• Tristan Mordrelle, un Breton proche des Identitaires, rejoint le staff de Zemmour - Election Présidentielle - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/elections/presidentielle/tristan-mordrelle-un-breton-proche-des-identitaires-rejoint-le-staff-de

    Tristan Mordrelle, qui dirige une agence de communication à Redon, aurait rejoint l’équipe de campagne d’Éric Zemmour, pour l’aider à lever des fonds.

    Toujours pas candidat, Éric Zemmour étoffe son équipe de campagne, avec l’arrivée du Breton Tristan Mordrelle, un entrepreneur proche du Bloc identitaire. (EPA-EFE)
    Toujours pas candidat, Éric Zemmour continue d’étoffer son équipe de campagne. Un breton viendrait grossir son staff. Selon Libération, il s’agit de Tristan Mordrelle, qui « celtise » volontiers son nom en Trystan Mordrel. Il s’occuperait de lever des fonds pour l’ancien chroniqueur de CNews.

    Tristan Mordrelle est le fils d’Olivier Mordrelle, alias Olier Mordrel, tristement célèbre en Bretagne pour avoir été l’un des cofondateurs du journal Breiz Atao et du Parti national breton (PNB). Condamné à mort par contumace à la libération, il s’exilera, comme nombre de nazis, en Argentine, puis, gracié, s’installera dans le Pays bigouden au début des années 70. Il y est décédé en 1985.

    Tristan Mordrelle est un proche de Philippe Milliau, ancien dirigeant du Bloc identitaire. Il dirige une agence de communication, basée à Redon (35). Selon Le Monde, il fit ses armes en étant l’un des cofondateurs de la librairie parisienne Ogmios, spécialisée dans la littérature d’extrême-droite. À son actif, la première traduction en Français du « Mythe du XXe siècle », d’Alfred Rosenberg, théoricien du parti nazi.

  • Ernest du Laurens de la Barre
    Trémeur ou l’Homme sans tête
    Fantômes bretons, C. Dillet, 1879 (p. 137-150).
    https://fr.wikisource.org/wiki/Fant%C3%B4mes_bretons/Tr%C3%A9meur_ou_l%E2%80%99Homme_sans_t%C3%AAte

    L’homme sans tête ! voilà un titre étonnant, direz-vous peut-être. Mais on prétend qu’il y a dans tout pays des hommes (que l’on me pardonne de m’exprimer ainsi) ! des hommes, hélas ! et des femmes sans tête ; c’est connu. Mais comme le mien, non, l’histoire n’en mentionne pas d’autre, si ce n’est saint Denis, qui n’en approche pas ; et le conteur breton qui m’a rapporté ceci, mérite, à mon avis, un brevet d’invention.

    C’est le conteur lui-même qui va parler devant vous. Je l’ai connu jadis à Poullaouen, où il cumulait les emplois fort disparates de tailleur et de bedeau ; de plus on le disait lettré pour un sonneur de cloches, vu que, dans ses récits, il aimait à citer des noms mythologiques. Il racontait, tout en réparant des soutanes, et, comme bedeau, se donnait des airs de sermonneur. Puis, mettant la bride sur le cou à sa verve comique, le tailleur risquait des détails que le pieux bedeau eût pu désavouer. C’était un conteur en partie double. Son excuse est dans la naïve morale qu’il essayait de répandre au milieu de ses tableaux fantastiques.

    I

    Il y avait autrefois, du côté de Plouguer, là-bas, sur le bord de l’Aulne, au-dessous de Carhaix, un village habité par des païens qui adoraient des dieux, des demi-dieux, des déesses, des diablesses, et un tas de vilaines choses. J’ai entendu dire par des savants que leurs chefs s’appelaient Druides. C’étaient des magiciens ou sorciers qui, pour savoir l’avenir, coupaient du gui sur les chênes avec des faucilles d’or. Mais, pour deviner l’avenir, ces affreux sorciers ne se contentaient pas de cueillir du gui, ils faisaient mourir sur les tables de pierre, que l’on voit encore sur nos landes, des victimes humaines, des chrétiens surtout, qui étaient leurs plus grands ennemis.

    Dans ce temps-là, la croix de Notre-Seigneur n’avait pas encore trois cents ans. Vous voyez que mon histoire est plus vieille que Mathusalem : n’importe, les vieilles choses valent bien les neuves, comme disait le vieux Bornik, sacristain et fossoyeur du monastère.

    Le druide, chef du village de Plouguer, s’appelait Comorre. Il avait un fils, guerrier généreux, nommé Trémeur, qui ne voyait qu’avec pitié les cérémonies de ces maudits païens.

    Un soir, après une bataille, on amena des prisonniers au village. Ils furent enfermés dans des grottes de pierre, au fond desquelles on les enchaîna. Ce soir-là, l’orage grondait. Cependant, comme il avait vu enfermer un vieillard à longue barbe blanche, Trémeur s’en vint, à la nuit, rôder autour de la caverne et entendit une voix qui disait : « Seigneur, prenez votre serviteur, mais que son sang serve du moins à la conversion des païens ! ».

    Ces paroles étonnèrent Trémeur, et, renversant la porte de pierre, il entra résolûment dans le cachot. Alors il vit le vieillard à genoux : ses mains chargées de chaînes étaient levées vers la voûte sombre, et la lueur des éclairs, passant entre les rochers, illuminait par intervalles son front chauve et blanc.

    Je ne puis vous rapporter ce qu’ils se dirent. Ce qu’il y a de certain, c’est que Trémeur brisa avec sa hache les fers qui serraient les mains du captif, et qu’ils sortirent ensemble de la caverne.

    La nuit et l’orage auraient pu cacher leur fuite. Par malheur, comme ils allaient quitter le village, voilà qu’un druide les aperçut et, se mettant au milieu du chemin, vint leur barrer le passage. Trémeur reconnut en tremblant Comorre, son terrible père, qui d’une voix courroucée, lui demanda où il allait.

    Trémeur, qui ne connaissait ni la crainte ni le mensonge, répondit sans hésiter : — Laissez-nous passer, mon père ; ma résolution est prise : je veux sauver ce vieillard innocent et me faire chrétien.

    -- Toi, chrétien ! s’écria Comorre d’une voix formidable, en brandissant sa hache. Non ! non ! par la barbe du grand Hu, chrétien tu ne seras pas !

    Et, en disant cela, il porta un coup si violent à son fils, qu’il lui trancha la tête. — Voilà l’homme sans tête. — Mais, comme Trémeur était d’une force prodigieuse, il retint, sans broncher, sa tête contre sa poitrine. Au même instant, il y eut un grand coup de tonnerre ; un zigzag de feu passa entre nos trois hommes, et, si le tonnerre fait souvent du mal, cette fois il fit un bon coup, car Comorre avait reçu la bordée et ne remuait plus ni pied ni patte. — Voilà qui va bien ! — Nos deux amis ne restèrent pas à le regarder longtemps, et prirent le large, le prisonnier remorquant Trémeur, qui suivait aussi bien que possible, en portant sa tête sur son estomac… Ça devait être assez drôle, tout de même, de voir marcher un homme sans tête ?

