L’ensemble du texte me semble quand même très partiel et partial - pour ne pas dire complaisante.
J’ai consommé et je consomme encore pas mal de films de genre, mais je n’irais pas chercher dans ce cinéma (encore moins dans cette consommation) trop de ’subversion’. Ni même peu. Il me semble peu nécessaire de venir surenchérir de cette manière là sur le nihilisme de l’ordre social que nous vivons - je ne vois guère cette complaisance apporter quoi que ce soit à nos consciences et à nos sensibilité qui soit propice à ne serait-ce qu’à une plus grande lucidité sur lui, et sur nous même.
De part mon expérience de révolte et de consommation, je doute fortement que l’on sorte plus révolté, sinon révolutionnaire ou seulement « progressiste » d’une telle projection.
Pour ce qui est des mutilations physiques les plus sanglantes, des humiliations, double contraintes, et autres situations insupportables, il me semble que ma vie comme celle de mes contemporain-e-s n’en manquent pas, (entre ma propre vie et mon entourage proche, j’en ai rencontré, subi et vu subir plus que suffisamment pour avoir de quoi penser contre le monde dont elles participent, et je sais être bien loin de faire partie des plus défavorisé-e-s) et que le spectaclisme grossier qui fait le plaisir du cinéma et de l’entertainment ne procure guère d’outils pour les identifier, les reconnaître, parce qu’elles se manifestent bien autrement IRL. Il est beaucoup plus violent et douloureux de se confronter à celles qui jalonnent structurent et sous-tendent nos vécus surtout dans ce qu’ils nous paraissent les plus normaux et intégrés, les plus banals,"sans histoire". Il me semble que cette réalité là donne déjà assez à penser, et que l’insoutenable ne s’y cache pas loin ; que l’effort d’aller la questionner en profondeur est tout autre, mais qu’il peut aboutir aussi à des remises en cause un peu plus épaisse qu’un écran de cinéma.
Et qu’au contraire, l’outrance spectacliste participe presque toujours plus sûrement du façonnage d’une idée confortablement repoussante et caricaturale du mal, voir de sa grotesque fétichisation...
Par ailleurs, l’affirmation qui suit, en partie vraie, me semble au moins légère et relever ici d’une forme de méthode coué, de midi à la porte de l’auteur , pour ne pas dire participer de la banalité d’un négationnisme très présent, dans ce qu’elle ignore :
C’est le découpage, la taylorisation des tâches qui rendit possible la mise en place de la machine de mort nazie.
Je renvoie ici encore au travaux de#Rosa-Amelia_Plumelle_Uribe et à #la_Férocité_blanche, qui argumente que
La hiérarchisation raciale illustre la débâcle morale de l’Europe. Le nazisme, en transposant des non-Blancs au non-Aryens cette dévaluation des êtres dits « inférieurs », a commis le crime impardonnable de porter au coeur du monde européen une férocité jusqu’alors réservée à d’autres continents.
(Quatrième de couverture)
Autrement dit, sans l’histoire coloniale et esclavagiste de l’europe, et la construction du racisme qu’elles impliquèrent, la taylorisation des tâches à elle seule n’aurait suffit à rendre possible l’entreprise nazie d’extermination : la destruction ou l’anéantissement des inférieurs tiennent d’abord à l’infériorité qui leur est faite, et à la déshumanisation inéluctable que cette infériorité implique. Des européens bien sous tout rapport, considérés en occident, ont massacré et anéanti, se sont fait machine de mort sur la personne d’indigènes et d’autochtones au quatre coins de la planète bien avant la taylorisation, et sans états d’âmes.
Autrement dit encore, pour faire très court, la déshumanisation commence avant la taylorisation - je serai même enclin à penser que c’est de l’inévitable déshumanisation des inférieur-e-s par qui les domine, qu’est venue la possibilité d’imposer aux prolétaires la taylorisation. Ce qui ne fait pas moins de cette dernière une causalité aussi dans l’extermination des juifs d’europe - mais cela la resitue au sein d’autres causalités, nettement moins confortables à aborder pour la gauche, les progressistes, les révolutionnaires ou les amateurs de cinéma d’horreur et de subversion.