La faillite de l’idéologie biopolitique | Maurizio Lazzarato
▻https://cabrioles.substack.com/p/la-faillite-de-lideologie-biopolitique
Foucault bouche complètement l’espace politique avec un double modèle, juridico-politique et biopolitique, et avec leur « sujets » respectifs, le peuple et la population, le premier renvoyant à l’État, le deuxième à l’Économie. Conscient ou inconscient, le but de l’opération foucaldienne est de suturer l’effraction marxienne qui avait ouvert l’espace fermé par le couple peuple-population et État-économie par l’introduction de classes et leurs luttes. Elle intervient avec un timing parfait puisqu’elle correspond à l’épuisement de la force révolutionnaire de la classe ouvrière et à sa défaite historique. L’État souverain et la biopolitique (techniques de gouvernement étatiques et extra-étatiques) ont gagné, il ne reste de l’espace politique que pour des contre-conduites, des luttes contre le « trop de pouvoir », des subjectivations qui visent directement la « liberté » à l’intérieur du système sans passer par la « libération » (révolution).
La reconstruction foucaldienne du bouclage de l’espace politique n’est pas une simple répétition du travail des « économistes ». Elle innoverait l’idéologie de la machine à double tête capital-État puisque l’économie serait devenue bio-économie, elle concernerait la « vie » et les « vivants ». La nouveauté foucaldienne (« le biologique se reflète dans le politique ») est problématique car les vivants sont toujours politiquement qualifiés. La machine du pouvoir a toujours à faire à des ouvriers, des femmes, des esclaves-colonisés. Elle doit produite des différentiels entre des vies ainsi qualifiées.
Le double modèle juridico-politique et biopolitique fait l’impasse sur le capital et ses classes qui pourtant vont progressivement reconfigurer le système juridico-politique et donner un sens et une direction à la biopolitique. Cette dernière semble ignorer ce pouvoir sur la vie et les corps qui l’a précédée de quelque siècle et dont elle est la conceptualisation tardive et mutilée. La prise de pouvoir sur les corps vivants se fait d’abord par l’appropriation violente et la formation des classes des femmes, des ouvriers, des esclaves et des colonisés, inclues dans la « production » à travers leur exclusion du domaine politique.
edit extrait de L’INTOLÉRABLE DU PRÉSENT, L’URGENCE DE LA RÉVOLUTION - Minorités et classes, éditions Etérotopia, janvier 2022
]]>Comment se précipite le « #suicide_de_l’espèce »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/03/comment-se-precipite-le-suicide-de-l-espece_6168081_3232.html
Comment se précipite le « suicide de l’espèce »
L’humanité est de plus en plus confrontée aux maladies chroniques, du fait d’une augmentation des risques sanitaires et d’un manque de réflexion collective, analyse l’épidémiologiste Jean-David Zeitoun dans son dernier ouvrage, paru chez Denoël.
Par #Stéphane_Foucart
Publié aujourd’hui à 15h00
Temps deLecture 3 min.
Livre. « Nous vivrons toujours plus vieux ! » S’il est une idée reçue – plus que jamais d’actualité avec la réforme des retraites – dont la lecture du Suicide de l’espèce fait douter, c’est bien celle-là. Dans ce bref essai, vif et percutant, écrit dans la continuité d’un précédent ouvrage (La Grande Extension. Histoire de la santé humaine, Denoël, 2021), le médecin et épidémiologiste français Jean-David Zeitoun entreprend d’élucider les causes profondes de l’épidémie de maladies chroniques qui frappe l’humanité – diabète et obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers, etc. – et dont les effets sur la mortalité commencent à occulter les progrès accomplis par la médecine au cours du siècle passé.
L’auteur commence par décomposer le problème comme on analyse un marché, c’est-à-dire en observant l’offre et la demande. Il y a une « offre de risques » comme il y a une « demande de risques », et c’est leur rencontre débridée qui produit ce « suicide de l’espèce ». D’un côté une constellation d’industries pathogènes (hydrocarbures, chimie, agroalimentaire, tabac, alcool, etc.), de l’autre des milliards d’humains qui subissent ces risques de manière directe (tabac, alcool, opioïdes, aliments ultratransformés) ou indirecte (pollution, contaminations chimiques, etc.).
L’originalité de la démarche de l’auteur est d’articuler les résultats de plusieurs disciplines pour conduire sa démonstration. De la biochimie de la transformation industrielle des aliments à l’épidémiologie, en passant par l’économie et la psychologie comportementale, Le Suicide de l’espèce montre comment une part toujours croissante de nos économies devient pathogène, et pourquoi nous y consentons comme consommateurs – par ignorance, par inattention, par dépendance ou par désespoir.
Politiques incomplètes
L’ouvrage ne se contente pas de renvoyer dos à dos l’offre (les industriels) et la demande (les consommateurs). C’est même tout le contraire. Le suicide en cours est plutôt le résultat, selon Jean-David Zeitoun, d’une vision dévoyée du libéralisme, qui fait accroire que notre destinée sanitaire collective est d’abord le fruit de la somme de décisions individuelles. Et qu’il n’y aurait rien à y faire, tant que celles-ci sont libres et non contraintes.
Jean-David Zeitoun montre comment cette vision des choses, dans une large mesure erronée, demeure prégnante dans les politiques de santé publique. Celles-ci reposent largement sur des messages de prévention à l’adresse des individus et sont au mieux incomplètes, au pire inopérantes. D’abord parce que les risques indirects (pollutions, etc.) sont invisibles et non consentis, ensuite parce que la demande de risques directs (alimentation transformée, etc.) est déterminée par une offre que les pouvoirs publics ne régulent pas.
Si le suicide de l’espèce n’est pas entravé par le fonctionnement normal de la démocratie, c’est que les Etats « ont laissé se développer d’autres formes de pouvoir non prévues par la théorie démocratique ». Dans les pages les plus brillantes de l’ouvrage, Jean-David Zeitoun réinvestit le « biopouvoir » de Foucault – ce pouvoir d’agir sur la vie biologique des corps – et montre comment les secteurs économiques producteurs de risque appliquent de manière autonome une « biopolitique » pathogène, qui fait pièce aux pouvoirs publics.
Ramener à la responsabilité intellectuelle
Ce « biopouvoir négatif » des industriels, comme le nomme l’auteur, est un pouvoir de produire de la morbidité et de la mortalité. Il prend plusieurs formes. Il est d’abord le pouvoir d’imposer une narration dans l’espace public, en ramenant toujours à la responsabilité individuelle les grandes maladies de l’époque et en produisant du doute sur la magnitude des atteintes à l’environnement. Il est ensuite le pouvoir de capturer la réglementation, en imposant des normes techniques favorables qui permettent, in fine, l’arrivée sur le marché de biens ou de services mal évalués, donc sous-régulés. Il est aussi – chose peut-être plus inquiétante encore – un pouvoir sur la construction de la connaissance elle-même.
Écouter aussi Climat : peut-on sauver la planète avec des petits gestes ?
Ces stratégies d’invisibilisation de dégâts de l’économie pathogène sont d’autant plus efficaces que les risques sanitaires produits ne sont pas spécifiques de tel ou tel produit, qu’ils sont nombreux, se potentialisent les uns les autres, et ne se révèlent que de manière différée. Combien de morts, par exemple, aura coûté l’introduction du sirop de fructose dans l’alimentation transformée ? Il sera durablement impossible de le dire, mais le chiffre est à l’évidence gigantesque.
A mesure que se déroule la démonstration, l’essai change de tonalité et passe d’une analyse froide et clinique du marché des risques sanitaires à une conclusion sur l’éthique de la révolte d’Albert Camus. « Aujourd’hui, des millions de personnes appartiennent par leurs maladies chroniques à la communauté des suicidés de l’espèce (…), conclut Jean-David Zeitoun. Enfin, 100 % des humains, y compris ceux qui travaillent pour les industriels incriminés, trouveraient du sens à se révolter contre la suppression de l’espèce par elle-même. »
]]>Chine - Cabrioles
▻https://cabrioles.substack.com/p/12-decembre-2022-chine
Bonjour,
Depuis le début de la pandémie la Chine fait office de croquemitaine qui à la fois repousse et fascine. Elle aurait entièrement contenue la pandémie grâce à une gouvernementalité mélant autoritarisme et numérisation totale de la vie, témoignant ainsi de sa puissance et de l’efficacité redoutable de son “techno-totalitarisme”.
Le collectif communiste chinois Chuang a brillament montré dans un livre essentiel que tout cela est faux. Malgré son expérience préalable des épidémies, la Chine a d’abord nié la menace qui déferlait avant de prendre en catastrophe des mesures désordonnées. Et ce sont les mobilisation populaires qui, paliant à la corruption endémique et aux rigidités bureaucratiques, ont permis de contenir une pandémie qui s’abattait sur une population pauvre et un système de santé délabré.
“Le succès face au virus n’a pas été le fait des mesures « autoritaires » de l’État, lesquelles, d’ailleurs, ont été surpassées pas les confinements bien plus rigoureux mis en place en Italie, en France ou ailleurs. En réalité, en Chine, la pandémie a été contenue grâce à l’effort réel et sincère de la plus grande partie de la population.” (Contagion Sociale, Chuang, Niet ! éditions p238)
Malgré cela tous les tenants du libertarianisme sanitaire, désormais révendiqué de l’extrême-droite à l’extrême-gauche sous le nom de “vivre avec”, ont relayé ce “mythe de l’omnipotence totalitaire” [ Face à la pandémie, où va l’État chinois ? ►https://www.contretemps.eu/etat-chine-pandemie-impuissance-autoritarisme ] vendu par le pouvoir Chinois à son propre usage. Ils en ont fait l’autre nom du “Zéro covid”, qui pourtant désigne simplement un objectif, dont les moyens d’y parvenir ont été des plus divers du Japon à la Nouvelle Zélande. Ceci en vue de justifier leur propre abandon des populations et la généralisation de l’eugénisme pandémique.
Si le Parti-État Chinois a du déployer une répression féroce c’est pour mieux masquer sa profonde impuissance et ses faiblesses infrastructurelles, mais aussi assurer l’encadrement displinaire de sa force de travail. Aujourd’hui face à la pression conjointe des marchés financiers et des récents soulèvements populaires le pouvoir chinois semble se lancer dans le pari de la libre circulation du virus, en s’abritant derrière le mensonge d’un virus qui avec Omicron serait devenu plus “bénin”. L’expérience de Hong Kong l’hiver dernier, qui a l’instar de la Chine actuelle était doté d’une très faible couverture vaccinale, a clairement montré que ce n’était pas le cas ▻https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/submerge-par-omicron-hongkong-autorise-les-soignants-chinois-a-entrer-sur.
Nous, nous pensons toujours qu’il n’y a pas a choisir entre le libertarianisme sanitaire occidental et le régime disciplinaire chinois, qu’ils sont les deux faces d’un même capitalisme meurtrier, et que la seule voie désirable face à la pandémie est la diffusion massive de l’autodéfense sanitaire et de politiques de prévention bâties sur les principes de la santé sommunautaire.
Avec ce dossier nous vous proposons de reparcourir la gestion autoritaire de la pandémie mise en oeuvre par la Chine ces trois dernières années, les mobilisations et résistances populaires qu’elle a suscité, et d’entrevoir les questions qui s’ouvrent actuellement.
L’entraide populaire face à la faillite de l’État Chinois dans les premiers temps de la pandémie
Tout ça ressemblait à un désastre | Chuang
Échapper à la boucle fermée | Eli Friedman
D’Ürümchi à Shanghai | Par des socialistes de Chine et de Hong Kong
Le dilemme de Xi Jinping | Emma Graham-Harrison
]]>À propos d’un livre de lettres sur « la peste » - bascules
▻https://blogs.mediapart.fr/bascules/blog/011122/propos-dun-livre-de-lettres-sur-la-peste
La biopolitique en tant que logique de gouvernement produit moins l’uniformité d’un monde que des différences dans la valeur des vies, dans l’espérance que chacun-e peut en attendre. Il y a des vies vivables et d’autres beaucoup moins.
(...) Pour Cheval, elle n’est qu’une colonisation à l’œuvre par l’extension du contrôle que seuls son approche phénoménologique semble percevoir. Se faisant, il cherche à radicaliser Foucault pour trouver une affrontement face à la biopolitique en tant que telle, dans une lutte contre l’histoire plutôt qu’un corps à corps constant face aux dispositifs de pouvoirs et de contre-pouvoirs. De Foucault, il veut garder les slogans et les mots d’ordre, pas l’enquête ni l’attention aux luttes (...)
(...) minimiser la pandémie l’évacue d’emblée. La pandémie de covid-19 n’a pourtant précisément pas laissé des exigences sur la qualité de l’air comme l’antiterrorisme a laissé des portiques. ll se peut que cela reste une intrigue à explorer, et que ce soit ce type d’acclimatation d’une population à des conditions d’existences dégradées qui constitue tout l’enjeu de la biopolitique réelle plutôt qu’idéelle.
(...) Il ne s’attaque pas à la vie coupée de sa forme, à la nécessité d’une vie inséparée (ce qui relève d’une opposition réelle à la biopolitique). Ce qui le désespère (comme toute une part des phénoménologues) c’est que les savoirs et les instruments de la sciences aient quelque chose à dire du monde. Contre toute possibilité des savoirs scientifiques comme points de médiation entre nous et les mondes autres qu’humains, contre toute possibilité de tenir ensemble des formes d’abstraction et des manières de sentir, Cheval veut réaffirmer la supériorité de la vie de l’esprit, de l’idée de l’humain comme seule forme valable pour comprendre le monde. Il ne bataille pas pour d’autres politiques de la vie, il ne veut que retrouver celle qui lui manque. Minimiser la pandémie, en faire un cycle naturel et tragique dont la technique vient perturber le cours, ce n’est alors qu’une manière de faire du milieu un cadre naturel intangible au sein duquel se déploie la pensée. La nature n’est ainsi plus qu’un cadre que la technique ne cesse de trahir. Que les choses du monde, dans toute leur étendue (bien au-delà du seul langage humain), comptent dans les conflits politiques, c’est pourtant ce qui manque terriblement et nous laissent impuissants, sans pouvoirs aucuns sur la situation.
]]>Biopolitiques : usages d’un concept en temps de pandémie
▻https://demainlaveille.substack.com/p/biopolitiques-usages-dun-concept
L’épidémie de COVID-19 aura donné lieu, entre-autres choses, à de nombreuses prises de positions publiques et médiatiques. On peut regretter que celles-ci n’aient que rarement été à la hauteur de la crise, quand elles ne donnaient pas tout simplement dans le covido-négationnisme. Or bien souvent, les influences théoriques (plus ou moins bien digérées) qui nourrissent de telles déclarations ne sont pas absolument explicites, mais se laissent entrevoir : par exemple, lorsque Alain Damasio compare le virus aux étrangers – « les migrants (…), les pas-comme-nous », etc. – et nous enjoint à accepter l’altérité du vivant qu’il constitue, on y décèle son appétence pour un certain vitalisme deleuzien, ou pour les travaux plus récents de Bruno Latour. Doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain, rendre Deleuze responsable des métaphores nauséabondes qu’il aurait indirectement « inspirées » ? En définitive, cette seule question n’est sans doute pas très pertinente, mais il me semble toutefois intéressant de s’arrêter un peu sur les manières concrètes dont un héritage conceptuel peut être mobilisé, si ce n’est dévoyé, pour servir des positionnements politiques inconséquents et dangereux.
Et, puisque parmi les théoriciens invoqués par les discours sur la pandémie, Michel Foucault semble être l’un des plus prisés (à vrai dire, cela n’a rien d’étonnant), j’aimerais me pencher sur son cas, et en particulier sur le concept de biopolitique – selon une double approche : disqualifier ses mésusages d’abord, et tenter ensuite de déterminer s’il peut, mieux utilisé, s’avérer tout de même éclairant dans nos approches de la situation pandémique.
(...) si certaines figures médiatiques installées ont pu invoquer Foucault comme une référence bon teint (à l’image de BHL, dans Ce virus qui rend fou), c’est bien au sein de « l’extrême-gauche », pour parler vite, que cette référence mérite réflexion et critique. Une publication d’Olivier Cheval sur le site lundimatin, plaque tournante du confusionnisme s’il en est, me semble fournir un bon exemple. Son deuxième volet s’appuie sur Agamben pour fustiger la « biopolitique » épidémique, puis le troisième propose de « penser ce qui nous arrive avec Michel Foucault ». Or, l’auteur finit assez vite par déclarer que, si « les foucaldiens ont souvent été très réservés face à la manière dont Giorgio Agamben a investi le champ critique de biopolitique », la crise « donne raison (…) à Agamben ». Les absents, et donc les morts, ont toujours tort… Non pas que je souhaite ici « absoudre » Foucault, mais cela est sans doute symptomatique de la manière dont ses travaux sont relus, depuis une perspective qui a souvent plus à voir avec les affinités complotistes et situées, par exemple, d’un Agamben. Que ces dernières soit consubstantielles à ses directions théoriques, ou bien une dérive récente de sa trajectoire intellectuelle, là n’est pas le propos.
#covid-19 #covido-négationnisme #vitalisme #Olivier_Cheval #Lundi_Matin #Alain_Damasio #Manifeste_conspirationniste #manifeste_con. #Gilles_Deleuze #microfascisme
]]>Nécropolitique
▻https://cabrioles.substack.com/p/12-aout-2022-necropolitique
En mars 2020 des camions militaires sont réquisitionnés pour évacuer les milliers de morts du Covid-19 à Bergame dans le nord de l’Italie.Bonjour,
Il y a un an un large spectre des milieux intellectuels français, de l’autonomie “destituante” à la nouvelle droite écofasciste, nous enjoignait à rejoindre les manifestations “contre le pass sanitaire” pour, disaient-ils, lutter contre la “#biopolitique ” gouvernementale. C’est par ce concept, popularisé par Michel Foucault pour analyser entre autres la maximisation des forces biologiques d’une population en vue de la production capitaliste, qu’ils désignaient la #politique_sanitaire d’Emmanuel Macron, qui selon eux sacralisait la vie pour déployer son controle technologique. Cette soi-disant “politique sanitaire” venait pourtant de faire plus de 300 mort·es par jour, pendant 5 mois, de décembre 2020 à avril 2021.
Nous qui sommes du côté de celleux qui pensent que le contenu d’une lutte réside dans les pratiques qu’elle adopte, et non dans les finalités qu’elle proclame, nous avons constaté que loin de s’en prendre aux dispositifs de controle qui parsèment la métropole, le mouvement contre le pass sanitaire “affublait des médecins de moustaches d’Hitler, agressait et menaçait de mort des soignant·es, attaquait des pharmacies, envahissait des hôpitaux et brûlait des centres de vaccination”.
Nous pensons que ces deux dynamiques - l’abandon de la population par le gouvernement et les mouvements anti-prévention fascisant - sont les deux faces d’une même politique covidonégationniste que d’autres ont désigné avec un concept élaboré par un penseur - Achille Mbembe - moins occidentalo-centré : la #Nécropolitique.
C’est cette notion et ces deux dynamiques - gouvernementale et populaire - que les les deux articles que nous vous livrons aujourd’hui se proposent d’explorer. Nous tenons à préciser que nous pensons qu’il serait une erreur de les mettre à distance du fait qu’ils se concentrent sur le Brésil et les États-Unis, car il se pourrait bien qu’il s’agisse d’une différence de degré et non de nature comme le dit Rodrigo Nunes.
