vite, j’ai entendu l’intro sur l’islam par #Vincent_Tournier : « j’annonçais depuis longtemps les attentats et je remercie les frères Kouachi d’avoir en fait validé mon cours auprès de la direction de l’IEP ». BEURK

      https://twitter.com/CompagnonO/status/1479364600776859649

    • A la Sorbonne, un colloque pour « cancel » la « culture woke »

      Les deux journées de débats des 7 et 8 janvier s’inscrivent dans un conflit délétère qui dure depuis près de trois ans entre les chercheurs favorables aux études de genre ou dites « décoloniales » et ceux qui n’y voient que l’expression d’un repli « identitaire ». Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, pourrait y prendre part.

      Une table ronde sur les « dérives du déconstructionnisme ». Une autre sur « racialisme et néoracisme ». Mais aussi sur « le néoféminisme » ou la « cancel culture ». Tel est, en partie, le programme d’un colloque proposé les 7 et 8 janvier par le Collège de philosophie et qui se tiendra dans un amphithéâtre de la Sorbonne (1). Intitulés « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture », les deux jours de débat réuniront aussi bien des chercheurs en sociologie, en musicologie ou en linguistique que des polémistes conservateurs, comme le remplaçant d’Eric Zemmour sur CNews Mathieu Bock-Côté, des romanciers comme Pascal Bruckner et Boualem Sansal ou encore l’éditorialiste à Marianne Jacques Julliard et le dessinateur démissionnaire du Monde Xavier Gorce.

      L’événement promet de s’attaquer à « la ‘‘pensée’’ décoloniale, aussi nommée woke ou cancel culture », « importée pour une bonne part des Etats-Unis » et qui « monte en puissance dans tous les secteurs de la société ». A vocation scientifique, les tables rondes prévues ne sont pas dépourvues d’enjeux politiques. La présence de Jean-Michel Blanquer est en effet annoncée au colloque. Le ministre de l’Education nationale « prononcera à cette occasion un mot d’ouverture », précise l’Observatoire du décolonialisme sur son site. Façon de donner l’assentiment du gouvernement aux débats qui s’y tiendront ? Contacté par Libération, le cabinet du ministre explique toutefois ne pas être en mesure de confirmer sa présence ce vendredi 7 janvier à la Sorbonne.

      Reste que l’intitulé des thématiques débattues durant ces deux jours converge assez nettement avec les obsessions du ministre de l’Education nationale, son « laboratoire de la République » pour lutter contre le « wokisme », et celles de sa collègue à l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Cette dernière a d’ailleurs tenu une nouvelle fois des propos polémiques le 15 décembre au Sénat en déclarant que des chercheurs étaient « empêchés dans leurs travaux ». Allusion à la prétendue « idéologie woke » et à la « cancel culture » qui séviraient, selon elle, dans les facs et les laboratoires français. Des suspicions qui peuvent apparaître en décalage avec la précarité étudiante, le manque chronique de financement de la recherche publique ou l’effondrement du nombre de doctorats en France.

      En conclusion de ces journées de discussions, une autre présence ne laisse pas d’interpeller la communauté scientifique. Celle de Thierry Coulhon, président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), nommé en octobre 2020 par Emmanuel Macron malgré une « apparence de conflits d’intérêts » selon le collège de déontologie de l’enseignement supérieur et de la recherche, et la contestation d’une large partie de ses pairs. « J’y vais car il est question de liberté académique, je n’ai pas l’intention d’être instrumentalisé et je ne partage pas les opinions de tous les intervenants, balaie le mathématicien de formation et ex-conseiller de Valérie Pécresse auprès de Libération. L’Hcéres n’est pas là pour dire si tel ou tel domaine de recherche est digne d’intérêt. » Et d’ajouter : « La frontière entre militantisme et science est très difficile à déterminer. La liberté académique, ce n’est pas l’opinion. »
      « Pluralisme éclairé »

      « Le principe de ce colloque, peut-on lire dans l’annonce mise en ligne, est de faire un état des lieux, aussi nuancé que possible, et d’envisager comment conserver au sein du monde scolaire et universitaire, les conditions d’un pluralisme éclairé. » A l’origine du raout entre universitaires et polémistes, des membres de l’Observatoire du décolonialisme, comme le maître de conférences en philosophie à la Sorbonne Paris-IV Pierre-Henri Tavoillot ou le maître de conférences en linguistique à l’université Paris-13 Xavier-Laurent Salvador. Nous les avons joints mais faute d’être tombés d’accord sur les termes d’un entretien portant sur le fond de ce colloque et les conditions du débat d’idées en général, ces derniers n’ont pas souhaité répondre aux questions de Libération dans le cadre d’un article. « Le but de ce colloque est d’ouvrir le débat ; pas de le clore », assure néanmoins Pierre-Henri Tavoillot au Figaro. « Si nous ne faisons rien, nous nous exposons à voir des textes expurgés ou censurés et, à moyen terme, des champs disciplinaires entiers remplacés par les “études culturelles” transversales qui ne reposent pas sur un savoir validé mais sur des préjugés militants », ajoute, toujours dans le Figaro, Emmanuelle Hénin, professeure de littérature française et coorganisatrice.

      Cette nouvelle séquence s’inscrit dans un conflit délétère qui dure depuis près de trois ans entre les chercheurs favorables aux études de genre ou dites décoloniales et ceux qui n’y voient qu’un dévoiement militant de la science, voire l’expres

      sion d’un repli « identitaire ». Depuis 2018, un nombre considérable de tribunes parues dans la presse n’ont cessé de mettre en garde contre « une stratégie hégémonique » du « décolonialisme » qui « infiltre les universités » et « menace » la République. S’il est indéniable que les recherches sur les minorités raciales ou sexuelles ont progressé ces dernières années, leur degré d’institutionnalisation demeure très faible. En France, il n’existe ni départements, ni laboratoires, ni doctorats d’études « décoloniaux » ou même « postcoloniaux ». Cela signifie qu’aucun poste n’est « fléché » comme tel, ce qui est pourtant le nerf de la guerre. Seuls quelques masters portent les mentions « études postcoloniales » ou « études sur le genre ». De même, les labos consacrés au genre sont rares, comme le Laboratoire d’études de genre et de sexualité en France, le Legs (CNRS), ou le Département d’études de genre, à Paris-8, décernant des doctorats.

      « Tous ces champs de savoir sont en réalité marginaux, menacés, minoritaires, sans cesse sommés de se justifier, avance Caroline Ibos, sociologue à la tête du Legs, auprès de Libération. Et les déclarations successives des ministres les fragilisent plus encore. » Quand ce n’est pas celles du président de la République en personne, lequel avait estimé en juin 2020 dans le Monde que les discours tenus par les universitaires reviennent « à casser la République en deux ». « Cette opposition schématique qui consiste à s’unir dans un ‘‘patriotisme républicain’’ ou n’être qu’un ‘‘séparatiste’’ est une manière brutale de disqualifier le travail des chercheurs en sciences sociales, selon l’historienne Michelle Zancarini-Fournel et le philosophe Claude Gautier, qui publient « De la défense des savoirs critiques. Quand le pouvoir s’en prend à l’autonomie de la recherche » (La Découverte). Rendre visibles les facteurs d’inégalité et de discrimination, ce n’est pas être idéologue. »
      Une intrusion du politique inhabituelle

      Cette bataille autour de l’objectivité d’une recherche aspirant à décrire une certaine réalité du monde social et son enseignement n’est pas sans répercussion au-delà des cénacles académiques et des réseaux sociaux. En jeu, le contrôle de la production scientifique et les menaces pesant sur la liberté académique. Comme cette décision, le 20 décembre dernier, du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, qui fut ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de juin 2011 à mai 2012, de suspendre tout soutien financier à Sciences-Po Grenoble au prétexte d’« une dérive idéologique et communautariste ». Une intrusion du politique dans la procédure interne d’un établissement de recherche tout à fait inhabituelle. Ou cette tentative de la droite sénatoriale d’amender la loi de programmation de la recherche (LPR), votée en novembre 2020, afin de conditionner les travaux scientifiques au « respect des valeurs de la République ». Qualifié d’« ignoble » et d’« instrument de musellement du monde académique », par la rédaction d’Academia, composée d’universitaires, l’amendement en question sera modifié.

      Après la LRU en 2007, prévoyant que toutes les universités accèdent à l’autonomie budgétaire et de gestion de leurs ressources humaines, la LPR reste massivement décriée par la communauté scientifique. En cause, sa tendance à favoriser les thématiques financées par le secteur privé et à gommer les spécificités de la recherche française en promouvant un alignement sur les standards internationaux. « D’un côté, on justifie depuis la fin des années 90 des réformes au nom d’une autonomie et d’une internationalisation toujours plus poussée, relèvent Michelle Zancarini-Fournel et Claude Gautier. De l’autre, des membres du gouvernement, qui conduisent ces politiques, mobilisent des termes issus du débat états-unien et jamais bien définis (wokisme, cancel culture…), en étant soutenus par un certain nombre de polémistes, pour dénoncer une « américanisation » des universités au motif que leurs travaux seraient contraires à la tradition républicaine. »
      « Dérive civilisationniste »

      C’est ainsi au nom de la défense des principes républicains que Frédérique Vidal intentait, en février 2020, un long et médiatique procès en islamo-gauchisme à l’encontre de l’université en annonçant sur le plateau de CNews son souhait de commander une enquête au CNRS sur « ce qui relève de la science et du militantisme ». Le projet, condamné par le CNRS, n’a jamais vu le jour. Un mois après, l’Observatoire du décolonialisme fustigeait avec virulence la candidature de la politologue Nonna Mayer à la tête de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). Un article non signé publié sur son site reprochait à la chercheuse spécialiste de l’antisémitisme, du racisme et du vote FN – qui verra sa candidature rejetée –, d’avoir contribué à « donner une caution scientifique à la notion d’‘‘islamophobie’’ ». En revanche, le texte apportait son soutien au candidat du « camp républicain », le politologue Pascal Perrineau, également présent lors du colloque sur l’« Après déconstruction… » à la Sorbonne.

      Au fil des mois et des montées en tension, l’attention se porte sur l’Observatoire du décolonialisme. Lancé fin 2020 et émanant d’un regroupement d’universitaires plus ancien appelé Vigilance universités, le collectif s’illustre par des publications au ton grinçant (« trans-LGBTQ + phobie des chimiothérapies anticancéreuses », « utérus-expertes », « ressource pédagogique branlante »…). On y trouve aussi, par exemple, un article consacré à l’« islamo-gauchisme » faisant référence dans une note – sans ironie cette fois – au pamphlet Eurabia (Jean-Cyrille Godefroy, 2006) de l’essayiste britannique Bat Ye’or, dont la thèse sur l’« islamisation de l’Europe » (un complot suggérant la soumission des pays européens de leur plein gré à l’islam) rencontre un fort écho à l’extrême droite. Une variante du « grand remplacement » de Renaud Camus qui a notamment inspiré le tueur norvégien Anders Breivik, auteur des attentats d’Oslo et d’Utoya en juillet 2011 ayant fait 77 morts.

      Une tournure qui a conduit la chercheuse et essayiste Isabelle Barbéris, elle aussi très critique à l’endroit des théories décoloniales, à prendre ses distances avec l’Observatoire. La maître de conférences en lettres et arts pointe auprès de Libération la « dérive civilisationniste » de la direction de ce qui s’apparente davantage à un « lobby médiatique » qu’à un groupe de travail. « La caricature des positions me semble discréditer une critique à laquelle doit être soumis n’importe quel champ de savoir, en particulier, quand ils commencent, comme les études de genre et le « décolonialisme », à connaître un écho médiatique important », souligne-t-elle. « On fait dans le pamphlet et dans l’ironie. Si on est réduits à sortir un observatoire qui a ce ton, c’est bien parce qu’on n’arrive pas à mener ce débat », se défendait dans le Monde le cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme, Xavier-Laurent Salvador.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/a-la-sorbonne-un-colloque-contre-la-pensee-woke-et-la-cancel-culture-2022

    • Si ce n’est pas un colloque universitaire, qu’est-ce donc ?

      À propos d’un article paru dans

      Libération

      (voir ci-dessus) :

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/a-la-sorbonne-un-colloque-contre-la-pensee-woke-et-la-cancel-culture-2022

      Avec le temps, le journaliste Simon Blin est devenu un fin connaisseur des dissensus initiés il y a plus d’un an par le Manifeste des 100. Ce qui est devenu avec le temps le “danger du wokisme” a d’abord bénéficié d’une large couverture médiatique sous le nom de “islamo-gauchisme” et de “cancel culture” grâce à un accès inouï aux médias d’orientation (extrême-)droitière, comme Le Point ou CNews.
      Un nouvel épisode des relations entre le gouvernement avec l’université

      CNews a d’ailleurs accueilli Frédérique Vidal pour son chiffon rouge islamogauchiste, au moment où la Ministre était conspuée pour sa gestion de la crise alimentaire étudiante. Présenté comme un débat au sein du monde universitaire, c’est pourtant un phénomène initié par des responsables politiques : le Ministre de l’Éducation nationale en octobre dernier, à des fins de diversion de la calamiteuse gestion de son administration qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty, plusieurs mois après un ballon d’essai dans l’Express en décembre 2019 co-signé, entre autres, par le fondateur du Printemps républicain — feu Laurent Bouvet — et une ancienne membre du Conseil constitutionnel et actuelle présidente du Conseil des sages de la laïcité du Ministère de l’Éducation nationale — Dominique Schnapper1 . Le colloque « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture » organisé aujourd’hui et demain à Paris sous l’égide de trois associations — l’obscur Collège de philosophie2” :, l’Observatoire du décolonialisme et le Comité Laïcité République — officiellement à l’initiative de la professeure des universités Emmanuelle Hénin et les maîtres de conférences Pierre-Henri Tavoillot et Xavier-Laurent Salvador — représente ainsi une nouvelle étape dans une série de “déclarations successives des ministres [qui] fragilisent plus encore les [études de genre et les études postcoloniales] » (Caroline Ibos) quand il ne s’agit pas de celles du “président de la République en personne, lequel avait estimé en juin 2020 dans le Monde que les discours tenus par les universitaires reviennent « à casser la République en deux »,

      contrefeu incendié quelques jours après la magistrale démonstration de force des partisans et partisanes de la justice pour Adama Traoré, devant le Tribunal judiciaire de Paris.Le “colloque”, selon le nom donné par les organisateurs, représente ainsi un pourrait représenter le point d’orgue — nous dirons, optimistes, le chant du cygne — dans une attaque politique d’ampleur inégalée contre les universités.

      L’instrumentalisation des libertés académiques

      C’est bien un nouvel épisode des relations du gouvernement avec l’université qui va se dérouler les 7 et 8 janvier 2021. Le journaliste commente sujets et particpant·es de ce que nous appelerons, pour notre part, une manifestation.

      À vocation scientifique, les tables rondes prévues ne sont pas dépourvues d’enjeux politiques. La présence de Jean-Michel Blanquer est en effet annoncée au colloque. Le ministre de l’Éducation nationale « prononcera à cette occasion un mot d’ouverture », précise l’Observatoire du décolonialisme sur son site. Façon de donner l’assentiment du gouvernement aux débats qui s’y tiendront ? Contacté par Libération, le cabinet du ministre explique toutefois ne pas être en mesure de confirmer sa présence ce vendredi 7 janvier à la Sorbonne.

      Au programme, la présence de deux très hauts responsables non-élus interroge. Celle de Jean-Michel Blanquer 3, d’abord, pose question. Alors que le chaos règne dans les écoles comme jamais depuis le début de la crise sanitaire, et tandis que des centaines de milliers d’élèves passent des heures devant les pharmacies à attendre qu’on veuille bien les tester pour pouvoir retourner en classe, l’actuel Ministre de l’Éducation nationale préfère donc prendre de son temps précieux pour se rendre à un colloque polémique qu’aucun laboratoire de recherche ne cautionne.”. Il n’en faut pas douter : des liens peu académiques justifient l’invitation du Ministre, à moins que cela ne soit le Ministre lui-même qui en soit commanditaire. La tenue de la manifestation dans l’amphithéâtre Liard en est un indice supplémentaire4 : on ne dit pas suffisamment que cet amphithéâtre de la Sorbonne n’est pas un espace géré par une université, mais par une administration d’État, et plus précisément par la chancellerie de Paris, à la tête de laquelle a été nommée Christophe Kerrero — connu pour ne pas disposer du titre universitaire, et partant de la légitimité nécessaire pour accéder à ce poste —, un très proche collaborateur de Jean-Michel Blanquer depuis 2008.

      Simon Blin questionne également la présence du décrié président du Haut Conseil de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (Hcéres) Thierry Coulhon, qui s’est déclaré prêt à conclure le colloque dès décembre 2021. C’est le président du Hcéres — et non le “parent d’élève” qu’il prétend être parfois5 — qui répond à Simon Blin :

      « J’y vais car il est question de liberté académique, je n’ai pas l’intention d’être instrumentalisé et je ne partage pas les opinions de tous les intervenants, balaie le mathématicien de formation et ex-conseiller de Valérie Pécresse auprès de Libération. L’Hcéres n’est pas là pour dire si tel ou tel domaine de recherche est digne d’intérêt. » Et d’ajouter : « La frontière entre militantisme et science est très difficile à déterminer. La liberté académique, ce n’est pas l’opinion. »

      Thierry Coulhon n’a peut-être “pas l’intention d’être instrumentalisé” ; mais il est sûr, en revanche, qu’il instrumentalise l’autorité publique indépendante à la tête de laquelle il se trouve, et qu’il engage toute entière dans ce colloque en en prononçant les conclusions ès-qualités. Libre à Thierry Coulhon d’adhérer à titre personnel au projet politique d’associations comme le “Printemps républicain” ; mais doit-il pour cela emporter dans sa chute l’institution qu’il préside, et l’indépendance même de celle-ci ? Doit-il alors aussi associer le Hcéres aux méthodes de harcèlement qui caractérise cette petite communauté militante ?”6 ?
      Fermer les débats

      De fait, comme le suggère Simon Blin, l’objet n’est pas — contrairement à ce que le co-organisateur Pierre-Henri Tavoillot indique au Figaro — “d’ouvrir le débat”.

      À l’origine du raout entre universitaires et polémistes, des membres de l’Observatoire du décolonialisme, comme le maître de conférences en philosophie à la Sorbonne Paris-IV Pierre-Henri Tavoillot ou le maître de conférences en linguistique à l’université Paris-13 Xavier-Laurent Salvador. Nous les avons joints mais faute d’être tombés d’accord sur les termes d’un entretien portant sur le fond de ce colloque et les conditions du débat d’idées en général, ces derniers n’ont pas souhaité répondre aux questions de Libération dans le cadre d’un article. (Nous soulignons)

      Car Simon Blin n’est pas dupe. Selon le journaliste, est

      en jeu, le contrôle de la production scientifique et les menaces pesant sur la liberté académique. Comme cette décision, le 20 décembre dernier, du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, qui fut
      ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de juin 2011 à mai 2012, de suspendre tout soutien financier à Sciences-Po Grenoble au prétexte d’« une dérive idéologique et communautariste ». Une intrusion du politique dans la procédure interne d’un établissement de recherche tout à
      fait inhabituelle. Ou cette tentative de la droite sénatoriale d’amender la loi de programmation de la recherche (LPR), votée en novembre 2020, afin de conditionner les travaux scientifiques au « respect des valeurs de la République ». Qualifié d’« ignoble » et d’« instrument de musellement du monde académique », par la rédaction d’Academia, composée d’universitaires, l’amendement en question sera modifié.

      C’est donc, si l’on suit le journaliste, une vraie continuité politique qui apparaît à la lecture du programme du “colloque” : celle, initiée par Valérie Pécresse — et son conseiller d’alors, Thierry Coulhon – avec la loi LRU, qui vise7 à mettre l’enseignement supérieur au pas, en commençant par réduire les budgets et en affaiblissant le statut protecteur de l’emploi universitaire. C’est sûr, le comité d’organisation du colloque d’aujourd’hui et demain relève moins d’un “groupe de travail” que d’un “lobby médiatique” (Isabelle Barbéris). Il s’agit ici de donner une nouvelle fraîcheur à une politique initiée en 2007, que peut-être certains souhaiteraient continuer sous la présidence à venir, aux relents islamophobes ou “laïques”8.

      On peut remercier Simon Blin de sa profondeur de vue et d’enquête. Elle répond en partie à la question posée par syndicats CGT et Sud de Sorbonne Université : ce colloque est-il universitaire ? De fait, la manifestation se place résolument hors du champ de la recherche : accueillie hors du territoire de l’université9, sans la caution scientifique de laboratoire de recherche — puisque la manifestation est organisée par trois associations —, l’événement réunit quelques universitaires peut-être, mais aussi des personnalités médiatiques, et notamment des membres éminent·es non élu·es de l’État, pour débattre de ce qui représente désormais une ligne politique bien identifiée10.

      S’il ne s’agit pas d’un colloque universitaire, de quoi s’agit-il donc ? D’un meeting dont la fonction est de peser sur une campagne présidentielle déjà nauséabonde.

      https://academia.hypotheses.org/33627

    • Sorbonne : ministre et intellectuels déconstruisent le « woke » lors d’un premier jour de colloque univoque

      Racialisme, nouveau féminisme, « cancel culture »… La première journée du colloque sur la question de la déconstruction, auquel participait Jean-Michel Blanquer, s’est déroulée dans une salle acquise aux orateurs et sans contradiction.

      « Un événement intellectuel. » Installé en Sorbonne, sous les plafonds dorés de l’amphithéâtre Liard où apparaissent les noms de Descartes et Pascal mais aussi le monogramme de la République française, c’est ainsi que Jean-Michel Blanquer a introduit ce vendredi matin les deux jours de colloque « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ». Ces rencontres, qui ont suscité beaucoup de débats ces derniers jours, ont été présentées par leurs organisateurs – le Collège de philosophie, l’Observatoire du décolonialisme, le Comité laïcité république – comme un rendez-vous scientifique nécessaire pour clarifier l’affrontement entre eux (les universalistes) et les autres (les intersectionnels). A en croire Emmanuelle Hénin, professeure de littérature et coorganisatrice, le moment est marqué par l’« urgence de restaurer un espace de dialogue et de controverse scientifique ».

      Comme sur les murs de l’amphi, la science et la politique se rejoignent vite, dès l’ouverture des discussions. Son discours à peine entamé, Jean-Michel Blanquer revient à l’une de ses idées chères : en matière d’écologie, de féminisme, de lutte contre les discriminations, « il y a une vision “woke” de l’écologie et une vision républicaine. Lorsque nous lisons Elisabeth Badinter, nous ne lisons pas d’autres auteurs de moindre qualité. » Le ministre de l’Education nationale déclare même faire front commun avec les chercheurs réunis : « C’est sur un grand vide que les théories dont nous ne voulons pas ont pu avancer. » Pour le combler, il appelle à défendre l’universalisme, la raison et l’humanisme. « Face à tant de relativisme qui consiste à dire que tout se vaut, le bien, le vrai, le beau doivent en permanence être repensés. »

      Le relativisme ? Voilà l’ennemi ! Au cours de la journée, celui-ci prend plus d’un nom : « pensée “woke” », « enfermement “woke” », « religion qui distingue les élus des damnés ». Sans oublier le racialisme, l’antiracisme, le nouveau féminisme ou l’intersectionnalité. Pour embrasser les mille visages de ces menaces académiques, les intervenants préfèrent souvent le mot « déconstruction » – « pédanterie à la portée de tous », affirme l’historien des idées Pierre-André Taguieff – dont il s’agit d’abord de faire la généalogie.
      Etude des apories du déconstructionnisme

      Le philosophe et coorganisateur Pierre-Henri Tavoillot fait naître la déconstruction avec la philosophie moderne. Elle se révèle vraiment problématique avec « la pensée 68, où la déconstruction devient un processus sans fin ». Comprendre : où tout est toujours à déconstruire, sans débouché… constructif. Pour lui, le fonctionnement actuel de la déconstruction suit cinq étapes : tout est domination (1), l’Occident représente l’apothéose de cette domination (2). La décolonisation n’a en fait pas eu lieu (3) : il faut donc se réveiller (« woke »), sortir de l’illusion que tout va mieux (4). Resterait à passer de la théorie à la pratique : une fois éveillé, il faut annuler (« cancel culture », 5). Parmi les intervenants, l’hypothèse est volontiers acceptée.

      La matinée poursuit l’étude des apories du déconstructionnisme. Le professeur de sciences politiques Pascal Perrineau déplore une conception où « le lieu politique serait un lieu de projection de dominations en tous genres. A la figure du prolétaire ont succédé d’autres figures de victimes : femmes, immigrés, racisés, minorités homosexuelles », oubliant les vertus de la démocratie représentative (développées un peu plus tard par le philosophe Pierre Manent). « Dans le combat politique et culturel, le “wokisme” donne un avantage à l’accumulation du capital victimaire par les mouvements intellectuels et politiques. » La référence au vocabulaire marxiste n’est pas anodine : les chercheurs présents insistent sur les liens avec le communisme et ses échecs au cours du XXe siècle, comme la romancière et enseignante Véronique Taquin, ou le philosophe Pierre-André Taguieff : « Le “wokisme” est la dernière version en date de la grande illusion communiste », dit-il. Alors que la révolution prolétarienne se proposait de détruire la société capitaliste pour réaliser universellement l’égalité, le « wokisme » se fixerait désormais rien de moins que l’objectif de « détruire la civilisation occidentale en commençant par criminaliser son passé tout entier ».

      Après cette vue d’ensemble, les tables rondes suivantes passent en revue les « domaines d’application du “wokisme” » : la race, l’islam, le genre et la « cancel culture ». L’occasion pour l’essayiste Pascal Bruckner d’affirmer que « le “wokisme” constitue un nouveau racisme » par sa propension à ramener les individus à leur couleur de peau : « Plus on assimile les gens à leur épiderme, plus on les enferme dans une idéologie qui n’est pas sans ressembler beaucoup à l’idéologie coloniale. » Lors de ce passage en revue alternent de façon pas toujours claire des exposés de chercheurs (Bernard Rougier, Thibault Tellier…), et des interventions plus proches du témoignage comme celle du politologue Vincent Tournier, professeur à Sciences-Po Grenoble, qui a vu son nom affiché sur les murs de l’école l’an passé, au moment d’une polémique liée à l’emploi du terme « islamophobie » dans l’intitulé d’un colloque.

