Le raisonnement panglossien : épisode 6/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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Le raisonnement panglossien : épisode 6/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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L’effet #barnum, ou faire du sens avec du flou : épisode 1/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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#cognition #biais #biaiscognitifs #horoscope #subjectivité #validation
Le #biais du #survivant : épisode 2/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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L’effet #idéomoteur, ou comment votre cerveau en mettrait sa main au feu : épisode 3/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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L’engagement et son #escalade : épisode 4/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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#cognition #biais #biaiscognitifs #engagement #coût #décision #SunkCostFallacy
#placebo, la tromperie qui soigne ? : épisode 5/6 du podcast Déjouer les manipulations, avec Richard Monvoisin | France Culture
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Techno-Fascisme : quand la Tech menace nos démocraties
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#bigtech #numérique #propagande #surveillance #optimisation #politique #attention #totalitarisme #fascisme #influence #manipulation #vidéosurveillance #VSA #technopolice #intelligenceartificielle #productivité #rationalité #biais #économie #fraude #précarité #discrimination #justice #normalisation #pouvoir #algorithmes #démocratie #gouvernance #technosolutionisme #bestof
« Finalement porter des talons c’est moins dangereux quand on a des testicules » : histoire de la sexualisation des corps | France Culture
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Avec
Cat Bohannon, chercheuse et autrice américaine
Dans une anesthésie générale, les femmes se réveillent plus vite que les hommes, quel que soit leur âge, leur poids ou le dosage qu’on leur a administré. Cette découverte inattendue, faite par hasard en 1999, en a révélé une autre : personne ne s’était jamais posé la question.
En biologie expérimentale comme dans la recherche médicale, en effet, la majorité des sujets des essais cliniques restent des hommes et la grande majorité des études réalisées sur des animaux emploient elles aussi presque toujours des sujets mâles. C’est ainsi que les médecins administrent aux hommes et aux femmes les mêmes doses d’antidépresseurs, par exemple, alors que les réactions diffèrent en fonction du sexe et que les femmes sont plus sujettes à l’anxiété que les hommes. Autrement dit, les femmes sont moins bien soignées.
Certains scientifiques parlent à ce sujet de biais sexuel et c’est en partant de ce constat que l’essayiste américaine Cat Bohannon s’est lancée dans un projet très ambitieux : une histoire de la biologie évolutive qui place les hommes et les femmes en son centre. Autrement dit une histoire de la sexualisation des corps depuis l’aube de l’humanité jusqu’à aujourd’hui. Eve : 200 millions d’années d’évolution au féminin de la chercheuse Cat Bohannon est publié aux éditions Flammarion.
Une vie corporelle : « être sexué s’insinue dans toutes les caractéristiques essentielles de notre corps, ainsi que dans la vie que nous menons à l’intérieur de ce corps »
L’universitaire et chercheuse Cat Bohannon a étudié l’évolution du langage et de la cognition à l’université de Columbia. Elle rapporte que durant des années dans un objectif de simplification et afin « d’éliminer les facteurs confondants » les recherches et essais cliniques ont été menés sur les corps masculins, excluant le corps féminin en raison de ses variations cycliques. Cat Bohannon énonce : « dans le corps des mammifères, tous les tissus ont des récepteurs aux hormones sexuelles, cela implique d’analyser ces effets. » Cat Bohannon détaille comment les organes ont évolué jusqu’à aujourd’hui, des traces de cette histoire perdurent chez les femmes contemporaines ; elle prend l’exemple de l’oreille interne qui est spécifique et différente pour la femme et l’homme.
Dans les défaillances des décisions automatisées | Le Club
▻https://blogs.mediapart.fr/hubertguillaud/blog/040425/dans-les-defaillances-des-decisions-automatisees
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#algorithmes #gouvernance #biais #automatisation #anomalie #détection #fraude #abus #pouvoir #domination
Les racines cognitives et culturelles du #déni climatique - Forum Européen de Bioéthique
▻https://www.forumeuropeendebioethique.eu/emissions/les-racines-cognitives-et-culturelles-du-deni-climatique
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#striatum #biais #comportement #dopamine #désir #récompense #habitude #imitation #finitude #cognition #action #engagement #longterme #climat
En Europe, les migrants premières victimes de l’intelligence artificielle
Alors que se tient à Paris cette semaine le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA), chefs d’État, chefs d’entreprise, chercheurs et société civile sont appelés à se prononcer sur les #risques et les #limites de ses usages. Des #biais_discriminatoires et des #pratiques_abusives ont déjà été observés, en particulier dans la gestion européenne de l’immigration.
Un #détecteur_d’émotions pour identifier les #mensonges dans un #récit, un #détecteur_d’accent pour trouver la provenance d’un ressortissant étranger, une analyse des #messages, des #photos, des #géolocalisations d’un #smartphone pour vérifier une #identité… voici quelques exemples de systèmes intelligents expérimentés dans l’Union européenne pour contrôler les corps et les mouvements.
« Ici, les migrations sont un #laboratoire_humain d’#expérimentation_technologique grandeur nature », résume Chloé Berthélémy, conseillère politique à l’EDRi (European Digital Rights), un réseau d’une cinquantaine d’ONG et d’experts sur les droits et libertés numériques. « Les gouvernements et les entreprises utilisent les environnements migratoires comme une phase de #test pour leurs produits, pour leurs nouveaux systèmes de contrôle. »
Des détecteurs de mensonges à la frontière
L’un des plus marquants a été le projet #iBorderCtrl. Financé partiellement par des fonds européens, le dispositif prévoyait le déploiement de détecteurs de mensonges, basés sur l’analyse des #émotions d’un individu qui entrerait sur le sol européen. « Les #visages des personnes, en particulier des demandeurs d’asile, étaient analysés pour détecter si, oui ou non, ils mentaient. Si le système considérait que la personne était un peu suspecte, les questions devenaient de plus en plus compliquées. Puis, éventuellement, on arrivait à un contrôle plus approfondi par un agent humain », explique-t-elle.
Expérimenté dans les #aéroports de Grèce, de Hongrie et de Lettonie, il ne serait officiellement plus utilisé, mais l’EDRi émet quelques doutes. « Dans ce milieu-là, on est souvent face à une #opacité complète et il est très dur d’obtenir des informations. Difficile de dire à l’heure actuelle si cette technologie est encore utilisée, mais dans tous les cas, c’est une volonté européenne que d’avoir ce genre de systèmes aux frontières. »
Drones de surveillance, caméras thermiques, capteurs divers, les technologies de surveillance sont la partie émergée de l’iceberg, la face visible de l’intelligence artificielle. Pour que ces systèmes puissent fonctionner, il leur faut un carburant : les #données.
Les bases de données se multiplient
L’Europe en a plusieurs en matière d’immigration. La plus connue, #Eurodac – le fichier des #empreintes_digitales – vise à ficher les demandeurs et demandeuses d’asile appréhendés lors d’un passage de frontière de manière irrégulière. Créée en 2002, la nouvelle réforme européenne sur l’asile étend considérablement son pouvoir. En plus des empreintes, on y trouve aujourd’hui des photos pour alimenter les systèmes de #reconnaissance_faciale. Les conditions d’accès à Eurodac pour les autorités policières ont également été assouplies. « Elles pourront le consulter pour des objectifs d’enquêtes criminelles, on retrouve donc cette idée que de facto, on traite les demandeurs d’asile, les réfugiés, avec une présomption d’illégalité », conclut Chloé Berthélémy.
Or, ces collectes d’informations mettent de côté un principe clef : celui du #consentement, condition sine qua non dans l’UE du traitement des données personnelles, et clairement encadré par le Règlement général de protection des données (#RGPD). Les politiques migratoires et de contrôles aux frontières semblent donc faire figures d’#exception. Lorsqu’une personne pose le pied sur le sol européen, ses empreintes seront collectées, qu’il soit d’accord ou non. Selon l’EDRi, « l’Union européenne est en train de construire deux standards différents. Un pour ceux qui ont les bons papiers, le bon statut migratoire, et un autre pour ceux qui ne les ont pas ».
Un nouveau cadre juridique qui a d’ailleurs été attaqué en justice. En 2021, en Allemagne, la GFF, la Société des droits civils (qui fait partie du réseau de l’EDRi) triomphe de l’Office allemand de l’immigration, condamné pour pratiques disproportionnées. Textos, données de géolocalisation, contacts, historique des appels et autres #fichiers_personnels étaient extraits des #smartphones des demandeurs d’asile à la recherche de preuve d’identité.
Automatisation des décisions
Une fois les frontières passées, l’intelligence artificielle continue à prendre pour cible des étrangers, à travers sa manifestation la plus concrète : les #algorithmes. Examiner les demandes de #visa ou de #naturalisation, attribuer un #hébergement, faciliter l’organisation des #expulsions, prédire les flux migratoires… la multiplication des usages fait craindre aux chercheurs une administration sans guichet, sans visage humain, entièrement automatisée. Problème : ces systèmes intelligents commettent encore beaucoup trop d’#erreurs, et leur prise de décisions est loin d’être objective.
En 2023, l’association La Quadrature du Net révèle que le code source de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) attribue un « score de risque » à chaque allocataire. La valeur de ce score est ensuite utilisée pour sélectionner ceux qui feront l’objet d’un contrôle. Parmi les critères de calcul : avoir de faibles revenus, être au chômage, ou encore être né en dehors de l’Union européenne. « En assimilant la précarité et le soupçon de fraude, l’algorithme participe à une politique de #stigmatisation et de #maltraitance institutionnelle des plus défavorisés », estime Anna Sibley, chargée d’étude au Gisti. Quinze ONG ont d’ailleurs attaqué cet algorithme devant le Conseil d’État en octobre 2024 au nom du droit à la protection des données personnelles et du principe de non-discrimination.
Autre exemple : l’IA a déjà été utilisée par le passé pour soutenir une prise de décision administrative. En 2023, le ministère de l’Intérieur a « appelé à la rescousse » le logiciel #Google_Bard, un outil d’aide à la prise de décision, pour traiter la demande d’asile d’une jeune Afghane. « Ce n’est pas tant le fait que l’intelligence artificielle ait donné une réponse négative qui est choquant. C’est plutôt le fait qu’un employé du ministère de l’Intérieur appuie sa réponse sur celle de l’IA, comme si cette dernière était un argument valable dans le cadre d’une décision de justice », analyse la chercheuse.
#Dématérialisation à marche forcée
En 2024, un rapport du Défenseur des droits pointait du doigt les atteintes massives aux droits des usagers de l’ANEF, l’administration numérique des étrangers en France. Conçue pour simplifier les démarches, l’interface permet le dépôt des demandes de titres de séjour en ligne.
Pourtant, les #dysfonctionnements sont criants et rendent la vie impossible à des milliers de ressortissants étrangers. Leurs réclamations auprès du Défenseur des droits ont augmenté de 400% en quatre ans. Des #plaintes allant du simple problème de connexion aux erreurs de décisions de la plateforme. Un casse-tête numérique contre lequel il est difficile de se prémunir. « Les services d’accompagnement déployés sont trop limités », constate Gabrielle de Boucher, chargée de mission numérique droits et libertés auprès du Défenseur des droits. Selon elle, il est important que la France reconnaisse aux étrangers le droit de réaliser toute démarche par un canal humain, non dématérialisé, un accueil physique.
Le biais discriminatoire
Autre écueil de la dématérialisation croissante des administrations : le biais discriminatoire. Puisque les systèmes intelligents sont entraînés par des êtres humains, ces derniers reproduisent leurs biais et les transmettent involontairement à l’IA. Illustration la plus concrète : les erreurs d’#identification.
En 2023, un homme a été arrêté aux États-Unis après que les logiciels de reconnaissance faciale l’ont désigné par erreur comme l’auteur de vols. « On peut légitimement avoir des craintes sur le respect des droits, puisqu’on sait, par exemple, que le taux d’erreur est plus élevé pour les personnes non blanches », s’inquiète Gabrielle du Boucher. Comme elles sont sous représentées dans les #bases_de_données qui nourrissent l’apprentissage de l’IA, celle-ci sera moins fiable que lorsqu’elle devra, par exemple, se concentrer sur les personnes blanches.
►https://www.infomigrants.net/fr/post/62762/en-europe-les-migrants-premieres-victimes-de-lintelligence-artificiell
#IA #AI #intelligence_artificielle #migrations #réfugiés #victimes #frontières #technologie #contrôle #surveillance #accent #langue #discrimination
Comment l’IA générative pourrait améliorer le #triage des patients aux urgences - Next
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Intelligence artificielle, #biais et #stéréotypes : nous sommes dans « un cercle vicieux »
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#intelligenceartificielle #confirmation #exclusion #diversité #inclusion
Près de 70 % des Français n’éprouvent pas de « sentiment de submersion » migratoire, selon une enquête sociale européenne
Selon l’#Enquête_sociale_européenne 2023-2024 menée par des universitaires dans 31 pays européens, au moins 69 % des Français sont favorables à l’#accueil d’étrangers dans notre pays. Bien loin du « sentiment de #submersion_migratoire » évoqué par le premier ministre François Bayrou.
Accoler « #sentiment » au concept de « submersion migratoire » relève d’une #stratégie_de_communication millimétrée qui place le débat au-delà des #réalités_statistiques sur l’#immigration. Qui peut nier les #ressentis subjectifs des citoyens, aussi biaisés soient-ils ? Des #données d’enquêtes internationales qui interrogent les Français sur la #politique_migratoire de notre pays montrent pourtant que le « #sentiment_de_submersion_migratoire » n’existe pas.
La submersion migratoire, une idée largement démentie
Le 27 janvier 2025 sur LCI, les déclarations de François Bayrou font des émules lorsqu’il évoque l’idée qu’il existe en France un « sentiment de submersion » migratoire. Difficile de croire que les mots n’ont pas été méticuleusement choisis. En réaction, le PS annule une réunion avec le gouvernement sur le budget et dix jours plus tard, le chef du gouvernement se prononce pour un débat plus large sur qu’« est-ce qu’être français ».
Dans une tribune parue dans le Monde, le sociologue Emmanuel Didier souligne qu’en désavouant l’#Insee, dont les #statistiques contreviennent à l’idée de #submersion, le chef du gouvernement participe à la fragilisation de notre administration et de notre institut de statistiques dont la réputation n’est pourtant plus à faire. Dans cette lignée, l’historien et sociologue Hervé le Bras a consacré en 2022 un ouvrage complet sur l’idée tout aussi fausse qu’il existerait un « #grand_remplacement ».
Le professeur au Collège de France François Héran rappelait quant à lui que « la France n’était pas le pays le plus attractif d’Europe, bien au contraire » et qu’il faudrait plutôt s’en inquiéter.
Le sentiment des Français, une dimension qui compte
Mais les mots du chef du gouvernement sont choisis. Il parle de « sentiment ». Peu importe la réalité, même si on sait que, partout dans le monde, les citoyens surestiment systématiquement la part d’étrangers dans leur société comme le démontre très bien un article, au sérieux indiscutable, publié par la Française Stefania Stantcheva, professeure à Harvard.
