• Nourolles de l’Épiphanie
    https://www.cuisine-libre.org/nourolles-de-l-epiphanie

    Les nourolles de l’Épiphanie sont une spécialité culinaire de la Manche. Faire dissoudre la levure dans un demi-verre d’eau tiède (environ 45°C). Préparer le levain. Ajouter un peu de farine. Malaxer le tout. Mettre le pâton à lever. Pendant ce temps, disposer la farine tamisée en fontaine dans un saladier. Ajouter le sucre, le sel et les œufs. Mélanger le tout. Incorporer le lait. Mélanger à nouveau. Pétrir la pâte en l’étirant et en la repliant sur elle-même jusqu’à obtention d’une pâte lisse et…

    #Brioches, Farine de blé, #Normandie / #Sans viande, #Four #Farine_de blé #Epiphanie

  • Ariane Mnouchkine sur le vaccin
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/ariane-mnouchkine-sur-le-vaccin-ministres-netes-vous-donc-pas-prets-6792434

    Ministres, n’êtes-vous donc pas prêts ? Et votre chef ? Au bout d’un an de ratages, d’appauvrissement, de pertes, d’humiliations, de souffrances, de morts, vous n’êtes toujours pas prêts ?!

    Alors qu’en Allemagne et au Royaume Uni, au Danemark, dans toute l’Europe, les campagnes de vaccinations enregistrent des patients par milliers, en France, la patrie de Pasteur, nous comptons à peine quatre centaines de personnes âgées vaccinées. Et deux ou trois médecins, alors que tous les soignants de France et de Navarre devraient l’être avant tout le monde.

    Pourquoi ? Que se passe-t-il ?

    À vous écouter les Français seraient trop sceptiques, trop hésitants, bref, trop anti-vaccins.

    Avez-vous donc si peur des Français que vous régliez ainsi votre pas sur les plus craintifs ou, plutôt, sur les plus soupçonneux d’entre nos concitoyens échaudés par vos mensonges et qu’aujourd’hui, vous poussez à la crainte par vos bobards obstinés et votre pusillanimité incompréhensible ?

    Allez-vous vraiment vous abriter longtemps derrière ceux qui, par votre faute, restent indécis ? Ne voyez-vous pas que votre tiédeur suspecte nourrit les thèses obscurantistes les plus nocives, les plus vénéneuses.

    Que ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ne le fassent pas, c’est leur droit, mais en leur nom, allez-vous prétendre empêcher les volontaires de le faire au plus vite alors que, ce faisant, nous protègerions jusqu’aux plus rétifs des anti-vaccins, qui le savent bien d’ailleurs.

    Pensez-vous vraiment pouvoir nous rejouer la petite musique de mars contre les masques ? Non ? Alors, faites votre métier, arrêtez de jouer de la flûte. Faites votre devoir. Organisez cette campagne de vaccination comme il se doit pour que nous, artistes de tous ordres, grands et petits restaurateurs, cafetiers, bistrotiers, boutiquiers, étudiants, professeurs, docteurs, infirmières, brancardiers, pompiers, policiers, caissières, athlètes, personnes âgées, nous puissions faire le nôtre et partager à nouveau ce qui s’appelle le bien commun, pour certains en ouvrant leurs théâtres, leurs cinémas, leurs restaurants, leurs boutiques, leurs bars, leurs gymnases, leurs universités, leurs bras. Pour d’autres, en cessant de surveiller nos cabas, nos déplacements, nos verres, nos fêtes, nos places et nos rues et en retrouvant leurs vraies missions de gardiens de la paix.

    Ministres français, vous tremblez ? Et votre chef. Alors que, avec une incroyable promptitude, inespérée il y a encore quelques semaines, des savants du monde entier, ont, grâce à leur travail acharné, déposé en vos mains l’arme nécessaire et, bientôt, suffisante, pour vaincre le virus et libérer le pays de cet occupant dévastateur, vous tremblez ?! Alors partez. Démissionnez. Nous avons besoin de gens courageux, compétents, respectueux de leurs concitoyens.

    Eh bien, qu’attendez-vous ? Vous voulez des suicides, des émeutes ? Des suicides, il y en a déjà. Quant aux émeutes, elles brûlent dans beaucoup de cœurs. Des cœurs pourtant bien sages d’habitude.

  • Talmouses
    https://www.cuisine-libre.org/talmouses

    Abaisser la pâte feuilletée sur 5 mm d’épaisseur et découper dans cette abaisse des carrés de 12 cm de côté. Badigeonner ces carrés avec le jaune d’œuf et les mettre de côté. Par ailleurs, râper finement 100g de fromage. Faire fondre le #Beurre dans une casserole, ajouter la farine et mélanger, puis faire cuire de 2 à 3 minutes pour obtenir un roux blond Verser le lait petit à petit sur ce roux, sans cesser de remuer avec une spatule et faire cuire de 7 à 8 minutes jusqu’à ce que le mélange épaississe. Saler… Beurre, #Fromages_à_pâte_ferme, #Bricks_et_samoussas, #Île-de-France / #Sans viande, #Four

  • Cagnotte solidaire pour la BSP Montreuil Bagnolet - CotizUp.com
    https://www.cotizup.com/bspmontreuilbagnolet

    La Brigade de Solidarité Populaire de #Montreuil Bagnolet lance une campagne de cagnotte solidaire afin d’aider à auto-financer ses actions solidaires !

    Pendant la période du premier confinement, nous avons été amenée.e.s à nous organiser entre habitantes et habitants de Montreuil et Bagnolet pour rompre l’isolement face à l’abandon des pouvoirs publics et aux difficultés matérielles que nous avons rencontrées.
    Le besoin à ce moment était principalement alimentaire, sanitaire et social. Nous y avons répondu via des #cantines collectives, des distributions de paniers alimentaires, de masques et de gel, au prix parfois de nombreuses #amendes.

    Dans la continuité de cette période de crise sanitaire et sociale, nous sommes déterminé.e.s à proposer des espaces de rencontre et d’entraide locales en maintenant les cantines (cantines à prix libre et à emporter ainsi que maraudes alimentaires et sanitaires dans les quartiers alentours ) et en mettant en place des ateliers d’autodéfense sociale : cours de FLE et permanence d’accès aux droits, atelier de confection et distribution de masques en tissu, collecte de produits de première nécessité.

    Pour chacune de ces actions des frais sont engagés (pour l’essence, les impressions, la réparation des machines à coudre par exemple) et aujourd’hui nous avons urgemment besoin de votre aide. 

    Nous lançons un appel au don, dans la perspective que tout le monde puisse contribuer et soutenir l’auto-organisation de l’autodéfense sanitaire et que le coût de la répression ne soit pas une entrave à ces actions.

    Merci d’avance à chacun et chacune d’entre vous pour votre soutien.

    La Brigade de Solidarité Populaire de Montreuil Bagnolet

    https://seenthis.net/messages/849714

    #Brigade_de_Solidarité_Populaire

  • Dans les Alpes, migrants et bénévoles face à une police aux frontières renforcée

    En novembre, Emmanuel Macron a doublé les effectifs de la police aux frontières "contre la menace terroriste". Des renforts auxquels se heurtent quotidiennement associations et exilés.

    C’est pour notre “protection commune”, assure Emmanuel Macron. Dans la foulée des attentats terroristes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, le président de la République annonçait le 5 novembre rien de moins qu’un doublement des effectifs de la police aux frontières.

    À Montgenèvre (Hautes-Alpes), par exemple, une soixantaine de policiers, de gendarmes réservistes et même de militaires de l’opération Sentinelle sont arrivés en renfort ces dernières semaines, selon la préfecture.

    Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo ci-dessus, cette forte présence policière n’est pas sans conséquence sur les dizaines d’exilés, dont de nombreux demandeurs d’asile, qui tentent chaque jour de franchir au péril de leur vie ce point montagneux de la frontière franco-italienne, ni sur les associations qui leur portent assistance.

    Samedi 5 décembre, notre caméra a pu suivre sur le terrain l’association Tous migrants, dont deux bénévoles ont récemment été interpellés lors d’une maraude et convoqués devant le tribunal de Gap pour “aide à l’entrée” d’un couple d’Afghans.

    "On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain."
    #Michel_Rousseau, association Tous migrants

    Signe supplémentaire que ce “#délit_de_solidarité” persiste, deux bénévoles ont une fois de plus été interpellés lors de notre reportage, alors qu’ils portaient assistance à une dizaine de migrants afghans, iraniens et maliens côté français. Soupçonnés “d’aide à l’entrée sur le territoire de personne en situation irrégulière”, ils ont reçu une convocation pour une audition libre 48 heures plus tard.

    Selon nos informations, les deux maraudeurs n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite, mais ont vu leurs empreintes et photos récoltées par les autorités. Depuis notre tournage, quatre autres maraudeurs ont encore été convoqués par la police, pour un total de six bénévoles auditionnés en à peine une semaine.
    Des rétentions au cadre légal flou

    Avant leur renvoi aux autorités italiennes, les migrants interpellés en montagne sont emmenés dans des bâtiments préfabriqués (type Algeco) situés derrière le poste-frontière de Montgenèvre, comme vous pouvez le voir également dans notre reportage en tête d’article.

    Utilisé aussi à Menton, ce type de lieu de rétention sans cadre légal précis est dénoncé en justice par des associations et ONG. Ces derniers y réclament le droit de pouvoir y accéder pour porter une assistance aux demandeurs d’asile, comme dans les centres de rétention ou les zones d’attente (ZA) des aéroports internationaux.

    “On est dans un État de droit. Quand il y a privation de libertés, il y a une base légale et les gens maintenus ont des droits prévus par la loi. Et là, il n’y a rien”, regrette Gérard Sadik, responsable de la commission Asile de La Cimade.

    En ce qui concerne Menton, le tribunal administratif de Nice a d’ailleurs suspendu le 30 novembre dernier une décision du préfet des Alpes-Maritimes “refusant l’accès aux constructions modulaires attenantes au poste de la police aux frontières aux représentantes de l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et de l’association Médecins du Monde”. En outre, la justice évoque plusieurs manquements aux droits des demandeurs d’asile :

    “Le juge relève que quotidiennement, de nombreuses personnes sont retenues dans ces locaux munis de système de fermeture et de surveillance vidéo, dans des conditions précaires, pour de nombreuses heures, notamment la nuit lorsque le poste de police italien est fermé, qu’elles sont mises dans l’impossibilité de partir librement de ces locaux et d’obtenir au cours de la période de ‘maintien’ une assistance médicale, juridique ou administrative des associations.”

    Une “fabrique des indésirables”

    Contactée par Le HuffPost, la préfecture des Hautes-Alpes évoque sobrement des “locaux de mise à l’abri proposés sans contrainte”, le temps de procéder à des “vérifications” et “aménagés dans l’unique objectif de préserver tant leur dignité, en proposant un lieu de repos (avec chauffage, couvertures, mobiliers, nourriture), que leur vie, afin de ne pas soumettre ces personnes non admises à un retour par leurs propres moyens”.

    À notre micro, Michel Rousseau, Briançonnais et bénévole de la première heure de Tous migrants, y voit plutôt une “fabrique des indésirables”. Tout en ajoutant : “Mais on ne veut pas être dans la caricature. On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain. On compte sur eux pour que les droits fondamentaux triomphent”.

    https://www.huffingtonpost.fr/entry/dans-les-alpes-migrants-et-benevoles-face-a-une-police-aux-frontieres
    #vidéo #Tous_Migrants #maraudes #asile #migrations #réfugiés #Hautes-Alpes #Briançon #France #Italie #frontières #militarisation_des_frontières #solidarité #maraudes_solidaires #hiver #vidéo

    • (reportage de 2018, je mets ici pour archivage)

      Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 1 : Mamadou

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce premier épisode, place à l’histoire de Mamadou, qui a traversé la frontière italo-française en passant par le col de l’Échelle, un soir de mars.

      Depuis le début de l’année, près de 2 000 réfugiés ou exilés, migrants, seraient arrivés en France, en traversant la frontière avec l’Italie. En passant par les Alpes, les cols alentours, et dans des conditions extrêmes, au péril de leur vie. Mamadou commence son odyssée en 2010, loin, très loin des Alpes. Fils d’un père boucher, il quitte son pays, le Mali, suite aux attaques menées par les touaregs qui combattent pour le contrôle du nord du pays.
      Du Mali à la Place des Fêtes, à Paris

      En 2011, alors que plusieurs de ses amis viennent de mourir dans un attentat sur un marché, il prend la décision de fuir. Passé par l’Algérie, il arrive finalement en Libye et monte dans un canot pneumatique à Tripoli. Sauvé de la noyade par les gardes-côtes italiens, on lui délivre à Naples un titre de séjour et un passeport Schengen.

      Il décide alors de rejoindre son oncle, qui travaille à Paris. Les petits boulots s’enchainent : boucher durant deux ans, puis vendeur pendant un an sur les marchés de Place des Fêtes et de Daumesnil, dans les 20ème et 12ème arrondissements parisiens.
      Repasser par l’Italie pour faire renouveler son titre de séjour

      A l’hiver 2016, Mamadou est obligé de retourner en Italie pour faire renouveler ses titres de séjour. On lui en accorde un, d’une durée de cinq ans, mais son passeport, lui, n’est pas encore prêt. À cause de son travail, Mamadou doit pourtant rentrer à Paris et ne peut attendre. Il décide de prendre le train à Milan, avant de se faire contrôler en gare de Modane, dix kilomètres après la frontière.

      Là, les policiers français lui expliquent que, sans son passeport, ils sont obligés de lui refuser l’entrée en France. Mamadou a beau leur assurer que sa demande est en cours et qu’il doit retourner travailler à Paris, d’où il vient, les agents lui répondent que ce n’est pas leur problème. Il est arrêté, ainsi qu’Ousmane, un autre exilé de 17 ans qui l’accompagne. Les deux garçons, migrants à ce moment-là, sont reconduits, en traversant la frontière, en Italie.
      Migrants : l’odyssée dramatique des marcheurs de l’extrême – Episode 1

      « Je ne savais pas que la neige pouvait brûler »

      À la gare de Bardonecchia, les deux jeunes gens ne connaissent personne. Mais ils sont déterminés à passer la frontière, comme d’autres migrants. Mamadou se renseigne sur l’itinéraire à prendre pour rejoindre la France auprès d’un italien. Celui-ci lui indique une route qui passe par le col de l’Échelle. Celui-ci culmine à 1762 mètres d’altitude.

      Le col de l’Échelle est fermé à la circulation l’hiver. En fonction de l’enneigement, cette fermeture peut durer de décembre jusqu’à mai. Nous sommes le 5 mars, il est 16h : il fait froid et il neige. Bien que peu couverts, en jean et en baskets, les deux jeunes décident néanmoins de franchir la montagne à pied.

      https://radioparleur.net/2018/06/04/migrants-solidaires-frontiere-episode-1

      #audio #son #podcast

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Épisode 2 : Une #solidarité en actes

      Des milliers de réfugié·es ou d’exilé·es arrivent en France en provenance d’Italie. Ils et elles traversent la frontière par les cols des Alpes, dans des conditions extrêmes, avec un risque mortel. Face à cet afflux et à ces dangers, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais dans le but de secourir les migrant·es en difficulté. Dans ce deuxième épisode, Radio Parleur vous propose de découvrir trois portraits d’accueillant·es : un membre d’association, un pisteur en montagne ou une simple habitante de la #vallée_de_la_Clarée.

      Face aux risques que courent les migrants pour traverser la frontière, des habitant·es du Briançonnais, de #Névache et de #Montgenèvre se mobilisent par solidarité. Tout·es craignent de retrouver des cadavres au printemps et de voir la montagne se transformer en un gigantesque cimetière à ciel ouvert avec la fonte des neiges. Le 25 mai 2019, du côté italien du col de l’Échelle, un promeneur a découvert le corps d’« un homme à la peau sombre » inanimé, près d’un torrent. Le corps, en état de décomposition avancée, n’a pas pu être identifié, selon le journal italien La Stampa.

      Secourir les migrant·es en difficulté, par solidarité

      Bravant le froid et les contrôles accrus de la PAF (Police Aux Frontières), les bénévoles continuent. Épuisé·es et en colère face à un État qui, selon elleux, les laisse seul·es gérer l’urgence. C’est une armée de volontaires : ancien·nes militant·es, syndicalistes, anarchistes et libertaires, catholiques à la fibre sociale, mais aussi simples habitant·es de la vallée. Certain·es ne s’étaient jamais engagé·es par solidarité jusque-là. Mais tous et toutes ont prit le relais d’un État jugé déficient.

      Bruno Jonnard habite à Névache, la plus haute commune de la vallée de la Clarée, depuis maintenant quinze ans. Artisan l’été, il travaille comme dameur et pisteur l’hiver. Il assure des interventions comme pompier volontaire. Avec ses 361 habitant·es, Névache est le village le plus proche du col de l’Échelle. Un col dangereux et difficile d’accès par où passent les migrant·es qui franchissent la frontière franco-italienne.

      Murielle* habite à Montgenèvre où elle dirige un commerce. A quelques centaines de mètre, le col du même nom, et surtout la frontière franco-italienne. Mais aussi le poste de la Police Aux Frontières (PAF) d’où partent les patrouilles qui surveillent ce second point de passage pour les migrant·es.

      Michel Rousseau habite à Briançon. Ancien syndicaliste aujourd’hui à la retraite, il est le porte-parole de l’association Tous Migrants. L’association, sans étiquette politique, religieuse ou institutionnelle, créée en 2015, exprime l’indignation collective face au drame humanitaire vécu par les migrants en Europe. C’est aussi dans le chef-lieu de la vallée de la Clarée, que se situe le refuge solidaire de l’association pour les migrant·es.

      https://radioparleur.net/2018/06/05/montagnes-solidarite-migrants-marcheurs-odyssee-episode-2

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 3 : #Maraude en montagne

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce troisième épisode, Radio Parleur vous propose de partir au cœur d’une maraude en haute-montagne, avec Vincent et Emily*, bénévoles à l’association #Tous_Migrants.

      Dans les Hautes-Alpes, les migrants qui souhaitent rejoindre la France traversent régulièrement la frontière franco-italienne par la montagne. Ils passent par les cols de l’Echelle, à 1762 mètres d’altitude, et de Montgenèvre, à 1850 mètres d’altitude. Les conditions y sont extrêmement difficiles : températures qui descendent parfois en dessous de moins 20 degrés, passages par des zones difficiles d’accès et le plus souvent de nuit, avec les patrouilles de la #Police_Aux_Frontières (#PAF) et de la #Police_Nationale.

      Secourir les migrants en difficulté dans la montagne

      C’est pourquoi des professionnels de la montagne, des bénévoles, ou parfois de simples habitants de la région, s’organisent. Ils effectuent chaque soir des maraudes en altitude pour secourir les migrants en difficulté. Commençant autour de 21h, elles finissent tard dans la nuit. « Ça fait partie de la culture montagnarde : on ne laisse personne en difficulté sur le côté du chemin, là-haut », assure Vincent, habitant et pizzaiolo qui participe à la maraude.

      Parfois, ce sont jusqu’à douze ou quinze personnes par soir, qui tentent de passer. Il faut ensuite redescendre et parvenir jusqu’au #Refuge_Solidaire installé à Briançon. Là, suite à un accord avec la communauté de communes et la gendarmerie nationale, les migrant·e·s ne sont pas inquiété·e·s tant qu’ils ne s’éloignent pas du refuge installé dans une ancienne caserne de #CRS.

      https://radioparleur.net/2018/06/08/episode-3-maraude-montagne-migrants-detresse-solidaires

      Pour écouter le #podcast :
      https://podcast.ausha.co/radio-parleur/migrants-l-odyssee-des-marcheurs-de-l-extreme-episode-3-maraude-en-mon

      #maraudes

    • Dans les Alpes, les associations d’aide aux migrants se disent « harcelées » par la Police aux frontières

      L’association Tous Migrants qui vient en aide aux exilés qui traversent les Alpes pour rejoindre la France, s’inquiète du #harcèlement_policier dont elle se dit victime. Arrêtés pendant les #maraudes en montagne, à Briançon, les membres de l’association se plaignent des très nombreuses #amendes qu’ils reçoivent, disent-ils, pour non-respect du couvre-feu. Et s’inquiètent du sort des migrants interceptés par la Police aux frontières.

      « La situation est ubuesque ». C’est avec ces mots qu’Agnès Antoine, membre de Tous migrants, dans la ville de Briançon, au pied des Alpes françaises, évoque les maraudes de son association. « Il fait -15 degrés, les exilés risquent leur vie pour traverser la montagne et arriver en France et au lieu de les aider, nous sommes harcelés ». L’association reproche aux forces de l’ordre et aux membres de la Police aux frontières (PAF) de les entraver dans leur #aide_humanitaire.