      Absence de moments de questions

      Evidemment, une parole manque aux échanges : celle des « wokistes déconstructeurs » dont les approches sont critiquées à longueur d’interventions. Dans la salle, on reconnaît quelques visages de chercheurs qui pourraient s’en réclamer : l’absence de moments de questions ne leur permettra pas de tenter la controverse, dans une salle bien remplie et de toute façon visiblement acquise aux orateurs. « Cancel culture » appliquée aux “woke” ? Presque. Très en verve, le sociologue et chroniqueur à CNews Mathieu Bock-Côté entre dans la tête d’un « woke » : « un voyage en folie » pour expliquer « comment, pour les woke, l’universalisme est le vrai racisme ». Il y explique que pour eux, la suprématie blanche serait dissimulée derrière la référence à l’universalisme, qu’il faudrait donc combattre pour faire ressortir les mécanismes de domination. Conclusion : « Pour nous [les blancs], exister, c’est expier ad vitam aeternam. » Rires et applaudissements fournis.

      https://www.liberation.fr/resizer/OQVJ9QPoDLjG2pg3SZUZrY863xI=/1440x0/filters:format(jpg):quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/6CB7GIEQ7JAI3HWG6EY52MMLJE.jpg

      Aux abords de la salle, la présence d’une caméra de télévision suscite un moment de confrontation entre des étudiants (de divers collectifs, dont l’Unef et Solidaires) qui ont déployé une banderole « Combattons la banalisation de l’islamophobie », et d’autres qui portent des sweats du syndicat de droite UNI. C’est là qu’a lieu la controverse, et pas dans l’amphi Liard, où la déconstruction du déconstructionnisme s’opère en un long sermon… au pied un immense tableau de Richelieu, lui aussi présent sous les lambris dorés.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/a-la-sorbonne-ministre-et-intellectuels-deconstruisent-le-wokisme-2022010

    • Live twitter du J2 du #colloquedelahonte, par Olivier Compagnon :

      1/ #colloquedelahonte, J2, ou comment flinguer son samedi. Journée consacrée à la « reconstruction ». Des moments forts sont attendus comme on attend la finale du 100m aux JO : ainsi le dialogue Anceau/Heinich vers 10h30 ou les conclusions du Grand Timonier de l’@Hceres_ vers 16h30

      2/ Mais ne sous-estimons pas certaines tables rondes qui pourraient sembler plus anodines comme celle de 14h30 intitulée « Des noires, des blanches, des rondes : la musique pour tous ». J’imagine d’ici les rires gras quand ils ont trouvé le titre.

      3/ 9h31, un peu de retard, mais on comprend, c’est toujours dur de bosser le samedi matin

      4/ C’est parti, mon kiki. « Première belle journée de travail ». « Nous sommes présents en Sorbonne ». « Nous étions hier 600, 200 dans l’amphi et 400 par zoom », mais un peu déçus par le public du matin (80 dans l’amphi)

      5/ Anceau sera un président de séance « intransigeant », tu m’étonnes... La parole est à D. Schnapper, qui célèbre l’excellente qualité de la journée d’hier. « Dévoiement des SHS et de la démocratie », le ver était dans le fruit avant 68 à cause des Soviétiques

      6/ On a trop oublié Weber (pas les barbecues, le sociologue). Dans la pensée woke, le vote et les institutions n’ont plus de sens, tout ça va finir comme le nazisme et le communisme. Hommage à Laurent Bouvet, dénonciation de la gauche bien pensante

      7/ Rémi Pellet (juriste) prend la parole, dénonce la mollesse de Vidal et milite pour des sanctions contre les universitaires islamogauchistes. Là ça se durcit nettement

      8/ Je me demande s’il ne confond pas reconstruction et épuration, là.

      9/ Revient sur « l’affaire de Grenoble ». « Notre ami PRAG de Grenoble » injustement attaqué et mal protégé par l’institution. Balance sur Vidal, lâche, et « attend sereinement sa mise à pied ». Balance sur FI et célèbre Blanquer.

      10/ « Même François Hollande n’a pas pu tenir une conférence à Lille en 2019 ». Une impunité inacceptable. Dénonce les jurys de thèse et d’HDR qui deviennent wokistes comme ils furent marxistes-léninistes. Termine par un hommage à l’ami de Grenoble.

      11/ Adrien Louis, philosophe. Plaide pour la remise en circulation d’une vieille notion, celle d’amitié civique. Délitement du vivre ensemble, séparatisme, offensive islamiste, nécessité d’une défense de l’identité nationale. Pffffffffff

      12/ Le public a du mal à démarrer

      13/ Célèbre Blanquer sur les femmes voilées dans les sorties scolaires. « Notre souhait que le dissemblable soit un peu plus semblable à nous ».

      14/ Tarik Yildiz maintenant, auteur d’un essai sur le racisme anti-blanc. Le niveau baisse car on adapte le niveau d’exigence à son auditoire, à l’école notamment.
      Déplore la critique permanente et systémique de ce qui fait notre pays. Bon...

      15/ « On n’impose plus de cadres clairs à l’école ». Les profs sont clairement des acteurs-clés de la décadence dans son esprit, mais le ministre actuel travaille à corriger le tir. Parle du fromage « Caprice des Dieux », je ne suis plus du tout là...

      16/ Parle des grossesses et des carottes très bonnes pour le foetus, je décroche complètement... « Pour conclure, il est essentiel de faire réfléchir ». « Un universitaire, ce n’est pas la même chose qu’un élève en 6e, enfin j’espère ». Pas bien réveillé, le gars

      17/ Anne-Marie Le Pourhiet, juriste. Reprend en gros la perspective du juriste d’avant : tous les outils juridiques existent pour réprimer les dérives, mais les pouvoirs publics sont lâches et ne les utilisent pas. Hum, ça craint...

      18/ La liberté académique comprend autant de devoirs que de droits. En gros, l’ESR doit diffuser « le savoir et la vérité ». Or les wokistes n’entrent manifestement pas dans le champ du savoir et de la vérité, comprend-on.

      19/ Il résulte de tout le corpus normatif existant que les universités ont les moyens de réprimer ceux qui érigent des contre-vérités en dogmes. Les instances de validation et de recrutement ne sont pas à la hauteur. Voilà voilà.

      20/ Il se confirme donc que la reconstruction commence par l’épuration. Exemple d’une thèse sur le privilège blanc dans les crèmes solaires, superbe ! Le CNU est complice, l’Europe aussi d’ailleurs.

      21/ « Il ne s’agit pas pour nous de censurer ». Ah bon, j’avais compris le contraire. La puissance publique est largement complice. Scandalisée par le fait que la loi dise que l’ESR contribue à la construction d’une société inclusive...

      22/ Cite avec dépit article 2 de loi Taubira sur traité négrière et esclavage, le législateur est complice des décoloniaux, il s’égare et se contredit. Ce sont des lois liberticides.

      23/ « Cheval de Troie intersectionnel particulièrement liberticide ». Balance sur les référents égalité dans les labos qu’elle appelle (je crois, elle parle vite) des « commissaires à la genritude ».

      24/ Balance aussi sur l’écriture inclusive que les autorités publiques ne se donnent pas les moyens de prohiber. Regrette dans sa fac de droit « des recrutements qui n’auraient pas dû être ». Ah, elle célèbre le Québécois de CNEWS

      25/ « Fake science » en conclusion, applaudissements pour cette présentation « à la fois vigoureuse et rigoureuse ».

      26/ Le débat commence. « Eviter la victimisation permanente », « les musulmans ont fait plus de victimes par l’esclavage que les Européens ». « Convergence des luttes entre nos islamogauchistes et l’islam, mais nos amis LGBT que deviendraient-ils s’ils traversaient la Méditerranée ? »

      27/ « Moi des droits des femmes c’est pas mon truc ». Il va falloir faire une compilation des meilleures punchlines

      28/ « Lavage de cerveau » intersectionnel à l’Université Laval du Québec à partir d’une petite anecdote sur une thèse, ça rigole dans la salle, « je dirige une thèse, pas un tract ».

      29/ Y’a une pause apparemment, ça fait du bien. Je ne vais évidemment pas tenir toute la journée.

      30/ Un public hétérogène

      31/ C’est parti pour la table ronde très attendue. « Histoire pâte à modeler », ça démarre bien. Un oubli sur la table précédente : « on ne va pas commencer à dénoncer nos collègues qui regardent les étudiantes au physique agréable » (en gros)

      Nathalie Heinich. Attaque directement sur la nécessité d’une nouvelle instance de contrôle de la production scientifique, mais se défend d’être maccarthyste. « On ne doit pas pouvoir professer que la terre est plate ou qu’il y a un racisme d’Etat ». Elle est en forme

      33/ @EHESS_fr, nid de gauchistes où l’on invite des indigénistes. C’est pas moi qui dis, évidemment, c’est Heinich. Ah ah

      34/ Déplore confusion entre liberté académique et liberté d’expression. Pour éviter les dérives, « l’arène académique devrait rester imperméable à la société civile ». Pas de professionnels, pas de militants, pas d’artistes à l’université

      35/ Ni Dieudonné ni R. Diallo dans les universités. Exclure aussi les étudiants de l’orbite de la liberté académique car, en gros, sont déb. Nécessaire durcissement des évaluations, se réjouit d’ailleurs de la présence de Coulhon en conclusion du colloque.

      36/ Je fais Anceau et j’arrête ensuite. Il a publié 26 livres, je ne sais pas comment il fait perso...

      37/ « La société patriarcale, européenne bien sûr, a opprimé les femmes, colonisé les peuples, etc... » Très en forme également. La déconstruction fait de la morale et refuse l’objectivité du savoir. wokisme = stalinisme. On invente des personnages, on en efface d’autres

      38/ « Il n’y a pas d’éternisation du passé », il faut contextualiser, la cancel culture écarte les sources gênantes. Encore les arabo-musulmans et l’esclavage, ça devient lourd

      39/ Déboulonnage des statues, vandalisme, effacement de Jefferson du hall de la mairie de NY, tralalalalalalala. Je rappelle que ce gars qui ne veut pas confondre militantisme et université a longtemps léché les pieds de Dupont-Aignan

      40/ « L’historien qui se veut objectif ». Conclut « confiance et vigilance ». Faut-il renoncer à Auguste Comte parce qu’il était misogyne ?

      41/ Un gros problème technique avec la vidéo de François Rastier, c’est con.

      42/ Je suis un peu perdu dans le casting, mais cette comparaison entre le mouvement woke et l’heroic fantasy en intro me semble très porteuse. Univers imaginaire, monde parallèle. Comme tous les autres, il dénonce le woke mais on ne sait jamais qui, quoi, etc

      43/ Venons-en à l’islamophobie. « Les tenants de... », mais qui ? Personne ne source son propos. C’est vague, c’est flou, c’est fantasmatique, c’est nul. Allez PAUSE

      44/ Encore une demi-journée pénible qui se profile avec le #colloquedelahonte, mais elle sera conclue en apothéose par Thierry Coulhon vers 16h30. Pour supporter cela, je concède avoir ouvert une bouteille de vin. Quelle autre solution pour supporter le tragique de l’existence ?

      45/ C’est un Carmenere chilien, en hommage à #gabrielboricpresidente qui a démontré que d’autres voies étaient possibles dans un pays qui fut le berceau du néolibéralisme autoritaire.

      46/ Je n’aurais pas dû ouvrir cette bouteille, je commence à penser à ce que peuvent bien écouter comme musique Éric Anceau ou Pierre Vermeren quand ils rentrent chez eux le soir.

      47/ C’est parti avec un peu de retard, on commence avec la table ronde « Des noires, des blanches, des rondes : la musique pour tous ». Remerciements pour « le jeune technicien très compétent » et son sens de l’improvisation, c’est sympa

      48/ La question structurante de la table : pourquoi les études musicologiques et la musique sont aussi touchées par le wokisme ? On commence avec Catherine Kinzler, qui a notamment bossé sur théâtre et opéra à l’âge classique.

      49/ Va parler de la culture de l’expiation dans les études musicologiques. « Jusqu’à la notation musicale est soupçonnée de racisme ». Est désormais à l’oeuvre « une épuration culturelle ».

      50/ Part d’une anecdote concernant une société musicale US qui favorise l’inclusion de groupes minoritaires et promeut un « décentrement de la blancheur ». Procédé d’"épuration culturelle" (bis) qui repose sur une « culpabilisation » selon notre intervenante

      51/ « Inquisiteur », « procureur extra-lucide », « rééducation », « sommations sans appel », « nombrilisme pleurnichard » : il y a une grammaire de la réaction intellectuelle. Ah, Staline le retour

      52/ « Se figer dans un rôle de victime ou celui d’un coupable plein de contrition », etc : c’est toujours la même chanson (si je peux me permettre)

      53/ Dania Tchalik, pianiste né en URSS, prend la parole et va parler « du wokisme avant le wokisme » (mon fils de 18 ans vient d’entendre cette phrase en passant, on a un fou rire)

      54/ Tiens, Jack Lang en prend pour son grade : avec lui, l’action publique culturelle devient consommation de masse, symbole de la Fête de la Musique. Référence à ce grand progressiste que fut Marc Fumaroli.

      55/ « Vulgate bourdieusienne fossilisée », « anti-intellectualisme », on n’enseigne plus le solfège ma bonne dame. N’a pas l’air d’aimer la gauche, dit le mot avec dégoût. Il est spécialement gratiné, lui

      56/ (La technique zoom n’est pas encore complètement maîtrisée). Il n’y a plus de professeur de musique ni d’enseignement, on veut tout faire venir de l’apprenant. « De ce pédagogisme découle un sociologisme ».

      57/ La musique classique n’est plus honorée car vue comme une musique de riches, « de mâles blancs pourrait-on dire ». « On en est pleine idéologie totalitaire ».
      Typiquement woke, nous dit-il encore, la réduction de l’oeuvre à la biographie de son auteur.

      58/ OK, on a compris : on dirait Bolsonaro parlant de la guerre culturelle. Lui, il me fait vraiment peur là...

      59/ « Que faire ? » se demande-t-il alors ? Rompre avec l’idéologie relativiste, que les pouvoirs publics décident que l’art doit être transmis, que le ministère redevienne celui de la culture et non de la communication

      60/ Veut un nouveau Ferry : Jules ou Luc ? Il développe, mais je ne comprends pas. Tonnerre d’applaudissements

      61/ Nicolas Meeùs, musicologue de Sorbonne Univ. Parle des attaques woke contre Heinrich Schenker (1868-1935), fondateur de l’analyse musicale moderne. C’est technique et je n’y connais rien, je touche mes limites et vais fumer une clope

      62/ Pendant ce temps-là, le public

      63/ Bruno Moysan prend la parole et avoue d’emblée qu’il n’y connaît rien. Commence par raconter qu’il s’est fait insulter au Canada par une doctorante aux cheveux rouge vif et treillis militaire après une intervention qu’il avait faite sur J. Butler

      64/ Il raconte fièrement comment il a cloué le bec à cette inquisitrice. Pour l’instant, il n’a rien dit mais semble aimer parler de lui

      65/ Va parler de Ouverture féministe : musique, genre, sexualité de Suzanne McClary. Se dit nostalgique des années 1968, là il est dissonant, et sous cet angle il a aimé le livre.

      66/ Mais là il va quand même flinguer. Trop d’idéologie dans le livre (alors que lui non, hein !). C’est toujours pénible, les gens qui lisent très vite un papier trop long.

      67/ Je ressens un ennui profond. Ah, le débat. « Le rap et les musiques populaires produisent cet effet d’aller vers des publics qui n’auraient pas la capacité de s’élever ». En gros, les woke privent les enfants de la musique classique qui les deterritorialiserait.

      68/ « Quand on dénonce le virilisme de Beethoven, on m’empêche de jouir de sa musique. » (en gros)

      69/ « Essayons de définir un quatuor à cordes de gay ? C’est compliqué, je ne plaisante pas ». Bruno Moysan, le retour

      70/ Discussion sur le dernier accord de la 9e Symph. de Beethoven vu par Suzanne MacClary comme un viol. Petites blagues dans la salle. « Sans doute que j’ai mes propres résistances à l’éveil ». Cela dit, cette table assez nulle est la plus modérée de toutes

      71/ Je commence à être inquiet pour le public.

      72/ Dernière table ronde sur les arts et les humanités, animée par Yana Grinshpun qui assimile d’emblée wokisme et totalitarisme soviétique sans la moindre explication.

      73/ Hubert Heckmann commence en lisant le sonnet 20 des Amours de Ronsard qui, mis au programme de l’agrég, a provoqué des polémiques avec des militants y voyant une apologie du viol. Lui va défendre le canon littéraire.

      74/ « Je voudroy bien richement jaunissant
      En pluye d’or goute à goute descendre
      Dans le giron de ma belle Cassandre,
      Lors qu’en ses yeux le somne va glissant. »

      75/ Cite Robert Faurisson lisant Rimbaud en 1961 et voit dans le féminisme actuel un parallèle avec le parangon du négationnisme.

      76/ Le wokisme réduit le sens des oeuvres à leur contenu sexuel. Rires gras dans la salle quand il évoque, au travers d’une citation, le pénis. On dirait une classe d’ados prépubères.

      77/ « Ethnocentrisme woke » qui fuit le risque de l’altérité, celle du passé, celle de la littérature des siècles anciens. Conclut sur le wokisme qui empêche toute quête du plaisir et du savoir, ce qui est un peu border après avoir ouvert sur le sonnet 20. Non ?

      78/ Jerôme Delaplanche, historien de l’art (et obsédé sur son twitter par #saccageparis). Revient sur toute la polémique autour de la Villa Médicis, je ne vous raconte pas, il répète cette tribune parue en nov. 2021
      https://www.latribunedelart.com/la-cancel-culture-infiltre-la-villa-medicis

      79/ Il a dit « épicerie » à la place de « tapisserie ». Rien d’autre à signaler. Ah, si, petite vanne sur la « souffrance des animaux » qui n’a pas été mobilisée pour faire décrocher les tapisseries en question.

      80/ « Le wokistan a étendu son champ de nuisance jusqu’à la Villa Médicis ». Il a dû passer la nuit à trouver cette formule.

      81/ Ce qui est fascinant, c’est le sentiment obsidional qui traverse toutes les interventions.

      82/ Il propose 4 niveaux de « résistance », c’est le Jean Moulin de l’histoire de l’art. Les wokistes (je ne sais toujours pas qui ils sont) sont des incultes, des fainéants aussi un peu. « Complaisance doloriste »

      83/ Encore un intervenant, Alexandre Gady, histoire de l’art... « Patrick Devedjian qu’on regrette tous » : merci Yana Grinsphun !!!!!!!!!!

      83/ Balance sur Bénédicte Savoy qui s’en est prise à la statue de Champollion dans le jardin du collège de France.

      85/ « On a déjà beaucoup parlé de sexe, je ne voudrais pas passer pour... »

      86/ « L’auteur, l’autrice excusez-moi ». Rires gras dans la salle.

      87/ Evocation de la mort de George Floyd. Rires gras dans la salle

      88/ Champollion n’en finit pas. Je ne connais pas l’université française qu’ils décrivent. J’aurais (sérieusement) aimé les entendre discuter les décoloniaux latinoam. (Quijano, Mignolo, etc.) qui sont d’ailleurs authentiquement discutables. Mais là rien. Du vide, du fantasme

      89/ Le temps des conclusions est arrivé. « Quel affreux colloque, quelles horreurs n’aurons-nous pas entendu pendant ces deux jours ! » Ben, je vais te les résumer un peu plus tard les horreurs (et je ne suis même pas « décolonial » en plus)

      90/ Nous sommes en Sorbonne, « nous ne lâcherons pas ces lieux, ILS le savent ».
      Ce n’est pas encore Thierry Coulhon, mais la présentation du Comité Laïcité-République

      91/ Se défendent d’être fascistes. Le wokisme est une croyance, nous prenons des risques en résistant, refus de perdre la bataille.

      92/ Creil 1989 : l’offensive de la pensée dogmatique et totalitaire. On commence à avoir une chrono : 1962 et la perte de l’Algérie, la pensée 1968 évidemment, 1989.

      93/ Wokisme et décolonialisme = « fantasme messianique de table rase » qui débouche toujours sur un totalitarisme, qui sévit déjà dans certaines universités et ambitionne aujourd’hui de gangréner toute la société

      94/ « On a perdu une partie de notre jeunesse » (en gros les banlieues) : lls sont murs pour soutenir la remigration

      95/ « Mr le Président Thierry Coulhon ». Ne va pas conclure car n’a pas suivi le colloque. Commence par une remarque de citoyen : ne pensait pas qu’il vivrait une époque où D. Schnapper et J. Julliard seraient considérés comme des personnalités suspectes

      96/ Retour sur liberté académique / liberté d’expression. Le HCERES n’est pas là pour décider des sujets de recherche légitimes ou non, mais il doit clarifier la frontière entre discours académique et discours militant

      97/ HCERES doit placer la limite entre médiocrité et excellence. On ne laissera pas dire que la terre est plate, mais on n’empêchera pas Paxton de... (encore heureux...). Annonce un colloque sur évaluation et SHS au printemps prochain

      98/ Rien d’autre. Mais c’est sa seule présence qui est problématique.

      99/ Conclusion de la conclusion : impérieuse nécessité de faire émerger des clés de lecture des sociétés qui aillent au-delà du rapport dominants / dominés. Il y a aussi des liens d’amour, d’amitié (je verse une larme) qui doivent aussi être examinés. Niais

      100/ Ce fil méritera une petite synthèse, mais ce sera pour plus tard.

      https://twitter.com/CompagnonO/status/1479727962845032448

    • Le « wokisme » sur le banc des accusés lors d’un colloque à la Sorbonne

      Après une introduction du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, un parterre d’universitaires a dénoncé durant deux jours « les dégâts de l’idéologie » de la déconstruction et de la « cancel culture », selon eux nouvel « ordre moral » à l’université.

      « Reconstruire les sciences et la culture » : c’est le chantier que s’est attribué un parterre d’une cinquantaine d’universitaires, essayistes et éditorialistes lors d’un colloque à la Sorbonne, les 7 et 8 janvier, sous la houlette de l’Observatoire du décolonialisme – qui fêtait pour l’occasion son premier anniversaire – et du Collège de philosophie.

      Adoubé par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui en a fait l’introduction, l’événement a réuni jusqu’à 600 personnes, dont les deux tiers ont assisté à distance aux débats. Son objet : passer au crible, avec un prisme hostile, la « pensée décoloniale », la « théorie du genre » et la « cancel culture » (culture de l’effacement), des concepts en partie importés d’Amérique du Nord et plus largement désignés par les intervenants sous le vocable de « wokisme » (l’éveil à toute forme de discrimination), une pensée devenue épouvantail à droite, en même temps que l’« islamo-gauchisme ».

      Invité en clôture, Thierry Coulhon, président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, est apparu peu à l’aise, expliquant qu’il n’était pas là « pour approuver ou non les prises de position ». Il a annoncé la tenue, au mois de mai, d’un colloque international sur les sciences sociales. Une « réponse », selon lui, à un autre « débat assez mal engagé » en février 2021 sur « l’islamo-gauchisme » par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Elle avait appelé le CNRS à mener une enquête pour distinguer recherche et militantisme. Il sera notamment question de « penser les interactions entre les sciences humaines et le reste du savoir », a précisé M. Coulhon.

      « Déconstruire la déconstruction »

      Jean-Michel Blanquer a revendiqué, en introduction, d’adopter une posture « offensive sur le plan intellectuel » contre le wokisme, au moment où « il y a une prise de conscience que nous devons “déconstruire la déconstruction” et arriver à de nouvelles approches ».

      Pierre-Henri Tavoillot, président du Collège de philosophie, a posé « la déconstruction » comme « un vaste mouvement philosophique » qui a connu trois âges : la critique kantienne de la métaphysique ; la critique des idées humaines, portée en particulier par Nietzsche ; enfin « la pensée 68 », où la déconstruction devient une technique qui ne vise qu’elle-même, selon M. Tavoillot. « On en arrive à la déconstruction intersectionnelle », fondée sur l’idée que tout est domination, que la colonisation occidentale en représente « l’apothéose » (domination Nord/Sud, raison/émotion, homme/femme, technique/nature…) et que la décolonisation camoufle une exploitation toujours en cours, exercée par « le mâle blanc ».

      Armés de la seule notion de « domination » et de la dénonciation du patrimoine vu à l’aune des critères du présent, les « wokistes », enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales, feraient œuvre de « dévoiement de la rationalité », affirme la sociologue Dominique Schnapper. Leurs « néologismes ont valeur de dogmes », et les préfixes, anglicismes et métaphores auxquels ils recourent donnent l’illusion d’une « tradition savante », complète le linguiste Jean Szlamowicz, citant les mots « transphobe », « micro-agression », « appropriation » ou encore « inclusif ». « On invente une injustice pour la dénoncer » car « ces mots s’imposent de manière déclarative, sans données réelles », soutient-il, évoquant « une bouillie entre poésie et militance ».

      Pour le politologue Pascal Perrineau, la pensée déconstructiviste a prolongé un combat que le marxisme structuraliste et la sociologie de Pierre Bourdieu ont engagé, « mais elle va beaucoup plus loin pour dénoncer une obscure oppression généralisée légitimée par le pouvoir dominant qu’il soit hétérosexuel, du genre masculin, de la race blanche ». « Seules les minorités sauraient ce que parler veut dire, poursuit-il, regrettant que parmi les sujets de thèse, à Sciences Po, le thème du vote n’intéresse plus personne. »

      Peser sur la campagne présidentielle

      Le wokisme signerait le retour de l’idée qu’il n’existe pas de science objective, sur le modèle de la dénonciation de « la science bourgeoise » par l’ingénieur soviétique Trofim Lyssenko. « Il faut mettre en avant une physique ethnique contre l’épistémicide que livrerait l’Occident sur les autres cultures », avance l’écrivain Pierre Jourde. Il cite un groupe de recherche canadien qui travaille à « décoloniser la lumière, c’est-à-dire repérer dans la physique le colonialisme ».

      Au Canada, cette idéologie « structure » l’administration universitaire, affirme Mathieu Bock-Côté, éditorialiste sur la chaîne CNews. « Je suis né blanc donc je suis raciste et je dois me rééduquer mais voudrais-je rompre avec le racisme que je n’y arriverais pas », résume-t-il, déplorant que, selon lui, les subventions « dépendent du fait qu’on se soumette à cette idéologie dans la définition des objets de recherche ».

      En Europe, « l’islamisme transnational » des Frères musulmans fait de l’entrisme dans les universités « depuis trente ans », générant « un noyautage des départements en sciences sociales », soutient l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler. Elle cite des « pressions sur les enseignants au début et à la fin des cours, des [personnes] qui gênent la recherche de terrain ou encore des influenceurs qui agissent comme une machine à orienter la recherche », particulièrement au niveau des financements européens.

      La sociologue Nathalie Heinich réclame « un meilleur contrôle scientifique des productions fortement politisées pour qu’un enseignant ne puisse proférer que la Terre est plate ou qu’il existe un racisme d’Etat ». Elle ajoute que « l’arène académique devrait rester imperméable à la société civile » et qu’il faut « s’abstenir d’inviter des professionnels, des militants, des artistes dans les cours et séminaires universitaires », en vue de les « protéger de l’envahissement idéologique ».