Peut-on aller contre le sentiment des Français, aussi biaisé soit-il ? Cela paraît difficile tant le peuple devrait être souverain en démocratie. Mais avant de penser la mise en pratique de cet aspect théorique de notre modèle politique, encore faut-il que ce « sentiment » ait une quelconque matérialité.
En employant le terme « sentiment », le chef du gouvernement s’appuie sur une appréciation subjective de la réalité qui lui permet de placer le débat au-delà des données collectées par l’Insee et du même coup créer l’embarras. Qui dispose de la légitimité pour nier le « #ressenti » de nos citoyens, fondé sur la #perception de leur environnement au quotidien ? A priori personne.
On peut en revanche s’attacher à documenter si ce sentiment existe réellement en France. Certes, les Français surestiment le nombre d’étrangers dans notre pays, mais ont-ils pour autant le sentiment d’être submergés ? Peut-être y voient-ils une richesse culturelle, un atout pour notre pays, ou sont-ils tout simplement indifférents ?
Repartir des données
Si les données les plus récentes de l’Insee ne permettent pas de répondre à cette question, il va de soi que les données collectées par un parti politique, les microtrottoirs réalisés pour illustrer tel ou tel documentaire, ou les rapports élaborés par les associations ne constituent en rien des preuves exploitables à verser au débat. Il faut pour cela des données d’enquête collectées via un #protocole_statistique clair et éprouvé, fondé sur les techniques de #sondage que seules quelques organisations sont en mesure de mettre en œuvre. Il faut une photographie représentative des sentiments des Français.
L’Enquête sociale européenne (ESS), dispositif transnational bisannuel, menée par des universitaires dans toute l’Europe, a récemment fait paraître les résultats de sa onzième campagne réalisée en 2023-2024 dans 31 pays.
Trois questions invitent les enquêtés à se prononcer sur la mesure dans laquelle la France devrait autoriser des #étrangers à venir vivre en France. Les données sont disponibles en ligne et téléchargeables sans prérequis.
La première question concerne le fait d’autoriser les personnes du même groupe ethnique que la plupart des habitants de la France. La seconde question concerne les personnes de groupes ethniques différents. La troisième porte sur les personnes venues de pays pauvres hors Union européenne. Les répondants ont le choix des réponses entre « beaucoup », « un certain nombre », « peu » ou « aucun ».
Les Français ont-ils le sentiment de boire la tasse ?
Un sentiment de submersion de la part des Français se traduirait par une majorité de répondants en faveur d’une opposition catégorique à l’accueil d’étranger dans notre pays ou, a minima, par une majorité de répondants s’exprimant en faveur de « peu » ou « aucun ». Or les chiffres de l’enquête ne confirment absolument pas cette réalité.
Sur ces trois questions, le pourcentage de Français catégoriquement opposés à l’accueil d’étrangers oscille entre 3,5 % et 8,2 % tandis que ceux qui y sont très largement favorables s’établit entre 17,4 % et 23,3 %.
On est loin d’une opposition totale comme le montre le graphique 1 où chaque point représente une des quatre modalités de réponse pour chacune des questions.
Graphique 1 – La France devrait-elle autoriser des étrangers à venir vivre en France ?
Entre ces deux cas polaires, ils sont entre 51,6 % et 60 % à répondre qu’ils sont favorables à l’accueil d’un certain nombre d’étrangers (traduction de l’anglais « some », quantité indéfinie) et entre 13,2 % et 22,9 % en faveur du « peu ». Et lorsqu’on groupe les modalités par paire (« beaucoup » et « quelques-uns » vs « peu » et « aucun »), on obtient un pourcentage de répondants vraiment favorables supérieur à 69 % dans les trois cas.
Au moment de l’enquête, les citoyens français semblent donc bien loin de percevoir une submersion migratoire. Mais peut-être que cette « photographie » statique cache tout de même une tendance de fond qui se dégrade ?
En quatre ans, une dépolarisation des avis sur l’accueil des migrants
L’avis des Français sur l’accueil des étrangers s’est dépolarisé en quatre ans. La puissance de l’ESS repose notamment sur sa bisannualité. Il est donc possible de comparer l’évolution de l’avis des Français entre deux campagnes.
Le graphique 2 résume ces évolutions. Les points rouges, qui capturent l’évolution des opposants stricts à l’immigration entre les deux périodes, enregistrent les évolutions les plus marquées, toutes à la baisse, entre 6 et 17 % selon les catégories. Les points verts, qui eux capturent l’évolution des partisans d’une immigration large, enregistrent également une baisse, mais plus contenue, comprise entre 6 et 10 %.
Entre les deux, la part des Français qui expriment une opinion en faveur d’« un certain nombre de migrants » stagne pour les étrangers venus de pays pauvres hors de l’UE et progresse pour les deux questions qui contiennent une référence à l’ethnie dominante en France. Les partisans du « peu » progressent également de plus de 10 % pour les migrants issus de pays pauvres hors UE, mais est en quasi-stagnation ou régressent pour les deux autres questions.
Graphique 2 –– Évolution (en %) de l’avis des Français entre l’enquête de 2020-2022 et celle de 2023-2024.
Cette tendance à la dépolarisation des Français ne révèle en aucun cas un « sentiment de submersion migratoire ». Le constat d’un tel écart entre les éléments de langage du chef du gouvernement et des réalités établies par la recherche ou des données accessibles à tous appelle à la mise en œuvre de propositions plus sérieuses dans le débat public.
Aujourd’hui, sur l’immigration, plus que sur tout autre sujet, l’État doit être garant de l’utilisation d’une information fiable pour mener à bien sa mission de gardien de la cohésion sociale.
▻https://theconversation.com/pres-de-70-des-francais-neprouvent-pas-de-sentiment-de-submersion-m
#France #biais #migrations
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voir aussi ce fil de discussion sur la "submersion migratoire"
▻https://seenthis.net/messages/1095770
#Intelligence_artificielle : les 7 choses qu’on ne vous dit pas
Du 10 et 11 février, la France accueille le Sommet mondial sur l’Intelligence Artificielle. Au programme : une vitrine sur l’avenir qui n’exposera pas les #dangers de l’IA. Bien que ces technologies offrent des avancées réelles - dans le domaine de la médecine par exemple - elle présente aussi des dangers sérieux pour les droits humains. Avec plusieurs organisations de la société civile, nous listons ici les faces cachées de l’IA qui ne seront pas présentées au sommet.
En organisant à Paris le sommet mondial sur l’Intelligence artificielle (IA), Emmanuel Macron souhaite que « la France ne passe pas à côté de cette révolution. » Sous couvert d’innovation, c’est la course à la productivité et au profit qui est en jeu. Au rythme foudroyant à laquelle l’IA se développe, les dirigeants ne semblent pas pressés de réfléchir aux enjeux humains, sociaux et environnementaux que posent ces nouvelles technologies. Pourtant, l’un des plus grands enjeux est là.
Développer l’IA pour continuer d’obtenir des avancées majeures dans des domaines comme la médecine oui, mais développer l’IA en mettant en péril des droits : c’est non. Les droits humains et la justice environnementale doivent être placés au cœur de la régulation de l’intelligence artificielle.
Et parce que les dangers de l’IA ne figureront pas au programme officiel du Sommet mondial, nous vous les rappelons ici.
1. L’IA perpétue le #racisme
Pour fonctionner, l’IA s’appuie sur des #bases_de_données qui intègre les #préjugés et #biais des personnes qui l’ont créé. L’IA perpétue donc les #stéréotypes et accentue les #discriminations déjà existantes.
➡️Aux États-Unis, la police utilise une IA pour prédire la récidive criminelle. C’est le fait qu’une personne accusée va potentiellement commettre un nouveau un délit. Cette IA cible deux fois plus les accusés Noirs que les accusés Blancs.
2. L’IA accentue le #sexisme
L’intelligence artificielle s’impose comme un miroir de nos sociétés : elle reflète, aussi, ses biais et accentue les #inégalités_de_genre.
➡️En Autriche, des #algorithmes utilisés dans des outils d’accès à l’emploi ont écarté les femmes des secteurs informatique.
3. L’IA permet la #cybercriminalité
Les montages perçus les plus crédibles générés par IA sont un réel danger pour les femmes et les enfants.
➡️Les #deepfakes sont massivement utilisés dans le but de nuire aux femmes et de générer des contenus pédocriminels.
4. L’IA impacte la planète
➡️D’ici 2027, l’IA générative nécessitera une alimentation en #électricité équivalente à celle de l’Argentine, cinq fois la France en superficie.
Les pays du Sud sont les premiers impactés par les ravages écologiques de l’IA : les #data_center y pullulent, l’extraction de #minerais comme le #cobalt (utilisé pour la fabrication des #batteries) met en péril la santé des populations et entraîne la #pollution des eaux et des terres.
Les émissions de CO2 des "géants de la Tech” ont augmenté de 30 à 50% en 2024 suite au développement fulgurant de l’intelligence artificielle.
5. L’IA désinforme
Beaucoup d’outils d’intelligence artificielle permettent et participent à la #désinformation :
➡️Des « #bots », ces robots qui imitent l’activité humaine sur les réseaux sociaux pour manipuler l’information, en spammant du contenu, en renforçant la notoriété de comptes ou en diffusant de fausses informations.
➡️Montage photo généré par l’IA. Lors de la campagne américaine, Donald Trump a relayé une photo générée par IA montrant Kamala Harris de dos en leader communiste face à une foule de partisans. Une image vue 82 millions de fois.
➡️Les deepfakes, ces fausses vidéos de célébrité qui prolifèrent sur les réseaux sociaux, outil notamment utilisé lors de campagnes présidentielles pour attribuer de faux propos aux candidats en lice.
À la vitesse laquelle se développe l’IA, il va devenir de plus en plus difficile de déceler le vrai du faux.
6. L’IA surveille
Les systèmes d’IA sont aussi utilisés à des fins de #surveillance contre certaines populations. En témoigne les pratiques de la Chine, dotées d’outils dopées à l’IA pour surveiller la population ouïghoure. Et bien souvent, ces technologies sont développées par les pays occidentaux.
➡️L’IA est d’ailleurs déjà utilisée aux #frontières européennes à des fins de surveillance contre les personnes exilées. Parmi les outils : des #détecteurs_de_mensonge et d’émotions sont utilisés pour contrôler les frontières. Baptisé #iBorderCtrl, le projet est financé par l’Union européenne et déjà testé dans 3 pays : Hongrie, Grèce et Lettonie.
7. L’IA peut tuer
L’IA, c’est aussi ça : des drones et autres armes sophistiquées capables de choisir leurs propres cibles et de les attaquer sans contrôle humain. Des robots-tueurs, décidant via leurs algorithmes de qui vit et de qui meurt, se développent et se vendent déjà sur le marché.
➡️À Gaza, l’armée israélienne a utilisé une IA appelée Lavender, censée cibler des terroristes mais qui ont provoqué la mort de milliers de civils gazaouis.
▻https://www.amnesty.fr/actualites/intelligence-artificielle-les-sept-choses-qu-on-ne-vous-dit-pas
#IA
TRIBUNE | « L’IA contre les droits humains, sociaux et environnementaux »
Plus d’une vingtaine d’organisations réunies au sein de la coalition Hiatus, parmi lesquelles Attac, La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme, estiment, dans une tribune au « Monde » (►https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/06/l-intelligence-artificielle-accelere-le-desastre-ecologique-renforce-les-inj), qu’il faut résister au déploiement massif de l’IA, au nom des droits humains, sociaux et environnementaux.
Tout concourt à ériger le déploiement massif de l’intelligence artificielle (IA) en priorité politique. Prolongeant les discours qui ont accompagné l’informatisation depuis plus d’un demi-siècle, les promesses abondent pour conférer à l’IA des vertus révolutionnaires et imposer l’idée que, moyennant la prise en compte de certains risques, elle serait nécessairement vecteur de progrès. C’est donc l’ensemble de la société qui est sommée de s’adapter pour se mettre à la page de ce nouveau mot d’ordre industriel et technocratique.
Partout dans les services publics, l’IA est ainsi conduite à proliférer au prix d’une dépendance technologique accrue. Partout dans les entreprises, les manageurs appellent à recourir à l’IA pour « optimiser » le travail. Partout dans les foyers, au nom de la commodité et d’une course insensée à la productivité, nous sommes poussés à l’adopter.
Pourtant, sans préjuger de certaines applications spécifiques et de la possibilité qu’elles puissent effectivement répondre à l’intérêt général, comment ignorer que ces innovations ont été rendues possible par une formidable accumulation de données, de capitaux et de ressources sous l’égide des multinationales de la tech et du complexe militaro-industriel ? Que pour être menées à bien, elles requièrent, notamment, de multiplier la puissance des puces graphiques et des centres de données, avec une intensification de l’extraction de matières premières, de l’usage des ressources en eau et en énergie ?
Des conséquences désastreuses
Comment ne pas voir qu’en tant que paradigme industriel, l’IA a d’ores et déjà des conséquences désastreuses ? Qu’en pratique, elle se traduit par l’intensification de l’exploitation des travailleurs et travailleuses qui participent au développement et à la maintenance de ses infrastructures, notamment dans les pays du Sud global où elle prolonge des dynamiques néocoloniales ? Qu’en aval, elle est le plus souvent imposée sans réelle prise en compte de ses impacts délétères sur les droits humains et l’exacerbation des discriminations telles que celles fondées sur le genre, la classe ou la race ?
Que de l’agriculture aux métiers artistiques en passant par bien d’autres secteurs professionnels, elle amplifie le processus de déqualification et de dépossession vis-à-vis de l’outil de travail, tout en renforçant le contrôle managérial ? Que dans l’action publique, elle agit en symbiose avec les politiques d’austérité qui sapent la justice socio-économique ? Que la délégation croissante de fonctions sociales cruciales à des systèmes d’IA, par exemple dans le domaine de la santé ou de l’éducation, risque d’avoir des conséquences anthropologiques, sanitaires et sociales majeures sur lesquelles nous n’avons aujourd’hui aucun recul ?
Or, au lieu d’affronter ces problèmes, les politiques publiques menées aujourd’hui en France et en Europe semblent essentiellement conçues pour conforter la fuite en avant de l’intelligence artificielle. C’est notamment le cas de l’AI Act adopté par l’Union européenne et présenté comme une réglementation efficace, alors qu’il cherche en réalité à promouvoir un marché en plein essor. Pour justifier cet aveuglement et faire taire les critiques, c’est l’argument de la compétition géopolitique qui est le plus souvent mobilisé.
Une maîtrise démocratique
A longueur de rapports, l’IA apparaît ainsi comme le marchepied d’un nouveau cycle d’expansion capitaliste, et l’on propose d’inonder le secteur d’argent public pour permettre à l’Europe de se maintenir dans la course face aux États-Unis et à la Chine.
