Irun, la frontera
▻https://www.youtube.com/watch?v=a9pTLpE1z_8
#Irun #frontières #montagne #Pyrénées #asile #migrations #réfugiés #Espagne #France #Bidassoa #ongi_etorri #monument #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #décès #morts #campement #fermeture_des_frontières #refoulements #push-backs #militarisation_des_frontières #pays_basque
#film #documentaire #film_documentaire
#Pays_basque : le cadavre d’un jeune migrant retrouvé dans la #Bidassoa
Samedi 18 juin au matin, l’alerte a été donnée depuis la berge française du fleuve Bidassoa, à hauteur du pont international de #Béhobie, pour la découverte d’un cadavre.
Les pompiers français sont intervenus pour repêcher le corps d’un homme d’origine subsaharienne. Selon le « Diario Vasco », le corps ne présentait pas de trace de violence, ni d’un séjour prolongé dans l’eau, laissant supposer un décès récent.
Dix morts en un an et demi
Le corps a été déposé sur les berges espagnoles, à #Irun, où il a été pris en charge par la Guardia Civil. Des recherches ont été menées pour découvrir des éléments d’identification du défunt, qui ne portait aucun document. Le jeune noyé a été identifié ce samedi 18 juin, rapporte le « Diario Vasco ». #Abderraman_Bas était de nationalité guinéenne. Âgé de 25 ans, le jeune migrant était arrivé au Pays basque, depuis l’île de Lanzarote, dans l’archipel espagnol des Canaries, au mois de mai dernier.
Le 12 mars déjà, trois migrants avaient tenté de traverser la Bidassoa, Deux seulement y étaient parvenus. Un important dispositif de recherche avait été déployé, sans succès
Ce drame du 18 juin 2022 porte à dix, le nombre de migrants qui ont perdu la vie en un an et demi, alors qu’ils tentaient de traverser le fleuve frontalier, dans l‘espoir d’une vie meilleure.
« Politique migratoire commune »
Le maire d’Irun, José Antonio Santano s’est dit profondément attristé par ce nouveau décès et il a assuré « Nous ne pouvons pas nous habituer à cette situation, à ce drame. Nous ne pouvons continuer à vivre cette hémorragie de jeunes vies dans le fleuve Bidassoa. Ils se jettent à l’eau pour éviter les féroces contrôles aux frontières. Si tel est le problème, nous devons trouver une solution. »
L’élu a insisté sur l’importance, que depuis la France, soit comprise la nécessité « d’établir en Europe une politique migratoire commune pour tous les pays de l’Union qui évitent cette situation. »
Les associations d’aide aux migrants appellent à manifester dimanche 19 juin à 12 h 30, place San Juan à Irun
▻https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/hendaye/pays-basque-le-cadavre-d-un-jeune-migrant-retrouve-dans-la-bidassoa-1133924
#décès #migrations #asile #réfugiés #mort #mourir_aux_frontières #France #Espagne
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Ajouté au fil de discussion sur les migrants morts à la frontière pyrénéenne :
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elle-même ajouté dans la métaliste sur les morts aux frontières alpines (même si c’est pas les Alpes... je sais je sais)
Morts à la frontière #Espagne-#France
#Pyrénées #frontières_pyrénéennes #montagne #mourir_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #décès #morts #frontières
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ajouté à la métaliste sur les morts aux frontières alpines :
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et plus précisément ici :
▻https://seenthis.net/messages/758646#message928563
Le corps sans vie d’un homme retrouvé dans la #Bidassoa
Les secours ont repêché ce matin le #cadavre d’un homme noir dans la Bidassoa, à #Irun. Il s’agissait d’un exilé qui s’est noyé en tentant de rejoindre #Hendaye à la nage. Un autre jeune âgé de 16 ans a été secouru par des Hendayais avant d’être expulsé par les gendarmes.
Ce samedi matin à Irun, du côté de l’#île_aux_Faisans, les pompiers ont retrouvé un corps sans vie sur les rives de la Bidassoa. Il s’agit d’un homme noir, un migrant qui a péri en traversant le fleuve à la nage pour se rendre sur les rives de l’Etat français, comme l’ont confirmé au site Naiz les pompiers d’Hendaye (▻https://www.naiz.eus/eu/info/noticia/20210522/rescatan-el-cuerpo-sin-vida-de-una-persona-en-el-rio-bidasoa).