      Sur les réseaux sociaux, mais aussi dans des échanges en direct sur la plate-forme du colloque en ligne, certaines interventions ont suscité l’étonnement du public alors que la teneur des échanges – sous couvert de respect des valeurs républicaines – semblait relever du militantisme, pourtant dénoncé quand il provient de la nébuleuse « wokiste ». « C’est une simple litanie depuis 9 heures du matin, écrit l’historien Olivier Compagnon sur Twitter. Il faut juste éviter que ces gens-là ne gagnent définitivement la bataille médiatique. » Dans un article, le collectif universitaire Academia s’interroge tout haut : « S’il ne s’agit pas d’un colloque universitaire, de quoi s’agit-il donc ? D’un meeting dont la fonction est de peser sur une campagne présidentielle déjà nauséabonde. » Une accusation raillée par plusieurs participants, contents d’avoir occupé la scène durant deux jours.

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/08/le-wokisme-sur-le-banc-des-accuses-lors-d-un-colloque-a-la-sorbonne_6108719_

    • Pour des études noires sans compromis

      Les 7 et 8 janvier, se tenait à la Sorbonne un colloque intitulé Après la déconstruction. Reconstruire les sciences et la culture. Introduit par Jean-Michel Blanquer himself, un parterre d’universitaires réactionnaires s’y est retrouvé pour disserter de la lourde menace que ferait peser la recherche critique sur la bonne moralité de ses étudiants. La sulfureuse question du « wokisme » y a d’ailleurs été évoquée frontalement. Si scientifiquement les interventions semblent avoir été à la hauteur de toutes les attentes, le caniveaux, l’audace et la vulgarité de l’opération n’en sont pas moins significatives. Comme on ne rit jamais très longtemps de pareille déchéance, nous publions en guise de réponse indirecte, l’introduction de Noirceur le dernier livre de Norman Ajari qui paraît à point nommé le 14 janvier prochains aux Éditions Divergences. Il y est précisément question du spectre qui hante certaines têtes blanches ou chauves.

      Un spectre hante l’université occidentale : le spectre de la Critical Race Theory (CRT). Politiques et éditorialistes de la vieille Europe et du Nouveau Monde se sont unis en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le Président Trump et le Président Macron, Fox News et Libération, les républicains de France et les conservateurs de Grande-Bretagne. Partout, la Théorie Critique de la Race est déclarée ennemie publique, corruptrice de la jeunesse et traîtresse à la science. Nous assistons, dans une partie grandissante du monde occidental, à une attaque, concertée et sans relâche, contre les universitaires menant des recherches sur la question raciale.

      LA THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE COMME ENNEMIE PUBLIQUE

      ’est aux États-Unis que la réaction fut la plus spectaculaire : le 4 septembre 2020, le directeur du Bureau de la gestion et du budget états-unien, Russell Vought, émettait un mémorandum vilipendant des formations centrées sur la question raciale supposées inviter les fonctionnaires à « croire à une propagande anti-américaine qui crée la division [1 ». À l’issue du mandat du Président Donald Trump, ce juriste conservateur a fondé le Center for Renewing America, un think tank dont le principal objectif consiste à « combattre la philosophie radicale, enracinée dans le marxisme, connue sous le nom de Théorie Critique de la Race », arguant que « là où Karl Marx divisait la société entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat opprimé, les adhérents de la Théorie Critique de la Race ont substitué la race aux distinctions économiques de Marx ». L’enjeu est dès lors d’empêcher la « corruption des enfants et des futures générations par la haine d’eux-mêmes et de leurs concitoyens [2] » que ces recherches promouvraient.

      Mais avant d’être contraint par les urnes de se retrancher dans l’activisme de la société civile, Vought était parvenu à convaincre le chef de l’État du bien-fondé de sa croisade. Le 22 septembre 2020, le Président Trump émettait un executive order, c’est-à-dire un décret présidentiel, interdisant à tous les prestataires de service sous contrat avec le gouvernement de mener des formations portant sur les questions de race et de sexe. Il entendait ainsi combattre un discours offensant et anti-américain qui crée des stéréotypes de race et de sexe et des boucs émissaires [3 ». Or, comme c’est souvent le cas en Amérique du Nord, la vigilance religieuse avait anticipé et donné sa direction à l’action politique. C’est en effet dès 2019, au terme de son congrès annuel, que la Southern Baptist Convention avait émis une condamnation plus mesurée, mais toutefois ferme, de la Théorie Critique de la Race. Face à certaines résistances dans ses rangs, notamment du côté des pasteurs et des fidèles africains-américains, la plus importante congrégation protestante des États-Unis n’a depuis cessé de durcir ses positions sur le sujet.

      En mars 2021, quelques mois après sa prise de fonction, le Président Joe Biden prenait le parti d’annuler l’executive order de son prédécesseur, mais la définition de la CRT comme une intolérable corruption de la jeunesse s’était déjà imposée comme un thème central du discours conservateur états-unien. En Caroline du Nord, en Idaho ou encore à Rhode Island, les gouverneurs républicains ont pris des mesures pour bannir la Théorie Critique de la Race des cursus des institutions d’enseignement public. « Le niveau fédéral n’est pas en reste. En mai [2021], une trentaine d’élus républicains de la Chambre des représentants ont présenté un projet de loi, explicitement intitulé Stop CRT Act, visant à bannir les formations “à l’égalité raciale et à la diversité” dispensées aux employés fédéraux [4] . » Dans une nation qui a placé la garantie de la liberté d’expression au seuil de son texte le plus sacré, c’est-à-dire au cœur du premier article du Bill of Rights, ces restrictions exigeaient le déploiement d’une rhétorique d’exception : la CRT s’est ainsi vue assimilée à un discours totalitaire [5], ce qui faisait pour ainsi dire de son exclusion de l’espace public une affaire de sécurité publique.

      En octobre 2020, un mois après l’émission de l’executive order de Trump, les conservateurs britanniques s’emparent de son discours. La sous-secrétaire d’État parlementaire déléguée à l’égalité, Kemi Badenoch, affirme au terme d’un débat portant sur le mois de l’histoire des Noirs : « Toute école qui enseigne les éléments de la Théorie Critique de la Race ou qui promeut des vues politiques partisanes, telles que cesser de financer la police, sans offrir un traitement équilibré des vues opposées, est hors-la-loi [6] . » Aux États-Unis où elle est née, bien qu’elle soit loin d’être aussi omniprésente que ne le laissent entendre le nombre et l’éminence de ses détracteurs, la CRT est ancrée dans le paysage académique. J’ai moi-même été recruté en 2019 par le département de philosophie de Villanova University pour occuper un poste d’Assistant Professor en Critical Race Theory. En Grande-Bretagne, en revanche, la discipline est plus marginale bien que, comme le souligne le sociologue de l’éducation Paul Warmington, le Royaume-Uni possède une solide tradition d’intellectuels noirs dont l’héritage entre facilement en résonance avec le projet de la CRT. Dans un élan panafricain, il souhaite que la rencontre de l’école américaine et de l’école britannique féconde une nouvelle génération d’intellectuels publics noirs [7] . Or c’est certainement cet avènement que les avertissements du gouvernement conservateur cherchent à dissuader en recourant aux frappes préventives de Kemi Badenoch, à l’heure où la révolte suscitée par le meurtre de George Floyd a embrasé l’opinion publique noire anglaise, conduisant des dizaines de milliers de manifestants dans les rues.

      En France, les assauts contre les études sur la race se sont développés selon leurs propres termes, et n’ont pas attendu les mesures de Trump pour gagner une place considérable dans la presse – bien que la solidarité conservatrice internationale ait indéniablement conforté cette hostilité, dès l’instant où Donald Trump et Boris Johnson apparurent comme soutiens opportuns. En janvier 2018, le mensuel d’extrême-droite Causeur fait paraître un dossier intitulé « Toulouse 2, la fac colonisée par les indigénistes ». « Indigénisme » désigne, dans le patois médiatique français, la doctrine politique de l’organisation antiraciste radicale des Indigènes de la République ; ce sera dès lors l’un des noms de code d’une CRT à la française, au côté d’autres néologismes dépréciatifs tels que « décolonialisme » ou « racialisme ». Il n’est pas certain que le texte de Causeur soit véritablement le premier du genre, mais j’en conserve un souvenir net car j’étais alors Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche en philosophie à l’Université de Toulouse, qui est mon Alma Mater, et que l’article me désignait comme l’un des « colonisateurs » de la fac. L’agenda politique suprémaciste blanc du magazine ne laissait guère de place au doute. Il suffisait pour s’en convaincre de se pencher sur le contenu comiquement raciste d’un autre article de la même auteure, dans le même numéro du même mensuel : « C’est un cliché mais c’est vrai : la culture africaine ne connaît pas l’individu. Le groupe seul existe, qui structure l’identité de chacun. Il est alors cohérent que la philosophie qui apprend à “penser par soi-même” soit vue comme une menace [8] . » Voyant, effarée, le département de philosophie de l’Université de Toulouse déployer colloques, journées d’études et cours où Africains et Afrodescendants se faisaient fort de penser par eux-mêmes, le premier réflexe de la journaliste fut d’exiger l’interdiction de ce qu’elle croyait impossible. C’était bien elle qui tenait l’acte même de penser, et notamment celui des Noirs, pour une menace. Là où elle se trouve dans la vie de l’esprit, fort heureusement, elle est en sécurité.

      À la fin de l’année 2018, l’effroi face aux études sur la race avaient contaminé la presse de la droite traditionnelle, la presse centriste et la presse de gauche. Une tribune fortement médiatisée intitulée « Le “décolonialisme”, une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels » paraît fin novembre dans l’hebdomadaire conservateur Le Point. Il est à cet égard amusant de constater que, si le terme « décolonialisme » est placé entre guillemets comme s’il s’agissait d’une citation, il est fort peu usité par les chercheurs et militants francophones, lesquels privilégient « décolonial », comme adjectif aussi bien que comme substantif. La même semaine, l’hebdomadaire de centre-gauche L’Obs, publiait une enquête titrée « Les “décoloniaux” à l’assaut des universités ». En décembre 2018, dans Libération, quotidien réputé de gauche, l’influent éditorialiste Laurent Joffrin signait un éditorial intitulé « La gauche racialiste ». L’extrême-droite et la gauche convergent de plus en plus visiblement dans la détestation des réflexions sur la question raciale. Au cours des années suivantes, « enquêtes » et éditoriaux de ce genre sont devenus un marronnier, pour ne pas dire un genre littéraire à part entière de la presse française. Fatalement, ce discours de plus en plus omniprésent finit par contaminer le pouvoir exécutif. Dès juin 2020, le président Macron déclarait au Monde ses griefs à l’égard d’universitaires français coupables de « casser la République en deux [9] ». L’effet-Trump s’est fait sentir en février 2021, lorsque la Ministre chargée de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal joua son va-tout, annonçant son projet de commanditer une enquête au sujet de « l’islamo-gauchisme » au sein de l’université française, déplorant une énigmatique alliance intellectuelle du président Mao et de l’ayatollah Khomeiny dans les esprits des savants français.

      Ce livre porte sur les tendances pessimistes de la théorie africaine-américaine contemporaine. Force est de constater que l’aspect du discours universitaire sur la race qui génère le rejet le plus franc et le plus radical dans la presse et la parole politique, au point de susciter ces velléités d’interdiction, tient précisément à son pessimisme. Comme l’exprime le révérend Michael Wilhite, membre de la Southern Baptist Convention dans l’Indiana : « C’est simplement à l’opposé des évangiles. Dans la Théorie Critique de la Race, il n’y a pas d’espoir. Si vous êtes blanc, vous êtes automatiquement raciste à cause de la suprématie blanche. Mais dans les évangiles, il y a de l’espoir [10]. » Le décret présidentiel de Trump comme les formulations choisies par les différents États américains pour légitimer leur censure partagent la même philosophie : il s’agit toujours de conjurer l’idée selon laquelle les institutions étatiques américaines ou les personnes blanches seraient intrinsèquement enclines au racisme. De même, journalistes, éditorialistes et politiciens français refusent qu’une partie de l’opinion tienne simplement la République pour un projet dénué de perspective d’avenir pour les minorités. Fondamentalement, les conclusions des principaux auteurs de la CRT sont porteuses de désillusion, de désaffection, voire d’hostilité à l’égard de la démocratie libérale et de l’État. Comme l’explique l’un de ses principaux spécialistes contemporains, le philosophe africain-américain Tommy Curry :

      Les Blancs sont sidérés d’apprendre que les chercheurs noirs qui ont bâti la Théorie Critique de la Race ne souscrivent pas aux promesses de la démocratie occidentale, ni aux illusions selon lesquelles l’égalité raciale serait possible au sein des sociétés démocratiques blanches. Depuis le XIXe siècle, les chercheurs noirs ont insisté sur la permanence du racisme blanc aux États-Unis comme dans d’autres empires blancs. Contrairement aux représentations universitaires de figures noires américaines pleines d’espoir et investies dans l’expérience démocratique américaine, de nombreux penseurs noirs ont insisté sur la négrophobie qui souille perpétuellement les Noirs américains. Au cours des années 1800, les figures historiques noires ont associé la libération des leurs à la révolution (haïtienne), non à l’incorporation au sein des États-Unis. En Amérique et en Europe, l’idéal libéral démocratique dicte que le « problème racial » entre Noirs et Blancs, s’il demeure, conduit lentement les populations blanches vers davantage de conscience sociale et de compréhension raciale. Cet optimisme à l’égard du racisme anti-Noirs, ou de la myriade d’antipathies assimilant noirceur et africanité à l’infériorité, la sauvagerie et l’indignité dépend en dernière instance de la capacité des démocraties blanches à gérer la colère et la contestation des populations américaines et européennes noires lorsqu’elles comparent leur mortalité, leurs préjudices et leur pauvreté à la citoyenneté blanche [11].

      Il s’agit donc, pour les ennemis de la CRT ou de la pensée décoloniale, d’enrayer la pérennisation de ce pessimisme pro-Noir qui tient l’État et la société civile blanche pour des institutions intrinsèquement injustes. Les discours officiels décrivent les Républiques américaine et française, ainsi que le Royaume-Uni, comme perpétuellement mus par la réforme et le progrès en faveur des minorités. Nous sommes invités à croire que l’esclavage, le colonialisme, l’impérialisme ou la ségrégation sont de l’histoire ancienne – non qu’ils se sont métamorphosés pour maintenir l’inégalité dans sa structure. Il s’agit donc, pour les gouvernements, de marginaliser les théories qui élaborent des outils pour comprendre l’optimisme étatique comme visant à perpétuer servitude et aliénation sous la bannière de la démocratie. Disons, en détournant une formule célèbre du Sud-Africain Steve Biko, que l’arme la plus puissante entre les mains de l’oppresseur est devenu l’espoir de l’opprimé. Il permet d’absorber jusqu’aux critiques du racisme structurel ou du racisme d’État, en interprétant ces derniers comme des étapes, des moments passagers, qui appellent la patience réformiste davantage que l’intervention radicale. Or c’est en désespérant du maître, du colon ou de l’exploiteur que l’on retrouve confiance en sa propre dignité et en ses propres forces. La crainte que les trois grandes nations impériales ont en partage réside dans la possibilité que les Noirs, et les autres personnes de couleur, cessent de les concevoir comme des lieux de progrès vers la justice, l’égalité et la tolérance, mais en viennent au contraire à les reconnaître comme des ordres étatiques fondamentalement définis par la déshumanisation raciste.
      ACTIVISME ET THÉORIE

      Ce bilan international d’une séquence médiatique et politique récente permet de tirer d’intéressantes conclusions quant aux contextes académiques des différentes nations. Aux États-Unis, l’émergence des études noires comme champ d’étude autonome fut un effet de bord des mouvements des années 1960 et 1970 où les étudiants de couleur eux-mêmes, par les moyens de la grève et de l’activisme, exigèrent la création de nouvelles disciplines. Au Royaume-Uni, l’Université de Birmingham City a ouvert à la rentrée 2017 le premier cursus en études noires du pays, et d’autres universités britanniques semblent s’orienter dans la même direction. Dans ce panorama, la France apparaît comme le pays où une certaine classe médiatique a mené campagne contre les études sur la race avec le plus d’entêtement et d’opiniâtreté, mais également celui où ces recherches sont le plus significativement sous-développées. C’est dire si leur potentiel apparaît explosif et menaçant aux yeux des garants du statu quo. En février 2021, le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac a accueilli une série de conférences (en ligne, à la faveur de la pandémie de COVID-19) intitulées « Préliminaires pour un Institut des études noires ». Le signe est encourageant, bien qu’il y ait à craindre que, si d’aventure le projet aboutissait, une approche plus consensuelle que celle qui présida à la création de la discipline outre-Atlantique et outre-Manche risquerait d’être privilégiée.

      L’absence des études noires dans l’espace public français et son revers, la sclérose de logiques disciplinaires restreintes et routinières, est sans doute en partie responsable de la teneur des débats sur le « décolonialisme ». Malgré l’intensité des attaques répétées menées contre les chercheurs, ces derniers préfèrent souvent demeurer sur la défensive, s’abritant derrière leurs titres et leur discipline pour asseoir leur légitimité. Il n’est pas certain que ce terrain leur soit le plus favorable. En mai 2021, la sociologue Nathalie Heinich faisait paraître un bref pamphlet dénonçant l’alliance, à ses yeux contre-nature, de l’activisme et du travail universitaire. Elle y prend fait et cause pour une neutralité qui, à ses yeux, « consiste à s’abstenir de jugements sur les objets relevant de valeurs morales, religieuses ou politiques – ce qui autorise bien sûr l’expression de jugements proprement épistémiques sur les concepts, les méthodes, les travaux des pairs (et notamment leur respect ou non de l’impératif de neutralité axiologique) [12] ». Dès lors, tout discours qui relèvera de la politique, de la morale ou de la religion sera subsumé sous la catégorie de « l’opinion » et deviendra indésirable dans la parole universitaire.

      Heinich fait comme si ces jugements de valeur étaient nécessairement arbitraires ou hasardeux et ne pouvaient pas, au contraire, être le fruit d’une série d’arguments, de preuves et d’expériences partagées, soumis à la sagacité du « public qui lit ». La démocratie américaine, le projet communiste, le nationalisme noir ou le féminisme ne sont pas de simples opinions. Elles prétendent à la vérité sur la base d’arguments rationnels et de vécus communs. En limitant le jugement sociologique à la détection des manquements à la neutralité axiologique, Heinich formule l’idéal d’une science sociale de petits procéduriers, en quête perpétuelle du vice de forme, mais sans avocat capable de plaider sur le fond. C’est ce que le philosophe jamaïcain Lewis Gordon a qualifié de « décadence disciplinaire [13] » : la discipline universitaire n’est plus une façon d’accéder à un jugement sur le monde informé, argumenté, et donc plausible, mais devient un système autoréférentiel et fermé qui se contente de décerner des certificats de réussite ou de détecter des manquements à des critères qui ne valent que pour ses praticiens [14]. Si l’intégrité des sciences expérimentales dépend de cette indépendance, il n’en va pas de même des sciences de la culture qui, écrites en langage ordinaire et portant sur des objets d’intérêt public, sont condamnées au dialogue interdisciplinaire et avec l’espace public. Déplorant le manque d’originalité, la médiocrité et l’absence de toute « autonomie de la science [15] » depuis son calfeutrage disciplinaire, Heinich définit un idéal théorique déjà moqué par l’historien des sciences Georges Canguilhem voilà plus d’un demi-siècle : « savoir pour savoir ce n’est guère plus sensé que manger pour manger, ou tuer pour tuer, ou rire pour rire, puisque c’est à la fois l’aveu que le savoir doit avoir un sens et le refus de lui trouver un autre sens que lui-même [16]. »

      Pour des études noires sans compromis

      Norman Ajari
      paru dans lundimatin#321, le 10 janvier 2022
      Appel à dons

      Les 7 et 8 janvier, se tenait à la Sorbonne un colloque intitulé Après la déconstruction. Reconstruire les sciences et la culture. Introduit par Jean-Michel Blanquer himself, un parterre d’universitaires réactionnaires s’y est retrouvé pour disserter de la lourde menace que ferait peser la recherche critique sur la bonne moralité de ses étudiants. La sulfureuse question du « wokisme » y a d’ailleurs été évoquée frontalement. Si scientifiquement les interventions semblent avoir été à la hauteur de toutes les attentes, le caniveaux, l’audace et la vulgarité de l’opération n’en sont pas moins significatives. Comme on ne rit jamais très longtemps de pareille déchéance, nous publions en guise de réponse indirecte, l’introduction de Noirceur le dernier livre de Norman Ajari qui paraît à point nommé le 14 janvier prochains aux Éditions Divergences. Il y est précisément question du spectre qui hante certaines têtes blanches ou chauves.

      Un spectre hante l’université occidentale : le spectre de la Critical Race Theory (CRT). Politiques et éditorialistes de la vieille Europe et du Nouveau Monde se sont unis en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le Président Trump et le Président Macron, Fox News et Libération, les républicains de France et les conservateurs de Grande-Bretagne. Partout, la Théorie Critique de la Race est déclarée ennemie publique, corruptrice de la jeunesse et traîtresse à la science. Nous assistons, dans une partie grandissante du monde occidental, à une attaque, concertée et sans relâche, contre les universitaires menant des recherches sur la question raciale.
      LA THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE COMME ENNEMIE PUBLIQUE

      C’est aux États-Unis que la réaction fut la plus spectaculaire : le 4 septembre 2020, le directeur du Bureau de la gestion et du budget états-unien, Russell Vought, émettait un mémorandum vilipendant des formations centrées sur la question raciale supposées inviter les fonctionnaires à « croire à une propagande anti-américaine qui crée la division [1]

      [1] Russell Vought, « M-20-34 », 2020, www.whitehouse....
       ». À l’issue du mandat du Président Donald Trump, ce juriste conservateur a fondé le Center for Renewing America, un think tank dont le principal objectif consiste à « combattre la philosophie radicale, enracinée dans le marxisme, connue sous le nom de Théorie Critique de la Race », arguant que « là où Karl Marx divisait la société entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat opprimé, les adhérents de la Théorie Critique de la Race ont substitué la race aux distinctions économiques de Marx ». L’enjeu est dès lors d’empêcher la « corruption des enfants et des futures générations par la haine d’eux-mêmes et de leurs concitoyens [2]

      [2] Center For Renewing America, www.americarenewing....
       » que ces recherches promouvraient.

      Mais avant d’être contraint par les urnes de se retrancher dans l’activisme de la société civile, Vought était parvenu à convaincre le chef de l’État du bien-fondé de sa croisade. Le 22 septembre 2020, le Président Trump émettait un executive order, c’est-à-dire un décret présidentiel, interdisant à tous les prestataires de service sous contrat avec le gouvernement de mener des formations portant sur les questions de race et de sexe. Il entendait ainsi combattre un discours offensant et anti-américain qui crée des stéréotypes de race et de sexe et des boucs émissaires [3]

      [3] Presidential Documents, « Combatting Sex and Race...
       ». Or, comme c’est souvent le cas en Amérique du Nord, la vigilance religieuse avait anticipé et donné sa direction à l’action politique. C’est en effet dès 2019, au terme de son congrès annuel, que la Southern Baptist Convention avait émis une condamnation plus mesurée, mais toutefois ferme, de la Théorie Critique de la Race. Face à certaines résistances dans ses rangs, notamment du côté des pasteurs et des fidèles africains-américains, la plus importante congrégation protestante des États-Unis n’a depuis cessé de durcir ses positions sur le sujet.

      En mars 2021, quelques mois après sa prise de fonction, le Président Joe Biden prenait le parti d’annuler l’executive order de son prédécesseur, mais la définition de la CRT comme une intolérable corruption de la jeunesse s’était déjà imposée comme un thème central du discours conservateur états-unien. En Caroline du Nord, en Idaho ou encore à Rhode Island, les gouverneurs républicains ont pris des mesures pour bannir la Théorie Critique de la Race des cursus des institutions d’enseignement public. « Le niveau fédéral n’est pas en reste. En mai [2021], une trentaine d’élus républicains de la Chambre des représentants ont présenté un projet de loi, explicitement intitulé Stop CRT Act, visant à bannir les formations “à l’égalité raciale et à la diversité” dispensées aux employés fédéraux [4]

      [4] Stéphanie Le Bars, « La “critical race theory”, nouvel...
      . » Dans une nation qui a placé la garantie de la liberté d’expression au seuil de son texte le plus sacré, c’est-à-dire au cœur du premier article du Bill of Rights, ces restrictions exigeaient le déploiement d’une rhétorique d’exception : la CRT s’est ainsi vue assimilée à un discours totalitaire [5]

      [5] Arnold Kling, « The decentralized totalitarianism of...
      , ce qui faisait pour ainsi dire de son exclusion de l’espace public une affaire de sécurité publique.

      En octobre 2020, un mois après l’émission de l’executive order de Trump, les conservateurs britanniques s’emparent de son discours. La sous-secrétaire d’État parlementaire déléguée à l’égalité, Kemi Badenoch, affirme au terme d’un débat portant sur le mois de l’histoire des Noirs : « Toute école qui enseigne les éléments de la Théorie Critique de la Race ou qui promeut des vues politiques partisanes, telles que cesser de financer la police, sans offrir un traitement équilibré des vues opposées, est hors-la-loi [6]

      [6] Daniel Trilling, « Why is the UK government suddenly...
      . » Aux États-Unis où elle est née, bien qu’elle soit loin d’être aussi omniprésente que ne le laissent entendre le nombre et l’éminence de ses détracteurs, la CRT est ancrée dans le paysage académique. J’ai moi-même été recruté en 2019 par le département de philosophie de Villanova University pour occuper un poste d’Assistant Professor en Critical Race Theory. En Grande-Bretagne, en revanche, la discipline est plus marginale bien que, comme le souligne le sociologue de l’éducation Paul Warmington, le Royaume-Uni possède une solide tradition d’intellectuels noirs dont l’héritage entre facilement en résonance avec le projet de la CRT. Dans un élan panafricain, il souhaite que la rencontre de l’école américaine et de l’école britannique féconde une nouvelle génération d’intellectuels publics noirs [7]

      [7] Paul Warmington, « “A tradition in ceaseless motion” :...
      . Or c’est certainement cet avènement que les avertissements du gouvernement conservateur cherchent à dissuader en recourant aux frappes préventives de Kemi Badenoch, à l’heure où la révolte suscitée par le meurtre de George Floyd a embrasé l’opinion publique noire anglaise, conduisant des dizaines de milliers de manifestants dans les rues.