Ces politiques sont absurdes, puisque tout laisse à penser que le retard de l’Europe dans ce domaine ne pourra pas être rattrapé, et que cette course est donc perdue d’avance.
Surtout, elles sont dangereuses dans la mesure où, loin de constituer la technologie salvatrice souvent mise en avant, l’IA accélère au contraire le désastre écologique, renforce les injustices et aggrave la concentration des pouvoirs. Elle est de plus en plus ouvertement mise au service de projets autoritaires et impérialistes. Non seulement le paradigme actuel nous enferme dans une course technologique insoutenable, mais il nous empêche aussi d’inventer des politiques émancipatrices en phase avec les enjeux écologiques.
La prolifération de l’IA a beau être présentée comme inéluctable, nous ne voulons pas nous résigner. Contre la stratégie du fait accompli, contre les multiples impensés qui imposent et légitiment son déploiement, nous exigeons une maîtrise démocratique de cette technologie et une limitation drastique de ses usages, afin de faire primer les droits humains, sociaux et environnementaux.
Premiers signataires
David Maenda Kithoko, président de Génération Lumière ; Julie Le Mazier, cosecrétaire nationale de l’union syndicale Solidaires ; Julien Lefèvre, membre de Scientifiques en rébellion ; Marc Chénais, directeur de L’Atelier paysan ; Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme ; Raquel Radaut, porte-parole de La Quadrature du Net ; Soizic Pénicaud, membre de Féministes contre le cyberharcèlement ; Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU ; Stéphen Kerckhove, directeur général d’Agir pour l’environnement ; Vincent Drezet, porte-parole d’Attac France.
▻https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/l-ia-contre-les-droits-humains-sociaux-et-environnementaux
Pourquoi acceptons-nous l’inacceptable ?
Et comment construire une #santé_mentale_collective ?
Les #injustices_sociales en France, comme la réforme des retraites, les discriminations raciales et la violence policière, sont exacerbées par des politiques migratoires répressives et des discours xénophobes. Les communautés LGBTQIA+, notamment les personnes trans, subissent aussi des attaques violentes et des régressions législatives. Ces inégalités sont systématiques et marginalisent des millions de personnes. Cependant, malgré ces luttes et mobilisations, une #résignation collective persiste, en partie à cause de mécanismes psychologiques invisibles qui rendent l’inacceptable acceptable.
Malgré ces défis, des mouvements comme les Gilets jaunes ou les luttes féministes et antiracistes/décoloniales montrent que la #colère et la #résistance existent. Mais pourquoi ces élans s’essoufflent-ils ? Cette question dépasse les seules causes économiques et politiques, elle touche à des mécanismes psychologiques profonds. Ces mécanismes qui nous poussent à accepter l’inacceptable peuvent être déconstruits. En repensant la #santé_mentale comme un enjeu collectif, nous pouvons transformer notre manière de percevoir l’#injustice, en créant des espaces de #solidarité et d’#action commune. C’est à travers cette réinvention de notre rapport à l’autre et à la société que nous pourrons espérer changer les choses.
Les mécanismes psychologiques de l’acceptation de l’inacceptable
S’habituer à l’inacceptable ou le biais d’#adaptation
Imaginez un bruit constant dans votre environnement, comme celui d’un ventilateur. Au début, ce bruit vous dérange, mais à mesure qu’il persiste, votre cerveau l’intègre et vous finissez par ne plus le remarquer. Ce phénomène, appelé #biais_d’adaptation, joue un rôle similaire face aux conditions de vie dégradées.
Dans les sociétés contemporaines, ce biais se manifeste par l’#acceptation progressive de situations pourtant insupportables : précarité croissante, dégradation des services publics, ou explosion des prix de l’énergie. Par exemple, en France, le démantèlement progressif des hôpitaux publics, documenté par des sociologues comme Pierre-André Juven (La casse du siècle : À propos des réformes de l’hôpital public), a conduit à une pénurie de soignants et de lits. Pourtant, cette réalité est perçue comme une « #nouvelle_normalité » à laquelle il faudrait s’adapter, et non comme un #problème_systémique à résoudre.
Ce phénomène se retrouve également dans des sphères plus personnelles. Prenons l’exemple du monde professionnel : un travailleur qui, année après année, voit ses #conditions_de_travail se dégrader – une #surcharge de tâches, des heures supplémentaires non payées, ou des #pressions_managériales croissantes – finit souvent par intégrer ces contraintes comme faisant partie du « métier ». Il rationalise : « C’est comme ça partout » ou « Je dois m’estimer chanceux d’avoir un emploi. » Pourtant, ces #ajustements_psychologiques masquent souvent une #souffrance profonde. En acceptant ces conditions, le salarié s’adapte à un #environnement_hostile sans remettre en question la structure qui en est responsable.
De la même manière, les personnes racisées développent des #stratégies_d’adaptation face aux discriminations systémiques. Un exemple frappant est celui des #contrôles_au_faciès. Pour beaucoup, cette pratique récurrente devient une « #routine » : éviter certains quartiers, anticiper les interactions avec la police en préparant leurs papiers, ou encore minimiser l’expérience en se disant que « cela aurait pu être pire ». Ces #stratégies_d’ajustement sont des #mécanismes_de_survie, mais elles renforcent également la #banalisation de l’#injustice. Comme le souligne le sociologue Abdellali Hajjat dans ses travaux sur l’islamophobie et les discriminations, cette #normalisation contribue à invisibiliser les #violences_structurelles, car les individus finissent par intégrer ces traitements comme des faits inévitables de leur quotidien.
D’un point de vue psychologique, cette #capacité_d’adaptation est un #mécanisme_de_protection : notre cerveau tend à minimiser les #chocs_émotionnels en « normalisant » ce qui devrait être exceptionnel. Mais cette adaptation, si elle nous protège individuellement, nous empêche collectivement de reconnaître l’#urgence_d’agir et peut paralyser l’#action_collective.
L’#effet_de_normalisation : rendre l’injustice ordinaire
Autre mécanisme à l’œuvre : l’effet de #normalisation. Les inégalités sociales, souvent présentées comme inévitables dans les discours politiques et médiatiques, finissent par être acceptées comme un état de fait.
Prenons l’exemple des écarts de richesse. Lorsqu’un PDG gagne 400 fois le salaire moyen de ses employés, cette réalité devrait susciter l’indignation. Mais les récits dominants – comme celui de la « méritocratie » ou du « risque entrepreneurial » – transforment ces écarts en phénomènes normaux, voire légitimes. Les médias jouent ici un rôle central : en valorisant des figures comme Elon Musk ou Jeff Bezos, ils participent à cette construction idéologique. Comme l’explique le sociologue Pierre Bourdieu dans Sur la télévision, les médias ne se contentent pas de relater les faits : ils contribuent à modeler notre perception de ce qui est acceptable ou non.
Cet effet de normalisation s’étend aussi à d’autres domaines. Les politiques d’#austérité, par exemple, sont souvent présentées comme des « nécessités économiques », rendant leurs conséquences – licenciements, fermetures de services publics – moins contestables. Les #discours_politiques insistent obstinément sur des #impératifs comme « réduire la dette publique » ou « améliorer la compétitivité », occultant les impacts humains et sociaux de ces choix. En nous habituant à ces récits, nous acceptons ce qui devrait être combattu.
Cependant, il est essentiel de souligner que cette normalisation n’est ni totale ni irréversible. De nombreux travailleurs et travailleuses refusent ces conditions et s’organisent pour les contester. Les mouvements sociaux, les grèves et les luttes syndicales témoignent d’une résistance active face à cette normalisation.
On peut par exemple observer le cas des femmes de chambre de l’hôtel Radisson Blu à Marseille déjà traitée par mon collègue Guillaume Etievant dans son article dédié. Après plusieurs mois de grève en 2024, ces travailleuses ont obtenu des augmentations salariales, une réduction des horaires de travail, et des compensations pour les heures supplémentaires. Elles ont ainsi mis en lumière les conditions de travail inacceptables qui étaient perçues comme normales dans l’industrie hôtelière, et ont prouvé qu’une organisation collective peut renverser cette « normalité ». En comparaison, la #lutte du personnel de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, bien qu’elle ait pris fin, illustre également comment les conditions de travail dégradées peuvent être confrontées par la mobilisation collective.
Ces #grèves illustrent un point crucial : en conscientisant les mécanismes de normalisation, il devient possible d’agir collectivement. Identifier ces récits qui banalisent l’injustice, les déconstruire, et s’organiser pour les contester sont des étapes indispensables pour transformer une indignation individuelle en une action collective. Ainsi, si l’effet de normalisation est puissant, il n’est pas insurmontable. Les #résistances_collectives montrent qu’il est possible de refuser l’inacceptable et de poser les bases d’une société plus juste.
Le biais d’#impuissance apprise : quand l’échec paralyse
Enfin, le #biais_d’impuissance_apprise joue un rôle crucial dans notre passivité face aux injustices. Décrit par le psychologue #Martin_Seligman dans les années 1960, ce biais se développe lorsqu’un individu, confronté à des situations où ses efforts ne produisent aucun effet, finit par croire qu’il est incapable de changer quoi que ce soit.
Sur le plan collectif, ce biais se manifeste après des mouvements sociaux réprimés ou qui échouent à obtenir des victoires significatives. Les manifestations massives contre la réforme des retraites en France en 2023, bien qu’intenses, n’ont pas empêché son adoption. Pour beaucoup, ce type d’échec renforce un sentiment d’inutilité de l’#action_politique. Cette #impuissance_apprise n’est pas seulement un phénomène individuel : elle est renforcée par des stratégies institutionnelles. La #répression_policière, les discours dénigrant les grèves ou les mobilisations, ou encore la lenteur des changements politiques contribuent à installer ce #sentiment_d’impuissance. Ces mécanismes participent à la #reproduction_des_inégalités en paralysant toute velléité de contestation comme l’indique la sociologue Monique Pinçon-Charlot.
Ces #biais_cognitifs – l’adaptation, la normalisation et l’impuissance apprise – agissent de manière insidieuse pour nous maintenir dans l’acceptation de l’inacceptable. Les comprendre, c’est déjà commencer à s’en libérer. Mais ces mécanismes ne suffisent pas à expliquer la #passivité_collective : ils s’articulent à des structures sociales et économiques qui les renforcent.
La #charge_psychologique_individuelle dans un système oppressif
L’#individualisation des #problèmes_sociaux
Beaucoup de personnes se retrouvent à vivre des situations difficiles, comme le chômage ou la pauvreté, dans la solitude, se sentant souvent responsables de leur propre sort. Cette #culpabilisation est renforcée par un #discours_dominant qui fait porter la faute sur l’individu, et non sur le système qui produit ces inégalités. C’est désormais bien connu, il suffit de “#traverser_la_rue” pour trouver du travail. Pourtant, il n’y a pas de honte à être confronté à des difficultés qui échappent à notre contrôle. Le #chômage, par exemple, est largement le résultat d’un marché du travail précarisé et d’une économie qui valorise l’exploitation plutôt que le bien-être. Il est essentiel de rappeler qu’il n’y a aucun aveu d’échec à se retrouver dans une situation où les structures économiques et sociales sont défaillantes. Ce n’est pas un échec personnel, mais bien une conséquence de l’organisation injuste du travail et des ressources.
Le #capitalisme_émotionnel : une #aliénation des sentiments
Le “capitalisme émotionnel” désigne la manière dont notre société capitaliste transforme nos #émotions en une #responsabilité_personnelle et une marchandise. Dans ce système, il nous est constamment demandé de « rester positif », de « faire face » et de « réussir malgré les difficultés », en particulier dans des contextes d’injustice sociale et économique. L’idée de la « #résilience », souvent véhiculée par les médias et les institutions, devient un impératif moral : si vous échouez à être heureux malgré les adversités, c’est de votre faute. Cette pression constante pour gérer nos émotions comme une #performance_individuelle fait partie d’un processus plus large d’#aliénation_émotionnelle. En d’autres termes, nous sommes poussés à croire que nos émotions et notre bien-être sont des éléments que nous pouvons maîtriser par la #volonté seule, alors qu’ils sont en réalité fortement influencés par les conditions sociales et économiques. Cela nous empêche de voir que nos luttes intérieures ne sont pas des défaillances, mais des réponses normales à des systèmes qui ne répondent pas aux besoins fondamentaux des individus.
Le #capitalisme_émotionnel est donc un outil de contrôle social, car il détourne notre attention des causes profondes de notre #mal-être (injustices sociales, précarité, discriminations) et nous fait croire que notre souffrance est une question d’#aptitude_personnelle à surmonter les épreuves. Cela crée un sentiment de culpabilité, car on nous fait porter la #responsabilité de nos émotions et de notre résilience, sans jamais questionner les #structures_sociales qui alimentent cette #souffrance.
Construire une santé mentale collective : la santé mentale comme #bien_commun
Pour dépasser les limites de l’individualisme, il est essentiel de repenser la santé mentale comme un bien commun. Plusieurs initiatives inspirées des luttes féministes et des communautés marginalisées ont démontré que des structures communautaires de soutien peuvent offrir des solutions alternatives. Par exemple, les centres sociaux autogérés ou les réseaux d’entraide pour les travailleurs précaires permettent de créer des espaces où les personnes peuvent partager leurs expériences et trouver du soutien, loin des logiques de consommation des soins traditionnels. Ces espaces permettent de reconstruire des liens sociaux, de se soutenir mutuellement et de remettre en question l’#isolement imposé par les structures capitalistes.
Dépolitiser l’#aide_psychologique individuelle pour la repolitiser
L’accès aux #soins_psychologiques n’est pas égalitaire. Pour beaucoup, les thérapies sont hors de portée, soit en raison des coûts, soit à cause de l’absence de structures accessibles dans certains quartiers ou pour certaines populations. De plus, tous les thérapeutes ne partagent pas nécessairement une vision progressiste ou collective de la #santé_mentale. Il est donc essentiel de ne pas considérer la #thérapie comme une solution unique ou universelle à des problèmes sociaux qui sont avant tout politiques.
Plutôt que de pathologiser systématiquement les effets du système sur les individus, il est plus pertinent de reconnaître que les #souffrances_psychologiques, dans de nombreux cas, sont des réponses normales à des conditions sociales et économiques injustes. Cependant, cela ne veut pas dire que la santé mentale doit être entièrement politisée de manière simpliste ou que l’on doit jouer aux « apprentis sorciers » de la #psychiatrie. L’enjeu est de comprendre qu’un #soutien_psychologique efficace doit tenir compte du contexte social et des inégalités qui peuvent fragiliser un individu. Les modèles de soutien collectifs, comme les #thérapies_communautaires ou les initiatives de santé mentale qui se nourrissent des #luttes_sociales (féministes, anticapitalistes, etc.), offrent des alternatives intéressantes. Elles ne visent pas à remplacer les #soins_individuels mais à compléter une approche qui permet de sortir de l’isolement, de reconnaître la dimension sociale des souffrances et d’offrir des #espaces_d’entraide où les individus peuvent se sentir soutenus collectivement.