Selon la radio Antxeta Irratia (▻https://twitter.com/antxetairratia/status/1396063752856932359), des kayakistes du club Santiagoarrak ont fait cette macabre découverte vers 11 heures du matin, avant que les secours n’interviennent.
De plus, Irungo Harrera Sarea (IHS) a signalé qu’une autre personne migrante, un adolescent de 16 ans, a été secouru par des Hendayais à l’issue de sa traversée de la Bidassoa. Selon Naiz, les gendarmes l’ont expulsé dans les deux heures qui ont suivi. Le réseau IHS a appelé à un rassemblement ce dimanche à 11h30 à Azken Portu, où a été retrouvé le corps sans vie du migrant.
Déjà un décès le mois dernier
Il y a un mois, un Erythréen avait été retrouvé mort à Irun (▻https://www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20210419/le-corps-d-un-erythreen-retrouve-mort-a-irun), non loin de la Bidassoa. Selon la police locale, la Ertzaintza, le jeune homme se serait suicidé par pendaison. Le réseau Irungo Harrera Sarea avait alors exigé des institutions qu’elles prennent leurs responsabilités dans cette affaire (▻https://www.naiz.eus/eu/hemeroteca/gara/editions/2021-04-22/hemeroteca_articles/eritrear-baten-heriotzaren-harira-ardurak-eskatu-ditu-harrera-sareak).
Au #Pays_Basque Nord, l’Hendayais Tom Dubois avait fait part dans un entretien (▻https://www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20210317/un-jeune-guineen-qui-traversait-la-bidasoa-secouru-par-des-hendayais) à MEDIABASK le 17 mars dernier de son inquiétude qu’un tel drame se produise. Le 13 mars, avec des amis, il a porté secours à un jeune Guinéen qui venait d’arriver sur les rives hendayaises de la Bidassoa après l’avoir traversé à la nage depuis Irun.
Manifestation le 29 mai
Les associations Diakite, Etorkinekin, la Cimade et Irungo Harrera Sarea ont appelé à une mobilisation le 29 mai (▻https://www.mediabask.eus/eu/info_mbsk/20210521/manifestation-a-irun-et-hendaye-pour-les-droits-des-migrants). Deux colonnes au départ des mairies d’Irun et d’Hendaye se rejoindront pour une manifestation commune, pour défendre les droits des personnes migrantes.
▻https://www.mediabask.eus/eu/info_mbsk/20210522/le-corps-sans-vie-d-un-jeune-homme-retrouve-dans-la-bidassoa
#décès #morts #mourir_aux_frontières #Espagne #rivière #montagne #fleuve #migrations #asile #réfugiés #frontières #France #Pyrénées
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ajouté à la métaliste sur les personnes mortes dans les Pyrénées :
►https://seenthis.net/messages/932889
À la frontière franco-espagnole, la police « #traque » les migrants
Depuis environ un mois, les contrôles à la frontière franco-espagnole se sont intensifiés. Selon les associations, les migrants, « traqués par la police », prennent de plus en plus de #risques pour atteindre la France. Les humanitaires redoutent un drame, d’autant que certains exilés tentent désormais de rejoindre l’Hexagone en traversant la #rivière #Bidassoa à la nage.
« #Refoulements illégaux », « traque », « #chasse_à_l'homme », « violation des droits »... Les mots utilisés par les associations locales pour décrire la situation à la frontière franco-espagnole sont forts. Depuis un mois, les humanitaires observent une présence de plus en plus importante des #forces_de_l'ordre. « Il y a toujours eu des contrôles mais à ce point-là, jamais ! On a même vu des #militaires déambuler dans les villages », raconte Lucie Bortaitu de l’association bayonnaise Diakité.
Début novembre, lors d’une visite dans les Pyrénées, le président Emmanuel Macron avait annoncé le doublement des effectifs aux frontières françaises pour lutter contre la menace terroriste, les trafics et l’immigration illégale.
À cela s’ajoute la fermeture, début janvier, de 15 points de passage sur les 650 kilomètres de frontière qui séparent l’Espagne de la France pour contenir la pandémie de Covid-19. Cette #surveillance renforcée 24h/24 mobilise 230 #policiers et #militaires.