Très bonne lecture et
prenons soin de nos luttes,
#Cabrioles (abonnement :▻https://cabrioles.substack.com/subscribe
Carnet de recherche pour l’Autodéfense Sanitaire face au Covid19
« Donnez-moi la liberté ou donnez-moi le Covid ! » : Les manifestations anti-prévention comme déssurrection nécropopuliste | Jack Bratich
►https://cabrioles.substack.com/p/-donnez-moi-la-liberte-ou-donnez
Sommes-nous encore le pays de l’avenir ? D’un avenir qui se dégrade | Rodrigo Nunes
▻https://cabrioles.substack.com/p/sommes-nous-encore-le-pays-de-lavenir
]]>Pandémie et (in)égalité, avec Jacque Rancière et Judith Butler, depuis le Site Pouchet du CNRS
▻https://www.canal-u.tv/chaines/cnrspouchet/pandemie-et-inegalite
Avec la pandémie et la globalisation du coronavirus l’affirmation selon laquelle le care s’appliquerait seulement aux êtres dépendants apparaît dépourvue de sens : nous sommes tous vulnérables, et la pandémie montre l’interdépendance entre les êtres humains. Les questions de l’égalité par rapport aux inégalités de classe, raciales et de genre ; de l’interdépendance, par rapport au « principe d’indépendance » sont centrales. Judith Butler et Jacques Rancière interrogent les notions de « pandémie » et d’« interdépendance », d’« égalité » et d’« inégalité » face au coronavirus. #Judith_Butler évoque la pandémie à la lumière de la phénoménologie des sens, et la manière dont elle éclaire l’inégalité, l’interdépendance et les nouvelles violences du monde. Elle met aussi en relation les vies précaires et la crise sanitaire actuelle. #Jacques_Rancière analyse la façon dont la gestion de la pandémie confirme la logique du consensus qui est aussi celle de la présupposition inégalitaire. Le confinement nous fait interroger le sens du travail au sein d’un monde commun. Et une question finale : peut-on penser à l’après la pandémie ?
edit avec bien des conneries, mais pas que. pas fan de Butler, si ce n’est que cette dernière, malgré ses gargarismes sur le commun et l’éthique, est moins éloignée d’une prise en compte de la pandémie (et du laisser mourir, oublié par tous les autres qui décidément n’ont rien vu) et des pratiques sociales qu’i s’y sont collé. Rancière, un peu insouciant des choses (endémie tient-il à dire...), liquéfie les thèses d’Agamben. parmi les intervenants des délires parfois ("avec la fin de la pandémie") et aussi du bon ("pourquoi parler de pandémie alors que cela ne vise pas tout le monde ?")
#pandémie #Agamben #égalité #vulnérabilité #VIH #science #biopolitique
]]>Covid-19 : « On sacrifie les vulnérables sur l’autel de la vie d’avant »
Christian Lehmann (...) revient sur l’échec du pass vaccinal et donne la parole à David Simard, spécialiste de la philosophie de la médecine et de la santé.
Je croyais être vacciné contre l’instrumentalisation des données de la science au gré des visées politiques. Et puis j’ai lu ce tweet d’Olivier Véran en date du 11 février : « Le pass vaccinal nous permet dans un contexte où la pression épidémique se réduit fortement, et comme nous l’avons déjà fait avant cette vague, de supprimer l’obligation de port du masque dans les établissements recevant du public dès le 28 février prochain. » Depuis plusieurs jours, Gabriel Attal annonçait la bonne nouvelle à venir, la fin prochaine des restrictions et l’extinction du pass vaccinal vers le mois d’avril, juste avant les élections présidentielles. D’un porte-parole du gouvernement, la manœuvre politique, transparente, était attendue. Mais, éternel naïf, je n’aurais pas imaginé qu’un médecin oserait énoncer de telles contre-vérités. Si les chiffres de la contamination, qui avaient atteint des sommets, redescendent enfin, nous enregistrons encore 120 000 contaminations et 300 morts par jour. « La pression épidémique se réduit fortement » pourrait être traduit de la langue de bois en français par « maintenant que nous avons laissé contaminer 11 millions de personnes en six semaines, le nombre quotidien de nouveaux infectés commence à baisser ».
Le pass vaccinal n’a rien résolu. S’il a braqué un peu plus les réfractaires, que le Président s’est vanté d’« emmerder », il a engendré peu de conversions, et les centres vaccinaux n’ont pas connu un afflux suite à sa mise en place. Son échec patent et sa faible acceptabilité ont donc amené le gouvernement à décider de le faire disparaître au plus vite. L’annoncer dès maintenant pour engranger des bons points électoraux signe son décès à l’avance, les réfractaires étant confortés dans leur décision d’attendre. Et comme chaque déclaration politique induit en elle-même des modifications de comportement, l’insistance des politiques, dont le ministre de la Santé, sur le fait que nous aurions passé un cap et puissions enfin profiter des jours meilleurs, a pour effet de ringardiser ceux qui voient encore dans le masque un moyen de protection à l’échelle individuelle, pour les enfants, pour les immunodéprimés, pour les personnes fragiles. Rappelons-le : sans masque, le pass vaccinal ne résout pas la question des contaminations. Les variants plus contagieux ont contourné la protection vaccinale, et il est possible d’être infecté et contagieux malgré un schéma vaccinal complet, même si le vaccin heureusement continue à protéger les personnes sans comorbidité des formes graves, par rapport aux non-vaccinés. Il n’empêche : à distance des doses vaccinales, au-delà de dix semaines, la protection contre l’infection baisse, et l’abandon du port du masque, si elle peut réjouir des gens en bonne santé, met en danger, à ce stade, les personnes fragiles et les immunodéprimés, invisibilisés, parfois même tournés en ridicule.
David Simard, 49 ans, docteur en philosophie spécialisé en philosophie de la médecine et de la santé, s’en émeut :
« Les personnes vulnérables, vaccinées mais immunodéprimées, ou atteintes de maladies chroniques, de ces fameuses comorbidités dont on parle tant, sont sacrifiées sur l’autel du retour à la vie d’avant. De longue date, les comorbidités servent à minimiser les hospitalisations et décès avec diagnostic Covid-19, y compris plus récemment chez les enfants non-vaccinés mais massivement infectés, selon une hiérarchie de la valeur des vies humaines, en fonction du fait qu’il s’agit de personnes supposées en pleine santé ou non. Des enfants meurent ? Ah, mais ces enfants avaient certainement des comorbidités, un diabète, un asthme, une maladie rare. C’est bien triste, ma pauvre Lucette, mais c’est la loi naturelle… Ces comorbidités sont donc très tôt devenues un fétiche au sens quasi-psychanalytique du terme, un objet qui permet le déni de la pandémie, ou sa minimisation, en récusant la fragilité et la finitude humaines, considérées comme consignées chez les fragiles. Elles sont, pourrait-on dire, le cordon sanitaire qui protège les bien portants, dont les figures en miroir s’incarnent soit dans les “premiers de cordée”, vaccinés, soit dans le virilisme populaire de l’infection naturelle. Les deux voies de l’immunité du soi ont fait des fragiles leur non-soi absolu, les seuls “emmerdés” pour de bon par les uns et les autres.
« Celles et ceux qui ne survivent pas, ou qui sortent abîmé·es du Covid, sont renvoyé·es au rang de vies qui ne valaient ou ne valent pas la peine d’être vécues, sur fond de “sélection naturelle” d’un darwinisme mal digéré. Seuls les plus aptes ont vocation à revenir dans la vie d’avant, produisant ainsi le perfectionnement des populations.
« L’âge avancé, l’obésité, la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, le diabète, les cancers, le fait de vivre avec un organe transplanté, etc., tout cela est renvoyé dans les limbes des sous-vies qui n’ont pas vocation à perdurer.
« Il y a là un fond eugéniste que l’on pourrait qualifier de post-natal, car il n’intervient pas directement en contrôlant les naissances comme les campagnes de stérilisation contraintes menées dans la première moitié du XXe siècle aux Etats-Unis et en Europe. Ce fond eugéniste de celles et ceux qui se croient invincibles n’est pas fortuit. Il ne fait que révéler le mépris de la vie écorchée – autant dire de la vie tout court – qui hante nos sociétés obsédées d’excellence, où ce qui importe est le fonctionnement habile, le comment comme voile du pourquoi, l’ingénierie d’une politique techniciste des processus fondamentaux du vivant au niveau populationnel exprimés sous forme de statistiques – une des formes de ce que Michel Foucault a appelé “biopolitique”.
« Entendons-nous bien. La gestion d’une pandémie est irréductiblement biopolitique, et à bon droit. Que la maladie et la mort fassent l’objet de stratégies politiques est souhaitable. Mais pas sans des objectifs de santé publique partagés, pas sans prévention, pas en faisant de la vie des vulnérables – et toute vie est vulnérable in fine – une variable d’ajustement pour un bien qui n’est pas commun. Nous n’en prenons malheureusement pas le chemin. En levant les mesures sanitaires au motif que l’épidémie serait terminée, il s’agit de faire vivre les uns et de laisser par-là même mourir les autres. “La mort fait partie de la vie”, a-t-il été répété à l’envi. Mais surtout de la vie des non-soi. »
▻https://www.liberation.fr/societe/sante/covid-19-on-sacrifie-les-vulnerables-sur-lautel-de-la-vie-davant-20220214
#covid-19 #masques #eugénisme_post-natal #santé_publique #laisser_mourir #biopolitique
]]>L’annonce du « calendrier de levée des restrictions », c’est un beau moment de communication politique je dois dire. Ça va même jusqu’à nos médias qui, unanimement, s’interrogent doctement : « est-ce que c’est le bon moment pour l’annoncer ? ». Et donc on s’indigne, on s’étonne, les lobbys patronaux font mine de trouver que c’est trop lent, etc, au sujet de cette levée des « restrictions ».
Alors qu’en gros le calendrier tient en quatre lignes pour une raison simple : il n’y a de toute façon quasiment aucune mesure sanitaire imposée contre la présente vague. Il y a quoi ? un peu de télétravail mais pas trop, ah oui fermer les discothèques et les boîtes à partouze, c’est vrai que c’est super-contraignant, toutes mes confuses pour Castagner et Darmanin, et puis voilà, c’est tout, le reste relève largement de la foutaise symbolique.
Je suis donc admiratif : le jour où l’on atteint des chiffres invraisemblables de contamination, Castex et Véran parviennent à faire passer l’idée qu’ils ont réellement fait quelque chose, que certes ça n’a pas marché, mais qu’ils ont bel et bien tenté de faire quelques chose, qu’il y a des restrictions, et qu’ils voient donc comment les lever, parce que ces restrictions sont tellement tellement lourdes, pfiou dis donc comment ça pèse sur le quotidien des gens… Alors que si tu réfléchis deux secondes, tu vois bien qu’il n’y a quasiment aucune restriction en cours. Y’a qu’à voir l’éducation : y’a carrément plus aucun protocole sanitaire du tout, mais on te fait savoir qu’à partir du 21 février, on pourrait voir à peut-être te faire une « adaptation du protocole sanitaire dans les écoles » (à part obliger les enfants à s’échanger des glaviots chaque matin, je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de plus…).
Nan mais vraiment admire-moi cette « levée des restrictions » : comment notre vie elle va trop changer !
Surtout, c’est oublier que cette absence de mesures efficaces/fortes a été assumée explicitement quand Castex et Véran ont fait leur petite présentation de fin décembre : selon Véran, aucun pays n’aurait réussi à prendre des mesures de « freinage » efficaces contre Omicron, donc on ne va même pas essayer, et si on met un peu de télétravail et quelques mesures annexes, c’est pour Delta qui est toujours là.
À partir du moment où ils décrètent que Delta est en net recul, alors dans la logique qu’ils ont eux-mêmes exposée, il n’y a plus aucune raison de maintenir la moindre mesure sanitaire. Parce que, je le répète : Véran et Attal ont très explicitement dit qu’aucune mesure de « freinage » contre Omicron ne pouvait fonctionnait, donc qu’il n’était pas nécessaire d’essayer.
Le reste c’est donc du spectacle pour mal-comprenant, histoire d’imposer le Great Barrington en faisant semblant que non. Nos médias n’arrivent pas à se faire totalement à l’idée, alors que les gouvernement a été très explicite à ce propos : Omicron on n’y peut rien alors on ne fera rien, et de toute façon c’est p’têt même une « bonne surprise » si tout le monde se contamine.
29 décembre :
▻https://seenthis.net/messages/941611
Olivier Véran - Autre incertitude : est-ce que Omicron peut être freiné par des mesures totalement classiques telles que nous avons pu en mettre en place dans notre pays ? A priori, le Danemark, qui a mis en place un certain nombre de mesures, n’a pas constaté d’effet de freinage sur la dynamique épidémique, parce que Omicron est tellement contagieux qu’hormis finalement un confinement généralisé, rien ne semble capable d’en freiner la course, en tout cas aucun pays à date n’a pu totalement le freiner dans sa dynamique épidémique.
2 janvier :
▻https://seenthis.net/messages/942020
D’après Olivier Véran, cette vague pourrait être « la dernière ». En effet, la forte contagiosité du variant Omicron inquiète, mais est aussi, paradoxalement, porteuse d’espoir selon le ministre qui affirme : "Omicron est tellement contagieux qu’il va toucher toutes les populations du monde. Il va entraîner une immunité renforcée : on sera tous plus armés après son passage."
3 janvier : Blanquer :
▻https://seenthis.net/messages/942185
« Dès que ce sera possible, nous allégerons les protocoles sanitaires », déclare Jean-Michel Blanquer
4 janvier : dans un touit de David Cayla :
▻https://seenthis.net/messages/941611#message942411
Ce matin sur France Inter Gabriel Attal a usé d’un énorme sophisme en expliquant que, comme on ne pouvait empêcher la vague Omicron de déferler sur le pays en raison de la forte transmissibilité du virus, il était inutile de prendre quelque mesure que ce soit pour la FREINER.
]]>eh ben voilà...
j’aime pas étaler ma vie mais là je suis trop dégouté...
2 ans
2 putain d’années à limiter les contacts, à faire gaffe, à expliquer aux enfants de faire gaffe, que c’est pas grave si d’autres le font pas, eux c’est important qu’ils le fassent.
Dernièrement l’angoisse de la montée des cas à l’école.
Cernés de partout, divergence incroyable entre ce qu’on dit partout autour de moi (repris de ce que dégueulent les médias mainstream) et ce qu’on lit sur seenthis.
Résultat je tarde un peu mais je me décide à trouver des rendez vous coûte que coûte pour vacciner les petites et acheter les « pure mask » conseillés ici.
Vaccins fait mercredi, pure mask reçu aujourd’hui...et ce qui devait arriver arriva...une des filles positives ce soir.
Je suis dégouté parce que tout le monde trouve ça génial parce qu’on va retrouver la vie d’avant grâce à ce virus qui circule si bien et qui est rien d’autre qu’une gripette maintenant hein (et même des gars avec des cerveaux de fou comprennent pas que rien ne changera tant qu’on aura pas vacciné massivement toute la planète).
Je suis dégouté parce que tout le monde dit c’est pas grave (mais putain...qu’est ce qu’on en sait ??? ouais la proba est faible...mais qu’est ce t’en sais que ça va tomber sur toi ou pas ?)
Je suis dégouté parce que j’ai pas voulu trop le faire en force et que j’aurais peut être dû...
Je suis dégouté que les mecs au gouvernement sont tellement nuls et cyniques qu’on en arrive à polariser la population comme jamais et que les gens comprennent plus rien à rien à force de dire n’importe quoi tout en faisant la chasse aux fake news qui se sont jamais aussi bien portées.
Je pourrais continuer sur pas mal de choses mais j’ai déversé ce qui me pesait déjà pas mal sur le coeur...alors je vais m’arrêter là....
...mais je suis dégouté
]]>Flahault sur LCI : La nouvelle hausse des contaminations en France provoquée par le BA.2, un sous-variant d’Omicron ?
INTERVIEW - Attendu depuis plusieurs jours, le pic de la cinquième vague ne semble toujours pas atteint en France. Selon le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève, un sous-variant d’Omicron pourrait compliquer la sortie de crise.
Propos recueillis par Idèr Nabili - Publié le 20.01.22 à 13h22
Le pic se fait attendre. Alors que le nombre de patients admis en soins critiques s’est stabilisé dans le pays, le nombre de contaminations, lui, ne cesse d’augmenter. Mercredi 19 janvier, plus de 436.000 personnes ont été testées positives en France, soit 20% de plus que le mardi précédent. Dans deux régions - l’Île-de-France et la Corse - le nombre de nouveaux cas avait pourtant diminué, avant de repartir à la hausse depuis quelques jours.
Pourtant, certains de nos voisins constatent une baisse significative des contaminations. C’est notamment le cas du Royaume-Uni. D’autres, comme l’Espagne, semblent arriver au pic de cette cinquième vague. Mais pas la France. Parmi les hypothèses pour expliquer ce phénomène, la possible présence d’un sous-variant d’Omicron, baptisé BA.2, sur notre territoire. Le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève (Suisse), répond à LCI.
Le pic de la cinquième vague n’est toujours pas atteint en France. Comment l’expliquer ?
Le niveau actuel de contaminations déjoue les pronostics de l’arrivée du pic. Cela me rappelle la situation à la mi-décembre. Nos modèles prédisaient alors un pic possible de la vague Delta, mais le variant Omicron est venu se brancher et il n’y a pas eu de redescente en France. Je ne sais pas si la remontée actuelle, un peu inattendue, est attribuable au variant Omicron, ou s’il faut l’attribuer à l’arrivée d’un sous-variant, comme c’est le cas au Danemark. Il faudra rapidement savoir si ce sous-variant échappe à l’immunité vaccinale ou naturelle.
Que sait-on de ce sous-variant, baptisé BA.2 ?
Ce sous-variant comporte 28 mutations de plus qu’Omicron, mais nous ne savons pas encore grand-chose. Il a été repéré dans plusieurs pays, comme en Israël, à Singapour, en Inde ou en Chine. Nous ne connaissons ni son origine, ni sa virulence, ni sa capacité d’échappement à l’immunité, y compris celle conférée par Omicron. En revanche, il semble qu’il soit plus contagieux. Il est d’ailleurs déjà devenu majoritaire au Danemark, un pays qui séquence beaucoup les souches. En France, le séquençage est moindre. Il est donc difficile de connaître la part réelle de BA.2, mais nous le saurons bientôt.
Faut-il s’inquiéter de l’émergence de mutations ?
Nous nous attendions à de nouveaux variants. Nous aurons forcément de fausses alertes, comme Deltacron. Mais je ne crois que ce soit le cas de BA.2, repéré par plusieurs équipes dans le monde. Il faudra rapidement savoir s’il échappe à l’immunité conférée par le vaccin et les infections antérieures et en connaître plus sur sa virulence. Regardons de près la situation danoise, qui sera la plus éclairante sur le sujet.
Si ce sous-variant se confirme, doit-on s’attendre à une nouvelle hausse des contaminations dans les prochaines semaines ?
Cette pandémie déjoue beaucoup les prédictions. Même à sept jours, je suis dans l’incapacité de dire si cela va redescendre ou continuer à monter. Si plusieurs vagues se combinent l’une sur l’autre, c’est encore plus difficile. La clé est de savoir si ce sous-variant peut atteindre des personnes qui viennent d’être contaminées. C’est peu probable, mais il faut l’étudier de près. Tant que nous n’avons pas la réponse à cette question, la prévision est un exercice très périlleux.