      « Depuis le 6 janvier, nous avons déjà récolté une trentaine d’amendes pendant nos maraudes de soirées pour non-respect du #couvre-feu », explique-t-elle. Les associations sont pourtant autorisées à prolonger leurs activités au-delà de 20h avec une #attestation. Les bénévoles assurent que les forces de l’ordre n’en ont que faire.


      https://twitter.com/LoupBureau/status/1351629698565103625
      « Respect des règles »

      « Les #contrôles_arbitraires, notifications d’amendes, #auditions_libres et autres pressions envers les citoyens et citoyennes qui chaque soir essaient de porter assistance aux exilé(e)s se sont multipliés », peut-on lire dans un communiqué publié par Tous Migrants et Médecins du monde. « La nuit du 8 janvier 2021, j’ai été contrôlé quatre fois par deux équipes de gendarmes alors que je maraudais dans Montgenèvre. Cette même soirée, j’ai été notifié de trois amendes alors que j’étais en possession de mon ordre de mission et de mon attestation dérogatoire de déplacement délivrés par l’association Tous Migrants », ajoutent les auteurs du texte.

      Contactée par InfoMigrants, la préfecture des Hautes-Alpes se défend de harcèlement et de contrôles abusifs. « Les services chargés du contrôle aux frontières agissent dans le respect des règles de droit et des personnes qu’elles contrôlent », explique-t-elle dans un communiqué. « Concernant les maraudes exercées pendant le couvre-feu, les salariés et bénévoles peuvent se déplacer entre 18h et 6h pour l’aide aux personnes précaires en présentant une attestation professionnelle fournie par l’association. Il appartient à l’autorité de police verbalisatrice d’apprécier la validité des documents qui lui sont présentés. »


      https://twitter.com/DamienCAREME/status/1337458498146222082

      « La PAF nous demande de venir chercher des migrants dans leurs locaux »

      Pour Agnès Antoine, le comportement de la police est surtout incompréhensible. « Ils nous harcèlent et dans le même temps, ils nous demandent de les aider, de venir chercher des migrants quand ils sont dans les locaux de la PAF. Parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’eux. C’est vraiment dingue ».

      Dernier exemple en date, dans la nuit du vendredi 15 janvier au samedi 16 janvier. Vingt-deux migrants, Iraniens et Afghans, dont des enfants et un nouveau-né, sont interceptés par la police dans la montagne puis emmenés dans les locaux de la PAF. Selon Tous Migrants, « toutes les personnes arrêtées ont reçu des OQTF et des IRTF délivrées par la préfète ». Après les avoir interrogés, la PAF a appelé l’association. « Ils nous ont demandé de venir pour nous en occuper », soupire-t-elle.
      De plus en plus de familles parmi les exilés

      L’association reproche également aux forces de l’ordre de bafouer les droits des migrants. « L’État militarise la frontière, traque les exilé(e)s et les reconduit quasi systématiquement en Italie sans même vérifier s’ils souhaitent demander l’asile en France », écrivent-ils encore dans leur communiqué.

      Selon Tous Migrants, le profil des exilés traversant les Alpes a changé ces derniers mois. Auparavant, les personnes secourues étaient majoritairement des hommes, en provenance d’Afrique de l’Ouest « qui remontaient l’Italie depuis le sud avant de traverser les Alpes ». Aujourd’hui, les migrants sont davantage des familles venues du Moyen-Orient. « Elles arrivent de Slovénie, passent par Trieste (dans le nord de l’Italie), et arrivent aux Alpes », explique Agnès Antoine. « Ce sont beaucoup de familles avec des femmes enceintes, des enfants et même des bébés en bas âge ».

      Depuis le mois de septembre 2020, les maraudes ont permis de porter assistance à 196 personnes, écrivent les bénévoles de l’association.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/29725/dans-les-alpes-les-associations-d-aide-aux-migrants-se-disent-harcelee

    • « A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains »

      Au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière, la #militarisation_de_la_montagne n’est qu’un geste vain de l’Etat, alertent l’anthropologue #Didier_Fassin et le médecin #Alfred_Spira.

      Tribune. Toutes les #nuits, dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre, des hommes, des femmes et des enfants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb tentent de passer à pied d’Italie en France, dans la neige et le froid. Toutes les nuits, puissamment équipés, des agents de la police aux frontières et des gendarmes dépêchés sur place s’efforcent de les en empêcher et de les reconduire de l’autre côté de la frontière. Toutes les nuits, des bénévoles font des #maraudes pour porter assistance à ceux qui, une fois sur le territoire français, essaient d’échapper à leur arrestation.

      Cette étrange dramaturgie se reproduit depuis quatre ans, et, si les hivers sont particulièrement dangereux, certains des accidents les plus tragiques se sont produits en #été : il n’est pas de période sûre pour les exilés qui se perdent ou se blessent dans cette voie par laquelle ils espèrent obtenir la protection de la France ou poursuivre plus loin leur périple. Ajoutons à ce tableau la présence de deux compagnies de policiers et de gendarmes chargés du secours en haute montagne qui, en conformité avec leur noble mission, sont parfois paradoxalement conduits à intervenir pour aider des exilés qui fuient leurs collègues.

      Leur action se fait au nom du contrôle de l’immigration, et le président de la République a récemment ordonné un doublement des forces de l’ordre qui gardent les frontières.

      Mais cette impressionnante mobilisation se révèle à la fois disproportionnée et inefficace, comme le reconnaît un haut fonctionnaire préfectoral. Disproportionnée, car elle ne concerne que 2 000 à 3 000 passages par an. Inefficace, car celles et ceux qui sont reconduits retentent inlassablement leur chance jusqu’à ce qu’ils réussissent.

      La véritable conséquence du déploiement de ce dispositif est de contraindre les exilés à emprunter des chemins de plus en plus périlleux, sources de #chutes, de #blessures et de #gelures. Plusieurs #décès ont été enregistrés, des #amputations ont dû être réalisées. La militarisation de la montagne n’est ainsi qu’un geste vain de l’Etat, dont le principal résultat est la #mise_en_danger des exilés, souvent des familles.

      « #Délit_de_solidarité »

      Geste d’ailleurs d’autant plus vain qu’il est difficile d’imaginer que des personnes qui ont quitté un pays où ils n’étaient pas en sécurité pourraient y retourner. Les uns ont fait des milliers de kilomètres sur la route des Balkans, y ont été enfermés dans des camps infâmes sur des îles grecques ou ont subi les violences des policiers et des miliciens croates.

      Les autres ont franchi le Sahara où ils ont été dépouillés de leurs biens par des gangs avant d’arriver en Libye, où ils ont été détenus, torturés et libérés contre rançon, puis de traverser la Méditerranée sur des embarcations précaires et surchargées. Il est difficile d’imaginer que ces exilés puissent renoncer à cet ultime obstacle, fût-il rendu hasardeux par l’action de la police et de la gendarmerie.

      C’est pourquoi l’activité des maraudeurs est cruciale. Les premiers d’entre eux, il y a quatre ans, étaient des habitants de la région pour lesquels il était impensable de laisser des personnes mourir en montagne sans assistance. « #Pas_en_notre_nom » était leur cri de ralliement et l’intitulé de leur association, qui est devenue un peu plus tard Tous Migrants, récompensée en 2019 par un prix des droits de l’homme remis par la garde des sceaux. Très vite, ils ont été rejoints par des #bénévoles venus de toute la France et même de plus loin, certains étant des professionnels de santé intervenant au nom de #Médecins_du_monde.

      Ces maraudeurs qui essaient de mettre à l’#abri les exilés ayant franchi la frontière dans des conditions extrêmes ont à leur tour été réprimés. Bien que censuré par le Conseil constitutionnel en 2018, au nom du principe supérieur de fraternité, le « délit de solidarité » continue à donner lieu à des #interpellations et parfois à des #poursuites.

      Nous avons nous-mêmes récemment été, en tant que médecins, les témoins de ces pratiques. L’un de nous a fait l’objet, avec son accompagnateur, d’un long contrôle d’identité et de véhicule qui les a empêchés de porter secours, quelques mètres plus loin, à une dizaine de personnes transies, dont une femme âgée qui paraissait présenter des troubles cardiaques. Alors qu’ils insistaient devant le poste de police sur les risques encourus par cette personne et rappelaient la condamnation de la police aux frontières pour refus de laisser les organisations humanitaires pénétrer leurs locaux pour dispenser une assistance médicale et juridique, ils se sont fait vigoureusement éconduire.

      Double contradiction

      Un autre a pu, quelques jours plus tard, mettre à l’abri deux adultes avec quatre enfants qui venaient de franchir la frontière par − 15 °C ; il s’est alors rendu compte que deux fillettes étaient sans leurs parents qui avaient, eux, été interpellés ; revenu au poste-frontière pour solliciter la libération du père et de la mère au nom de l’#intérêt_supérieur_des_enfants de ne pas être séparés de leur famille, il n’a obtenu celle-ci qu’au prix d’une audition par un officier de police judiciaire, après avoir été fallacieusement accusé d’#aide_à_l’entrée_irrégulière_sur_le_territoire, #délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

      Dans les jours qui ont suivi ces deux épisodes, tous les maraudeurs ont fait l’objet d’un #harcèlement non justifié des #forces_de_l’ordre, avec jusqu’à six contrôles et trois #contraventions par personne certains soirs.

      Tous les policiers et les gendarmes n’adhèrent pas à ces pratiques. Certains vont jusqu’à féliciter les maraudeurs pour leurs actions. Ils sont d’autant plus légitimes à le faire qu’au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière le gouvernement viole les #droits_humains, lorsque ses agents insultent, volent et frappent des exilés, comme des décisions judiciaires l’ont établi, et qu’il enfreint la législation lorsque les exilés ne sont pas autorisés à demander l’asile à la frontière. Parfois, les mineurs non accompagnés se voient refoulés, ce que condamne la justice.

      On aboutit à cette double contradiction : garant de la loi, l’Etat y contrevient au moment même où il sanctionne celles et ceux venus lui demander sa protection ; promoteur des valeurs de la République, il punit celles et ceux qui se réclament de la fraternité. Ces violations des droits humains et ces infractions à la législation contribuent à la crise humanitaire, sécuritaire et sanitaire, contre laquelle le devoir éthique de tout citoyen est d’agir, comme nous le faisons, pacifiquement et dans le strict respect de la loi.

      Didier Fassin est professeur à l’Institut d’études avancées de Princeton et titulaire de la chaire annuelle « santé publique » au Collège de France ; Alfred Spira est professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris-Saclay et membre de l’Académie nationale de médecine. Tous deux sont occasionnellement maraudeurs bénévoles pour l’association Médecins du monde.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/28/a-la-frontiere-franco-italienne-l-etat-commet-des-violations-quotidiennes-de
      #nuit #hiver #efficacité #proportionnalité #inefficacité

  • Entretien avec #Mathieu_Rigouste : une #généalogie coloniale de la police française
    (2017 —> pour archivage)

    L’entretien qui suit est la transcription d’une conversation ayant eu lieu le 23 septembre 2016 afin de figurer dans le 8ème numéro de The Funambulist (disponible en ligne et dans certaines librairies) dedié a une critique de la police dans differents contextes politiques et géographiques (États-Unis, Palestine, Égypte, Allemagne, Brésil, France). https://thefunambulist.net/magazine/police

    LÉOPOLD LAMBERT : Mathieu, ton travail consiste à beaucoup d’égards de mettre à jour la #généalogie_coloniale déterminante de la #police_française. J’aimerais donc commencer cette conversation avec le #massacre du #17_octobre_1961 qui a vu la police parisienne tuer entre 40 et 100 algérien-ne-s lors de manifestations ayant rassemblé environ 30 000 personnes en solidarité avec le #FLN. Lorsque nous évoquons la répression sanglante de l’état français au moment de la révolution algérienne, nous pensons souvent aux #violences commises en Algérie mais pas nécessairement en « métropole » ; c’est pourtant là que ce se détermine la police française d’aujourd’hui en relation à la partie de la population provenant d’anciennes colonies de « l’Empire » (nous en parlerons plus tard). Peux-tu nous décrire cette relation, ainsi que de la figure déterminante de #Maurice_Papon, préfet pour le régime Vichiste, puis à #Constantine en Algérie et enfin à l’œuvre à Paris donnant l’ordre d’un tel massacre ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Il y a plusieurs racines de l’#ordre_sécuritaire. L’axe de mes recherches, c’est la #restructuration_sécuritaire qui accompagne la restructuration néolibérale du #capitalisme à l’époque contemporaine. Dans tous mes travaux je retombe sur ce mécanisme dans lequel on voit la société impérialiste française importer dans son système de #contrôle, de #surveillance, de #répression des dispositifs qui viennent des répertoires coloniaux et militaires. Au sein de l’Algérie qui est la colonie de peuplement et d’expérimentations d’une gestion militaire de la population colonisée la plus poussée, sont développés des répertoires d’#encadrement qui vont influencer en permanence, depuis 1830, la restructuration du contrôle de la population « en métropole ». Notamment par l’application de ces dispositifs sur les populations directement désignées comme étant la continuité des indigènes en Algérie, c’est-à-dire principalement les #arabes à #Paris. On a donc des répertoires particuliers, des #régimes_policiers de #violences appliqués aux colonisés « en #métropole » qui font un usage régulier de pratiques de #coercition, d’#humiliation, de #rafles, d’#assassinats, de #tortures longtemps avant la #guerre_d’Algérie et de manière continue. On a déjà une police dans les années 30 qui s’appelle #Brigade_de_surveillance_des_Nord-Africains (#BNA) qui est donc une police opérant sous critères racistes, chargée par l’utilisation de la coercition d’encadrer les français de souche nord-africaine. Ces répertoires vont se transmettre. La continuité de l’état, ça veut dire la continuité des personnels, des administrations, des bureaucraties. Et à travers la restructuration des unités de police, se transmettent des systèmes de #discours, d’#imaginaires, d’#idéologies, et de #pratiques.

    Donc au moment du 17 octobre 1961, il y a déjà tous ces répertoires qui appartiennent à l’arsenal de l’encadrement normal et quotidien des arabes à Paris. J’essaye d’alimenter une piste un peu nouvelle qui apporte un regard supplémentaire aux travaux critiques qui avaient été faits sur la question et qui essaye de montrer comment les doctrines de #contre-insurrection dominaient la pensée militaire de l’époque et comment elles ont été importées et réagencées après leur application industrielle pendant la guerre d’Algérie, notamment à partir de 1956, pour passer du répertoire militaire et colonial dans le répertoire policier de l’écrasement des arabes à Paris. Tu l’as dit, ça passe par des personnels ; on pense à la figure de Maurice Papon en effet, mais aussi à des « étages » moyens et inférieurs de la police, les #CRS, les #gendarmes_mobiles… tout le monde fait son séjour en Algérie pendant la guerre en tant que policier en formation ou pour servir puisqu’on avait utilisé la plupart des effectifs militaires et policiers disponibles à l’époque. Il y a donc déjà une masse de policiers et de gendarmes qui ont été faire la guerre aux colonisés et ils se sont appropriés le modèle de contre-insurrection, le modèle de #terreur_d’Etat. Et puis, il y a aussi tout le contingent, les « #appelés », toute une génération de jeunes mâles qui vont se construire – certains, en opposition, mais une minorité – dans cette guerre d’Algérie, et à travers toute l’économie psychique que ça suppose, les #peurs et la #férocité que ça va engendrer dans toute une génération qui prendra ensuite les manettes de la #Cinquième_République.

    Ce que j’essaye de montrer donc, et que l’on voit bien dans le discours de Maurice Papon à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN) en 1960, c’est que lui en tant que #IGAME, c’est-à-dire super préfet itinérant en Algérie, se forme à la contre-insurrection – c’était déjà un spécialiste des mécanismes de #purges, il s’était illustré par la #déportation des juifs de Bordeaux pendant l’occupation – et donc, assez logiquement, est nommé super préfet en Algérie pour organiser l’écrasement de la #révolution_algérienne. Il se forme ainsi à la contre-insurrection et expériment une forme de remodelage d’une contre-insurrection militaire et coloniale en contre-insurrection militaro-policière et administrative. Il se fascine completement pour cette doctrine qui exhorte à se saisir de l’ennemi intérieur pour pacifier la population, qui dit que le guérillero, le partisan, est comme un poisson dans l’eau, l’eau étant la population, et donc qu’il faut se saisir de la population. Ce système idéologique et technique va être élevé au rang de doctrine d’état et devenir hégémonique dans la pensée militaire francaise à partir de 1956. Dès lors, la doctrine « de la guerre (contre) révolutionnaire » alimente la restructuration des appareils de défense intérieure, « la #défense_intérieure_du_territoire » à l’époque, c’est-à-dire les grands plans de #militarisation_du_territoire en cas d’invasion soviétique. #Papon fait partie de la plateforme de propulsion d’une analyse qui dit que probablement une invasion soviétique – c’est la grille de lecture générale de toute la pensée militaire de l’époque – serait certainement précédée de manifestations géantes communistes et nord-africaines. Papon a en quelque sorte ouvert les plans de défense intérieure du territoire le 17 octobre. Il n’y avait eu que très peu de renseignements du côté de la Préfecture et ils ont été pris au dépourvu ; lorsqu’ils se sont rendus compte le 16 au soir, ou le 17 au matin qu’il y allait il y avoir des manifestations, ils sont allés chercher dans les répertoires disponibles, en l’occurrence la défense intérieure du territoire qui sont donc des plans de gestion militaire de la métropole en cas d’invasion soviétique. Ca explique pas mal de choses sur la puissance du dispositif mis en œuvre. Sur la radio de la police, on diffusait des messages d’#action_psychologique, on disait que les arabes avaient tué dix policiers à tel endroit, etc. pour exciter la #férocité des policiers. Il y a encore un autre aspect qu’il faut prendre en compte – j’y travaille en ce moment – c’est le soulèvement des masses urbaines de décembre 1960 en Algérie. C’est un peu la réponse à la #bataille_d’Alger, c’est-à-dire la réponse du peuple colonisé à la contre-insurrection. C’est un déferlement des masses (avec des enfants, des vieux, des femmes, etc.) dans les rues des grandes villes algériennes qui déborde la militarisation, déborde la contre-insurrection militaire et policière et emporte le versant politique de la guerre d’Algérie alors que le versant militaire était quasiment perdu. Le FLN et l’#Armée_de_Libération_Nationale étaient quasiment K.O. technique, militairement parlant et c’est donc le plus petit peuple qui remporte l’aspect politique de la guerre d’Algérie. Ça va marquer très très fort les administrations, les états-majors politiques, militaires et policiers et quand Papon se fait « ramener » à Paris c’est parce qu’il est reconnu comme un spécialiste de la gestion des arabes aux colonies et qu’on lui demande de faire la même chose à Paris. Il emporte donc cette mémoire avec lui et au moment où son état-major obtient l’information qu’il va il y avoir des manifestations organisées par le FLN et que des algériens vont marcher, depuis les périphéries vers le centre-ville – c’est-à-dire le même mouvement qu’en décembre 1960 en Algérie – il va utiliser l’arsenal d’écrasement qui est à sa disposition.

    Bien entendu, tout cela va semer des graines dans toute la Cinquième République qui est fondée autour du coup d’état militaire qui porte De Gaulle au pouvoir en 1958 et à travers toute cette grammaire idéologique qui considère les arabes et les communistes comme un #ennemi_intérieur dont il faudrait se saisir pour protéger la France et « le monde libre ». Voilà pour le contexte idéologique.

    LÉOPOLD LAMBERT : Dans le livre qu’est devenu ta thèse, L’ennemi intérieur (La Découverte, 2009), tu décris cette généalogie dans de grands détails. Peux-tu nous parler en particulier de la manière dont la doctrine de contre-insurrection coloniale française, élaborée d’abord par des militaires comme le Maréchal #Bugeaud au moment de la colonisation de l’Algérie, puis par d’autres comme #Roger_Trinquier, ou #Jacques_Massu au moment de la guerre de son indépendance a par la suite influencé d’autres polices et armées à l’échelle internationale – on pense notamment à Ariel Sharon ou David Petraeus ?

    MATHIEU RIGOUSTE : On peut dire que c’est à l’origine même de la construction de l’Etat. L’Etat se forge comme #contre-révolution. C’est un appareil qui permet aux classes dominantes de refermer soit le mouvement révolutionnaire soit le temps et l’espace de la guerre pour asseoir leur domination. Tout état se forme donc sur des appareils de contre-insurrection. Du coup, on trouve une pensée contre-insurrectionnelle chez #Sun_Tzu ou dans toute autre philosophie politique. Mais effectivement avec l’avènement de l’état nation moderne, du capitalisme et de sa version impérialiste, la contre-insurrection va elle-même prendre des formes modernes, industrielles, va se mondialiser, va se techniciser, va se rationaliser, et va évoluer en même temps que les systèmes technologiques. Du coup on a des formes modernes de doctrines de contre-insurrection chez le Maréchal Bugeaud en effet. Lui-même, son parcours et sa pensée reproduisent le mécanisme de restructuration impériale, c’est-à-dire l’importation de dispositifs issus de l’expérimentation coloniale et militaire vers le domaine du contrôle. Il va ainsi pouvoir expérimenter des pratiques contre-insurrectionelles à travers la conquête de l’Algérie avec toute sortes de dispositifs qui vont perdurer, comme les rafles, les déplacements de population, etc. et d’autres qui vont être mis de côté comme les enfumades, mais il y reste bien une logique d’extermination durant toute la conquête de l’Algérie.