Mais pour les associations, le principal enjeu est de limiter l’arrivée de migrants dans l’Hexagone. « Les autorités françaises utilisent l’excuse de la crise sanitaire mais en fait le but premier est le #contrôle_migratoire », estime Ion Aranguren, de l’association espagnole Irungo Harrera Sarea, active du côté d’Irun. « C’est clairement pour lutter contre l’immigration illégale : seuls les Noirs sont constamment contrôlés par les policiers », renchérit Lucie Bortaitu.
Des refoulements quotidiens
Depuis plusieurs semaines, selon les humanitaires, les migrants sont « traqués » sur la route, dans les trains et dans la rue. À #Hendaye, les #gendarmes sont même entrés dans le jardin d’un particulier pour y extraire un exilé venu se cacher de la police, rapportent les bénévoles. Des migrants ont aussi été arrêtés au-delà des #20_kilomètres de la frontière, un rayon dans lequel les contrôles d’entrée sur le territoire sont autorisés. Plusieurs personnes ont ainsi été interpellées à #Bordeaux à leur descente du train et expulsées en Espagne.
D’autres migrants racontent avoir été interpellés, puis envoyés dans les locaux de police avant d’être expulsés à la frontière au beau milieu de la nuit. « L’autre jour, on a appris que cinq femmes avaient été déposées à #Behobia [ville espagnole frontalière située à quelques kilomètres d’#Irun, ndlr] tard le soir. On les lâche là au milieu de nulle part, loin des associations et alors qu’un couvre-feu est aussi en vigueur en Espagne », souffle Lucie Bortaitu. D’autres encore ont été laissés par la police française à #Ibardin, en plein cœur des Pyrénées, du côté espagnol.
Ce genre de témoignages de refoulement sont recueillis quotidiennement par les associations, françaises et espagnoles. Certains exilés ont déjà tenté six, sept voire huit fois le passage.
Les mineurs non plus n’échappent pas à ces renvois, malgré la possession d’acte de naissance pour certains, synonyme d’une évaluation de leur minorité et d’une prise en charge par le département.
Atteindre la France par la rivière
Ces refoulements, de plus en plus fréquents, inquiètent les humanitaires et les avocats. « Ces #expulsions, qui sont devenues la norme, se font en dehors de tout cadre légal. Ce sont purement et simplement des renvois expéditifs illégaux », signale Me Francisco Sanchez Rodriguez, avocat en droits des étrangers au barreau de Bayonne. Les exilés n’ont en effet pas la possibilité de déposer l’asile, et aucun document de renvoi ne leur est délivré par un juge, comme le prévoit la loi. « On n’avait jamais vu cela à cette frontière », assure l’avocat.
Malgré la pression policière et les violations de leurs droits, les migrants restent déterminés à continuer leur route. Résultat : ils prennent de plus en plus de risques pour échapper aux forces de l’ordre. Quelques-uns ont même tenté d’atteindre la France en traversant la frontière Bidassoa, qui sépare les deux pays. Un itinéraire jusque-là jamais emprunté par les exilés.
Tom Dubois-Robin, un habitant d’Hendaye, voit depuis environ un mois des migrants essayer de « passer en France à la nage », en dépit des dangers. Samedi 13 mars, alors qu’il est assis au bord de l’eau avec des amis, il porte secours à un jeune homme venu de l’autre côté de la rivière. Quelques jours plus tard, Tom Dubois-Robin ramasse une doudoune dans l’eau. Dans les poches, il trouve des effets de la Croix-Rouge, dont le centre à Irun accueille des exilés. « Il a dû tenter la traversée et a jeté sa doudoune car elle était trop lourde », pense l’Hendayais.
Les associations et les citoyens du #Pays_basque redoutent un drame, et se battent pour empêcher que leur rivière ne devienne un cimetière. Tom Dubois-Robin partage ce combat. Cet ancien policier, qui a lâché son uniforme en 2018 en raison justement de ces renvois à répétition, a écrit aux élus de sa région pour « qu’ils tapent du point sur la table et qu’on évite le pire ». Las qu’il est depuis plusieurs années de « ce ping-pong incessant » qui consiste à « renvoyer à la frontière des familles avec enfants ».