▻https://www.lci.fr/sante/covid-19-cinquieme-vague-pandemie-la-nouvelle-hausse-des-contaminations-en-franc
]]>Sur la catastrophe en cours et comment en sortir - Serge Quadruppani & Jérôme Floch
►https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir
Il y a tout de même pas mal de choses intéressantes dans cet article de Quadruppani (qu’on sait déjà mais dites au public antibiopolitique).
On a pourtant aussi toutes les raisons d’écouter le cri de rage d’un ami infirmier, à qui j’ai fait lire l’interview de Lamarck : « Je voudrais surtout pas tomber dans le pathos, mais le subjectif est là, et je vais pas le refouler : quand tu as vu des personnes âgées qui ont un nom : Marthe, Francis, Suzanne, Mario, Huguette , Gilberte et tant d’autres, magnifiques, qui ne demandaient qu’à finir leurs vies tranquilles, sereines et entourées, partir en 24 heures, emballées dans des housses mortuaires, sans préparation, sans que leurs proches ne puissent les voir, ne serait-ce qu’une dernière fois, quand tu as vu tes collègues infirmières et aides-soignantes, pourtant pleines d’expérience, et qui savent tenir la « bonne distance » professionnelle avec la mort, te tomber dans les bras et pleurer de détresse, que tu as vu toute l’équipe soignante aller au tapis, frappée de plein fouet par le virus, et les rares soignantes encore valides rester à poste 18h sur 24, que tu as vu le quart des personnes prises en charge mourir en une semaine, les poumons bouffés par le virus, et qu’il s’en fallait à peine d’un mois pour que des vaccins soient disponibles... alors le gus qui te déclare, du haut de son Olympe conceptuel : « c’est la porte ouverte à la modification moléculaire de l’humain », tu as juste envie de lui hurler : « ta gueule, connard ! Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles... ! » C’est con, hein ? »
Non, c’est pas con, et d’autant moins que c’est assorti d’une critique des affirmations lamarckienne qui peut s’avérer fort utile pour dissiper les fantasmes attachés à ce vaccin à ARNm souvent au cœur des argumentaires antivax. « Bien, alors le truc affreux [d’après Lamarck] ce serait ces vaccins à ARN messager modifié « enrobés dans un vecteur complètement artificiel ». Le mot est lâché : « artificiel », sûrement opposé à « naturel ». Ne relevons même pas que bien des produits artificiels se sont révélés forts utiles, et que nombre de produits naturels peuvent être extrêmement nocifs. Le truc ici consiste à faire peur : c’est « artificiel » ! Pas bon ça ! Le vecteur en question est une microparticule avec 4 lipides (dont du cholestérol), 4 sels (chlorures de sodium, de potassium, dihydrogénophosphates de sodium, de potassium), du sucre (saccharose) et de l’eau... (c’est presque Bio !) Non, faut que ça fasse peur ! Car nous disent-ils tout ça « est injecté massivement depuis décembre 2020 sans tests cliniques suffisants tant sur l’innocuité que sur l’efficacité ». C’est évidement faux, les essais de phase I, II, et III ont bien eu lieu, et si la phase III se poursuit c’est pour étudier les effets secondaires inattendus, la durée de protection induite par la production d’anticorps et la mémoire immunitaire induite, et d’envisager le calendrier vaccinal de rappels le cas échéant … à ce jour près de 8 milliards de doses de vaccins contre la Covid ont été administrées, et près de 55% de la population mondiale a reçu au moins une dose (dont seulement 6% dans les pays pauvres). Jamais dans l’histoire des traitements et vaccins il n’y a eu une telle surveillance de pharmacovigilance. »
Et jamais peut-être il n’a été aussi important d’éclaircir nos rapports avec la science en général, et avec la science médicale en particulier. L’humeur antivax est ancienne, en particulier dans des milieux où les ennemis du capitalisme se recrutent en grand nombre. Au risque de déplaire à bien des amis ou des alliés, disons-le sans détour : cette humeur repose pour l’essentiel sur des fantasmes sans fondement. Deux reproches principaux ont alimenté longtemps le refus de la vaccination, et, malgré tous les démentis, ont resurgi à la faveur de celle contre le Covid : son lien avec l’autisme et les accidents consécutifs à la présence d’aluminium. La première rumeur, qui eut d’abord les honneurs du Lancet, a ensuite été démentie et il s’est avéré que celui qui l’avait lancée était un escroc. Quant à la seconde, s’il est vrai que de l’aluminium a bien été ajouté à certains vaccins pour les booster, et que ce métal a, dans quelques cas, déclenché des réactions locales à l’endroit de l’injection, il n’a jamais entraîné d’accidents graves.
[…]
On se gardera pourtant de reprendre à notre compte le vocable de « Big Pharma ». Pas seulement parce qu’on le retrouve systématiquement dans des bouches qui ont très mauvaise haleine, — est-ce un hasard ? — mais parce qu’il charrie une vision simpliste de ce à quoi nous faisons face et ne permet donc pas d’en saisir la complexité, les dynamiques et les rouages. « Big Pharma » est à l’ère des gouvernements biopolitiques revendiqués ce qu’était le mythe des deux cents familles au XIXe siècle. Il n’y a pas plus de gouvernement mondial secret que de Big Pharma, ce à quoi nous faisons face c’est à une coalition d’intérêts qui opèrent et prospèrent au sein d’un ordre du monde et d’une organisation sociale organisés par et pour eux. Il y a donc fort à parier que, à l’instar de toutes les structures étatiques, l’INSERM ne soit pas à l’abri de du lobbying général des grandes compagnies pharmaceutiques comme de l’influence de telle ou telle d’entre elles. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une coalition d’intérêts particuliers et non pas d’une entité monolithique, qu’on peut compter sur l’existence de contradictions en son sein. Peut-on imaginer que s’il existait le moindre soupçon d’effets secondaires néfastes avec l’ARN, Johnson&Johnson et Astrazeneca, les concurrents sans ARN, épargneraient leurs rivaux d’une intense campagne de lobbying pour effrayer la population et récupérer tout le marché ? Et comment s’expliquer, sous le règne omnipotent de « Big Pharma » et du déjà un peu ancien « nouvel ordre mondial » que les stratégies sanitaires, idéologiques et politiques aient été aussi radicalement différentes des Etats-Unis à la France, d’Israël au Brésil, de la Suède à la Chine ?
[…]
La vérité est à la fois beaucoup plus simple et complexe. Face à la pandémie, à la profondeur de ce qu’elle venait remettre en cause et au risque qu’elle faisait peser soudainement sur l’économie mondiale, les gouvernants ont paniqué. Et c’est cela que leurs litanies de mensonges devaient recouvrir, alors que tout leur pouvoir repose sur leur prétention à gérer et anticiper, ils ont dû bricoler, dans un premier temps du moins. Non pas pour sauver des vies mais pour préserver leur monde de l’économie. Au moment même où les appareils gouvernementaux de toutes les plus grandes puissances mondiales connaissaient leur plus grande crise de légitimité, certains ont voulu y voir le complot de leur toute puissance. Le complotiste aime les complots, il en a besoin, car sans cela il devrait prendre ses responsabilités, rompre avec l’impuissance, regarder le monde pour ce qu’il est et s’organiser.
[…]
Dans la vidéo « La Résistance », dont le titre est illustré sans honte par des images de la seconde guerre mondiale, le Chant des Partisans en ouverture et Bella Ciao à la fin, on voit défiler les gourous anti-vax sus-cités. Renard Buté y nomme l’ennemi suivant le vocabulaire typique de QAnon : c’est l’ « Etat profond » et les « sociétés secrètes », il nous dit que le vaccin tue, que c’est un génocide qui est en cours, et qu’il faut s’y opposer par toutes sortes de moyens. La vidéo semble vouloir rallier les différentes chapelles antivax, de Réinfocovid au CNTf (organisation délirante, mêlant islamophobie, revendication du revenu garanti et permaculture, et partisane de rapatrier les troupes françaises pour… surveiller les frontières contre la « crise migratoire » et les banlieues), et après un appel à la fraternisation avec l’armée et la police (thème de prédilection du CNTf) débouche sur un autre appel… à la constitution d’une nouvelle banque qui serait entre les mains du peuple. Tout cela se mêle à des thèmes qui peuvent paraître pertinents aux yeux d’opposants radicaux au capitalisme : l’autonomie comme projet de vie, la manière de s’organiser et de faire des manifestations moins contrôlables, la démocratie directe… autant de thèmes et revendications qui pourraient sortir de bouches amies, voire des nôtres. Que ce genre de salmigondis touche pas mal de gens qui pourraient être des alliés, et que des amis proches puissent éventuellement avoir de l’indulgence pour ce genre de Renard fêlé, nous paraît un signe de l’ampleur de la secousse que la crise du Covid a provoquée dans les cerveaux.
[…]
On a tendance, dans notre tradition très hégélienne de l’ultragauche à considérer que tout ce qui est négatif est intrinsèquement bon. Comme si par la magie de l’Histoire, la contestation de l’ordre des choses produisait automatiquement et mécaniquement la communauté humaine disposée à un régime de liberté supérieur. Pourtant, lorsque l’on se penche sur la nébuleuse anti-vaccin, c’est-à-dire sur les influenceurs et porte-paroles qui captent l’attention sur les réseaux sociaux, organisent et agrègent les énoncés et les rassemblements, on s’aperçoit qu’une écrasante majorité baigne depuis de longues années dans l’extrême droite la plus bête et la plus rance. Militaires à la retraite, invités hebdomadaires de radio courtoisie, lobbyistes contre les violences féminines (oui, oui...), il suffit de passer une heure à « googliser » ces porte-paroles autoproclamés pour avoir une idée assez précise des milieux dans lesquels ils grenouillent. Certes, on pourrait être magnanimes et essayer d’imaginer que l’épidémie de Covid ait pu transformer de telles raclures en généreux camarades révolutionnaires mais comment s’expliquer que les seules caisses de résonances que trouvent leurs théories alternatives sur le virus et l’épidémie soient Egalité et Réconciliation, Sud Radio, France Soir, Florian Phillipot, on en passe et des pires ? En fait, si on se peut se retrouver d’accord sur des énoncés formels, on bute bien vite sur un point fondamental, c’est-à-dire éthique : la manière dont on est affecté par une situation et à la façon que l’on a de se mouvoir en son sein. En l’occurrence, ce qui rend tous ces « rebelles » anti-macron aussi compatibles avec la fange fasciste c’est l’affect de peur paranoïaque qu’ils charrient et diffusent et qui sans surprise résonne absolument avec une longue tradition antisémite, xénophobe, etc. Et c’est là que l’on peut constater une différence qualitative énorme avec le mouvement gilets jaunes. Eux, partaient d’une vérité éprouvée et partagée : leur réalité matérielle vécue comme une humiliation. C’est en se retrouvant, sur les réseaux sociaux puis dans la rue, qu’ils ont pu retourner ce sentiment de honte en force et en courage. Au cœur du mouvement antivax se loge une toute autre origine affective, en l’occurrence la peur, celle qui s’est distillée des mois durant. La peur d’être contaminé, la peur d’être malade, la peur de ne plus rien comprendre à rien ; que cette peur du virus se transforme en peur du monde puis du vaccin, n’a finalement rien de surprenant. Mais il nous faut prendre au sérieux cette affect particulier et la manière dont il oriente les corps et les esprits. On ne s’oriente pas par la peur, on fuit un péril opposé et supposé, quitte à tomber dans les bras du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé. Il n’y a qu’à voir les trois principales propositions alternatives qui agrègent la galaxie antivax : Didier Raoult et l’hydroxychloroquine, Louis Fouché et le renforcement du système immunitaires, l’Ivermectine et le présumé scandale de son efficacité préventive. Le point commun de ces trois variantes et qui explique l’engouement qu’elles suscitent, c’est qu’elles promettent d’échapper au virus ou d’en guérir. Toutes disent exactement la même chose : « Si vous croyez en moi, vous ne tomberez pas malade, je vous soignerai, vous survivrez. » Mot pour mot la parole biopolitique du gouvernement, dans sa mineure.
[…]
Dans la soirée évoquée, ce n’est pas « quelqu’un du public » mais bien Matthieu Burnel lui-même qui avait ironisé sur les suceurs de cailloux !
Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire. Lors d’une discussion un lundisoir, une personne du public avait commis quelques blagues peu finaudes à propos d’antivax qui lécheraient des pierres pour se soigner du cancer, et cela a apparemment provoqué quelques susceptibilités. Le problème en l’occurrence, c’est que cette plaisanterie n’était caricaturale que dans sa généralisation certainement abusive. Il n’en est pas moins vrai qu’Olivier Soulier, cofondateur de Réinfocovid assure soigner l’autisme et la sclérose en plaque par des stages de méditation et de l’homéopathie, que ce même réseau promulguait des remèdes à base de charbon aux malheureux vaccinés repentis pour se « dévacciner ». Autre nom, autre star, Jean-Dominique Michel, présenté comme l’un des plus grands experts mondiaux de la santé, il se propulse dès avril 2020 sur les devants de la scène grâce à deux vidéos sur youtube dans lesquelles il relativise l’importance et la gravité de l’épidémie, soutient Raoult et son élixir, et dénonce la dictature sanitaire à venir. Neurocoach vendant des séances de neurowisdom 101, il est membre d’honneur de la revue Inexploré qui assure soigner le cancer en buvant l’eau pure de l’une des 2000 sources miraculeuses où l’esprit des morts se pointe régulièrement pour repousser la maladie. Depuis, on a appris qu’il ne détenait aucun des diplômes allégués et qu’il s’était jusque-là fait remarquer à la télévision suisse pour son expertise en football et en cartes à collectionner Panini. Ses « expertises » ont été partagées par des millions de personnes, y compris des amis et il officie désormais dans le Conseil Scientifique Indépendant, épine dorsale de Réinfocovid, première source d’information du mouvement antivax. Ces exemples pourraient paraître amusants et kitchs s’ils étaient isolés mais ils ne le sont pas.
[…]
Historiquement, ce qui a fait la rigueur, la justesse et la sincérité politique de notre parti, - et ce qui fait qu’il perdure-, c’est d’avoir toujours refusé de se compromettre avec les menteurs et les manipulateurs de quelque bord qu’ils soient, de s’être accrochés à une certaine idée de la vérité, envers et contre tous les mensonges déconcertants. Que le chaos de l’époque nous désoriente est une chose, que cela justifie que nous perdions tout repère et foncions tête baissée dans des alliances de circonstances en est une autre. Il n’y a aucune raison d’être plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir que de ses fausses critiques.
[…]
Au moment où l’idée même que l’on se faisait de la vie se trouvait acculée à être repensée et réinventé, on a critiqué les politiciens. Quand le gouvernement masquait si difficilement sa panique et son incapacité à exercer sa fonction fondamentale et spirituelle, prévoir, on a entendu certains gauchistes même anarchistes caqueter : si tout cela arrive, c’est qu’ils l’ont bien voulu ou décidé. Ironie cruelle, même lorsque l’État se retrouve dans les choux avec le plus grand mal à gouverner, il peut compter sur ses fidèles contempteurs pour y déceler sa toute puissance et s’en sentir finauds.
Faire passer des coups de force, de l’opportunisme et du bricolage pour une planification méthodique, maîtrisée et rationnelle, voilà le premier objectif de tout gouvernement en temps de crise. En cela, il ne trouve pas meilleur allié que sa critique complotiste, toujours là pour deviner ses manœuvres omnipotentes et anticiper son plein pouvoir. C’est en cela que le gouvernant a besoin du complotiste, il le flatte.
#Serge_Quadruppani #covid #antivax #gauche #émancipation #réflexion #science
]]>Manifeste conspirationnniste, pub : Vaccins, « Great Reset »... Julien Coupat et le Seuil légitiment le complotisme d’extrême gauche - L’Express
▻https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/vaccins-great-reset-quand-julien-coupat-et-le-seuil-legitiment-le-complotis
Une couverture noire, un titre choc, un éditeur prestigieux, une quatrième de couverture dont la grandiloquence prête à sourire ("Nous vaincrons parce que nous sommes plus profonds"), mais des auteurs masqués. Défendant une vision complotiste qui se veut de gauche, le Manifeste conspirationniste doit paraître le 21 janvier aux éditions du Seuil.
« Nous sommes conspirationnistes, comme tous les gens sensés désormais. Depuis deux ans que l’on nous balade et que nous nous renseignons, nous avons tout le recul nécessaire pour départager ’le vrai du faux’. Les ridicules autoattestations que l’on a prétendu nous faire remplir avaient bel et bien pour but de nous faire consentir à notre propre enfermement et de faire de nous nos propres geôliers. Leurs concepteurs s’en félicitent à présent. La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, ’pire que la grippe espagnole de 1918’, était bien une mise en scène » peut-on lire en préambule. Quelques lignes après : « L’acharnement furieux à balayer tout traitement qui n’impliquerait pas d’expérimenter des biotechnologies sur des populations entières, réduites à l’état de cobaye, avait quelque chose de suspect. Une campagne de vaccination organisée par le cabinet McKinsey et un ’pass sanitaire’ plus loin, la brutalisation du débat public prend tout son sens. C’est sans doute la première épidémie mortelle dont il faut convaincre les gens qu’elle existe. » Les 5,5 millions officiellement morts du Covid (selon l’Organisation mondiale de la santé, le bilan pourrait être deux ou trois fois plus élevé) ? Une manipulation statistique destinée à accélérer l’agenda néolibéral, si l’on croit cet ouvrage.
Le texte recycle des éléments qui font fureur dans la complosphère. En 2019, le Centre Johns Hopkins, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates ou le Forum économique de Davos, a organisé l’Event 201, un exercice de simulation d’une pandémie de coronavirus. Ce serait là une des « preuves » que l’élite avait bien planifié cette crise sanitaire. Selon les auteurs, le timing de la pandémie ne devrait d’ailleurs rien au hasard. Au vu des mouvements sociaux de 2019 à Hongkong, au Liban, en Catalogne, en Chili ou en Colombie, les « puissances organisées » ayant « intérêt au maintien de l’ordre mondial » auraient voulu « siffler la fin de la récréation ». Et pour littéralement confiner les populations, rien de mieux donc que de créer la frayeur à travers un coronavirus.
"Les vaccins dominants sont plus néfastes que le virus"
Sans surprise, la prouesse scientifique des vaccins à ARN ne trouve pas plus grâce aux yeux des auteurs du Manifeste conspirationniste : « La campagne mondiale de vaccination générale ne correspond à aucune rationalité médicale. Les ’vaccins’ dominants sont plus néfastes que le virus pour la plupart des gens, et n’immunisent pas contre la maladie en tant que telle. Ils favorisent même l’éclosion de variants plus virulents. Bref : ils ne satisfont que la passion d’expérimenter de nouveaux joujoux à l’échelle du globe, et la rapacité de ceux qui les vendent » assurent-ils. Rappelons tout de même que c’est la circulation du virus qui favorise l’émergence de nouveaux variants. Les vaccins, même s’ils sont bien moins efficaces contre Omicron, limitent les contaminations et donc les chances de se répliquer du virus. Leur protection contre les formes sévères de Covid reste, elle, conséquente.