    Pendant les dernières décennies de sa vie, Bugeaud ne cesse d’insister sur le fait qu’il a constitué une doctrine de contre-insurrection applicable au mouvement ouvrier en métropole. Il passe également beaucoup de temps à démontrer les similarités qu’il y aurait entre le processus révolutionnaire – ce que lui appelle « les insurrections » – au XIXe siècle en métropole et les révoltes aux colonies. À la fin de sa vie, il écrit même un livre (qui ne sera pas distribué) qui s’appelle La guerre des rues et des maisons dans lequel il propose de transférer son répertoire de contre-insurrection à la guerre en ville en métropole contre le peuple et dans lequel il développe une théorie d’architecture qui va se croiser avec toute l’hausmannisation et qui correspond à l’application de la révolution industrielle à la ville capitaliste. On va donc voir des doctrines militaires et coloniales passer dans le domaine policier en même temps que Hausmann « perce la citrouille » comme il dit ; c’est-à-dire en même temps qu’il trace les grandes avenues qui permettent à la police ou l’armée de charger les mouvements ouvriers. On introduit également tout cet imaginaire de la tuberculose, des miasmes, etc. On assimile les misérables à une maladie se répandant dans Paris et il faudrait donc faire circuler l’air. C’est comme aujourd’hui dans la rénovation urbaine, on ouvre des grands axes pour que la police puisse entrer dans les quartiers populaires le plus facilement possible et aussi pour les enfermer. Et on invoque la circulation de l’air. On a donc ces logiques avec tout un imaginaire prophylactique, hygiéniste, qui se met en place en même temps qu’on importe le répertoire contre-insurrectionnel dans le domaine de la police sur toute la seconde partie du XIXe siècle.

    Avec la restructuration impérialiste, les Etats-nation, les grandes puissances impérialistes du monde occidental vont s’échanger en permanence leurs retours d’expériences. On en a des traces dès 1917 après la révolution russe, où on voit donc les polices et les armées du monde occidental se faire des comptes rendus, s’échanger des synthèses d’expérience. Et c’est comme ça tout au long du XXe siècle. Tu parlais d’Ariel Sharon ; on a des traces du fait que des envoyés spéciaux de l’armée (et peut-être aussi de la police) israélienne qui ont été en contact et qui ont sans doute été également formés au Centre d’Instruction à la Pacification et à la contre-Guérilla (CIPCG) en Algérie. Les spécialistes de la contre-insurrection français et israéliens s’échangent donc, dès la guerre d’Algérie, des modèles d’écrasement de leurs ennemis intérieurs respectifs. On a donc une sorte de circulation permanente des textes révolutionnaires et contre-révolutionnaires. J’avais travaillé là-dessus pour une préface que j’ai écrite pour la réédition du Manuel du guérillero urbain ; on pense que ce manuel a beaucoup plus circulé dans les milieux contre-insurrectionnels que dans les mouvements révolutionnaires – ceux-ci disaient d’ailleurs qu’il n’avaient pas vraiment eu besoin d’un manuel de guérilla urbaine dans les années 1970. On a donc une circulation permanente et parfois paradoxale des textes révolutionnaires et contre-révolutionnaires, et des expériences.

    LÉOPOLD LAMBERT : Et des films comme La bataille d’Alger !

    MATHIEU RIGOUSTE : Exactement ; j’allais y venir. Ce film est d’abord censuré les premières années mais il va circuler en sous-main et il va être validé très rapidement par l’armée française qui dit que les choses se sont passées de manière très proche de ce qu’on voit dans le film. Celui-ci va donc à la fois permettre d’introduire la question contre-insurrectionnelle et le modèle français notamment. Bien que ça n’ait pas forcément forcé l’application exacte de ce modèle dans toutes les armées occidentales, on retrouve ce film dans beaucoup de formations militaires étrangères. On retrouve le film dans des mouvements révolutionnaires également : on sait par exemple que les zapatistes le projettent de temps en temps et s’en servent, d’autant que l’armée mexicaine est une grande collaboratrice de l’armée française. La gendarmerie mexicaine qui a tué des enseignants à Oaxaca il y a trois mois venait d’être formée par la gendarmerie française à ce modèle de gestion des foules, mais aussi au maniement des armes que la France vend avec.

    LÉOPOLD LAMBERT : Dans un autre livre, La domination policière (La Fabrique, 2012), tu dédies un chapitre entier à une branche de la police française qui est sans doute celle contribuant le plus à la continuation de la ségrégation coloniale de la société française, en particulier dans les banlieues, la Brigade AntiCriminalité (BAC). Quelqu’un comme Didier Fassin a fait une étude anthropologique très utile mais, somme toute assez académique puisque venant de l’extérieur, mais toi-même a vécu la plus grosse partie de ta vie en banlieue parisienne, à Gennevilliers et tes écrits peuvent ainsi nous donner un regard plus incarné à la violence raciste (et souvent sexiste et homophobe) qu’une telle branche de la police développe. Peux-tu brièvement nous retracer l’histoire de la BAC et nous parler de son action en banlieue ces dix dernières années (cad, depuis les révoltes de 2005) ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Les Brigades AntiCriminalités représentent assez bien ce que j’essaye de démontrer dans mes travaux sur le capitalisme sécuritaire parce qu’elle a deux origines ; c’est la fusion des polices endo-coloniales et de la restructuration néolibérale de l’État. Ce sont des polices qui vont être formées au début des années 1970 et qui vont aller puiser dans les personnels, dans les grilles idéologiques, dans les boites à outils pratiques des polices endocoloniales. Je dis endocolonial pour parler de ces polices comme la Brigade de surveillance des Nord-Africains, et par la suite les Brigades Agression et Violence qui déploient les repertoires coloniaux sur des populations internes au pays sur des critères socio-racistes. Je parle d’endocolonialisme car ce ne sont pas les mêmes régimes de violence que ce qui est appliqué aux colonies et ce ne sont pas les mêmes régimes de violence appliqués aux classes populaires blanches – les Black Panthers ne se prenaient pas tellement la tête ; ils parlaient juste de colonies intérieures. Et parce que la société impérialiste a besoin de maintenir la surexploitation et la surdomination d’une partie des classes populaires, la partie racisée, elle a aussi besoin d’une police spécifique pour ça. C’est pour ça qu’après 1945, c’est-à-dire après le vrai-faux scandale de la collaboration de la police française à la destruction des juifs d’Europe, la bourgeoisie Gaulienne invente « la France résistante » et tente de faire croire que ce racisme a été renvoyé aux oubliettes. Mais bien-sûr on va reproduire les mêmes types de dispositifs avec souvent les mêmes personnels – on va aller rechercher les gens qui étaient dans les BNA vu qu’ils savent faire et qu’on va leur refiler le même boulot – et on va trouver une nouvelle dénomination, celle des Brigades Agression et Violence. Un appareil de gestion socio-raciste va ainsi être mystifié par cette dénomination, ce qu’on retrouve également dans la dénomination d’AntiCriminalité aujourd’hui dans cette rhétorique de la « guerre à la délinquance » qui permet de cacher les appareils de production du socio-apartheid derrière des mythes légalistes.

    On se retrouve donc avec une police qui fait à peu près la même chose, qui se rationalise, se modernise, et au tout début des années 1970, c’est-à-dire juste après 1968 – parce que dans tous ces ennemis intérieurs, il y a aussi le gauchiste, la figure qui n’avait jamais complètement disparue du révolutionnaire qu’incarnait la figure du fellagha – on considère qu’il faut des polices modernes qui vont aller dans les quartiers populaires installer la nouvelle société rationnelle, optimisée, néolibérale, etc. On va donc aller chercher dans les répertoires d’idées, de pratiques, de personnels, pour forger une nouvelle police. La première expérimentation se fait en Seine-Saint-Denis, c’est pas un hasard et en 1973, on file à un ancien des Brigades Agression et Violence la charge de policer les quartiers populaires de Seine-Saint-Denis et son unité va donc s’appeler la Brigade AntiCriminalité. Il va mettre à profit tout ce qu’on apprend à l’époque dans les grandes écoles de la nouvelle société, c’est-à-dire, ce qui s’appellera bientôt le néomanagement : l’application aux appareils d’état de la restructuration néolibérale dans les entreprises en quelques sortes. D’ailleurs, la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire va elle-même être transposée dans les théories néolibérales et on parlera de doctrines de « guerre économique » par exemple. Il s’agit de détruire l’entreprise ennemie, en l’empoisonnant, en quadrillant son marché, en utilisant des agents de renseignement, tout ça nait au cours des années 1970. Cette première BAC va influencer la naissance d’autres unités sur le même mode dans différente villes et on va ainsi appliquer aux quartiers populaires des méthodes de gestion endocoloniales ce qui va mener aux premières grandes révoltes contre les violences policières dans les cités.

    Il apparait également une nouvelle logique comptable qu’on va appeler aujourd’hui « la politique du chiffre » qui consiste à optimiser le rendement, la productivité de la machine policière. Faire du chiffre, ça veut dire faire le plus possible de « bâtons », c’est-à-dire des « mises-à-disposition ». Ils appellent ça « faire une affaire » ; une affaire, c’est ramener quelqu’un et une histoire à traiter pour l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) et si cette histoire est suffisamment utilisable pour en faire une affaire auprès du procureur et du coup aller jusqu’en justice et mettre cette personne en prison ou en tout cas essayer, ça fera un « bâton ». Ces bâtons gonflent une carrière et donc par exemple un commissaire qui veut « grimper », devenir préfet ou je ne sais quoi, il a tout intérêt à développer des unités de BAC dans son commissariat parce que celles-ci font beaucoup de mises-à-disposition puisqu’elles fonctionnent sur le principe du flagrant délit – les Brigades Nord-Africaines fonctionnaient déjà sur cette idée. Le principe du flagrant délit, c’est un principe de proaction. On va laisser faire l’acte illégal, on va l’encadrer, voire l’alimenter, voire même le suggérer ou le produire complétement pour pouvoir se saisir du « délinquant » au moment où il passe à l’action. La BAC est donc un appareil qui tourne beaucoup autour de la production de ses propres conditions d’extension. Cette logique de fond, c’est notamment ça qui va faire que les BAC vont se développer dans l’ère sécuritaire, c’est parce qu’elles font beaucoup de chiffre et qu’elles produisent également beaucoup de domination socioraciste, dont l’Etat a besoin pour contenir le socio-apartheid. Ceci se trouve dans le fait que le plus facile pour faire des mises-à-disposition et remplir ainsi cette mission néolibérale consiste à « faire » des ILS et des ILE : des Infractions à la Législation sur les Stupéfiants – des mecs qui fument des joints – et des Infractions à la Législation sur les Étrangers – des sans-papiers. Comment on trouve du shit et des gens qui n’ont pas de papiers ? Eh bien on arrête les noirs et les arabes. On traine donc autour des quartiers populaires pour faire des arrestations au faciès sur les classes populaires de couleur.

    Voilà comment nait en gros la BAC dans les années 1970 ; elle s’est ensuite développée tout au long des années 1980, d’abord par l’intermédiaire des BAC de Surveillance de Nuit (BSN) et au début des années 1990 et l’avènement de Charles Pasqua – le symbole le plus caricaturale des logiques politiques, policières et militaires de la guerre d’Algérie et dont la carrière politique est structurée autour de la chasse à l’ennemi intérieur – au Ministère de l’Intérieur, il va intensifier cette utilisation des répertoires de contre-insurrection et va être à la pointe de la genèse du système sécuritaire français. C’est lui notamment qui va rendre possible que toutes les villes de France puisse développer des BAC. Ce qui est à nouveau très intéressant du point de vue du capitalisme sécuritaire c’est que les BAC sont des unités qui utilisent beaucoup de matériel, et qui en revendiquent beaucoup, qui « gueulent » pour être de plus en plus armées. Ça c’est très intéressant pour les industriels de la sécurité. Pour les flashballs par exemple ; les BAC ont demandé à en être armées très vite, elles veulent les nouveaux modèles et elles participent avec les industriels à créer les nouveaux modèles et, bien-sûr, c’est elles qui utilisent le plus de munitions : le flashball est utilisé tous les soirs pour tirer dans les quartiers populaires de France. C’est la même chose pour les grenades lacrymogènes ; on en voit beaucoup dans le maintien de l’ordre des manifestations de mouvements sociaux dans les centre-villes mais les gaz sont utilisés quotidiennement dans les quartiers populaires.

    Le phénomène continue de se développer dans les dix dernières années. La BAC semble vraiment caractéristique de ce capitalisme sécuritaire, notamment par sa férocité mais aussi par son aspect ultralibéral, ultraproductif, ultraoptimisé, ultraviril, ultramédiatique : la BAC se met en scène, les agents s’inspirent énormément de ce qu’ils voient à la télévision… On a même une extension de ce qu’elle a inventé comme système de domination et d’écrasement des quartiers populaires vers la gestion des autres mouvements sociaux, comme récemment des luttes contre la loi travail. Généralement, la BAC est utilisée comme dispositif de pénétration, de saisie, de capture et elle est de plus en plus combinée à des dispositifs d’encerclement, d’enfermement, d’étranglement dans lesquels on utilise plutôt les CRS, les gardes mobiles. On a vu pendant le mouvement contre la loi travail, les BAC qui étaient employées à faire « du maintien de l’ordre ». À Toulouse, on a vu les effectifs des BAC sont utilisés dans l’expérimentation de nouveaux dispositifs hybrides : capable de faire et du maintien de l’ordre et de la capture, de l’intervention, de passer de l’un à l’autre en permanence, et de passer à des niveaux d’intensité très hauts très rapidement. La BAC rejoint ainsi la logique de restructuration de tous les appareils en ce moment qui consiste à devenir rhéostatique : être capable de s’adapter comme le mode de production toyotiste, c’est-à-dire s’adapter le plus instantanément à la demande, avec le moins de stock et de dépenses possibles et de la manière la plus rationalisée qui soit.

    LÉOPOLD LAMBERT : Tout comme Hacène Belmessous dans le deuxième numéro de The Funambulist, tu décris la manière dont « la rénovation urbaine » enclenchée en 2003 constitue à beaucoup d’égards une manière pour la police de s’approprier l’espace urbain des banlieues. Peux-tu nous en dire plus ? Cela intéressera sans doute beaucoup la moitié (ou le tiers) des lecteurs/-trices de The Funambulist qui sont architectes ou urbanistes !

    MATHIEU RIGOUSTE : Il y a effectivement un sursaut en 2003, mais ça avait commencé bien avant. Un des premiers grands quartiers qui est soumis à une politique de ce qu’ils appellent « la rénovation urbaine », mais ce qui est en fait de la destruction et du réaménagement, c’est le quartier où je suis né ; le Luth à Gennevilliers. Il s’agissait d’une coopération du Plan Pasqua et du Parti Communiste Français (PCF) qui gère la ville depuis les années 1930, tous deux ravis de se débarrasser des familles les plus pauvres et d’essayer une nouvelle forme de gestion des quartiers populaires. C’est un processus constant : la ville capitaliste au gré des crises de suraccumulation du capital, se restructure pour continuer à concentrer des masses de travailleurs pauvres autour de ses centres d’accumulation du capital. Et dans ces quartiers populaires, ces campements, ces bidonvilles, ces territoires misérables, les dominé-e-s, les exploité-e-s, les opprimé-e-s, les damné-e-s, inventent en permanence des formes d’auto-organisation, d’autonomisation, de fuites et de contre-attaques, des cultures d’insoumission et des manières de se rendre ingouvernables. Il faut donc en permanence, pour le pouvoir, à la fois une police qui permette de détruire cette dynamique d’autonomisation récurrente et de survie – parce qu’en fait les gens n’ont pas le choix – et un réaménagement des territoires : il faut à la fois ségréguer et pénétrer ces territoires pour aller y détruire tout ce qui peut émerger de subversif. Et l’urbanisme tient un rôle fondamental dans la restructuration sécuritaire de la ville capitaliste. Cette logique est déjà à l’œuvre dans les bidonvilles durant la guerre d’Algérie ; on a des polices spécialisées à la gestion des bidonvilles, c’est-à-dire au harcèlement, à la brutalisation, à la surveillance, au fichage, parfois à la torture, parfois même aux assassinats et aux disparitions d’habitants du bidonville et qui détruisent les cabanes des habitant.e.s parce que même dans le bidonville, on voit ré-émerger des formes de mises-en-commun, d’auto-organisation, de politisation révolutionnaire, de colère, d’entraide, toute sorte de choses qui menace le pouvoir et qui nécessite donc une intervention. En plus d’intervenir avec de l’idéologie, du divertissement ou de l’aménagement, il faut intervenir avec de la coercition.

    On retrouve ce processus dans toute l’histoire de la ville capitaliste ; c’est une dialectique permanente. Sauf que ce qui nait dans les années 1970, c’est un schéma qu’on va voir apparaître ; à partir du moment où on met des polices féroces, comme la BAC, autour des quartiers populaires, celles-ci produisent de la violence policière et donc produisent de la colère. Les dominé-e-s, face à ça, vont produire des tactiques, des techniques, des stratégies, des pratiques de résistance et de contre-attaque. Ça va donner lieu à des révoltes, parfois très spontanées, parfois plus organisées : une histoire des contre-attaques face à la police nait dans les années 1970 et on se rend compte, au gré de ces révoltes et de leur répression et de leur gestion médiatique que des municipalités en collaboration avec la police et les média sont capables de désigner aux pouvoirs publics et au reste de la population en général un quartier populaire comme ingérable, infâme, irrécupérable. Ceci s’accompagne d’une logique humanitaire ; aller « sauver des gens » alors que les revendications pour des meilleures conditions de vie sont permanentes et que les habitants n’obtiennent jamais rien.

    Toute cette logique va activer au cours des années 1970 la reconnaissance par les pouvoirs publics et par le capital industriel et financier du fait que lorsqu’on est capable de désigner un quartier populaire comme infâme, on va pouvoir activer un circuit de capitaux financiers d’abord, puis industriels, liés à ce qu’on va appeler de manière publicitaire « la rénovation urbaine », c’est-à-dire un protocole de restructuration de ce quartier qui peut aller jusqu’à sa destruction complète. Il va ainsi apparaitre beaucoup de régimes de restructuration : certains consistent à éloigner les populations les plus pauvres ou les moins gouvernables, d’autres vont organiser l’évacuation totale de ces populations, d’autre encore qu’on observe beaucoup depuis le début des années 2000 à travers la mystification de la mixité sociale consistent à parler de réhabilitation mais à en fait déplacer les plus pauvres, sans détruire le quartier. On fait ça à la fois avec de la police et de la prison, mais aussi avec la hausse des loyers provoquée par l’arrivée de nœuds de transports en commun qui permet de faire venir des cadres qui ne se seraient pas déplacés jusque-là ; la petite bourgeoisie à laquelle on veut permettre de venir s’installer à la place des quartiers populaires. Bref, à travers tout ce programme publicitaire qu’est la rénovation urbaine, la transformation des quartiers populaires en quartiers petits-bourgeois va attirer des flux de capitaux gigantesques, notamment liés au fait que depuis le début des années 2000, l’État investit énormément pour appuyer les pouvoirs locaux dans leur politiques de restructurations urbaines. C’est de l’argent qui va retomber immédiatement dans les poches des industriels du bâtiment et aussi dans celles des industriels de la sécurité, encore une fois, parce qu’on voit qu’une fois que la police, les média, la prison et les autorités municipales ont réussi à « déblayer le terrain », le réaménagement des quartiers se fait en partenariat avec tous les industriels du bâtiment mais aussi des technologies de surveillance, de design – les cliques du néo-urbanisme – les publicitaires, les commerces, bref tout un système d’entreprises qui vivent autour de ça. La logique de fond est à la fois le renforcement du socio-apartheid, mais aussi une forme de colonisation interne à travers l’expansion de la ville capitaliste et l’invention de nouvelles formes d’encadrement de la vie sociale.