▻https://www.infomigrants.net/fr/post/31024/a-la-frontiere-franco-espagnole-la-police-traque-les-migrants
#traque_policière #frontières #migrations #asile #réfugiés #Pyrénées #France #Espagne #contrôles_frontaliers #militarisation_des_frontières #armée #police
Pays basque, la nouvelle route de l’exil
De plus en plus de migrants entrent en Europe par l’Espagne et franchissent la frontière dans le Sud-Ouest. Reportage.
Le car est à peine garé le long du trottoir que, déjà, ils se pressent à ses portes. Ils regardent avec anxiété la batterie de leur téléphone, elle est presque à plat, il faut qu’elle tienne quelques minutes encore, le temps de présenter le billet. Quatre jeunes filles s’inquiètent, leur ticket affiche un prénom masculin, le chauffeur les laissera-t-il passer ? Ou vont-elles perdre les 100, 200 ou 300 euros qu’elles ont déboursés à des « frères » peu scrupuleux - la valeur officielle est de 35 euros - pour acquérir ce précieux sésame vers Paris ? Chaque soir depuis quelques semaines, le même scénario se répète au terminus des « bus Macron » sur la place des Basques, à #Bayonne. Une centaine de jeunes, pour la plupart originaires d’Afrique francophone, plus rarement du Maghreb, monte par petits groupes dans les cars en partance pour Bordeaux ou Paris, dernière étape d’un périple entamé depuis des mois. Ils ont débarqué la veille d’Irun, en Espagne, à 40 kilomètres plus au sud, après un bref passage par la ville frontalière d’Hendaye.
De #Gibraltar, ils remontent vers le nord de l’Espagne
Les arrivées ont commencé au compte-gouttes au printemps, elles se sont accélérées au cours de l’été. Depuis que l’Italie se montre intraitable, l’Espagne est devenue le principal point d’entrée en Europe, avec 48 000 nouveaux exilés depuis le début de l’année. Croisés à Irun ou à Hendaye, qu’ils viennent de Guinée-Conakry, de Côte d’Ivoire ou du Mali, ils racontent la même histoire. Thierno est guinéen, il a 18 ans. Il a tenté la traversée par la Libye, sans succès, il a poursuivi par l’Algérie et le Maroc, puis fini par franchir le détroit de Gibraltar en bateau après deux échecs. Tous évoquent la difficulté à travailler et à se faire payer au Maroc, les violences, parfois, aussi. Puis ils parlent de l’Espagne, d’Algesiras, Cadix ou Malaga, en experts de la géographie andalouse. Parfois, la Croix-Rouge espagnole, débordée au Sud, les a envoyés en bus vers ses centres de Madrid ou Bilbao, leur assurant une partie de leur voyage. Aboubacar, 26 ans, est, lui, remonté en voiture, avec des « frères ».
Personne n’en parle, les réseaux sont pourtant bien là, à prospérer sur ces flux si lucratifs. On estime à 1500 euros le prix de la traversée à Gibraltar, 100 ou 200 euros le passage de la frontière française depuis #Irun. Tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la #France, comme cette femme, sénégalaise, qui demande qu’on l’emmène en voiture et suggère, si on se fait contrôler, de dire qu’elle est notre bonne. La quasi-totalité veut quitter l’Espagne. Parce qu’ils n’en parlent pas la langue et qu’ils ont souvent en France sinon de la famille, au moins des connaissances. Parce qu’il est plus difficile de travailler dans la péninsule ibérique, où le taux de chômage reste de 15 %. Parce qu’enfin ceux qui envisagent de demander l’asile ont intérêt à effectuer les démarches en France, où 40 575 protections ont été accordées en 2017, plutôt qu’en Espagne (4 700 statuts délivrés).