Le livre reproche notamment à la France d’avoir masqué les effets des vaccins sur les troubles menstruels. Or, selon une récente étude publiée dans la revue Obstetrics & Gynecology, juste après avoir reçu un vaccin contre le Covid-19, le cycle menstruel est rallongé de moins d’une journée en moyenne, un effet non-grave et qui apparaît comme temporaire.
#paywall ou #datawal express au choix... si vous avez accès aux élucubrations anti-gauchistes du journal...
"Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.
On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif.
La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite."
▻http://www.fr.fnac.ch/a16372086/Anonyme-Manifeste-conspirationniste
on peut s’attendre à des choses... diverses depuis ce recyclage esthétisant du _"cospirare vuol dire respirare insieme", de 1977 (Radio Alice, Bologne)
#conspirationniste mais... #covido-négationnistes
]]>#Valérie_Gérard : « Ce #mouvement_anti-pass ne construit rien de commun mais prône la destruction de toute communauté » (Tracer des lignes)
Essentiel : tel est le mot qui vient à l’esprit pour qualifier Tracer des lignes, le bref et percutant texte d’intervention que la philosophe Valérie Gérard vient de faire paraître aux passionnantes éditions MF sur la mobilisation contre le pass sanitaire. Car, depuis cet été, tous les samedis, on le sait, défile dans les rues de France un mouvement allant jusqu’à rassembler près de 300 000 personnes militant contre la mise en place d’un pass sanitaire. Mais qui compose réellement ce mouvement ? Lutte-t-il pour les libertés ou n’est-il qu’une variante d’extrême droite de la Manif pour tous qui a décomplexé l’homophobie en France ? A l’heure où l’antisémitisme règne sur les plateaux télé, cette lutte contre la dictature sanitaire et les grands groupes pharmaceutiques n’est-elle pas un nouveau tremplin pour les contre-révolutionnaires ? Autant de questions complexes et délicates que Diacritik ne pouvait manquer d’aller poser à l’autrice du déjà remarquable essai Par affinité. Amitié politique et coexistence le temps d’un grand entretien.
Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre salutaire Tracer des lignes : sur la mobilisation contre le pass sanitaire qui vient de paraître aux éditions MF. A quel moment précis avez-vous désiré prendre la parole sur ce mouvement français qui, cet été, a parfois rassemblé jusqu’à 300 000 personnes s’opposant à l’instauration d’un pass sanitaire ? Est-ce devant l’ampleur qu’y prenait l’antisémitisme notamment au mois d’août ou devant la tentation de certaines et certains de Gauche à vouloir participer à un mouvement dont le socle paraissait être la dénonciation du tout-sécuritaire de la gouvernance Macron ? Est-ce cette tentation qui vous a décidé à tenter de tracer des lignes claires afin de démêler ce mouvement qui dit l’époque, à savoir le confusionnisme ?
J’ai d’abord eu besoin de mettre les choses au clair pour moi-même, après quelques conversations qui m’avaient laissée assez abasourdie ou perplexe, soit avec des gens qui m’expliquaient qu’ils défendaient la liberté contre l’autoritarisme en ne se faisant pas vacciner, et que se vacciner était un acte de collaboration avec la dictature en marche, soit avec des gens qui soutenaient sincèrement, mais un peu naïvement peut-être, qu’en participant à la mobilisation dite contre le pass sanitaire, ils œuvraient en faveur d’une troisième voie, la voie anti-pass mais pro-vaccins et pro-mesures sanitaires freinant la circulation du virus, sans s’interroger sur le sens d’une telle entreprise si elle reste inaudible. Si, sur les principes, sur les objectifs, les lignes peuvent être claires dans l’esprit de ces derniers, si c’est clairement depuis une position de gauche qu’ils contestent une nouvelle modalité du contrôle sécuritaire et l’autoritarisme de la présidence de Macron, on peut déplorer un aveuglement sur ce qui fait le sens d’un mouvement populaire. Ne pas poser la question de l’avec – avec qui on défile – et tolérer de se tenir aux côtés de manifestations d’antisémitisme ou de négationnisme de plus en plus décomplexées, c’est évidemment un problème.
Mais ce qui m’a sans doute le plus déterminée est la confusion, qui règne dans beaucoup d’esprits depuis le début de la pandémie, entre la prise de mesures anti-covid et l’autoritarisme gouvernemental, confusion alimentée qui plus est par un usage purement idéologique de concepts philosophiques réduits à quelques clichés et mots d’ordre qui ne laissent de place ni pour la pensée ni pour une perception des faits. Je pense notamment aux concepts foucaldiens de « biopouvoir » et de « biopolitique », qui conduisent certains ou certaines à interpréter toute mesure sanitaire comme synonyme de contrôle de l’État sur les corps, preuve de la mainmise d’un gouvernement des médecins sur nos vies. C’est comme ça que, dès le premier confinement, on a vu un mouvement anti-sanitaire se développer en énonçant l’équivalence entre accepter des mesures anti-covid et se soumettre docilement à Macron ou même le soutenir. Ils ont réussi à configurer l’espace de sorte que la résistance aux mesures sanitaires paraisse la condition de la résistance au Pouvoir, et cet endroit-là est difficile à dénouer. De fait, cet été, des personnalités marquées à gauche qui prenaient position en faveur du mouvement contre le pass sanitaire d’abord au nom de la lutte contre le contrôle sécuritaire ont régulièrement tenu des propos antivax ou covidosceptiques, signe de l’inanité de la prétendue ligne « anti-pass, pas antivax ». C’est peut-être ça qui m’a poussée à prendre la parole publiquement, cette confusion-là, qui se réclame d’un héritage philosophique structurant à gauche, mais mal digéré et très malmené. Le discours idéologique sur le biopouvoir, figure cliché du mal sur laquelle toute mesure de protection devrait être rabattue (se laver les mains, mettre un masque…), fait obstacle à la possibilité d’une réflexion biopolitique qui soit horizontale et émerge des concernés et des concernées, comme celle qui s’était construite au moment de l’épidémie de SIDA et qui avait imposé, contre le déni des gouvernants, une véritable prise en compte de la maladie dans l’espace social et politique, ainsi que des mesures de défense contre la maladie.
De nouveau, ce sont les malades, par exemple les personnes atteintes de covid longs, qui ont dû militer pour faire reconnaître cette dimension de la maladie, avec des médecins qui à leurs côtés tentent de trouver des thérapies, dans un espace institutionnel ou contre un espace institutionnel qui laisse peu de place pour ces soins, tant le problème a été nié longtemps en France. D’autres l’ont souligné avant moi : il n’y a pas de pouvoir des médecins dans cette pandémie, qui révèle tout sauf une emprise totale d’un biopouvoir sur nos vies. Le conseil scientifique est peu écouté et ses rapports sont régulièrement dissimulés, contre la loi qui exige qu’ils soient rendus publics sans délai, tant ils dérangent le pouvoir politique. Ça a été le cas l’hiver dernier lorsque le rapport préconisait un confinement que Macron refusait, ça a été le cas cet automne, où le rapport exigeant une solide politique de dépistage dans les écoles, que l’exécutif refuse, a été tenu secret 11 jours. Mais vous trouverez des gens qui confondent conseil scientifique et conseil de défense et vous expliquerons que le gouvernement des médecins a remplacé la démocratie. Beaucoup de médecins, loin d’avoir une position dominante dans la gouvernementalité à l’œuvre, travaillent au contraire autant qu’ils peuvent à la construction d’un mouvement critique d’un gouvernement qui multiplie les décisions les plus contre-productives d’un point de vue sanitaire.
On notera qu’ils ne bénéficient d’aucun soutien du pouvoir politique lorsqu’ils sont harcelés et menacés de mort. Le Président préfère continuer à marquer sa déférence envers Raoult, un des héros des opposants et opposantes à toute mesure sanitaire, qui n’hésite pas à relayer des articles appelant à mettre à mort des médecins. On est donc très loin d’un gouvernement des médecins. S’il y a eu gouvernementalité biopolitique brutale, c’est sans doute dans la réduction de la vie au travail (dans les sphères duquel la circulation du virus était niée, et l’exposition au virus parfaitement assumée, « quoi qu’il en coûte »), et dans l’énoncé de la distinction entre « contacts utiles » et « contacts inutiles ».
Mais, surtout, la biopolitique peut désigner autre chose. Quelques groupes réfléchissent à ce qui est possible en termes d’« autodéfense sanitaire », l’idée énonçant par elle-même la disjonction entre la question de la résistance au virus et celle de la soumission à Macron, ou plus généralement à un biopouvoir gouvernemental : une approche démocratique et égalitaire du virus et des mesures à prendre pour nous protéger les uns, les unes, les autres, et endiguer, autant que possible, sa circulation, est possible. Même si elle est entravée par le gouvernement. Ça pourrait même s’appeler « biopolitique », sans que ce terme désigne l’ennemi, si on était capable de penser que « politique » n’est pas synonyme de domination étatique. Il se trouve que c’est ce qui a été fait au Chiapas, alors que le gouvernement mexicain refusait de prendre des mesures anti-covid. Il se trouve que c’est ce qui a été fait dans certains quartiers au Brésil, dans certaines favelas, et que le pouvoir de Bolsonaro a interdit et entravé les mesures populaires et autonomes de défense contre le virus. Il suffit de regarder un peu au-delà des frontières pour voir à quel point l’identification entre combattre un pouvoir politique autoritaire et combattre toutes les mesures de défense sanitaire est inepte. Parfois, combattre le virus et combattre l’autoritarisme ou le fascisme font tout un. C’est aussi en me demandant comment on en est arrivé, en France, à assimiler se faire vacciner et soutenir Macron (la stupidité de la presse qui interprète le taux de vaccination comme un succès du Président donne un élément de réponse, mais pas suffisant), que j’ai éprouvé le besoin de tracer quelques lignes.
Pour en venir au cœur de votre propos sur ce mouvement de prime abord nébuleux, la première ligne que vous tracez consiste à poser, en politique, la question de l’affinité. Vous avez signé en 2019 un important essai Par affinité. Amitié politique et coexistence dont votre propos ici démontre de manière imparable l’efficience intellectuelle et morale en ce que ce mouvement anti-pass pose selon vous une seule question si l’on admet, comme vous y invitez, à « se servir d’une boussole affinitaire dans ses prises de position » : avec qui défile-t-on ? En quoi ainsi la question centrale à se poser devant le mouvement antipass consiste-t-elle non pas uniquement à savoir pour quoi on défile mais avec qui on défile ? Peut-on défiler avec Florian Philippot et ne pas partager ses idées ? La manifestation n’est-elle précisément pas le premier lieu de toute communauté ?
En effet, alors que, quand on pense la question de l’avec comme une question d’alliance, on croit pouvoir accepter n’importe quel allié pour atteindre ses fins, qui seules comptent – de toute façon, l’alliance, purement instrumentale, cessera une fois l’objectif atteint –, quand on la pense en termes d’affinités, on est conscient qu’une manifestation, qu’un mouvement social, constitue déjà, dans les formes qu’il prend, le monde qu’il cherche à faire advenir. Et avec qui on constitue un monde, ça compte. Toute manifestation est évidemment hétérogène et plurielle, mais on manifeste avec des gens avec qui des liens sont possibles et souhaitables. On est souvent attiré par un mouvement parce que les manières d’être, les types de lien qui y ont cours, sont désirables, et bonnes à partager dès maintenant (ou à l’inverse on est poussé hors d’un mouvement dont on aurait pu aimer le mot d’ordre parce que les manières et les liens y sont invivables – c’est ce que peuvent éprouver des femmes qui rejoignent un mouvement révolutionnaire et en sortent en constant sa structure sexiste et patriarcale). La question est moins de savoir si on peut défiler avec Philippot sans partager ses idées, que celle de savoir si on pense pouvoir partager quelque chose avec lui.
Plus généralement, il n’y a pas en politique de principes désincarnés. Qui les énonce, en quels termes, avec quel ton, dans quelle conjoncture : ça change tout. Un « non à la surveillance de masse » énoncé par l’extrême-droite, avec une rhétorique antisémite et négationniste, ne peut être détaché ni de son milieu d’énonciation ni des moyens de son énonciation. L’imaginaire qu’il constitue en étant relayé n’est pas émancipateur, même si le mot d’ordre pourrait le faire croire. Dans la mesure le mouvement a surtout ce ton-là, où on a tous vu les affiches « pass nazitaire » avec des S évoquant la SS, le rejoindre, c’est le renforcer, et renforcer cet imaginaire, en augmentant la confusion générale. À défiler avec des fascistes contre l’autoritarisme, on risque alors surtout de renforcer le fascisme, et, à terme, l’autoritarisme.
Prétendre défendre des principes et des objectifs quels que soient les alliés qu’on se trouve, faire passer des idées avant les gens, c’est agir en idéologue, pour qui le monde doit se plier aux idées, au mépris de ce qu’il se passe, en termes de constitution de forces, d’imaginaires, de liens, et déjà d’un monde. Partir non pas des idées mais des gens, ce qui est une autre manière de décrire la manière affinitaire de s’orienter, conduit à considérer, dans un mouvement, au-delà de ses objectifs affichés, ses moyens, les manières d’être qui s’y déploient, son répertoire d’action, les affects qui le traversent, l’atmosphère qu’il charrie. L’atmosphère qui accompagne ce mouvement, c’est la violence exercée contre des soignants et les soignantes, agressé·e·s ou menacé·e·s, c’est l’antisémitisme et le négationnisme (qui ont par ailleurs libre cours sur les plateaux de télévision), c’est l’affirmation d’un ultralibéralisme assez forcené.
Un des points centraux de votre réflexion consiste à vous demander si ce mouvement de contestation, par son ampleur et ses enjeux, rejoint l’ampleur et les enjeux des mouvements de 2016 contre la Loi Travail et de 2018 avec les Gilets jaunes. D’emblée, vous affirmez à juste titre et avec force que ce mouvement contre le pass n’a rien à voir, en dépit de la présence de Gilets jaunes, avec le mouvement de l’hiver 18. Pourquoi vous semble-t-il différent ? Vous établissez notamment une différenciation majeure sur la nature de la violence : les Gilets jaunes n’ont jamais appelé à la violence contre des personnes mais ont uniquement commis des actes de vandalisme. Pourtant, les Gilets jaunes vouaient une haine manifeste à Macron. Quelle différence fondamentale émerge alors cependant ?
Je suis en effet revenue sur la comparaison entre ce mouvement et le mouvement des Gilets jaunes parce qu’elle a été assez récurrente cet été. À gauche, beaucoup avaient vu dans le mouvement des Gilets jaunes, lorsqu’il a commencé, un mouvement poujadiste auquel ils ne voulaient pas se joindre, puis ils se sont rendus compte qu’ils passaient à côté de quelque chose et l’ont rejoint (ou ont continué à le mépriser en raison d’un certain mépris de classe). Pour certains ou certaines, il y a peut-être eu une peur de reproduire la même erreur. C’est ainsi que j’ai lu plusieurs fois des arguments du type : « ceux qui critiquent le mouvement anti-pass refont la même erreur que du temps des Gilets jaunes, ils passent à côté d’un grand élan démocratique et manifestent leur haine du peuple et leur mépris de la démocratie. » Comme la pandémie a interrompu une série de mouvements très forts (2016, 2018, comme vous le rappelez, mais aussi le mouvement contre les retraites juste avant l’arrivée du Covid), la tentation pouvait être grande de voir cette série reprendre cet été, sur un mot d’ordre qui a du sens à gauche.
À mes yeux ce mouvement n’est pas une reprise des Gilets jaunes, même s’il peut y avoir des continuités de personnes, parce qu’il n’en reprend pas le sens, et n’installe pas la même atmosphère dans le pays. Le mouvement des Gilets jaunes était divers, il y a avait des gens d’extrême droite dans les cortèges, mais ils ne donnaient pas son ton au mouvement. C’était d’abord un mouvement de précaires contre une gouvernance capitaliste écrasante. C’était aussi un mouvement où, quotidiennement sur les ronds-points, du commun s’est construit. Ce mouvement anti-pass ne construit rien de commun. Il prône au contraire la destruction de toute communauté : comment qualifier autrement le refus de mesures partagées de défense commune contre un virus, le refus de mesures d’attention et de protection réciproques ? Ce refus est manifeste dans les formes que prend la violence. Alors que la violence des Gilets jaunes visait des symboles de l’oligarchie ou du pouvoir impérial (Fouquet’s, Arc de Triomphe…), la violence des anti-pass vise des centres de vaccination, des centres de dépistage du covid : des lieux et des symboles du soin, de la sécurité et de la solidarité sociales. Elle s’en prend aussi, ainsi, à des personnes, des soignant·e·s agressé·e·s, ou menacé·e·s, ce qui fait encore une différence avec la violence des Gilets jaunes. Certes ces derniers haïssaient Macron, mais en régime de présidence à ce point monarchique, il est difficile de distinguer l’homme de la fonction, la personne d’un régime écrasant et honni. Là, ils s’en prennent à des gens qui sont sur le pont depuis 18 mois pour soigner les gens et informer le public sur le fonctionnement du virus et les moyens de s’en protéger.
Loin de ranger ce mouvement anti-pass du côté des Gilets jaunes et de pouvoir rabattre l’antisémitisme de ce mouvement sur celui de l’hiver 18, vous le rapprochez plutôt du mouvement de la Manif pour tous. En quoi ainsi s’agit-il pour vous d’un mouvement similaire ? Quelles sont leurs affinités respectives ? Vous dites notamment que, dans un cas comme dans l’autre, c’est « une force destructrice de l’égalité et des libertés qui s’ancrent dans l’égalité ». En quoi s’agirait-il donc d’un mouvement qui, en fait, sous prétexte de liberté, attaque l’émancipation ? Pourquoi, selon vous, le fascisme constitue-t-il le point commun entre ces deux mouvements ?
En tout cas, ce mouvement a suscité en moi le type d’affects que la Manif pour tous avait suscités : l’inquiétude à voir se constituer une force destructrice de toute émancipation, lourde de dangers pour l’avenir. De fait la droite ultra a pris des forces en 2013. Ce qui rapproche ces mouvements, ce sont d’abord des personnes influentes (Henrion-Claude, Fouché, Di Vizio, ou Barnérias, le réalisateur de Hold up). Ensuite, ce sont ensuite deux mouvements qui ont encouragé, par leur existence, la violence contre les personnes (les agressions contre les homosexuelles et les homosexuels ont augmenté dans le sillage de la manif pour tous, cet été les agressions contre les soignantes et les soignants ou les structures de soin étaient quotidiennes). Il n’y avait rien de tel du temps des Gilets jaunes. Ce sont deux mouvements qui manient le confusionnisme : la Manif pour tous reprenait l’imagerie et des slogans de 68 pour son projet discriminatoire, dévoyant par exemple les principes capitalistes en reliant l’opposition au mariage pour tous et la lutte contre la marchandisation des corps ; le mouvement anti-pass pratique le même type de confusion, en mobilisant le « slogan » « mon corps mon choix » ou les principes de la lutte contre les violences sexuelles, par exemple, pour s’opposer au vaccin. La Manif pour tous s’attaquait évidemment à l’égalité. Le mouvement anti-mesures sanitaires aussi, même si c’est moins direct : refuser de lutter collectivement contre le virus, c’est refuser de construire collectivement une égalité face au virus et considérer que les plus forts s’en sortiront, et tant pis pour les plus faibles. Ce qui s’exprime, c’est une forme de darwinisme social, une forme d’eugénisme, qui n’a rien d’émancipateur.