      En France, les assauts contre les études sur la race se sont développés selon leurs propres termes, et n’ont pas attendu les mesures de Trump pour gagner une place considérable dans la presse – bien que la solidarité conservatrice internationale ait indéniablement conforté cette hostilité, dès l’instant où Donald Trump et Boris Johnson apparurent comme soutiens opportuns. En janvier 2018, le mensuel d’extrême-droite Causeur fait paraître un dossier intitulé « Toulouse 2, la fac colonisée par les indigénistes ». « Indigénisme » désigne, dans le patois médiatique français, la doctrine politique de l’organisation antiraciste radicale des Indigènes de la République ; ce sera dès lors l’un des noms de code d’une CRT à la française, au côté d’autres néologismes dépréciatifs tels que « décolonialisme » ou « racialisme ». Il n’est pas certain que le texte de Causeur soit véritablement le premier du genre, mais j’en conserve un souvenir net car j’étais alors Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche en philosophie à l’Université de Toulouse, qui est mon Alma Mater, et que l’article me désignait comme l’un des « colonisateurs » de la fac. L’agenda politique suprémaciste blanc du magazine ne laissait guère de place au doute. Il suffisait pour s’en convaincre de se pencher sur le contenu comiquement raciste d’un autre article de la même auteure, dans le même numéro du même mensuel : « C’est un cliché mais c’est vrai : la culture africaine ne connaît pas l’individu. Le groupe seul existe, qui structure l’identité de chacun. Il est alors cohérent que la philosophie qui apprend à “penser par soi-même” soit vue comme une menace [8]

      [8] Anne-Sophie Nogaret, « La hallalisation des esprits »,...
      . » Voyant, effarée, le département de philosophie de l’Université de Toulouse déployer colloques, journées d’études et cours où Africains et Afrodescendants se faisaient fort de penser par eux-mêmes, le premier réflexe de la journaliste fut d’exiger l’interdiction de ce qu’elle croyait impossible. C’était bien elle qui tenait l’acte même de penser, et notamment celui des Noirs, pour une menace. Là où elle se trouve dans la vie de l’esprit, fort heureusement, elle est en sécurité.

      À la fin de l’année 2018, l’effroi face aux études sur la race avaient contaminé la presse de la droite traditionnelle, la presse centriste et la presse de gauche. Une tribune fortement médiatisée intitulée « Le “décolonialisme”, une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels » paraît fin novembre dans l’hebdomadaire conservateur Le Point. Il est à cet égard amusant de constater que, si le terme « décolonialisme » est placé entre guillemets comme s’il s’agissait d’une citation, il est fort peu usité par les chercheurs et militants francophones, lesquels privilégient « décolonial », comme adjectif aussi bien que comme substantif. La même semaine, l’hebdomadaire de centre-gauche L’Obs, publiait une enquête titrée « Les “décoloniaux” à l’assaut des universités ». En décembre 2018, dans Libération, quotidien réputé de gauche, l’influent éditorialiste Laurent Joffrin signait un éditorial intitulé « La gauche racialiste ». L’extrême-droite et la gauche convergent de plus en plus visiblement dans la détestation des réflexions sur la question raciale. Au cours des années suivantes, « enquêtes » et éditoriaux de ce genre sont devenus un marronnier, pour ne pas dire un genre littéraire à part entière de la presse française. Fatalement, ce discours de plus en plus omniprésent finit par contaminer le pouvoir exécutif. Dès juin 2020, le président Macron déclarait au Monde ses griefs à l’égard d’universitaires français coupables de « casser la République en deux [9]

      [9] Irène Ahmadi, « Macron juge le “monde universitaire...
       ». L’effet-Trump s’est fait sentir en février 2021, lorsque la Ministre chargée de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal joua son va-tout, annonçant son projet de commanditer une enquête au sujet de « l’islamo-gauchisme » au sein de l’université française, déplorant une énigmatique alliance intellectuelle du président Mao et de l’ayatollah Khomeiny dans les esprits des savants français.

      Ce livre porte sur les tendances pessimistes de la théorie africaine-américaine contemporaine. Force est de constater que l’aspect du discours universitaire sur la race qui génère le rejet le plus franc et le plus radical dans la presse et la parole politique, au point de susciter ces velléités d’interdiction, tient précisément à son pessimisme. Comme l’exprime le révérend Michael Wilhite, membre de la Southern Baptist Convention dans l’Indiana : « C’est simplement à l’opposé des évangiles. Dans la Théorie Critique de la Race, il n’y a pas d’espoir. Si vous êtes blanc, vous êtes automatiquement raciste à cause de la suprématie blanche. Mais dans les évangiles, il y a de l’espoir [10]

      [10] Propos rapportés dans : Chris Moody, « How Critical...
      . » Le décret présidentiel de Trump comme les formulations choisies par les différents États américains pour légitimer leur censure partagent la même philosophie : il s’agit toujours de conjurer l’idée selon laquelle les institutions étatiques américaines ou les personnes blanches seraient intrinsèquement enclines au racisme. De même, journalistes, éditorialistes et politiciens français refusent qu’une partie de l’opinion tienne simplement la République pour un projet dénué de perspective d’avenir pour les minorités. Fondamentalement, les conclusions des principaux auteurs de la CRT sont porteuses de désillusion, de désaffection, voire d’hostilité à l’égard de la démocratie libérale et de l’État. Comme l’explique l’un de ses principaux spécialistes contemporains, le philosophe africain-américain Tommy Curry :

      Les Blancs sont sidérés d’apprendre que les chercheurs noirs qui ont bâti la Théorie Critique de la Race ne souscrivent pas aux promesses de la démocratie occidentale, ni aux illusions selon lesquelles l’égalité raciale serait possible au sein des sociétés démocratiques blanches. Depuis le XIXe siècle, les chercheurs noirs ont insisté sur la permanence du racisme blanc aux États-Unis comme dans d’autres empires blancs. Contrairement aux représentations universitaires de figures noires américaines pleines d’espoir et investies dans l’expérience démocratique américaine, de nombreux penseurs noirs ont insisté sur la négrophobie qui souille perpétuellement les Noirs américains. Au cours des années 1800, les figures historiques noires ont associé la libération des leurs à la révolution (haïtienne), non à l’incorporation au sein des États-Unis. En Amérique et en Europe, l’idéal libéral démocratique dicte que le « problème racial » entre Noirs et Blancs, s’il demeure, conduit lentement les populations blanches vers davantage de conscience sociale et de compréhension raciale. Cet optimisme à l’égard du racisme anti-Noirs, ou de la myriade d’antipathies assimilant noirceur et africanité à l’infériorité, la sauvagerie et l’indignité dépend en dernière instance de la capacité des démocraties blanches à gérer la colère et la contestation des populations américaines et européennes noires lorsqu’elles comparent leur mortalité, leurs préjudices et leur pauvreté à la citoyenneté blanche [11]

      [11] Tommy J. Curry, « Racism and the equality delusion :...
      .

      Il s’agit donc, pour les ennemis de la CRT ou de la pensée décoloniale, d’enrayer la pérennisation de ce pessimisme pro-Noir qui tient l’État et la société civile blanche pour des institutions intrinsèquement injustes. Les discours officiels décrivent les Républiques américaine et française, ainsi que le Royaume-Uni, comme perpétuellement mus par la réforme et le progrès en faveur des minorités. Nous sommes invités à croire que l’esclavage, le colonialisme, l’impérialisme ou la ségrégation sont de l’histoire ancienne – non qu’ils se sont métamorphosés pour maintenir l’inégalité dans sa structure. Il s’agit donc, pour les gouvernements, de marginaliser les théories qui élaborent des outils pour comprendre l’optimisme étatique comme visant à perpétuer servitude et aliénation sous la bannière de la démocratie. Disons, en détournant une formule célèbre du Sud-Africain Steve Biko, que l’arme la plus puissante entre les mains de l’oppresseur est devenu l’espoir de l’opprimé. Il permet d’absorber jusqu’aux critiques du racisme structurel ou du racisme d’État, en interprétant ces derniers comme des étapes, des moments passagers, qui appellent la patience réformiste davantage que l’intervention radicale. Or c’est en désespérant du maître, du colon ou de l’exploiteur que l’on retrouve confiance en sa propre dignité et en ses propres forces. La crainte que les trois grandes nations impériales ont en partage réside dans la possibilité que les Noirs, et les autres personnes de couleur, cessent de les concevoir comme des lieux de progrès vers la justice, l’égalité et la tolérance, mais en viennent au contraire à les reconnaître comme des ordres étatiques fondamentalement définis par la déshumanisation raciste.
      ACTIVISME ET THÉORIE

      Ce bilan international d’une séquence médiatique et politique récente permet de tirer d’intéressantes conclusions quant aux contextes académiques des différentes nations. Aux États-Unis, l’émergence des études noires comme champ d’étude autonome fut un effet de bord des mouvements des années 1960 et 1970 où les étudiants de couleur eux-mêmes, par les moyens de la grève et de l’activisme, exigèrent la création de nouvelles disciplines. Au Royaume-Uni, l’Université de Birmingham City a ouvert à la rentrée 2017 le premier cursus en études noires du pays, et d’autres universités britanniques semblent s’orienter dans la même direction. Dans ce panorama, la France apparaît comme le pays où une certaine classe médiatique a mené campagne contre les études sur la race avec le plus d’entêtement et d’opiniâtreté, mais également celui où ces recherches sont le plus significativement sous-développées. C’est dire si leur potentiel apparaît explosif et menaçant aux yeux des garants du statu quo. En février 2021, le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac a accueilli une série de conférences (en ligne, à la faveur de la pandémie de COVID-19) intitulées « Préliminaires pour un Institut des études noires ». Le signe est encourageant, bien qu’il y ait à craindre que, si d’aventure le projet aboutissait, une approche plus consensuelle que celle qui présida à la création de la discipline outre-Atlantique et outre-Manche risquerait d’être privilégiée.

      L’absence des études noires dans l’espace public français et son revers, la sclérose de logiques disciplinaires restreintes et routinières, est sans doute en partie responsable de la teneur des débats sur le « décolonialisme ». Malgré l’intensité des attaques répétées menées contre les chercheurs, ces derniers préfèrent souvent demeurer sur la défensive, s’abritant derrière leurs titres et leur discipline pour asseoir leur légitimité. Il n’est pas certain que ce terrain leur soit le plus favorable. En mai 2021, la sociologue Nathalie Heinich faisait paraître un bref pamphlet dénonçant l’alliance, à ses yeux contre-nature, de l’activisme et du travail universitaire. Elle y prend fait et cause pour une neutralité qui, à ses yeux, « consiste à s’abstenir de jugements sur les objets relevant de valeurs morales, religieuses ou politiques – ce qui autorise bien sûr l’expression de jugements proprement épistémiques sur les concepts, les méthodes, les travaux des pairs (et notamment leur respect ou non de l’impératif de neutralité axiologique) [12]

      [12] Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la...
       ». Dès lors, tout discours qui relèvera de la politique, de la morale ou de la religion sera subsumé sous la catégorie de « l’opinion » et deviendra indésirable dans la parole universitaire.

      Heinich fait comme si ces jugements de valeur étaient nécessairement arbitraires ou hasardeux et ne pouvaient pas, au contraire, être le fruit d’une série d’arguments, de preuves et d’expériences partagées, soumis à la sagacité du « public qui lit ». La démocratie américaine, le projet communiste, le nationalisme noir ou le féminisme ne sont pas de simples opinions. Elles prétendent à la vérité sur la base d’arguments rationnels et de vécus communs. En limitant le jugement sociologique à la détection des manquements à la neutralité axiologique, Heinich formule l’idéal d’une science sociale de petits procéduriers, en quête perpétuelle du vice de forme, mais sans avocat capable de plaider sur le fond. C’est ce que le philosophe jamaïcain Lewis Gordon a qualifié de « décadence disciplinaire [13]

      [13] Lewis R. Gordon, Disciplinary decadence. Living...
       » : la discipline universitaire n’est plus une façon d’accéder à un jugement sur le monde informé, argumenté, et donc plausible, mais devient un système autoréférentiel et fermé qui se contente de décerner des certificats de réussite ou de détecter des manquements à des critères qui ne valent que pour ses praticiens [14]

      [14] Heinich s’alarme que l’université française finance...
      . Si l’intégrité des sciences expérimentales dépend de cette indépendance, il n’en va pas de même des sciences de la culture qui, écrites en langage ordinaire et portant sur des objets d’intérêt public, sont condamnées au dialogue interdisciplinaire et avec l’espace public. Déplorant le manque d’originalité, la médiocrité et l’absence de toute « autonomie de la science [15]

      [15] Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la...
       » depuis son calfeutrage disciplinaire, Heinich définit un idéal théorique déjà moqué par l’historien des sciences Georges Canguilhem voilà plus d’un demi-siècle : « savoir pour savoir ce n’est guère plus sensé que manger pour manger, ou tuer pour tuer, ou rire pour rire, puisque c’est à la fois l’aveu que le savoir doit avoir un sens et le refus de lui trouver un autre sens que lui-même [16]. »

      L’absence des études noires en France et l’assurance avec laquelle Nathalie Heinich déploie son argumentaire erroné sont deux symptômes d’un mal plus profond : le retrait de la perspective issue des théories critiques, c’est-à-dire le primat de la méthode sur la légitimité des valeurs mobilisées pour évaluer le monde aussi bien que la théorie. Le véritable défaut des « studies » à la française, que Heinich attaque sans relâche dans son opuscule, est précisément de demeurer trop tributaires de la sclérose des sciences sociales françaises et de n’avoir pas franchement embrassé une méthode critique. Dans un texte fameux 1937, le philosophe allemand Max Horkheimer opposait ce qu’il nommait la théorie traditionnelle à la théorie critique d’inspiration marxiste dont il entendait poser les bases. La théorie traditionnelle se pense neutre, détachée des enjeux sociaux et politiques, des prises de parti et des jugements quant à l’ordre du monde. Mais c’est oublier que, comme le souligne Horkheimer, « le fait que […] des opinions nouvelles parviennent à s’imposer s’inscrit toujours dans le contexte d’une situation historique concrète, même si le savant n’est personnellement déterminé que par des motivations scientifiques [17]. » La posture non-militante revendiquée par certains chercheurs présuppose une approbation des conditions sociales de production de la recherche et de ses buts. Considérer que dans la recherche en sciences humaines et sociales, « une fois franchi le seuil des amphithéâtres, une fois soumis à une revue scientifique à expertise par les pairs, un enseignement ou un article devrait s’affranchir de toute visée politique ou morale au profit de la seule visée épistémique [18] », revient à tenir le contexte social de production de ces travaux pour pleinement satisfaisant. Dans son concept même, la « neutralité » de la théorie « non-militante » ou traditionnelle est un militantisme radical en faveur de l’ordre du monde actuel. C’est pourquoi la méthodologie, foncièrement inoffensive pour l’ordre du monde, a remplacé la théorie. Dans un texte classique du mouvement, le théoricien critique de la race et professeur de droit Richard Delgado arrivait à des conclusions similaires à l’occasion d’une réflexion sur la marginalisation des auteurs noirs au sein de la recherche nord-américaine sur les droits civiques : "Il pourrait être avancé que les auteurs issus des minorités qui écrivent sur la question raciale ne sont pas objectifs et que la passion et la colère les rendent inaptes à la raison ou à une expression claire, alors que les auteurs blancs sont au-dessus des intérêts personnels et se rendent ainsi capables de penser et d’écrire objectivement. Cela n’est cependant pas crédible, car cela présuppose que les auteurs blancs n’ont aucun intérêt au maintien du statu quo [19]."

      Dans le débat français, le rapport entre pratique universitaire et militantisme est surtout défini comme néfaste lorsqu’il est le fait des théoriciens critiques de la race ou des « décoloniaux ». Le fameux « appel des 80 intellectuels » mentionné plus haut est emblématique de ce biais. Il combine deux lignes argumentatives. D’une part, la dénonciation de chercheurs militants qui tentent de « faire passer leur idéologie pour vérité scientifique », et le rappel à l’ordre des universitaires : « Les critères élémentaires de scientificité doivent être respectés. »

      Mais, dans le même temps, les 80 dénoncent des intellectuels décoloniaux qui « attaquent frontalement l’universalisme républicain » et affirment que les « autorités et les institutions […] ne doivent plus être utilisées contre la République [20] ». Le problème auquel nous sommes confrontés est que ce bizarre attelage, où une critique prétendument intransigeante des idéologies se combine à une défense enamourée de l’idéologie républicaine n’est pas un paradoxe. Il procède moins d’une faute d’inattention quelque part au milieu d’une tribune rédigée à la hâte que de la structure même du champ intellectuel français. L’historien Claude Nicolet fait remonter cette attitude à la fin du XVIIIe siècle, avec le philosophe Antoine Destutt de Tracy et sa Société des Idéologues, pour lesquels « la pensée républicaine française se présente aussi comme une philosophie de la connaissance [21] ». En d’autres termes, il n’y a dans l’esprit des intellectuels français pas de contradiction entre l’exaltation de la République et une prétention scientifique héritée du positivisme d’Auguste Comte. Bien au contraire : le républicanisme est redéfini, non plus comme une forme institutionnelle parmi d’autres, mais comme la condition de possibilité même de la rationalité et de la science positive.

      Les sociologues, critiques littéraires, politistes, philosophes ou linguistes qui répondent aux assauts conservateurs en arguant de leur rigueur méthodologique et de l’autonomie de leur discipline se méprennent donc : aux yeux de ces adversaires, leur scientificité ne sera avérée que lorsqu’ils feront leur une apologie sans nuance de la République française, conçue comme l’unique paradis possible pour la recherche de la vérité. Revendiquer la fondation d’études noires dans ce contexte revient à interrompre cette perpétuelle glorification de la République au profit d’un véritable pluralisme, décliné en deux conditions sine qua non. Premièrement, un pluralisme des usages de la raison, qui ne sauraient se limiter à la neutralité prônée par Nathalie Heinich et ses semblables. Des théories critiques fondées sur des usages dialectiques, discursifs, et non simplement « scientifiques » de la raison sont indispensables au renouvellement méthodologique d’un système universitaire encore guidé par les idéaux positivistes du XIXe siècle qui se sont heurtés au mur de l’histoire sans que leur échec ne trouble la routine de tous les chercheurs français. Deuxièmement, il faudra encourager un pluralisme des normes éthiques et des idéaux sociaux à partir desquels nous évaluons la réalité. Dans les démocraties libérales même les plus hostiles aux minorités, les universités ont souvent ménagé quelques lieux d’expression de la dissension. Si elle se veut fidèle à sa promesse millénaire, elle doit être l’un des lieux où envisager un idéal politique non républicain, fondé sur une autre trajectoire historique et une autre normativité politique.

      Du fait de son traditionalisme épistémologique, mais surtout de son opposition au mariage gay [22], Nathalie Heinich est généralement considérée comme une intellectuelle conservatrice. Toutefois, la méfiance vis-à-vis d’une possible émergence en France des études sur la race ou des études noires est disciplinaire au moins autant qu’elle est politique. Ainsi un sociologue se revendiquant pour sa part d’une gauche sans adjuvant, Philippe Corcuff, diagnostique-t-il lui aussi une sorte de déviation militante – et ce plus précisément au sein de mon propre travail. Contrairement à Heinich, il ne s’attaque pas au militantisme universitaire « en soi », mais plutôt à une façon spécifique de l’interpréter. Ainsi déplore-t-il la convergence de « l’arrogance philosophique vis-à-vis de sciences sociales rapetissées » et du « désir du militant [23] » dont mon premier livre, La Dignité ou la Mort, offrirait le désolant spectacle. Or il me semble au contraire regrettable que cette convergence ne soit pas réalisée de façon plus systématique. L’alliance de la synthèse philosophique et de l’analyse stratégique militante telle qu’elle s’est largement scellée au cours des XIXe et XXe siècle chez Marx, Lénine, Antonio Gramsci, Mao, Kwame Nkrumah, Frantz Fanon, Angela Davis, parmi beaucoup d’autres, a produit des effets qui ont changé la face du monde. Chacun à sa façon a milité en philosophe et philosophé en militant. Au-delà de leurs considérables différences, ces auteurs partagent au moins un point commun significatif : sinon une même vision de l’histoire, une même notion de l’histoire, aujourd’hui délaissée par les sciences sociales et la théorie politique constructivistes dont Corcuff se fait le porte-parole.

      Les « philosophes-militants » ont longtemps défini l’histoire comme un massif dense et solide, une trajectoire apparemment inébranlable, face à laquelle il fallait rassembler tous les efforts stratégiques et organisationnels possibles. Face à un ordre du monde analysé comme une totalité hostile contre laquelle, pour reprendre une formule de Herbert Marcuse, ils durent recourir à « une faculté mentale en danger de disparition : le pouvoir de la pensée négative [24] ». Mais, sous l’influence conjuguée de Foucault, de la sociologie critique et du poststructuralisme [25], la pensée négative a été décrédibilisée et le concept d’histoire en est venu à signifier tout l’inverse. Ce qui est historique n’est plus le produit de forces expropriatrices, oppressives ou civilisationnelles puissantes et anciennes ; c’est au contraire ce qui aurait pu être absolument différent, le contingent. L’historicité d’une chose est devenue son caractère révocable, fluide, dénué de substance [26].

      Pour des études noires sans compromis

      Norman Ajari
      paru dans lundimatin#321, le 10 janvier 2022
      Appel à dons

      Les 7 et 8 janvier, se tenait à la Sorbonne un colloque intitulé Après la déconstruction. Reconstruire les sciences et la culture. Introduit par Jean-Michel Blanquer himself, un parterre d’universitaires réactionnaires s’y est retrouvé pour disserter de la lourde menace que ferait peser la recherche critique sur la bonne moralité de ses étudiants. La sulfureuse question du « wokisme » y a d’ailleurs été évoquée frontalement. Si scientifiquement les interventions semblent avoir été à la hauteur de toutes les attentes, le caniveaux, l’audace et la vulgarité de l’opération n’en sont pas moins significatives. Comme on ne rit jamais très longtemps de pareille déchéance, nous publions en guise de réponse indirecte, l’introduction de Noirceur le dernier livre de Norman Ajari qui paraît à point nommé le 14 janvier prochains aux Éditions Divergences. Il y est précisément question du spectre qui hante certaines têtes blanches ou chauves.

      Un spectre hante l’université occidentale : le spectre de la Critical Race Theory (CRT). Politiques et éditorialistes de la vieille Europe et du Nouveau Monde se sont unis en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le Président Trump et le Président Macron, Fox News et Libération, les républicains de France et les conservateurs de Grande-Bretagne. Partout, la Théorie Critique de la Race est déclarée ennemie publique, corruptrice de la jeunesse et traîtresse à la science. Nous assistons, dans une partie grandissante du monde occidental, à une attaque, concertée et sans relâche, contre les universitaires menant des recherches sur la question raciale.

      LA THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE COMME ENNEMIE PUBLIQUE

      C’est aux États-Unis que la réaction fut la plus spectaculaire : le 4 septembre 2020, le directeur du Bureau de la gestion et du budget états-unien, Russell Vought, émettait un mémorandum vilipendant des formations centrées sur la question raciale supposées inviter les fonctionnaires à « croire à une propagande anti-américaine qui crée la division [1] ». À l’issue du mandat du Président Donald Trump, ce juriste conservateur a fondé le Center for Renewing America, un think tank dont le principal objectif consiste à « combattre la philosophie radicale, enracinée dans le marxisme, connue sous le nom de Théorie Critique de la Race », arguant que « là où Karl Marx divisait la société entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat opprimé, les adhérents de la Théorie Critique de la Race ont substitué la race aux distinctions économiques de Marx ». L’enjeu est dès lors d’empêcher la « corruption des enfants et des futures générations par la haine d’eux-mêmes et de leurs concitoyens [2] » que ces recherches promouvraient.

      Mais avant d’être contraint par les urnes de se retrancher dans l’activisme de la société civile, Vought était parvenu à convaincre le chef de l’État du bien-fondé de sa croisade. Le 22 septembre 2020, le Président Trump émettait un executive order, c’est-à-dire un décret présidentiel, interdisant à tous les prestataires de service sous contrat avec le gouvernement de mener des formations portant sur les questions de race et de sexe. Il entendait ainsi combattre un discours offensant et anti-américain qui crée des stéréotypes de race et de sexe et des boucs émissaires [3] ». Or, comme c’est souvent le cas en Amérique du Nord, la vigilance religieuse avait anticipé et donné sa direction à l’action politique. C’est en effet dès 2019, au terme de son congrès annuel, que la Southern Baptist Convention avait émis une condamnation plus mesurée, mais toutefois ferme, de la Théorie Critique de la Race. Face à certaines résistances dans ses rangs, notamment du côté des pasteurs et des fidèles africains-américains, la plus importante congrégation protestante des États-Unis n’a depuis cessé de durcir ses positions sur le sujet.

      En mars 2021, quelques mois après sa prise de fonction, le Président Joe Biden prenait le parti d’annuler l’executive order de son prédécesseur, mais la définition de la CRT comme une intolérable corruption de la jeunesse s’était déjà imposée comme un thème central du discours conservateur états-unien. En Caroline du Nord, en Idaho ou encore à Rhode Island, les gouverneurs républicains ont pris des mesures pour bannir la Théorie Critique de la Race des cursus des institutions d’enseignement public. « Le niveau fédéral n’est pas en reste. En mai [2021], une trentaine d’élus républicains de la Chambre des représentants ont présenté un projet de loi, explicitement intitulé Stop CRT Act, visant à bannir les formations “à l’égalité raciale et à la diversité” dispensées aux employés fédéraux [4]. » Dans une nation qui a placé la garantie de la liberté d’expression au seuil de son texte le plus sacré, c’est-à-dire au cœur du premier article du Bill of Rights, ces restrictions exigeaient le déploiement d’une rhétorique d’exception : la CRT s’est ainsi vue assimilée à un discours totalitaire [5], ce qui faisait pour ainsi dire de son exclusion de l’espace public une affaire de sécurité publique.

      En octobre 2020, un mois après l’émission de l’executive order de Trump, les conservateurs britanniques s’emparent de son discours. La sous-secrétaire d’État parlementaire déléguée à l’égalité, Kemi Badenoch, affirme au terme d’un débat portant sur le mois de l’histoire des Noirs : « Toute école qui enseigne les éléments de la Théorie Critique de la Race ou qui promeut des vues politiques partisanes, telles que cesser de financer la police, sans offrir un traitement équilibré des vues opposées, est hors-la-loi [6]. » Aux États-Unis où elle est née, bien qu’elle soit loin d’être aussi omniprésente que ne le laissent entendre le nombre et l’éminence de ses détracteurs, la CRT est ancrée dans le paysage académique. J’ai moi-même été recruté en 2019 par le département de philosophie de Villanova University pour occuper un poste d’Assistant Professor en Critical Race Theory. En Grande-Bretagne, en revanche, la discipline est plus marginale bien que, comme le souligne le sociologue de l’éducation Paul Warmington, le Royaume-Uni possède une solide tradition d’intellectuels noirs dont l’héritage entre facilement en résonance avec le projet de la CRT. Dans un élan panafricain, il souhaite que la rencontre de l’école américaine et de l’école britannique féconde une nouvelle génération d’intellectuels publics noirs [7]. Or c’est certainement cet avènement que les avertissements du gouvernement conservateur cherchent à dissuader en recourant aux frappes préventives de Kemi Badenoch, à l’heure où la révolte suscitée par le meurtre de George Floyd a embrasé l’opinion publique noire anglaise, conduisant des dizaines de milliers de manifestants dans les rues.