    LÉOPOLD LAMBERT : À l’heure où nous parlons, l’état d’urgence promulgué par François Hollande au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 a déjà été renouvelé trois fois. Pour un certain nombre de francais-e-s blanc-he-s de classe moyenne ou riches, cela ne représente qu’une nuisance négligeable mais pour la population racisée française, en particulier ceux et celles que l’on nomme pudiquement « musulman-ne-s d’apparence » ce régime légal donnant une latitude encore plus importante à la police insiste encore d’avantage sur l’existence d’une sous-citoyenneté qui ne dit pas son nom. Travailles-tu actuellement sur la manière dont l’état d’urgence agit comme précédent à la fois légal et dans les pratiques policières ? Peux-tu nous en parler ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Je ne travaille pas précisément sur cet aspect des choses mais bien-sûr, je suis ce qui est en train de se passer, notamment au sein des luttes dans lesquelles on avance et on réfléchit sur cet aspect-là. Et effectivement, tu le résumes bien, il y a toute une partie des strates privilégiées, même des classes populaires qui ne se rend pas compte de ce à quoi sert l’état d’urgence parce qu’il ne le voit pas et les média ont vraiment un rôle fondamental là-dedans. C’est ça aussi le socio-apartheid : les vies sont séparées, elles ne se croisent pas. Effectivement l’état d’urgence a permis une intensification de la ségrégation mais aussi de mécanismes d’oppression contre les quartiers populaires, ce qui peut rester complétement invisible pour le reste de la population. L’angle d’attaque, c’est l’Islam et les violences, ce sont des perquisitions fracassantes : explosion de la porte, on met tout le monde a terre et en joue, parfois on gaze à l’intérieur des appartements, parfois on tabasse. Ca provoque des traumatismes très forts dans les familles ; on a des récits de perquisitions en pleine nuit et les enfants, la maman, la grand-mère, plusieurs mois après, cherchent à être suivis par des psychologues. À l’école, c’est dramatique, les enfants n’y arrivent pas, après que des unités militaro-policières ont débarqué chez eux en mode anti-terrorisme. Les violences, ce sont aussi des assignations à résidence ; on a du mal à le saisir lorsqu’on ne le vit pas, mais il s’agit d’un système d’encadrement très dur car il faut aller pointer régulièrement. La plupart de ces histoires, je tiens à le dire, se dégonflent après ; il y a déjà des victoires dans les tribunaux parce que l’immense majorité de ces assignations à résidence sont fondées sur rien du tout, surtout par le fait que la personne a été désignée par quelqu’un comme étant « très pratiquante », possiblement « radicalisée », c’est de l’ordre de la délation. Ce sont donc des violences très fortes et très profondes dans les familles, principalement musulmanes à travers ces perquisitions, ces assignations à résidence et ces procédures judiciaires qui durent bien-sûr et qui épuisent. Les noms des gens sont lâchés dans la presse, toute une ville peut d’un seul coup vous considérer comme un probable terroriste.

    Donc voilà, l’état d’urgence permet l’intensification du socio-apartheid, de l’islamophobie et des racismes d’état, ce qui se conjugue assez bien à la gestion quotidienne des quartiers populaires dans la France impérialiste.

    https://blogs.mediapart.fr/leopold-lambert/blog/200117/entretien-avec-mathieu-rigouste-une-genealogie-coloniale-de-la-polic
    #colonialisme #colonisation #bac #police #Algérie #France #histoire #entretien #interview

  • Hebdo #95 : savoir, lutter, poétiser – #entretien avec #Pinar_Selek

    20 ans. Pinar Selek fête un anniversaire singulier, celui de sa libération des #prisons turques, où elle fut enfermée sur des motifs fallacieux. Avec cette militante féministe, libertaire et antimilitariste, sociologue, conteuse, détricoteuse des systèmes de domination et autrice dans le Club, nous avons évoqué l’état des #contre-pouvoirs en #Turquie, les menaces sur les #libertés_académiques en #France, ses luttes de l’exil à la défense des exilé·e·s, et sa combativité politique infatigable qui puise, entre autres, dans la #sororité.

    Pinar Selek, militante féministe turco-française, libertaire et antimilitariste, sociologue et docteure en sciences politiques, fête ces temps-ci un anniversaire singulier : les vingt ans de sa libération des prisons turques, où elle fut enfermée sur des motifs fallacieux. « 20 ans après ma libération », publié la semaine dernière dans le Club de Mediapart, est un texte tissé d’ellipses où affleure à la fois la rémanence d’une douleur encore présente et une grande vitalité.

    L’autrice raconte la #solidarité entre codétenues, le #massacre terrible vécu lors d’un transfert de prison, où elle a vu mourir ses amies ; puis, un jour, l’étrange adrénaline de la #libération, après deux ans et demie d’#enfermement et 28 jours de #grève_de_la_faim. Puis très vite, le discours antimilitariste improvisé à la sortie de #prison (« pas agressif mais créatif », écrit-elle dans une formule qui pourrait résumer la doctrine secrète de toutes ses luttes), qu’elle prononce « remplie d’une #puissance magique ». Et la foule hétéroclite et joyeuse venue l’accueillir, composée d’enfants de la rue, de combattants des libertés et d’ami·e·s… « Dans ce contexte d’une #violence extrême, j’étais arrivée à faire entendre une voix antimilitariste. Ma déclaration publique était une promesse. La #promesse d’une# lutte contre tous les systèmes de #domination, contre toutes les formes de violence et de #discrimination. J’ai tenu ma promesse, jusqu’à aujourd’hui. »

    En 1998, alors que Pinar Selek refusait de livrer les noms des militants kurdes qu’elle étudiait en tant que chercheuse en sociologie, elle est accusée d’avoir fomenté un attentat immonde (une explosion sur un marché qui s’est avéré causée par une fuite de gaz et non par une bombe), arrêtée, jetée en prison. Elle y fut torturée pendant plus de dix jours. Après sa libération en 2000 grâce à des expertises qui prouvaient son innocence, s’ensuivirent des années de va-et-vient et de harcèlement judiciaire durant lesquelles elle fut acquittée quatre fois, des décisions sans cesse annulées, un calvaire ajouté à la torture. En 2017, le procureur de la Cour de Cassation requiert une condamnation à perpétuité. Depuis, la nouvelle de cette condamnation peut tomber d’un jour à l’autre. Entre temps, Pinar a écrit des contes, des romans, un livre important sur le silence qui auréole le génocide arménien, obtenu la nationalité française et un doctorat de sciences politiques et multiplié les actions militantes – pour saisir l’ampleur de cette vie, on peut lire le beau livre biographique de conversations avec Guillaume Gamblin, L’Insolente, chroniqué dans le Club par Pascal Maillard.

    Depuis mars 2019, Pinar Selek écrit dans le Club tantôt sur les travailleurs non régularisés, ces sans-droit précaires du capitalisme mondialisé, sur une lutte féministe en Corse ou de Tunis, tantôt les scientifiques en exil, sur l’horreur des prisons en Turquie, un festival de poésie au Pays Basque ou encore l’idée d’une grève internationale des femmes.

    Au gré de cette géographie des luttes en archipel et de son nomadisme indocile, les textes ficèlent entre eux ces espaces rebelles où les plus petits êtres concoctent un autre monde. Ici les fourmis (les féministes, « ces fourmis qui portent de petites graines sur leurs dos, qui construisent, qui créent, qui ouvrent des chemins »), là les lucioles, ces coléoptères incandescents qui peuplent l’un de ses textes les plus lumineux, à propos d’une action collective autour des « 7 de Briançon », ces solidaires de la montagne jugés pour avoir aidé des exilé·e·s et refusé de les laisser mourir dans les Alpes. Dans ce billet, elle reproduit son discours, prononcé à la frontière franco-italienne. Contre la violence des Etats et des prisons, le militarisme, les nationalismes et le libéralisme sauvage, elle proclame la force des lucioles. « Les lucioles dépassent les frontières. Les frontières des prisons, des nations, des Etats, de l’Ordre. Elles se rencontrent, s’aident à passer les frontières, discutent, réfléchissent, agissent et chantent ensemble. » Dans ces billets, cette femme qui se décrit elle-même comme une « militante de la poésie » dessine une singulière poétique des luttes.

    Ecoféministe, libertaire, antimilitariste, Pinar Selek dévoile comment s’entrelacent les différentes oppressions et mène une existence « multidimensionnelle », comme elle aime à dire. Avec d’autres féministes, elle organise pour début juin prochain un mouvement transnational de lutte, « Toutes aux frontières ! », contre la politique frontalière et migratoire européenne, son histoire militariste et patriarcale, et ses effets dévastateurs pour les exilé·e·s.

    Pour l’épauler face à la persécution de l’Etat turc, ses différents comités de soutien se sont réunis en 2017 en coordination, et réfléchissent à marquer cet anniversaire. En attendant, nous avons parlé de l’état de la répression en Turquie, des menaces sur les libertés académiques en France, de l’exploitation du vivant, des politiques européennes liberticides… Mais aussi et surtout – et là, dans le cadre blafard de l’entrevue par visios interposées surgissait le plus revigorant des sourires – de sa combativité politique infatigable qui puise dans la sororité, dans l’intime, et se tisse avec une simple quête de bonheur.

    ***

    Cela fait 20 ans que vous avez été libérée, mais la procédure judiciaire n’est toujours pas terminée… où en est ce procès interminable ?

    Mon dernier acquittement a été prononcé en 2014. Désormais, c’est la Cour suprême qui doit rendre la décision définitive. En 2017, le procureur général de la cour suprême a fait un communiqué, dans lequel il demandait une condamnation à perpétuité, sans possibilité d’amnistie, et avec enfermement à l’isolation. Entre temps, ma famille a commencé à recevoir des documents officiels concernant l’argent de l’indemnisation pour l’attentat dont j’ai été accusée.

    Aujourd’hui, théoriquement, je peux aller en Turquie, il n’y a pas eu de mandat d’arrestation ; mon dernier livre, publié en 2019, se vend bien et reçoit de bonnes critiques, je ne suis pas persona non grata. Mais beaucoup de gens pensent que c’est terminé, que je suis tranquille, alors que je suis toujours dans situation difficile. Je ne suis pas simplement accusée de participation à une organisation terroriste, je suis accusée de quelque chose d’horrible, d’inimaginable. Si la Cour me déclare coupable, je serai pour toujours associée à ce massacre, malgré mes convictions antimilitaristes [voir ici l’entretien avec Jade Lindgaard, « Résister à la militarisation du monde », ndlr]. Quand je prends des positions pour les Kurdes ou les Arméniens, ils utilisent ce procès pour me ramener à ce crime. Je ne suis pas seulement une traîtresse pour la Turquie, je suis une criminelle. C’est très difficile à vivre.

    Entre l’époque où vous avez été emprisonnée et les répressions d’aujourd’hui par le gouvernement Erdogan, qu’est-ce qui a changé ?

    Mon procès, qui dure depuis à peu près 23 ans, montre justement la continuité d’un contexte autoritaire qui n’a pas commencé avec le dernier gouvernement. Les observateurs ont tendance à imputer la dérive autoritaire turque à Erdogan seul. Depuis le génocide arménien et la construction de la République sur l’oppression de ses minorités, il y a toujours eu un contexte autoritaire — et non un régime autoritaire —, et des violences d’Etat, qui provient cette constance.

    Ce qui a changé, ce sont des points de méthode. Je vois quelques différences. Quand j’étais en prison, la torture lourde était de mise. Après mes dix jours de torture intensive, je n’ai pas pu bouger les bras pendant 6 mois, mes cheveux étaient tombés… et les 90 femmes avec moi en prison étaient également torturées, y compris les jeunes simplement arrêtées en manifestation ; la plupart étaient violées, surtout les femmes kurdes, et je les entendais crier la nuit. La torture était la méthode institutionnalisée et systématique pour les aveux. Maintenant, la torture est plus ciblée, mais ils utilisent la technique des témoins secrets : beaucoup de personnes ne savent pas quelles sont leurs accusations, et le pouvoir utilise de faux témoins pour les condamner. Mais finalement, tous ces changements de méthode sont assez peu significatifs : dans tous les cas, tu es victime de quelque chose de très lourd lorsque tu es emprisonnée sans savoir pourquoi, et qu’on constitue des accusations montées de toutes pièces.

    Face à un système judiciaire aussi arbitraire, existe-t-il des recours dans la Turquie actuelle quand on est accusé injustement ?

    Mon père, avocat de 90 ans (qui plaide toujours !) [qui a fait de la prison pendant plus de quatre ans après le coup d’Etat de 1980, ndlr], est venu à Nice, il y a quelques temps, pour une conférence. La question était : qu’est-ce qu’être avocat dans un pays où il n’y a pas l’Etat de droit ? Sa réponse : « regardez le procès de Pinar, il dure depuis 20 ans. Si c’est si long, c’est grâce à nous ! ». Autrement dit, s’il n’y avait pas les avocats, qui trouvent des petite tactiques pour éviter les condamnations iniques, j’aurais certainement été condamnée en deux jours. Par ailleurs, ces procès sont des espaces publics, des agoras. Beaucoup de personnes viennent écouter, soutenir les opposants politiques qui sont jugés : une part des luttes sociales se passe dans les tribunaux, en Turquie. Les avocats, notamment, permettent de rester dans l’optique de la lutte et de la justice et de faire bouger les choses. Mon procès, et ceux des autres, cela fait partie des luttes pour la justice.

    À part les avocats, quel est l’état des luttes sociales et des contre-pouvoirs dans ce contexte turc de répression des libertés publiques ? l’Etat les étouffe-t-il complètement, comment s’organise la résistance ?

    Ce n’est pas évident d’être toujours en train de se battre pour ses droits. La population est fatiguée… Toute jeune, quand je faisais mes petites recherches sur les Kurdes, animée par un besoin de savoir, c’était très naïf, cela relevait d’un besoin très simple. En Turquie, pour faire des choses très simples, on se retrouve à vivre des expériences très dures. Concernant les contre-pouvoirs, j’ai écrit sur les transformations de l’espace militant en Turquie et montré que même si en général, les structures sociales et politiques d’une société déterminent les actions de la population, même dans un contexte autoritaire où les structures sont très fermées, il peut surgir de l’imprévisible. L’histoire des luttes sociales en Turquie est très intéressante à cet égard car elles montrent que même dans un contexte fermé de haute répression, les mouvements contestataires peuvent se multiplier et construire de nouveaux modes d’action.

    Après le troisième coup d’Etat en 1980, le mouvement féministe a émergé en fustigeant l’image de la femme moderne portée par le militarisme de l’époque, la récupération et l’instrumentalisation du corps des femmes par le nationalisme. Mais elles critiquaient aussi le gauchisme patriarcal, et elles ont initié un nouveau cycle de contestation en Turquie. Dans leur sillage, à partir de mi-80, on a vu l’émergence du mouvement LGBT, des libertaires, des écologistes, des écologistes sociaux, et des antimilitaristes. Des mouvements très convergents qui ont construit un réseau militant assez large et difficile à contrôler par l’État.

    Dans un contexte de répression, la convergence inattendue de tous ces mouvements a contribué à des voyages de concepts et d’expériences, et dans chaque groupe, il y a eu des conflits internes, des recompositions, des transformations ; ils ont révolutionné la gauche turque par le bas. Cela a eu des effets politiques réels, avec la création du Parti démocratique des peuples, dans lequel se sont coalisés les Kurdes, les féministes, les Arméniens. Ils ont réussi à peser politiquement, même si la plupart ont été emprisonnés… Mais la résistance est là. Ce 25 novembre, les féministes ont occupé les rues, et notamment beaucoup de jeunes. Et je me dis que tant que je continue à résister, cela donne aussi du courage aux autres. Je suis consciente de cette responsabilité. De même, les emprisonnés continuent à dénoncer le gouvernement, ne cèdent pas, il y a des grèves de la faim, les modes opératoires sont multiples. Cette combativité est multiforme. Mais je suis tout de même inquiète, évidemment.

    Vous avez quitté la Turquie en 2009. Dans L’insolente, vous dites que l’exil, c’est perdre des repères. Depuis cet exil, avez-vous construit de nouveaux repères ?

    En 2009, j’ai d’abord été en Allemagne. J’avais une ressource militante et plusieurs cordes à mon arc : j’étais écrivain, militante multi-engagements, chercheuse, cela faisait différents réseaux à mobiliser. J’ai trouvé dans les autres pays mes camarades. Des camarades aux noms à consonance différente : français, allemands, italiens !

    Vous considérez-vous toujours comme une exilée ? Ou plutôt comme une nomade ?

    Je suis davantage une nomade. Les nomades ne voyagent pas pour faire du tourisme mais pour les besoins de la vie, notamment pour des nécessités économiques, et en allant et venant, ils créent leur « chez eux » dans ces routes, ils laissent des traces. Ce ne sont pas des routes au sens de Foucault lorsqu’il parle des fous au Moyen-âge et à la Renaissance, qui étaient bringuebalés, prisonniers d’une forme de circulation perpétuelle, à la manière des exilés aujourd’hui que l’on renvoie d’un pays à un autre… Cette circulation leur interdit de créer, de construire, parce que c’est une fuite perpétuelle, un voyage sans fin, qui est une forme de prison en plein air. Moi, je ne suis pas condamnée à circuler et à fuir, je fais mon chemin. Peut-être que dans quelques années, je déciderai que j’aurai assez voyagé, et que je préférerai m’installer. Mais c’est cette expérience du nomadisme qui m’a sauvée de de l’exil.

    Dans votre billet, vous évoquez cette formule de Virginia Woolf : « en tant que femme je ne désire pas de pays, mon pays c’est le monde entier ». Qu’est-ce que cette phrase signifie pour vous ?

    Pour illustrer cette phrase de Virginia Woolf, avec une grande coordination féministe européenne, nous essayons d’organiser une grande action contre les frontières, cette construction issues des guerres, virile, militariste, début juin [informations à venir dans le blog de Pinar Selek, ndlr]. Nous allons réunir des dizaines de milliers de féministes qui contestent la politique européenne des frontières, pour affirmer que cette politique ne peut être menée en notre nom. Les femmes exilées sont une part importante des migrant·e·s, elles sont victimes de violences terribles, et invisibilisées.

    Cela me rappelle votre billet « La manifestation des Lucioles », pour une action collective autour du délit de solidarité à Briançon. Vous y écriviez : « Je manifeste en tant que femme. Une catégorie sociale qui n’a pas contribué à tracer les frontières. Et chaque fois qu’on transgresse ces frontières, on taillade le patriarcat ».

    Oui, exactement !

    En tant que chercheuse, que vous inspirent les récentes attaques du gouvernement contre les chercheurs en sciences humaines et sociales (Macron qualifiant les universitaires de « sécessionnistes », par exemple), visant notamment ceux qui travaillent sur les minorités raciales ? Êtes-vous inquiète pour les libertés académiques en France ?

    Oui, je suis très inquiète, sur plusieurs points. Les dernières déclarations du gouvernement d’abord, auxquelles vous faites référence. Mais les universitaires sont répondu massivement, nous nous sommes mobilisés, on s’est positionnés, et je pense qu’ils ne peuvent pas nous avoir ! Avec la LPR, ils veulent détruire les postes qui donnent une autonomie aux chercheurs. C’est très dangereux pour l’avenir de la recherche. Enfin, la privatisation ! Quand tu veux trouver un fonds pour ta recherche, il faut chercher des fonds privés, et cela tue l’autonomie des chercheurs aussi.

    Evidemment, ce n’est pas comme en Turquie, je n’ai pas à cacher mes clés USB par peur qu’on vienne confisquer mes recherches, mais le fait que l’Université demeure un service public est une indispensable garantie de son autonomie. Ce n’est pas seulement l’Etat qui sape cette indépendance, mais aussi les pouvoirs économiques, et en cela, la libéralisation de la presse sous Mitterrand doit nous servir de leçon. C’est un nouveau type de centralisation économique qui va rendre les universités concurrentielles. Nous les professeurs, on n’est pas concurrents, on est complémentaires !

    Pourquoi êtes-vous devenue sociologue et en quoi la sociologie est-elle « une forme de savoir qui peut renforcer les autres », comme vous le dites dans L’insolente ?

    Je ne voulais pas être quelque chose, je voulais faire. « Être » quelque chose, ça nous limite. Mais j’ai choisi la sociologie parce que je me posais beaucoup de questions. J’étais dans un pays conflictuel, j’avais vécu, enfant, le coup d’Etat en 1980, vu les transformations du pays et je voulais comprendre. Pour ne pas céder, et peut-être aussi pour pouvoir changer ce pays. Les sciences sociales, c’est aussi une méthode pour penser collectivement, qui oblige à la clarté et à s’inscrire dans une discussion collective, assumer qu’on ne peut pas être neutre en examinant l’ordre social, qu’on a chacun nos oeillères en fonction de notre position de la société ; la sociologie oblige à dire par quelle fenêtre on regarde. Cette méthode a changé ma vie. De plus, en Turquie, le champ universitaire n’était pas un champ clos. Le même désir de compréhension et d’analyse animait les universités et les espaces dévolus aux luttes sociales. La sociologie était publique et non pas enfermée dans des murs épais, loin des luttes de terrain.