Je ne sais pas jusqu’où la comparaison avec la Manif pour tous peut être tenue : elle est au départ plutôt heuristique. Mais, dans les deux mouvances, on se réclame d’une certaine nature (d’un côté des sexes et des orientations sexuelles, de la famille, de l’autre côté, des systèmes immunitaires) pour refuser la construction politique d’une égalité. Ce sont des mouvances où on est prêt à pratiquer la violence contre des lieux du soin pour empêcher les pratiques qu’on réprouve (les avortements, la vaccination) – ces pratiques fascistes, comme le sont les menaces et intimidations de personnes en manifestation, suffisent à prouver que la revendication de « liberté » est vide et dissimule une contestation de toute politique de santé publique.
Mon autre question découlant de la précédente serait celle-ci : est-ce que finalement ce mouvement ne met pas en lumière que défendre la liberté, comme va le faire pendant la campagne Marine Le Pen, ce n’est pas défendre une valeur de droite contre une valeur de gauche, l’émancipation ? Est-ce que défendre la liberté, c’est-à-dire défendre un droit de consommer et une manière de confort individualiste et autarcique, c’est désormais être de droite ? Enfin, est-ce que ce mouvement anti-pass s’attaque véritablement au pouvoir macroniste ? N’a-t-il pas plutôt pour vocation de détruire des lieux de solidarité et de protection sociale comme les centres de vaccination ? Comment expliquer, par ailleurs, qu’il n’y a pas une répression policière aussi importante que pour les mouvements de 2016 et 2018 en dépit de l’ampleur des mobilisations chaque samedi ?
Je ne sais pas si défendre la liberté, c’est désormais être de droite, dans la mesure où la liberté a toujours été théorisée à droite et à gauche. La liberté comme valeur de droite, c’est aussi vieux que le libéralisme à l’époque de la naissance du capitalisme. Contre cette conception de la liberté, ce que montrait Rousseau par exemple, c’est que l’égalité est ce sans quoi la seule liberté qui existe est celle, pour les mieux dotés, en richesses, en réseaux, en forces, d’écraser et de dominer les autres. L’égalité est alors ce qui libère des relations de domination présentes dès qu’il y a inégalité, dès qu’il y a discrimination. Ça me permet de revenir à la question précédente sur les libertés qui s’ancrent dans l’égalité. Revenons à la situation actuelle : sans construction collective d’une égalité face au virus, si règne ce que prônent ceux et celles qui s’opposent aux mesures sanitaires, ce qui est construit, c’est un monde dans lequel les personnes les plus fragiles, parce qu’immuno-déficientes par exemple, n’ont plus de liberté de mouvement depuis plus d’un an. Elles payent le prix de la « liberté » de ne pas mettre de masque, de laisser le virus circuler, etc. La liberté qui est défendue, c’est en effet une liberté purement égocentrique, celle d’individus qui considèrent « il n’y a pas de société », comme disait Thatcher. Que la réciprocité, la mutualité, la solidarité, n’ont pas d’importance. C’est conception libertarienne de la liberté, qui n’est qu’un nom donné au refus de tenir compte de l’autre et à la passion de domination.
Parmi les anti-pass, sur cette question de la liberté aussi la confusion est grande. La liberté que certains ou certaines pensent opposer à l’État autoritaire est finalement opposée à la prise en compte du fait que nous coexistons, que nous ne sommes pas des monades isolées autarciques, et que, en conséquence, nous accorder sur des mesures pour nous protéger mutuellement, c’est source de puissance collective, redistribuée égalitairement. Ça n’entrave la liberté rêvée que de ceux et de celles qui refusent de reconnaître la dimension collective de l’existence (alors que leur vie est soutenue par la collectivité). La « liberté » est un signifiant assez vide, si on ne précise pas comment on l’entend. La clé est sans doute de savoir si on la conçoit comme appartenant par nature à l’individu autarcique (ce qui n’est qu’une illusion que seule une position de domination rend possible), et alors on pense que la communauté, et l’autre, l’entravent, et la seule solution pour ne pas être entravé est de les dominer, ou si on la conçoit comme produite horizontalement, politiquement, par la mise en commun de nos forces.
Ainsi compris, le mouvement anti-pass ne s’attaque pas au pouvoir macroniste : l’individu ultralibéral qui le constitue est au contraire en phase avec ce pouvoir. S’en prendre à la sécurité sociale, aux dispositifs de solidarité, c’est ce que fait cette présidence d’une autre manière et à une autre échelle.
Je ne sais pas pourquoi la répression policière n’est pas aussi forte que lors des mouvements de 2016 et 2018, mais c’est assurément un signe qu’il n’y a pas continuité. Et ce fait est particulièrement notable, dans la mesure où le traitement de la pandémie a souvent été policier plutôt que sanitaire. Les confinements et couvre-feux ont permis de quadriller encore plus les banlieues. Mais, manifestement, les anti-pass qui défilent ne sont pas traités comme des ennemis par le pouvoir. On pourrait aussi gloser sur le fait que la police est dispensée du pass, ce qui semble indiquer une certaine affinité avec le mouvement.
Un des points centraux de votre réflexion consiste à poser, au cœur de la politique, la question de l’élection par affinité et la puissance politique. Vous affirmez ainsi que la question de la vaccination ne se joue pas uniquement sur le terrain de la preuve scientifique mais devient une éminente question politique. Convoquant une vision de la politique fondée sur des préférences pour des liens afin de promouvoir une logique de coexistence, vous défendez, en vous appuyant sur Hannah Arendt, une préférence affective pour le vaccin contre « la prétendue détention d’une vérité » par les antivax : évoquant une « inclination affective pour un mode d’être avec », vous dites ainsi : « je préfère prendre le risque d’avoir tort avec des gens avec qui la vie serait sensée, que raison avec les autres, avec qui je n’ai pas envie de vivre, de partager le monde ».
Prenant à rebours la question scientifique, vous faites du monde du vaccin une manière d’être ensemble : en quoi le mouvement contre le pass sanitaire est-il pour vous une attaque de la solidarité et du contrat social, un mouvement profondément contre-révolutionnaire finalement ? En quoi finalement construit-il une communauté sur la destruction de toute communauté ?
Sur le vaccin, je refuse de me placer sur le terrain de l’argumentation scientifique parce que ce n’est pas dans mes cordes. J’admets que je fais confiance aux études, aux protocoles scientifiques, et aux médecins qui le recommandent. Une discussion avec les antivax qui s’imaginent être devenus spécialistes de ces questions n’aurait à mes yeux aucun sens. Par contre on peut rechercher ce que dissimule le recours à un registre supposément scientifique. Lorsqu’on n’a pas affaire à des gens qui ont sincèrement peur parce qu’ils ont entendu les discours de ceux et de celles qui veulent propager la peur, mais à des opposants et opposantes convaincues au vaccin, derrière la haine pour le vaccin, on trouve l’affirmation eugéniste de la confiance dans de bonnes défenses naturelles, et le refus de construire, face à une menace partagée, une réponse collective. On tient à s’en sortir seul – et on imagine que ça sera le cas parce qu’on est mieux doté, qu’on prend davantage soin de soi, etc. Peu importe que le virus continue à circuler, qu’il risque de muter, etc. : ce n’est pas notre affaire. Comme on l’a beaucoup trop entendu, « tout ça pour sauver des vieux ». C’est en cela que c’est un mouvement de déliaison politique, qu’on peut dire contre-révolutionnaire, en effet, si on admet qu’on se politise et qu’on se constitue en force révolutionnaire quand on éprouve que le sort d’une personne dans une communauté est l’affaire de tous, et que la solidarité est à construire.
C’est pour cette raison que j’écris que je préfère l’idée de vaccin à l’idée de sélection naturelle par les défenses immunitaires, de même que je préfère être avec des gens qui défendent l’idée de vaccin, et donc qui prônent une défense collective contre un virus, qu’avec des gens qui comptent s’en sortir seuls et se désintéresser du sort des autres – je ne vois tout simplement pas ce qui est possible avec les derniers. Préférer la manière d’être des uns (des unes) ou des autres, c’est une question de sensibilité, et de sensibilité qui a une dimension éthique et politique.
Plusieurs fois, afin de désamorcer l’identification entre se faire vacciner et approuver Macron, des médecins ont dit : « le vaccin n’est pas une question politique, c’est une question scientifique ». Je pense au contraire que c’est une question politique, en un autre sens de « politique » : c’est une forme de la coexistence qui se dessine dans la préférence pour le vaccin. De toute façon, les faits scientifiques ne commandent pas les décisions pratiques. Ce sont les désirs qui déterminent les orientations (et éventuellement on va se réclamer de « la science » pour justifier a posteriori le désir). Il ne suffit pas qu’un vaccin marche et ne soit pas dangereux pour qu’il soit promu par une politique de santé publique : il faut un désir d’éradiquer un virus. Et, contrairement aux discours pseudo-foucaldiens, instaurer des mesures sanitaires, ça ne revient pas nécessairement à soumettre les vies à l’emprise de la rationalité. D’autres logiques peuvent être en jeu : le désir de mettre fin à un épisode pandémique pénible, une sensibilité à l’autre, une tendance à y faire attention.
C’est parce que cette dimension affective des orientations politiques est si importante qu’on peut être amené à penser cette formule qui résume un peu le principe d’une orientation affinitaire : « je préfère risquer me tromper avec des gens avec qui je pense que la vie est sensée, plutôt qu’avoir raison avec ceux avec qui je ne peux envisager de partager ma vie ». Ça pourrait signifier quelque chose du type : admettons que les complotistes libertariens aient raison, et qu’on se trompe de l’autre côté, je préfère quand même faire partie de ceux qui tentent la réponse collective et solidaire. Ça a plus de sens, le monde est plus sensé si cette tentative existe.
Ma question suivante voudrait revenir sur l’arc confusionniste qui domine ce mouvement. Selon vous, il y a une ambiguïté savamment entretenue entre les anti-pass et les anti-vax qui bien souvent sont en vérité les mêmes. En quoi, selon vous, finalement ce mouvement anti-pass serait tout simplement un mouvement antivax qui n’oserait pas dire son nom ?
La frontière entre mouvement anti-pass et mouvement anti-vax est en effet poreuse. De fait, les prises de parole ou les discussions sur le pass sanitaire dévient à peu près systématiquement sur le problème des vaccins, et, plus, généralement, des mesures sanitaires en général. On se retrouve pour parler du pass, et très vite quelqu’un demande, outré, jusqu’à quand on va supporter le gel hydro-alcoolique, et sort un couplet sur la dictature du masque. On peut quand même se demander pour quel genre de subjectivité il serait insupportable hors pandémie de s’isoler quelques jours, de mettre un masque et de se laver les mains pour ne pas transmettre une maladie, gestes qui ne peuvent alors relever que de l’injonction verticale. Les anti-pass sanitaire sont souvent anti-tout (antivax, anti-masques, anti-confinements, etc.), sauf anti-covid. Les pancartes dans les cortèges sont à cet égard éloquentes.
On ne peut pas penser ce mouvement en faisant abstraction du mouvement anti-sanitaire qui s’est constitué depuis le début de la pandémie, et qui s’est structuré autour de la nébuleuse complotiste covido-sceptique. On pourrait peut-être opérer des rapprochements avec le mouvement du Tea-Party et celui qui a envahi le Capitole en janvier dernier. Et ce mouvement anti-sanitaire, il pourrait d’ailleurs être intéressant d’en faire une lecture genrée, dans la mesure où l’affirmation de soi anti-masque anti-vax anti-gel hydroalcoolique – je refuse de prendre sur moi pour faire attention à l’autre – a un côté viriliste qui était assez manifeste sur des pancartes « sans masque et sans capote ».
Enfin ma dernière question voudrait porter sur l’éclairant et très juste rapprochement que vous opérez entre le mouvement anti-pass et la politique macroniste face à la pandémie. Vous dites que Macron et les anti-pass défendent la même vision d’une politique non-solidaire et résolument individualiste. Vous citez notamment les impensables atermoiements pendant plus de 5 mois de la campagne de vaccination en France ou encore les déclarations de Macron affirmant jusqu’en décembre 2020 ne pas avoir assez de recul sur le vaccin. Vous dites d’ailleurs : « Il n’y a pas de politique sanitaire en France. Il y a en revanche une augmentation du contrôle policier, c’est certain. » Pourriez-vous nous expliquer cette formule ?
J’ai en effet été frappée, les premiers mois de la campagne de vaccination, de voir à quel point le gouvernement fabriquait une approche individualiste de la question : pour les actifs et les actives exposé·e·s qui souhaitaient avoir accès au vaccin, pendant des semaines, il fallait trouver un piston, ou avoir un coup de chance, mais la résolution était individuelle. En refusant de protéger réellement les gens, dans les transports, dans les écoles par exemple, le gouvernement contraint aussi à rechercher individuellement à se protéger (pour ceux et celles qui peuvent se le permettre financièrement). Cette vision individualiste n’est pas le seul point commun entre le gouvernement et les anti-pass. Le gouvernement a participé au covido-scepticisme, en niant l’arrivée de la pandémie en mars 2020, puis en niant pendant des mois la transmission du virus par aérosolisation, l’existence des covid longs, la transmission du virus chez les enfants, l’existence du virus dans les écoles. Il a participé au mépris de la science en refusant de tenir compte des recommandations scientifiques. Il n’y a pas de politique sanitaire en France au sens où les mesures qui sont prises s’accompagnent d’exceptions ou de clauses qui leur diminuent leur intérêt sanitaire (isolement pour les malades du covid – sauf deux heures par jour ; pass sanitaire – valable avant que le vaccin ait fait son effet ou jusqu’à 72 heures après un test anti-génique, fermeture des universités mais ouverture des écoles, etc.). Il n’y a pas de politique sanitaire dans la mesure où il y a un refus obstiné de toute mesure qui soit efficace et non punitive : par exemple installer des filtres à air dans tous les lieux recevant du public. Les mesures principales auront été des mesures de police (couvre-feu, confinement avec attestation donnant lieu à des contrôles arbitraires, confinement pour toute activité non économique (« non utile »), pass sanitaire) qui laissaient le virus circuler. Aucune mesure n’a été prise aux frontières contre le virus initial puis contre les variants anglais et delta. Le gouvernement s’apprête à faire retirer les masques aux enfants non vaccinés, indépendamment de l’incidence du virus dans leur classe d’âge. C’est pourquoi il me semble qu’une véritable opposition au gouvernement consisterait à exiger et à construire une véritable politique de défense collective contre le virus, au lieu de fantasmer un gouvernement biopolitique qui aurait imposé une dictature sanitaire. De manière générale, il y a suffisamment de raisons de lutter contre cette gouvernance pour ne pas fantasmer une dictature sanitaire.
►https://diacritik.com/2021/10/05/valerie-gerard-ce-mouvement-anti-pass-ne-construit-rien-de-commun-mais-pr
#anti-pass #pass_sanitaire #anti-vax #biopolitique #résistance
Agamben WTF, or How Philosophy Failed the Pandemic, Benjamin Bratton, Verso
▻https://www.versobooks.com/blogs/5125-agamben-wtf-or-how-philosophy-failed-the-pandemic
Benjamin Bratton on why philosophy failed us in facing up to the pandemic, and why we need to rethink biopolitics as a matter of life and death.
As yet another wave of infection blooms and the bitter assignment of vaccine passes becomes a reality, societies are being held hostage by a sadly familiar coalition of the uninformed, the misinformed, the misguided, and the misanthropic. They are making vaccine passports, which no one wants, a likely necessity. Without their noise and narcissism, vaccination rates would be high enough that the passes would not be needed.
But it is not simply the “rabble” who make this sad mess, but also some voices from the upper echelons of the academy. During the pandemic, when society desperately needed to make sense of the big picture, Philosophy failed the moment, sometimes through ignorance or incoherence, sometimes outright intellectual fraud. The lesson of Italian philosopher, Giorgio Agamben, in part tells us why.
Famous for critiques of “biopolitics” that have helped to shape the Humanities’ perspectives on biology, society, science and politics, Agamben spent the pandemic publishing over a dozen editorials denouncing the situation in ways that closely parallel right-wing (and left-wing) conspiracy theories.
Over the past two decades, the soft power influence of his key concepts in the Humanities - homo sacer, zoē /bios, the state of exception, etc. - has been considerable. This has also helped to cement in a stale orthodoxy suspicious of any artificial governing intervention in the biological condition of human society as implicitly totalitarian. In the name of being “critical”, the default approach to any biotechnology is often to cast it as a coercive manipulation of the sovereignty of the body and lived experience.
If one were to imagine Alex Jones not as a Texas good ol’ boy, but rather as a Heideggerian seminary student, this would give a sense of how Agamben himself approached the requests for public comment on the COVID-19 pandemic. Beginning in February 2020, with “The Invention of an Epidemic”, he called the virus a hoax and the belated lockdowns in Italy a “techno-medical despotism”. In “Requiem for the Students”, he denounced Zoom seminars as acquiescence to a Silicon Valley concentration camp condition (his words). In “The face and death”, he derided the use of masks as sacrificing the ritual humanity of the naked face.
Each short essay was more absurd and strident than the last. Upon publication of the earliest of these, Agamben’s friend, the French philosopher Jean-Luc Nancy, warned us to ignore him, and that if he himself had followed Agamben’s medical advice discouraging a heart transplant that saved his life, that he would be dead.
Earlier this month, Agamben went all in, directly and explicitly comparing vaccine passes to Nazi ‘Juden’ stars. In a short piece called, “Second class citizens”, he connects the fates of those who refuse vaccination to that of Jews under fascism and concludes that “The ‘green card’ (Italy’s vaccine pass) constitutes those who do not have it in bearers of a virtual yellow star.” After picking up my jaw, I cannot help but compare Agamben’s analysis to that of QAnon-influenced United States congressperson, Marjorie Taylor Greene, who beat him to the punch when she tweeted back in May that “Vaccinated employees get a vaccination logo just like the Nazi’s forced Jewish people to wear a gold star.”
In this ongoing performance, Agamben explicitly rejects all pandemic-mitigation measures on behalf of an ‘embrace tradition, refuse modernity’ conviction which denies the relevance of a biology that is real regardless of the words used to name it. Something seems to have recently cracked open for him, and yet at the same time, re-reading his foundational texts in the light of the pandemic pieces is illuminating. His position has not suddenly changed. It was there all along.
Romanticism has been a permanent passenger on the flights of Western Modernity, and its mourning for ‘lost objects’ always just-out-of-reach vacillates between melancholia and revolt. Romanticism’s aesthetic disgust with rationality and technology finally has less to do with their effects than with what they reveal about how differently the world really works from how it appears to myth. Its true enemy is less alienation than demystification, and so it will always accept collaboration with Traditionalists.
It is not surprising then that Agamben earned the thanks of both Lega Nord and the anti-masker/vaccine movements. His conclusions are also similar to those of the Brazilian populist president Jair Bolsonaro, who sees the virus as an over-blown plot by techno-medical globalists to undermine traditional authority and natural bodily and communitarian coherency. What is the lost object? Agamben’s contributions are, at their core, an elaborate defense of a pre-Darwinian concept of the human and the mystical attachments it provided. Ultimately, he is not defending life, he is refusing it.