    Il faut vous dire que le vieillard n’était autre que saint Herbot, l’ermite. Vous connaissez sans doute de réputation saint Herbot, l’ami des laitières, un saint plus doux que le beurre frais.

    Enfin, quand ils furent rendus un peu loin, l’ermite, voyant que son compagnon suait à grosses gouttes à porter ainsi sa tête sur son cœur, lui offrit d’abord de la porter à son tour, pour le reposer. Mais aussitôt il réfléchit que, s’il lui tirait tout à fait sa tête, il était probable que le pauvre diable ne s’en trouverait pas mieux. Et pourtant on dit qu’il y a bien des gens qui seraient meilleurs sans leur mauvaise tête. N’importe, il vint tout à coup une fameuse idée à saint Herbot. Vous allez voir.

    On passait alors devant une ferme, et la ménagère barattait du lait sur le seuil de sa maison.

    -- Vous faites là de beau beurre, dit l’ermite.

    -- Ma foi non, mille malheurs ! répondit la fermière en jurant un peu. Ce fichu lait ne lève pas du tout ; à cause de l’orage, apparemment.

    -- Bah ! fit le saint en riant ; c’est que vous ne vous y prenez pas bien, bonne femme.

    -- Ah ! répliqua celle-ci, je ne m’y prends pas bien ! Voilà qui est fort ! moi, la meilleure du pays pour le beurre ! Vous radotez, vieux bonhomme.

    -- Par les cornes de ma vache ! dit saint Herbot. Tenez, bonne femme, je parie qu’en trois coups je fais lever toute votre barattée, si vous voulez m’en donner un petit morceau après.

    -- Un morceau je vous donnerai, dit-elle, mais quant à faire lever mon beurre en trois coups… vous plaisantez.

    -- Possible, mais laissez-moi faire.

    Et, en disant cela, l’ermite prit le manche du ribot, frappa trois bons coups, ni plus ni moins, et dit à la fermière : — Regardez-y vous-même.

    En vérité, le beurre était fait, et du beau encore ! C’était merveilleux, et la fermière ne savait trop qu’en penser. Elle pensait, je crois, qu’il y avait du sorcier là-dessous, surtout quand elle vit l’ermite prendre du beurre dans ses mains ; puis, après avoir bien beurré le cou de Trémeur avec son couteau, lui replacer la tête entre les deux épaules et lui dire :

    -- Maintenant, mon ami, te voilà restauré ; ta tête est assez solide, tu peux courir le monde. Seulement gare au feu et à la chandelle ! Prends garde aux coups de soleil, car du beurre, vois-tu, ça fond à la chaleur, et adieu ta pauvre tête, mon garçon ! Te voilà prévenu. Mais avant que je te quitte, mets-toi à genoux, afin que je te baptise au nom de la Trinité.

    Trémeur se mit donc à genoux, et saint Herbot lui versa de l’eau sur le crâne, en disant : Ego te baptiso. Ce qui veut dire, si vous savez le latin : « Je te baptise avec de l’eau. »

    Voilà qui va bien, très-bien, si bien que saint Herbot vira de son côté et laissa Trémeur bien recollé, bien redressé et non moins étonné. Quant au reste du beurre, la fermière, le regardant comme ensorcelé, l’offrit, la bonne âme, à Trémeur, qui l’accepta et le mit dans sa poche pour son souper, vu que l’appétit commençait à lui revenir.

    Désormais notre homme pouvait voyager sans trop de crainte, par le temps couvert ; et, en prenant quelques précautions, sa tête, à la rigueur, valait autant que celle de bien des gens. Il est vrai que ses yeux étaient un peu fixes et hagards, et qu’il ne pouvait plus tourner le cou ; mais quand on a été sur le point de perdre à jamais la boule, on ne doit pas y regarder d’aussi près.

    II

    Trémeur eut, dit-on, de belles aventures. Comme il aimait la guerre, il tua plusieurs géants, ogres et bêtes féroces qui désolaient le pays.

    Il est bon de vous dire qu’il avait juré de ne pas se marier, et, en cela, il n’avait peut-être pas tort, vu que, si une beauté lui eût tourné la tête, adieu la colle et le reste… Vous comprenez.

    Pourtant le diable, celui qu’on nomme chez nous le vieux Guillaume, non pas le lugubre Satan, mais un diable comique, tendre et bon enfant ; donc, ce farceur de diable-là avait aussi juré de jouer un tour à Trémeur, parce que Trémeur, en se convertissant, lui en avait joué un autre. Satan voulait le rendre amoureux, naturellement, pour lui faire perdre la tête une seconde fois.

    Voilà donc qu’un jour notre homme, en passant dans une forêt, rencontra un vieillard tout à fait vénérable, et qui pleurait comme une Madeleine, sauf qu’il avait une vilaine barbe rouge.

    -- Qu’avez-vous donc, vieux père ? lui dit-il avec compassion. Pourquoi pleurez-vous ?

    -- J’ai bien sujet de pleurer, répondit l’autre, en grinçant. Voyez-vous, là-bas, les hautes murailles d’un manoir maudit ? Eh ! bien, ma fille unique est là, prisonnière d’un méchant ogre, qui doit la manger ou l’épouser demain ; ce qui est à peu près la même chose.

    -- Ah ! fit Trémeur, je ne dis pas non ; mais je n’aime pas à me mêler à des aventures où il y a des femmes ; ça ne vaut jamais rien.

    -- Oh ! oh ! s’écria le tentateur, vous êtes un drôle de corps ! mais ma fille n’en sera pas moins mangée, puisque vous, qui avez l’air si vaillant, vous n’avez pas le cœur de…

    -- Halte-là, mon vieux ! On n’a jamais dit que Trémeur fût un lâche : pour la tête, passe encore, mais le cœur est fort ; ainsi donc, vu que le temps est couvert, je m’en vais la chercher, votre fille. En attendant, vous, priez pour moi.

    L’homme rouge fit entendre une sorte de rugissement à ces mots ; mais Trémeur était déjà en route, et comme il ne pouvait détourner la tête, il ne vit pas le vieux coquin faire une gambade sur ses pieds fourchus et une grimace de possédé.

    Voilà qui va bien, comme disait le sacristain.