L’action politique comme remède à l’impuissance
Redonner un sens à l’action collective est essentiel pour contrer le #sentiment_d’impuissance que beaucoup de personnes ressentent face aux injustices sociales. Participer à des #mouvements_sociaux peut être un moyen puissant de reconstruire l’#espoir et de lutter contre l’isolement. Cependant, il est important de souligner qu’il n’y a aucune culpabilité à ne pas être impliqué dans ces actions. Chacun évolue à son rythme, et l’#engagement_politique ne doit pas être un fardeau supplémentaire. Ce qui est essentiel, c’est d’être conscient des dynamiques collectives et de comprendre que, même si l’engagement direct dans les luttes peut sembler difficile ou épuisant, il existe des façons diverses et variées de soutenir la justice sociale. Il n’est pas nécessaire de répondre à une injonction de « se bouger le cul » pour se sentir utile. Beaucoup de personnes, éssoré.e.s par des oppressions systémiques telles que la toxicité managériale, le racisme, le validisme ou les violences faites aux personnes LGBTQIA+, peuvent se retrouver dans une situation de souffrance où chaque geste peut sembler trop lourd. La #solidarité ne se limite pas à l’action visible ; elle peut aussi passer par la création d’espaces de soutien, le partage d’informations, ou simplement par l’écoute et la compréhension. L’important est de trouver des moyens de participer, à son rythme et selon ses capacités.
Les victoires obtenues par des mouvements sociaux, comme l’augmentation du salaire minimum ou la reconnaissance des droits des travailleurs, ont un impact psychologique direct : elles brisent le sentiment d’impuissance et rappellent qu’il est possible de transformer la réalité. Ces victoires, bien qu’elles puissent sembler petites à l’échelle globale, nourrissent l’espoir et renforcent la solidarité. Faire de la #justice_sociale une condition de la santé mentale implique de revendiquer des #politiques_publiques qui réduisent les inégalités et permettent à chacun de vivre dignement. Des propositions telles que l’accès gratuit aux soins psychologiques sont des leviers importants pour garantir une santé mentale collective et émancipée.
Les mécanismes psychologiques qui nous poussent à #accepter_l’inacceptable ne sont ni inévitables ni figés. En comprenant mieux ces biais, en décryptant l’effet de normalisation et en reconnaissant l’impact de l’individualisation des problèmes sociaux, nous pouvons démystifier cette #résignation_collective. Nous avons le pouvoir de déconstruire ces dynamiques à travers l’éducation, la solidarité et, surtout, l’action collective. Ce processus n’est pas facile, mais il est possible. Changer de regard sur les inégalités, c’est déjà commencer à les transformer. Ce n’est pas un effort solitaire, mais une démarche collective, qui commence par la reconnaissance des souffrances et la volonté d’agir ensemble pour y remédier.
►https://www.frustrationmagazine.fr/pourquoi-acceptons-nous-l-inacceptable
#invisibilisation #accès_aux_soins #psychologie
déjà signalé par @gorekhaa :
▻https://seenthis.net/messages/1092977
« #Carte_du_QI » : le député d’extrême droite #Alexandre_Allegret-Pilot partage une théorie raciste
Le député Alexandre Allegret-Pilot (UDR) a diffusé sur X une carte dont sont friands les partisans de la théorie d’une #hiérarchisation_intellectuelle_des_races. Interrogé par Mediapart, il dit la trouver « intéressante » et dénonce un « procès d’intention ».
Le rythme est difficile à suivre. Sur son compte X public, le député d’extrême droite Alexandre Allegret-Pilot publie une dizaine de messages par jour, parfois plusieurs fois par heure. Aux photos de paysages montagneux et d’églises se mélangent diverses invectives contre la gauche, moqueries des questions de justice sociale et critiques des « bien-pensants ».En général, ses publications ne touchent pas grand monde – le compte d’Alexandre Allegret-Pilot, élu en juillet 2024 sous la bannière Rassemblement national (RN) et les Républicains d’Éric Ciotti, n’est suivi que par 2 000 internautes. De temps en temps cependant, la popularité d’un message s’envole. C’est le cas d’une publication du 26 décembre, qui a touché près de 400 000 personnes en trois jours.
On y voit une carte du monde censée représenter le « #Quotient_intellectuel (#QI) moyen par pays en 2024 », écrit le député, ajoutant que « les six premiers pays sont asiatiques ». Cette illustration n’est pas anodine ; il s’agit d’une carte régulièrement partagée par les tenants d’une idéologie raciste, qui supposent une #hiérarchie_raciale du QI dans le monde.
Le continent africain et le Moyen-Orient y apparaissent en rouge, symbolisant, selon l’échelle et le gradient de couleur sélectionné, une infériorité supposée du quotient intellectuel des populations de ces régions du monde, par rapport aux Européens ou à la Chine et au Japon. Le QI est une unité de mesure obtenue avec un test psychologique, censée représenter de manière abstraite le niveau d’intelligence d’une personne.
Interrogé par Mediapart, le député Allegret-Pilot assure ne pas voir de problème dans cette représentation : « L’objet de ma publication se limite à mon commentaire, à savoir constater la performance des pays asiatiques. [...] Je ne m’intéresse pas à savoir qui partage quoi et m’en tiens à communiquer les informations ou représentations graphiques que je trouve intéressantes. »
Des données contestées qui soutiennent une idéologie raciste
La « carte du QI » a émergé au milieu des années 2000, après la publication de l’essai controversé IQ and Global Inequality (non traduit en français) du psychologue Richard Lynn et du chercheur en sciences politiques Tatu Vanhanen (▻https://en.wikipedia.org/wiki/IQ_and_Global_Inequality). La méthodologie et les conclusions des deux auteurs, qui déduisent un lien entre #génétique et #intelligence, ont été largement critiquées par la communauté scientifique.
#Richard_Lynn s’est d’ailleurs vu retirer en 2018 son titre de professeur émérite par l’université d’Ulster (Irlande du Nord) à cause de vues qualifiées de « sexistes et racistes ». Il avait aussi théorisé l’idée selon laquelle les femmes seraient plus bêtes que les hommes, car elles auraient un cerveau de taille plus petite.
« Il est important que les personnes qui voient cette carte aient conscience des différents facteurs qui peuvent nourrir ces différences [de QI]. L’hypothèse génétique n’est nullement démontrée, et il existe des hypothèses mieux étayées par les données », explique à Mediapart le chercheur en sciences cognitives Franck Ramus. Ce directeur de recherche au CNRS a consacré un billet de blog à cette « carte mondiale des QI » en 2019, alors qu’une partie de la fachosphère s’était donné pour mission de la partager un maximum – Libération s’en était alors fait l’écho.
« Tout le problème réside dans l’interprétation qu’on donne à cette carte. L’erreur est de penser qu’elle décrit quelque chose de définitif, de parfaitement objectif qui décrirait des différences intrinsèques entre les peuples de différents pays », ajoute Franck Ramus.
Le chercheur a envoyé publiquement son article au député Alexandre Allegret-Pilot, qui lui a simplement répondu, samedi, « Article qui confirme la pertinence des données. Merci », suivi d’une émoticône en forme de cœur. La publication souligne à l’inverse que les méthodes utilisées sont contestables, notamment parce que « les scores représentés n’ont pas été obtenus avec des tests comparables sur des échantillons représentatifs de la population dans chaque pays ».
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La #fachosphère et la « #cartosphère »
C’est en référence à cette carte que certains internautes ont commencé à détourner l’émoji « planisphère », notamment sur le web français à la fin des années 2010. Alors que le chirurgien Laurent Alexandre demande le retrait de la « carte du QI » du site Wikipédia car elle serait « un encouragement aux thèses extrémistes et ségrégationnistes », des opposants décident au contraire de s’en emparer et de la diffuser massivement, sous forme d’illustration ou d’émoticône.
Cette pratique est courante au sein de la fachosphère, pour qui les images simples et les symboles facilement identifiables sont à la fois des signes de ralliement et une manière efficace et peu coûteuse de propager des théories xénophobes. Le geste « OK » est par exemple considéré comme un signe haineux, tandis que le symbole « enseigne de barbier » est utilisé par des internautes français pour signifier leur satisfaction lorsqu’un homme racisé décède.
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« Cette carte n’a été validée par aucune étude scientifique sérieuse, elle a été faite pour propager une vision raciste du monde, a commenté la journaliste scientifique britannique Angela Saini, autrice du livre Superior : The Return of Race Science (non traduit en français) en 2020 au micro de FranceInfo (▻https://en.wikipedia.org/wiki/Superior:_The_Return_of_Race_Science). Le racisme et le suprémacisme blanc reviennent en force aujourd’hui. Ces #idéologies se tournent toujours vers la science pour se légitimer. Parce que la #science, c’est censé être objectif. »
Auprès de Mediapart, le député Alexandre Allegret-Pilot parle d’un « procès d’intention », et assure ne pas y voir de problème. « Toutes les cartes ont des #biais et critiques : je publie régulièrement des cartes et graphiques (aucun n’étant exempt de biais et critiques potentiels) mais celle-ci semble déclencher une réaction toute passionnelle et sans lien avec son objet. »
Les #réseaux_sociaux comme terrain de jeu de l’#extrême_droite
Il est vrai que le député, désormais affilié à l’Union des droites pour la République (UDR), le parti d’Éric Ciotti, partage de nombreuses cartes et graphiques, le plus souvent sans citer de sources. Des heures annuelles travaillées par habitant dans le monde au taux de production industrielle en Suisse, de l’augmentation du nombre de célibataires sans enfant aux États-Unis au pourcentage d’hommes chez les assistant·es maternel·les… Tout est envoyé pêle-mêle, sans, visiblement, aucun besoin d’approfondir.
L’élu de la 5e circonscription du Gard comptait, au cours de la campagne des législatives surprises de cet été, parmi les « brebis galeuses », selon l’expression de Jordan Bardella, que le Rassemblement national a laissées se présenter sous sa bannière, malgré la découverte de leurs nombreuses casseroles.
Midi Libre, par exemple, avait retrouvé des tweets dans lesquels Alexandre Allegret-Pilot assurait que la « parité est une régression » ou avait suggéré un « aller simple » en avion à Rima Hassan, candidate LFI aux européennes. Il n’avait pas contesté leur authenticité, mais estimait être « victime d’une cabale malhonnête ».
Ces publications exhumées n’ont pas empêché celui qui se définit comme « montagnard et entrepreneur » – et qui fait aussi l’objet d’une enquête du Parquet national financier pour avoir potentiellement signé un arrêté illégal alors qu’il était en poste à Bercy, une histoire rocambolesque révélée par Le Monde – de l’emporter avec 51,58 % des voix, face au député sortant Michel Sala (LFI).
Par écrit, Alexandre Allegret-Pilot assure à Mediapart qu’il « soutient la lutte contre le racisme et le sexisme » mais qu’il est « critique (parfois moqueur) envers tous les militants racistes et sexistes (y compris misandres donc) ».
En octobre 2024, Marine Le Pen aurait demandé à tous les nouveaux collaborateurs parlementaires des député·es RN de faire connaître « leurs éventuels anciens tweets problématiques, photos compromettantes sur les réseaux sociaux ou engagements trop radicaux », selon La Lettre, ce qui n’a pas empêché plusieurs médias comme Mediapart, Les Jours ou StreetPress de mettre au jour certains de leurs propos xénophobes, racistes ou sexistes. Confronté·es à ces écrits, pour la plupart mis en ligne sur les plateformes comme Facebook ou X, certain·es député·s RN ont choisi de prendre la défense de leurs collaborateurs et collaboratrices.
Alexandre Allegret-Pilot a quant à lui décidé de laisser en ligne sa publication de la « carte de QI », qui a engendré plus de deux cents réponses en soixante-douze heures. Une partie des internautes lui indique que cette représentation est « raciste », certain·es lui rappellent qu’elle n’a « aucun sens scientifiquement ». « Les conclusions, elles sont où, monsieur le député ? », lui lance un abonné. « Épousez une Japonaise », lui rétorque ce dernier. Dimanche 29 décembre, X a finalement restreint l’accès au post en France, à la suite de signalements d’utilisateurs du réseau social.
▻https://www.mediapart.fr/journal/france/301224/carte-du-qi-le-depute-d-extreme-droite-alexandre-allegret-pilot-partage-un
#racisme #QI #cartographie #visualisation
ping @reka @visionscarto @cede @karine4
#Écriture_inclusive : le #point_médian supprime les #biais_de_genre
C’est un fait scientifiquement établi : le #masculin_générique n’est pas neutre, il induit un biais de représentativité vers le masculin. Une nouvelle #étude de #psycholinguistique révèle que les #mots_épicènes limitent ce biais alors que le point médian le supprime totalement.
Il y a un fait scientifique établi : le #masculin n’est pas neutre. L’utilisation du masculin générique induit un #biais_de_représentativité vers le masculin. Voici un exemple tiré d’une étude parue en 2008 : quand on demande à des volontaires des noms de candidats potentiels pour le poste de Premier ministre, les personnes interrogées citent plutôt des hommes. Alors que si on leur demande de citer des candidats ou des candidates potentielles, les sujets citent trois fois plus de femmes.
L’écriture inclusive pour limiter ces biais de genre
Certaines formulations biaisent ce qu’on croit comprendre de la phrase. Le but de l’écriture inclusive est justement d’anéantir ou de limiter au maximum ces effets et pour ça il y a plusieurs stratégies. Léo Varnet est chargé de recherche au CNRS au Laboratoire des Systèmes Perceptifs de l’ENS de Paris : "On distingue plusieurs grandes stratégies. Il y a la neutralisation qui inclut les termes épicènes, par exemple : les instrumentistes. Il n’y a pas de marque qui indique le genre, est-ce que ce sont des instrumentistes hommes ou des instrumentistes femmes. Et d’autre part, on a une autre stratégie d’écriture inclusive qui est la re-féminisation, qui peut prendre une forme double, comme les musiciens et les musiciennes, ou une forme à l’écrit avec un point médian qui est bien connu. Dans ce cas-là, ce seraient les musicien·ne·s. Donc une stratégie neutralisation dont les termes épicènes font partie et une stratégie de re-féminisation dont les formes doubles avec un point médian font partie."
Tester ces stratégies en psycholinguistique
Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont voulu tester l’efficacité de ces deux stratégies pour supprimer les biais du genre. Pour cela, la méthodologie utilisée est assez classique en psycholinguistique : on mesure le temps que les participants et participantes mettent à répondre à une question. En l’occurrence, est-ce que ces deux phrases forment une suite logique ? Je prends un exemple avec un terme épicène donc neutre : l’athlète passe la ligne d’arrivée. C’est la première phrase. Seconde phrase : elle s’effondre ensuite de fatigue. Ces deux phrases forment bien une suite logique.