As of today, Agamben’s biggest online supporters are not his many long time readers but rather a squad of new fans, primarily a Based coalition of wounded contrarian man-childs. From vitalist Reactionaries quoting Julius Evola and Alexander Dugin to the anti-vaxxer roommate who puts energy drinks in his bong, these and other lonely anti-heroes are doomed by their burden to see clearly through the hypocrisies of our Matrix reality. For them, Agamben’s principled stand unites them with the legacy of Romanticist glorious and occult refusals. At work is perhaps less a horseshoe theory of Red-Brown alliance, than the tender bond between outcasts and idiots.
In my book, The Revenge of The Real: Politics for a Post-Pandemic World, I consider the origins and doomed future of Agamben’s brand of negative biopolitics. “While Agamben’s own worldview is classically Europeanist, dripping with lurid Heideggerian theology, his influence on the Humanities is much wider and deeper” and so the reckoning due goes well beyond revised syllabi. “The question is how much of the philosophical traditions to which Agamben has been attached over the last decades will also need to be shelved. What then to do with the artifacts of Agamben’s life work? It is a traditionalist, culturalist, locally embedded doctrinal edifice, protecting the ritual meaningfulness of things against the explicit nudity of their reality: like the defiant monologues of a Southern preacher, his sad, solemn theory is undeniably beautiful as a gothic political literature, and should probably be read only as such”
Even so, the reckoning with legacies of his and other related projects is long overdue. His mode of biopolitical critique blithely ventures that science, data, observation and modeling are intrinsically and ultimately forms of domination and games of power relations. Numbers are unjust, words are beautiful. To accept that real, underlying processes of biochemistry are accessible, and generative of both reason and intervention, is presumed naive. It’s a disposition also found in different tones and hues in the work of Hannah Arendt, Michel Foucault, and especially Ivan Illich, who died from a facial tumor he refused to treat as doctors recommended. Even here at University of California, San Diego, a hub of interdisciplinary biotechnology research, many colleagues insist that the “digitalization of Nature” is “an impossible fantasy”, even as they accept an mRNA vaccine based on a prototype bioprinted from a computational model of the virus’ genome uploaded from China before the actual virus even made it to North America.
As I have suggested elsewhere, this orientation is exemplary of the drawn-out influence of Boomer Theory. The baby boomers have tyrannised the Left’s imagination - bequeathing tremendous capacities to deconstruct and critique authority but feeble capacities to construct and compose. Perhaps the ‘68 generation’s last revenge upon those who inherit their messes, is the intellectual axiom that structure is always more suspicious than its dismantling and composition more problematic than resistance, not just as political strategies but as metaphysical norms. Their project was and remains the horizontal multiplication of conditional viewpoints as both means and ends, via the imaginary dismantling of public reason, decision and structuration. This is how they can at once fetishize “the Political” while refusing “governmentality.”
I grew up in this tradition, but the world works very differently than the one imagined by soixante-huitards and their secretaries. I hope that philosophy will not continue to fail those who must create, compose and give enforceable structure to another world than this one.
Agamben’s pandemic outbursts are extreme but also exemplary of this wider failure. Philosophy and the Humanities failed the pandemic because they are bound too tightly to an untenable set of formulas, reflexively suspicious of purposeful quantification, and unable to account for the epidemiological reality of mutual contagion or to articulate an ethics of an immunological commons. Why? Partially because the available language of ethics is monopolized by emphasis on subjective moral intentionality and a self-regarding protagonism for which “I” am the piloting moral agent of outcomes.
The pandemic forced another kind of ethics. The Idealist distinction between zoē and bios as modes of “life” around which Agamben builds his biopolitical critique is a conceit that snaps like a twig in the face of the epidemiological view of society. Why did we wear masks? Because of a sense that our inner thoughts would manifest externally and protect us? Or was it because we recognize ourselves as biological organisms among others capable of harming and being harmed as such?
The difference is profound. As we pass by a stranger, how do the ethics shift from subjective intention of harm or endearment to the objective biological circumstance of contagion? What is then the ethics of being an object? We will find out. But when presented with the need for intensive sensing and modeling in the service of highly granular provision of social services to those in need, many public intellectuals choked, only able to offer hollow truisms about “surveillance”.
At stake is not just some obscure academic quarrel, but rather our ability to articulate what it means to be human, that is to be all together homo sapiens, in connection with all the fraught histories of that question. I argue that we need instead a positive biopolitics based on a new rationality of inclusion, care, transformation and prevention, and we need a philosophy and a humanities to help articulate it.
Fortunately, in many ways we already do. A short and very incomplete list of such might include Sylvia Wynter’s mapping of “who counts” as Human in Colonial Modernity in ways that open the category to reclamation: “We” have been defined by exclusion. It includes those studying the microbiome including the role of microbial life inside of human bodies to keep us alive: The human is already inclusive of the non-human. It includes those studying Anthropogeny and common evolutionary origins of the human species and planetary future: The human is continuous, migratory and changing. It includes those studying experimental Astronautics and the limit conditions of survival in a fragile artificial environment: At thresholds of survivability the human is like a fish discovering water. It includes those studying CRISPR and other re-weaving technologies for genetic therapy: The human can recompose itself at the deepest levels.
The affirmation or negation of what the human is also plays out through what humans can be. This animates the cultural controversies over gender reassignment therapies and techniques. The human is also a contingent, complex and pluralistic assemblage available to self-fashioning so that one may finally feel at home in their own skin. But the general availability of synthetic androgens, estrogens and progesterone draws on Modern laboratory biotechnology that Agamben’s biopolitics sees as invasive and unnatural.
If Philosophy and the Humanities are to claim due legitimacy for present and future challenges, the collective conception of another positive biopolitics –based in the reality of our shared technical and biological circumstances–is absolutely essential.
Toward that, I conclude with another passage from The Revenge of The Real: “A laissez-faire vitalism for which “life will find a way” is not an option; it is a fairy tale of a comfortable class who don’t live with the daily agency of sewage landscapes and exposed corpses…” Instead, “(This positive) biopolitics is inclusive, materialist, restorative, rationalist, based on a demystified image of the human species, anticipating a future different from the one prescribed by many cultural traditions. It accepts the evolutionary entanglement of mammals and viruses. It accepts death as part of life. It therefore accepts the responsibilities of medical knowledge to prevent and mitigate unjust deaths and misery as something quite different from the nativist immunization of one population of people from another. This includes not just rights to individual privacy but also social obligations to participate in an active, planetary biological commons. It is, adamantly, a biopolitics in a positive and projective sense.”
The pandemic is, potentially, a wake-up call that the new normal cannot be just the new old normal. This means a shift in how human societies —which are always planetary in reach and influence— make sense of themselves, model themselves and compose themselves. This is a project that is as philosophical as it is political. Failure is not an option.
#Benjamin_Bratton #Agamben #Heidegger #philosophie #biopolitique #vitalisme #soin #pandémie #masques #covid-19
]]>Une société du tout-immunisé est-elle souhaitable ?
▻https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/une-societe-du-tout-immunise-est-elle-souhaitable
Se protéger oui, mais à quel prix ? Le philosophe italien Roberto Esposito est notre invité à l’occasion de la parution de "Immunitas : protection et négation de la vie" (Seuil, 2021), traduction d’un de ses ouvrages paru en 2002, où il se penche sur le lien entre "communauté" et "immunité". Roberto Esposito est professeur de philosophie auprès de l’ « Istituto italiano di Scienze Umane » à Florence et à Naples. Il est membre du Collège international de philosophie. Parmi ses publications, ont été (...)
##santé
Le pouvoir : formes et logique , Séance 4 du séminaire « Scènes de la division politique », mardi 19 janvier 2021, par Bernard Aspe
▻https://laparoleerrantedemain.org/index.php/2021/02/24/le-pouvoir-formes-et-logique
De la biopolitique à l’économie
Nous cherchons avant tout aujourd’hui à identifier la forme de pouvoir qui est en train de se dessiner, forme nouvelle peut-être, en tout cas nécessairement renouvelée par la situation. Il faudrait parler d’une phase métastable du pouvoir, qui peut donc donner lieu à diverses prises de forme. L’angle qui me paraît judicieux pour tenter d’anticiper ces prises de forme reste celui suggéré par Foucault avec son concept de « biopolitique ».
Les spécialistes ont voulu nous avertir, et nous ont fait croire que, précisément parce qu’il semble que le concept de biopolitique est plus que jamais pertinent, il faut se garder de le mobiliser. Cela leur permet sans doute de continuer à vendre leur camelote éthique ou tout au moins d’assurer la spécificité de leur objet de recherche (tant il est vrai que le discours académique n’a jamais été aussi coincé entre les bons conseils pour la vie d’un côté et la rigueur affichée du discours de la science de l’autre.)
En réalité, s’il y a un auteur qu’il faut relire aujourd’hui, c’est bien Foucault. Je voulais me concentrer sur les deux cours qu’il a donnés au Collège de France à la fin des années 1970, Sécurité, territoire, population (désormais STP) et Naissance de la biopolitique (désormais NB). Ces cours sont essentiels à plusieurs égards, on va le voir, mais ils révèlent aussi les limites de la méthode de Foucault, et plus précisément dans ce qui concerne son rapport au marxisme. Mais le concept de « biopolitique » apparaît quelques années avant, notamment à la fin de La Volonté de savoir (1976). Il est alors pris comme complément de l’anatomo-politique : celle-ci concerne les prises du pouvoir sur les individus, et la biopolitique renvoie avant tout aux prises du pouvoir sur les populations. Deux ans plus tard, dans le cours de 1978, le concept est bien présent, mais il est déjà tenu à distance. Et le cours de 1979, présenté tout d’abord comme une tentative de clarification du concept, va finalement être consacré à la gouvernementalité libérale et au néolibéralisme ; le terme même de « biopolitique » n’y sera presque pas utilisé. Dans les chapitres II et III de La Vie inséparée , Muriel Combes a noté que la biopolitique disparaît au moment où Foucault propose une généalogie du libéralisme entendu comme art de gouverner (voir notamment p. 42 sq. Dans ces chapitres, elle cerne de façon plus détaillée les déplacements qui s’opèrent pour Foucault entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, mais je retiens seulement ce point). Or cette généalogie du libéralisme est précisément entreprise au moment où se rejoue pour Foucault sa confrontation avec le marxisme.
Pour ce qui concerne son rapport au marxisme, on peut dire qu’il est passé d’abord par un moment d’adhésion (années 1950, PCF). Puis il a développé un rapport polémique ( Les Mots et les choses ). Dans les années révolutionnaires, il envisage son travail comme complément à l’analyse de classes. Mais à la fin des années 1970, il s’agit de marquer l’irréductibilité de son champ d’analyse propre au regard du marxisme. Ce qui est à la fois une autre manière de prendre de la distance et une manière de défendre sa singularité d’auteur.
Il y a bien une différence de méthode avec le marxisme, souvent soulignée dans les deux cours (de 1978 et 1979), telle que son approche se réclame d’une pensée des multiplicités, et non de la totalité ; de la stratégie, et non de la dialectique (NB, 44). Mais au-delà de cette différence de méthode, l’articulation à la part de vérité du marxisme, qu’il reconnaît par ailleurs, demeure hésitante.
L’impression rétrospective qui s’en dégage est que le rapport à l’analyse marxiste n’a jamais été réglé. Et on peut juger significatif le fait que c’est après s’être rapproché au maximum du problème de l’articulation de son approche avec le marxisme, c’est-à-dire au moment où il fait la généalogie de l’économie, qu’il se détourne des recherches sur les formes modernes de pouvoir pour élaborer sa problématique de la subjectivation, essentiellement étayée par des textes antiques, au début des années 1980.
Loin de moi l’idée qu’il s’agirait d’un renoncement : les problématiques développées à partir de Du gouvernement des vivants sont tout aussi essentielles, et ne doivent pas être lues comme un délaissement de la question politique. Elles peuvent être lues par exemple comme le développement du magnifique cours du 1 mars 1978 consacré aux « contre-conduites », et à leur articulation avec la gouvernementalité. Mais si Foucault délaisse, de façon tout de même assez spectaculaire, les questionnements relatifs au bio-pouvoir et au libéralisme, c’est qu’il ne parvient pas à sortir d’un embarras relatif à la manière dont son approche spécifique et singulière s’articule à l’analyse du capitalisme (c’est ce que suggère l’analyse proposée dans La vie inséparée). Il faut souligner que l’hésitation concerne au premier plan le concept de « biopolitique ». On peut même dire que la question tant discutée ces temps-ci du bon usage du terme « biopolitique » ne peut être réglée si l’on ne voit pas qu’il est avant tout, dans l’élaboration de Foucault, le révélateur d’une articulation incomplète avec l’analyse marxienne du capitalisme.
C’est l’hésitation même de Foucault qui peut nous autoriser à réinscrire son travail à l’intérieur d’un marxisme renouvelé. En quoi cette articulation n’est-elle pas arbitraire ? Pour le montrer, il nous faut reprendre la manière dont Foucault, en faisant l’analyse du biopouvoir puis de la gouvernementalité libérale, fait aussi, dans le même mouvement, la généalogie de l’économie, et, plus précisément pour ce qui concerne cette séance, de la société envisagée comme son corrélat.
#biopolitique #police #économie #libéralisme #libéralisme_autoritaire #Foucault #Muriel_Combes #Bernard_Aspe
]]>Crise sanitaire : « Le soleil noir de l’exclusion » - Samuel Dock et Roland Gori
▻https://justpaste.it/2ql6d
Le couvre-feu se poursuit, sans fin, nul ne sait quand il cessera d’obscurcir le ciel du pays. Les lieux soutenant le lien social, la culture, le sens irriguant l’existence, demeurent clos, tandis que la détresse croît et les solitudes grandissent. Dans le silence politique qui accompagne ces mesures et consacre notre impuissance, des voix, de plus en plus nombreuses, sur les réseaux sociaux et dans la presse se font entendre. Elles ne réclament pas tant un changement de stratégie du gouvernement ou le retour au débat démocratique, mais le confinement, ou l’autoconfinement, des plus vulnérables.
Les auteurs de ces prises de position ne manquent jamais de pragmatisme et proposent des « solutions » concrètes pour permettre l’isolement des vieux et des faibles pour lesquels ils s’expriment, dans une violence symbolique difficilement acceptable. Face à la crise que nous traversons, certes, l’imagination pourrait tous nous sauver.
Cependant, est-ce faire preuve d’imagination que d’ostraciser toute une frange de la population au profit d’une idéologie ? De vanter les mérites d’une exclusion qui a conduit l’année dernière des milliers de personnes à souffrir et à mourir seules en Ehpad ? Doit-on encore accentuer un peu plus les logiques d’opposition qui saignent notre modernité tardive ?
]]>« Accepter de prendre des risques pour vivre une vie pleine, c’est préférer mourir plutôt que vivre indignement »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/12/qu-est-ce-qui-est-plus-essentiel-que-de-pouvoir-decider-du-moment-de-sa-prop
Accepter de prendre des risques – y compris celui de mourir – pour vivre une vie pleine, conviviale, épanouie, c’est d’une certaine manière préférer mourir plutôt que vivre indignement. C’est donc vouloir la mort plutôt qu’une vie rétrécie. Or ceux qui, en raison des souffrances, des handicaps et de la dépendance que provoquent la vieillesse ou la maladie, choisissent délibérément de mourir, que font-ils d’autre ? Il est incohérent de défendre le choix d’une vie qui inclut la mort d’un côté et de refuser la liberté de choisir celle-ci au terme d’une réflexion approfondie, conduisant à estimer sa vie « accomplie ».
]]>Biopolitique, rationalité scientifique et luttes anti-sanitaires à l’ère du coronavirus - Sortir du capitalisme
▻http://sortirducapitalisme.fr/emissions/321-biopolitique-rationalite-scientifique-et-luttes-anti-sanitai
▻http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/biopolitiquecovid.mp3
Une émission expérimentale d’analyse matérialiste critique des politiques sanitaires étatiques et des contestations anti-sanitaires en contexte épidémique à l’ère du coronavirus – avec Leuh Ki, bon connaisseur de ces questions et membre du collectif Agitations.
L’émission (50 minutes) comporte :
Une analyse critique de la biopolitique capitaliste de l’État français et du darwinisme social et du relativisme sanitaire des contestataires anti-masques ;
Un appel à une biopolitique par en bas, basée sur un doute raisonnable (ni croyance, ni hyper-criticisme) quant aux recommandations issues du consensus relatif des médecins, et sur une volonté d’en finir avec un système capitaliste structurellement producteur de pandémies ;
Une analyse matérialiste critique du rapport des gens (notamment en fonction de leur classe) aux savoirs médicaux (officiels et « alternatifs »), aux autorités médicales (y compris « alternatives ») et aux recommandations sanitaires officielles ;
Une esquisse d’analyse matérialiste des contestations anti-sanitaires en France ;
Une histoire matérialiste des luttes anti-sanitaires et des théories conspirationnistes en contexte épidémique (choléra, Ebola, SIDA), qu’il s’agit d’analyser comme des contestations politiques et sociales (quoique non-émancipatrices) et des théories critiques (bien qu’erronées) et non comme des manifestations d’irrationalité ; (...)
]]>UN warns of impact of smart borders on refugees: ‘Data collection isn’t apolitical’
Special rapporteur on racism and xenophobia believes there is a misconception that biosurveillance technology is without bias
Robotic lie detector tests at European airports, eye scans for refugees and voice-imprinting software for use in asylum applications are among new technologies flagged as “troubling” in a UN report.
The UN’s special rapporteur on racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance, Prof Tendayi Achiume, said digital technologies can be unfair and regularly breach human rights. In her new report, she has called for a moratorium on the use of certain surveillance technologies.
Achiume, who is from Zambia, told the Guardian she was concerned about the rights of displaced people being compromised. She said there was a misconception that such technologies, often considered “a humane” option in border enforcement, are without bias.
“One of the key messages of the report is that we have to be paying very close attention to the disparate impact of this technology and not just assuming that because it’s technology, it’s going to be fair or be neutral or objective in some way.”
She cited the example of pushback against Donald Trump’s effort to build a wall between the US and Mexico. “You see that there isn’t a similar sense of outrage when digital technologies are deployed to serve the same function … if you actually look at some of the statistics, and if you look at some of the research, which I cite in my report, it turns out that border deaths have increased in places where smart borders have been implemented.”
She also raised concerns about the ways in which humanitarian agencies are engaging with surveillance. The report notes that in Afghanistan, the UN refugee agency (UNHCR) requires returning refugees to undergo iris registration as a prerequisite for receiving assistance.
While the UNHCR has justified the use of this technology as a way to prevent fraud, “the impact of processing such sensitive data can be grave when systems are flawed or abused”, the report said.
Last year the UN’s World Food Programme partnered with Palantir Technologies, a data mining company, on a $45m (£34m) contract, sharing the data of 92 million aid recipients.
“Data collection is not an apolitical exercise,” notes Achiume’s report, “especially when powerful global north actors collect information on vulnerable populations with no regulated methods of oversights and accountability.”
Covid-19 has also accelerated “biosurveillance” – focused on tracking people’s movements and health. Biosurveillance has everyday uses, such as the “track and trace” app in the UK, but there are concerns about the regulation of large-scale data harvested from populations.
One example is the “Covi-Pass”, a health passport developed by Mastercard and Gavi, a private-public health alliance, that is reportedly due to be rolled out across west Africa. The UN report highlighted the implications of such passports for freedom of movement, “especially for refugees”.