      En France, les assauts contre les études sur la race se sont développés selon leurs propres termes, et n’ont pas attendu les mesures de Trump pour gagner une place considérable dans la presse – bien que la solidarité conservatrice internationale ait indéniablement conforté cette hostilité, dès l’instant où Donald Trump et Boris Johnson apparurent comme soutiens opportuns. En janvier 2018, le mensuel d’extrême-droite Causeur fait paraître un dossier intitulé « Toulouse 2, la fac colonisée par les indigénistes ». « Indigénisme » désigne, dans le patois médiatique français, la doctrine politique de l’organisation antiraciste radicale des Indigènes de la République ; ce sera dès lors l’un des noms de code d’une CRT à la française, au côté d’autres néologismes dépréciatifs tels que « décolonialisme » ou « racialisme ». Il n’est pas certain que le texte de Causeur soit véritablement le premier du genre, mais j’en conserve un souvenir net car j’étais alors Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche en philosophie à l’Université de Toulouse, qui est mon Alma Mater, et que l’article me désignait comme l’un des « colonisateurs » de la fac. L’agenda politique suprémaciste blanc du magazine ne laissait guère de place au doute. Il suffisait pour s’en convaincre de se pencher sur le contenu comiquement raciste d’un autre article de la même auteure, dans le même numéro du même mensuel : « C’est un cliché mais c’est vrai : la culture africaine ne connaît pas l’individu. Le groupe seul existe, qui structure l’identité de chacun. Il est alors cohérent que la philosophie qui apprend à “penser par soi-même” soit vue comme une menace [8]. » Voyant, effarée, le département de philosophie de l’Université de Toulouse déployer colloques, journées d’études et cours où Africains et Afrodescendants se faisaient fort de penser par eux-mêmes, le premier réflexe de la journaliste fut d’exiger l’interdiction de ce qu’elle croyait impossible. C’était bien elle qui tenait l’acte même de penser, et notamment celui des Noirs, pour une menace. Là où elle se trouve dans la vie de l’esprit, fort heureusement, elle est en sécurité.

      À la fin de l’année 2018, l’effroi face aux études sur la race avaient contaminé la presse de la droite traditionnelle, la presse centriste et la presse de gauche. Une tribune fortement médiatisée intitulée « Le “décolonialisme”, une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels » paraît fin novembre dans l’hebdomadaire conservateur Le Point. Il est à cet égard amusant de constater que, si le terme « décolonialisme » est placé entre guillemets comme s’il s’agissait d’une citation, il est fort peu usité par les chercheurs et militants francophones, lesquels privilégient « décolonial », comme adjectif aussi bien que comme substantif. La même semaine, l’hebdomadaire de centre-gauche L’Obs, publiait une enquête titrée « Les “décoloniaux” à l’assaut des universités ». En décembre 2018, dans Libération, quotidien réputé de gauche, l’influent éditorialiste Laurent Joffrin signait un éditorial intitulé « La gauche racialiste ». L’extrême-droite et la gauche convergent de plus en plus visiblement dans la détestation des réflexions sur la question raciale. Au cours des années suivantes, « enquêtes » et éditoriaux de ce genre sont devenus un marronnier, pour ne pas dire un genre littéraire à part entière de la presse française. Fatalement, ce discours de plus en plus omniprésent finit par contaminer le pouvoir exécutif. Dès juin 2020, le président Macron déclarait au Monde ses griefs à l’égard d’universitaires français coupables de « casser la République en deux [9] ». L’effet-Trump s’est fait sentir en février 2021, lorsque la Ministre chargée de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal joua son va-tout, annonçant son projet de commanditer une enquête au sujet de « l’islamo-gauchisme » au sein de l’université française, déplorant une énigmatique alliance intellectuelle du président Mao et de l’ayatollah Khomeiny dans les esprits des savants français.

      Ce livre porte sur les tendances pessimistes de la théorie africaine-américaine contemporaine. Force est de constater que l’aspect du discours universitaire sur la race qui génère le rejet le plus franc et le plus radical dans la presse et la parole politique, au point de susciter ces velléités d’interdiction, tient précisément à son pessimisme. Comme l’exprime le révérend Michael Wilhite, membre de la Southern Baptist Convention dans l’Indiana : « C’est simplement à l’opposé des évangiles. Dans la Théorie Critique de la Race, il n’y a pas d’espoir. Si vous êtes blanc, vous êtes automatiquement raciste à cause de la suprématie blanche. Mais dans les évangiles, il y a de l’espoir [10]. » Le décret présidentiel de Trump comme les formulations choisies par les différents États américains pour légitimer leur censure partagent la même philosophie : il s’agit toujours de conjurer l’idée selon laquelle les institutions étatiques américaines ou les personnes blanches seraient intrinsèquement enclines au racisme. De même, journalistes, éditorialistes et politiciens français refusent qu’une partie de l’opinion tienne simplement la République pour un projet dénué de perspective d’avenir pour les minorités. Fondamentalement, les conclusions des principaux auteurs de la CRT sont porteuses de désillusion, de désaffection, voire d’hostilité à l’égard de la démocratie libérale et de l’État. Comme l’explique l’un de ses principaux spécialistes contemporains, le philosophe africain-américain Tommy Curry :

      Les Blancs sont sidérés d’apprendre que les chercheurs noirs qui ont bâti la Théorie Critique de la Race ne souscrivent pas aux promesses de la démocratie occidentale, ni aux illusions selon lesquelles l’égalité raciale serait possible au sein des sociétés démocratiques blanches. Depuis le XIXe siècle, les chercheurs noirs ont insisté sur la permanence du racisme blanc aux États-Unis comme dans d’autres empires blancs. Contrairement aux représentations universitaires de figures noires américaines pleines d’espoir et investies dans l’expérience démocratique américaine, de nombreux penseurs noirs ont insisté sur la négrophobie qui souille perpétuellement les Noirs américains. Au cours des années 1800, les figures historiques noires ont associé la libération des leurs à la révolution (haïtienne), non à l’incorporation au sein des États-Unis. En Amérique et en Europe, l’idéal libéral démocratique dicte que le « problème racial » entre Noirs et Blancs, s’il demeure, conduit lentement les populations blanches vers davantage de conscience sociale et de compréhension raciale. Cet optimisme à l’égard du racisme anti-Noirs, ou de la myriade d’antipathies assimilant noirceur et africanité à l’infériorité, la sauvagerie et l’indignité dépend en dernière instance de la capacité des démocraties blanches à gérer la colère et la contestation des populations américaines et européennes noires lorsqu’elles comparent leur mortalité, leurs préjudices et leur pauvreté à la citoyenneté blanche [11]. .

      Il s’agit donc, pour les ennemis de la CRT ou de la pensée décoloniale, d’enrayer la pérennisation de ce pessimisme pro-Noir qui tient l’État et la société civile blanche pour des institutions intrinsèquement injustes. Les discours officiels décrivent les Républiques américaine et française, ainsi que le Royaume-Uni, comme perpétuellement mus par la réforme et le progrès en faveur des minorités. Nous sommes invités à croire que l’esclavage, le colonialisme, l’impérialisme ou la ségrégation sont de l’histoire ancienne – non qu’ils se sont métamorphosés pour maintenir l’inégalité dans sa structure. Il s’agit donc, pour les gouvernements, de marginaliser les théories qui élaborent des outils pour comprendre l’optimisme étatique comme visant à perpétuer servitude et aliénation sous la bannière de la démocratie. Disons, en détournant une formule célèbre du Sud-Africain Steve Biko, que l’arme la plus puissante entre les mains de l’oppresseur est devenu l’espoir de l’opprimé. Il permet d’absorber jusqu’aux critiques du racisme structurel ou du racisme d’État, en interprétant ces derniers comme des étapes, des moments passagers, qui appellent la patience réformiste davantage que l’intervention radicale. Or c’est en désespérant du maître, du colon ou de l’exploiteur que l’on retrouve confiance en sa propre dignité et en ses propres forces. La crainte que les trois grandes nations impériales ont en partage réside dans la possibilité que les Noirs, et les autres personnes de couleur, cessent de les concevoir comme des lieux de progrès vers la justice, l’égalité et la tolérance, mais en viennent au contraire à les reconnaître comme des ordres étatiques fondamentalement définis par la déshumanisation raciste.

      ACTIVISME ET THÉORIE

      Ce bilan international d’une séquence médiatique et politique récente permet de tirer d’intéressantes conclusions quant aux contextes académiques des différentes nations. Aux États-Unis, l’émergence des études noires comme champ d’étude autonome fut un effet de bord des mouvements des années 1960 et 1970 où les étudiants de couleur eux-mêmes, par les moyens de la grève et de l’activisme, exigèrent la création de nouvelles disciplines. Au Royaume-Uni, l’Université de Birmingham City a ouvert à la rentrée 2017 le premier cursus en études noires du pays, et d’autres universités britanniques semblent s’orienter dans la même direction. Dans ce panorama, la France apparaît comme le pays où une certaine classe médiatique a mené campagne contre les études sur la race avec le plus d’entêtement et d’opiniâtreté, mais également celui où ces recherches sont le plus significativement sous-développées. C’est dire si leur potentiel apparaît explosif et menaçant aux yeux des garants du statu quo. En février 2021, le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac a accueilli une série de conférences (en ligne, à la faveur de la pandémie de COVID-19) intitulées « Préliminaires pour un Institut des études noires ». Le signe est encourageant, bien qu’il y ait à craindre que, si d’aventure le projet aboutissait, une approche plus consensuelle que celle qui présida à la création de la discipline outre-Atlantique et outre-Manche risquerait d’être privilégiée.

      L’absence des études noires dans l’espace public français et son revers, la sclérose de logiques disciplinaires restreintes et routinières, est sans doute en partie responsable de la teneur des débats sur le « décolonialisme ». Malgré l’intensité des attaques répétées menées contre les chercheurs, ces derniers préfèrent souvent demeurer sur la défensive, s’abritant derrière leurs titres et leur discipline pour asseoir leur légitimité. Il n’est pas certain que ce terrain leur soit le plus favorable. En mai 2021, la sociologue Nathalie Heinich faisait paraître un bref pamphlet dénonçant l’alliance, à ses yeux contre-nature, de l’activisme et du travail universitaire. Elle y prend fait et cause pour une neutralité qui, à ses yeux, « consiste à s’abstenir de jugements sur les objets relevant de valeurs morales, religieuses ou politiques – ce qui autorise bien sûr l’expression de jugements proprement épistémiques sur les concepts, les méthodes, les travaux des pairs (et notamment leur respect ou non de l’impératif de neutralité axiologique) [12] ». Dès lors, tout discours qui relèvera de la politique, de la morale ou de la religion sera subsumé sous la catégorie de « l’opinion » et deviendra indésirable dans la parole universitaire.

      Heinich fait comme si ces jugements de valeur étaient nécessairement arbitraires ou hasardeux et ne pouvaient pas, au contraire, être le fruit d’une série d’arguments, de preuves et d’expériences partagées, soumis à la sagacité du « public qui lit ». La démocratie américaine, le projet communiste, le nationalisme noir ou le féminisme ne sont pas de simples opinions. Elles prétendent à la vérité sur la base d’arguments rationnels et de vécus communs. En limitant le jugement sociologique à la détection des manquements à la neutralité axiologique, Heinich formule l’idéal d’une science sociale de petits procéduriers, en quête perpétuelle du vice de forme, mais sans avocat capable de plaider sur le fond. C’est ce que le philosophe jamaïcain Lewis Gordon a qualifié de « décadence disciplinaire [13] » : la discipline universitaire n’est plus une façon d’accéder à un jugement sur le monde informé, argumenté, et donc plausible, mais devient un système autoréférentiel et fermé qui se contente de décerner des certificats de réussite ou de détecter des manquements à des critères qui ne valent que pour ses praticiens [14]. Si l’intégrité des sciences expérimentales dépend de cette indépendance, il n’en va pas de même des sciences de la culture qui, écrites en langage ordinaire et portant sur des objets d’intérêt public, sont condamnées au dialogue interdisciplinaire et avec l’espace public. Déplorant le manque d’originalité, la médiocrité et l’absence de toute « autonomie de la science [15] » depuis son calfeutrage disciplinaire, Heinich définit un idéal théorique déjà moqué par l’historien des sciences Georges Canguilhem voilà plus d’un demi-siècle : « savoir pour savoir ce n’est guère plus sensé que manger pour manger, ou tuer pour tuer, ou rire pour rire, puisque c’est à la fois l’aveu que le savoir doit avoir un sens et le refus de lui trouver un autre sens que lui-même [16]. »

      L’absence des études noires en France et l’assurance avec laquelle Nathalie Heinich déploie son argumentaire erroné sont deux symptômes d’un mal plus profond : le retrait de la perspective issue des théories critiques, c’est-à-dire le primat de la méthode sur la légitimité des valeurs mobilisées pour évaluer le monde aussi bien que la théorie. Le véritable défaut des « studies » à la française, que Heinich attaque sans relâche dans son opuscule, est précisément de demeurer trop tributaires de la sclérose des sciences sociales françaises et de n’avoir pas franchement embrassé une méthode critique. Dans un texte fameux 1937, le philosophe allemand Max Horkheimer opposait ce qu’il nommait la théorie traditionnelle à la théorie critique d’inspiration marxiste dont il entendait poser les bases. La théorie traditionnelle se pense neutre, détachée des enjeux sociaux et politiques, des prises de parti et des jugements quant à l’ordre du monde. Mais c’est oublier que, comme le souligne Horkheimer, « le fait que […] des opinions nouvelles parviennent à s’imposer s’inscrit toujours dans le contexte d’une situation historique concrète, même si le savant n’est personnellement déterminé que par des motivations scientifiques [17] ». La posture non-militante revendiquée par certains chercheurs présuppose une approbation des conditions sociales de production de la recherche et de ses buts. Considérer que dans la recherche en sciences humaines et sociales, « une fois franchi le seuil des amphithéâtres, une fois soumis à une revue scientifique à expertise par les pairs, un enseignement ou un article devrait s’affranchir de toute visée politique ou morale au profit de la seule visée épistémique [18] », revient à tenir le contexte social de production de ces travaux pour pleinement satisfaisant. Dans son concept même, la « neutralité » de la théorie « non-militante » ou traditionnelle est un militantisme radical en faveur de l’ordre du monde actuel. C’est pourquoi la méthodologie, foncièrement inoffensive pour l’ordre du monde, a remplacé la théorie. Dans un texte classique du mouvement, le théoricien critique de la race et professeur de droit Richard Delgado arrivait à des conclusions similaires à l’occasion d’une réflexion sur la marginalisation des auteurs noirs au sein de la recherche nord-américaine sur les droits civiques :

      Il pourrait être avancé que les auteurs issus des minorités qui écrivent sur la question raciale ne sont pas objectifs et que la passion et la colère les rendent inaptes à la raison ou à une expression claire, alors que les auteurs blancs sont au-dessus des intérêts personnels et se rendent ainsi capables de penser et d’écrire objectivement. Cela n’est cependant pas crédible, car cela présuppose que les auteurs blancs n’ont aucun intérêt au maintien du statu quo [19].

      Dans le débat français, le rapport entre pratique universitaire et militantisme est surtout défini comme néfaste lorsqu’il est le fait des théoriciens critiques de la race ou des « décoloniaux ». Le fameux « appel des 80 intellectuels » mentionné plus haut est emblématique de ce biais. Il combine deux lignes argumentatives. D’une part, la dénonciation de chercheurs militants qui tentent de « faire passer leur idéologie pour vérité scientifique », et le rappel à l’ordre des universitaires : « Les critères élémentaires de scientificité doivent être respectés. »

      Mais, dans le même temps, les 80 dénoncent des intellectuels décoloniaux qui « attaquent frontalement l’universalisme républicain » et affirment que les « autorités et les institutions […] ne doivent plus être utilisées contre la République [20] ». Le problème auquel nous sommes confrontés est que ce bizarre attelage, où une critique prétendument intransigeante des idéologies se combine à une défense enamourée de l’idéologie républicaine n’est pas un paradoxe. Il procède moins d’une faute d’inattention quelque part au milieu d’une tribune rédigée à la hâte que de la structure même du champ intellectuel français. L’historien Claude Nicolet fait remonter cette attitude à la fin du XVIIIe siècle, avec le philosophe Antoine Destutt de Tracy et sa Société des Idéologues, pour lesquels « la pensée républicaine française se présente aussi comme une philosophie de la connaissance [21] ». En d’autres termes, il n’y a dans l’esprit des intellectuels français pas de contradiction entre l’exaltation de la République et une prétention scientifique héritée du positivisme d’Auguste Comte. Bien au contraire : le républicanisme est redéfini, non plus comme une forme institutionnelle parmi d’autres, mais comme la condition de possibilité même de la rationalité et de la science positive.

      Les sociologues, critiques littéraires, politistes, philosophes ou linguistes qui répondent aux assauts conservateurs en arguant de leur rigueur méthodologique et de l’autonomie de leur discipline se méprennent donc : aux yeux de ces adversaires, leur scientificité ne sera avérée que lorsqu’ils feront leur une apologie sans nuance de la République française, conçue comme l’unique paradis possible pour la recherche de la vérité. Revendiquer la fondation d’études noires dans ce contexte revient à interrompre cette perpétuelle glorification de la République au profit d’un véritable pluralisme, décliné en deux conditions sine qua non. Premièrement, un pluralisme des usages de la raison, qui ne sauraient se limiter à la neutralité prônée par Nathalie Heinich et ses semblables. Des théories critiques fondées sur des usages dialectiques, discursifs, et non simplement « scientifiques » de la raison sont indispensables au renouvellement méthodologique d’un système universitaire encore guidé par les idéaux positivistes du XIXe siècle qui se sont heurtés au mur de l’histoire sans que leur échec ne trouble la routine de tous les chercheurs français. Deuxièmement, il faudra encourager un pluralisme des normes éthiques et des idéaux sociaux à partir desquels nous évaluons la réalité. Dans les démocraties libérales même les plus hostiles aux minorités, les universités ont souvent ménagé quelques lieux d’expression de la dissension. Si elle se veut fidèle à sa promesse millénaire, elle doit être l’un des lieux où envisager un idéal politique non républicain, fondé sur une autre trajectoire historique et une autre normativité politique.

      Du fait de son traditionalisme épistémologique, mais surtout de son opposition au mariage gay [22], Nathalie Heinich est généralement considérée comme une intellectuelle conservatrice. Toutefois, la méfiance vis-à-vis d’une possible émergence en France des études sur la race ou des études noires est disciplinaire au moins autant qu’elle est politique. Ainsi un sociologue se revendiquant pour sa part d’une gauche sans adjuvant, Philippe Corcuff, diagnostique-t-il lui aussi une sorte de déviation militante – et ce plus précisément au sein de mon propre travail. Contrairement à Heinich, il ne s’attaque pas au militantisme universitaire « en soi », mais plutôt à une façon spécifique de l’interpréter. Ainsi déplore-t-il la convergence de « l’arrogance philosophique vis-à-vis de sciences sociales rapetissées » et du « désir du militant [23] » dont mon premier livre, La Dignité ou la Mort, offrirait le désolant spectacle. Or il me semble au contraire regrettable que cette convergence ne soit pas réalisée de façon plus systématique. L’alliance de la synthèse philosophique et de l’analyse stratégique militante telle qu’elle s’est largement scellée au cours des XIXe et XXe siècle chez Marx, Lénine, Antonio Gramsci, Mao, Kwame Nkrumah, Frantz Fanon, Angela Davis, parmi beaucoup d’autres, a produit des effets qui ont changé la face du monde. Chacun à sa façon a milité en philosophe et philosophé en militant. Au-delà de leurs considérables différences, ces auteurs partagent au moins un point commun significatif : sinon une même vision de l’histoire, une même notion de l’histoire, aujourd’hui délaissée par les sciences sociales et la théorie politique constructivistes dont Corcuff se fait le porte-parole.

      Les « philosophes-militants » ont longtemps défini l’histoire comme un massif dense et solide, une trajectoire apparemment inébranlable, face à laquelle il fallait rassembler tous les efforts stratégiques et organisationnels possibles. Face à un ordre du monde analysé comme une totalité hostile contre laquelle, pour reprendre une formule de Herbert Marcuse, ils durent recourir à « une faculté mentale en danger de disparition : le pouvoir de la pensée négative [24] ». Mais, sous l’influence conjuguée de Foucault, de la sociologie critique et du poststructuralisme [25], la pensée négative a été décrédibilisée et le concept d’histoire en est venu à signifier tout l’inverse. Ce qui est historique n’est plus le produit de forces expropriatrices, oppressives ou civilisationnelles puissantes et anciennes ; c’est au contraire ce qui aurait pu être absolument différent, le contingent. L’historicité d’une chose est devenue son caractère révocable, fluide, dénué de substance. Ce que les effets de la performativité, des jeux de langage ou la sagacité analytique peuvent suffire à renverser. Entretenir l’idée d’une fluidité ou d’une hybridité de la condition noire a certes une pertinence sur le plan culturel. Mais sur le plan des questions de vie et de mort, de déshumanisation et de dignité, une approche centrée sur l’hybridité ou le caractère « socialement construit » de la noirceur n’est qu’une autre façon de conjurer la menace du pessimisme et de reconstruire, sans aucune justification que le besoin de (se) rassurer, un grand récit trompeur du progrès.

      Le point d’orgue de l’étude de mon travail par Corcuff consiste à diagnostiquer, entre mon livre et la pensée de l’intellectuel d’extrême-droite Alain Finkielkraut, « sous des modalités différentes, des adhésions identitaristes en phase avec de larges tendances idéologiques du moment [27] ». Juxtaposer nos œuvres au seul prétexte qu’elles seraient toutes deux « identitaristes » est pertinent dans l’exacte mesure où il est pertinent d’assimiler une tortue de mer à un escargot de Bourgogne au prétexte que les deux animaux possèdent une carapace. Ce fait est incontestable, cependant, non seulement les carapaces ne sont pas les mêmes mais, entre le reptile et le gastéropode, tout le reste diffère. Même en admettant que je tienne la condition noire pour relevant de l’identité, ce qui n’est nullement le cas [28], non seulement ma théorie n’a rien à voir avec celle de Finkielkraut, mais encore ses positions sont à l’opposé de celles que je défends à propos de l’État, du capitalisme, de la géopolitique, de la police, des religions, c’est-à-dire toutes les questions décisives. Dans la plupart des contextes, une analogie fondée sur une unique et mince similarité paraîtrait immédiatement irrecevable à quiconque sait voir, non seulement sous la carapace, mais est capable d’en jauger le poids, la taille, la couleur et la texture. Or de nombreux universitaires français progressistes semblent déterminés à ne pas se donner cette peine et voient désormais le monde comme séparé entre les animaux qui ont une carapace et ceux qui n’en ont pas – c’est-à-dire entre les « identitaristes » et ceux qui ne le sont pas. Paradoxalement, ce sont souvent les mêmes sociologues qui s’alarment que l’extrême-droite cherche à reconstruire la frontière politique, non plus à partir du clivage de la droite et de la gauche, mais sur la base d’une chimérique division des « patriotes » et des « mondialistes ». Cet aveuglement leur appartient ; il n’est pas celui des penseurs de la condition noire.

      L’émergence d’études noires est un moment important pour crédibiliser l’autonomie, la consistance et la cohérence des traditions de pensée noires – et ce avant tout aux yeux des afrodescendants eux-mêmes. Les auteurs progressistes tiennent compte de l’histoire des pensées « de la gauche » ou « de l’émancipation », et considèrent que les penseurs noirs n’en proposent que des déclinaisons. Ils n’envisagent pas le radicalisme noir comme une tradition spécifique, répondant aux enjeux de populations particulières, et qui a développé ses propres valeurs et sa propre vision, dont la CRT n’est que l’un des effets contemporains. Bien que la tradition radicale noire s’enracine dans la confrontation à l’esclavagisme, la théorie de gauche perçoit toujours ses revendications et son expression militante centrées sur les intérêts des Noirs comme une déviation par rapport à la norme inamovible du mouvement ouvrier, désormais enrichie de nuances postcoloniales et féministes. Si bien que lorsqu’un universitaire noir développe, reprend ou déploie des thèmes travaillés, discutés, débattus depuis 400 ans dans l’abolitionnisme, le radicalisme ou le nationalisme noirs, il est souvent jugé déviant ou traitre à une tradition qui n’a pourtant jamais été la sienne. Il n’y aura pas d’études noires dignes de ce nom dans l’espace francophone tant que les pensées de la diaspora et de l’Afrique seront envisagées comme des excroissances des Lumières européennes, du féminisme, du marxisme et de toutes ces traditions d’ascendance européenne qui se sont cru à même d’expliquer la totalité du réel.

      ÉTUDES NOIRES ET PESSIMISME

      Les études de genre, les études féminines et féministes ont ouvert la voie à une réception francophone des études noires nord-américaines, comme à la formulation de travaux qui marquent notamment un renouvellement de la philosophie française [29]. Des maisons d’édition françaises, québécoises ou suisses ont rendu accessible de rigoureuses traductions de nombreux classiques du féminisme noir, telles que des œuvres d’Audre Lorde, de Patricia Hill Collins, de bell hooks ou d’Angela Davis. En revanche, d’autres courants des Black Studies n’ont pas bénéficié du même accueil. Certainement parce qu’il est tenu pour raciste, comme l’a noté Maboula Soumahoro, le nationalisme noir n’est pas envisagé en France comme un interlocuteur, ni même comme un objet de recherche crédible [30]. De l’œuvre pléthorique de l’influent théoricien de l’afrocentricité et fondateur, à Temple University, du premier programme doctoral en études noires des États-Unis, Molefi Kete Asante, quasiment rien n’est accessible au lecteur francophone. En revanche, un essai consacré à la critique de ses thèses a été traduit en français peu de temps après sa parution originale [31]. Les études noires francophones sont le seul champ d’études où l’on offre préventivement aux lecteurs la critique d’idées auxquelles ils n’ont jamais eu accès. Les livres du principal fondateur de la Critical Race Theory, Derrick Bell, ne sont pas non plus disponibles, pas davantage que ceux de ses plus fidèles continuateurs, Jean Stefancic et Richard Delgado. Heureusement, est récemment parue une anthologie reprenant quelques articles classiques de la CRT [32].