Alors, ils essaient, une fois, deux fois, trois fois, dans un absurde jeu du chat et de la souris avec les policiers français. Les 150 agents de la #police_aux_frontières (#PAF) en poste à #Hendaye tentent, avec l’aide d’une compagnie de #CRS, de contrôler tant bien que mal les cinq points de passage. Depuis le début de 2018, 5600 réadmissions ont été effectuées vers l’Espagne, contre 3520 en 2017, mais, de l’aveu même d’un officiel, « ça passe et ça passe bien, même ». Si l’autoroute est gardée quasiment toute la journée, il reste un créneau de deux heures durant lequel elle ne l’est pas faute d’un effectif suffisant. Chaque nuit, des taxis espagnols en profitent et déposent des gens sur la place des Basques à Bayonne. La surveillance des deux ponts qui enjambent la #Bidassoa et séparent Irun d’Hendaye est aléatoire. A certaines heures, le passage à pied se fait sans difficulté. Il ne reste plus ensuite aux migrants qu’à se cacher jusqu’au prochain passage du bus 816, qui les conduira à Bayonne en un peu plus d’une heure.
Les agents de la Paf ne cachent pas leur lassitude. Même si la loi antiterroriste de 2017 autorise des contrôles renforcés dans la zone frontière, même si des accords avec l’Espagne datant de 2002 leur permettent de renvoyer sans grande formalité les personnes contrôlées sans papiers dans un délai de quatre heures, ils ont le sentiment d’être inutiles. Parce qu’ils ne peuvent pas tout surveiller. Parce que l’Espagne ne reprend que contrainte et forcée les « réadmis », les laissant libres de franchir la frontière dès qu’ils le souhaiteront. Certains policiers ne prennent même plus la peine de raccompagner les migrants à la frontière. Gare d’Hendaye, un après-midi, le TGV pour Paris est en partance. Des policiers fouillent le train, ils trouvent trois jeunes avec billets mais sans papiers, ils les font descendre, puis les laissent dans la gare. « De toute façon, ça ne sert à rien d’aller jusqu’à la frontière, dans deux heures, ils sont de nouveau là. Ça ne sert qu’à grossir les chiffres pour que nos chefs puissent faire de jolis camemberts », lâche, avec aigreur, l’un des agents.
La compassion l’emporte sur le rejet
L’amertume n’a pas encore gagné le reste de la population basque. Au contraire. Dans cette zone où l’on joue volontiers à saute-frontière pour aller acheter des cigarettes à moins de cinq euros ou du gasoil à 1,1 euro, où il est fréquent, le samedi soir, d’aller boire un verre sur le littoral espagnol à San Sebastian ou à Fontarrabie, où près de 5000 Espagnols habitent côté français, où beaucoup sont fils ou petits-fils de réfugiés, la compassion l’emporte sur le rejet. Même le Rassemblement national, qui a diffusé un communiqué mi-août pour dénoncer « une frontière passoire », doit reconnaître que son message peine à mobiliser : « Les gens commencent à se plaindre, mais je n’ai pas entendu parler de débordements, ni rien d’avéré », admet François Verrière, le délégué départemental du parti. Kotte Ecenarro, le maire socialiste d’Hendaye, n’a pas eu d’écho de ses administrés : « Pour l’instant, les habitants ne disent rien, peut-être parce qu’ils ne les voient pas. » Lui, grand joggeur, les aperçoit lorsqu’il va courir tôt le matin et qu’ils attendent le premier bus pour Bayonne, mais aucun ne s’attarde dans la zone frontière, trop risquée.
Chaque soir, place des Basques à Bayonne, des migrants embarquent dans les bus pour Paris.
Le car est à peine garé le long du trottoir que, déjà, ils se pressent à ses portes. Ils regardent avec anxiété la batterie de leur téléphone, elle est presque à plat, il faut qu’elle tienne quelques minutes encore, le temps de présenter le billet. Quatre jeunes filles s’inquiètent, leur ticket affiche un prénom masculin, le chauffeur les laissera-t-il passer ? Ou vont-elles perdre les 100, 200 ou 300 euros qu’elles ont déboursés à des « frères » peu scrupuleux - la valeur officielle est de 35 euros - pour acquérir ce précieux sésame vers Paris ? Chaque soir depuis quelques semaines, le même scénario se répète au terminus des « bus Macron » sur la place des Basques, à Bayonne. Une centaine de jeunes, pour la plupart originaires d’Afrique francophone, plus rarement du Maghreb, monte par petits groupes dans les cars en partance pour Bordeaux ou Paris, dernière étape d’un périple entamé depuis des mois. Ils ont débarqué la veille d’Irun, en Espagne, à 40 kilomètres plus au sud, après un bref passage par la ville frontalière d’Hendaye.