Le neutre n’est pas neutre
La question est la suivante : met-on davantage de temps à répondre que oui, ces deux phrases peuvent se suivre, quand la seconde phrase commence par “elle” par rapport à quand elle commence par “il” ? Est-ce que notre cerveau conclut trop vite qu’un terme épicène comme athlète renvoie au masculin ?
#Léo_Varnet, coauteur principal de cette étude parue dans Frontiers in Psychology : "Donc en fait, c’est exactement ça, c’est bien le cas. Les participants et participantes de l’étude mettent grosso modo une centaine de millisecondes de plus pour répondre quand la seconde phrase commence par "elle", alors que la première phrase contenait le mot l’athlète, donc sans marque de genre. Et donc c’est que la forme, l’épicène, "l’athlète", n’est pas complètement neutre pour le cerveau, on a tendance à supposer que cet athlète est un homme. Autrement dit, on a une représentation qui va être biaisée vers le masculin."
►https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-sciences/ecriture-inclusive-le-point-median-supprime-les-biais-de-genre-3732260
#égalité #biais #genre #neutralité
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Neutral is not fair enough: testing the efficiency of different language gender-fair strategies
In many languages with grammatical gender, the use of masculine forms as a generic reference has been associated with a bias favoring masculine-specific representations. This article examines the efficiency of gender-fair forms, specifically gender-unmarked forms (neutralization strategy, e.g., “l’enfant”) and contracted double forms (re-feminization strategy, e.g., “un·e enfant”), in reducing gender biases in language. Extensive empirical research has shown that gender-fair forms have the potential to promote more gender-balanced representations. However, the relative efficiency of these strategies remains a subject of debate in the scientific literature. In order to explore these questions, two experiments were conducted in French. We analyzed the response times and percent correct scores using a sentence evaluation paradigm, where the participants had to decide whether a second sentence starting with a gendered personal pronoun (“il” or “elle”) was a sensible continuation of the first sentence written in a gender-fair form. Experiment 1 confirmed that gender-unmarked forms are not fully effective in neutralizing the masculine bias. In Experiment 2, a comparison was made between gender-unmarked forms and contracted double forms, to assess their respective abilities to generate more balanced representations. The findings indicated that contracted double forms are more effective in promoting gender balance compared to gender-unmarked forms. This study contributes to the existing scientific literature by shedding light on the relative efficiency of neutralization and re-feminization strategies in reducing gender biases in language. These results have implications for informing efforts to promote more inclusive and unbiased language practices.
▻https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full
Réponse aux réactions sur l’écriture inclusive
Suite à la publication de notre article scientifique sur l’écriture inclusive, et à la communication qui a été faite autour de ces résultats dans des médias plus grand public (en particulier le site du CNRS, France Culture, Sciences et Avenir, et même Marie-Claire), j’ai reçu un certain nombre de réactions et de questions. Si l’on fait abstraction des commentaires attendus concernant mon supposé « wokisme », et autres noms d’oiseaux, la plupart des personnes ayant manifesté leur désaccord l’ont fait de façon respectueuse et sur la base d’un petit nombre d’arguments assez récurrents. Il me paraît donc utile de revenir sur ces critiques les plus fréquentes pour y répondre ici de façon apaisée.
FAQ
> Il ne s’agit que d’une étude isolée, à ce stade on ne peut pas affirmer de façon certaine que le masculin générique biaise nos représentations.
Non, ce commentaire confond l’article que nous avons publié récemment, qui porte sur une comparaison de deux formes d’écriture inclusive, et l’état des connaissances en psycholinguistique concernant le masculin générique. Si les conclusions de notre étude ponctuelle peuvent tout à fait être remises en cause par des résultats ultérieurs, il y a en revanche un consensus scientifique quant à l’effet du masculin générique sur les représentations genrées (pour un résumé, voir par exemple cette présentation qui liste un certain nombre de publications sur le sujet). Il existe désormais un corpus fourni d’articles portant sur la compréhension du masculin générique et de l’écriture inclusive, et tous convergent sur la conclusion que le masculin générique n’est pas neutre, cognitivement parlant.
> En français, il faut utiliser le masculin comme neutre, il y a des circulaires qui nous y obligent
La discussion porte ici sur des faits scientifiques (mesure expérimentale de l’interprétation d’une forme d’écriture ou d’une autre par le cerveau humain). Les arguments légaux n’ont donc rien à apporter à cet aspect du débat, de la même façon qu’une circulaire affirmant que la Terre est plate ne changerait pas la rotondité de la planète, ou qu’on ne peut pas passer une loi pour démontrer la quadrature du cercle1.
Notons au passage que les fameuses circulaire Edouard Philippe et circulaire Blanquer véhiculent en réalité des indications contradictoires : notamment, elles proscrivent « le recours à l’écriture dite inclusive » jugée inutile, mais imposent d’écrire « le candidat ou la candidate » ou « les inspecteurs et les inspectrices de l’éducation nationale » ce qui est déjà une reconnaissance que cette forme particulière d’écriture inclusive (la double flexion) participe de la promotion de l’égalité femmes/hommes.
> « Le masculin fait le neutre », c’est une règle du français.
Cet argument est à mon avis au cœur de la confusion actuelle, et mérite donc d’être développé.
Est-ce que le masculin est neutre ? Cela dépend de ce que l’on entend exactement par là. Si la question concerne l’existence d’une règle grammaticale en français permettant de désigner un groupe mixte par un masculin, la réponse est « ça n’a pas toujours été le cas, mais actuellement oui ». Cependant, dans le débat actuel, le clivage ne porte pas tant sur l’existence de la règle que sur sa compréhension par le cerveau2. Autrement dit, il ne s’agit pas de savoir s’il est « autorisé » d’utiliser telle ou telle formulation (grammaire prescriptive) mais plutôt comment cette formulation va être interprétée (grammaire mentale).
De façon peut-être un peu surprenante, la grammaire mentale stockée dans notre cerveau ne correspond pas forcément à celle des manuels de grammaire. Lors de la lecture, comme dans beaucoup d’autres tâches, notre cerveau utilise souvent des « raccourcis » plutôt que d’appliquer méthodiquement toutes les règles qui lui ont été enseignées lors de notre scolarité. Ainsi, pour prendre un exemple moins polémique que le masculin générique, la plupart des locuteurs et locutrices du français savent que le substantif « prénom » se décompose en un préfixe (« pré ») suivi d’un radical (« nom ») permettant de retrouver le sens étymologique du mot (« ce qui précède le nom de famille »). Cependant, lorsque nous lisons le mot « prénom », notre cerveau ne le redécompose pas pour en identifier le sens mais le traite plutôt comme un bloc. Il en va de même pour le masculin générique : il existe bien une règle de grammaire « le masculin fait le neutre », mais ce n’est pas cette règle que notre cerveau applique spontanément, qu’on le veuille ou non.
> Utiliser le langage inclusif ne résoudra pas le problème des discriminations de genre au sein de la société. Il y a d’autres combats à mener.
Effectivement, l’adoption du langage inclusif a peu de chances de dénouer d’un coup tous les problèmes liés au sexisme, et je ne pense pas que quiconque ait jamais prétendu cela. Il s’agit donc clairement d’un homme de paille rhétorique.
Il est également important de rappeler que les auteurs et autrices de cette étude ne mènent pas un combat, mais un programme de recherche. Nous ne formulons pas de consignes concernant l’usage de la langue (contrairement à la très conservatrice Académie Française), et notre article se borne à étudier les effets d’une formulation ou d’une autre sur les représentations.
> Cette expérience porte sur une situation vraiment particulière et peu courante : deux phrases qui s’enchaînent, la première contenant un terme en écriture inclusive et la seconde commençant par « il » ou « elle ». C’est très spécifique, qu’est-ce qui nous dit que ces phénomènes ont lieu de façon générale dans le langage ?
Le protocole expérimental peut effectivement paraître un peu arbitraire car il s’agit justement d’un protocole, destiné avant tout à mettre en évidence et à mesurer un effet de façon robuste. La psycholinguistique est une science expérimentale et, en tant que telle, elle se concentre sur des situations peut-être peu courantes dans la vie de tous les jours mais qui permettent de tester des phénomènes de façon reproductible.
Ceci étant précisé, il faut rappeler que la conclusion concernant le masculin générique ne repose pas sur une étude isolée mais sur un corpus de plus d’une trentaine d’études dans différentes langues et utilisant différentes méthodologies, qui sont unanimes sur la mesure d’un biais vers le masculin. Il est très rare d’avoir des résultats aussi cohérents, surtout en sciences cognitives, et cela suggère donc fortement que le phénomène n’est pas limité aux types de phrases ou aux mots utilisés dans l’étude.
> L’étude montre une différence de temps de traitement de quelques centaines de millisecondes entre le féminin et le masculin, quelle est l’incidence sur la société d’un délai aussi infime ?
Il s’agit effectivement d’une question importante, qui appelle une réponse en deux temps.
Tout d’abord, il est tout à fait envisageable que ce délai, même court, puisse influencer certaines prises de décision rapide que nous effectuons dans la vie de tous les jours. On pense en premier lieu à des situations telles que le survol d’offres d’embauche, la sélection d’une candidature pour un poste, la réponse à des questionnaires, autant de situations où il a été montré que l’usage du masculin générique défavorise les femmes.
Plus fondamentalement, il ne s’agit pas uniquement d’une question de temps de réflexion mais surtout de représentations. La chronométrie mentale (mesure des temps de réponse) est une méthodologie standard en psychologie cognitive permettant de mettre en évidence un déséquilibre dans le traitement par le cerveau de deux conditions expérimentales particulières, par exemple un dans l’accès aux représentations suite à la lecture d’un type de phrases ou d’un autre. Ce déséquilibre se traduit ensuite de multiples façons, selon les situations. Dans le cas du masculin générique, l’exemple le plus frappant en français est certainement l’étude de Markus Brauer et Michaël Landry en 2008 : si l’on demande, sous prétexte d’un sondage politique, de citer « tous les candidats » susceptibles d’accéder au poste de premier ministre, les personnes interrogées mentionnent 3 fois moins de noms de femmes que lorsqu’on leur demande de citer « les candidats et les candidates » à ce poste (Brauer & Landry, 2008). On voit sans peine comment ce déséquilibre dans les représentations peut ensuite avoir un impact sur la société en général. (Voir également la réponse à la question suivante)
> Ce résultat est absurde : il suffit de réfléchir deux secondes pour comprendre que « les infirmiers » peut désigner un groupe comprenant des infirmières et que « l’athlète » peut être en fait une athlète.
En effet, nous sommes tout à fait capables de modifier nos représentations spontanées moyennant un court délai de latence. L’étude porte justement sur la mesure de ce délai comme preuve de l’existence d’un biais des représentations spontanées en faveur du masculin.
Pour citer la métaphore utilisée par Pascal Gygax, Ute Gabriel, et Sandrine Zufferey dans leur ouvrage « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » (Gygax et al., 2021) :
Il faut essayer de s’imaginer le cerveau comme un espace rempli d’une multitude d’ampoules. Quand vous produisez ou entendez un mot (ou une idée), les ampoules qui correspondent à ce mot s’allument. Ces ampoules se réfèrent aussi bien aux lettres du mot qu’à son sens, qu’aux associations qu’il évoque, etc. Le fait est que toutes ces ampoules ne s’allument pas complètement, et en tout cas pas immédiatement. Ainsi, quand vous cherchez un mot pour décrire quelque chose, quelques ampoules vont s’allumer, un peu grésiller peut-être. […] Par exemple si je vous parle d’ « une bière que nous mettons dans la voiture », il est peu probable que vous pensiez tout de suite à un cercueil. Le lien entre « bière » et « boisson » est déjà allumé car ce lien est fréquent. En revanche, maintenant que nous venons de parler de « cercueil » (nous avons activé l’ampoule), si je vous dis que « nous mettons la bière dans la voiture », votre pensée n’est plus la même.
La mesure des temps de réponses est l’un des outils à la disposition des psycholinguistes pour identifier quelles ampoules mettent du temps à s’allumer. Suite à la lecture d’un mot, il nous est possible, moyennant un peu plus de temps et d’énergie, de nous assurer que les bonnes ampoules sont allumées. Cela ne signifie cependant pas que le biais n’existe pas, mais uniquement que nous avons pris le temps de le compenser.
Par ailleurs, notez que nous cherchons ici à corriger nos biais spontanés car nous savons que l’expérience porte sur le genre grammatical. Dans la vie de tous les jours, en revanche, nous ne prenons pas toujours le soin de « rectifier le tir » ainsi que l’indique par exemple l’expérience du sondage politique cité plus haut : les répondants et répondantes ne corrigent pas leur biais en faveur des hommes même lorsqu’on leur en laisse le temps.
> Le point médian est imprononçable.
Le point médian n’est pas destiné à être prononcé, mais doit être considéré comme une abréviation de la double flexion. À l’oral, le terme « un·e athlète » se prononce donc « un ou une athlète », de la même façon que « M. Durand » se prononce « monsieur Durand ».
> Le point médian, je trouve ça très laid.
Libre à vous. L’étude ne s’intéresse pas aux jugements esthétiques mais à la compréhension. Voir également la question suivante.
> Le point médian devrait être banni car il pose des problèmes de lisibilité / complique la lecture pour les personnes dyslexiques / n’inclut pas les personnes non-binaires.
Cet article ne prétend pas trancher la question du point médian, qui englobe des dimensions sociologiques et politiques largement hors de notre champ d’expertise, mais uniquement apporter un regard scientifique sur un aspect de la controverse : l’efficacité de différentes formes d’écriture inclusive pour mitiger les biais en faveur du masculin.
D’autres considérations sont effectivement à prendre en compte pour juger de l’utilité ou non du point médian. Parmi elles, la question de l’inclusion des personnes non-binaires me semble tout à fait pertinente. La question de la lisibilité, en particulier pour les personnes dyslexiques, est également capitale même si, pour l’heure, les données scientifiques sur le sujet sont insuffisantes pour tirer des conclusions. Tant qu’il reste à l’état de conjecture sans fondement factuel, ce dernier argument ressemble singulièrement à un épouvantail agité par les opposants et opposantes de l’écriture inclusive3.
> En [espagnol/allemand/anglais/italien] le genre grammatical de certains mots est différent du français. On n’a pourtant pas l’impression d’avoir une représentation du monde différente pour autant. Quand je pense à « la table » je ne pense pas à un utérus.
Notre étude, ainsi que toutes celles que nous citons, ne portent pas sur le genre grammatical des objets mais uniquement des personnes. Il n’existe pas de termes épicènes pour les objets, et il n’y a pas non plus lieu d’utiliser un point médian.
> L’Académie Française a dit que…
Malheureusement, l’Académie Française n’a pas d’expertise en la matière : ainsi, à ma connaissance, aucun de ses membres n’est linguiste de formation ni ne publie d’articles dans des revues de linguistique. Je vous invite donc à vous appuyer sur des travaux d’experts et d’expertes reconnues, par exemple ceux du collectif des linguistes atterré·e·s, composé en majeure partie de chercheurs et de chercheuses du domaine.