Petra Molnar from the Refugee Law Lab in Toronto said it was clear that the pandemic was increasing digital rights violations. “State responses to the pandemic are exacerbating the turn towards biosurveillance, with refugees and people on the move acting as communities on which to test various interventions and fast-track tech development,” she said.
Molnar, who contributed to the UN rapporteur’s report, has noted the dehumanising impact of some technologies on displaced people in her own research. One asylum seeker she spoke to in Belgium said the amount of personal data he’d given up made him feel, “like a piece of meat without a life, just fingerprints and eye scans”.
“Our conversations with refugees and people crossing borders show how little attention is being paid to the lived experiences of people who are at the sharp edges of these high-risk technological experiments,” said Molnar.
The intersection of technology and human rights violations were highlighted in a recent investigation into the European border agency Frontex, which allegedly witnessed pushbacks of migrants in the Aegean Sea via some of its assets, including drones.
Konstantinos Kakavoulis from Homo Digitalis, a Greek organisation focused on digital rights, said technologies often outpaced the legal framework.
“There is no clear regulation for the use of drones or body-worn cameras by the Greek police,” he said. “The police have signed a contract for the provision of a facial recognition software with Intracom Telecom, a Greek company, without receiving the opinion of the Greek data protection authority.”
He added: “Apart from the insufficiency of legal safeguards, we also lack transparency; and this is not only remarkable, but highly problematic.”
Achiume said that until the impact of surveillance technologies on human rights could be understood, use of such technologies should be halted. “Until we can understand and mitigate those harms, there should just be a moratorium on them.”
▻https://www.theguardian.com/global-development/2020/nov/11/un-warns-of-impact-of-smart-borders-on-refugees-data-collection-isnt-ap
#frontières #smart_borders #frontières_intelligentes #réfugiés #asile #migrations #technologie #politique #biopolitique #technologies_digitales #droits_fondamentau #droits_humains #surveillance #contrôles_frontaliers #neutralité #Palantir_Technologies #données #biosurveillance #Covi-Pass #Mastercard #Gavi #complexe_militaro-industriel #covid-19 #coronavirus #reconnaissance_faciale #Intracom_Telecom
ping @karine4 @isskein @etraces @thomas_lacroix
Le vrai nom du « second confinement »
▻https://lundi.am/Le-vrai-nom-du-second-confinement
Le terme de « confinement » ne contribue en rien à décrire la situation qui est la nôtre depuis quelques jours ; il en alimente plutôt la confusion. En mettant en avant, comme un chiffon rouge, l’aspect sanitaire, ce terme est engagé, qu’on le veuille ou non, dans une stratégie de légitimation et de banalisation des manœuvres en cours qui nous empêche d’en penser les multiples strates et les conséquences que nous savons déjà durables. Il y a une épidémie, certes ; mais il y a surtout une multitude de manières d’y répondre ! et ce sont ces choix politiques qu’il est d’autant plus crucial de percevoir nettement qu’on essaye de les mettre sur le compte de la nécessité. A moins de cela, la politique sera toujours quelque chose que l’on subit, que l’on nous fait , et jamais une prise et un levier que l’on a en main. Et vus les temps qui courent à leur perte, on sera fait , tout simplement, comme des rats.
Pour nommer cette situation où personne n’est confiné, mais où tout le monde est soumis à un principe de raisons suffisantes – dont la liste variable est édictée régulièrement par l’État – pour sortir de chez soi, où la circulation n’est pas tellement entravée mais doublée en continu de son motif crédible, de son attestation, il me semble que le nom d’« arraisonnement » est parfaitement adéquat. Il désigne précisément cela : une mise à la raison , le fait de n’avoir droit à l’existence qu’à mesure qu’on est capable de rendre des comptes, de donner ses raisons. « Vous n’avez rien à faire ici » – c’est la première phrase que j’entends aujourd’hui lors d’un contrôle au carrefour de Belleville.
Arraisonnement est un vieux terme de marine, et il a tout d’abord été forgé dans des contextes sanitaires. Est arraisonné un navire que l’on suspecte d’être porteur d’une maladie : avant de le laisser entrer dans un port, on examine son équipage et sa cargaison, lesquels doivent rendre compte de leur caractère sain. Le médecin qui arraisonne le bateau lui fournit alors une attestation qui lui permet de circuler jusqu’aux dépôts, mais si un doute subsiste, si toutes les raisons d’être rassuré n’ont pas été données, alors le navire n’a pas le droit d’entrer au port (et c’est là qu’il est proprement confiné , mis en quinzaine ou en quarantaine). La seule différence avec notre situation, c’est que, pour nous, le moment du contrôle coïncide avec celui de la circulation : à tout moment un agent peut nous sommer de donner nos raisons d’être là. Comme à l’intérieur du carré de la gare Saint-Lazare, la pression des raisons se fait constante, courbe les dos, presse les pas, corrige les attitudes, édicte les suspicions.
[...]Cette situation d’arraisonnement n’est pas liée à une « seconde vague », terme qui laisse croire que la fin de l’année apporterait du meilleur. L’arraisonnement étant sanitairement assez nul, il risque de s’inscrire dans un temps beaucoup plus long, de tassement relatif des courbes plus que de retombée.
[...] Aux conséquences économiques de tout cela, qu’on annonçait déjà colossales après le printemps dernier, et qui serviront de portée inattaquable à la musique d’enterrement de l’austérité, vont s’ajouter les premières conséquences économiquement non négligeables et croissantes du réchauffement climatique.
#arraisonnement #confinement #covid-19 #rat_race #politique #contrôle #biopolitique #état_d'exception #cybernétique
]]>De la « responsabilité individuelle » (article du 26 juin dernier)
Face à la crise sanitaire, qui sont les irresponsables ?
▻https://www.telerama.fr/idees/face-a-la-crise-sanitaire-qui-sont-les-irresponsables-6642610.php
Face à la crise sanitaire, qui sont les irresponsables ?
Romain Jeanticou,
Publié le 26/06/20
Faire les bons gestes face au changement climatique, ne pas se relâcher face au virus… Le gouvernement ne cesse d’en appeler à la responsabilité individuelle. Pour mieux se dédouaner ?
Des soignants appelés « à faire des sacrifices » (Emmanuel Macron, le 12 mars). Des patients hospitalisés accusés d’être « ceux qui n’ont pas respecté le confinement » (le préfet Didier Lallement, le 3 avril). Un déconfinement possible selon « le comportement des Français » (le ministre Olivier Véran, le 13 avril). Des vacances d’été corrélées aux « efforts des uns et des autres » (le secrétaire d’État Baptiste Lemoyne, le 1er mai)... Depuis plus de deux mois, la notion de responsabilité individuelle, brandie tantôt comme un devoir, tantôt comme une menace, joue un rôle considérable dans la gestion politique de la crise. Jusqu’à parfois laisser croire que la fin de l’épidémie ne dépend que de nous.
Dans un premier temps, le gouvernement avait tâché de rassurer la population en l’incitant à poursuivre normalement ses activités. En mars, il a finalement fait appel aux changements d’attitudes des uns et des autres pour limiter la propagation du virus. « La panoplie du dispositif d’individualisation des responsabilités a été déployé, remarque le sociologue Jean-Baptiste Comby. D’abord par l’information pédagogique – spots, interventions télévisées –, puis par un arsenal coercitif – contrôles policiers, amendes. »
Cette rhétorique des « bons gestes » à adopter, nécessaire dans l’urgence, le sociologue la connaît bien : dans son livre La Question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public, il a étudié comment elle faisait peser le poids de la crise environnementale sur les citoyens. Jean-Baptiste Comby lui trouve les mêmes travers dans la crise sanitaire : « Il y a cette idée qu’il suffit de passer le message pour que les gens adoptent tous facilement les bons comportements, sans tenir compte du fait qu’ils ne sont pas tous exposés au message de la même manière, qu’ils le reçoivent différemment et qu’ils ne sont pas tous égaux pour l’appliquer. »
Attendre de chacun qu’il réagisse comme les autres à une injonction, cela revient à considérer que les citoyens ont tous la même condition sociale, économique, culturelle. Des individus comme séparés de la société – une fiction, pour les sciences sociales. Prolongeant les travaux d’Émile Durkheim, le sociologue Jean-Claude Kaufmann a montré comment la liberté de vivre sa vie comme on l’entend, qui va de pair avec l’individualisation de nos sociétés contemporaines, s’articule nécessairement avec les différentes contraintes, restrictions et déterminismes sociaux qui nous entourent. On vit surtout sa vie… comme on le peut. Chacun ne peut agir qu’en fonction de ses capacités et comme tous les choix ne sont pas possibles pour tous, l’individu se retrouve personnellement mis en cause pour ses écarts de conduite.
Un hiatus qu’analysait déjà Michel Foucault à la fin des années 70, dans son cours Naissance de la biopolitique : les savoirs médicaux, estimait-il, responsabilisent le patient au point parfois de lui reprocher ses mauvaises pratiques, sans tenir compte de son cadre social. Pourtant, se responsabiliser est aussi une question de moyens : tout le monde, selon son travail, son logement, sa situation familiale ou sa santé, n’a pas pu se confiner parfaitement. De la même manière que tout le monde ne peut avoir une alimentation équilibrée. Le sociologue Robert Castel parlait d’une « société duale », partagée entre ceux qui comprennent l’utilité de se protéger et sont en capacité de le faire, et les autres, fragilisés par cette exigence de responsabilisation.
Ainsi, on a largement montré du doigt celles et ceux qui avaient fait des stocks de courses, prenaient l’air durant le confinement ou avaient quitté les grandes villes. « Derrière les comportements, il existe toujours des raisons d’agir et des calculs déterminant l’attitude à adopter, rétorque le sociologue Denis Colombi. Puisqu’on ne peut pas sortir autant que l’on veut, achetons plus que d’habitude. Derrière les sorties, il y a souvent la difficulté d’être enfermé avec des enfants dont il faut s’occuper. Dans les départs des grandes villes, il y a aussi le choix d’être près de ses proches, peut-être fragiles, ou de quitter un logement précaire. Il faut rappeler que ces décisions ont été prises dans un flou assez fort : le discours gouvernemental fut d’abord rassurant, minimisant la menace avant de prendre des mesures très strictes. On ne peut pas juger ces comportements individuels sans mettre en question la gestion de l’épidémie. »
Sociologue et directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Denis Salles cite son homologue belge Guy Bajoit : « Les contraintes ne sont supportables et efficaces que si elles ont un sens légitime aux yeux des individus. Pourquoi ouvrir les commerces et pas les plages ? Les gouvernements ont à donner du sens à ces décisions pour les faire respecter, plutôt que d’utiliser la sanction. »
Brandir la responsabilité à tout bout de champ, estime-t-il, c’est donner l’idée que l’on a entre nos mains la possibilité de résoudre le problème tout en faisant planer une menace si on ne le fait pas. « Vous êtes à la fois maître d’une solution et coupable. » Ce processus fait peser la responsabilité de l’issue de la crise sur les individus et stigmatise les comportements égoïstes tout en valorisant les comportements vertueux, poursuit le directeur de recherche de l’Inrae. Poussé à outrance par le néolibéralisme, ce système de pensée crée des irresponsables d’un côté et des héros de l’autre, par exemple les soignants qui font leur travail quotidien. »
Cette notion est au cœur de la gouvernance néolibérale. L’avènement du néolibéralisme a été marqué par un transfert de responsabilités propres à l’État-providence – éducation, santé, sécurité, travail… – vers les individus et le secteur privé. Pour autant, observe la philosophe Émilie Hache (1), « le retrait apparent de l’État marque en réalité un interventionnisme encore plus fort mais déplacé » . Fini le rapport de dépendance, mais à l’inverse un système qui exige des individus qu’ils s’autonomisent et se responsabilisent.
Dans le domaine de l’environnement comme dans celui de la santé, ajoute le sociologue Denis Salles, « l’invocation de la responsabilité semble être devenue une réponse systématique des sociétés modernes dans des situations de risques et d’incertitude qu’elles ont elles-mêmes engendrées » . Le chercheur a notamment étudié comment les politiques font de plus en plus appel au changement de pratiques individuelles, pour réguler les problèmes collectifs climatiques : consommer autrement, se déplacer autrement… Les fameux « bons gestes » .
« L’idée est de faire assumer à chacun les conséquences de ses choix. » Désigné « entrepreneur de lui-même » , selon l’expression de Foucault, l’individu devient ainsi le premier responsable de sa trajectoire de vie, sur le plan professionnel ou économique. C’est cette idée qui sous-tendait l’injonction d’Emmanuel Macron à « traverser la rue » pour trouver un emploi, ou ses regrets devant le fait que « les gens ne s’en sortent pas » malgré le « pognon de dingue » mis dans les minima sociaux. De la même manière, l’individu serait aussi responsable de l’évolution de la crise climatique ou de celle du coronavirus.
Bien sûr, il ne s’agit pas de nous décharger de toute responsabilité – pas question d’abandonner le recyclage de nos déchets ou le port du masque –, mais de rappeler que l’individu ne peut pas tout et que la responsabilité collective ne se fait pas à parts égales. Ainsi, cent multinationales produisent à elles seules 71 % des émissions planétaires de CO2 depuis 1988. « La responsabilisation dépend des responsabilités que l’on a », soulignait le philosophe Cornelius Castoriadis.
Comment espérer contenir le changement climatique en s’intéressant davantage à nos gestes quotidiens qu’à notre modèle économique ? En analysant la couverture médiatique des questions environnementales, le sociologue Jean-Baptiste Comby s’est pourtant aperçu que l’accent était mis sur les conséquences du changement climatique et non sur ses causes. « Très majoritairement, les reportages incitent les citoyens à changer leurs comportements, relayant à leur manière la politique de l’État. On tient un discours de morale individuelle qui évacue la question de savoir quelles décisions politiques et mécanismes économiques sont à l’origine d’activités polluantes. »
La focalisation actuelle sur les attitudes « irresponsables » des uns et des autres, dans les discours de nos représentants, dans les journaux télévisés ou dans les conversations de palier est-elle le signe que nous portons le même regard dépolitisé sur la crise sanitaire ? Parlons-nous davantage des règles de confinement et des gestes barrières que de la gestion des hôpitaux et de notre autonomie sanitaire ?
Le processus politique de responsabilisation a atteint ses limites
« Toute une partie de la population tient pour responsables le gouvernement et ses prédécesseurs pour leurs décisions et leurs incohérences, répond Jean-Baptiste Comby. Au point que des actions en justice ont déjà été introduites. La mise en accusation est bien plus forte et rapide que pour le climat. » Un constat partagé par Denis Salles, qui voit dans l’individualisation des responsabilités « une manière de se dédouaner de ses erreurs » mais ne croit pas pour autant que « la responsabilité politique dans cette crise sanitaire s’efface derrière la responsabilité des citoyens » .
C’est la preuve, selon Jean-Baptiste Comby, que le processus politique de responsabilisation a atteint ses limites. « Cette crise arrive alors que s’intensifie la contestation du pouvoir, ce qui empêche une union nationale comme on a pu la connaître après des attentats. Dans ce climat anxiogène, la responsabilisation individuelle à outrance pourrait accentuer les crispations entre les uns et les autres en fonction de leurs attitudes. »
Pour l’éviter, la philosophe Émilie Hache appelle à une « conception positive de la responsabilité morale », qui soit libératrice pour les individus. C’est ce que la philosophe féministe belge Isabelle Stengers appelle empowerment : le processus par lequel « chacun des membres d’un collectif acquiert, grâce aux autres et avec les autres, une capacité propre de penser, de sentir, de décider qu’il n’avait pas individuellement » . Une « responsabilité solidaire » , conclut le directeur de recherche de l’Inrae Denis Salles. « Dans un monde où existent à la fois toujours plus de science et toujours plus d’incertitude, lorsque l’on ne sait pas, mieux vaut chercher des solutions collectivement et les assumer collectivement. Étendre le périmètre de résolution du problème au-delà de l’individu, mais aussi au-delà des autorités. »
]]>#Covid-19 et #capitalisme : le triomphe de la #biopolitique ? – CONTRETEMPS
▻https://www.contretemps.eu/coronavirus-capitalisme-biopolitique-foucault-agamben-esposito-marxisme
La pandémie de Covid-19 débutée en 2019 constitue un événement total parce qu’elle incarne, à une échelle mondiale inédite, l’emboîtement de toutes les crises en cours et l’absence de toute issue prévisible à l’emballement catastrophique auquel nous assistons. Suscitant l’analyse et le pronostic, invitant à penser les ruptures à une époque qui les avait bannies de son horizon, la situation a, entre autres effets collatéraux, provoqué la prolifération frappante de la thématique biopolitique, qui s’était développée sur le terrain de la philosophie critique contemporaine au cours des dernières décennies. Les causes de ce succès sont multiples : en raison de son caractère savant autant que suggestif, de son extension indéfinie et de ses connotations futuristes, de son parfum critique et, bien sûr, d’une ascendance foucaldienne devenue critère de vraie radicalité, le terme semble le plus adéquat, sinon pour analyser les causes de la situation, du moins pour énoncer l’ampleur de ses enjeux.
]]>Le « style tardif » de la #biopolitique. #Pandémie et #sélection – CONTRETEMPS
▻https://www.contretemps.eu/biopolitique-pandemie-covid-selection-brossat
Mais il n’en est pas moins, dans les conditions où il demande au malade de rester chez lui ou, au contraire, l’encourage à se rendre à l’hôpital, l’agent d’une décision (d’un partage) où sont en jeu des questions de vie et de mort – où il statue sur le partage entre ceux que l’institution (l’hôpital comme figure de l’État ayant en charge la santé des sujets formant une population donnée, ici) prend en charge pour tenter de les faire vivre en dépit de la pandémie, de sauver et, à l’inverse, ceux qu’elle abandonne à leur destin (« surveillez votre température et, en cas de problèmes respiratoires, appelez votre médecin traitant »). Ce geste est bien celui d’une sélection puisque le médecin urgentiste va être conduit à ouvrir ou fermer les portes des unités de soin dédiées au covid en prenant en compte, outre les symptômes décrits, le profil général de la personne – les personnes âgées sont régulièrement invitées à rester chez elles, les pensionnaires des EHPAD y sont le plus souvent consignés.
Il n’est donc pas exagéré, dès lors que sont en jeu des questions de vie et de #mort, de parler de fracture, un partage placé sous le régime du terrible et dont l’objet est la prise en charge du vivant par le pouvoir médical, la puissance étatique plus généralement.
Ce partage sans appel n’est pas sans rappeler, quand même, dans la mesure précisément où le terrible en est le régime, la façon dont les pouvoirs traditionnels statuent sur la vie et la mort des sujets qui leur sont soumis, le droit du glaive, l’association indissoluble entre l’exercice du pouvoir et la mort – l’inscription de cet exercice dans un horizon de mort[4]. Le médecin des urgences qui assigne le patient infecté et en danger de mort à résidence, chez lui, sans accès aux soins, c’est quand même un peu la figure grise, sinistre, d’une souveraineté imprésentable qui, ici, tranche dans le corps commun non pas en faisant mourir, en faisant couler le sang, mais en pratiquant une sorte d’abandon actif, en laissant mourir par absence de soins.
Ce geste dont la signification ne cesse, dans l’après-coup, de faire l’objet de tout un travail de camouflage et de maquillage, on le retrouve, sous une forme à peine moins brutale, dans l’opération du partage, au fort de l’épidémie, entre ceux-celles que les pouvoirs publics considèrent comme exposables envers et contre tout (ceux qui sont astreints à continuer à travailler, souvent sans protection, souvent en fonction de considérations où l’intérêt économique l’emporte sur celui de la vie commune, par opposition à ceux qui sont placés sous un régime général de retrait et de protection – celui du confinement.