      Au XXIe siècle, c’est par la porte des études de genre et des études féministes que les études noires ont fait leur entrée dans l’université française, ce qui orienta la recherche. Les textes les plus spécifiquement ancrés dans une trajectoire abolitionniste, anticoloniale, nationaliste noire ou panafricaine, aussi influents soient-ils dans les Amériques, sont généralement écartés et tenus pour sans pertinence. Naturellement, les féministes francophones ont privilégié les travaux des femmes noires les plus en accord ou en résonance avec leur propre vision du monde et leur propre agenda. Il s’agissait de l’enrichir de voix nouvelles, mais consonantes. Une telle sélection ne reflète pas l’intégralité des débats et laisse de côté plusieurs options théoriques. Il en va ainsi de l’Africana Womanism, fondé au début des années 1990 par la théoricienne africaine-américaine Clenora Hudson-Weems, qui part de l’idée que « la véritable histoire du féminisme, ses origines et ses participantes, révèle un fond raciste flagrant, ce qui atteste de son incompatibilité avec les femmes afrodescendantes [33] ». Le mouvement des femmes états-unien s’étant structuré à l’imitation de l’abolitionnisme, elle raille les femmes noires qui embrassent la cause féministe en prétendant l’adapter à leurs expériences et leurs besoins comme « imitant une imitation [34] » au lieu de revenir à la source vive du mouvement noir lui-même. Elle conçoit son œuvre comme héritière du militantisme de libération africain-américain, dont elle juge les principes incompatibles avec ceux du féminisme. « Historiquement, les femmes afrodescendantes ont combattu les discriminations sexuelles, les discriminations raciales et de classe. Elles ont défié le machisme des hommes afrodescendants, mais sans aller jusqu’à les supprimer comme alliés dans la lutte pour la libération et la famille [35]. » Une telle perspective recoupe celle du psychologue et penseur panafricain Amos Wilson [36], entre autres universitaires africains-américains méconnus des francophones.

      Certes, en Amérique du Nord également, le féminisme noir, et plus spécifiquement la théorie de l’intersectionnalité, sont aujourd’hui le paradigme le plus prisé au sein des Black Studies. Souvent caricaturées comme passéistes, chauvines, misogynes ou réactionnaires, les théories inspirées du nationalisme noir, du panafricanisme ou du radicalisme noir de la conjoncture des années 1970 ont peu à peu perdu du terrain face à des discours plus libéraux et plus proches des tendances qui dominent les sciences humaines majoritairement blanches. Toutefois, les intuitions, les affects et les orientations générales de ces grands courants de la pensée noire du XXe siècle semblent aujourd’hui resurgir sous une nouvelle forme. Le thème du pessimisme, autrefois basse continue du radicalisme noir, s’est avancé au premier plan. Il n’a jamais porté sur les Noirs, leurs qualités ou leur courage, mais sur la capacité de la société blanche à dépasser sa propre négrophobie – d’où le recours, tout au long du XXe siècle, à des projets tels que, entre autres, le rapatriement en Afrique ou l’établissement d’une nation noire en Amérique du Nord. Or, selon le philosophe Cornel West, « le pessimisme sur lequel se fonde le nationalisme noir ne s’est jamais complètement imposé sur le plan organisationnel. Les Noirs maintiennent en général la possibilité d’une coalition multiraciale en vue d’approfondir la démocratie en Amérique. Je pense que l’Église noire a historiquement coupé l’herbe sous le pied du nationalisme noir. Elle met en avant la spécificité culturelle noire mais, bien qu’elle encourage la cohésion du groupe, son message est universaliste [37] ». Autrement dit, cet optimisme politique capture les aspirations à l’autodétermination et au pouvoir noires pour les réorienter vers une combinaison de distinction culturelle et d’investissement dans le projet démocratique occidental.

      Certes, l’histoire de nationalisme noir et de l’Église noire ne sont pas distinctes. L’évêque Henry M. Turner, de l’African Methodist Episcopal Church, fut l’un des plus ardents militants de la solution du retour en Afrique au tournant du XXe siècle [38] ; mais il fit peu d’émules. Malgré certaines tentatives contemporaines de radicalisation de son discours, à la façon de la théologie de la libération noire des années 1960, l’Église noire est en grande partie devenue un puissant instrument du statu quo. Sa promotion de la théologie de la prospérité qui sanctifie l’enrichissement personnel et le luxe, son conservatisme social et sa connivence avec la politique institutionnelle y tiennent souvent lieu de message universaliste. Si des ambitions politiques telles que celles de l’évêque Turner ne sont plus d’actualité dans les débats contemporains, l’absence de confiance en les institutions demeure vive et la croyance en les supposés bénéfices d’une coalition multiraciale s’érode.

      Dans le contexte africain-américain, la distinction entre optimisme et pessimisme se fonde généralement sur l’enthousiasme ou le scepticisme à l’égard des projets d’assimilation à la société blanche majoritaire. Souvent, les premiers sont qualifiés de libéraux et les seconds de radicaux. Autrement dit, les optimistes croient en une possibilité pour les Noirs de voir leur humanité pleinement reconnue, là où les pessimistes jugent la négrophobie indépassable sans un renversement gigantesque de l’ordre du monde présent ; d’où l’urgence de construire une pensée et une organisation noires sur des bases inédites. Le tournant pessimiste des études noires contemporaines n’est pas l’injection de nouveaux thèmes ou de nouvelles idées, mais bien davantage l’expression d’un retour du refoulé. Ce pessimisme, point de départ de toutes les tendances de la tradition radicale noire, du nationalisme noir au Black Power en passant par le panafricanisme, fut un temps muselé par des tendances plus libérales, telles que le féminisme intersectionnel ou le poststructuralisme. Noirceur, comme une tentative d’histoire immédiate des idées, se veut un témoignage de cet inévitable retour du pessimisme dans le moment théorique contemporain, nourri de la longue séquence de consolidations, de radicalisations et de récupérations du mouvement pour les vies noires (Black Lives Matter), de l’amertume laissée par le passage à la Maison Blanche de Barack Obama, et d’une consternation au spectacle des arlequinades racistes de Donald Trump.

      En anglais, le terme Blackness va de soi : il désigne tout à la fois et tour à tour le fait d’être noir, l’expérience noire, l’assignation raciale, la culture afro ou la condition noire. Toujours un piège pour les traducteurs, il est parfois rendu par le néologisme inventé par Aimé Césaire, Léopold Senghor et Léon Damas : négritude. Mais généraliser ce terme lourd d’une histoire riche, marqué par l’effort athlétique engagé par ces penseurs au début du XXe siècle, revient à effacer la singularité de leur intervention et de leurs créations théoriques et littéraires. On interprète bien volontiers l’invention de la négritude comme un « retournement du stigmate », une façon d’embrasser le Nègre devenu synonyme d’abjection et d’inhumanité dans le monde post-esclavagiste. Mais cette stratégie s’est doublée d’une autre, plus discrète. Ressusciter le Nègre de chair et de sang, poétiser les nations nègres de l’Afrique et de la Caraïbe, c’était contourner le Noir. Le nom Nègre incarne, le nom Noir abîme. La négritude porte aussi le refus de l’abysse, de la surface où la lumière ne se reflète pas, qui guide irrésistiblement l’imagination en direction de l’obscur, du sinistre, du négatif. Cette métaphorique traverse l’histoire de la condition noire et a toujours lourdement contribué à l’assimilation des Africains à des forces démoniaques, inhumaines, monstrueuses et irrémédiables. J’ai traduit Blackness par noirceur, avec tous ses dérivés (anti-Blackness, peu ou prou synonyme de négrophobie, devenant ainsi anti-noirceur), car j’ai jugé nécessaire d’embrasser ce champ sémantique. Les penseurs de la noirceur auquel cet ouvrage est consacré acceptent le séjour auprès du négatif que l’anglais Blackness connote aussi bien que le français noirceur.

      L’ambition de Noirceur est triple. Premièrement, cet ouvrage se veut une introduction à deux champs de réflexion théorique qui se développent actuellement dans le monde universitaire africain-américain : l’afropessimisme et les Black male studies (études sur les hommes noirs). Cela implique également de présenter les sources et les inspirateurs de ces mouvements. Deuxièmement, il se propose de mettre à l’épreuve les outils élaborés par ces courants de pensée en les mobilisant pour questionner d’autres textes et d’autres lieux, notamment au sein de l’espace francophone. Enfin, troisièmement, dans la continuité de La Dignité ou la Mort, il entend accélérer l’émergence d’un discours théorique noir en langue française, en encourageant l’étude des afrodescendants par les afrodescendants eux-mêmes. Ultimement, je souhaiterais que ce livre, qui porte presque exclusivement sur la condition noire dans le Nord global, rencontre quelque intérêt auprès du lectorat d’Afrique francophone, des Caraïbes, du Brésil, du monde hispanique et au-delà, comme avant lui La Dignité ou la Mort. Le dialogue, le débat et la traduction entre les perspectives théoriques des différentes diasporas et des différentes régions du Continent est indubitablement le défi le plus vital pour l’avenir de la pensée noire – peut-être le seul qui vaille.

      https://lundi.am/Pour-des-etudes-noires-sans-compromis

    • Gouvernement. Blanquer en pleine croisade délirante contre le « wokisme »

      Vendredi et samedi, le ministre de l’Éducation a inauguré et financé un colloque obsessionnel et réactionnaire ciblant les féministes, les antiracistes et les anticapitalistes.

      Jean-Michel Blanquer n’a pas que le Covid à combattre. Les établissements scolaires subissent de plein fouet la crise sanitaire ? Ils ne sont toujours pas équipés en masques FFP2 et en purificateurs d’air ? Qu’importe. Le ministre de l’Éducation nationale a un autre ennemi à pourfendre, semble-t-il, tout aussi invisible et omniprésent que le coronavirus, comme flottant dans l’air : le wokisme.

      Un colloque sur la question s’est tenu vendredi et samedi à la Sorbonne. Jean-Michel Blanquer, dont le ministère a financé l’événement à travers un fonds réservé, a lui-même ouvert les travaux. Le ton grave, il s’alarme : « Il y a des personnes à qui les idées des Lumières font peur. » Qui sont ces personnes ? Celles qui nourrissent « la pensée décoloniale, aussi nommée woke ou cancel culture », affirment les organisateurs. Il s’agit pourtant de trois choses différentes. Les études décoloniales visent à critiquer le système économique néolibéral et à décoloniser les rapports humains. Le terme « woke », venu des États-Unis, désigne ceux qui « s’éveillent » devant les inégalités sociales et les discriminations sexistes et racistes. Enfin, la « cancel culture », ou « culture de l’effacement », vise à mettre au ban un personnage historique en fonction de ses actions, ou une oeuvre, suivant son contenu.

      Pierre Bourdieu et la « pensée 68 » décriés

      Trois choses très différentes, donc. Lier les trois termes comme s’ils ne faisaient qu’un est loin d’être anodin et montre le véritable projet de ce colloque : faire croire que tous les universitaires, intellectuels, militants et citoyens qui réfléchissent aux dominations économiques, sociales, racistes et patriarcales ne sont en réalité que de dangereux « wokistes » ou « islamogauchistes ». À les entendre, la gauche serait carrément sous le contrôle de quelques extrémistes essentialistes. Nombre des intervenants et participants à ces deux journées, qui ont rassemblé 600 personnes (dont les deux tiers en ligne), sont allés dans ce sens, notamment sur la messagerie du débat, qui a souvent servi d’exutoire réactionnaire.

      En introduction, Jean-Michel Blanquer appelle d’emblée à « déconstruire la déconstruction », d’autant plus si elle est intersectionnelle, c’est-à-dire qu’elle croise les dominations Nord-Sud, hommes-femmes, blancs-racisés, riches-pauvres. « Je suis né blanc, donc je suis raciste et je dois me rééduquer, mais voudrais-je rompre avec le racisme que je n’y arriverais pas », s’émeut le polémiste Mathieu Bock-Côté, qui a remplacé Éric Zemmour sur CNews, et place sans cesse le « Blanc » comme étant au centre des discriminations, sans doute pour mieux nier les autres. La sociologue Nathalie Heinich prend d’ailleurs la parole pour réclamer « un meilleur contrôle scientifique » afin « qu’un enseignant ne puisse proférer que la Terre est plate ou qu’il existe un racisme d’État ». Dire qu’il existe une forme de racisme institutionnel, étatisé, notamment à travers les contrôles au faciès, serait donc aussi ridicule et scientifiquement faux que d’affirmer que la Terre est plate ? La même sociologue se plaint ensuite d’une « épidémie de transgenres » causée par l’éducation nationale.

      Le reste est à l’avenant. L’assistance pouffe devant l’écriture inclusive, quand elle n’y voit pas une menace civilisationnelle. La loi Taubira reconnaissant l’esclavage et la traite en tant que crimes contre l’humanité est raillée. « L’Europe n’a pas inventé l’esclavage, mais l’abolition », ose Pascal Bruckner, comme si cela la dédouanait d’avoir massivement pratiqué la traite. « Stop à la victimisation permanente », au « nombrilisme pleurnichard », à la « vulgate bourdieusienne fossilisée » et à la « pensée 68 », entend-on ou lit-on ici et là.

      Le temps de l’Algérie française est regretté

      Selon l’historien Olivier Compagnon, qui a suivi l’intégralité des débats, l’Algérie française est même regrettée, des rires gras fusent au sujet de George Floyd, et le chercheur en science politique Vincent Tournier lance : « J’annonçais depuis longtemps les attentats et je remercie les frères Kouachi d’avoir en fait validé mon cours. » « Le wokisme, c’est l’Inquisition espagnole, le stalinisme et le nazisme », lit-on encore, quand ce n’est pas le « soleil noir des minorités » qui est dénoncé. Coorganisé par l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, ce colloque visait à tordre le cou à l’idée que « l’oppression serait l’unique clé de lecture du monde contemporain », selon le philosophe Pierre-Henri Tavoillot. À la fin du colloque, on peut se demander si ce n’est pas le concept même d’oppression qui était visé. Pour mieux en nier les ravages hier et aujourd’hui.

      https://www.humanite.fr/politique/jean-michel-blanquer/gouvernement-blanquer-en-pleine-croisade-delirante-contre-le-wokisme

    • « Le colloque organisé à La Sorbonne contre le “wokisme” relève d’un #maccarthysme_soft »

      Intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture », l’événément qui s’est tenu au sein de l’université parisienne les 7 et 8 janvier, n’a servi à rien d’autre qu’à fabriquer un ennemi de l’intérieur, estime le sociologue #François_Dubet, dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. On peut être agacé, inquiet, voire hostile à la pensée dite « woke », aux théories du genre appliquées à toutes les sauces, au déconstructivisme radical… On peut préférer les arguments scientifiques à la seule force des indignations. On peut refuser d’être réduit à une identité de dominant de la même manière que l’on refuse de réduire autrui à une identité dominée. On peut penser que l’intersectionnalité est un truisme sociologique érigé en pensée critique nouvelle. On peut penser que la critique de l’islam n’est pas plus nécessairement raciste que l’est celle du catholicisme.

      Bref, on peut avoir de bonnes raisons scientifiques et morales de ne pas adhérer à tout un ensemble de théories et d’idéologies, sans faire pour autant comme si cet ensemble-là était un bloc cohérent, homogène et caricatural, uni par la cancel culture, l’islamo-gauchisme, le décolonialisme ou le « wokisme »…

      Mais quand un colloque officiel est tenu en Sorbonne les 7 et 8 janvier sous l’égide de l’Observatoire du décolonialisme, ouvert par [le ministre de l’éducation nationale] Jean-Michel Blanquer et clos par le président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, Thierry Coulhon, il y a de quoi s’inquiéter. Il s’agit, ni plus ni moins, de fabriquer un ennemi intérieur, un ennemi disparate, masqué mais cohérent, qui viserait à détruire, à la fois, la raison et les valeurs républicaines.

      Faute déontologique et erreur politique

      C’est là un maccarthysme soft visant à désigner les ennemis de l’intérieur, leurs complices, leurs compagnons de route et leurs victimes. Ce colloque, tout ce qu’il y a d’officiel, a mobilisé des collègues honorablement connus et souvent reconnus pour la qualité de leur œuvre, auxquels se sont mêlés des intervenants comme Mathieu Bock-Côté, dont les diatribes à la limite du racisme inondent chaque jour CNews et les réseaux de l’extrême droite. Gageons que si Eric Zemmour n’avait pas été pris par la présidentielle, il aurait été de la fête au nom de son œuvre d’historien !

      Comment un président de la République annoncé comme libéral peut-il encourager cette mise en scène maccarthyste ? Comment penser que c’est à l’Etat de dire quels sont les courants de pensée acceptables et ceux qui ne le seraient pas ? Comment ne pas faire suffisamment confiance au monde académique et scientifique pour laisser un ministre de l’éducation conduire un procès à charge contre les idées et recherches qui le dérangent ?

      Ce maccarthysme soft n’est pas seulement condamnable et inquiétant ; il est aussi stupide. Selon la vieille loi de la prédiction créatrice, ce procès fait advenir l’adversaire qu’il combat. Il transforme une nébuleuse hétéroclite de courants de pensées et de travaux disparates en complot plus ou moins organisé contre la science et contre la République.

      Il conduira celles et ceux qui tiennent aux libertés académiques à défendre le droit d’exister d’idées, de travaux et de recherches qu’ils ne soutiendraient certainement pas dans un monde scientifique et intellectuel organisé par les règles du débat et de la critique. Ce colloque est à la fois une faute déontologique et une erreur politique. Il clive plus encore une société qui n’en a certainement pas besoin.

      François Dubet est sociologue, professeur émérite à l’université de Bordeaux, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est l’auteur, avec Marie Duru-Bellat, de L’école peut-elle sauver la démocratie ? (Seuil, 2020).

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/10/francois-dubet-le-colloque-organise-a-la-sorbonne-contre-le-wokisme-releve-d

    • Les « #anti-woke » et le virus de la bêtise

      Comme Jean-Michel Blanquer, ils sont nombreux à voir dans #Foucault, #Deleuze et #Derrida l’origine de la « cancel culture » qu’ils déplorent. Les détracteurs de la #French_theory ont-ils seulement lu les auteurs qu’ils critiquent ?

      Voilà maintenant un moment qu’on nous rabâche les oreilles avec les méfaits de la pensée « woke » et de la « cancel culture ». Au point d’y consacrer en Sorbonne un colloque, où le ministre de l’éducation nationale n’hésita pas à utiliser une métaphore douteuse : « D’une certaine façon, c’est nous qui avons inoculé le #virus avec ce qu’on appelle parfois la French theory. Maintenant, nous devons, après avoir fourni le virus, fournir le #vaccin. » On la dit vouloir effacer toute une histoire, s’en prendre aux piliers de l’identité française et européenne, répandre la haine là où régnait l’harmonie, mettre de l’huile (racialiste et genriste) sur la flamme républicaine. On s’en prend volontiers à l’Amérique, à ses campus et ses idéologues. Et il n’est pas difficile de montrer que de ce côté-là souffle aussi parfois un vent de bêtise, voire des positions intransigeantes aux allures de révolution culturelle (on brûle des livres, en interdit d’autres, renverse des statues).

      Ce qui est intéressant dans l’anti-wokisme, surtout celui qui émane de la bouche de nos intellectuels, c’est que notre complexe de supériorité morale et intellectuelle, notre mépris et notre ignorance de la réalité américaine sont tels qu’on pense les Américains incapables de concevoir les outils de leur propre lutte. Ils sont tombés dans le ruisseau, c’est la faute à Foucault ; le nez dans la beuse, c’est la faute à Deleuze.

      Une vieille et bien bête critique

      On prétend donc que les vrais coupables se situent de ce côté-ci de l’Atlantique, et notamment en France. Les noms de Foucault, Derrida et Deleuze sont systématiquement invoqués. Ayant passé les trente dernières années de ma vie à lire ces très grands (j’insiste) penseurs et lecteurs, je peux avec confiance dire que leurs détracteurs ne s’en sont pas donné la peine. C’est une preuve de paresse intellectuelle, voire de #malhonnêteté.

      #Malhonnêteté_morale qui consiste à faire porter le chapeau à ceux qui ne sont plus parmi nous pour se défendre, à faire d’un pan entier de la pensée française un bouc émissaire. #Malhonnêteté_intellectuelle qui consiste à réduire des pensées complexes, nuancées et entre elles bien différentes à des #slogans vides. Malhonnêteté intellectuelle que de prétendre que ces penseurs prônent le « #relativisme », soit que « tout se vaut ». C’est une vieille et bien bête critique. En réalité, chacun de ces philosophes met au point une nouvelle méthode et de nouveaux outils conceptuels, qui révèlent de nouveaux objets ou portent sur d’autres un regard différent.

      Ainsi l’#empirisme_transcendental de Deleuze permet de penser la phénoménalité du monde sur fond de réalité virtuelle, dont elle serait comme la solution ou cristallisation, mais que jamais elle n’épuiserait. Cela donne des pages époustouflantes sur la littérature, la peinture, le cinéma, mais aussi la physique, la biologie, les mathématiques et, bien entendu, l’histoire de la philosophie. On ne peut dire à l’avance les forces et virtualités qui nous habitent et les puissances de transformation qui hantent le monde. Vivre, vivre pleinement, c’est s’y engager, les saisir, en faire quelque chose.

      Ainsi l’archéologie et la généalogie de Foucault visent à nous rendre étrangers à nous-mêmes, et par conséquent à considérer comme des constructions aux conditions historiques bien précises, des comportements, des institutions, des hiérarchies, des systèmes d’inclusion et d’exclusion que nous estimions jusque-là parfaitement naturels et nécessaires, inamovibles.

      Ainsi la fameuse #déconstruction de Derrida démontre à son tour l’instabilité de nos schèmes métaphysiques, des distinctions, divisions et hiérarchies qui les constituent et les défont en même temps.

      La critique de ce que nous sommes

      Toujours il s’agit de se demander : comment faire la différence – entre la servitude et la liberté, le pouvoir et la multitude, l’éthique et la politique, la pensée et la bêtise, la raison et la folie, la parole et l’écriture, la joie et la tristesse ? Toujours il s’agit de se demander : peut-on vivre autrement, c’est-à-dire plus librement, d’une façon plus lucide, moins bête, plus humaine ? Toujours il s’agit de comprendre les nouveaux visages du pouvoir. Toujours il s’agit de combattre les nouvelles formes d’assujettissement, irréductibles à la seule coercition, sans se voiler derrière l’illusion que « nous vivons après tout en démocratie », « allez voir comment ça se passe en Chine ou au Kazakhstan ». Comme s’il y avait d’un côté le camp de l’humanisme, du droit, de la liberté, de la démocratie, de l’universel ; et de l’autre le camp de tout ce qui s’y oppose. Comme si les choses n’étaient pas plus compliquées que cela, et que l’on n’avait plus le droit de revendiquer la complexité, la critique de ce que nous sommes, au nom de ce que nous pouvons être.

      Foucault disait : on ne gagne rien à s’emparer de notions générales, qu’on peut mettre à toutes les sauces. Prenons l’humanisme : une fois qu’on l’a clamé sur les toits, on est bien avancé. Le libéralisme se réclame de l’humanisme. Mais le communisme s’en réclamait aussi (et peut-être encore). Le fascisme aussi. Prenons le débat actuel, qui bat son plein en cette période électorale. Déclin ou Progrès ? Fin de la Civilisation ou Tournant ? Grand Remplacement ou Grand Redressement ? Degringolada ou Remontada ? Haine ou Amour de soi (et de la France) ? Autant de pièges à cons, de fausses alternatives, de pôles si généraux qu’ils sont vides de tout sens. C’est cela qui est triste à pleurer, et non le souffle, la vie, le chavirement qui traversent les pensées de Deleuze, Derrida et Foucault. La philosophie se méfie des schémas simples et des notions générales. Seul l’intéresse le sur-mesure.
      La bêtise de l’apothicaire

      Ouvrez Proust et les signes ou Différence et répétition de Deleuze et vous verrez ce qu’il y est dit des capacités inouïes et encore insoupçonnées de notre faculté de connaissance et de raisonnement à épouser notre imagination, nos sensations, notre mémoire, à produire du sens, des valeurs, des savoirs, le tout dans une folle gaîté.

      Lisez L’autre cap de Derrida, et vous y verrez un plaidoyer pour une Europe de la rationalité, des Lumières, de l’héritage judéo-chrétien, et en même temps de l’ouverture à la différence, de l’accueil, de l’hospitalité. Vous y verrez une raison qui s’interroge elle-même, se déconstruit, mais toujours dans le but de plus d’humanité.

      Foucault, lui, répétait qu’il ne souhaitait pas prouver que les sciences humaines étaient, dans leur conception de l’Homme, dans l’erreur, mais qu’elles étaient inévitablement amenées, au nom de la Science et de l’Homme, à faire de certains hommes et de certaines femmes – et, oui, de ceux qui ne tombent ni dans un camp ni dans l’autre – des « vies infâmes » (des anormaux, des monstres, des moins qu’hommes). Ne faut-il pas se réjouir des outils qu’il nous fournit afin de rendre ces groupes plus visibles et plus humains, afin d’engager des luttes pour leurs droits et leur dignité ?

      On est loin du « tout se vaut ».

      La philosophie sert à une chose, disait Nietzsche : nuire à la bêtise. A quoi reconnaît-on la bêtise ? A l’incapacité de distinguer les problèmes et les poser correctement. La bêtise pose les mauvaises questions et entraîne donc les solutions qu’elle mérite. La bêtise de Charles Bovary, comme celle de sa femme, sont inoffensives. Mais la vraie bêtise, dangereuse, c’est celle de Homais l’apothicaire. C’est la bêtise savante et conquérante, mue par la peur et le ressentiment, qui a soif de pouvoir et s’y accroche. Homais défendait les Lumières et attaquait l’Eglise, mais comme un imbécile. Le woke et la cancel culture sont le nouveau clergé à abattre. Vive l’Universel, la Raison, l’Homme, la France ! On se croirait aux comices agricoles ou dans la grande campagne parallèle de l’Homme sans qualité.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/les-anti-woke-et-le-virus-de-la-betise-20220115_SUKIWMXWMVHL3GYAVYR6Q7R3H

  • Une analyse détaillée du crédit qu’on peut apporter aux principales études médicales utilisées pour prouver les bienfaits de l’ivermectine
    https://astralcodexten.substack.com/p/ivermectin-much-more-than-you-wanted

    Quels outils et méthodes pour détecter les fraudes et évaluer les études médicales ?
    La difficulté à communiquer la science « In a world where scientists seemed like hostile aliens, I would hesitate to take the vaccine. »
    Les bulles sociales de connivence culturelles « About half of Americans are young-earth creationists. I have nothing against these people, I don’t deliberately ostracize them - yet none of my closest hundred friends are in this category. There’s about an 0.5^100 = 10^-31 chance that would happen by coincidence »

    #covid #ivermectine #science #fraude #biais-cognitifs #complexité

  • Le paradoxe de Simpson illustré par des données de vaccination contre le Covid-19
    https://theconversation.com/le-paradoxe-de-simpson-illustre-par-des-donnees-de-vaccination-cont

    Dans ces rapports, qui donnent les statuts de vaccinations des personnes hospitalisées du variant Delta du Covid entre juin et septembre 2021 (les données, les références complètes et les calculs sont donnés dans cet annexe), on observe que :

    – parmi les moins de 50 ans, le taux de mortalité est environ 1,8 fois plus élevé chez les non-vaccinés que chez les vaccinés (ou partiellement vaccinés) ;

    – parmi les plus de 50 ans, le taux de mortalité est environ 6,3 fois plus élevé chez les non-vaccinés que chez les vaccinés (ou partiellement vaccinés) ;

    – par contre, dans la population prise dans son ensemble, le taux de mortalité est environ 1,3 fois moins élevé chez les non-vaccinés que chez les vaccinés (ou partiellement vaccinés).