    Je ne perdrai pas de temps à vous raconter comment le fils de Comorre fendit l’ogre en deux, d’un seul coup de hache, et sauva la fille du diable. Ah ! ce n’est pas ce qu’il fit de mieux, en vérité ; car on dit que la fille du diable court encore par le monde et que ses petites-filles, les mauvaises pensées, volent et s’étendent comme d’horribles vapeurs sur la triste humanité… Toujours est-il qu’une heure après, il revint dans la forêt, vers l’endroit où il avait laissé l’homme rouge. La jeune demoiselle étant trop faible pour marcher, se laissait porter par Trémeur, que ça n’arrangeait pas trop, vu qu’elle se cramponnait à son pauvre cou et qu’elle était diablement jolie. Trémeur avait beau chercher ; impossible de retrouver le vieux père. Il suait à grosses gouttes ; le soleil passait par endroits à travers le feuillage. Il s’aperçut bientôt avec effroi que le beurre commençait à couler sur sa poitrine, et déposa malgré elle la jeune fille sur la terre.

    -- Vous n’allez pas m’abandonner, au moins ? dit la belle en pleurnichant.

    -- Comment faire ? répondit Trémeur, assez inquiet. Je vous ai sauvée, ma belle dame, pour vous rendre à votre père. Où est-il ? dites-le : je vous conduirai n’importe où…, si le temps est couvert.

    -- C’est inutile, reprit la commère ; mon père ne me recevra plus chez lui, parce qu’un chrétien m’a portée dans ses bras. Je suis perdue ! Ah ! ah ! ah !…

    Et puis des larmes, en veux-tu ? en voilà.

    Le bon Trémeur, dans cette terrible passe, éprouvait, comme on dit, une fière suée, si bien que le beurre fondait, fondait toujours de plus en plus. Voilà qui va mal ! Encore quelques minutes, et sa tête, qui branlait déjà, allait glisser de dessus ses épaules…

    Par bonheur, il se rappela que saint Herbot lui avait dit de faire le signe de la croix, quand il se verrait en mauvaise veine. Ayant donc fait son signe de croix fort à propos, il ressentit subitement une sorte de frisson ; la colle cessa de fondre, et, à la place où la jeune fille avait été assise, il ne vit plus rien, rien du tout, que le gazon fumant et roussi… Il comprit que le diable était là-dessous et jura de plus belle que dorénavant on ne l’y prendrait plus, à se mêler d’aventures concernant fille, femme ou veuve.

    Après une telle affaire, — et vous conviendrez qu’elle avait été chaude pour lui, — Trémeur devait avoir une furieuse soif. Voyant le temps couvert et orageux, il se hasarda à sortir de la forêt. Une grosse pluie ne tarda pas à tomber, et notre camarade, qui avait oublié son parasol, fut bientôt trempé jusqu’aux os. Pourtant, il continua sa route et aperçut enfin une maison, une chapelle à l’enseigne de gui, comme c’était déjà la mode dans ce temps-là. La vue de cette enseigne de malheur augmenta encore sa soif, si bien que le voyageur s’approcha sans défiance de la porte de ce cabaret. Alors il remarqua qu’une femme se tenait assise au comptoir, sur lequel on voyait alignés des verres, des chopines, des pichets de vin et de cidre ; et tout cela était bien tentant pour un homme aussi altéré. Mais, à la vue d’une femme, il recula en soupirant, et, raffermissant sa pauvre tête qui en avait tremblé, il se disposait à se remettre en route, quand on le toucha à l’épaule.

    -- Eh bien ! l’ami, lui dit un homme un peu rouge, mais aimable, on passe devant la boutique à Bacchus sans dire bonjour ? La vieille Proserpina, mon épouse, que vous voyez là, verse pourtant bonne mesure aux pratiques, quoiqu’elle ait cent ans sonnés. Hé, hé, hé !!.....

    En entendant parler de cent ans, Trémeur se sentit rassuré, le malheureux ! Il ignorait qu’il y a des vieilles plus rouées que des jeunes. Il revint donc et entra dans le cabaret.

    Il aurait dû se méfier autant du cabaret que des femmes, jeunes ou vieilles ; mais la soif, la terrible soif, la pluie qui tombait, la vue des pichets de cidre, rien que la main à tendre et deux sous à donner ; ah ! un Breton, un vrai Breton n’y saurait tenir !

    Voilà qui va mal !… très-mal !…

    Trémeur entra donc, et, la langue épaisse, comme de raison, il demanda à boire un bon coup de sistr’- mad. La vieille lui en versa à pleins bords, dans un énorme pichet ; notre voyageur était tout trempé. L’homme rouge ralluma naturellement le feu, et fit asseoir Trémeur le plus près possible du foyer. Trémeur tenant le pichet sous son menton, se mit à boire avec délices, sans voir la sorcière qui riait, le feu qui flambait par derrière, et le beurre qui fondait rapidement sur son pauvre cou…

    Soudain le diable s’en mêla, pour sûr, car la tête décollée roula dans le grand pichet que le buveur tenait à deux mains. Or, le sacristain, qui était un fameux farceur, quoique fossoyeur de son état, disait que Trémeur continua à boire son cidre, avec tant d’ardeur, qu’il avala… (En vérité ceci est trop dur à avaler, tout de même) ! Mais que voulez-vous ? Il disait donc que Trémeur avait avalé sa tête, sa propre tête, et qu’il ne s’en aperçut qu’au moment de payer la dépense et de dire kenavo, bonsoir à la compagnie…

    Rassurez-vous : nous ne suivrons pas ce farceur de sacristain dans cette affreuse plaisanterie, et je vais vous dire la vraie vérité :

    Pour lors, le chef décollé ayant roulé dans le fond du pichet, l’homme rouge, qui se tordait de rire, attacha le pichet, avec une ficelle, sur le dos de Trémeur, et lui dit qu’on n’avait plus besoin, dans un cabaret, d’un imbécile sans tête, et par conséquent sans bouche, pour consommer le bon cidre. C’était assez naturel, et le pauvre Trémeur le comprit. Il se mit donc en route avec son pichet et sa tête sur son dos, et résolut d’aller trouver saint Herbot, son parrain, dans l’ermitage où il demeurait, près de la cascade qui porte son nom.

    -- Toc, toc. — Qui va là ? — Pas de réponse.

    Saint Herbot, ayant regardé par la lucarne, s’écria : — Voilà un drôle de vagabond, sans figure. Ah ! je parie que c’est mon filleul !… Tu t’es mis au soleil, ou trop près du feu, mon garçon : le beurre a fondu, et…

    -- Et ma tête a filé, et je viens vous la redemander, mon parrain.

    Trémeur ne répondit pas ainsi, comme de raison ; mais il essaya de le faire comprendre, à la manière des muets, en remuant ses épaules et son pichet.

    Ceci n’est pas trop clair, dit l’ermite ; il faudrait d’abord me dire où elle est, ta diable de tête.

    Alors, en secouant plus fort le grand pichet où le cidre clapotait joliment, Trémeur réussit à saisir la ficelle et fit signe à l’ermite de regarder dedans.