    Je suis heureuse de m’être emparée de ces outils qui m’aident aussi dans mon militantisme et pour construire une façon de vivre… Cela ne veut pas dire que lorsque j’arrose les fleurs ou que je fais l’amour, je le fais en sociologue ! Et c’est une façon d’analyser le monde social qui, bien que précieuse, n’est pas suffisante ; je crois au besoin de la pluridisciplinarité. Pour comprendre le monde qui m’entoure, j’ai aussi eu besoin notamment de la littérature et de la philosophie. Besoin de Jean Genet, Deleuze, Virginia Woolf, Camille Claudel…

    Dans vos écrits et vos luttes, vous tissez et dévoilez le lien entre les oppressions sociales et la domination du vivant. Vous définissez-vous comme écoféministe ? Comment féminisme et écologie s’entremêlent-ils ?

    Notre relation avec les autres vivants structure l’entièreté des rapports sociaux de domination, et c’est là ce qui relie l’exploitation du vivant et les luttes contre l’oppression des femmes. Notre civilisation s’est trouvée une légitimité à tuer et exploiter massivement d’autres êtres, qui sont sans voix et sans droits. Le discours qui accompagne cela, selon lequel ces êtres sont moins « civilisés », moins intelligents, explique aussi comment on traite les exilés. Les hommes en tirent un blanc-seing pour exploiter le vivant de la dichotomie entre nature et rationalité, nature et culture. Les animaux existent pour nous. Sans repenser complètement ce mécanisme, on ne peut pas modifier radicalement notre civilisation.

    Moi, je ne me dis pas « humaniste ». Ça veut dire quoi humain ? L’humain a fait beaucoup de dégâts et de mal à ses pairs. C’est un mot qui occulte tous ses crimes. Je me sens attachée aux luttes de libération des animaux, parce que tout notre système de domination part de là. Qu’ils soient plus faibles et non organisés ne doit pas justifier qu’on régule leur vie et leur mort. L’écoféminisme est important pour moi, comme en témoigne mon dernier roman, Fourmis fêtardes (qui n’est pas encore traduit en Français), qui se passe à Nice et met en scène un mouvement de libération des chiens. Ecrire ce livre a été une expérience transformatrice pour moi. Il est peuplé d’exilés et de nomades, et j’y ai créé mon univers.

    J’ai découvert récemment un réseau écoféministe de paysannes dans les Pyrénées, qui construisent un lieu d’accueil, une sorte de refuge pour les femmes. J’étais avec elles cet été — et ça aussi, c’est aussi une manière de créer des repères ! —. Ces collectifs et ces lieux, je les trouve grâce au réseau du journal Silence, journal écologiste social, féministe, antimilitariste, qui essaie de faire converger ces luttes. Je ne me définis pas seulement comme écoféministe. Je suis aussi féministe antimilitariste, féministe libertaire…

    Dans L’insolente, vous racontez qu’en 1998, vos co-détenues ont passé des jours à vous masser tout le corps après vos deux semaines de torture. Elles vous ont aidé à aller mieux et vous ont rafistolé. Est-ce que c’est une expérience de sororité qui a compté dans la construction de votre féminisme ?

    Tout à fait ! Changer les structures, changer les lois, c’est une grande part des luttes. Mais nous devons nous renforcer entre nous, façonner ensemble une autre façon de vivre. Le soutien entre femmes dans cet épisode de ma vie, cela touche à l’intime, au corps, et c’est incroyablement concret. Quand tu vis une expérience comme celle-là, que tu vis cette solidarité avec toutes les cellules de ton corps, tu te transformes très intimement, tu évolues ! Tu te renforces comme par une sorte de magie. Sans l’amitié, la solidarité, la sororité, aucun système politique ne tient. Mais c’est aussi le bonheur qui commence avec ces expériences intimes. Quand j’apprends à cicatriser, à soigner une blessure grâce à une amie, c’est une expérience très vraie et politique. Symétriquement, quand j’aide une autre personne, son corps devient en quelques sortes le mien, une connexion entre les corps se crée, et au cœur de l’expérience de solidarité, c’est aussi mon corps qui se renforce. C’est ainsi qu’on peut saisir et vivre la lutte dans toute sa profondeur.

    Votre conception du féminisme a donc pris forme, notamment, grâce à des expériences de l’intime et du soin.

    Oui. La phrase bien connue « le privé est politique » m’a changé la vie. Evidemment, d’abord parce que les dominations se déroulent dans le privé, touchent à la sexualité et aux identités sexuelles [Pinar Selek combat aussi l’hétéronormativité, ndlr] ; mais aussi parce que les féministes ont montré les liens invisibles entre les choses du quotidien et ce qui est structurel dans la société, entre le privé et le public. Une fois que l’on a compris où se jouent les processus de domination, on peut créer de nouvelles formes d’existence, de nouveaux liens avec les autres êtres et avec le vivant. La vraie question est : comment s’épanouir et avoir des relations avec les autres êtres qui sont belles ? comment les rendre libérées de l’ordre social, enlever nos uniformes ?

    Le bonheur, c’est quelque chose que vous revendiquez. En quoi le bonheur fait-il intrinsèquement partie de la lutte, qui est souvent vue comme quelque chose de sérieux ?

    C’est parfois difficile d’exprimer cette idée dans les collectifs militants. Ici, en France, on parle surtout de liberté et pas de bonheur. Moi, je veux être libre (je suis libertaire !) et heureuse. Ce qui anime mes luttes, c’est de se sentir bien, tout simplement. Épanouie. La liberté, c’est cela aussi. En Turquie, où la religion prend une place importante, un jour, une femme voilée a pris la parole à nos réunions féministes pour dire qu’à la mosquée, on lui parlait d’elle et de son bonheur, alors que dans cet espace militant, on ne parlait que des actions à mener et des lois qu’il faudrait changer… Elle touchait un point important. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut faire comme les religions, mais celles-ci répondent à des questions existentielles ; et les luttes, et leurs objectifs, oublient parfois la complexité de la vie et de nos besoins en tant qu’êtres humains. Vouloir être heureuse, cela fait partie de moi. Je suis multidimensionnelle. Mais c’est très simple : je suis déterminée dans mes luttes, et ça me renforce aussi. Je veux être libre et heureuse, et mon bonheur passe aussi par le fait que les autres ne souffrent pas.

    https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/101220/hebdo-95-savoir-lutter-poetiser-entretien-avec-pinar-selek

    #torture #harcèlement_judiciaire #condamnation #nomadisme #lucioles #fourmis #féminisme #poésie #poétique_des_luttes #oppressions #toutes_aux_frontières #résistance

    • La manifestation des Lucioles à #Briançon

      A Briançon, j’ai participé à une action collective autour des « 7 de Briançon », condamnés pour délit de solidarité et ayant reçu le prix suisse des droits humains « Alpes ouvertes » 2019. Nous avons bravé ensemble les frontières, les fascismes, les violences.

      Je viens de rentrer de Briançon, de ce territoire frontalier dans lequel se matérialisent les politiques migratoires façonnées par les rapports de domination de sexe, de race et de classe. Dans ces territoires, la criminalisation de la mobilité des opprimé.es se traduit par des corps glacés, des corps morts, des corps qui ne rêvent plus, ou bien par des réseaux criminels qui recrutent des esclaves sans protection, sans droit, au sein de l’Europe occidentale. Bien sûr que cette violence ne peut pas être mise en place sans la criminalisation de la solidarité. A Nice où j’habite, je passe mon temps devant les tribunaux, pour être solidaire avec d’autres solidaires poursuivis pour « délit de la solidarité ». Et à Briançon, j’ai participé à une action collective autour des "7 de Briançon" condamnés pour délit de solidarité. Nous avons bravé ensemble les frontières, les forteresses, les fascismes, les violences.

      Le prix suisse des droits humains "Alpes ouvertes" 2019 () est remis aux "7 de Briançon" en signe de reconnaissance et de remerciement pour leur engagement courageux dans le sauvetage de réfugié·es en montagne et dans la dénonciation des actes racistes et xénophobes. La remise de ce prix par le "Cercle d’Amis Cornelius Koch" et le Forum Civique Européen était organisée comme une action historique, émouvante, très émouvante. Nous étions une centaine devant les locaux de la police, à la frontière franco-italienne, à Montgenèvre, Police de l’air et des frontières (PAF) qui est devenue plus célèbre que les pistes de ski…Malgré le froid, nous y sommes restés quelques heures, pour la remise des prix, pour prendre la parole, pour manifester. Un an après la manifestation anti-génération identitaire qui avait déclenché les arrestations puis le jugement des 7 de Briançon. Ensuite nous sommes allés un peu plus loin, où on avait trouvé le corps glacé de Tamimou Dherman qui venait du Togo, espérant une vie meilleure. Le 7 février 2019 son corps ne rêvait plus. Notre manifestation a continué par de multiples formes, pour dire que nous ne nous habituerons pas à la mort de Tamimou, ni aux condamnations des solidaires. Nous ne nous habituerons pas à ce monde triste.

      J’ai pris la parole à la frontière et j’ai dit ceci :

      « La planète tourne. Sur cette planète, il y a une lutte infernale entre deux mondes. Le monde des oppresseurs, des dominants et le monde des lucioles qui ne veulent pas être esclaves. Maintenant, ici, nous sommes un tout petit point d’un de ces deux mondes, celui des lucioles. Celui qui se construit en permanence. Nous sommes un tout petit point de cette construction permanente.

      Je suis ici en tant que militante, en tant que réfugiée et en tant que femme.

      Je prends la parole en tant que militante qui appartient à ce fameux monde des lucioles qui n’acceptent pas ce monde injuste, qui n’acceptent pas l’horreur et qui résistent. Qui défendent et qui créent la vie, la beauté, la poésie. Qui prennent leurs lumières de leurs rêves et qui éclairent quand il fait nuit.

      Je marche avec vous en tant qu’exilée qui a vécu des difficultés, qui est passée de l’autre côté des frontières, mais aussi de l’autre côté de la relation : de solidaire à victime. Grâce à cette expérience, j’ai découvert avec joie que les dominants n’ont pas réussi à pourrir la société et qu’il y a beaucoup de femmes et d’hommes libres et beaux.

      Je manifeste en tant que femme. Une catégorie sociale qui n’a pas contribué à tracer les frontières. Et chaque fois qu’on transgresse ces frontières, on taillade le patriarcat.

      En tant que militante, en tant que réfugiée, en tant que femme, je vous remercie pour avoir transgressé ces frontières et je remercie le "Cercle d’Amis Cornelius Koch" et le Forum Civique Européen de partager les coups. La solidarité est une des bases du monde que nous construisons. Ceux qui nous imposent leur ordre, ont les armes, les prisons, l’argent. Mais ils n’arrivent pas à nous mettre en ordre. Ils mobilisent donc le fascisme avec ses nouvelles couleurs. La conception « Plutôt Hitler que le Front populaire » s’est transformée, aujourd’hui, en « Plutôt les identitaires que les solidaires ». La réponse des Lucioles est courte : « No passaran ».

      Les lucioles dépassent les frontières. Les frontières des prisons, des nations, des Etats, de l’Ordre. Elles se rencontrent, s’aident à passer les frontières, discutent, réfléchissent, agissent et chantent ensemble. Ces lucioles se croisent et se recroisent dans différents coins de la planète. Elles se reconnaissent, elles se donnent, elles s’épaulent… Comme maintenant.

      Par nos actions, nous contribuons à la construction d’une contre-culture basée sur la solidarité, la liberté et la justice. Et ce, au cœur du néo-libéralisme sauvage.

      A cette frontière franco-italienne, un italien, deux suisses, quatre français se retrouvent dans la solidarité avec des Africains. D’autres personnes, italiennes, turques, érythréennes, suisses, allemandes, des autrichiens prennent le relais… Vous voyez, les frontières de l’ancien monde s’effondrent.

      La camisole se découd. On y est presque ».

      () Le prix suisse des droits humains "Alpes ouvertes", instauré par Cornelius Koch, l’abbé suisse des réfugié·es (1940-2001)*, est décerné à des personnes et à des groupes engagés activement pour les droits des réfugié·es, des migrant·es, des personnes socialement défavorisées et des minorités menacées en Europe.

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/260419/la-manifestation-des-lucioles-briancon
      #frontière_sud-alpine

    • #Toutes_aux_frontières ! Appel à une action féministe à #Nice

      Venez, venez avec vos cerfs-volants à Nice, le 5 juin pour participer à notre belle action féministe transnationale ! Pour contester ensemble les politiques européennes de la criminalisation de la migration ! Préparez vos cerfs-volants, vos danses, vos chansons pour dire que « en tant que féministes, nous n’acceptons pas les frontières ». Venez à Nice le 5 juin 2021...

      TOUTES AUX FRONTIERES !

      APPEL A UNE ACTION FEMINISTE EUROPEENNE A NICE

      Venez, venez avec vos cerfs-volants à Nice, le 5 juin pour participer à une action féministe transnationale ! Pour contester ensemble les politiques européennes de criminalisation de la migration ! Préparez vos cerfs-volants de multiples formes et de couleurs, pour les faire voler ensemble à Nice, pour dire que « en tant que féministes nous n’acceptons pas les frontières ». Préparez vos danses, vos chansons pour chanter et danser avec des dizaines de milliers de féministes, contre la criminalisation des migrations ! Venez à Nice le 5 juin 2021, pour contribuer à l’expression féministe transnationale dont ce monde triste a tant besoin !!!

      Depuis 2015, la politique européenne de fermeture des frontières a été renforcée et la migration d’autant plus criminalisée. L’espace Schengen ne cesse de renforcer un arsenal répressif à l’égard des personnes contraintes à l’exil. La fermeture des frontières ne fait que développer les économies mafieuses dans lesquelles s’articulent toutes formes de violences faites aux exilé.es. Ces politiques de criminalisation de la mobilité pèsent particulièrement sur les femmes, qui représentent 54% des migrant.e.s en Europe, ainsi que sur les lesbiennes et les personnes trans. Durant sa trajectoire migratoire, toute personne non conforme à l’ordre patriarcal est cible des violences sexistes. Il est grand temps de déployer nos forces pour rendre visible ce qui ne l’est pas.

      Nous, féministes habitantes de l’Europe, de toutes les conditions sociales et de tous les âges, quelles que soient nos provenances, nos choix, nos mondes… nous élevons nos voix pour dire « Non ! Vous ne nous représentez pas… Ces politiques ne peuvent être menées en notre nom ! Nous ne voulons plus de vos murailles qui nous entourent ! Non ! Pas en notre nom ! » Parce que, comme disait Virginia Wolf, femme de lettre féministe « En tant que femme je n’ai pas de pays. En tant que femme je ne désire aucun pays. Mon pays à moi, femme, c’est le monde entier ». Parce que les frontières politiques sont une construction virile et militariste, issues des guerres, des violences, des morts.

      Pour rompre avec cette histoire militariste et patriarcale, nous organisons, le 5 juin 2021, une grande action féministe transnationale à Nice, ville stratégique pour la gestion de la frontière Vintimille-Menton. Dans ce lieu symbolique, nous, féministes de tous les pays européens, manifesterons ensemble car les politiques migratoires se font à l’échelle européenne : c’est aussi à cette échelle que nous ripostons.

      Des événements culturels accompagneront notre manifestation, organisée et représentée par des féministes, femmes, lesbiennes, personnes trans. Toute personne est bienvenue pour participer, pour contribuer, pour aider à la logistique et nous soutenir dans cette démarche émancipatrice.

      A l’issue de la rencontre féministe européenne « Femmes, migrations, refuges », du 27 au 29 septembre 2019 à Genève, à l’initiative de la Marche Mondiale des Femmes / Suisse, pas moins de 263 militantes s’étaient retrouvées pour donner corps à un réseau européen féministe de résistances. Ensuite, le réseau s’est élargi et a renforcé notre détermination. Nous vous invitons à nous rejoindre et à enrichir notre belle action. Avec votre présence, votre parole, votre créativité…

      Nos différentes positions, sources d’influences, sensibilités féministes ne sauraient être un frein à nos convergences autour de cette action collective qui se fera dans la plus grande transparence.

      Souhaitez-vous faire partie de l’organisation ? Pourriez-vous apporter un soutien officiel ? Un soutien financier ? Pourriez-vous créer des collectifs locaux pour coorganiser cette action et préparer vos venues, proposer des activités de toutes sortes : créer, penser, chanter, danser le monde comme nous le rêvons ?

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/160121/toutes-aux-frontieres-appel-une-action-feministe-nice#at_medium=cust
      #féminisme

  • Bridgestone-Béthune : que crève le pneu !
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1424

    Voici un avis de notre compère Renart à propos des fermetures d’usines de pneu dans le nord.
    C’est négatif pour tout dire. Quand on finit cette notice sur les innombrables nuisances sociales et écologiques du pneu, des origines à nos jours, on se dit que c’était une fort méchante idée que de l’inventer, et de fonder là-dessus une branche de l’industrie automobile. – Sauf, bien sûr pour les fabricants et marchands de pneus et de voitures.
    Aussi, peut-on répéter à propos du pneu tout le mal que Ivan Illich (cf ici ) avait dit à propos de la voiture et qu’on avait appliqué à l’usine Ford de Bordeaux (là )

    L’extrême-gauche ouvriériste et industrialiste (ça va ensemble) nous reprochera une fois de plus notre manque de sens dialectique. La lutte révolutionnaire sait retourner contre le système ses propres armes. Voyez la Petite histoire de la voiture piégée (Mike Davis, La Découverte, 2007), qui, des anarchistes aux islamistes, permet depuis un siècle de forts beaux attentats de masse. Nous, on se souvenait de l’ingénieuse pratique du necklace, un pneu enflammé autour du cou, employée par les tueurs de l’ANC pour se débarrasser des dissidents et des mouchards supposés, dans les townships d’Afrique du sud, durant la lutte contre l’apartheid. Aujourd’hui un génial universitaire du site Lundi matin nous rappelle à propos des feux de pneus sur les piquets de grève – comme à Bridgestone-Béthune - qu’« en immolant sur les routes un de leurs excédents les plus ordinaires, les êtres humains, avec ces feux de pneus, enrayent une mondialisation fluide, retournant politiquement l’un de ses matériaux de base, et donnant à voir et à sentir son âcre matérialité. »

    Vous voyez bien, le négatif ce n’est pas le pneu, ni la voiture, mais l’usage qu’on en fait.

    Pour lire le texte de Renart, ouvrir le document ci-dessous.
    Pour voir le site de Renart : ici.

    https://chez.renart.info #Nécrotechnologies
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/bridgestone.pdf

  • Face à la haine et aux amalgames : « Redonner ses lettres de noblesse à la solidarité et à l’#hospitalité française »

    Elle appelle cela « l’#hospitalité_citoyenne ». #Julia_Montfort, journaliste et réalisatrice, a accueilli, comme beaucoup d’autres Français, un « migrant », Abdelhaq, originaire du Tchad. Elle raconte cette rencontre à Basta !, rencontre dont elle a tiré une web-série, #Carnets_de_solidarité. Son histoire nous rappelle que, loin des scènes indignes de harcèlement policier ou de commentaires racistes, des dizaines de milliers de citoyens font preuve de solidarité.

    Julia Montfort appelle cela « l’hospitalité citoyenne ». Comme beaucoup d’autres personnes en France, elle a ouvert sa porte pour accueillir un « migrant », Abdelhaq. Il avait alors 21 ans et ne devait rester que quelques jours. Il aura finalement vécu un an et demi chez Julia et Cédric, son mari. De cette expérience personnelle est alors née l’envie de raconter ce mouvement de #solidarité qui a gagné de nombreux foyers français – une réalité trop souvent invisibilisée – pendant que les politiques en œuvre choisissent trop souvent de harceler, humilier, reléguer dans la rue les exilés en quête d’accueil, ne serait-ce que temporaire. Réalisatrice, elle en a tiré une web-série passionnante, Carnets de Solidarité, qui offre la meilleure des réponses, en actes, à tous les préjugés, tous les cynismes ou toutes les haines qui s’accumulent sur ce sujet.

    Basta ! : Le point de départ de votre travail, c’est le #récit_intime de l’accueil d’Abdelhaq, chez vous, dans votre appartement. Avec le recul, qu’avez-vous appris de cette expérience d’hospitalité ?

    Julia Montfort [1] : Beaucoup de choses. Nous n’avons pas accueilli un citoyen français avec des références culturelles partagées : Abdelhaq est le fils d’un berger nomade, dans le sud du Tchad, qui parle un dialecte dérivé de l’arabe – le kebet – dont la vie consistait à garder les chèvres de son père ou à aller récolter du miel, autant dire une vie diamétralement opposée à la mienne. Tout nous séparait, et nous avons appris à trouver des #liens, à construire des ponts entre nos deux cultures.

    J’ai réalisé la portée de ce geste dès que j’ai ouvert ma porte devant ce grand gaillard de plus d’1 m 90, et que j’ai compris que le #langage ne nous permettrait pas de communiquer. Il apprenait les rudiments du français, mais il ne faisait pas de phrases, je ne parvenais même pas à savoir s’il aimait les pâtes. De fait, ce genre de situation permet aussi d’en apprendre beaucoup sur soi-même et sur notre rapport à l’autre. Cela m’offre aujourd’hui un ancrage très différent dans le présent.