Ceci ne doit bien sûr pas laisser penser cependant que les linguistes sont unanimement en faveur de l’écriture inclusive. Certains arguments avancés sont d’ailleurs à mon sens tout à fait pertinents, mais ils sortent du cadre psycholinguistique de notre étude.
> Il n’existe pas de preuve définitive que ces biais linguistiques ont de véritables conséquences sur la société.
Un certain nombre d’études se sont intéressées à l’influence de la forme d’écriture dans des situations de lecture plus proches de la vie courante. Il a ainsi été montré que l’usage du masculin générique dans un questionnaire a un effet négatif sur l’évaluation par les répondantes de leur propre efficacité, chez les adultes (Vainapel et al., 2015) comme chez les adolescentes (Chatard-Pannetier et al., 2005), et que les annonces d’emploi rédigées en écriture inclusive aident à considérer la candidature de femmes, en particulier dans les métiers stéréotypés masculins (Gygax & Gabriel, 2008 ; Vervecken et al., 2015). Comme mentionné précédemment, ces effets entrent également en jeu lors de la réponse à des sondages politiques (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg & Sczesny, 2001), mais aussi lorsqu’il s’agit de citer des acteurs et actrices, chanteurs et chanteuses, héros et héroïnes (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg et al., 2001), ou encore de se représenter mentalement une personne ou un groupe (Brauer & Landry, 2008 ; Tibblin et al., 2023 ; Xiao et al., 2023).
On peut discuter du degré de généralité de ces phénomènes, et notamment de s’il convient de les interpréter comme une forme de « déterminisme linguistique ». En revanche, le fait que le masculin générique engendre un biais favorisant les hommes dans un certain nombre de situations de la vie courante est incontestable.
Conclusion : des objections valables et d’autres non
La plupart des remarques qui m’ont été adressées reflètent d’authentiques interrogations auxquelles je suis ravi de pouvoir apporter des éléments de réponse. En revanche je note également une certaine mauvaise foi, consciente ou non, de la part d’un petit nombre personnes critiquant le langage inclusif de façon particulièrement bruyante.
En premier lieu, j’aimerais souligner à nouveau que, contrairement à une idée largement diffusée, le masculin générique n’est pas considéré comme neutre par le cerveau. En l’état actuel des connaissances, l’affirmation que le masculin générique induit un biais des représentations vers le masculin spécifique est un fait établi, faisant l’objet d’un consensus scientifique. Remettre ce point en question s’apparente donc aujourd’hui à de la désinformation. Le fait que de prétendu·e·s expert·e·s n’hésitent pas à s’exprimer sur le sujet sans se donner la peine de se documenter sur les recherches et les données empiriques est révélateur de leur degré d’ « idéologie », pour reprendre un terme souvent utilisé contre les défenseurs et défenseuses de l’écriture inclusive.
Par ailleurs, parmi les critiques de notre étude, certains et certaines remettent en cause le caractère scientifique de l’approche psycholinguistique en général. Ces personnes se réclament d’un niveau d’exigence scientifique supérieur en demandant un degré de preuve inaccessible (particulièrement aux sciences du vivant) ou des recherches irréalisables, et en affirmant que l’existence d’autres facteurs non pris en compte invalide le domaine d’étude. Ce comportement est la marque d’un biais de non-confirmation, qui consiste à fixer des normes plus strictes, voire inatteignables, pour les hypothèses qui vont à l’encontre de nos attentes : à vrai dire, les mêmes critiques pourraient être utilisées pour disqualifier l’intégralité des recherches en sciences cognitives, y compris les plus communément admises comme l’existence de biais cognitifs. Dans son livre « Le Sexe et la Langue » consacré à la dénonciation de l’écriture inclusive comme « manipulation militante prenant la langue en otage d’une manœuvre d’intimidation idéologique », le linguiste Jean Szlamowicz consacre quelques pages aux données psycholinguistiques. S’il concède du bout des lèvres que « certains chercheurs en psycholinguistique tentent des « expériences » pour prouver cette activation de représentations [de représentations masculines] », c’est pour préciser immédiatement que « quelle que soit l’expérience, on arrivera toujours à produire des chiffres et des corrélations ». Ceci illustre bien la stratégie consistant à disqualifier tout un champ de recherche dès lors que certains de ses résultats ne vont pas dans le sens de nos convictions.
Ces deux attitudes consistant à nier un consensus scientifique, soit par simple omission soit en rejetant comme non-scientifique un domaine d’étude vieux de plus d’un siècle, rappellent les arguments du climato-négationnisme et d’autres formes de dénialisme. Avec de tels « inclusivo-sceptiques », la polémique sur le point médian a peu de chance de s’apaiser.
Illustration : Photographie de Lawrence Schwartzwald « Reading Series – three women reading on a park bench in Washington square Park, October 4, 2013″.
Références
Brauer, M., & Landry, M. (2008). Un ministre peut-il tomber enceinte ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. L’Année psychologique, 108(2), 243‑272.
Chatard-Pannetier, A., Guimont, S., & Martinot, D. (2005). Impact de la féminisation lexicale des professions sur l’auto-efficacité des élèves : Une remise en cause de l’universalisme masculin ? L’Année psychologique, 105(2), 249‑272. ▻https://doi.org/10.3406/psy.2005.29694
Gygax, P., & Gabriel, U. (2008). Can a Group of Musicians be Composed of Women ? Generic Interpretation of French Masculine Role Names in the Absence and Presence of Feminine Forms. Swiss Journal of Psychology, 67(3), 143‑151. ▻https://doi.org/10.1024/1421-0185.67.3.143
Gygax, P., Zufferey, S., & Gabriel, U. (2021). Le cerveau pense-t-il au masculin ? : Cerveau, langage et représentations sexistes. Le Robert.
Stahlberg, D., & Sczesny, S. (2001). Effekte des generischen Maskulinums und alternativer Sprachformen auf den gedanklichen Einbezug von Frauen. [Effect of the generic use of the masculine pronoun and alternative forms of speech on the cognitive visibility of women.]. Psychologische Rundschau, 52, 131‑140. ▻https://doi.org/10.1026/0033-3042.52.3.131
Stahlberg, D., Sczesny, S., & Braun, F. (2001). Name Your Favorite Musician : Effects of Masculine Generics and of their Alternatives in German. Journal of Language and Social Psychology, 20(4), 464‑469. ▻https://doi.org/10.1177/0261927X01020004004
Tibblin, J., Weijer, J. van de, Granfeldt, J., & Gygax, P. (2023). There are more women in joggeur·euses than in joggeurs : On the effects of gender-fair forms on perceived gender ratios in French role nouns. Journal of French Language Studies, 33(1), 28‑51. ▻https://doi.org/10.1017/S0959269522000217
Vainapel, S., Shamir, O. Y., Tenenbaum, Y., & Gilam, G. (2015). The dark side of gendered language : The masculine-generic form as a cause for self-report bias. Psychological Assessment, 27(4), 1513‑1519. ▻https://doi.org/10.1037/pas0000156
Vervecken, D., Gygax, P., Gabriel, U., Guillod, M., & Hannover, B. (2015). Warm-hearted businessmen, competitive housewives ? Effects of gender-fair language on adolescents’ perceptions of occupations. Frontiers in Psychology, 6. ▻https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01437
Xiao, H., Strickland, B., & Peperkamp, S. (2023). How Fair is Gender-Fair Language ? Insights from Gender Ratio Estimations in French. Journal of Language and Social Psychology, 42(1), 82‑106. ▻https://doi.org/10.1177/0261927X221084643
▻http://dbao.leo-varnet.fr/2023/12/19/reponse-aux-reactions-sur-lecriture-inclusive
Langage inclusif : pour le #cerveau, le neutre n’est pas neutre
Il est désormais bien établi que l’utilisation du masculin générique engendre des représentations mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les formulations neutres, sans marque de genre grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin.
Depuis quelques décennies, le langage inclusif suscite régulièrement de vifs débats de société. Dans ce contexte, la psycholinguistique — la science qui s’intéresse à la compréhension du langage par le cerveau — permet d’apporter un regard scientifique sur certains aspects de ce sujet polémique.
Jusqu’à présent, les recherches dans le domaine se sont essentiellement concentrées sur les effets du masculin générique : par exemple, dire « les chanteurs » pour désigner un groupe composé de femmes et d’hommes. De nombreuses études ont montré de façon répétée et dans plusieurs langues que, même si la grammaire autorise une interprétation générique du masculin, cette règle engendre dans notre cerveau des représentations mentales majoritairement masculines. En parallèle, d’autres travaux comparant le masculin générique avec différentes formes de langage inclusif ont conclu que ce dernier permettait de susciter des représentations moins biaisées en faveur du masculin. Dans leur étude, Léo Varnet, chargé de recherche CNRS au Laboratoire des systèmes perceptifs1 , Elsa Spinelli, membre du Laboratoire de psychologie et de neurocognition2 et Jean-Pierre Chevrot, membre du Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles3 , ont exploré plus avant les différences entre deux stratégies d’écriture inclusive : la neutralisation du genre (par exemple, dire « les choristes » au lieu de « les chanteurs ») et la re-féminisation (par exemple : « les chanteurs et les chanteuses », ou « les chanteur·euse·s » en utilisant le point médian).
Cette étude s’appuie sur un protocole expérimental particulier permettant de détecter des différences fines dans le temps mis par le cerveau pour traiter le genre des mots. Une liste de vingt-deux mots épicènes — c’est-à-dire sans marque de genre grammatical — commençant par une voyelle et non-stéréotypés a été sélectionnée, parmi lesquels « enfant », « adulte », ou encore « architecte ». Deux phrases étaient présentées successivement aux participants et participantes de l’expérience, qui devaient juger si la seconde phrase, commençant par « il » ou « elle », était une continuation correcte de la première. Cette première phrase contenait l’un des mots épicènes, soit dans une forme neutre (par exemple : « L’architecte surveille les travaux en cours »), soit dans une forme double utilisant le point médian (par exemple : « Un·e architecte surveille les travaux en cours »). Les scientifiques ont étudié en particulier le temps nécessaire au cerveau pour conclure que la seconde phrase commençant par « il » ou « elle » était compatible avec la première.
Les résultats de la première expérience indiquent que les formes neutres ne permettent pas de contrecarrer totalement le biais en faveur du masculin. Ainsi, par exemple, le mot « l’adulte » n’a pas de genre grammatical défini, pourtant les participants et participantes de l’étude l’interprètent plus facilement comme un adulte de genre masculin, et mettent donc légèrement plus de temps à identifier qu’il peut également s’agir d’une adulte. Ceci indique que, même en l’absence de toute marque de genre, notre cerveau présente un biais par défaut en faveur du masculin. Les auteurs et autrices de l’étude proposent plusieurs interprétations en soulignant notamment que les termes épicènes sont majoritairement employés au masculin (ainsi, « enfant » est souvent employé dans des phrases reposant sur le masculin générique comme « Ils attendent un enfant »). Ceci pourrait expliquer pourquoi les locuteurs et locutrices du français ont ensuite tendance à associer majoritairement les termes épicènes au genre masculin.
Dans un second temps, la même expérience a été reproduite en utilisant cette fois le point médian. Les résultats obtenus indiquent que le déséquilibre de temps de traitement entre le masculin et le féminin était alors totalement éliminé : la présence explicite des marques masculine et féminine force le cerveau à considérer les deux alternatives.
Cette étude éclaire à quel point le cerveau est profondément affecté par le biais de genre dans le langage : il tend à présupposer le masculin même face à des phrases n’employant pas le masculin générique. La stratégie de re-féminisation qui fait apparaître les formes masculines et féminines des mots (par exemple, « Françaises, Français ») apparaît donc la plus efficace pour susciter des représentations mentales équilibrées.
►https://www.inshs.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/langage-inclusif-pour-le-cerveau-le-neutre-nest-pas-neutre
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La Ville de #Montréal devra indemniser les victimes de #profilage_racial par les policiers
La Ville de Montréal vient d’être condamnée à verser des milliers de dollars aux personnes victimes de profilage racial qui ont été interpellées sans raison par des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
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Visée par une action collective, la Ville de Montréal devra verser 5000 $ à chaque personne victime de profilage racial interpellée par des policiers du SPVM entre 2017 et 2019.
Il y a eu près de 40 000 #interpellations de personnes racisées au cours de cette période.
Les Autochtones ont 6 fois plus de risques d’être interpellés que les Blancs, les populations noires, 3,5 fois plus, et les personnes arabes, 2,6 fois plus, selon un rapport de 2023.
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« Il s’avère indéniable que le phénomène du profilage racial se manifeste au sein du SPVM depuis nombre d’années. Des membres de groupes racisés en sont victimes et font ainsi l’objet, sans justification, d’#interventions_policières présentant un lien avec leur appartenance raciale ou ethnique », déclare sans ambages un #jugement de la Cour supérieure, rendu mardi.
La Ligue des Noirs du Québec menait une #action_collective contre la Ville de Montréal pour que chaque personne racisée interpellée sans motif entre 2017 et 2019 soit indemnisée à hauteur de 5000 $.
Selon des données transmises par la Ville de Montréal dans le cadre du procès, il y a eu près de 40 000 interpellations de personnes racisées au cours de cette période.
Un des avocats qui ont mené cette bataille, Jacky-Éric Salvant, estime qu’entre 10 000 et 30 000 victimes de profilage pourraient se manifester à la suite du jugement.
Au début de l’action collective, la Ligue des Noirs du Québec évaluait le montant de la poursuite à 170 millions. Elle visait particulièrement les personnes issues des communautés noires, arabes, latinos et autochtones.
5000 $ par personne
La juge Dominique Poulin oblige Montréal à verser 5000 $ à chaque personne « interpellée sans justification qui a subi du profilage racial », et 2500 $ aux personnes interpellées dont les données personnelles n’ont pas été enregistrées par les policiers.
Celles qui ont en plus été arrêtées et détenues sans raison devront établir les #dommages_moraux et matériels qu’elles ont subis, pour recevoir la somme appropriée.
Les parties vont retourner devant le juge pour discuter des modalités de versement des indemnités.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait témoigné dans le cadre de ce procès en février 2023.
La Ville a reconnu l’existence de profilage racial au sein de son service de police, ainsi que la présence de #biais_systémiques, mais elle affirmait que le profilage était loin d’être généralisé, rappelle le jugement.
Jugement historique
« La Ville contribue au phénomène du profilage racial en demandant à ses policiers de faire de la #prévention et de procéder à des interpellations, dans un contexte de #racisme_systémique, où les #prédictions de policiers sont nécessairement appelées à reposer sur des #biais conscients et inconscients, en appliquant des pratiques susceptibles de cibler de façon particulière les membres de groupes racisés », écrit la juge Poulin, dans sa décision, qui fait une centaine de pages.
Selon la Ligue des Noirs, il s’agit d’un jugement #historique.