    -- Par les cornes de ma vache ! s’écria le patron du bon beurre, en examinant le pichet fatal, voilà sa tête, sa tête noyée dans du cidre ! Ah ! c’est un gros péché d’ivrognerie, et cette fois, mon pauvre garçon, il n’y a que notre Saint-Père le Pape qui peut t’absoudre et te restaurer, si c’est un effet de la volonté de Dieu. En attendant, mon fils, entre ici et causons un peu.

    -- Vous plaisantez, mon parrain. Comment voulez-vous que je cause ? avait l’air de dire Trémeur, au moyen de contorsions pitoyables.

    -- Ah ! c’est juste, dit saint Herbot en riant. Alors, repose-toi, mon garçon, tu partiras ensuite. À défaut de tête, je vois que tu as du cœur, et ça vaut tout autant, et même davantage.

    Trémeur vint donc s’asseoir dans la grotte ; puis, après s’être reposé, il se leva, fit ses adieux comme il put à son vieux patron, et partit par la route du Huelgoat, pour aller à Rome demander au Pape le pardon de ses péchés, et sa tête, s’il était possible de la rafistoler.

    Mais vous pensez bien que l’on ne peut aller à Rome sans boire ni manger, comme un aveugle qui va de Gourin à Carhaix. Aller à Rome ! Seigneur Dieu !! Épouvanter le pape et les cardinaux, en leur montrant un tel fantôme ambulant, avec sa tête dans un pichet sur son dos !… Non, non, cela n’était pas possible ! Dieu, qui lui laissait la vie, ne pouvait le permettre ; en sorte que le malheureux, marcheur infatigable, resta dans le pays breton, où il ne cessait d’errer au hasard, allant et venant, pour se rendre à Rome où tendaient tous ses vœux.

    Spectre horrible ! il marchait ainsi nuit et jour, comme l’ombre du trépas, priant d’intention, priant sans cesse, et demandant à Dieu d’abréger son épreuve. Il marchait depuis si longtemps, qu’il devait se croire bien près de son but. Ses forces commençaient à s’épuiser. Enfin, un soir, après avoir monté la grande côte de Carhaix, l’homme sans tête, accablé de fatigue, voulut s’appuyer contre le mur du cimetière ; mais il manqua son coup : le maudit pichet donna contre une pierre et fut mis en pièces, si bien que la malheureuse caboche roula dans la poussière du chemin, où le décapité essaya, durant la moitié de la nuit, de la retrouver à tâtons. Par malheur, sa tête avait roulé trop loin sur la pente ; il lui fut impossible de la rattraper, et il tomba mourant dans la douve du chemin.

    En vérité, on en mourrait à moins, comme disait le fossoyeur en riant.

    Voilà l’histoire de l’homme sans tête. Elle m’a été racontée par mon grand-père, qui la tenait du vieux Bornik, sacristain du monastère.

    Finalement, je vous engage à aller vous promener du côté de Carhaix, si vous ne connaissez pas ce beau pays : vous y verrez le saint sans tête. Il est toujours là, à la place où il tomba jadis, couché contre le talus du cimetière de Saint-Trémeur ; seulement il est changé en pierre, naturellement, pour durer davantage sous le soleil et la pluie, et pour rappeler au monde cette histoire surprenante et surtout véritable.

    Pour moi, je dis en finissant que, si Trémeur avait perdu sa tête, il avait gardé un cœur fort ; ce qui prouve peut-être que le cœur vaut mieux que la tête.

    -- Et nous, mes amis, nous pensons absolument comme notre naïf conteur ; car c’est le cœur, en effet, c’est-à-dire le dévouement, l’abnégation et la charité qui font ici-bas les héros et les saints.

    Lu au Congrès d’Auray, le 29 août 1878.

    #légende #Bretagne #saint #beurre #fantôme

  • Kristen Falc’hon (collectif #Kelaouiñ) sur Twitter
    https://twitter.com/kristenfalc/status/1426187108692201477

    [ #Foot, #agrobusiness & #liberté_de_la_presse ]
    « Le chargé de com’ du club de foot a appelé le journaliste sportif pour lui signifier la décision de nous punir. C’est le mot qui a été utilisé, et c’est choquant », raconte #Gurvan_Musset pour #Arrêt_sur_images

    https://www.arretsurimages.net/articles/a-brest-le-club-de-foot-contre-les-medias-locaux

    En révélant l’existence d’un cluster au sein du club de hand présidé par les frères Le Saint, la rédaction de #France_Bleu_Breizh_Izel s’est ainsi retrouvée interdite d’accès aux conférences de presse du club de football (présidé par les mêmes frères...)

    Elle a donc décidé de répliquer en cessant de retransmettre les matchs en direct sur son antenne.

    « Je ne pouvais plus demander à mes journalistes de continuer à suivre un club alors que nous n’avons plus accès aux cadres, aux joueurs, aux conférences de presse [...] »

    Le #réseau_Le_Saint, fondé par #Gérard_Le_Saint et #Denis_Le_Saint, est le premier distributeur indépendant de produits frais en France (550 millions de C.A. et plus de 2000 salariés en 2019)

    Comme le rappelle l’article d’ASI et la station dans son communiqué, cet incident entre la presse et les piliers de l’agro-industrie bretonne, n’est pas le premier, mais cette fois, il est rendu publique...

    https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/mis-a-l-ecart-par-le-stade-brestois-france-bleu-breizh-izel-fait-le-choix

    #brest #finistère #bretagne #stade_brestois_29 #Brest_Bretagne_Handball #agroindustrie #agro_alimentaire #agroalimentaire

  • Gardiens du phare, Les dessous de #Produit_en_Bretagne

    Gardiens du phare, un podcast qui explore les dessous de Produit en Bretagne. En 1993, l’association est fondée par une poignée de chefs d’entreprises finistériens, représentants de l’#agro-alimentaire et de la #grande_distribution. Ils se sont fédérés pour, ensemble, lutter contre la disparition de leurs entreprises. Plus qu’une association régionale, Produit en Bretagne est aujourd’hui devenue un réseau influent, qui réunit plus de 480 entreprises bretonnes. Comment ce logo s’est-il répandu dans nos supermarchés ? Tous les produits viennent-ils vraiment de Bretagne ? Dans quelles conditions sont-ils fabriqués ?

    Dans ce podcast en 5 épisodes, découvrez une enquête réalisée par les étudiant·e·s de l’Institut Universitaire Technologique de Lannion.

    https://shows.acast.com/gardiens-du-phare

    #podcast #bretagne #marketing

  • Journal breton - saison 1
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/journal-breton?utm

    Le journal Breton d’ #Inès_Léraud est une série en deux saisons, un journal un peu intime, une enquête qui nous plonge dans l’univers de l’agroalimentaire breton, au milieu des algues vertes, des poulaillers et des abattoirs dans une région qui est la première région agroalimentaire de France. En #Bretagne, 1 salarié sur 3 travaille dans l’agroalimentaire.