    Il y a cette anecdote significative, lorsque vous racontez que vous hésitez plusieurs jours avant de lui signaler qu’il ne priait pas dans la bonne direction…

    Il se tournait exactement à l’opposé de la Mecque, nous ne savions pas comment lui annoncer, cela nous pesait, alors qu’au final, Abdelhaq a juste explosé de rire lorsque nous lui avons montré la boussole ! Une partie de notre complicité est née ce jour-là… Abdelhaq a une pratique très ouverte de sa religion, c’est notamment une façon de maintenir un lien avec son pays. Quand il est arrivé à Paris, son premier réflexe a été d’aller dans une mosquée, où il a pu être hébergé. C’est un peu son repère, son cadre. Mais depuis, on a constaté qu’il s’intéressait beaucoup aux autres religions.
    De notre côté, nous sommes parfaitement athées, et c’est probablement la première fois que j’ai côtoyé quelqu’un de religieux aussi longtemps, et aussi intimement. La probabilité que je puisse, à Paris, me retrouver directement confrontée à la réalité de la vie d’Abdelhaq était tout de même très faible, jusqu’à présent. Cela cultive une certaine #ouverture_d’esprit, et cela a généré aussi beaucoup de #respect entre nous.

    Pour autant, vous ne faites pas l’impasse sur les difficultés qui se présentent, aussi, à travers cette expérience. « L’hospitalité n’est pas un geste naturel, c’est une #épreuve », dites-vous.

    Il ne faut pas enjoliver cette expérience par principe, cela n’a rien de simple d’accueillir un étranger chez soi. Il faut s’ouvrir à lui, accepter qu’il entre dans notre #intimité, c’est une relation qui demande beaucoup d’énergie. Faire entrer l’exil à la maison, c’est aussi faire entrer des vies brisées et tous les problèmes qui accompagnent ces parcours du combattant… Et c’est compliqué quand, au petit-déjeuner, vous devez affronter son regard dans le vide, que vous voyez qu’il n’est pas bien. Tout paraît assez futile. J’ai parfois eu l’impression de plonger avec Abdelhaq. C’est le principe même de l’empathie, partager l’#émotion de l’autre. Mais quand c’est sous votre toit, il n’y a pas d’échappatoire, c’est au quotidien face à vous.

    Dans votre récit, vous utilisez très souvent les termes de « #générosité », de « #bienveillance », d’ « #humanité », comme si vous cherchiez à leur redonner une importance qu’ils ne semblent plus vraiment avoir, dans la société. Faut-il travailler à repolitiser ces valeurs, selon vous ?

    On pense toujours que la solidarité, l’#altruisme, l’#entraide, tout ça n’est que l’apanage des faibles. Ce seraient des vertus désuètes, bonnes pour les « bisounours ». Il a en effet fallu que j’assume, à l’écriture, de redonner des lettres de noblesse à ces mots-là. Car on a bien vu que tous ces petits #gestes, cette empathie, ces regards, ce n’était pas anodin pour Abdelhaq. On a vu comment cette solidarité qui s’est organisée avec les voisins l’a porté, lui a permis de se regarder autrement, de retrouver des prises sur le réel. Petit à petit, on l’a vu changer, reprendre pied. Et ça, c’est considérable.
    Et partant de là, on peut aussi se demander ce qui nous empêche d’appliquer cela à toutes nos relations – personnellement, j’essaye désormais d’être plus attentive à cette forme de #bienveillance dans mes échanges avec mes voisins ou mes amis, au travail. Cela semble toujours une évidence un peu simple à rappeler, mais c’est vertueux. C’est même l’un des principaux enseignements que nous avons tiré de notre expérience, à notre échelle : au-delà des difficultés, cela fait du bien de faire du bien. Diverses études documentent les bienfaits pour la santé de ces #émotions positives ressenties, cela porte même un nom – le « #helper’s_high », l’euphorie de celui qui aide. Donc oui, la solidarité fait du bien, et il faut en parler.

    De fait, votre initiative a rapidement fait la preuve de son effet multiplicateur auprès du voisinage, c’est ce que vous appelez la « #contagion_solidaire ».

    C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à raconter de cette expérience personnelle. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le discours sur « l’invasion » battait son plein. En 2017-2018, on est en plein dans la séquence où l’on entend partout que les migrants sont trop nombreux, qu’ils sont dangereux, qu’ils vont nous voler notre pain, notre travail et notre identité. Or à mon échelle, à Bagnolet, au contact de différentes classes sociales, j’ai vu le regard des gens changer et ce mouvement de solidarité se mettre en place, autour de nous. Et c’était d’autant plus significatif que nous étions officiellement devenus « hors-la-loi » puisque nous n’avions pas le droit d’héberger un sans-papier… De fait, lorsqu’on a reçu une enveloppe avec de l’argent pour payer le pass Navigo d’Abdelhaq, nous avons compris que nous étions plusieurs à accepter de transgresser cette règle absurde. Et à entrer ensemble dans l’absurdité du « #délit_de_solidarité ».

    « La chronique des actions en faveur de l’accueil des migrants montre une évolution au sein des sociétés européennes. Par leur ampleur et l’engagement qui les sous-tend, les formes de solidarité et d’hospitalité que l’on y observe s’apparentent de plus en plus à un mouvement social » affirme l’anthropologue Michel Agier, que vous citez dans votre livre. De fait, à l’échelle de la France, votre enquête tend à montrer que les démarches d’#accueil sont bien plus nombreuses et conséquentes qu’on ne le laisse souvent croire, vous parlez même d’une « #révolution_silencieuse ». Peut-on dresser une sociologie de ce mouvement social émergent ?

    C’est encore un peu tôt, on n’a pas assez de recul, on manque de chiffres. De nombreux chercheurs travaillent là-dessus, mais c’est un mouvement encore difficile à évaluer et à analyser. La plupart des gens restent discrets, par crainte de l’illégalité mais aussi par humilité, souvent. Mais lorsque j’ai présenté la bande-annonce avec l’objet de mon travail, j’ai été submergé de messages en retour, sur internet. Et de toute la France. J’ai réalisé qu’il y avait un défaut de #narration, et un défaut de connexion les uns avec les autres. La plupart agisse, chacun de leur côté, sans s’organiser de manière collective. Des mouvements et des plateformes se sont créés, sur internet, mais cette solidarité reste encore très « électron libre ». Il n’y a pas véritablement de #réseau_citoyen, par exemple.

    Pour ma part, ce que j’ai vu, c’est une France particulièrement bigarrée. J’ai vu des gens de tous les milieux, pas nécessairement militants, et beaucoup de #familles. En général, ils racontent avoir eu un déclic fort, comme par exemple avec la photo du petit #Aylan. Ce sont des gens qui ressentent une #urgence de faire quelque chose, qui se disent qu’ils « ne-peuvent-pas-ne-rien-faire ». La certitude, c’est qu’il y a énormément de #femmes. L’impulsion est souvent féminine, ce sont souvent elles qui tendent en premier la main.

    Ce #mouvement_citoyen est aussi, malheureusement, le reflet de l’#inaction_politique sur le sujet. Cette dynamique peut-elle continuer longtemps à se substituer aux institutions ?

    Il y a un #burn-out qui guette, et qui est largement sous-estimé, chez ces citoyens accueillants. Ils s’épuisent à « l’attache ». À l’origine, cette solidarité a vraiment été bricolé, avec les moyens du bord, et dans la précipitation. Et même si elle remplit un rôle fondamental, ça reste du #bricolage. Or ce n’est pas aux citoyens de pallier à ce point les défaillances de l’#État, ce n’est pas normal que nous ayons à héberger un demandeur d’asile qui se retrouve à la rue… La réalité, c’est qu’aujourd’hui, très régulièrement en France, on ne notifie pas leurs droits aux gens qui arrivent. Or toute personne qui pose le pied en France a le droit de demander l’asile, c’est une liberté fondamentale. Commençons donc, déjà, par respecter le #droit_d’asile !

    Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de ce qui se passe, parce que cela se joue dans des zones de frontières, loin de Paris, donc cela reste assez discret. Mais on est face à quelque chose d’assez considérable en termes de violations de #droits_humains, en France, actuellement : à la fois dans le fait de bafouer ces droits fondamentaux, mais aussi dans le fait de criminaliser les personnes qui leur viennent en aide… Et pendant ce temps-là, on remet la légion d’honneur à Nathalie Bouchart, la maire de Calais, qui avait interdit les distributions d’eau pour les exilés ? Il y a quand même quelque chose qui cloche, dans ce pays.

    Cela n’a pas toujours été comme ça, rappelez-vous, en évoquant notamment l’exemple des « #Boat_People » (en 1979, l’accueil de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens avaient obtenu un large consensus national, ndlr). Qu’est-il arrivé à cette grande « tradition française d’hospitalité », depuis ?

    Le contexte est très différent, par rapport aux Boat people. À l’époque, cela semblait sûrement circonscrit, tant dans le nombre que dans le temps. Aujourd’hui, la multiplication des conflits, un peu partout dans le monde, alimente cette idée que c’est un puits sans fond, qu’on va être submergé si on commence à accueillir trop largement… Plus fondamentalement, on le sait bien, une certaine #rhétorique s’est imposée dans les discours, sur ces questions : on parle de « flux », de « pompe aspirante », et tout ce vocable n’est plus l’apanage de l’extrême droite, on le retrouve dans la bouche des gouvernants. Tout ça insinue et conforte l’horrible mythe de « l’#appel_d’air ». Je crois qu’on oublie parfois combien les #discours_politiques contribuent à forger un cadre de pensée. Et en face, il y a un véritable défaut de pédagogie, on ne traite jamais de ces sujets à l’école, on ne produit pas de #contre-discours. Donc effectivement, c’est important de le rappeler : on a su accueillir, en France.

    Après l’assassinat terroriste du professeur Samuel Paty, vendredi 16 octobre, le débat public a pris des airs de course aux amalgames, avec une tendance à peine cachée à essentialiser toute une catégorie de population (demandeur d’asile, mineurs isolés...) comme de potentiels terroristes. Qu’est-ce que cela vous inspire, en tant qu’accueillante ?

    La #peur légitime et le #danger, bien réel, du #terrorisme ne doivent pas nous faire plonger dans une grande #confusion, en bonne partie entretenue par ma propre profession. Les journalistes ont une part de #responsabilité en entretenant ce lien dangereux, insufflé par nos gouvernants, qui envisagent la migration sous le spectre uniquement sécuritaire depuis les attentats terroristes de 2015. Nous avons besoin de #recul, et de #nuances, pour ne pas tomber dans la #stigmatisation à tout-va de tout un pan de la population, et éviter les #amalgames simplistes du type "immigration = terrorisme". Ce pur discours d’extrême droite n’est basé sur aucune étude formelle, et pourtant il s’est installé dans les esprits au point que ces femmes et ces hommes sont victimes d’un changement de perception. Hier considérés comme des personnes en détresse, ils sont désormais vus dans leur ensemble comme de potentiels terroristes car un assassin – ayant commis un acte effroyable – a préalablement été demandeur d’asile et a obtenu son statut de réfugié... Il s’agit d’un itinéraire meurtrier individuel. Les demandeurs d’asile, les mineurs isolés, les réfugiés sont les premiers à pâtir de ces amalgames. Les entend-on ? Très rarement. Leur #parole est souvent confisquée, ou bien nous parlons à leur place.

    Alors, il faut le rappeler : ces personnes exilées et arrivées en France aspirent simplement à s’intégrer et à mener une vie « normale », si tant est qu’elle puisse vraiment l’être après tout ce qu’elles ont traversé, et avec la douleur du #déracinement. Et ces étrangers, nous les côtoyons au quotidien sans même le savoir : ils livrent nos repas à domicile, se forment à des métiers dans des secteurs en tension où la main d’œuvre manque, ils changent les draps dans les hôtels. Nombre de médecins réfugiés furent en première ligne pendant le confinement... Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est justement de ramener de la mesure dans ce débat toxique et dangereux en humanisant ces destins individuels.

    https://www.bastamag.net/Redonner-ses-lettres-de-noblesse-a-la-solidarite-et-a-l-hospitalite-franca

    ping @isskein @karine4

  • LA MARQUE DE L’ESCLAVAGE

    Le masque est une marque d’esclavage, une muselière qui limite la parole et affirme sa soumission à un monde totalitaire.

    Tout ceux qui expriment un point de vue critique qui n’est pas conforme avec la pensée unique produite par les médias, la pub et les politicards, sont d’emblée uniformisés sous une étiquette dénigrante et excluante, avec des commentaires formalistes ne portant que sur les apparences, sans jamais s’intéresser aux spécificités de toutes ces critiques diverses. Ainsi le partage et le débat devient impossible et pourtant nécessaire à l’analyse critique révolutionnaire en période de confusion. C’est un processus de séparation et de distanciation où chacun se retrouve isolé avec les siens dans sa chapelle.

    L’exclusion globalisante où tous sont suspects, la calomnie, la diffamation, atteste de leur mépris de tous ceux qui ne sont pas comme eux, cette élite éclairée qui a la mission de convaincre un peuple d’hérétiques ignorants. Le complotisme est un masque qui permet aux conformistes conservateur ou stalinien, de museler les mauvais esclaves insoumis.

    Un décalé sans appartenance

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    • En fait ce masque ne servait pas à empêcher les esclaves de s’exprimé·es car les esclaves n’avaient pas le droit d’expression avec ou sans masque.
      Ce masque servait à empêcher les suicides par ingestion de terre lorsqu’un·e esclave s’était échappé plusieurs fois et que les maitre·sses avaient programmé l’exécution du ou de la fugitive·f.
      La bride pour empêcher l’expression existait bien par contre mais c’etait aux femmes qu’on la mettait et ca s’appelait la bride de mégère ou bride écossaise.
      https://seenthis.net/messages/394240
      #bride #historicisation

  • Les « #instant_cities » – Villes réimaginées sans histoire, sans avenir

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes, inspirés par l’expérience des campements et autres zones à défendre (ZAD). L’anthropologue #Michel_Agier nous entretient du sujet dans un texte publié sur le site AOC : https://aoc.media/opinion/2020/09/28/utopie-dystopie-non-fiction-faire-ville-faire-communaute-3-3

    #Utopie, #dystopie, #non-fiction#Faire_ville, faire communauté

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, inspirés par l’expérience des #campements et autres #ZAD. La ville est ré-imaginée sans histoire et sans avenir, comme marquée d’abord par l’#immédiateté, l’#instantanéité et la #précarité. Des réflexions qui rejoignent celles de l’ethnologue qui se demande ce que « faire ville » veut dire, elles permettent de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophe.

    Avec la montée des #incertitudes et des formes de vie précaires dans toutes les régions du monde et plus particulièrement dans les contextes migratoires, le thème des instant cities (villes « instantanées », bâties « du jour au lendemain ») revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, et peuvent aider à penser la ville de demain en général. Le thème est ancien, apparu dans les années 1960 et 1970, d’abord avec l’histoire des villes du #far_west américain, nées « en un jour » et très vite grandies et développées comme le racontent les récits de #San_Francisco ou #Denver dans lesquels des migrants arrivaient et traçaient leurs nouvelles vies conquises sur des espaces nus.

    À la même époque, des architectes anglais (Peter Cook et le groupe #Archigram) s’inspiraient des lieux de #rassemblements et de #festivals_précaires comme #Woodstock pour imaginer des villes elles-mêmes mobiles – une utopie de ville faite plutôt d’objets, d’images et de sons transposables que de formes matérielles fixes. Troisième forme desdites instant cities, bien différente en apparence, celle qui est allée des villes de l’instant aux « #villes_fantômes », à l’instar des utopies graphiques des #villes_hors-sol construites en Asie, dans le Golfe persique et au Moyen-Orient principalement, sur le modèle de #Dubaï.

    Nous sommes aujourd’hui dans une autre mise en œuvre de ce modèle. En 2015, la Cité de l’architecture et du patrimoine montrait l’exposition « Habiter le campement » qui réincarnait très concrètement le concept à travers les rassemblements festivaliers (la « ville » de trois jours du festival #Burning_Man aux États-Unis), mais aussi les campements de #yourtes pour les #travailleurs_migrants, les #campings et #mobile_homes pour touristes et travellers, ou les #camps-villes pour réfugiés. Allant plus loin dans la même démarche, le groupe #Actes_et_Cité publie en 2018 l’ouvrage La ville accueillante où, inspirées de l’expérience du « #camp_humanitaire » de la ville de #Grande-Synthe, différentes solutions d’espaces d’#accueil sont étudiées (quartiers d’accueil, squats, campements aménagés, réseau de maisons de migrants, etc.), leur rapidité de mise en œuvre (quelques semaines) et leur coût réduit étant des critères aussi importants que leur potentiel d’intégration et d’acceptation par la population établie.

    On pourrait encore ajouter, pour compléter ce bref tour d’horizon, le géant suédois du meuble #Ikea qui, après une tentative d’implantation dans le marché des abris pour camps de réfugiés en association avec le HCR dans les années 2010-2015, a lancé en 2019 « #Solarville », un projet de #Smartcity fondé sur l’architecture en bois et l’énergie solaire.

    L’idée de la #table_rase permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophes.

    Le point commun de toutes ces expériences d’instant cities est leur ambition de réduire, voire de supprimer l’écart entre le #temps et l’#espace. Immédiateté, instantanéité et #précarité de la ville, celle-ci est ré-imaginée sans histoire et sans avenir. Sans empreinte indélébile, la ville se pose sur le sol et ne s’ancre pas, elle est associée à la précarité, voire elle-même déplaçable. Ce seraient des villes de l’instant, des #villes_présentistes en quelque sorte. Dans tous les cas, l’idée de la table rase, image du rêve extrême de l’architecte et de l’urbaniste, permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les #fictions_post-catastrophes. Dans leur excentricité même, ces images et fictions dessinent un horizon de villes possibles.

    C’est cette ville à venir que j’aimerais contribuer à dessiner, non pas pourtant à partir de la table rase de l’architecte, mais à partir de l’ethnographie d’une part au moins du présent. Un présent peut-être encore marginal et minoritaire, et donc hors des sentiers battus, quelque chose d’expérimental pour reprendre le mot très pragmatique de Richard Sennett, peu visible encore, mais qui a toutes les chances de s’étendre tant il sait répondre à des besoins croissants, dans cet avenir qui nous inquiète.

    C’est dans un « #présent_futuriste » que j’ai trouvé quelques éléments de réponse, un futur déjà là, quelque peu anachronique donc, mais aussi inédit, tout à fait décentré de la ville historique, notamment européenne, à laquelle nous nous référons encore trop souvent pour penser l’universalité des villes. Je me suis familiarisé avec la vie quotidienne des zones de #marges ou frontières, de #borderlands, et avec celles et ceux qui les habitent ou y passent. Rien d’exotique dans cela, rien d’impossible non plus, ce sont des lieux quelconques réinvestis, détournés, occupés pour un temps plus ou moins long, des déplacements et des attachements plus ou moins profonds aux lieux de résidence, de passage ou de refuge, et ce sont des événements – politiques, catastrophiques ou artistiques, prévus ou fortuits – créateurs d’échanges, éphémères ou non, et nous faisant occuper et donner un sens à des lieux parfois inconnus. Ces formes sociales, ces moments partagés, toutes ces situations rendent les espaces fréquentés plus familiers, partagés et communs, même sans en connaître le devenir.

    Loin d’être exceptionnelle, cette expérience de recherche m’a semblé expérimentale et exemplaire d’un certain futur urbain. Cela résonne avec les propos des urbanistes rebelles qui pensent comme #Jane_Jacob ou #Richard_Sennett un urbanisme pratique – ou « pragmatique », dit lui-même Sennett, qui ancre depuis longtemps sa réflexion dans l’#homo_faber, dans le faire de l’humain. Il faut, écrit-il, « placer l’homo faber au centre de la ville ». C’est ce que je ferai ici, en poursuivant cette interrogation sur le faire-ville dans sa double dimension, qui est de faire communauté, créer ou recréer du commun, et de faire la ville, c’est-à-dire l’inventer et la fabriquer.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir.

    C’est un présent futuriste fait d’étranges établissements humains : des armatures flexibles, modelables à volonté, des murs transparents, des cubes réversibles ou transposables. Curieusement, ces lieux font d’emblée penser à une ville mais précaire et #démontable, ce sont des #agglomérations_temporaires dont la matière est faite de murs en toile plastifiée, de charpentes en planches, en tubes métalliques ou en branchages, de citernes d’eau en caoutchouc, de canalisations et latrines en prêt-à-monter, prêt-à-défaire, prêt-à-transporter.

    Les lumières de la ville sont intermittentes et blafardes, fournies par des moteurs électrogènes mis en route à chaque nouvelle arrivée (fruit d’un désordre ou d’une catastrophe), devenue elle-même prévisible tout comme ses conséquences techniques – ruptures dans les flux et les stocks d’énergie, de nourriture ou de services. Les va-et-vient incessants de camions blancs bâchés emmènent des grandes quantités de riz, de boulgour et de personnes déplacées. Parfois, sur quelques terrains vagues, d’autres enfants jouent au football, ou bien des adultes inventent un terrain de cricket.