« Ce jugement va marquer l’histoire parce que nous sommes la première organisation qui a poursuivi une ville pour profilage racial au Québec et on a obtenu un jugement favorable », souligne le président de l’organisme, Max Stanley Bazin.
Il s’agirait aussi du premier jugement au #Canada qui indemnise les victimes de profilage, ajoute Me Jacky-Éric Salvant, avocat d’Alexandre Lamontagne, celui qui représente les victimes dans le cadre de l’action collective.
Un genou sur le cou
M. Lamontagne, un homme noir, a été interpellé par des policiers en août 2017 alors qu’il marchait tout bonnement sur le trottoir dans le Vieux-Montréal, sortant d’un bar. « Hey, est-ce que je peux t’aider ? », lui aurait lancé un agent, sans raison, selon son témoignage rapporté dans le jugement.
Se sentant agressé, M. Lamontagne a une altercation avec les policiers et leur demande de s’identifier. Alors que la tension monte de part et d’autre, les policiers plaquent l’homme au sol, l’un d’eux lui met un genou sur le cou et ils lui passent les menottes, tandis que trois autres voitures de police arrivent en renfort.
M. Lamontagne passe le reste de la nuit en prison et reçoit trois constats d’infraction pour avoir fait du bruit, avoir continué un acte interdit et ne pas avoir emprunté le trottoir, accusations qui seront par la suite abandonnées.
Les policiers ont raconté en cour une version différente, mais la juge Poulin ne l’a pas retenue, s’appuyant notamment sur des images vidéo.
Alexandre Lamontagne a dû être soigné pour des spasmes musculaires à la suite de l’incident, en plus de se sentir humilié et dénigré. Le jugement lui accorde 5000 $ en indemnisation.
« Que les personnes responsables de l’application des lois et règlements ne respectent pas les droits et libertés qui sont garantis par les chartes, c’est un grave problème », fait remarquer Max Stanley Bazin, qui s’attend à d’importants changements de la part de la Ville de Montréal à la suite du jugement.
Risque plus grand pour les non-Blancs
La décision de la juge Poulin s’appuie en bonne partie sur le témoignage et le rapport de l’expert Victor Armony au sujet du profilage racial au SPVM.
Avec deux autres chercheurs, M. Armony a étudié la question à la demande du corps policier, et son rapport, rendu en 2023, concluait que les Autochtones avaient 6 fois plus de risques d’être interpellés que les Blancs, les populations noires, 3,5 fois plus, et les personnes arabes, 2,6 fois plus.
Malgré ce constat, le chef du SPVM, Fady Dagher, avait refusé de décréter un moratoire sur les interpellations, comme le recommandait le rapport.
« La Ville continuera de déployer des efforts sans précédent pour lutter contre le profilage racial. En tant que première administration à avoir reconnu l’existence du racisme systémique, nous continuerons de travailler, avec l’ensemble de nos partenaires et des organisations publiques de Montréal, afin que chaque citoyenne et citoyen se sente en sécurité et bénéficie des mêmes droits », a réagi le cabinet de la mairesse Valérie Plante, dans une communication écrite.
En réaction au jugement, la Ligue des droits et libertés (LDL) rappelle que les policiers n’ont pas le pouvoir au Québec de faire des interpellations en vertu de la loi ou de la common law. « Les interpellations policières bafouent les droits et libertés des personnes interpellées et sont une source connue et documentée de profilages racial et social systémiques », souligne Lynda Khelil, porte-parole de la LDL.
« La LDL exhorte la Ville de Montréal à ne pas faire appel de ce jugement et à y donner suite de façon urgente, notamment en interdisant aux policiers du SPVM de faire des interpellations, une bonne fois pour toutes. »
▻https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2024-09-03/la-ville-de-montreal-devra-indemniser-les-victimes-de-profilage-racial-par-
#indemnisation #police #forces_de_l'ordre #Canada #justice
via @freakonometrics
ping @karine4 @cede
Il faut défendre les invulnérables. Lecture critique de ce qu’on s’est laissé dire, à gauche, sur la pandémie de covid | Winslow Santé Publique
▻https://www.multitudes.net/il-faut-defendre-les-invulnerables-lecture-critique-de-ce-quon-sest-lais
La minimisation pandémique est partout et nulle part. Elle va de soi sans se dire. Elle est insaisissable. C’est pour contourner cette évidence silencieuse que nous sommes revenus sur un discours minimisateur particulier : celui tenu par la Dr Desbiolles. Elle a publié en janvier 2023 un opuscule, « Réparer la santé ». Si ce livre est intéressant, c’est moins en lui-même que parce qu’il représente une version plus élaborée des convictions que les forces politiques progressistes (et leurs soutiens) ont plus ou moins clairement embrassées au sujet d’une pandémie considérée comme révolue. En retraçant son argumentaire, on espère contribuer à désenchevêtrer certaines des confusions dans lesquelles nous sommes collectivement englué·es, y compris au sein de milieux militants où l’on aurait aimé trouvé des (...)
Sans perspective de sortie de crise, comment répondre à ceux qui disent : « marre de vivre comme ça, foutu pour foutu, autant en profiter un peu avant de crever » ?
La Dr. Desbiolles, qui dénonce comme une “fabrique de l’ignorance” (26) la fermeture du Conseil Scientifique aux critiques de la vaccination (27), participe par sa minimisation et son fatalisme à une entreprise de désarmement du public face à un désastre encore en cours. Elle n’est pas seule à le faire, et s’inscrit dans un mouvement international qui présente toutes les caractéristiques des manœuvres de production d’ignorance décrites par les enquêtes “agnotologiques”. Sa signature, retirée du site mais encore visible dans les archives d’internet, figure en effet sur la Great Barrington Declaration. Cet appel, lancé à l’automne 2020 par des médecins soutenus par des think tanks libertariens gravitant dans le réseau des fameux frères Koch, invitait à lever les mesures de prévention et à se contenter d’une hypothétique protection ciblée pour la minorité vulnérable, le plus grand nombre, à commencer par les enfants, étant supposé développer une immunité de groupe grâce aux infections.
On y reconnaît la colonne vertébrale de Réparer la santé. Son autrice se présente en gardienne de la raison tout en engageant son autorité de médecin de santé publique dans un discours scientifiquement faussé. Elle contribue ainsi à la confusion sur ce que dit réellement la science, suivant une dynamique bien expliquée par Oreskes et Conway. Les semeurs de doutes et d’ignorance sur la question du covid sont les mêmes que pour le climat, et les stratégies (et parfois les stratèges) se retrouvent à travers des dossiers tels que le tabac, l’amiante, ou les pesticides.
Quand on se livre sournoisement à des manipulations sur la #balance_bénéfices_risques, il n’y a qu’un pas vers l’#eugénisme et force est de constater que d’aucun·es le franchissent avec une grande désinvolture.
#agnotologie #GBD (Great Barrington Declaration) #biais_de_confirmation #biais_du_champion
#darwinisme_social #YOLO
Sans perspective de sortie de crise, comment répondre à ceux qui disent : « marre de vivre comme ça, foutu pour foutu, autant en profiter un peu avant de crever » ?
Une réponse possible :
ce ne sont pas les morts qui sont le plus à plaindre mais ceux qui leur survivent.
Un autre classement des universités, vraiment ?
Comme chaque année, au creux de l’été, le classement de Shanghai suscite les passions nationales (mollement quand même) et l’opposition des commentaires déclinistes ou autosatisfaits sur les bienfaits de la politique de “réforme” de l’enseignement supérieur depuis Valérie Pécresse.
Le Monde s’empare du sujet (▻https://www.lemonde.fr/campus/article/2024/08/15/classement-de-shanghai-2024-l-universite-paris-saclay-grimpe-encore-dans-le-) et fait un cocorico sur la “montée” de l’Université Paris Saclay, celle dont la ministre sortante de l’ESR a été la présidente. Elle doit se sentir bien…
Mais, ayant tenu compte sans doute des critiques lassées des universitaires quant à la validité plus que douteuse des #critères mis en avant et des instrumentalisations dont le classement fait l’objet, le journal de référence a pris l’initiative de proposer un #classement_alternatif, qui serait basé sur “la portée” des #articles de recherche en SHS en français. Une approche plutôt anticonformiste et qui retient l’attention. Les données sont issues de la plateforme #Cairn, qui diffuse 634 #revues essentiellement françaises, mais sous pavillon belge (sans doute pour optimiser sa fiscalité), qui a construit une infrastructure privée efficace, qui a incontestablement aidé à la structuration de la #publication_scientifique francophone. Beau coup de pub pour eux, bien joué. Mais attention quand même aux critères de mesure, à leur #biais, et à ce qu’ils nous apprennent vraiment : en distinguant l’université Paris Cité, c’est un autre masdodonte issu des réformes pécressiennes (plutôt la vague tardive fioraso-vidalienne, mais bon, l’inspiration est la même…). Quelques remarques donc sur les limites de l’exercice.
D’abord, que mesure t on ? Des “consultations”, en fait sans doute des #clics sur les liens des articles. On ne sait rien du temps de lecture : s’agit-il seulement de la lecture d’un résumé, d’une lecture plus approfondie ? On connait bien les limites de l’#impact_factor mais la prise en compte des #citations est quand même une mesure plus concrète de l’utilisation d’une référence scientifique (quand bien même le sens d’une citation peut être multiple : reconnaissance, critique, marque de complaisance ou d’appartenance à une chapelle scientifique).
Par ailleurs, les nombres de “consultations” cités et comparés, s’ils permettent de dégager des hiérarchies en termes d’#audience au sein de ce corpus entre auteurs, disciplines et universités (même si on fait complètement l’impasse sur les collaborations entre auteurs d’universités, voire de disciplines différentes), ne veulent pas dire grand chose sans comparaison avec les “consultations” d’autres corpus. C’est là qu’une comparaison avec des plateformes similaires, on n’ose pas dire concurrentes, comme #Openedition.org en France (qui diffuse 646 revues totalement en libre accès contrairement à Cairn, qui en diffuse 634), #Erudit au Canada, #Scielos en Amérique latine, et bien sûr les grandes plateformes des éditeurs scientifiques anglophones (Elsevier, Informa, etc.) serait utile pour jauger des ordres de grandeur des consultations qu’elles reçoivent… De même, une grande partie de la production scientifique est aussi consultable via les #archives_ouvertes et les réseaux sociaux académiques que sont #Academia, #ResearchGate ou autres, dont les clics et statistiques de consultation échappent à la mesure ici analysée (cf. ce post déjà ancien). On peut enfin se demander d’ailleurs si les chiffres de lecture cités pour mesurer l’audience internationale comprennent (ou pas) les lecteurs basés en France, auquel cas l’audience européenne de Cairn est elle si impressionnante ?
Concernant le classement des universités, on s’interroge sur la distinction proposée entre elles et le CNRS, qui est un établissement national qui compte de nombreuses unités de recherche dans les autres dites universités : comment les différencie-t-on ? Par ailleurs, si on reprend les chiffres cités pour les cinq premiers organismes de la liste, en comparant nombre de consultations et nombre d’auteurs, on obtient le tableau suivant :
Les variations de consultation s’expliquent principalement par l’effectif des établissements en question. Certes le ratio consultation/auteur montre une variation de l’ordre de 35%, mais il est vraisemblable que cela soit lié à la composition disciplinaire plus qu’à plus grande “qualité” de ces articles, et encore moins à une surperformance des universités en question… Est-on réellement dans une rupture avec la logique du classement de Shanghai ? On peut noter que Paris Cité est l’une de ces universités construite au forceps par le ministère de la Recherche et de l’enseignement supérieur pour atteindre une “taille critique”, tout comme d’ailleurs Lille, Sorbonne Université, Aix Marseille, Strasbourg, etc. . Le fait qu’y figurent Panthéon Sorbonne ou l’EHESS, des établissements spécialisés en SHS, n’a rien non plus pour étonner : cela semble refléter la présence d’un grande nombre d’enseignants-chercheurs et chercheurs. Difficile donc dans ces conditions de distinguer ce qui relèverait d’une “surperformance” d’un simple effet de masse. Plus fondamentalement, faut il individualiser les métriques à l’échelle des chercheurs individuels, alors que leur travail est en grande partie collectif ? sachant que les cultures disciplinaires s’y prêtent plus ou moins bien.
En réalité, le travail effectué par Le Monde, s’il montre bien que de la science (SHS) francophone se produit et se publie dans les universités – c’est toujours bien de le souligner – ne rompt pas vraiment avec la logique du classement et de la hiérarchisation propre au classement de Shanghai, aujourd’hui bien démodé et qui fait figure d’un marronnier aux feuilles qui justement brunissent en cette fin d’été : les médias friands des Jeux Olympiques cherchent à étendre la logique des médailles pour remplir les quelques semaines d’avant la rentrée…
Par ailleurs, si j’adhère totalement à l’idée de chercher à promouvoir des métriques alternatives de la circulation du travail scientifique francophone et plus largement dans les langues scientifiquement minoritaires, et de la mise en avant de manières différentes d’écrire les SHS et de produire une connaissance moins formatée et moins standardisée, il faut quand même se demander comment cette connaissance est appropriée dans le cadre de cette science et de ces SHS globalisées. Cette attente est explicite dans l’article du Monde.
De manière totalement fortuite, je suis tombé récemment sur la collection d’ouvrages Thinkers for Architects, éditée par Routledge. Il est notable de constater que sur les dix-huit titres publiés, 10 portent sur des auteurs français : Lefebvre, Virilio, Merleau-Ponty, Baudrillard, Bourdieu, Irrigaray, Foucault, Deleuze et Guattari, Derrida et Latour. Cela illustre la réalité de la circulation d’un ensemble de travaux universitaires français, ce qu’on appelle la “French theory” (à l’unité néanmoins problématique). Souvent dédaignée voire méprisée pour son jargon et les supposées dérives wokes qu’elle a suscitée, vue comme une sorte d’excentricité des campus “anglo-saxons”, cette “French theory” n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur dans notre pays, comme une véritable contribution de l’université française au monde académique. Or, cette circulation a été rendue possible grâce à la traduction, aux circulations d’enseignement et au débat scientifique. On pourrait rétorquer que c’est un phénomène du passé : tous ces auteurs (dont une seule autrice) sont morts. Néanmoins qui peut dire si d’autres auteurs français ou francophones formés en France ne sont pas en train de connaître aujourd’hui le même destin : traduits, discutés, célébrés ? En passant, on pourrait aussi souligner que l’université de Vincennes, berceau d’une partie de ces auteurs, est exactement l’inverse de la standardisation de la production et de la transmission des connaissances que ce que promeut le classement de Shanghai, et son application stéréotypée par nos brillants énarques style V. Pécresse et consorts. La principale finalité de ce mécano académique semble être de produire des monstres bureaucratiques dont le principal critère d’évaluation est la “bonne signature” des chercheurs, afin que les logiciels compilent correctement les citations dans les bases de données de publications pour exceller dans ce type de classement.