    Installée au cœur de la Bretagne pour plusieurs mois, Inès voit de ses propres yeux les effets sur l’écologie, les animaux et le vivant du système agroalimentaire Breton.

  • #Covid-19 : plusieurs cas de variant Delta détectés en #Bretagne et des suspicions

    Plusieurs cas de #variant_Delta (indien) ont été officiellement détectés en Bretagne. Ce sont les tout premiers cas dans la région. D’autres suspicions sont également signalées. Ce variant devrait devenir majoritaire dans la région à très court terme.

    https://www.letelegramme.fr/coronavirus/premier-cas-de-variant-indien-detecte-en-bretagne-cinq-autres-suspicion

  • Au large de Saint-Brieuc, une fuite d’huile « significative » s’échappe du chantier éolien
    https://www.liberation.fr/environnement/pollution/au-large-de-saint-brieuc-une-fuite-dhuile-significative-sechappe-du-chant

    C’est une « pollution d’ampleur significative », selon les autorités. Le navire Aeolus, chargé des travaux de forage dans le cadre du projet controversé de parc éolien en baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), a déclaré avoir rejeté accidentellement « une fuite d’huile de 100 litres » lundi matin. Le navire, appartenant à la société Van Oord, a déclaré la fuite lundi à 6 h 30, selon un communiqué de la préfecture maritime de l’Atlantique., qui a précisait qu’il s’agissait « d’huile hydraulique qui sert au système de forage ». La pollution a d’abord été observée par le satellite CleanSeaNet, puis confirmée par un avion des douanes dans l’après-midi. La nappe, de près de 16 kilomètres de long et de 2,8 kilomètres de large, est située à 18,5 km des côtes, au nord d’Erquy.

    #éolien #pollution #Bretagne

  • Volet 1 - La Bretagne, malade de l’ammoniac - Splann !
    Publié le 14 juin 2021 - par Caroline Trouillet | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne
    https://splann.org/bretagne-malade-ammoniac

    Combien de maladies et de décès liés à l’ammoniac en Bretagne ? Ce gaz issu à 95 % de l’activité agricole est parmi les responsables d’une pollution de l’air aux particules fines, qui favorisent cancers et maladies cardio-vasculaires. La Bretagne en est la première région émettrice de France. Malgré l’enjeu sanitaire, les outils de surveillance sont restés sous-développés, faute de financements publics : seulement depuis décembre 2020, un appareil breton observe constamment ce polluant dans l’air. (...)

    Volet 2 - Industriels et collectivités roulent plein gaz pour l’ammoniac - Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne
    https://splann.org/industriels-collectivites-lammoniac

    Volet 2 : Industriels et collectivités roulent plein gaz pour l’ammoniac
    Malgré les dangers pour la santé des travailleurs, des riverains et des écosystèmes, la Bretagne passe à côté des enjeux liés à l’ammoniac. Négligés par les collectivités et le système agro-alimentaire, les rejets de NH3 s’aggravent localement. Pire, les gros pollueurs-certains hors la loi-touchent de grosses aides publiques..

  • Ammoniac : en Bretagne, l’air est grave - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/140621/ammoniac-en-bretagne-l-air-est-grave

    Côté #pollution de l’#air, la #Bretagne remporte un triste trophée. Elle ne couvre que 5 % de l’Hexagone, et la voilà classée par #Air_Breizh première région émettrice d’#ammoniac, un gaz qui inquiète médecins, défenseurs de l’environnement et professions agricoles elles-mêmes.

    La péninsule concentre à elle seule 58 % du #cheptel et de la production porcine française, majoritairement dans le Finistère et les Côtes-d’Armor. Un poulet sur trois vient de Bretagne, et la région possède 21 % des #élevages laitiers. Or, selon l’Inrae (Institut national de recherche pour l’#agriculture, l’alimentation et l’environnement, ex-Inra), 95 % des émissions d’ammoniac sont d’origine agricole, dont 80 % issues de l’élevage. En Bretagne, cette part monte à 99 %.

    • Justement je suis en Bretagne actuellement et j’ai pu voir le journal régional, dans lequel une intervenante soulignait que parmi les organismes chargé de la surveillance de l’air en France, Air Breizh est le moins doté de tous.
      Cherchez l’erreur.
      #agro_industrie

  • Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne
    https://splann.org

    Pour un journalisme d’investigation en Bretagne

    Nous voulons produire des #enquêtes au long cours en donnant le temps et les moyens à nos #journalistes d’aller au bout de leurs #investigations.

    Nous souhaitons aborder des questions d’intérêt général en étant protégés de toute pression et censure.

    Nous entendons publier nos articles à la fois en français et en breton.

    Nous lançons Splann ! (« clair », en breton), la première #ONG entièrement dédiée à l’investigation journalistique en #Bretagne, créée sous forme d’association à but non-lucratif. Et nous avons besoin de vous !
    Sur le modèle de Disclose, notre parrain

    Splann ! est parrainé par Disclose, dont le modèle économique nous a convaincus. Parce que nous ne croyons pas à la course à l’information et que celle-ci représente un bien public, nos enquêtes seront financées par des dons de particuliers et de fondations philanthropiques puis publiées gratuitement par des médias partenaires ainsi que sur notre site.

    Nous refuserons les subventions et les financements d’entreprises. Nous rendrons nos comptes publics.

    Comme Disclose, connu notamment pour la révélation du scandale des armes françaises utilisées contre des civils au Yémen et la convocation de ses journalistes dans les sous-sols de la DGSI, Splann ! enquêtera partout en Bretagne où l’intérêt général le requerra.

    La Bretagne, un terrain d’enquête riche et complexe

    Nous constatons qu’en Bretagne, sur des enjeux cruciaux, l’information manque. Prolifération des algues vertes, puissance de l’industrie #agro-alimentaire, nouvelles #infrastructures_énergétiques, présence militaire, connivences #politiques, radicalisation des #luttes_sociales et environnementales… A l’heure des remises en question de notre modèle de société, la Bretagne regorge de sujets qui nous interrogent. Leur portée dépasse bien souvent les limites régionales. Ils s’inscrivent dans des enjeux contemporains.