Dans les deux figures du partage ici évoquées, tout semble bien se passer comme si la fracture biopolitique n’était pas seulement ce qui survient au gré de circonstances catastrophiques imprévues, mais plutôt comme un inavouable principe dynamique de la prise en charge du vivant par les gouvernants dans nos sociétés. La production du geste du partage entre la fraction de la population dont le « droit à la vie » sera, envers et contre les circonstances désastreuses de l’épidémie, défendu et celle qui est abandonnée à son destin peut être interprétée de deux façons : en première approche, comme l’effet inopiné de la catastrophe face à laquelle l’autorité manifeste son incurie, débordée par les circonstances d’un fléau « trop grand pour elle », à la hauteur duquel elle échoue piteusement de se tenir. Mais le lecteur attentif de Foucault, notamment du chapitre V de La volonté de savoir, « Droit de mort et pouvoir sur la vie », sera porté à ausculter d’un peu plus près cette vérité se présentant comme factuelle. Certes, remarque Foucault, la relation du pouvoir à la mort se transforme profondément avec l’avènement des pouvoirs modernes. Ceux-ci ne mettent pas en jeu le droit de vie et de mort comme le fait, traditionnellement, le pouvoir souverain – droit de « faire mourir ou de laisser vivre ». En effet, explicite Foucault, sous un régime de pouvoir moderne, il s’agit de
produire des forces, les faire croître, les ordonner plutôt que […] les barrer, les faire plier ou les détruire. Le droit de mort tendra dès lors à se déplacer ou du moins à prendre appui sur les exigences d’un pouvoir qui gère la vie et à s’ordonner sur ce qu’elles réclament[5].
]]>« Il faut s’adapter » - Barbara Stiegler
▻http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/Il-faut-s-adapter
D’où vient ce sentiment diffus, de plus en plus oppressant et de mieux en mieux partagé, d’un retard généralisé, lui-même renforcé par l’injonction permanente à s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe ? Comment expliquer cette colonisation progressive du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l’évolution ? La généalogie de cet impératif nous conduit dans les années 1930 aux sources d’une pensée politique, puissante et structurée, qui propose un récit très articulé sur (...)
#technologisme #domination #GigEconomy #lutte #travail #biopolitique
]]>Black Lives Matter protesters aren’t being tracked with Covid-19 surveillance tech. Not yet
▻https://thecorrespondent.com/507/black-lives-matter-protesters-arent-being-tracked-with-covid-19-surveillance-tech-not-yet/569187644025-767f5154
A video posted on Twitter sparked fears that Black Lives Matter protesters could be tracked down using Covid-19 contact-tracing technology. It’s a false alarm on this occasion, but without clear protections in place, the question is ‘when’ not ‘if’ our data is misused. Like many of the people who watched Minnesota Public Safety Commissioner John Harrington talk about how the city had begun analysing the data of people arrested at a Black Lives Matter protest and heard him say, “It’s contact (...)
#santé #publicité #lutte #COVID-19 #métadonnées #technologisme #racisme #migration #géolocalisation #biopolitique #contactTracing #smartphone #Bluetooth #AarogyaSetu_ #algorithme #NHS #BlackLivesMatter #BigData #surveillance # (...)
##santé ##publicité ##_ ##OpenRightsGroup
We were told technology would end Covid-19 lockdowns, but the truth is there’s no app for that
▻https://thecorrespondent.com/502/we-were-told-technology-would-end-covid-19-lockdowns-but-the-truth-is-theres-no-app-for-that/65780040876-d961f342
In many countries, contact-tracing apps were presented as a precondition to end lockdowns. But our Track(ed) Together investigation reveals that many countries are struggling with the technology, turning instead to less high-tech solutions. Sam Aldridge was sceptical when she first heard about Australia’s contact-tracing app. The 30-year-old, who works at a design studio in the country’s second city Melbourne, was wary of her government’s track record of data breaches and concerned about how (...)
#Apple #Google #Amazon #AmazonWebServices-AWS #AarogyaSetu_ #Android #Bluetooth #COVIDSafe_ #iPhone #QRcode #smartphone #TraceTogether #biopolitique #contactTracing #technologisme #consentement #métadonnées #BigData #COVID-19 #santé (...)
]]>Een snelle uitweg uit de lockdown ? Niet met een app
▻https://decorrespondent.nl/11291/een-snelle-uitweg-uit-de-lockdown-niet-met-een-app/5881817807250-64b9fcf8
Het ene land na het andere land beloofde dit voorjaar een app om coronabesmettingen op te sporen. Maar in de praktijk schiet de technologie nog tekort. Daarom, terug van weggeweest : het vertrouwde, handmatige contactonderzoek. Toen Sam Aldridge voor het eerst hoorde over een app die nagaat met wie je allemaal in contact bent geweest, was ze sceptisch. De 30-jarige vrouw, die bij een ontwerpstudio in Melbourne werkt, de tweede stad van Australië, kende de slechte reputatie van de regering (...)
#Apple #Google #Amazon #AmazonWebServices-AWS #AarogyaSetu_ #Android #Bluetooth #COVIDSafe_ #iPhone #QRcode #smartphone #TraceTogether #BigData #biopolitique #consentement #contactTracing #COVID-19 #métadonnées #technologisme (...)
##santé
Peur sur la ville : le marché des « safe cities »
▻https://theconversation.com/peur-sur-la-ville-le-marche-des-safe-cities-138313
À Nice, Marseille, Saint-Étienne ou encore Valenciennes, se développent des projets de « safe city », pendant sécuritaire de la « smart city ». Ce terme désigne des dispositifs numériques destinés à lutter contre les dangers de l’espace urbain : vidéosurveillance « intelligente », où l’analyse d’image s’appuie sur des algorithmes de détection de mouvements de foule, de violences, d’intrusion ; des plates-formes dites d’hypervision, comme à Dijon, permettant de gérer ensemble différents services municipaux dont (...)
#Engie #Atos #Gemalto #Ring #Thalès #Airbnb #Amazon #Uber #algorithme #CCTV #smartphone #SmartCity #sonnette #biométrie #biopolitique #police #facial #métadonnées #reconnaissance #vidéo-surveillance #violence #BigData #mouvement #surveillance (...)
]]>Crise du coronavirus : « La surveillance généralisée fait partie d’une logique de fabrication de vérité »
▻https://www.marianne.net/societe/crise-du-coronavirus-la-surveillance-generalisee-fait-partie-d-une-logique
Professeur de philosophie politique à l’université de Columbia, spécialiste de renom du philosophe Michel Foucault et auteur de « La Société d’exposition » (Le Seuil, 2020), Bernard E. Harcourt défend la pertinence des grilles d’analyse foucauldiennes pour décrypter la crise sanitaire. Marianne : L’œuvre de Michel Foucault comporte plusieurs concepts qui trouvent un remarquable écho dans la crise actuelle et la manière dont elle est gérée : on pense à la « biopolitique », à l’enfermement, à la discipline, (...)
#algorithme #smartphone #biopolitique #contactTracing #manipulation #technologisme #consentement #COVID-19 #GAFAM #panopticon #santé (...)
##santé ##surveillance
Le surplus de subsistance |Bruno Latour, Revue Esprit
▻https://esprit.presse.fr/actualites/bruno-latour/le-surplus-de-subsistance-42765
Tout change s’il s’agit, non pas de maintenir ou d’accélérer la production pour avoir plus à redistribuer et le faire plus équitablement, mais d’assurer le maintien des conditions de subsistance de tous les participants nécessaires à l’habitabilité des humains.
La crise sanitaire actuelle est d’une telle dimension qu’elle commence à donner une petite idée des crises à venir imposées par la mutation climatique1. Il y a de nombreuses manières d’aborder les liens entre ces deux événements majeurs, mais c’est aux rapports entre ce qu’exigent les gouvernements et ce que les sociétés considèrent comme acceptable que je voudrais m’intéresser ici. Il me semble qu’il faut aviver le contraste entre l’autorité dont dispose l’État pour imposer des mesures concernant la santé, au sens traditionnel du terme, et celle dont il disposerait s’il en venait à nous imposer des mesures drastiques pour notre santé, au sens élargi qu’impose l’écologie. La Covid-19 ne teste pas l’administration de la même façon que la mutation climatique – plus ancienne, plus massive, plus radicale. Si l’on a accepté pour un temps de multiplier les « gestes barrières » à la contagion d’un virus, je ne suis pas sûr que l’on soit prêt à accepter du même État l’imposition de gestes barrières pour favoriser la santé de la planète !
De la biopolitique un à la biopolitique deux
La probabilité pour que la crise sanitaire serve de répétition ou de « crash test » pour la mutation écologique paraît faible quand on compare les relations qu’entretiennent la société civile et l’administration – pour reprendre provisoirement des catégories trop générales. Quand il s’agit de santé et de protection de la vie, on bénéficie de plusieurs siècles derrière nous au cours desquels la société civile a pris l’habitude de s’en remettre à l’État et, en gros, malgré d’innombrables critiques, à lui faire confiance. D’ailleurs, sans l’État, sans l’appareil statistique, sans les capacités de mobilisation des ministères, sans la police ou même parfois sans l’armée, les populations ne sauraient pas comment se comporter devant une menace dont elles ne verraient même pas clairement les effets. Pour cette crise-là, et parce qu’il s’agit de maladie, le public accepte donc ce rapport relativement infantilisant de se trouver littéralement « dans la main de l’État ». La raison en est que la légitimité de son action s’est construite depuis très longtemps (depuis l’hygiène au XIXe siècle, la mise en place des vaccinations, etc.) et que la société civile a transféré ses connaissances et ses compétences à l’administration. D’où la docilité très relative avec laquelle le confinement a été accepté. On s’est retrouvée dans la biopolitique décrite par Michel Foucault avec un rapport plus ou moins filial à l’État pasteur qui gère, soigne et dirige ses « brebis »… (N’appelle-t-on pas, en Allemagne, Madame Merkel « Mutti » pour souligner ce rapport filial et presque maternel avec son administration ?)
La situation est entièrement différente avec les questions dites écologiques. Là, c’est l’administration qui est souvent considérée comme un obstacle aux efforts encore timides de la société civile pour imaginer ce que peut vouloir dire une alternative écologique aux sociétés industrielles du passé. Il n’est pas question ici de volonté générale partagée entre l’administration et le public, puisque ni le public ni l’État ne partagent des conceptions communes sur ce qu’il convient de faire. Dans ce cas-là, le décalage est parfaitement clair entre une administration qui a su accompagner, après-guerre, la reconstruction, puis l’effort de modernisation ( ce qu’on a fort indûment appelé les « Trente Glorieuses »2), mais qui, déjà à partir des années 1980, a eu toutes les peines du monde à se situer dans l’immense mouvement de la globalisation où elle ne savait pas s’il fallait l’accélérer ou le ralentir3. Voilà un cas typique où le logiciel actuel de l’administration est en décalage avec la nouvelle tâche d’exploration nécessaire pour faire face à la mutation écologique. Par conséquent, chaque décision de l’État se trouve en conflit radical ou partiel avec les nécessités de la transition. Pour ces questions nouvelles, l’administration ne peut donc en aucun cas jouer le rôle de gestion paternelle et donner des directions fiables à ses « brebis »…
#crise_sanitaire #écologie #subsistance #biopolitique #État #Bruno_Latour (...)
]]>La vie n’est pas donnée | Antoinette Rouvroy
▻https://www.academia.edu/31846143/La_vie_nest_pas_donn%C3%A9e?auto=download
La vie n’est pas donnée. Antoinette Rouvroy « La vie, c’est l’excès permanent de la vie. La vie - ce qui ne peut jamais être organisé jusqu’au bout : la désorganisation de la vie » (Boyan Manchev, La métamorphose et l’instant. Désorganisation de la vie, La Phocide, 2009.) Comme l’écrit Frédéric Neyrat, les deux maux principaux dont meurent les sociétés aujourd’hui sont « la croyance en l’indemne, qui nous permet de tout détruire » et « la programmation des conduites, qui empêche d’exister » (1). (...)
#algorithme #biopolitique #criminalité #technologisme #domination #prédiction #BigData (...)
##criminalité ##profiling
India was already a surveillance state. Its Covid-19 app goes even further
▻https://www.codastory.com/authoritarian-tech/india-coronavirus-surveillance
Concerns about the government’s new contact-tracing software stretch back more than a decade, to its controversial biometric data scheme Critics warn that India’s new national contact tracing app, downloaded by over 100 million people, is just the latest move in the country’s drive to establish an increasingly draconian surveillance state. Prime Minister Narendra Modi’s government launched the app, named Aarogya Setu — Hindi for “Bridge to Healthcare” — on April 2. The app is designed to (...)
#algorithme #AarogyaSetu_ #Bluetooth #smartphone #biométrie #biopolitique #contactTracing #consentement #Aadhaar #BigData #COVID-19 #hacking #DataBrokers #pauvreté #santé #surveillance (...)
]]>Félix Tréguer : « Je veux partager l’énergie des expériences de résistance à travers l’histoire » - Mouvement UP
▻https://www.mouvement-up.fr/articles/felix-treguer-je-veux-partager-lenergie-des-experiences-de-resistance-a
Félix Tréguer est chercheur associé au Centre Internet et société du CNRS et membre fondateur de la Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés sur Internet. Son premier essai, L’utopie déchue, témoigne des espoirs et dérives que suscitent les nouvelles technologies informatiques, et fait écho au débat en cours sur l’utilisation des données personnelles face au coronavirus.
#biopolitique #contactTracing #éthique #technologisme #domination #BigData #COVID-19 #lutte #santé #surveillance #LaQuadratureduNet
##santé
]]>Contextualizing Coronavirus Geographically
Contextualizing Coronavirus Geographically
Knowing Birds and Viruses – from Biopolitics to Cosmopolitics (Pages: 192-213)
Mapping microbial stories: Creative microbial aesthetic and cross‐disciplinary intervention in understanding nurses’ infection prevention practices
Biosecurity and the topologies of infected life: from borderlines to borderlands
Mapping careful epidemiology: Spatialities, materialities, and subjectivities in the management of animal disease
The tactile topologies of Contagion
The spatial anatomy of an epidemic: #influenza in London and the county boroughs of England and Wales, 1918–1919
The tyranny of empty shelves: Scarcity and the political manufacture of antiretroviral stock‐outs in South Kivu, the Democratic Republic of the Congo
The strange geography of health inequalities
Maintaining the sanitary border: air transport liberalisation and health security practices at UK regional airports
For the sake of the child: The economization of reproduction in the #Zika public health emergency
The avian flu: some lessons learned from the 2003 #SARS outbreak in Toronto
Airline networks and the international diffusion of severe acute respiratory syndrome (SARS)
Indeterminacy in‐decisions – science, policy and politics in the BSE (#Bovine_Spongiform_Encephalopathy) crisis
Biosecure citizenship: politicising symbiotic associations and the construction of biological threat
The Spatial Dynamics of Epidemic Diseases in War and Peace: #Cuba and the Insurrection against Spain, 1895–98
Pandemic cities: biopolitical effects of changing infection control in post‐SARS #Hong_Kong
Biosecurity and the international response to HIV/AIDS: governmentality, globalisation and security
Portable sequencing, genomic data, and scale in global emerging infectious disease #surveillance
Disease, Social Identity, and Risk: Rethinking the Geography of AIDS
Who lives, who dies, who cares? Valuing life through the disability‐adjusted life year measurement
(Global) health geography and the post‐2015 development agenda
When places come first: suffering, archetypal space and the problematic production of global health
After neoliberalisation? Monetary indiscipline, crisis and the state
Humanitarianism as liberal diagnostic: humanitarian reason and the political rationalities of the liberal will‐to‐care
In the wake: Interpreting care and global health through #Black_geographies
Avian influenza and events in political biogeography
‘We are managing our own lives . . . ’: Life transitions and care in sibling‐headed households affected by AIDS in Tanzania and Uganda
▻https://rgs-ibg.onlinelibrary.wiley.com/doi/toc/10.1111/(ISSN)1475-4959.contextualizing-coronavirus-geographica
#géographie #coronavirus #covid-19 #pandémie #épidémie #biopolitique #cosmopolitique #contagion #histoire #inégalités #frontières #aéroports #aviaire #Hong-Kong #HIV #AIDS #SIDA #Tanzanie #Ouganda #revue
ping @reka @simplicissimus
Employers Rush to Adopt Virus Screening. The Tools May Not Help Much
▻https://www.nytimes.com/2020/05/11/technology/coronavirus-worker-testing-privacy.html
Symptom-checking apps and fever-screening cameras promise to keep sick workers at home and hinder the virus. But experts warn they can be inaccurate and violate privacy. Bob Grewal recently began testing a new health-screening setup for workers at a Subway restaurant he owns in Los Angeles near the University of Southern California. When he stepped inside the employee food prep area, a fever-detection and facial recognition camera service, PopID, quickly identified him by name and gauged (...)
#algorithme #CCTV #biométrie #biopolitique #température #facial #reconnaissance #vidéo-surveillance #COVID-19 #santé #surveillance (...)
##santé ##technologisme
Home Thoughts for New Times
▻https://www.versobooks.com/blogs/4699-home-thoughts-for-new-times
Enzo Traverso on ’the Revolt of Nature’ and how #COVID-19 forces us to reconsider the blurred relationship between politics, economics, society and biology.
The anthropological model established by pandemic policies—work from home, isolation, self-confinement—significantly corresponds with the concept of freedom defined by classical liberalism: the triumph of “negative” liberty (circumscribed into a purely individual realm) against “positive” liberty (collective action in a public sphere). This anthropological model is antipodal to both “commonality” and the culture of the left, which historically has been forged and transmitted through collective action. This means that we have to invent new practices able to replace, at least transitionally, the traditional forms of mass mobilization.
]]>Appli StopCovid, drone, bracelet électronique, vers une surveillance de masse ?
▻https://www.youtube.com/watch?v=szpHNSIUYdI
Avec la crise sanitaire que nous vivons, les stratégies sécuritaires et les moyens de surveillance se développent. Malgré la volonté affichée de lutter contre l’épidémie de COVID-19, ces dispositifs menacent nos libertés individuelles. StreetPress vous explique pourquoi dans cette vidéo.
#algorithme #bracelet #Bluetooth #drone #smartphone #StopCovid #biopolitique #contactTracing #géolocalisation #technologisme #métadonnées #BigData #COVID-19 #santé #surveillance
##santé
COVID-19 Digital Rights Tracker
▻https://www.top10vpn.com/research/investigations/covid-19-digital-rights-tracker
This live tracker documents new measures introduced in response to COVID-19 that pose a risk to digital rights around the world. In response to the outbreak of COVID-19 : Contact Tracing Apps are being used in 29 countries Alternative digital tracking measures are active in 30 countries Physical surveillance technologies are in use in 9 countries COVID-19-related censorship has been imposed by 15 governments Internet shutdowns continue in 3 countries despite the outbreak Introduction (...)
#Google #Vodafone #GooglePlay #WeChat #algorithme #contactTracing #bracelet #Bluetooth #drone #smartphone #TraceTogether #biopolitique #géolocalisation #technologisme #métadonnées #vidéo-surveillance #BigData #censure #COVID-19 #santé #surveillance #AccessNow (...)
]]>