Pour appréhender justement cette circulation en train de se faire, l’article aurait pu se pencher sur la plateforme internationale que Cairn tente de promouvoir depuis des années, et qui selon ma perception, est bien peu utile pour faciliter cette circulation de travaux francophones. Combien d’universités étrangères y sont abonnées ? Combien de “consultations” génère-t-elle ? A travers les revues auxquelles je participe comme membre de la rédaction ou comme auteur, et sur lesquelles j’ai publié des traductions anglaises, je peux témoigner d’un dispositif techniquement problématique, la même url étant par exemple utilisée pour le texte français et sa traduction anglaise, ce qui ne permet pas d’indexer correctement ces textes en anglais. Au contraire de la pratique chez Openedition.org où les traductions ont une url propre. Je doute que Cairn joue un rôle efficace sur ce plan…
Entendons-nous : réfléchir à d’autres critères d’objectivation du travail des chercheurs et chercheuses dans les universités, mettre en valeur un portail tel que Cairn, qui avec Openedition Journals a beaucoup fait pour diffuser largement, en France déjà, et au niveau international à un degré moindre, tout cela est très bien. Mais les classements proposés n’ont rien d’alternatifs en ce qu’ils reproduisent cette idée d’une hiérarchisation sur des critères simplistes, ici difficilement étalonnables et surtout reproduisant la logique de mise en concurrence au lieu de réfléchir à d’autres logiques qui font avancer la science, telles que la coopération, la formation, etc. C’est en cela que la proposition de cet article me semble manquer sa cible.
▻https://rumor.hypotheses.org/6142
#classement #université #ranking #ESR #alternative #consultations #facs #statistiques #édition_scientifique
–-
voir aussi :
Attention, un #classement peut en cacher un autre !
▻https://seenthis.net/messages/1067976
Bande d’Autistes ! Un podcast qui parle de #neuroatypie en long, en large... Et de travers.
On y parle d’autisme/ #Asperger, de #TDAH, de #haut_potentiel, d’#hyperactivité, et de tous nos autres fonctionnements qui diffèrent de la norme.
▻https://www.youtube.com/@bandedautistes
▻https://www.facebook.com/bandedautistes
#autisme
#podcast #audio
Le tout premier épisode de Bande d’Autistes ! parle du lien entre autisme et hypersensibilité.
Les personnes autistes / Asperger ont souvent des et émotionnelles plus fortes que la moyenne. On a souvent du mal à gérer les #bruits incommodants, les #odeurs trop fortes, ou encore nos propres #émotions.
Dans cet épisode, je fais le point sur le sujet et sur les moyens d’éviter de trop en souffrir.
▻https://www.youtube.com/watch?v=VV3zpXVgKK4
Femmes autistes - les invisibles ?
On se pose plusieurs questions, dont :
– Pourquoi les femmes autistes / Asperger sont si peu diagnostiquées ? 👩⚕️
– Quelles sont les caractéristiques spécifiques des femmes autistes ? ♀️
– Pourquoi sont-elles souvent considérées comme invisibles ? 👻
▻https://www.youtube.com/watch?v=C8N-NMFQqBk
#femmes #femmes_autistes #diagnostic #invisibilisation #autisme_de_haut_niveau #caractéristiques_féminines #biais #auto-diagnostic #intérêts_spécifiques #intensité #camouflage_social #stratégies_de_compensation #fatigue #épuisement #genre #colère #crises_de_colère #test
Les autistes ont ils de l’#empathie ?
Selon une idée tenace, les personnes autistes manqueraient d’empathie. Mais les dernières recherches sur le sujet tendent à revenir sur cette interprétation. L’épisode 3 de Bande d’Autistes ! continue de se poser beaucoup de questions, par exemple :
– L’empathie, c’est quoi au juste ? 🤔
– Pourquoi dit-on que les personnes autistes manquent d’empathie ? 😐
– Sommes-nous tous des robots sans cœur ? 🤖💔
Spoiler alert : la réponse à cette dernière question est non, et on vous explique pourquoi.
#émotions #réciprocité_sociale #réciprocité_émotionnelle #empathie_émotionnelle #empathie_cognitive #alexithymie
Les intérêts spécifiques des personnes autistes : #passions ou ?
Dans cet épisode, on parle en effet des intérêts spécifiques, ou passions, qui sont considérés comme un trait caractéristique des personnes autistes / Asperger. Cette fois, on s’est demandé :
– Pourquoi nos passions sont-elles aussi notables ? 😍
– A quoi nous servent-elles au quotidien ? 🧘
– Et pourquoi elles ont tendance à inquiéter notre entourage... 😨
#5 - Le diagnostic d’autisme/Asperger : comment ça se passe ?
Ce tout nouvel épisode de Bande d’Autistes ! aborde le thème du diagnostic d’autisme / Asperger. Et comme il y a beaucoup à en dire, c’est un double épisode qui vous attend ! Dans ce premier volet, j’essaie de faire un état des lieux du processus de diagnostic d’autisme en France. On aborde beaucoup de questions, dont :
– Comment se faire diagnostiquer en tant qu’autiste en France ? 🔍
– Quelles sont les différentes options et laquelle choisir ? 🤔
– À quoi puis-je m’attendre pour mon diagnostic d’autisme / Asperger ? ☑️
« #Care » : comment l’étude du #travail_domestique permet de réécrire l’histoire
La notion de care s’est imposée dans le langage courant et politique pour qualifier l’ensemble des activités – rémunérées ou non – qui consistent à prendre soin des autres et de leur cadre de vie ; à assurer le « #travail_reproductif » et non seulement « productif ». Cela recouvre notamment les métiers ou pratiques sociales d’#aide_à_la_personne, les secteurs infirmiers ou médicaux, ou encore un grand nombre de tâches dites « domestiques ».
Les économistes féministes se sont depuis longtemps approprié cette notion pour mettre en valeur des formes de travail exercées par les #femmes et non reconnues socialement et dans les #statistiques économiques, en particulier le #travail_domestique_non_rémunéré. Il ne s’agit pas d’essentialiser des différences entre hommes et femmes mais au contraire de partir du principe que rendre visibles toutes les formes de travail est une étape nécessaire vers l’#égalité, la #reconnaissance_sociale et économique et le partage de ces tâches.
En outre, alors que les mutations sociales et technologiques du XXe siècle ont diminué le temps de travail consacré au care et les tâches domestiques, il est probable que le vieillissement de la population inverse cette tendance. Il implique en particulier une augmentation de la demande de soin et d’aide à la personne, pratiques qui peuvent être rémunérées ou non, reposant dans ce dernier cas sur des liens familiaux ou amicaux.
La loi de 2019 sur les congés de proche aidant et les discussions récurrentes sur les pénuries de personnel pour l’aide à domicile montrent combien nos sociétés se préparent – encore trop lentement et difficilement – aux mutations économiques et sociales causées par le vieillissement.
#Valorisation_monétaire du travail domestique
Il y a évidemment un débat au sein des économistes quant à l’opportunité de compter le travail de care domestique qui n’apparaît pas dans les statistiques officielles et donc de lui donner une #valeur_monétaire. Outre les difficultés méthodologiques de cette quantification, la question est de savoir si valoriser les pratiques non rémunérées comme un travail salarié ne va pas à l’encontre de l’éthique du care en mettant sur le même plan des formes de travail non équivalentes.
La réponse que les économistes féministes apportent à cette question est que la construction de statistiques et la valorisation monétaire est aujourd’hui le meilleur moyen de montrer l’ampleur du #travail_féminin et la persistance des inégalités entre femmes et hommes au sein du ménage hétérosexuel (voir le récent résumé de Nancy Folbre présentant ces arguments et la recherche dans ce domaine, dont la première contribution remonte à l’ouvrage de Margaret Reid, Economics of household production, publié en… 1934).
Depuis #Margaret_Reid, et encore plus depuis la réappropriation du concept de care en économie dans les années 1980 et 1990, notamment par Nancy Folbre, les économistes ont donc tenté de quantifier le travail domestique, dans le passé quasi-essentiellement exercé par les femmes. L’objectif est de voir comment cette comptabilisation change notre vision du #développement_économique, habituellement mesuré par des salaires et le temps de travail masculins, puis par le #produit_intérieur_brut, qui exclut les tâches domestiques.
Il existe des tentatives actuelles pour inclure les estimations du travail domestique dans le #PIB, mais seule l’histoire économique permet de prendre la mesure du #biais que l’absence de prise en compte du travail féminin dans les statistiques cause à nos représentations du développement économique.
Dans un article récemment paru dans le Journal of Economic History, « Careworn : The Economic History of Caring Labor » (▻https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-economic-history/article/careworn-the-economic-history-of-caring-labor/68D8EDEB50DCF2AB012433755741108B), la professeure d’histoire économique Jane Humphries cherche à produire une telle estimation pour l’Angleterre sur très longue période, de 1270 à 1860. Ses précédentes recherches ont déjà révolutionné l’#histoire_économique en montrant comment la prise en compte du travail des enfants, puis la construction de séries de salaire des femmes, changeaient le récit traditionnel de la révolution industrielle du XIXe siècle.
Humphries commence par rappeler le paradoxe des recherches actuelles d’histoire économique quantitative qui ont entrepris de calculer des séries de PIB, de niveau de vie et de prix depuis le Moyen-Âge (voir notamment les travaux de #Robert_Allen et #Stephen_Broadberry). Le calcul d’évolution des prix repose en effet sur la définition d’un panier de biens représentatif de la consommation de base (viande, lait, céréales etc.). Mais l’essentiel du travail des femmes nécessaire pour transformer ces biens de base en consommation domestique, nécessaire pour soutenir le travail rémunéré de l’homme du foyer, n’est pas pris en compte dans les statistiques de production !
Soutien au travail de l’homme salarié
Elle rappelle aussi les nombreuses heures nécessaires pour maintenir l’#hygiène dans un foyer, avant la généralisation de l’eau courante et des sanitaires au XXe siècle. Rassemblant de nombreuses sources d’origine et fréquence différentes sur le temps de travail domestique et sur le #salaire horaire de ce travail lorsqu’il était rémunéré, Humphries tente de calculer la valeur totale du travail domestique qui était nécessaire pour qu’un foyer puisse subsister, permettant à l’homme de s’en absenter pour travailler au-dehors.
Même ses estimations les plus basses montrent qu’au moins 20 % de la production totale de valeur (ce que nous appelons aujourd’hui PIB) était consacrée aux #tâches_domestiques – et sont donc absentes de nos mesures habituelles Et si ce chiffre n’était pas plus important dans le passé qu’aujourd’hui, c’est que l’autrice valorise le travail féminin au prix du salaire des femmes de l’époque, qui était très inférieur à celui des hommes.
Notons que l’article ne quantifie que les tâches domestiques liées à la consommation et l’entretien du foyer ; l’autrice souligne qu’elle n’a pas quantifié ce qui touche au « travail reproductif », en particulier la mise au monde et l’allaitement des enfants.
Mais la professeure d’histoire économique s’intéresse ici davantage à l’évolution du coût et temps du travail domestique – relativement au #travail_salarié – au cours des siècles. Elle remarque en particulier une forte augmentation du travail domestique, et de sa valeur relative, lors de la « révolution industrieuse » du XVIIIe siècle, précédant la « révolution industrielle » du XIXe siècle.
Regard biaisé sur l’économie
A la suite des travaux de #Jan_de_Vries, on parle de « #révolution_industrieuse » pour caractériser l’augmentation du temps de travail (en termes de nombre d’heures salariées) causée par la nécessité de maintenir ou accroître le niveau de consommation du ménage. De manière cohérente avec le fait que la révolution industrieuse coïncidait avec une diversification et multiplication des biens de consommation, Humphries montre que le travail domestique nécessaire pour soutenir le travail de l’homme salarié augmentait en même temps que ce dernier.
Plus les ménages avaient accès à de nouveaux produits (tissus, sucre, viande, thé etc.), plus les femmes devaient travailler pour que les hommes puissent les consommer et en profiter. Pour les femmes mariées, conclut-elle, la « révolution industrieuse » n’a pas coïncidé avec une augmentation du travail salarié mais a pris une forme domestique, obscurcissant ainsi encore plus la contribution des femmes à la #croissance_économique et l’amélioration du niveau de vie.
Rappelons, comme Humphries elle-même, la fragilité de ces premières estimations qui reposent sur des sources incomplètes et des hypothèses statistiques fortes.
Toutefois, ce travail a le mérite de mettre à nouveau en lumière combien notre regard sur l’histoire économique est biaisé si nous ne réalisons pas que l’activité économique mesurée au cours du temps (par les statistiques de prix, salaires et production) ne pouvait s’accomplir que parce qu’elle était rendue possible par le travail domestique des femmes. Celui-ci était pourtant invisible dans les statistiques de population ou de production qui devinrent au XIXe siècle un nouveau pilier de la gestion des Etats modernes et de la compréhension de l’économie.
▻https://www.alternatives-economiques.fr/eric-monnet/care-letude-travail-domestique-permet-de-reecrire-lhi/00112088
#rémunération #invisibilisation #économie #économie_féministe #quantification #rémunération #salaire
Care Provision and the Boundaries of Production
Whether or not they provide subjective satisfaction to providers, unpaid services and non-market transfers typically contribute positively to total output, living standards, and the social climate. This essay describes some quantitative dimensions of care provision and reviews their implications for the measurement of economic growth and the explanation of relative earnings, including the gender wage differential. It also calls attention to under-explored aspects of collective conflict over legal rules and public policies that shape the distribution of the net costs of care provision.
#Wikipédia comme terrain de recherche : méthodes et enjeux de l’analyse des inégalités épistémiques genrées d’une encyclopédie collaborative
Cet article a pour objectif de présenter les méthodes et enjeux d’un projet de recherche collectif et interdisciplinaire (nommé Wikif) qui vise à comprendre comment la question des #biographies de femmes scientifiques est abordée dans l’encyclopédie collaborative Wikipédia. Après une présentation du contexte de prise en compte de ces inégalités dans la version francophone de Wikipédia, nous expliquerons plus précisément la pertinence et la complémentarité de la méthodologie mixte qui a été adoptée au sein de ce projet, et comment nous y avons associé des opérations de remédiation.
▻https://www.essachess.com/index.php/jcs/article/view/641
#genre #femmes #inégalités #discrimination #science #femmes_scientifiques #université #recherche #ESR
#WIKIF : Wikipédia et les Femmes scientifiques
WIKIF vise à questionner les biais de genres dans la production et la diffusion des savoirs scientifiques sur Wikipédia.
Associant géographie, sociologie, sciences de l’information et de la communication et humanités numériques, ce projet transdisciplinaire se fixe 2 objectifs :
- comprendre dans quelles mesures Wikipédia permet la construction et la valorisation des sciences, en renseignant les #biais_de_genre
- mettre en place des outils de #remédiation.
▻https://sms.univ-tlse2.fr/accueil-sms/la-recherche/operations-structurantes/wikif-wikipedia-et-les-femmes-scientifiques