  • Bréhat : l’île aux fleurs et sans voitures
    http://carfree.fr/index.php/2021/05/21/brehat-lile-aux-fleurs-et-sans-voitures

    En 2012, on avait parlé de l’île de Bréhat sans voitures. Aujourd’hui, le journal télévisé de 13 heures sur France 2 fait un reportage sur Bréhat, « l’île aux fleurs et Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Îles_sans_voitures #Marche_à_pied #Vélo #Vie_sans_voiture #bretagne #îles_sans_voitures #médecine #sans_voiture #témoignage #vidéo

  • Sur les algues vertes, la Cour des comptes met sévèrement en cause l’Etat et les élus bretons
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/11/la-cour-des-comptes-juge-severement-l-echec-de-la-lutte-contre-les-algues-ve


    Algues vertes dans la baie de Morieux (Côtes-d’Armor), le 29 avril 2021.
    PHILIPPE RENAULT / OUEST-FRANCE / MAXPPP

    Dans un rapport attendu fin juin, que « Le Monde » a pu consulter, les magistrats financiers analysent les raisons de l’échec de la lutte contre les marées vertes. Un problème sanitaire et environnemental qui empoisonne les côtes bretonnes depuis les années 1970.

    Inefficacité et manque d’ambition : ainsi pourrait se résumer le rapport que la Cour des comptes et la chambre régionale des comptes consacrent à la politique publique de lutte contre les proliférations d’algues vertes en Bretagne menée depuis 2010. La publication de cette coproduction est attendue fin juin, au moment des élections régionales, mais Le Télégramme en a déjà évoqué la teneur dans ses colonnes.

    Très documenté, fruit de deux ans de travail et d’une centaine d’auditions, ce document de près de six cents pages daté du 20 avril et que Le Monde a pu consulter risque d’animer la campagne électorale. Car il dresse un constat d’échec patent de la part de l’Etat, mais aussi des élus de la région, face à un problème sanitaire et environnemental qui empoisonne les côtes bretonnes depuis les années 1970.

    Les marées d’ulves nauséabondes dopées aux nitrates qui s’amoncellent en couche épaisse à la belle saison ne touchent pas que le littoral armoricain, elles s’étendent désormais du Calvados à la Charente-Maritime. Mais elles se concentrent aux trois quarts en Bretagne. Les pires années, jusqu’à 60 000 tonnes y ont été collectées, le volume cumulé de 2009 à 2020 s’élève à 461 630 tonnes. Les rapporteurs évoquent avec « précaution » « une tendance incertaine à la baisse » depuis 2007 sur les plages de sable, tout en observant un rebond en sens inverse depuis 2013.
    Et le phénomène s’étend vers le sud de la région : les échouements touchent désormais les zones de vasières du Morbihan, un département encore récemment épargné. Les magistrats financiers recommandent de traiter ces accumulations sans plus attendre, car les tas d’ulves en décomposition peuvent dégager de l’hydrogène sulfuré. Un gaz déjà responsable, rappellent-ils, de la mort de deux personnes qui couraient sur le littoral, d’un chauffeur de camion transportant des algues vertes, de chiens, d’un cheval…

    Modestie des moyens alloués
    « Les études scientifiques démontrent sans ambiguïté que les apports d’azote [qui se transforme en nitrates une fois dans l’eau] dans les baies d’algues vertes sont essentiellement d’origine agricole », résume le rapport. « Selon les bassins versants et les périodes, l’activité agricole contrôle de 90 % à 98 % de ce flux d’azote » qui s’échappe vers les nappes souterraines, les sols et les rivières par le biais des épandages d’engrais chimiques ou organiques – lisiers, fumiers… –, et les concentrations de bovins. Il s’agit donc du « seul levier d’action permettant de limiter les proliférations des algues vertes à l’heure actuelle ».

    • L’origine des marées vertes est donc clairement identifiée, leurs localisations aussi : elles se concentrent dans huit bassins versants des Côtes-d’Armor et du Finistère qui collectent à eux seuls 92 % des algues en excès de Bretagne. Pourtant, la résolution du problème piétine depuis bientôt un demi-siècle. La Cour des comptes analyse méthodiquement les raisons de ce fiasco et désigne les responsables.

      D’abord, les agriculteurs de ces huit bassins versants auprès de qui un sondage a été organisé pour l’occasion. Ils sont encore 41 % à répondre que les installations d’assainissement des communes côtières seraient en cause dans les proliférations d’ulves et seulement 6 % envisagent une réduction des cheptels bretons comme pouvant constituer une partie de la solution. Les magistrats reconnaissent et saluent néanmoins « le changement généralisé des mentalités et l’évolution des pratiques qui sont intervenus depuis les années 2000, après plusieurs décennies d’incitations des agriculteurs au productivisme par la quasi-totalité des acteurs institutionnels, sans prise de conscience des conséquences environnementales ».

      Ils se montrent plus sévères vis-à-vis de l’Etat, qui apporte 43 % des financements, et de l’agence de l’eau Loire-Bretagne (27 %). Alors que la Cour des comptes est généralement prompte à dénoncer les excès de dépenses publiques, elle souligne cette fois la modestie des moyens alloués aux deux plans de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) de 2010 à 2019.

      Les engagements de ces deux bailleurs ajoutés à ceux de la région, des départements, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie et des chambres d’agriculture se sont élevés à 150 millions d’euros, pour des dépenses réelles de 109 millions. Ces sommes apparaissent « dérisoires si on les compare au montant des aides du premier pilier de la PAC [politique agricole commune] en Bretagne » – entre 435 millions et 614 millions d’euros par an ces six dernières années.

      Aucun effort de prévention exigé

      Au total, avec le recours des fonds européens, 50 millions d’euros sont réellement allés à la prévention des fuites d’azote d’origine agricole entre 2010 et 2019. Une bonne partie des 59 millions restants a été consacrée au ramassage des ulves. Dans cette enveloppe, 16 millions d’euros ont contribué à améliorer l’assainissement et soutenir le développement de la méthanisation durant le premier plan. Cette dernière initiative s’étant révélée contre-productive sur le front des nitrates, elle n’a pas été reconduite.

      C’est l’un des principaux reproches énoncés : l’Etat, l’agence de l’eau comme la région – compétente pour le développement économique – accordent leurs aides sans exiger d’effort de prévention de l’environnement en retour. Exemples à l’appui, les magistrats montrent « le manque d’implication » des filières agroalimentaires. Très présentes en Bretagne, y compris dans les baies les plus contaminées, leurs grandes coopératives ne se mobilisent pas pour soutenir des initiatives qui permettraient de développer de nouvelles productions moins dommageables pour les territoires.

      Les services de l’Etat en région n’ont pas non plus de réponse face aux fermes, dont les pratiques d’épandage ou la saturation des fosses à lisier ruinent les efforts vertueux de leurs voisins. D’une part, il n’est pas prévu de « renforcement crédible des obligations réglementaires », notent les rapporteurs. D’autre part, le nombre des contrôles a chuté de 73 % depuis 2010, notamment parce que les effectifs des agents se sont réduits de 24 %. Le niveau d’infractions pour non-conformité constaté dans la moitié des exploitations est lui resté à peu près stable.