    À partir de la matière première disponible dans la nature (terre, eau, bois de forêt) ou de la matière résiduelle de produits manufacturés disponible (planches, palettes, bâches plastifiées, toiles de sac, feuilles métalliques d’emballage, plaques de polystyrène), des habitants bricolent et pratiquent une #architecture_adaptative, réactive, avec les moyens du bord, comme ailleurs ou autrefois une architecture des #favelas ou des #bidonvilles. Des maisons en pisé côtoient d’autres constructions en tissus, carton et tôle. Cette matérialité est en constante transformation.

    Malgré la surprise ou la perplexité qu’on peut ressentir à l’énumération de ces étranges logistiques urbaines, ce n’est pas de la fiction. Ce sont mes terrains d’#ethnographie_urbaine. On y verra sans doute une #dystopie, un mélange cacophonique de prêt-à-monter, de #récupérations et de #bricolages, j’y vois juste l’avenir déjà là, au moins sur les bords, dans un monde certes minoritaire (en Europe au moins), frontalier, à la fois mobile et précaire, mais terriblement efficace et qui a toutes les chances de s’étendre. #Ville_en_kit serait le nom de ce modèle qui viendrait après celui de la ville historique et rejoindrait, « par le bas », celui de la ville générique, dont il serait l’envers moins visible.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir, nous n’en connaissons encore presque rien si ce n’est qu’elles seront marquées par une culture de l’#urgence, du présent et de l’#incertitude, organisant et meublant des espaces nus ou rasés ou abandonnés, pour des durées inconnues. Ce qui est marquant est la répétition du #vide qui prévaut au premier jour de ces fragiles agglomérations, mais aussi la résurgence rapide de la #vie_sociale, de la #débrouille_technique, d’une #organisation_politique, et de la quête de sens. Cette ville en kit semble plus périssable, mais plus adaptable et « résiliente » aussi que la ville historique, qu’il nous faut donc oublier. Celle-ci était délimitée dans des enceintes visibles, elle était en dur, elle se développait de plus en plus à la verticale, avec ses voies goudronnées vite saturées de véhicules et de bruits. Cette ville historique maintenant implose, pollue et expulse les malchanceux au-delà de ses limites, mais elle continue de fournir le modèle de « la ville » dans le monde. Pourtant, le modèle s’écarte des réalités.

    On peut s’interroger sur le caractère utopique ou dystopique des #imaginaires_urbains qui naissent de l’observation des contextes dits « marginaux » et de leur permanence malgré leurs destructions répétées partout. Faut-il opposer ou rapprocher une occupation de « ZAD », une invasion de bidonvilles et une installation de migrants sans abri devenue « #jungle », selon le pourquoi de leur existence, toujours spécifique, ou selon le comment de leur processus, toujours entre résistance et adaptation, et les possibles qu’ils ont ouverts ? Si ces établissements humains peuvent être considérés, comme je le défends ici, comme les tout premiers gestes d’un processus urbain, du faire-ville dans son universalité, alors il convient de s’interroger sur ce qu’ils ouvrent, les décrire en risquant des scénarios.

    Ce partage d’expériences suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines.

    Comment passe-t-on de cette #marginalité qui fait #désordre à de la ville ? Une pensée concrète, une #architecture_an-esthétique, un #habitat_minimal, évolutif, peuvent rendre #justice à ces situations et leur donner une chance d’inspirer d’autres expériences et d’autres manières de faire ville. Je reprends là en partie quelques-uns des termes de l’architecte grec et français #Georges_Candilis (1913-1995), pour qui l’observation directe, au Pérou, dans la périphérie de Lima, au début des années 70, d’un processus d’installation et construction d’une « #invasión » fut un choc. Dans la nuit, « des milliers de personnes » avaient envahi un terrain vague « pour construire une nouvelle ville », l’alerta son collègue péruvien.

    C’est moins l’invasion elle-même que la réaction de l’architecte européen qui m’intéresse ici. Longtemps collaborateur de Le Corbusier, Candilis a ensuite passé des années à concevoir, en Europe essentiellement, des très grands ensembles à bas prix, pour « les plus démunis ». Il voit dans le mouvement d’invasion urbaine à Lima un « raz de marée populaire », devant lequel les autorités cèdent et qui va « construire une maison, une ville, sans matériaux ni architectes, avec la seule force du Plus Grand Nombre et le seul espoir de survivre ». Le deuxième jour de l’invasion, sous les yeux de l’architecte devenu simple témoin, les maisons commencent à s’édifier avec des matériaux de récupération, des quartiers se forment et les habitants (« y compris les enfants ») votent pour désigner leurs responsables. « J’assistais émerveillé, écrit Candilis quelques années plus tard, à la naissance d’une véritable “communauté urbaine” », et il évoque, enthousiaste, « l’esprit même de la ville ».

    Je ne pense pas qu’il ait voulu dupliquer en France ce qu’il avait vu à Lima, mais certainement s’inspirer de ses principes. Il exprimait l’intense découverte que cet événement avait représentée pour lui, et surtout le fait que le faire-ville passe par un événement, qui est l’irruption d’un sujet citadin, porteur de l’esprit de la ville et faiseur de communauté urbaine. C’est ce sujet citadin et cette communauté urbaine qui font la ville et qui permettent de penser à nouveaux frais le modèle des instant cities, en le renversant sur lui-même en quelque sorte, contre l’idée qu’il puisse naître hors-sol et qu’il puisse produire des villes fantômes qui attendront leur peuplement.

    Ce partage d’expériences, pour devenir systématique et efficace sans être du mimétisme ni du collage formel, suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines, que j’ai rappelée au tout début de cette réflexion. C’est une démarche qui ne demande ni exotisme ni populisme, mais une attention à ce qu’il y a de plus universel dans le #faire-ville, qui est une énergie de #rassemblement et de #mise_en_commun, dont la disparition, à l’inverse, engendre les étalements diffus et les ghettos qu’on connaît aussi aujourd’hui.

    https://formes.ca/territoire/articles/les-instant-cities-villes-reimaginees-sans-histoire-sans-avenir
    #villes_instantanées #urban_matter #urbanisme #présent #passé #futur

  • Communiqué du comité de soutien aux 3+4+2 +2 …

    DEUX SOLIDAIRES POURSUIVIS PAR LA JUSTICE

    Le 19 novembre, à #Montgenèvre, deux solidaires ont été interpellés lors d’une maraude de l’#unité_mobile_de_mise_à_l'abri (#UMMA), organisée par #Medecins_Du_Monde et #Tous_Migrants alors qu’ils étaient en train de porter assistance à une famille composée de deux enfants mineurs, de 10 et 14
    ans, d’une femme enceinte d’environ huit mois et de son mari.
    Placés en garde à vue pendant 24 h, pendant que la famille se faisait refouler pour la deuxième fois en ITALIE, ils sont ressortis avec une convocation devant le tribunal de Gap le 4 décembre.
    Ils sont poursuivi pour« aide à l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’étrangers en situation irrégulière en leur faisant franchir la frontière pédestrement » pour une maraude pourtant effectuée en France dans le cadre du protocole d’intervention de l’UMMA.
    Cette situation n’est malheureusement plus surprenante à la frontière Franco italienne où depuis 5 ans la chasse à l’homme de couleur (ou racisé) et les refoulements illégaux font le quotidien.
    Les violences policières sont avérées (https://www.bastamag.net/police-racket-violence-surmineur-
    detournement-de-fonds-publics-refugies-proces-PAF-Montgenevre) les #courses_poursuites meurtrières. (https://www.liberation.fr/france/2019/05/08/sur-les-traces-de-blessing-matthewmigrante-
    nigeriane-noyee-dans-la-durance_1725483 )
    Ces réalités sont bien loin d’être anecdotiques , nous comptons aujourd’hui cinq personnes exilées décédées « accidentellement » sur les chemins rejoignant le #Briançonnais. plusieurs centaines d’autres ayant nécessité un passage par le service des urgences tant leur état inspirait de l’inquiétude, une multitude présentant des blessures ou traumatismes parfois irréversibles directement liés au passage de la frontière.
    Le lundi 16 novembre, Madame la Préfete a annoncé en conférence de presse à la #Police_Aux_Frontières (#PAF) de Montgenèvre l’augmentation des effectifs de la PAF et de la gendarmerie mobile ainsi que l’arrivée de militaires des forces sentinelles afin de lutter contre le terrorisme, nous dit-on. Nous constatons depuis, le déploiement d’un arsenal technologique (drone et jumelles thermique). Le 19 Novembre 2020, ce dispositif a permis le refoulement de 2 familles dont une femme enceinte plusieurs mineurs ainsi que l’arrestation et la mise en garde à vue de 2 maraudeurs solidaires.
    Cette situation intervient dans un contexte répressif plus global.
    En France, dans la Roya et à la frontière espagnole, à Calais , à Paris la situation est similaire. , la chasse aux exilé-es constante engendre souvent la mise en danger de la vie de ces personnes qui
    n’ont d’autre choix que de fuir leur pays
    En Europe, la frontière bosnio-croate est depuis des années un véritable enfer pour quiconque n’a pas les bons papiers pour tenter la traversé. Humiliation et torture policière sont le lot quotidien des personnes empruntant ces chemins comme en attestent les témoignages qu’ils nous laissent (https://asile.ch/2020/02/24/rts-situation-en-bosnie-herzegovine )
    La méditerranée, elle, continue d’être un cimetière dont on ne compte même plus les naufrages.
    Les images récentes des violences policières sur les exilés a Paris témoignent d’un harcèlement quotidien des personnes sans papiers partout sur le territoire Francais.
    C’est dans ce contexte de violences policières avérées que le gouvernement est en train de faire passer la loi sécurité globale, ce qui renforce notre inquiétude quand au sort réservé aux exilé-es et à toutes celles et ceux qui s’opposent a ces politiques inhumaines

    Nous appelons à un rassemblement devant le tribunal de Gap le 4 decembre 2020 à 8 h30 contre ces politiques mortifères invisibilisées et en soutien aux maraudeurs inculpés.

    Nous conseillons également à notre ministre de l’intérieur Mr Gerard Darmanin d’ engager un dialogue avec les associations concernées avant que ne se produisent de nouveaux drames

    Rendez vous...le 4 décembre 2020 8 h 30 devant le tribunal de GAP

    Reçu par email, le 25.22.2020

    #Hautes-Alpes #frontières #asile #migrations #réfugiés #criminalité #Briançon #frontière_sud-alpine #criminalisation_de_la_solidarité #solidarité #sauvetage #maraudes #maraudes_solidaires

    ajouté à la métaliste sur les Hautes-Alpes :
    https://seenthis.net/messages/733721

  • #Police attitude, 60 ans de #maintien_de_l'ordre - Documentaire

    Ce film part d´un moment historique : en 2018-2019, après des affrontements violents entre forces de l´ordre et manifestants, pour la première fois la conception du maintien de l´ordre a fait l´objet de très fortes critiques et d´interrogations insistantes : quelle conception du maintien de l´ordre entraîne des blessures aussi mutilante ? N´y a t-il pas d´autres manières de faire ? Est-ce digne d´un État démocratique ? Et comment font les autres ? Pour répondre à ces questions, nous sommes revenus en arrière, traversant la question du maintien de l´ordre en contexte de manifestation depuis les années 60. Pas seulement en France, mais aussi chez nos voisins allemands et britanniques, qui depuis les années 2000 ont sérieusement repensé leur doctrine du maintien de l´ordre. Pendant ce temps, dans notre pays les autorités politiques et les forces de l´ordre, partageant la même confiance dans l´excellence d´un maintien de l´ordre « à la française » et dans le bien-fondé de l´armement qui lui est lié, ne jugeaient pas nécessaire de repenser la doctrine. Pire, ce faisant c´est la prétendue « doctrine » elle-même qui se voyait de plus en plus contredite par la réalité d´un maintien de l´ordre musclé qui devenait la seule réponse française aux nouveaux contestataires - lesquels certes ne rechignent pas devant la violence, et c´est le défi nouveau qui se pose au maintien de l´ordre. Que nous apprend in fine cette traversée de l´Histoire ? Les approches alternatives du maintien de l´ordre préférées chez nos voisins anglo-saxons ne sont sans doute pas infaillibles, mais elles ont le mérite de dessiner un horizon du maintien de l´ordre centré sur un rapport pacifié aux citoyens quand nous continuons, nous, à privilégier l´ordre et la Loi, quitte à admettre une quantité non négligeable de #violence.

    https://www.dailymotion.com/video/x7xhmcw


    #France #violences_policières
    #film #film_documentaire #Stéphane_Roché #histoire #morts_de_Charonne #Charonne #répression #mai_68 #matraque #contact #blessures #fractures #armes #CRS #haie_d'honneur #sang #fonction_républicaine #Maurice_Grimaud #déontologie #équilibre #fermeté #affrontements #surenchère #désescalade_de_la_violence #retenue #force #ajustement_de_la_force #guerilla_urbaine #CNEFG #Saint-Astier #professionnalisation #contact_direct #doctrine #maintien_de_l'ordre_à_la_française #unités_spécialisées #gendarmes_mobiles #proportionnalité #maintien_à_distance #distance #Allemagne #Royaume-Uni #policing_by_consent #UK #Angleterre #Allemagne #police_militarisée #Irlande_du_Nord #Baton_rounds #armes #armes_à_feu #brigades_anti-émeutes #morts #décès #manifestations #contestation #voltigeurs_motoportés #rapidité #23_mars_1979 #escalade #usage_proportionné_de_la_force #Brokdorf #liberté_de_manifester #innovations_techniques #voltigeurs #soulèvement_de_la_jeunesse #Malik_Oussekine #acharnement #communication #premier_mai_révolutionnaire #Berlin #1er_mai_révolutionnaire #confrontation_violente #doctrine_de_la_désescalade #émeutes #G8 #Gênes #Good_practice_for_dialogue_and_communication (#godiac) #projet_Godiac #renseignement #état_d'urgence #BAC #brigades_anti-criminalité #2005 #émeutes_urbaines #régime_de_l'émeute #banlieue #LBD #flashball #lanceur_de_balles_à_distance #LBD_40 #neutralisation #mutilations #grenades #grenade_offensive #barrage_de_Sivens #Sivens #Rémi_Fraisse #grenade_lacrymogène_instantanée #cortège_de_tête #black_bloc #black_blocs #gilets_jaunes #insurrection #détachement_d'action_rapide (#DAR) #réactivité #mobilité #gestion_de_foule #glissement #Brigades_de_répression_des_actions_violentes_motorisées (#BRAV-M) #foule #contrôle_de_la_foule #respect_de_la_loi #hantise_de_l'insurrection #adaptation #doctrine #guerre_civile #défiance #démocratie #forces_de_l'ordre #crise_politique

  • Video Analytics User Manuals Are a Guide to Dystopia
    https://www.eff.org/deeplinks/2020/11/video-analytics-user-manuals-are-guide-dystopia

    A few years ago, when you saw a security camera, you may have thought that the video feed went to a VCR somewhere in a back office that could only be accessed when a crime occurs. Or maybe you imagined a sleepy guard who only paid half-attention, and only when they discovered a crime in progress. In the age of internet-connectivity, now it’s easy to imagine footage sitting on a server somewhere, with any image inaccessible except to someone willing to fast forward through hundreds of hours (...)

    #Briefcam #Genetec #Motorola #Vigilant #algorithme #CCTV #biométrie #criminalité #police #racisme #facial #reconnaissance #sexisme #vidéo-surveillance #discrimination #immatriculation #mouvement #surveillance #EFF (...)

    ##criminalité ##Avigilon

  • Le #Pacte_d'Adriana

    Adriana a toujours été la tante préférée de la réalisatrice. Une femme charismatique qui s’était installée en Australie, un jour en 2007, elle est soudainement arrêtée en rendant visite à sa famille au Chili et accusée d’avoir travaillé pour la police secrète tristement célèbre du dictateur Pinochet, la DINA. La tante nie ces accusations. Sa nièce décide d’étudier l’histoire d’Adriana et commence à filmer. En 2011, ses investigations commencent à s’étendre de plus en plus, c’est alors que sa tante prend soudainement la fuite à bord d’un avion, juste avant un procès. Adriana demande à sa nièce d’interviewer ses anciens collègues qui pourront confirmer son innocence. Le film révèle des conflits longtemps enterrés dans la famille qui reflètent les problèmes sociaux du pays dans son ensemble. Les recherches de la cinéaste au sein de la DINA provoque de la tension entre les générations - est-ce Adriana qui refuse de parler du passé, ou quelque chose l’empêche-t-elle de le faire ? Un premier film extrêmement personnel dans lequel #Lissette_Orozco tente de gérer le numéro d’équilibriste difficile à maintenir entre son rôle de nièce et celui de réalisatrice. En montrant le tournage, elle aborde l’acte de se filmer. Et à mesure quelle avance, étape par étape, sa vie privée devient inconsciemment politique.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/49907_1
    #film #film_documentaire
    #Chili #secret_familial #DINA #Pinochet #histoire #dictature #extrême_droite #femmes #Adriana_Rivas #extradition #brigade_Lautaro #Manuel_Contreras #justice #impunité #pactes_de_silence #pacte_de_silence #refoulement #Brigada_Lautaro

  • #Eugenio_Bennato - #questione_meridionale

    Noi, che ci hanno detto che le note sono sette
    Noi, che ci hanno vietato le altre note maledette
    Noi, che arriviamo da formule di streghe,
    Teoremi di Pitagora, principi di Archimede.
    Noi, con quella musica che nasce da una terra
    Che in tutta la sua storia non ha fatto mai la guerra
    Noi con i «fratelli» scesi giù dal settentrione
    Che ci hanno «liberato» per formare una «Nazione».
    Noi sotto lo stesso tricolore, dalle Alpi fino al mare
    Ma se diventiamo una questione?
    La Questione è Meridionale.
    Centocinquanta la gallina canta,
    Làssila cantè ca se vole maritè.
    Centocinquanta la gallina canta,
    Lasciala cantare ca si vuole maritare.
    Noi, con i sentimenti di un esercito allo sbando
    Noi, con i trafficanti di canzoni di contrabbando
    Noi, per raccontare, con la scusa di una festa,
    Le storie e le leggende di una terra di conquista
    Noi, in questa Italia, dove le città son piene
    Di piazze Cavour e corsi Vittorio Emanuele.
    Noi, che conosciamo a memoria la canzone
    «Perché cambiar la storia?» Ma restiamo meridione.
    Noi sotto lo stesso tricolore dalle Alpi fino al mare
    Ma se diventiamo una questione.
    La Questione è Meridionale.
    Centocinquanta la gallina canta,
    Làssila cantè ca se vole maritè.
    Centocinquanta la gallina canta,
    Lasciala cantare ca si vuole maritare.
    Noi, con la bugia di una storia scritta male
    Noi in fondo alla teoria della questione Meridionale
    Noi per ricordare che son 150 anni
    Che il Sud va per il mondo insieme a tutti i suoi emigranti
    Noi con la canzone dei briganti
    Che la storia ha fatto fuori,
    Ma se questa musica va avanti
    è perché i briganti siamo noi.

    https://www.youtube.com/watch?v=X6zkImKJEjs


    #chanson #Italie #Italie_du_Sud #unité_d'Italie #brigands

    ... avec un peu de #toponymie_politique :

    Noi, in questa Italia, dove le città son piene
    Di piazze Cavour e corsi Vittorio Emanuele.

  • Pourquoi les migrants iraniens transitent par les Alpes

    De plus en plus d’Iraniens franchissent de nuit la frontière franco-italienne. La plupart tentent ensuite de rejoindre le Royaume-Uni ou l’Allemagne.

    Il est 21 heures à Montgenèvre en cette mi-octobre, et la station de ski des Hautes-Alpes est plongée dans l’obscurité. C’est ici, à 1 800 mètres d’altitude, que les migrants traversent la frontière franco-italienne. Il faut environ huit heures de marche pour rallier Briançon (Hautes-Alpes) depuis #Clavière, le dernier village côté italien. Entre les deux, le col de Montgenèvre, l’obscurité et la police aux frontières (PAF) qui patrouille. Ces dernières années, plusieurs migrants sont morts de froid en tentant le passage. À l’approche de l’hiver, plusieurs militants et bénévoles de l’ONG Médecins du Monde ont donc repris les maraudes. Leur objectif : récupérer les migrants après la frontière et les ramener au Refuge solidaire de Briançon, une quinzaine de kilomètres plus bas, avant de se faire attraper par la police.