    • Rassembler les différentes classes d’âge introduit ce que l’on appelle un « biais de sélection » : la population vaccinée est biaisée du côté de la population fragile (plus âgée) tandis que la population non vaccinée est biaisée du côté de la population moins fragile (plus jeune). Par conséquent, comparer le taux de mortalité chez les vaccinés et chez les non-vaccinés revient de facto à comparer une population plutôt âgée et une population plutôt jeune. L’affirmation que le taux de mortalité dans la population est plus élevé chez les vaccinés est donc foncièrement faussée par la grande variabilité du taux de vaccination pour les différentes tranches d’âge.

      #statistique #biais #paradoxe

    • sur la thématique « corrélation n’est pas raison » :

      Neurons in the mouse brain correlate with cryptocurrency price: a cautionary tale

      [...]

      This work serves as an example for how mislead scientists can be if proper statistical tests are not applied in order to avoid “nonsense correlations” with neuronal data, and it aims to increase awareness about this problem in the neuroscience community.

      This rigorous and yet entertaining work can now be added to the collection of cautionary tales that include a dead salmon understanding human emotions [3] and rat cortical neurons predicting stock market prices [4]. At the very least, it can be a piece of advice for Elon Musk to wait for more evidence before merging two of his new recent interests.

      https://neuro.peercommunityin.org/articles/rec?id=69

  • La #Pologne érigera une clôture en barbelés à sa frontière avec le #Bélarus

    La Pologne a annoncé lundi qu’elle allait ériger une « solide #clôture » de barbelés, haute de 2,5 mètres, à la frontière polono-bélarusse et y augmenter ses effectifs militaires pour empêcher les migrants de pénétrer sur son sol.

    La Pologne a annoncé lundi qu’elle allait ériger une « solide clôture » de barbelés, haute de 2,5 mètres, à la frontière polono-bélarusse et y augmenter ses effectifs militaires pour empêcher les migrants de pénétrer sur son sol.

    Varsovie et les trois pays baltes (la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie) dénoncent ensemble une « attaque hybride » organisée par le Bélarus qui, selon eux, encourage les migrants à passer illégalement sur le territoire de l’Union européenne.

    Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, a précisé lundi qu’une nouvelle clôture « à l’instar de celle qui a fait ses preuves à la frontière serbo-hongroise », composée de quelques spirales superposées de fils barbelés, doublerait la première barrière à fil unique qui s’étend déjà sur environ 130 kilomètres, soit sur près d’un tiers de la longueur de la frontière entre les deux pays.

    « Les travaux commenceront dès la semaine prochaine », a déclaré M. Blaszczak à la presse.

    Le ministre a annoncé que les effectifs militaires à la frontière allaient prochainement doubler, pour atteindre environ 2.000 soldats dépêchés sur place afin de soutenir la police des frontières.

    « Nous nous opposerons à la naissance d’une nouvelle voie de trafic d’immigrés, via le territoire polonais », a-t-il insisté.

    Les quatre pays de la partie orientale de l’Union européenne ont exhorté lundi l’Organisation des Nations unies à prendre des mesures à l’encontre du Bélarus.

    Les Premiers ministres d’Estonie, de Lettonie, de Lituanie et de Pologne ont assuré dans une déclaration commune que l’afflux des migrants avait été « planifié et systématiquement organisé par le régime d’Alexandre Loukachenko ».

    Des milliers de migrants, pour la plupart originaires du Moyen-Orient, ont franchi la frontière bélarusso-européenne ces derniers mois, ce que l’Union européenne considère comme une forme de représailles du régime bélarusse face aux sanctions de plus en plus sévères que l’UE lui impose.

    « Il est grand temps de porter la question du mauvais traitement infligé aux migrants sur le territoire bélarusse à l’attention des Nations unies, notamment du Conseil de sécurité des Nations unies », peut-on lire dans la déclaration.

    Les quatre pays affirment qu’ils accorderont toute la protection nécessaire aux réfugiés traversant la frontière, conformément au droit international, mais ils demandent également d’« éventuelles nouvelles mesures restrictives de la part de l’UE pour empêcher toute nouvelle immigration illégale organisée par l’Etat bélarusse ».

    Dans de nombreux cas, les autorités de Minsk repoussent les migrants vers la frontière de l’UE, ce qui a déjà conduit à des situations inextricables.

    Un groupe de migrants afghans reste ainsi bloqué depuis deux semaines sur une section de la frontière entre la Pologne et le Bélarus.

    Des organisations polonaises des droits de l’Homme et l’opposition libérale accusent le gouvernement nationaliste-conservateur polonais de refuser de secourir les personnes ayant besoin d’aide et d’ainsi violer le droit international.

    https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/230821/la-pologne-erigera-une-cloture-en-barbeles-sa-frontiere-avec-le-belarus

    #frontières #murs #barrières_frontalières #asile #migrations #réfugiés #Biélorussie #militarisation_de_la_frontière

    –-
    voir aussi la métaliste sur la situation à la frontière entre la #Pologne et la #Biélorussie (2021) :
    https://seenthis.net/messages/935860

    • On the EU’s eastern border, Poland builds a fence to stop migrants

      Polish soldiers were building a fence on the border with Belarus on Thursday, as the European Union’s largest eastern member takes steps to curb illegal border crossings despite criticism that some migrants are being treated inhumanely.

      Brussels has accused Belarusian President Alexander Lukashenko of using migrants as part of a “hybrid war” designed to put pressure on the bloc over sanctions it has imposed, and building the wall is part of Poland’s efforts to beef up border security on the EU’s eastern flank.

      “Almost 3 km of fencing has been erected since yesterday,” Defence Minister Mariusz Blaszczak said on Twitter, adding that almost 1,800 soldiers were supporting the border guard.

      Blaszczak said on Monday that a new 2.5 metre high solid fence would be built, modelled on the one built by Prime Minister Viktor Orban on Hungary’s border with Serbia.

      On Thursday Reuters saw soldiers next the frontier stringing wire through barbed wire to hook it to posts.

      Poland has received sharp criticism over its treatment of a group of migrants who have been stuck on the Belarus border for over two weeks, living in the open air with little food and water and no access to sanitary facilities.

      On Wednesday refugee charity the Ocalenie Foundation said 12 out of 32 migrants stuck on the border were seriously ill and one was close to death.

      “No fence or wire anywhere in the world has stopped any people fleeing war and persecution,” said Marianna Wartecka from the foundation who was at the border on Thursday.

      Poland says responsibility for the migrants lies with Belarus. The prime minister said this week that a convoy of humanitarian offered by Poland had been refused by Minsk.

      Surveys show that most Poles are against accepting migrants, and Poland’s ruling nationalists Law and Justice (PiS) made a refusal to accept refugee quotas a key plank of its election campaign when it swept to power in 2015.

      An IBRiS poll for private broadcaster Polsat on Wednesday showed that almost 55% of respondents were against accepting migrants and refugees, while over 47% were in favour of a border wall.

      “Our country cannot allow such a large group of people to break our laws,” said Emilia Krystopowicz, a 19-year-old physiotherapy student, in Krynki, a village next the border.

      Belarusian President Alexander Lukashenko has accused Poland and Lithuania of fuelling the migrant issue on the borders.

      https://www.reuters.com/world/europe/eus-eastern-border-poland-builds-fence-stop-migrants-2021-08-26

    • Poland to build anti-refugee wall on Belarus border

      Poland has become the latest European country to start building an anti-refugee wall, with a new fence on its border with Belarus.

      The 2.5-metre high wall would be modelled on one built by Hungary on its border with Serbia in 2015, Polish defence minister Mariusz Blaszczak said.

      “We are dealing with an attack on Poland. It is an attempt to trigger a migration crisis,” he told press at a briefing near the Belarus frontier on Monday (23 August).

      “It is [also] necessary to increase the number of soldiers [on the border] ... We will soon double the number of soldiers to 2,000,” he added.

      “We will not allow the creation of a route for the transfer of migrants via Poland to the European Union,” he said.

      The minister shared photos of a 100-km razor-wire barrier, which Poland already erected in recent weeks.

      Some 2,100 people from the Middle East and Africa tried to enter Poland via Belarus in the past few months in what Blaszczak called “a dirty game of [Belarus president Alexander] Lukashenko and the Kremlin” to hit back at EU sanctions.

      “These are not refugees, they are economic migrants brought in by the Belarusian government,” deputy foreign minister Marcin Przydacz also said on Monday.

      Some people were pushed over the border by armed Belarusian police who fired in the air behind them, according to Polish NGO Minority Rights Group.

      Others were pushed back by Polish soldiers, who should have let them file asylum claims, while another 30-or-so people have been stuck in no man’s land without food or shelter.

      “People were asking the [Polish] border guards for protection and the border guards were pushing them back,” Piotr Bystrianin from the Ocalenie Foundation, another Polish NGO, told the Reuters news agency.

      “That means they were in contact and that means they should give them the possibility to apply for protection ... It’s very simple,” he said.

      “We have been very concerned by ... people being stranded for days,” Shabia Mantoo, a spokeswoman for the UN refugee agency, the UNHCR, also said.

      But for its part, the Polish government had little time for moral niceties.

      “The statements and behaviour of a significant number of Polish politicians, journalists, and NGO activists show that a scenario in which a foreign country carrying out such an attack against Poland will receive support from allies in our country is very real,” Polish deputy foreign minister Paweł Jabłoński said.

      Belarus has also been pushing refugees into Lithuania and Latvia, with more than 4,000 people recently crossing into Lithuania.

      “Using immigrants to destabilise neighbouring countries constitutes a clear breach of international law and qualifies as a hybrid attack against ... Latvia, Lithuania, Poland, and thus against the entire European Union,” the Baltic states and Poland said in a joint statement on Monday.

      Lithuania is building a 3-metre high, 508-km wall on its Belarus border in a €152m project for which it wants EU money.

      The wall would be completed by September 2022, Lithuanian prime minister Ingrida Simonyte said on Monday.

      “The physical barrier is vital for us to repel this hybrid attack,” she said.
      Fortress Europe

      The latest upsurge in wall-building began with Greece, which said last week it had completed a 40-km fence on its border with Turkey to keep out potential Afghan refugees.

      And Turkey has started building a 3-metre high concrete barrier on its 241-km border with Iran for the same reason.

      “The Afghan crisis is creating new facts in the geopolitical sphere and at the same time it is creating possibilities for migrant flows,” Greece’s citizens’ protection minister Michalis Chrisochoidis said.

      Turkey would not become Europe’s “refugee warehouse”, Turkish president Recep Tayyip Erdoğan said.

      https://euobserver.com/world/152711

    • Comme la Lituanie, la Pologne veut sa barrière anti-migrants à la frontière biélorusse

      Varsovie et Vilnius veulent construire des barrières contre les migrants qui transitent par le Bélarus, tandis que la situation humanitaire continue de se détériorer à la frontière orientale de l’Union européenne.

      La pression augmente pour faire de l’Union une forteresse. Vendredi 8 octobre, douze pays, dont la Pologne et la Lituanie, ont réclamé d’une seule voix que l’Union européenne finance la construction de barrières à ses frontières externes. Il s’agit de l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Slovaquie.

      « Je ne suis pas contre », a répondu la commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson. « Mais quant à savoir si on devrait utiliser les fonds européens qui sont limités, pour financer la construction de clôtures à la place d’autres choses tout aussi importantes, c’est une autre question ».

      La question migratoire agite particulièrement en Pologne, soumise à une pression inédite sur sa frontière orientale, avec le Bélarus. Le 7 octobre, le vice-Premier ministre Jarosław Kaczyński, qui préside aussi la commission des affaires de sécurité nationale et de défense, a confirmé la construction d’une barrière permanente le long de la frontière polono-biélorusse. Lors d’une conférence de presse tenue au siège de l’unité des gardes-frontières de Podlachie, frontalière avec la Biélorussie, il a expliqué : « Nous avons discuté des décisions déjà prises, y compris dans le domaine financier, pour construire une barrière très sérieuse. Le genre de barrière qu’il est très difficile de franchir. L’expérience européenne, l’expérience de plusieurs pays, par exemple la Hongrie et la Grèce, montre que c’est la seule méthode efficace ».

      La Pologne a débuté les travaux en août dernier et des barbelés ont déjà été tirés sur des sections sensibles de la frontière polono-biélorusse. Lorsqu’elle aura atteint son terme, la barrière fera 180 kilomètres de long et plus de deux mètres de haut.

      La Lituanie, autre pays frontalier de la Biélorussie, a elle aussi déroulé les barbelés et alloué 152 millions d’euros pour la construction d’une barrière de quatre mètres de haut, sur cinq cents kilomètres, qui doit être prête en septembre 2022.

      Le gouvernement national-conservateur du Droit et Justice (PiS) a réagi par la manière forte à la pression migratoire inédite sur ses frontières. Plusieurs milliers de soldats ont été déployés pour prêter main-forte aux gardes-frontières.

      Le Sénat a adopté le 8 octobre un amendement qui autorise l’expulsion immédiate des étrangers interpellés après avoir franchi la frontière irrégulièrement, sans examiner leur demande de protection internationale. En clair, il s’agit de passer un vernis de légalité sur la pratique dit de « pushback » qui contrevient aux règles internationales, mais utilisées ailleurs sur la frontière de l’UE, parfois très violemment, comme en témoigne la diffusion récente de vidéos à la frontière de la Croatie.
      Loukachenko accusé de trafic d’êtres humains

      Varsovie et Vilnius accusent de concert le président autocrate du Bélarus, Alexandre Loukachenko, de chercher à ouvrir une nouvelle route migratoire vers l’Europe, dans le but de se venger de leur soutien actif à l’opposition bélarusse en exil et des sanctions européennes consécutives aux élections frauduleuses d’août 2020.

      « Ce sont les immigrants économiques qui arrivent. Ils sont amenés dans le cadre d’une opération organisée par les autorités biélorusses avec l’assentiment clair de la Fédération de Russie. Les agences de sécurité biélorusses le tolèrent totalement et y sont présentes », a noté Jarosław Kaczyński. « Ces personnes sont conduites vers des endroits où elles auront une chance de traverser la frontière. Parfois, des officiers biélorusses participent personnellement au franchissement des barrières et à la coupure des fils », a-t-il ajouté.

      « Des centaines de milliers de personnes seront acheminées à notre frontière orientale », a avancé le ministre polonais de l’Intérieur Mariusz Kamiński, au mois de septembre.
      Soutien de la Commission européenne

      La Commission européenne dénonce, elle aussi, « un trafic de migrants parrainé par l’État [biélorusse] ». Le 5 octobre, Ylva Johansson, commissaire européenne chargée des affaires intérieures, a déclaré que « le régime utilise des êtres humains d’une manière sans précédent, pour faire pression sur l’Union européenne. […] Ils attirent les gens à Minsk. Qui sont ensuite transportés vers la frontière. Dans des mini-fourgonnettes banalisées. ».

      C’est aussi une manne économique pour Minsk, a détaillé Ylva Johansson. « Les gens viennent en voyages organisés par l’entreprise touristique d’État Centrkurort. Ils séjournent dans des hôtels agréés par l’état. Ils paient des dépôts de plusieurs milliers de dollars, qu’ils ne récupèrent jamais ».
      La situation humanitaire se dégrade

      L’hiver approche et les températures sont passées sous zéro degré les nuits dernières en Podlachie, la région du nord-est de la Pologne, frontalière avec la Biélorussie. Des groupes d’immigrants qui tentent de se frayer un chemin vers l’Union européenne errent dans les forêts de part et d’autre de la frontière qui est aussi celle de l’Union. « Ce [samedi] soir il fait -2 degrés en Podlachie. Des enfants dorment à même le sol, quelque part dans nos forêts. Des enfants déportés vers ces forêts sur ordre des autorités polonaises », affirme le Groupe frontalier (Grupa Granica).

      Une collecte a été lancée pour permettre à une quarantaine de médecins volontaires d’apporter des soins de première urgence aux migrants victimes d’hypothermie, de blessures, d’infections ou encore de maladies chroniques. Avec les trente mille euros levés dès la première journée (près de soixante mille euros à ce jour), trois équipes ont débuté leurs opérations de sauvetage. « Nous voulons seulement aider et empêcher les gens à la frontière de souffrir et de mourir », explique le docteur Jakub Sieczko à la radio TOK FM. Mais le ministère de l’Intérieur leur refuse l’accès à la zone où a été décrété un état d’urgence au début du mois de septembre, tenant éloignés journalistes et humanitaires de la tragédie en cours.

      Quatre personnes ont été retrouvées mortes – vraisemblablement d’hypothermie – dans l’espace frontalier, le 19 septembre, puis un adolescent irakien cinq jours plus tard. La fondation pour le Salut (Ocalenie) a accusé les gardes-frontières polonais d’avoir repoussé en Biélorussie le jeune homme en très mauvaise santé et sa famille quelques heures plus tôt.

      A ce jour, ce flux migratoire n’est en rien comparable à celui de l’année 2015 via la « Route des Balkans », mais il est dix fois supérieur aux années précédentes. Samedi, 739 tentatives de franchissement illégal de la frontière ont été empêchées par les gardes-frontières polonais, qui ont enregistré plus de 3 000 tentatives d’entrée irrégulière au mois d’août, et près de 5 000 en septembre.

      https://courrierdeuropecentrale.fr/comme-la-lituanie-la-pologne-veut-aussi-sa-barriere-anti-mig

    • EU’s job is not to build external border barriers, says Commission vice president

      Yes to security coordination and technology; no to ‘cement and stones,’ says Margaritis Schinas.

      The European Commission is ready to support member countries in strengthening the bloc’s external borders against the “hybrid threat” posed by international migrant flows but doesn’t want to pay for the construction of physical border barriers, Commission Vice President Margaritis Schinas said Thursday.

      Rather than defending borders with “cement and stones,” Schinas said in an interview at POLITICO’s Health Care Summit, the EU can usefully provide support in the form of security coordination and technology.

      Highlighting how divisive the issue is of the use of EU funds for physical barriers, which EU leaders discussed at length at a summit last Friday morning, Schinas’ line is different from the one expressed by his party in the European Parliament, the center-right EPP, and by his own country, Greece.

      He was responding to comments by Manfred Weber, chairman of the European Parliament’s EPP group, in support of a letter, first reported by POLITICO’s Playbook, by 12 member countries, including countries like Greece, Denmark and Hungary, to finance a physical barrier with EU money.

      Commission President Ursula von der Leyen said after last week’s Council summit that no EU money would be spent to build “barbed wire and walls.”

      “The Commission position is very clear. We are facing a new kind of threat on our external border. This is a hybrid threat,” said Schinas. “The obvious thing for the European Union to do is to make sure that those who seek to attack Europe by weaponizing human misery know that we will defend the border … I think that, so far, we have managed to do it.”

      “At the same time we do have resources that will allow us to help member states to organize their defences — not of course by financing the cement and the stones and the physical obstacles of walls,” he added.

      “But we have the capacity to assist and finance member states for the broader ecosystem of border management at the European Union external border,” said Schinas, referring to setting up command centers and deploying equipment such as thermal cameras. “This is how we will do it. If there is one lesson that this situation has taught us [it] is that migration is a common problem. It cannot be delegated to our member states.”

      Eastern member states have accused authoritarian leader Alexander Lukashenko of flying thousands of people into Belarus and then sending them on hazardous journeys into EU territory. Polish lawmakers approved €350 million in spending last week to build a wall along the country’s border with Belarus.

      https://www.politico.eu/article/eus-job-is-not-to-build-external-border-barriers-says-commission-vice-presi

    • Poland Begins Constructing Border Walls To Deter Asylum-Seeking Refugees

      Poland has begun the construction of a new border wall, estimated to cost $400 million and likely to be completed by June 2022. The wall will stand 5.5 meters high (six yards) and will have a final length of 186 km (115 miles).

      “Our intention is for the damage to be as small as possible,” border guard spokeswoman Anna Michalska assured Poland’s PAP news agency on January 25th. “Tree felling will be limited to the minimum required. The wall itself will be built along the border road.”

      While the Polish border forces are taking extra precautions not to disrupt the nature surrounding the border, there have been concerns about the human rights of asylum-seeking refugees. Over the past decade, there has been a rise in Middle Eastern and African refugees entering European Union countries, primarily through Eastern European territories. Standards set by the United Nations state that it is not illegal to seek refugee status in another country if an individual is in danger within their home country; however, Poland has sent numerous troops to its borders to deter asylum seekers trying to enter the nation on foot from Belarus. Poland has accused Belarus of encouraging asylum seekers to use the state as a passage into E.U. countries that may be a more favorable residency. The Belarusian government has denied these accusations, stating that Poland’s current attempts to restrict the number of refugees allowed in its country are inhumane and a human rights issue. Poland has since claimed that the “easy journey” allowed by Belarus’s government, and potentially supported by its ally Russia, is a non-militant attack against not only Poland, but the rest of the E.U.

      As the two countries continue in their conflict, the asylum seekers – individuals from around the world in need of safety and shelter – are being caught in the crossfire.

      Over the past months, Poland has increased border security, built a razor-wire fence along a large majority of the border, closed off border territories from the media and advocacy groups, and approved a new law allowing the border guard to force asylum seekers back into Belarus. Due to the recent changes, the number of refugees entering Poland has decreased, but this does not mean that the number of asylum seekers in need of aid from E.U. countries has decreased. Numerous groups still try to cross the treacherous border; the Polish border guard estimates that there are seventeen crossings just in the span of 24 hours. Al Jazeera reported on the 25th that Polish border security caught a group of fourteen asylum seekers, the majority of them fleeing Middle Eastern countries, cutting through a portion of the wire fence. These individuals, like many asylum seekers discovered along the border, have been “detained” until the Polish government decides whether to grant them refugee status or force them to return to Belarus.

      While Poland’s frustration with the uneven distribution of asylum seekers entering their country compared to others within the E.U. is understandable, its poor treatment of those in need of aid and protection is unacceptable. Rather than raising arms and security, Poland and the European Union must explore options of refugee resettlement that appease Polish desires for an equal dispersal of refugees throughout Europe without turning away people who need real government assistance. No matter its attitude towards Belarus, Poland must not turn its punishment towards those in need of refuge.

      https://theowp.org/poland-begins-constructing-border-walls-to-deter-asylum-seeking-refugees

    • "The Iron Forest" - building the walls to scar the nature

      If I could bring one thing from my hometown, it would be the fresh air of the conifers from “my” forest. This is the statement my friends have heard me say many times, in particular when I feel nostalgic about my hometown.

      Augustów, where I am from, lies in the midst of Augustów Primeval Forest, in the North-East of Poland — a region referred to as the “green lungs” of Poland. It is an enormous virgin forest complex stretching across the border with Lithuania and connecting with other forests in the region.

      When I was 10, I went on a school trip to a neighbouring Bialowieza forest — a UNESCO heritage site with its largest European bison population. I still remember the tranquillity and magnificence of its landscape including stoic bison. I never would have thought that some years later, the serenity of this place will face being destroyed by the wall built on the Polish and Belarusian border, following the recent events of the refugee crisis.

      Today, I am a mental health scientist with a background in Psychology and Psychological Medicine. I am also a Pole from the North-East of Poland. Embracing both identities, in this blog, I would like to talk about “building walls” and what it means from a psychological perspective.
      Building Walls and Social Identity

      Following the humanitarian crisis which recently took place on the border between Belarus and Poland, we are now witnessing Poland building a wall which would prevent asylum seekers from Syria, Iraqi Kurdistan and Afghanistan, to cross the border.

      The concept of building a wall to separate nations isn’t new. I am sure you have heard about the Berlin wall separating East and West Germany, the Israeli West Bank Barrier between Israel and Palestine, or more recently the wall between Mexico and the US. In fact, according to Elisabeth Vallet, a professor at the University of Quebec-Montreal, since World War II the number of border walls jumped from 7 to at least 70! So, how can we explain this need to separate?

      In her article for the New Yorker on “Do walls change how we think”, Jessica Wapner talks about the three main purposes of the walls which are “establishing peace, preventing smuggling, and terrorism”. It is based on the premises of keeping “the others” away, the others that are threatening to “us”, our safety, integrity and identity. These motivations form the basis for the political agenda of nationalism.

      Using the words of the famous psychologist, Elliot Aronson, humans are social animals, and we all have the need to belong to a group. This has been well described by the Social Identity Theory which claims that positive evaluation of the group we belong to helps us to maintain positive self-image and self-esteem. Negative evaluation of the “the other,” or the outgroup, further reaffirms the positive image of your own group — the intergroup bias. As such, strong social identity helps us feel safe and secure psychologically, which is handy in difficult times such as perceived threat posed by another nation or any other crisis. However, it often creates a “psychological illusion” as in attempt to seek that comfort, we distort the reality placing ourselves and our group in a more favourable light. This, in turn, only worsens the crisis, as described by Vamik Volkan, a psychiatrist and the president of the International Society of Political Psychology, in the article by Jessica Wapner.

      The disillusionment of walls

      In reality, history shows consistently that building walls have only, and many, negative consequences. The positive ones, well, are an illusion: based on the false sense of psychological protection.

      In 1973, a German psychiatrist #Dietfried_Müller-Hegemann, published a book, “#Wall_disease”, in which he talked about the surge of mental illness in people living “in the shadow” of the wall. Those who lived in the proximity of the Berlin wall showed higher rates of paranoia, psychosis, depression, alcoholism and other mental health difficulties. And the psychological consequences of the Iron Curtain lingered long after the actual wall was gone: in 2005, a group of scientists were interested in the mental representation of the distances between the cities in Germany among the German population. They demonstrated systematic overestimations of distances between German cities that were situated across the former Iron Curtain, compared with the estimated difference between cities all within the East or the West Germany. For example, people overestimated the distance between Dusseldorf and Magdeburg, but not between Dusseldorf and Hannover, or between Magdeburg and Leipzig.