      Le rapport insiste aussi sur le manque de contrôle a priori. Lorsqu’un exploitant demande à étendre son troupeau ou bien à créer un nouvel élevage, l’autorisation lui est généralement donnée automatiquement, sans étude environnementale, même dans un canton qui croule déjà sous les lisiers. Normal : sous un certain seuil, il n’y a pas d’instruction du dossier. « Sur demande de la profession agricole », ceux-ci sont passés à partir de 2013 de 450 à 2 000 porcs par exploitation, de 30 000 à 40 000 volailles, et de 200 à 400 vaches.

      Coordination défaillante

      En outre, il n’existe aucun statut particulier pour les huit baies « algues vertes », où les « services de l’Etat ne conditionnent donc pas » leur autorisation d’augmentation des cheptels à des mesures de prévention de la qualité de l’eau. On apprend au passage que ces derniers n’ont pas accès à des bases de données nationales d’identification des porcs et des volailles. Ce serait pertinent, mais le ministère de l’agriculture qui les détient ne leur en donne pas l’accès, malgré la demande de la préfète de Bretagne.

      Malgré tout, entre 1995 et 2013, la teneur moyenne des nitrates dans les cours d’eau bretons est passée de 47,2 mg/litre à 35,4 mg/litre, puis a ralenti pour atteindre 31,7 mg/litre en 2019. Quels taux faudrait-il atteindre pour réduire de moitié les proliférations d’ulves ? Sans doute entre 10 mg/litre et 25 mg/litre, mais on ne le sait toujours pas avec précision. Le rapport lie davantage cette baisse globale à une prise de conscience collective plutôt qu’à l’effet des PLAV.

      Car l’action publique pâtit encore d’une coordination défaillante entre les différents acteurs chargés de menés une politique « aux objectifs mal définis » ; d’une gestion foncière qui ne joue pas le jeu des installations en bio ; d’un manque de volonté politique des élus locaux. Sans guère d’incitations financières ni contraintes réglementaires, et faute d’indicateurs, il se révèle néanmoins malaisé de mesurer l’impact réel des PLAV. Les magistrats suggèrent de ne pas les transposer à d’autres sites et de leur préférer les règles de droit commun. Leur absence d’ambition et de résultats sur une souhaitable amélioration de la qualité des eaux expose la France à une nouvelle mise en demeure de la part de la Commission européenne.

      #agroalimentaire #élevage_industriel #Bretagne #pollution

  • Un rapport constate l’échec des plans de lutte contre les #algues_vertes
    https://reporterre.net/Algues-vertes-un-rapport-constate-l-echec-des-plans-de-lutte

    En un mot : inefficaces. Le constat de la #Cour_des_comptes et de la chambre régionale des comptes de #Bretagne est clair : les deux plans de lutte contre les algues vertes mis en place depuis vingt ans [1] ne fonctionnent pas. Objectifs mal définis, acteurs peu mobilisés, contrôles peu nombreux, avis scientifiques manquants… Les plans n’ont pas eu d’effet significatif sur les marées vertes. C’est le journal Le Télégramme qui a révélé l’information dans son édition du 29 avril : il a pu consulter une version non définitive du rapport, à paraître fin juin, après les élections régionales et a publié les éléments clefs du travail d’enquête mené depuis deux ans par les deux instances.

    #agriculture_intensive #nitrates

  • Morgan Large, journaliste victime de malveillance : « On tente d’acheter le silence d’une partie des médias » – Libération
    https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/morgan-large-journaliste-victime-de-malveillance-on-tente-dacheter-le-sil

    Journaliste en Bretagne depuis plus de vingt ans pour une radio locale, Radio Kreiz Breizh (RKB), Morgan Large, spécialisée dans l’enquête sur l’agroalimentaire, a découvert une roue de sa voiture déboulonnée. Un acte de malveillance qui aurait pu lui coûter la vie et s’ajoute à de nombreuses pressions au cours des derniers mois. Une journée de grève et un rassemblement de soutien sont prévus le 6 avril à Rostrenen (Côtes-d’Armor). Auprès de Libération, elle témoigne du climat violent qui règne dans la région pour les journalistes traitant ces thèmes et de l’impunité qui y met en danger la liberté de la presse.

    #Bretagne #Kelaouiñ #agroindustrie #agroalimentaire #journalisme #liberté_de_la_presse #algues_vertes #Inès_Léraud

    Voir aussi :

    https://seenthis.net/messages/866643

    https://seenthis.net/messages/910496

  • Carte de Bretagne - Conservatoire botanique national de Brest
    http://www.cbnbrest.fr/observatoire-milieux/cartes-de-repartition/cgtv/carte-des-grands-types-de-vegetation-de-bretagne

    La #carte des grands types de #végétation de #Bretagne a été produite entre 2018 et 2020 avec le soutien de 10 partenaires. Cet outil régional et mutualisé permet de visualiser la répartition de 27 grands types de végétation à l’échelle de la Bretagne administrative.

  • Bâti dispersé, bâti concentré, des #disparités_territoriales persistantes

    Les #bâtiments sont concentrés dans les #villes et #villages dans le quart nord-est de la #France alors qu’ils sont beaucoup plus souvent dispersés dans des #hameaux et des #lieux-dits dans l’ouest et le sud. Ainsi, en 2005, 91 % des bâtiments de la région #Grand_Est sont concentrés, contre 62 % en #Bretagne. Ces #spécificités_géographiques perdurent dans le temps. Les nouveaux bâtiments tendent à reproduire l’organisation existante du bâti.

    Cette inertie pourrait refléter la diversité des #paysages plus ou moins propices à l’installation de nouveaux bâtiments en dehors des espaces déjà bâtis. La plupart des bâtiments devant être reliés aux réseaux routiers existants, les différentes configurations paysagères peuvent freiner ou favoriser la construction de nouveaux bâtiments éloignés du bâti concentré existant. Les formes des #parcelles cadastrales se différencient selon le type de #paysages : petites et presque carrées dans les paysages de champs clôturés, allongées et rectilignes dans ceux de champs ouverts. Confronter les images de ces parcelles à la localisation effective des nouvelles constructions confirme l’inertie dans le temps du bâti : 82 % des nouveaux bâtiments se font en continuité de bâti dans les paysages de champs ouverts, contre 65 % dans ceux de champs clôturés.

    https://www.insee.fr/fr/statistiques/5229207
    #cadastre
    #chiffres #statistiques #cartographie #visualisation

  • L’industriel Jean Chéritel retire sa plainte contre la journaliste Inès Léraud - Bretagne - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/bretagne/l-industriel-jean-cheritel-retire-sa-plainte-contre-la-journaliste-ines


    « C’est un immense soulagement et une victoire », réagit Inès Léraud à l’annonce du retrait de la plainte de Jean Chéritel.
    Photo Amélie Dagman_

    À moins d’une semaine du procès en diffamation intenté à la journaliste Inès Léraud, le chef d’entreprise guingampais Jean Chéritel a décidé de retirer sa plainte.