Des dizaines de bénévoles se succèdent pour apporter et servir des repas aux migrants, place des Basques, à Bayonne.
Des dizaines de bénévoles se succèdent pour apporter et servir des repas aux migrants, place des Basques, à Bayonne.
Les arrivées ont commencé au compte-gouttes au printemps, elles se sont accélérées au cours de l’été. Depuis que l’Italie se montre intraitable, l’Espagne est devenue le principal point d’entrée en Europe, avec 48 000 nouveaux exilés depuis le début de l’année. Croisés à Irun ou à Hendaye, qu’ils viennent de Guinée-Conakry, de Côte d’Ivoire ou du Mali, ils racontent la même histoire. Thierno est guinéen, il a 18 ans. Il a tenté la traversée par la Libye, sans succès, il a poursuivi par l’Algérie et le Maroc, puis fini par franchir le détroit de Gibraltar en bateau après deux échecs. Tous évoquent la difficulté à travailler et à se faire payer au Maroc, les violences, parfois, aussi. Puis ils parlent de l’Espagne, d’Algesiras, Cadix ou Malaga, en experts de la géographie andalouse. Parfois, la Croix-Rouge espagnole, débordée au Sud, les a envoyés en bus vers ses centres de Madrid ou Bilbao, leur assurant une partie de leur voyage. Aboubacar, 26 ans, est, lui, remonté en voiture, avec des « frères ».
Personne n’en parle, les réseaux sont pourtant bien là, à prospérer sur ces flux si lucratifs. On estime à 1500 euros le prix de la traversée à Gibraltar, 100 ou 200 euros le passage de la frontière française depuis Irun. Tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la France, comme cette femme, sénégalaise, qui demande qu’on l’emmène en voiture et suggère, si on se fait contrôler, de dire qu’elle est notre bonne. La quasi-totalité veut quitter l’Espagne. Parce qu’ils n’en parlent pas la langue et qu’ils ont souvent en France sinon de la famille, au moins des connaissances. Parce qu’il est plus difficile de travailler dans la péninsule ibérique, où le taux de chômage reste de 15 %. Parce qu’enfin ceux qui envisagent de demander l’asile ont intérêt à effectuer les démarches en France, où 40 575 protections ont été accordées en 2017, plutôt qu’en Espagne (4 700 statuts délivrés).
Un migrant traverse le pont de St Jacques à Irun en direction de la France.
Alors, ils essaient, une fois, deux fois, trois fois, dans un absurde jeu du chat et de la souris avec les policiers français. Les 150 agents de la police aux frontières (PAF) en poste à Hendaye tentent, avec l’aide d’une compagnie de CRS, de contrôler tant bien que mal les cinq points de passage. Depuis le début de 2018, 5600 réadmissions ont été effectuées vers l’Espagne, contre 3520 en 2017, mais, de l’aveu même d’un officiel, « ça passe et ça passe bien, même ». Si l’autoroute est gardée quasiment toute la journée, il reste un créneau de deux heures durant lequel elle ne l’est pas faute d’un effectif suffisant. Chaque nuit, des taxis espagnols en profitent et déposent des gens sur la place des Basques à Bayonne. La surveillance des deux ponts qui enjambent la Bidassoa et séparent Irun d’Hendaye est aléatoire. A certaines heures, le passage à pied se fait sans difficulté. Il ne reste plus ensuite aux migrants qu’à se cacher jusqu’au prochain passage du bus 816, qui les conduira à Bayonne en un peu plus d’une heure.
Un groupe des migrants se fait arrêter à Behobie, côté français, après avoir traversé la frontière depuis Irun en Espagne.
Un groupe des migrants se fait arrêter à #Behobie, côté français, après avoir traversé la frontière depuis Irun en Espagne.