      What was even more interesting is that this discrepancy was stronger in those who had a negative attitude towards the reintegration! These findings show that even when the physical separation is no longer present, the psychological distance persists.

      Building walls is a perfect strategy to prevent dialogue and cooperation and to turn the blind eye to what is happening on the other side — if I can’t see it, it doesn’t exist.

      It embodies two different ideologies that could not find the way to compromise and resorted to “sweeping the problem under the carpet”. From a psychoanalytical point of view, it refers to denial — a defence mechanism individuals experience and apply when struggling to cope with the demands of reality. It is important and comes to the rescue when we truly struggle, but, inevitably, it needs to be addressed for recovery to be possible. Perhaps this analogy applies to societies too.

      It goes without saying that the atmosphere created by putting the walls up is that of fear of “the other” and hostility. Jessica Wapner describes it very well in her article for the New Yorker, as she talks about the dystopian atmosphere of the looming surveillance and the mental illness that goes with it.

      And lastly, I wouldn’t want to miss a very important point related to the wall of interest in this blog — the Poland-Belarus wall. In this particular case, we will not only deal with the partition between people, but also between animals and within the ecosystem of the forest, which is likely to have a devastating effect on the environment and the local society.

      Bringing this blog to conclusion, I hope that we can take a step back and reflect on what history and psychology tell us about the needs and motivations to “build walls”, both physically and metaphorically, and the disillusionment and devastating consequences it might have: for people, for society, and for nature.

      https://www.inspirethemind.org/blog/the-iron-forest-building-the-walls-to-scar-the-nature
      #santé_mentale

    • Poland’s border wall to cut through Europe’s last old-growth forest

      Work has begun on a 116-mile long fence on the Polish-Belarusian border. Scientists call it an environmental “disaster.”

      The border between Poland and Belarus is a land of forests, rolling hills, river valleys, and wetlands. But this once peaceful countryside has become a militarized zone. Prompted by concerns about an influx of primarily Middle Eastern migrants from Belarus, the Polish government has begun construction on a massive wall across its eastern border.

      Human rights organizations and conservation groups have decried the move. The wall will be up to 18 feet tall (5.5 meters) and stretch for 116 miles (186 kilometers) along Poland’s eastern border, according to the Polish Border Guard, despite laws in place that the barrier seems to violate. It’s slated to plow through fragile ecosystems, including Białowieża Forest, the continent’s last lowland old-growth woodland.

      If completed within the next few months as planned, the wall would block migration routes for many animal species, such as wolves, lynx, red deer, recovering populations of brown bears, and the largest remaining population of European bison, says Katarzyna Nowak, a researcher at the Białowieża Geobotanical Station, part of the University of Warsaw. This could have wide-ranging impacts, since the Polish-Belarus border is one of the most important corridors for wildlife movement between Eastern Europe and Eurasia, and animal species depend on connected populations to stay genetically healthy.

      Border fences are rising around the world, the U.S.-Mexico wall being one of the most infamous. A tragic irony of such walls is that while they do reliably stop the movement of wildlife, they do not entirely prevent human migration; they generally only delay or reroute it. And they don’t address its root causes. Migrants often find ways to breach walls, by going over, under, or through them.

      Nevertheless, time after time, the specter of migrants crossing borders has caused governments to ignore laws meant to protect the environment, says John Linnell, a biologist with the Norwegian Institute for Nature Research.

      Polish border wall construction will entail heavy traffic, noise, and light in pristine borderland forests, and the work could also include logging and road building.

      “In my opinion, this is a disaster,” says Bogdan Jaroszewicz, director of the Białowieża Geobotanical Station.
      Fomenting a crisis

      The humanitarian crisis at the border began in summer 2021, as thousands of migrants began entering Belarus, often with promises by the Belarusian government of assistance in reaching other locations within Europe. But upon arrival in Belarus, many were not granted legal entry, and thousands have tried to cross into Poland, Latvia, and Lithuania. Migrants have often been intercepted by Polish authorities and forced back to Belarus. At least a dozen migrants have died of hypothermia, malnourishment, or other causes.

      Conflict between Belarus and the EU flared when Alexander Lukashenko claimed victory in the August 2020 presidential election, despite documented claims the election results were falsified. Mass protests and crackdowns followed, along with several rounds of EU sanctions. Poland and other governments have accused Belarus of fomenting the current border crisis as a sort of punishment for the sanctions.

      In response, the Polish government declared a state of emergency on the second of September, which remains in place. Many Polish border towns near the Belarusian border are only open to citizens and travel is severely restricted; tourists, aid workers, journalists, and anybody who doesn’t live or permanently work in the area cannot generally visit or even move through.

      That has made life difficult for the diverse array of people who live in this multi-ethnic, historic border region. Hotels and inns have gone out of business. Researchers trying to do work in the forest have been approached by soldiers at gunpoint demanding to know what they are doing there, says Michał Żmihorski, an ecologist who directs the Mammal Research Institute, part of the Polish Academy of Sciences, based in Białowieża.

      The Polish government has already built a razor-wire fence, about seven feet tall, along the border through the Białowieża Forest and much of the surrounding border areas. Reports suggest this fence has already entrapped and killed animals, including bison and moose. The new wall will start at the north edge of the Polish-Belarusian border, abutting Lithuania, and stretch south to the Bug River, the banks of which are already lined with a razor-wire fence.

      “I assume that it already has had a negative impact on many animals,” Żmihorski says. Further wall construction would “more or less cut the forest in half.”

      Some scientists are circulating an open letter to the European Commission, the executive branch of the EU, to try to halt the wall’s construction.

      Primeval forest

      Much of the Białowieża Forest has been protected since the 1400s, and the area contains the last large expanse of virgin lowland forest, of the kind that once covered Europe from the Ural Mountains to the Atlantic Ocean. “It’s the crown jewel of Europe,” Nowak says.

      Oaks, ash, and linden trees, hundreds of years old, tower over a dense, unmanaged understory—where trees fall and rot undisturbed, explains Eunice Blavascunas, an anthropologist who wrote a book about the region. The forest is home to a wide diversity of fungi and invertebrates—over 16,000 species, between the two groups—in addition to 59 mammalian and 250 bird species.

      In the Polish side of the forest, around 700 European bison can be found grazing in low valleys and forest clearings, a precious population that took a century to replenish. There are also wolves, otters, red deer, and an imperiled population of about a dozen lynx. Normally these animals move back and forth across the border with Belarus. In 2021, a brown bear was reported to have crossed over from Belarus.

      Reports suggest the Polish government may enlarge a clearing through Białowieża and other borderland forests. Besides the impact on wildlife, researchers worry about noise and light pollution, and that the construction could introduce invasive plants that would wreak havoc, fast-growing weedy species such as goldenrod and golden root, Jaroszewicz adds.

      But it’s not just about this forest. Blocking the eastern border of Poland will isolate European wildlife populations from the wider expanse of Eurasia. It’s a problem of continental scale, Linnell says, “a critical issue that this [border] is going to be walled off.”

      Walls cause severe habitat fragmentation; prevent animals from finding mates, food, and water; and in the long term can lead to regional extinctions by severing gene flow, Linnell says.
      Against the law?

      The wall construction runs afoul of several national environment laws, but also important binding international agreements, legal experts say.

      For one, Białowieża Forest is a UNESCO World Heritage site, a rare designation that draws international prestige and tourists. As part of the deal, Poland is supposed to abide by the strictures of the World Heritage Convention—which oblige the country to protect species such as bison—and to avoid harming the environment of the Belarusian part of the forest, explains Arie Trouwborst, an expert in environmental law at Tilburg University in the Netherlands.

      It’s conceivable that construction of the wall could lead UNESCO to revoke the forest’s World Heritage status, which would be a huge blow to the country and the region, Trouwborst adds; A natural heritage site has only been removed from the UNESCO list once in history.

      The Polish part of the Białowieża site has also been designated a Natura 2000 protected area under the European Union Habitats Directive, as are a handful of other borderlands forests. The new wall would “seem to sit uneasily with Poland’s obligations under EU law in this regard, which require it to avoid and remedy activities and projects that may be harmful for the species for which the site was designated, [including] European bison, lynx, and wolf,” Trouwborst says.

      EU law is binding, and it can be enforced within Poland or by the EU Court of Justice, which can impose heavy fines, Trouwborst says. A reasonable interpretation of the law suggests that the Polish government, by building a razor-wire fence through Białowieża Forest, is already in breach of the Habitats Directive. The law dictates that potentially harmful projects may in principle only be authorized “where no reasonable scientific doubt remains as to the absence” of adverse impacts. And further wall construction carries obvious environmental harms.

      “One way or another, building a fence or wall along the border without making it permeable to protected wildlife would seem to be against the law,” Trouwborst says.

      The EU Court of Justice has already shown itself capable of ruling on activity in the Białowieża Forest. The Polish government logged parts of the forest from 2016 to 2018 to remove trees infected by bark beetles. But in April 2018, the Court of Justice ruled that the logging was illegal, and the government stopped cutting down trees. Nevertheless, the Polish government this year resumed logging in the outskirts of Białowieża.
      Walls going up

      Poland is not alone. The global trend toward more border walls threatens to undo decades of progress in environmental protections, especially in transboundary, cooperative approaches to conservation, Linnell says.

      Some of the more prominent areas where walls have recently been constructed include the U.S.-Mexico border; the Slovenian-Croatian boundary; and the entire circumference of Mongolia. Much of the European Union is now fenced off as well, Linnell adds. (Learn more: An endangered wolf went in search of a mate. The border wall blocked him.)

      The large uptick in wall-building seems to have taken many conservationists by surprise, after nearly a century of progress in building connections and cooperation between countries—something especially important in Europe, for example, where no country is big enough to achieve all its conservation goals by itself, since populations of plants and animals stretch across borders.

      This rush to build such walls represents “an unprecedented degree of habitat fragmentation,” Linnell says. It also reveals “a breakdown in international cooperation. You see this return to nationalism, countries trying to fix problems internally... without thought to the environmental cost,” he adds.

      “It shows that external forces can threaten to undo the progress we’ve made in conservation... and how fragile our gains have been.”

      https://www.nationalgeographic.com/environment/article/polish-belarusian-border-wall-environmental-disaster
      #nature #faune #forêt #flore

      –-
      voir aussi ce fil de discussion sur les effets sur la faune de la construction de barrières frontalières :
      https://seenthis.net/messages/515608

    • Le spectre d’une nouvelle #crise_humanitaire et migratoire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie

      La #clôture construite par la Pologne en réponse à l’afflux de migrants en 2021, n’empêche pas la Russie de continuer à user de l’immigration comme d’une arme pour déstabiliser l’Europe.


      #Minkowce est une bourgade polonaise d’une centaine d’âmes, accolée à la frontière biélorusse, où les rues non goudronnées, les anciennes maisons de bois et leurs vieilles granges donnent l’impression que le temps s’y est arrêté. « On se croirait en Amérique à la frontière avec le Mexique ! », s’amuse pourtant Tadeusz Sloma, un agriculteur à la retraite. Car si dans cette région forestière, l’automne est humide et resplendit de couleurs vives en cette fin d’octobre, une imposante clôture d’acier de 5,5 mètres de hauteur, rappelant celle du Texas, s’élève depuis peu à proximité immédiate du hameau.

      « On finit par s’y habituer et on ne la regarde même plus », relativise M. Sloma, dont le jardin débouche sur la clôture. Ici, le souvenir de l’afflux migratoire de l’automne 2021 et de ses dizaines de milliers de réfugiés reste vif. « Nous jetions de la nourriture aux migrants au-dessus des barbelés, des sacs de couchage, des habits, se rappelle le retraité. Ils nous répondaient : “Thank you ! We love you !” Des femmes enceintes, des enfants… cela faisait mal au cœur. » Mais désormais, dit-il, tous les autochtones approuvent le mur et les mesures sécuritaires. « C’est une situation qui ne pouvait pas durer. On se sent davantage en sécurité. Ça ne se répétera pas. »

      Le long de ce qui était il y a encore peu une des frontières les plus paisibles et les plus sauvages de l’Union européenne (UE), chemine désormais un serpent d’acier, de béton et de barbelés de 186 kilomètres de long. Beaucoup plus imposante que les infrastructures similaires dans les pays Baltes, la clôture traverse la #forêt de #Bialowieza, la dernière forêt primaire d’Europe et ses pâturages de bisons, classée au patrimoine de l’Unesco. Les ONG et les scientifiques dénoncent une catastrophe écologique provoquée par la construction de l’infrastructure, qui traverse des zones où la biodiversité était préservée depuis près de douze mille ans.

      « Guerre hybride »

      Depuis que le régime biélorusse a fait de l’organisation de filières migratoires du Moyen-Orient une arme contre le Vieux Continent, le gouvernement national conservateur polonais a répondu avec la plus grande fermeté, au grand dam des défenseurs des droits humains.

      Pour lutter contre ce qui a été qualifié par les institutions européennes de « #guerre_hybride », la raison d’Etat a pris le dessus sur bien des considérations liées aux libertés civiques, au respect du droit d’asile où à la protection du patrimoine naturel. La guerre en Ukraine n’a pas arrangé les choses, même si le nombre de soldats dans la région est passé de 15 000 au pic de la crise migratoire à 1 600 aujourd’hui.

      Grâce à la lutte contre les filières depuis les pays d’origine, l’arrivée de migrants a considérablement baissé, mais ne s’est jamais tarie : 11 000 tentatives de passages ont été recensées depuis le début de l’année, dont 1 600 au mois octobre. Elles étaient 17 000 en octobre 2021. La clôture, opérationnelle depuis juin, est sur le point d’être équipée de systèmes de surveillance électronique dernier cri, avec lesquels les autorités espèrent la rendre « 100 % étanche. » Il restera néanmoins 230 km de frontière le long du Boug occidental, un cours d’eau difficile à surveiller.

      « Ce qui est frappant, c’est que le profil des migrants a radicalement changé , souligne Katarzyna Zdanowicz, porte-parole des gardes-frontières de la région de Podlachie, au nord-est de la Pologne. L’immense majorité provient désormais d’Afrique subsaharienne et de pays jamais recensés auparavant : Nigeria, Soudan, Congo, Togo, Bénin, Madagascar, Côte d’Ivoire, Kenya, Erythrée. » Autre différence : les migrants ne transitent désormais plus directement par Minsk mais d’abord par Moscou. « Il est clair que la Russie leur facilite la tâche. Les visas russes sont tous récents », ajoute-t-elle.

      Possible hausse des tensions

      A une moindre échelle, l’effroyable industrie migratoire pilotée par Minsk et Moscou continue, et les épaisses forêts marécageuses, surnommées par les migrants « la jungle », voient errer des centaines de personnes par semaine. Les soldats biélorusses jouent les passeurs et s’occupent de la logistique. Ils aident les migrants à franchir le mur, fournissent des échelles, des outils, de quoi creuser des tunnels.

      « Grâce au mur, il y a moins d’incidents , insiste Katarzyna Zdanowicz. Avant, les heurts violents étaient fréquents. Les Biélorusses diffusaient dans des haut-parleurs des pleurs d’enfants pour nous faire craquer. » Le temps où les gardes polonais et biélorusses organisaient chaque année, en bonne camaraderie, des compétitions de kayaks le long de la frontière, paraît aujourd’hui bien loin.

      D’autres signes laissent présager une possible hausse des tensions : la Russie a ouvert, début octobre, l’aéroport de Kaliningrad, l’enclave russe située entre la Pologne et la Lituanie, aux vols internationaux. Les médias russes rapportent que les autorités aéroportuaires ont annoncé leur intention d’ouvrir des liaisons avec les Emirats arabes unis, l’Egypte, l’Ethiopie ou encore la Turquie. Un moyen supplémentaire de pression sur l’UE. Pour l’heure, les autorités polonaises assurent toutefois ne constater « aucun phénomène préoccupant » sur la frontière avec Kaliningrad, pourtant particulièrement difficile à protéger.

      Plus au sud, le village de #Bialowieza vit toujours au rythme des interventions des activistes bénévoles, qui portent assistance en forêt aux réfugiés retrouvés dans des états critiques après des journées d’#errance. Au quartier général de l’organisation « #Grupa_Granica » (« Groupe Frontière »), dans un lieu tenu secret, on recense toujours entre 50 et 120 interventions par semaine, sur une zone relativement restreinte. « Grâce au mur, si l’on peut dire, nous n’avons presque plus de femmes ou d’enfants, c’est une différence par rapport à l’année dernière, confie Oliwia, une activiste qui souhaite rester anonyme. Mais nous avons davantage de jambes et de bras cassés, de blessés graves par les barbelés. »

      « Nous avons vu trop d’horreurs »

      Autre différence, la #répression des activistes par les services spéciaux s’est considérablement accrue. « L’aide est de plus en plus criminalisée. On essaye de nous assimiler à des passeurs, alors que nous n’enfreignons pas la loi. Nous sommes surveillés en permanence. » Chacun des militants a un numéro de téléphone écrit au marqueur indélébile sur l’avant-bras : le contact d’un avocat. Les #arrestations_violentes sont devenues monnaie courante. Il y a peu, le local d’une organisation partenaire, le Club de l’intelligentsia catholique (KIK), a été perquisitionné, des membres ont été arrêtés et du matériel confisqué.

      « Nous ne sommes plus en crise migratoire, ajoute Oliwia. Les gardes et l’armée devraient être plus contenus, faire respecter les procédures. Mais ils sont au contraire plus agressifs. La crise humanitaire, elle, est toujours là, et elle va s’accroître avec l’hiver. »

      En #Podlachie, l’aide aux migrants repose principalement sur les épaules des militants bénévoles et de certains autochtones. Elle est financée par des campagnes de dons, et les moyens tendent à se tarir. Nombreux sont ceux qui déplorent l’absence de soutien des grandes organisations humanitaires internationales.

      L’année tumultueuse qui s’est écoulée a laissé des traces dans les mentalités des populations locales, empreintes d’un ras-le-bol généralisé, d’une atmosphère d’extrême méfiance de l’étranger et d’omerta sur les sujets sensibles. « Après plus d’une année à agir, nous sommes tous exténués physiquement et psychiquement , conclut Olivia. Nous avons vu trop d’horreurs. »

      https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/29/a-la-frontiere-entre-la-pologne-et-la-bielorussie-le-spectre-d-une-nouvelle-
      #criminalisation_de_l'aide #criminalisation_de_la_solidarité

    • Polonia tra accoglienza e nuovi muri, ‘solidarnosc’ a lettura politica

      Un nuovo muro anti migranti clandestini tra Polonia e Bielorussia costato quasi mezzo miliardo di Euro che frena ma non ferma. Non bastano il muro e l’inverno, in quelle foreste particolarmente crudele. La spinta dei migranti clandestini usata anche come arma politica, analizza Marsonet. Sulla Polonia e altrove. Chi la favorisce e chi la ferma per ragioni opposte ma eguali: per interesse politico o per puro guadagno.
      Per rimanere su quel confine interpretato spesso come fronte con la Russia, tra le persone che lo attraversano o muoiono tentando di farlo, si contano circa 80 nazionalità e luoghi di origine, segnalano Croce rossa e Mezzaluna rossa.
      Il migrante come arma o come guadagno

      Vi sono pochi dubbi sul fatto che Putin e il suo alleato Lukashenko stiano utilizzando il problema dei migranti per mettere in difficoltà l’Unione Europea. Del resto, è noto che anche Erdogan sta praticando la stessa strategia. L’unica differenza è che il “sultano” si fa profumatamente pagare per impedire che i disperati lascino il suolo turco e si dirigano verso l’Ue, lasciando però scoperti varchi attraverso i quali la fuga può essere tentata.
      Nessuna richiesta di denaro invece, da Mosca e Minsk. Federazione Russa e Bielorussia vogliono solo accrescere le difficoltà di Bruxelles, magari usando i migranti per cercare di ammorbidire le sanzioni emanate dopo l’invasione dell’Ucraina.
      Europa in ordine sparso e scaricabarile

      Purtroppo occorre constatare che le varie nazioni europee affrontano il problema (anzi: il dramma) in ordine sparso. Non c’è alcuna strategia comune che l’Unione abbia adottato. E, se anche vi fosse, vien fatto di pensare che non verrebbe accettata da tutti.
      La reazione più comune consiste nel costruire muri sempre più alti, con grandi quantità di filo spinato e dotati di sensori elettronici in grado di dare l’allarme in caso di sconfinamento. Tali muri danno, ai Paesi che li erigono, un notevole senso di sicurezza.
      I muri muraglia senza imparare dalla storia

      E’ lecito chiedersi, tuttavia, se tale senso di sicurezza sia giustificato, o se si tratta piuttosto di una sicurezza fasulla. I fenomeni migratori sono una costante della storia, e non solo di quella occidentale. Gli imperatori cinesi costruirono la Grande Muraglia, che resta tuttora una meraviglia architettonica.
      Però non riuscì affatto a fermare i popoli delle steppe dell’Asia centrale, che la superarono senza eccessivi problemi penetrando quindi nei territori dell’Impero Celeste, mischiandosi ai cinesi e imponendo addirittura dinastie estranee agli “han”, la componente etnica maggioritaria della Cina.
      L’inganno delle trincee indifendibili

      Ci si chiede, quindi, perché mai nella nostra epoca i muri che vengono costruiti a ritmo accelerato nell’Europa dell’Est dovrebbero riuscire a bloccare le ondate di disperati che vogliono penetrare nelle nazioni più ricche, alla ricerca di un’esistenza migliore.
      Il caso emblematico è quello della Polonia, ormai trasformata in una sorta di “fortezza” protetta dai muri anzidetti. Senza scordare che non tutti i confini sono fortificabili in questo modo. Per esempio, tra Polonia e Bielorussia esistono vaste aree con grandi foreste e acquitrini che rendono in pratica impossibile la costruzione di muri di quel tipo.
      ‘Solidarnosc’ solo con Kiev

      Ora si apprende che Varsavia intende erigere un muro anche al confine con l’enclave russa di Kaliningrad, peraltro irta di missili che Mosca vi ha piazzato per far pesare la sua presenza militare. Il governo polacco è allarmato per l’aumento dei voli dall’Africa a Kaliningrad, e accusa quello russo di voler incoraggiare anche qui il passaggio di migranti.
      Sottolineando ancora una vota le responsabilità di Mosca (e di Minsk) che usa i migranti come “arma politica”, è tuttavia lecito chiedersi se una nazione vasta come la Polonia può davvero trasformarsi in fortezza inespugnabile con questi metodi. Dopo tutto è il Paese in cui Lech Walesa fondò il movimento sindacale “Solidarnosc” (che significa “solidarietà”).

      https://www.remocontro.it/2022/12/20/polonia-solo-per-lucraina-altri-muri-per-i-migranti-sgraditi

    • Refugees seriously injured on razor-wire fence UK helped build to keep asylum seekers out of EU

      Government accused of backing ‘inhumane’ policies as 16 people are badly hurt by barrier blocking entry via Poland from Belarus

      Refugees and asylum seekers have been seriously injured by a “dangerous” razor-wire fence that the UK helped to build to keep asylum seekers out of Europe.

      At least 16 people have been gravely hurt, some hospitalised, when recently attempting to reach Europe by crossing a 5.5m-high barrier the British military helped to construct on Poland’s border with Belarus.

      Humanitarian groups last night called for an inquiry into why the government had aided “inhumane anti-migration measures” and demanded answers from ministers over Britain’s “role in the harm and misery inflicted upon vulnerable people”.

      The Ministry of Defence confirmed it sent Royal Engineers personnel to Poland between December 2021 and August 2022 to provide “border infrastructure support” in response to “pressures from irregular migration”.

      The Polish defence minister stated British soldiers would work on a fence on the Belarusian border.

      Now the medical charity Médecins Sans Frontières (MSF) has revealed it has been treating a series of grave injuries sustained at the barrier.

      During the month up to 24 April, at least 16 people, mainly from Syria, Iraqi Kurdistan and Afghanistan, were treated for blunt injuries, sprains, cuts, and suspected fractures – some requiring urgent hospitalisation – as a “direct result” of trying to cross the razor-wire border wall stretching 116 miles along its frontier with Belarus.

      The types of injury led MSF medics to conclude that the border fence, completed last June, was “dangerous.”

      Sophie McCann, advocacy adviser at MSF UK, said: “MSF medical teams have seen the injuries and suffering caused by abusive treatment at Europe’s borders of refugees, people seeking asylum and other migrants.

      “It is therefore deeply alarming that the UK government is actively and directly supporting these inhumane anti-migration measures.

      “Given the government sent personnel to help construct fences in response to ‘irregular migration’, ministers have serious questions to answer about their role in the harm and misery inflicted upon vulnerable people searching for sanctuary.”

      A defence source said the UK had become involved after Belarus began forcing migrants towards Poland, a Nato ally, in an apparent attempt to undermine EU security.

      “Belarus’s deliberate policy to use migrants as weapons has sadly led to many being forced across secure border fences. The UK government condemns such use,” said the source.

      The developments come as the UK government refuses to say what anti-migrant and border security support it has given to Hungary, whose nationalist prime minister, Viktor Orbán, previously described asylum seekers entering Europe as “a poison”.

      Since January 2021, MSF teams at the border have treated 498 patients for physical injuries, allegedly because of physical assaults by Hungary’s border police and army, or due to a steel fence built on the border with Serbia to keep out migrants.

      The charity said it was investigating recent reports of children locked up in shipping containers and teargassed in Hungary.

      Another country accused of serious abuses towards refugees is Greece. The UK government has, in the past, been transparent about helping Athens with anti-migrant measures but now appears to have adopted a policy of secrecy, not answering queries from the Observer or sharing details following Freedom of Information requests.

      “The excessive secrecy around the provision of assistance to other states’ harsh migration policies is deeply alarming,” said McCann.

      This month the New York Times published video showing asylum seekers taken to sea and abandoned on a raft by the Greek coastguard – despite the country claiming it does not ditch migrants at sea.

      McCann added: “We have seen the horrendous human cost of policies such as violent pushbacks – where people arriving in Greece are aggressively forced back out to sea and abandoned. Yet the Home Office is refusing to share even minimal information about what support it provides to border forces in Greece or Hungary – two states where many of the worst abuses happen.

      “It is completely unacceptable that the UK government continues to support this approach while seeking to cover up the evidence of its support at every turn.”

      A Ministry of Defence spokesperson said: “Between December 2021 and August 2022, personnel from the Royal Engineers were deployed to Poland to help secure its border.

      “Personnel supported Polish troops with specific engineering tasks along the border including infrastructure support and repairing access roads, as well as planning support.”

      The Home Office referred queries to the Foreign Office who said the issue was one for the Home Office.

      https://www.theguardian.com/uk-news/2023/may/27/refugees-hurt-dangerous-fence-uk-built-keep-asylum-seekers-out-of-eu-po