    « C’est la preuve que notre article était sérieux, solide et inattaquable » : c’est par ces mots qu’Inès Léraud a commenté, ce vendredi après-midi, le choix du chef d’entreprise Jean Chéritel de retirer sa plainte contre elle. Le 25 juin 2019, l’industriel basé à Grâces près de Guingamp, grossiste en fruits et légumes, avait en effet attaqué devant la justice la journaliste pour diffamation, après la parution d’un article, paru sur le site internet BastaMag.

    Plus d’un an et demi après cette plainte, l’audience était programmée jeudi prochain, à 13 h 30, devant la 17e chambre du Tribunal de grande instance de Paris, la juridiction compétente dans ce type de dossier. Mais le procès - dans lequel Jean Chéritel souhaitait faire témoigner 14 personnes - n’aura donc jamais lieu.

    Pourquoi le patron du groupe Chéritel Trégor Légumes a-t-il décidé de se désister ? « À cause du climat délétère et des pressions journalistiques », répond Mathilde Ottolini, responsable commercial et achat du groupe, alors qu’un très large soutien s’était formé ces derniers mois autour de la journaliste.

    Chéritel va se consacrer à deux autres dossiers judiciaires
    « Ça va trop loin. À un moment donné nous disons stop, même si nous continuons à dire que les faits dénoncés dans l’article de Mme Léraud ne sont pas véridiques, ni avérés », ajoute Mathilde Ottolini, avant de préciser que l’entreprise souhaite désormais se consacrer à deux autres dossiers judiciaires en cours, dans lesquels elle a fait appel après des condamnations en première instance : l’une pour tromperie sur l’origine de ses tomates, l’autre pour travail dissimulé.

    « C’est un immense soulagement et une victoire. Pour Bastamag et pour moi », réagit de son côté Inès Léraud. Rassurée de ne pas avoir à « révéler l’identité de plusieurs témoins et de ne pas les exposer », l’auteure du livre Algues Vertes, l’histoire interdite ajoute : « Les deux derniers mois ont été épuisants, notamment psychologiquement. Durant cette période, j’ai travaillé à temps plein sur le procès, sans rémunération ».

  • l’histgeobox : « Saluez riches heureux ces pauvres en haillons ». Le jour où les sardinières de Douarnenez mirent en boîte les conserveurs.
    https://lhistgeobox.blogspot.com/2021/01/saluez-riches-heureux-ces-pauvres-en.html

    * Le chant des sardinières. Tout au long du conflit, le chant tient une grande place. Cela n’est guère surprenant car, à l’usine, les Penn Sardin chantent tout le temps, pour se donner de l’entrain et supporter les journée interminables d’un travail pénible et harassant. Entonnées à l’unisson, les chansons de prières, d’amour ou grivoises, contribuent à la cohésion du groupe, fixent une cadence de travail. « Le chant reste l’oxygène des ouvrières. On chante le matin pour se donner du courage. On chante l’après-midi vers les trois heures parce que les femmes avaient un coup de pompe. On chante le soir pour résister au sommeil. » [Martin Anne-Denes, Les ouvrières de la mer, Histoire des sardinières du littoral breton, l’Harmattan, 1994]

    Lors des grandes manifestations de 1924, la musique et les chants sont partout. Les sardinières en grève s’arrêtent devant leurs usines et entonnent des chants révolutionnaires : "l’Internationale", "le drapeau rouge" dont les couplets furent écrits par Paul Brousse en 1877, mais aussi et surtout "Saluez riches heureux". Cette chanson anarcho-syndicaliste du début du XX° siècle dépeint les rudes conditions d’existence des travailleurs, sans cesse confrontés au besoin ; une description qui correspond en tout point à celle de Douarnenez au mitan des années 1920. Deux mondes étanches se font alors face, s’ignorent, sans jamais se mélanger. Le port finistérien est une République de pêcheurs et une république de Femmes. Les conserveurs "de droit divin" habitent de splendides hôtels particuliers dans le quartier du Port Rhu, quand leurs ouvriers s’entassent dans les masures misérables du Rosmeur. Les femmes d’usine portent la coiffe et parlent breton (6) quand les dames arborent chapeaux et s’expriment en français. Pour les crève-la-faim, le luxe ostentatoire affirmé par la "noblesse de l’huile" de l’autre côté de la ville confine à la provocation. Insultées dans leur dignité, les Penn Sardin ne pouvez qu’adopter Saluez riches heureux. "Les travailleurs ne sont que des esclaves / Sous les courroux des maîtres du trésor / (...) Saluez riches heureux, ces pauvres en haillons, / Saluez ce sont eux qui gagnent vos millions."

  • " Depuis des années, Inès Léraud enquête sur les horreurs de l’agroalimentaire en Bretagne. Pas facile. Ce beau monde est très malin pour s’entourer de silences et de connivences. Il faut de l’entêtement et du temps.

    Pour être têtue, elle est têtue, Inès. On la connaît, c’est une ancienne modeste et géniale de Là-bas. Et pour avoir le temps, elle s’est installée pendant quatre ans dans un village au cœur de la Bretagne. Pas évident au début, mais la confiance est venue, et elle a commencé à diffuser des reportages qui ont dévoilé les méthodes de l’agroalimentaire et ses dégâts, autant sur la santé du petit personnel que sur la verdoyante nature bretonne. Verdoyante, c’est surtout les algues qui l’ont intéressée au point d’en faire un album de BD qui lui vaut un gros succès et aussi de gros ennuis [1].

    La voilà qui subit des pressions, elle et son éditeur, la voilà poursuivie en justice par un gros patron ombrageux. Le procès aura lieu les 20 et 21 janvier au TGI à Paris. Mais du coup, c’est toute une élite locale de patrons, d’élus et de notables qui apparaît dans une lumière pas vraiment à leur avantage. Et c’est aussi toute une mobilisation pour défendre la liberté d’informer sur le secteur agroalimentaire. Et c’est aussi des journalistes en Bretagne qui refusent la docilité à laquelle la précarité les contraint, et qui s’organisent au sein d’un collectif, Kelaouiñ, qui veut dire « informer » en breton. Tout ça à cause d’UNE journaliste. Il y a 35 000 cartes de presse en France, vous imaginez, même 10 %, mettons 3 500 journalistes, aussi têtus dans le pays ? Les méchants ne dormiraient plus jamais. Mais heureusement que tous les journalistes ne font pas comme Inès Léraud." Là-bas si j’y suis :
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/heureusement-que-tous-les-journalistes-ne-font-pas-comme-ines-leraud
    #elevage #complexe_agro_industriel #viande #Bretagne #Lobby