La compassion l’emporte sur le rejet
L’amertume n’a pas encore gagné le reste de la population basque. Au contraire. Dans cette zone où l’on joue volontiers à saute-frontière pour aller acheter des cigarettes à moins de cinq euros ou du gasoil à 1,1 euro, où il est fréquent, le samedi soir, d’aller boire un verre sur le littoral espagnol à #San_Sebastian ou à #Fontarrabie, où près de 5000 Espagnols habitent côté français, où beaucoup sont fils ou petits-fils de réfugiés, la compassion l’emporte sur le rejet. Même le Rassemblement national, qui a diffusé un communiqué mi-août pour dénoncer « une frontière passoire », doit reconnaître que son message peine à mobiliser : « Les gens commencent à se plaindre, mais je n’ai pas entendu parler de débordements, ni rien d’avéré », admet François Verrière, le délégué départemental du parti. Kotte Ecenarro, le maire socialiste d’Hendaye, n’a pas eu d’écho de ses administrés : « Pour l’instant, les habitants ne disent rien, peut-être parce qu’ils ne les voient pas. » Lui, grand joggeur, les aperçoit lorsqu’il va courir tôt le matin et qu’ils attendent le premier bus pour Bayonne, mais aucun ne s’attarde dans la zone frontière, trop risquée.
Des migrants sont accueillis en face de la mairie d’Irun par des associations de bénévoles.
Le flux ne se tarissant pas, la solidarité s’est organisée des deux côtés de la #Bidassoa. A Irun, un collectif de 200 citoyens a répondu aux premiers besoins durant l’été, les autorités jugeant alors qu’organiser de l’aide était inutile puisque les migrants ne rêvaient que d’aller en France. Elles ont, depuis, changé d’avis. Mi-octobre, un centre de la Croix-Rouge proposait 70 places et un hôpital, 25. « Ils peuvent rester cinq jours dans chaque. Dix jours, en général, ça suffit pour passer », note Ion, un des piliers du collectif. Dans la journée, ils chargent leurs téléphones dans un coin de la gare ou patientent, en doudounes et bonnets, dans un campement installé face à la mairie. Dès qu’ils le peuvent, ils tentent le passage vers la France.
A Bayonne aussi, l’improvisation a prévalu. Le réseau d’hébergeurs solidaires mis en place depuis 2016 n’était pas adapté à cette situation d’urgence, à ces gens qui n’ont besoin que d’une ou deux nuits à l’abri avant de filer vers Paris. Chaque soir, il a fallu organiser des maraudes avec distribution de repas et de vêtements, il a fallu trouver des bénévoles pour loger les plus vulnérables - des femmes avec de jeunes enfants sont récemment apparues. Sous la pression de plusieurs collectifs, la mairie vient de mandater une association locale, Atherbea, pour organiser l’aide. A proximité du terminal des bus, vont être installés toilettes, douches, lits, repas et prises de téléphone - un équipement indispensable à ces exilés, pour qui le portable est l’ultime lien avec leurs proches. La municipalité a promis des financements, mais jusqu’à quand ?
Longtemps discret sur la situation, le gouvernement affiche désormais son volontarisme. Depuis quelques semaines, des unités en civil ont été déployées afin d’identifier les filières de passeurs. Dans son premier entretien comme ministre de l’Intérieur au JDD, Christophe Castaner a dit s’inquiéter de la pression exercée dans la zone et promis un « coordonnateur sécurité ». Les policiers espèrent, eux, surtout des renforts. « Il faudrait 30 à 40 agents de la police aux frontières de plus », juge Patrice Peyruqueou, délégué syndical Unité SGP Police. Ils comptent sur la nomination de Laurent Nuñez comme secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur pour se faire entendre. L’homme n’a-t-il pas été sous-préfet de Bayonne ? N’a-t-il pas consacré son premier déplacement officiel au Pays Basque, le vendredi 19 octobre ? Mais déjà les voies de passage sont en train de bouger. De nouvelles routes se dessinent, à l’intérieur des Pyrénées, via Roncevaux, le tunnel du Somport ou la quatre-voies qui relie Saragosse, Pau et Toulouse, des accès moins surveillés qu’Irun et Hendaye. Le jeu du chat et de la souris ne fait que commencer.
▻https://www.lexpress.fr/actualite/societe/pays-basque-la-nouvelle-route-de-l-exil_2044337.html
#pays_basque #asile #migrations #réfugiés #routes_migratoires #parcours_migratoires #Espagne #frontières #solidarité #contrôles_frontaliers
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