#body-positive

  • Agacement (et pavé) #36 de la journée, Madmoizelle, magazine qui m’a beaucoup appris en termes d’entrée en matière féministe, dérive, à mon sens, dans une contre productivité assez effarante et loin de la tolérance qu’elle prône. Elle reflète quelque chose qui m’agace donc je continuerai à les aimer quand même.

    C’est une tendance générale, et deux courants s’affrontent autour de la question de la mocheté.
    La contradiction de ces paroles un peu démago et la contre-productivité vient de ce que l’acceptation de son apparence doit passer par sa valorisation. Le fameux courant « body-positive » me dérange : alors on doit aimer son corps à tout prix, sous prétexte qu’il est beau, à sa manière. C’est un résumé grossier, mais c’est ce que je perçois. Et ça me dérange profondément. Cette sacralisation du beau, même s’il est élargit à toutes les représentations est encore plus oppressant que la sacralisation de normes physiques inatteignables que l’on peut facilement tourner en ridicule. La sacralisation du beau , quelle que soit la forme de notre corps, renvoie dans leurs tranchées pleines de complexes, les personnes qui savent qu’elles sont moches, qui se trouvent moches (et à qui l’on va répondre « meuuuh non tu es belle dans ton style ». NON).
    Se décomplexer n’est pas à mon sens se trouver beau/belle. Quand on se trouve à-côté des standards normatifs de beauté que l’on a tourné en ridicule ces dernières années, il est facile de passer outre, c’est désagréable mais on comprend que ces critères sont infondés, et on s’accepte en tant que personne belle, bien qu’hors norme (normes complètement à côté de la plaque).
    En revanche, le body-positive va vous faire forcer à vous trouver beau, comme si être beau était une fin, et si tu ne te trouves pas beau malgré toutes ces injonctions en apparence bienveillante, alors là oui, tu as un sérieux problème.
    L’objectif de se trouver beau est un proxy, c’est l’étoile sur laquelle tu atterris quand tu veux en fait viser la lune (Amel <3).

    Personnellement, parfois je me trouve belle, parfois pas du tout. Et c’est seulement parce que la mocheté ne me fait plus peur, et qu’être belle ne m’intéresse plus, que j’arrive petit à petit à décomplexer mon corps. C’est une lucidité un peu cruelle, et on n’a peut-être pas le temps d’une vie pour s’infliger quelque chose d’à première vue un peu malheureux pour soi. C’est faux, c’est cette satanée sacralisation de la beauté comme fin en soi (trouve toi belle, même si t’es moche, n’assume pas ta mocheté, surtout), qui nous complexe bien plus profondément.
    Accepter que l’on soit moche que l’on soit beau, c’est complètement superficiel, à mon sens. C’est s’accepter qui compte. C’est pas se trouver beau. C’est bien vivre son corps. Et on peut très bien vivre dans son corps même quand on se trouve moche. Ce qui nous en empêche c’est 1- les fameuses injonctions évidentes et ridicules de la culture dite mainstream des magazines, de la publicité, des schémas type de relations amoureuses etc. 2- l’injonction plus vicelarde à se trouver beau malgré tout.
    Le « malgré tout » est un signe que le body-positive ne s’est jamais remis en question, sur son impact quant à l’image de soi. Elle remet en question les standards de beauté mais se base sur les mêmes principes : au final, la beauté reste l’objectif.

    Je me demande si je vais pas leur envoyer un article.