    François*, 32 ans, est moniteur de ski saisonnier et bénévole au refuge. Caché derrière des arbres, il guette la pénombre à la recherche d’un signe de vie quand deux silhouettes apparaissent derrière un buisson. Ils s’appellent Azad* et Hedi et sont iraniens. « How much ? » nous questionnent-ils avant de comprendre que François n’est pas passeur mais bénévole. Ils finissent par le suivre. Arman a 28 ans, a étudié le génie civil en Iran puis travaillé dans une pharmacie. Mais son père est opposant politique au régime : « Il a insisté pour que je quitte le pays », raconte-t-il. « Il a donné 18 000 euros à un réseau de passeurs pour me faire arriver en Angleterre. » Cette nuit, Azad et Hedi dormiront au chaud et en sécurité au refuge solidaire. Demain, ils repartiront en train en direction de Dunkerque, pour tenter de passer au Royaume-Uni.
    Une jeunesse sans débouchés

    Ces derniers mois, les bénévoles du Refuge solidaire ont noté un changement de population. Les Guinéens, Ivoiriens et Maliens qui étaient majoritaires en 2017 ont laissé leur place aux Afghans et Iraniens. En 2017, ils n’étaient que 3, en 2018, ils étaient 55, et depuis début 2020, 357 Iraniens sont passés par le refuge, soit 23 % des arrivées, selon les statistiques transmises par le Refuge solidaire. L’Ofpra enregistre la même évolution concernant les nouvelles demandes d’asile iraniennes : 349 en 2017, 510 en 2018 et 443 en 2019. La plupart des nouveaux venus sont diplômés, comme Peshro, 26 ans, diplômé d’une licence en économie, et Peshawa, 29 ans, rencontrés au Refuge solidaire. Les deux frères viennent de la province kurde au nord-ouest de l’Iran : « On n’avait pas de travail, pas d’argent », explique Peshro.

    Depuis que les États-Unis ont rétabli les sanctions économiques contre l’Iran en 2018, la situation est devenue très dure pour la population. En juin 2020, le rial, la monnaie locale, avait perdu la moitié de sa valeur par rapport à mai 2018. Au-delà des difficultés économiques, les émeutes sanglantes survenues entre 2017 et 2019 pour protester contre la corruption du régime, et la répression qui s’abat sur les minorités ethniques (kurdes, arabes) et religieuses (derviche, bahaï) expliquent cette hausse des départs. Environ 200 000 Iraniens quitteraient chaque année le pays, selon Nader Vahabi, principalement pour la Turquie qui ne requiert pas de visa.

    Une fois en Turquie, ils traversent l’Europe, en passant par la Grèce et les Balkans ou directement en bateau jusqu’en Italie. Comme beaucoup, Azad rêve d’Angleterre, perçue comme la terre promise pour les immigrés. Là-bas, ils retrouvent leur seconde langue, les contrôles d’identité n’existent pas et le marché du travail est plus flexible qu’ailleurs. D’après l’Observatoire des migrations de l’université d’Oxford, en 2019, le Royaume-Uni a enregistré environ 45 000 premières demandes d’asiles, un record, avec une majorité d’Iraniens, Irakiens et Pakistanais. Mais la traversée de la Manche est toujours aussi périlleuse. Le 27 octobre, toute une famille iranienne a trouvé la mort au large de Dunkerque, lorsque l’embarcation sur laquelle elle se trouvait a chaviré. Il s’agit du pire drame migratoire survenu dans l’histoire de La Manche.

    https://www.lepoint.fr/societe/pourquoi-les-migrants-iraniens-transitent-par-les-alpes-15-11-2020-2401095_2

    #Alpes #montagne #Hautes-Alpes #refuge_solidaire #Briançon #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_iraniens #Iran #Montgenèvre #France #frontières #Italie #réfugiés_afghans

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    Ajouté à la métaliste sur les Hautes-Alpes :
    https://seenthis.net/messages/733721#message886920

    via @isskein

  • Migration : la #France et l’#Italie déploieront des #navires et des #avions pour alerter la Tunisie sur le départ des migrants

    Le ministre français de l’Intérieur, #Gérald_Darmanin, est attendu, ce weekend, en visite en Tunisie pour de décisives discussions dans la foulée de l’attentat contre la basilique de Nice commis par un migrant illégal tunisien, qui a fait trois morts. Une visite qui intervient aussi dans un climat de plus en plus tendu en France dont le gouvernement et le président de la République, Emmanuel Macron, s’emploient à restreindre au maximum les flux migratoires à travers la Méditerranée.

    A la veille de cette visite, le ministre français de l’Intérieur, qui se trouve ce vendredi à Rome , envisage avec son homologue italienne, #Luciana_Lamorgese, de déployer des navires ou des avions pour alerter la Tunisie du départ de #bateaux clandestins transportant des migrants vers les côtes italiennes, comme le jeune Tunisien qui est le principal suspect d’une attaque à l’arme blanche dans une église française la semaine dernière, a déclaré vendredi la ministre italienne.

    A l’issue d’une entrevue entre les deux ministres, Gerald Darmanin s’est gardé de critiquer l’Italie pour sa gestion du suspect tunisien, qui a débarqué sur l’île italienne de Lampedusa en septembre, a été mis en quarantaine en vertu du protocole sanitaire relatif à la pandémie et reçu des papiers d’expulsion des autorités italiennes avant de gagner la France en octobre.

    « A aucun moment, je n’ai pensé qu’il y avait quelque chose de défectueux » dans la façon dont l’Italie a géré l’affaire, a déclaré Darmanin, en réponse à une question posée lors d’une conférence de presse avec Lamorgese après leurs entretiens. Il a plutôt remercié Lamorgese et les services de renseignement italiens pour l’échange d’informations dans les jours qui ont suivi l’#attentat de #Nice.

    Les Tunisiens qui fuient une économie dévastée par les effets du virus, constituent le plus grand contingent de migrants débarqués en Italie cette année, et ils arrivent directement de Tunisie dans des bateaux assez solides pour ne pas avoir besoin de secours, souligne le Washington Post, rappelant que, ces dernières années, la majorité des migrants qui ont atteint les côtes méridionales de l’Italie venaient d’Afrique subsaharienne et traversaient la Méditerranée dans des embarcations de fortune , donc en mauvais état pour la plupart, et opérées par des trafiquants en Libye.

    Lamorgese a déclaré qu’elle avait discuté avec Darmarin d’un #plan prévoyant le déploiement de « moyens navals ou aériens qui pourraient alerter les autorités tunisiennes d’éventuels départs » et les aider à intercepter les bateaux, « dans le respect de leurs souveraineté et autonomie que nous ne voulons pas violer ».

    Selon ce plan, il n’y aurait « qu’une #alerte que nous donnerions aux autorités tunisiennes pour faciliter le #traçage des navires qui partent de leur territoire pour rejoindre les côtes italiennes », a déclaré la ministre italienne. « Il est évident que cela suppose la #collaboration des autorités tunisiennes ».

    La France aurait-elle son « #Patriot_Act ?

    Après sa réunion du matin à Rome, Darmarin a déclaré qu’il se rend en Tunisie, en Algérie et à Malte, pour discuter des questions de migration et de #terrorisme.

    « La France et l’Italie doivent définir une position commune pour la lutte contre l’immigration clandestine au niveau européen », a-t-il déclaré.

    Il a été demandé à Darmarin si, à la suite des récents attentats terroristes en France, le gouvernement français devrait adopter une loi comme le « USA Patriot Act » promulgué après les attentats du 11 septembre 2001 pour intensifier les efforts de détection et de prévention du terrorisme.

    « Plus qu’un Patriot Act, ce qu’il faut, c’est un #acte_européen », a répondu Darmarin. « La France ne peut pas lutter seule contre la politique islamiste ».

    La Tunisie est l’un des rares pays à avoir conclu un accord de rapatriement avec l’Italie. Mais avec des milliers de Tunisiens arrivés par mer récemment et moins de 100 migrants expulsés et renvoyés dans le pays par voie aérienne chaque semaine, la priorité est donnée aux personnes considérées comme dangereuses, indique le Washington Post. Selon Lamorgese, rien n’indique que l’agresseur de Nice, Ibrahim Issaoui, 21 ans, constituait une menace.

    Les deux ministres se sont rencontrés un jour après que le président français Emmanuel Macron ait déclaré que son pays renforcera ses contrôles aux frontières après les multiples attaques de cet automne.

    L’Italie et la France lancent, sur une base expérimentale de six mois, des #brigades_mixtes de forces de sécurité italiennes et françaises à leurs frontières communes pour renforcer les contrôles, a déclaré Lamorgese aux journalistes.

    #externalisation #asile #réfugiés #migrations #frontières #surveillance_frontalière #Tunisie #militarisation_des_frontières #Darmanin #accord_de_réadmission

    ping @isskein @karine4

    • Union européenne – Tunisie : l’illusion d’une coopération équilibrée

      Dans la nuit de vendredi 12 au samedi 13 février, 48 personnes de différentes nationalités africaines sont parties de Sidi Mansour, dans la province de Sfax en Tunisie, direction les côtes italiennes. La marine tunisienne est intervenue à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Lampedusa lorsque les passagers naviguaient dans une mer agitée. Tandis que 25 personnes ont pu être secourues, une personne est décédée et 22 autres sont déclarées « disparues », comme des milliers d’autres avant elles [1]. Cet énième naufrage témoigne des traversées plus importantes au cours des derniers mois depuis la Tunisie, qui sont rendues plus dangereuses alors que l’Union européenne (UE) renforce ses politiques sécuritaires en Méditerranée en collaboration avec les États d’Afrique du Nord, dont la Tunisie.

      Au cours de 2020, plus de 13 400 personnes migrantes parties de Tunisie ont été interceptées par les garde-côtes tunisiens et plus de 13 200 autres sont parvenues à rejoindre les côtes européennes [2]. Jamais les chiffres n’ont été aussi élevés et depuis l’été 2020, jamais la Tunisie n’a été autant au centre de l’attention des dirigeant·e·s européen·ne·s. A l’occasion d’une rencontre dans ce pays le 17 août 2020, l’Italie et la Tunisie ont ainsi conclu un accord accompagné d’une enveloppe de 11 millions d’euros pour le renforcement des contrôles aux frontières tunisiennes et en particulier la surveillance maritime [3]. Le 6 novembre 2020, à l’issue d’une réunion à Rome, la ministre italienne de l’Intérieur et son homologue français ont également décidé de déployer au large des côtes tunisiennes des « moyens navals ou aériens qui pourraient alerter les autorités tunisiennes d’éventuels départs » [4].

      Cette attention a été redoublée au lendemain de l’attentat de Nice, le 29 octobre 2020. Lors d’une visite à Tunis, le ministre français, jouant de l’amalgame entre terrorisme et migration, faisait du contrôle migratoire le fer de lance de la lutte contre le terrorisme et appelait à une coopération à l’échelle européenne avec les pays d’Afrique du Nord pour verrouiller leurs frontières. Suivant l’exemple de l’Italie qui coopère déjà de manière étroite avec la Tunisie pour renvoyer de force ses ressortissant·e·s [5], la France a demandé aux autorités tunisiennes la délivrance automatique de laissez-passer pour faciliter les expulsions et augmenter leurs cadences.

      Cette coopération déséquilibrée qui met la Tunisie face à l’UE et ses États membres, inlassablement dénoncée des deux côtés de la Méditerranée par les associations de défense des droits, n’est pas nouvelle et s’accélère.

      Alors qu’a augmenté, au cours de l’année 2020, le nombre d’exilé·e·s en provenance d’Afrique subsaharienne et quittant les côtes tunisiennes en direction de l’Italie [6], les dirigeant·e·s européen·ne·s craignent que la Tunisie ne se transforme en pays de départ non seulement pour les ressortissant·e·s tunisien·ne·s mais également pour des exilé·e·s venu·e·s de tout le continent. Après être parvenue à réduire les départs depuis les côtes libyennes, mais surtout à augmenter le nombre de refoulements grâce à l’intervention des pseudo garde-côtes libyens en Méditerranée centrale (10 000 rien qu’en 2020) [7], l’UE et ses États membres se tournent de plus en plus vers la Tunisie, devenue l’une des principales cibles de leur politique d’externalisation en vue de tarir les passages sur cette route. Dès 2018, la Commission européenne avait d’ailleurs identifié la Tunisie comme candidate privilégiée pour l’installation sur son sol de « plateformes de débarquement » [8], autrement dit des camps de tri externalisés au service de l’UE, destinés aux exilé·e·s secouru·e·s ou intercepté·e·s en mer. Le plan prévoyait également le renforcement des capacités d’interception des dits garde-côtes tunisiens.

      Si à l’époque la Tunisie avait clamé son refus de devenir le hotspot africain et le garde-frontière de l’Europe [9], Tunis, sous la pression européenne, semble accepter peu à peu d’être partie prenante de cette approche [10]. Le soutien que la Tunisie reçoit de l’UE pour surveiller ses frontières maritimes ne cesse de s’intensifier. Depuis 2015, Bruxelles multiplie en effet les programmes destinés à la formation et au renforcement des capacités des garde-côtes tunisiens, notamment en matière de collecte de données personnelles. Dans le cadre du programme « Gestion des frontières au Maghreb » [11] lancé en juillet 2018, l’UE a prévu d’allouer 24,5 millions d’euros qui bénéficieront principalement à la Garde nationale maritime tunisienne [12]. Sans oublier l’agence européenne Frontex qui contrôle les eaux tunisiennes au moyen d’images satellite, de radars et de drones [13] et récolte des données qui depuis quelques mois sont partagées avec les garde-côtes tunisiens [14], comme cela se fait déjà avec les (soi-disant) garde-côtes libyens [15]. Le but est simple : détecter les embarcations au plus tôt pour alerter les autorités tunisiennes afin qu’elles se chargent elles-mêmes des interceptions maritimes. Les moyens de surveillance navals et aériens que l’Italie et la France veulent déployer pour surveiller les départs de Tunisie viennent compléter cet édifice.

      Les gouvernements européens se félicitent volontiers des résultats de leur stratégie des « #refoulements_par_procuration » [16] en Libye. Cette stratégie occulte cependant les conséquences d’un partenariat avec des « garde-côtes » liés à des milices et des réseaux de trafiquants d’êtres humains [17], à savoir le renvoi des personnes migrantes dans un pays non-sûr, qu’elles tentent désespérément de fuir, ainsi qu’une hécatombe en mer Méditerranée. A mesure que les autorités européennes se défaussent de leurs responsabilités en matière de recherche et de secours sur les garde-côtes des pays d’Afrique du Nord, les cas de non-assistance et les naufrages se multiplient [18]. Alors que la route de la Méditerranée centrale est l’une des mieux surveillées au monde, c’est aussi l’une des plus mortelles du fait de cette politique du laisser-mourir en mer. Au cours de l’année 2020, près de 1 000 décès y ont été comptabilisés [19], sans compter les nombreux naufrages invisibles [20].

      Nous refusons que cette coopération euro-libyenne, dont on connaît déjà les conséquences, soit dupliquée en Tunisie. Si ce pays en paix et doté d’institutions démocratiques peut à première vue offrir une image plus « accueillante » que la Libye, il ne saurait être considéré comme un pays « sûr », ni pour les migrant·e·s, ni pour ses propres ressortissant·e·s, de plus en plus nombreux·ses à fuir la situation socio-économique dégradée, et aggravée par la crise sanitaire [21]. Les pressions exercées par l’UE et ses États membres pour obliger la Tunisie à devenir le réceptacle de tou·te·s les migrant·e·s « indésirables » sous couvert de lutte contre le terrorisme sont inacceptables. La complaisance des autorités tunisiennes et le manque de transparence des négociations avec l’UE et ses États membres le sont tout autant. En aucun cas le combat contre le terrorisme ne saurait justifier que soient sacrifiées les valeurs de la démocratie et du respect des droits fondamentaux, tels que la liberté d’aller et venir et le droit de trouver une véritable protection.

      De part et d’autre de la Méditerranée, nos organisations affirment leur solidarité avec les personnes exilées de Tunisie et d’ailleurs. Nous condamnons ces politiques sécuritaires externalisées qui génèrent d’innombrables violations des droits et ne font que propager l’intolérance et la haine.

      –—

      Notes :

      [1] « En Tunisie, 22 migrants sont portés disparus après le naufrage d’un bateau », La Presse.ca, 13 février 2021

      [2] Rapport du mois de décembre 2020 des mouvements sociaux, suicides, violences, et migrations, n°87, Observatoire social tunisien, FTDES

      [3] Quel est le contenu du récent accord entre la Tunisie et l’Italie ? Réponses aux demandes d’accès introduit par ASGI, FTDES et ASF, Projet Sciabaca & Oruka, 7 décembre 2020

      [4] « Migration : la France et l’Italie déploieront des navires et des avions pour alerter la Tunisie sur le départ des migrants », African Manager, 6 décembre 2020

      [5] Chaque semaine, deux charters partent de Sicile pour renvoyer une centaine de migrant·e·s tunisien·ne·s. En 2019, selon les chiffres du FTDES, 1 739 ressortissant·e·s tunisien·ne·s ont été expulsé·e·s d’Italie via ces vols. En 2020, ceux-ci étaient encore affrétés malgré la crise sanitaire.

      [6] Rapport du mois d’octobre 2020 des mouvements sociaux, suicides, violences, et migrations, n°85, Observatoire social tunisien, FTDES

      [7] Le nombre de migrant·e·s ayant été intercepté·e·s par les pseudo garde-côtes libyens en 2019 est estimé à 9 000 selon Alarmphone (voir : Central Mediterranean Regional Analysis 1 October 2019-31 December 2019, 5 janvier 2020).

      [8] Migration : Regional disembarkation arrangements - Follow-up to the European Council Conlusions of 28 June 2018

      [9] « Tri, confinement, expulsion : l’approche hotspot au service de l’UE », Migreurop, 25 juin 2019

      [10] « Comment l’Europe contrôle ses frontières en Tunisie ? », Inkyfada, 20 mars 2020

      [11] Programme du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique, mis en œuvre par l’ICMPD et le Ministère italien de l’intérieur - Document d’action pour la mise en œuvre du programme Afrique du Nord, Commission européenne (non daté)

      [12] Réponse de la Commission européenne à une question parlementaire sur les programmes de gestion des frontières financés par le Fonds fiduciaire d’urgence, 26 octobre 2020

      [13] « EU pays for surveillance in Gulf of Tunis », Matthias Monroy, 28 juin 2020

      [14] Réponse question parlementaire donnée par la Haute représentante/Vice-présidente Borrell au nom de la Commission européenne sur le projet Seahorse Mediterraneo 2.0, 7 mai 2020

      [15] « A Struggle for Every Single Boat- Central Mediterranean Analysis, July - December 2020 », Alarm Phone, 14 janvier 2021

      [16] « MARE CLAUSUM - Italy and the EU’s undeclared operation to stem migration across the Mediterranea » ; Forensic Oceanography, Forensic Architecture agency, Goldsmiths, Université de Londres, Mai 2018

      [17] « Migrants detained in Libya for profit, leaked EU report reveals », The Guardian, 20 novembre 2019

      [18] « Carnage in the Mediterranean is the direct result of European state policies », MSF 13 novembre 2020

      [19] Selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Méditerranée : https://missingmigrants.iom.int/region/mediterranean?migrant_route%5B%5D=1376

      [20] « November Shipwrecks - Hundreds of Visible and Invisible Deaths in the Central Med », Alarmphone, 26 novembre 2020

      [21] « Politiques du non-accueil en Tunisie : des acteurs humanitaires au service des politiques sécuritaires européennes », Migreurop, FTDES juin 2020

      https://www.migreurop.org/article3028.html

    • La Tunisia come frontiera esterna d’Europa: a farne le spese sono sempre i diritti umani

      Migreurop, FTDES e EuroMed Rights lanciano un appello congiunto contro la riproposizione del “modello libico” in Tunisia.

      La Tunisia è divenuta negli ultimi anni uno degli interlocutori principali per le politiche securitarie europee basate sull’esternalizzazione delle frontiere. Il governo tunisino si presta, in modo sempre più evidente, a soddisfare le richieste dell’Unione europea e dei suoi paesi membri, Italia e Francia in particolare, che mirano a bloccare nel paese i flussi migratori, ancor prima che possano raggiungere il territorio europeo.

      Ma la situazione non può essere sostenibile sul lungo termine: una grande quantità di denaro viene investita nel finanziamento e supporto alla Guardia costiera tunisina e alle forze di polizia, che controllano i confini marittimi e riportano indietro le persone intercettate in mare, in quelli che sono stati definiti “respingimenti per procura” di cui le autorità europee non vogliono farsi carico, per non dover rispondere degli obblighi internazionali in materia di protezione e asilo.

      Intanto, nel paese imperversa una crisi socio-economica molto grave, che sta smorzando l’entusiasmo nei confronti della giovane democrazia tunisina, unico esperimento politico post-2011 ad aver resistito finora alle spinte autocratiche. Al malessere della popolazione, che nelle ultime settimane ha manifestato nelle strade di diverse città, lo Stato sembra saper rispondere solo con la forza e la repressione.
      La precarietà della situazione economica e sociale non farà che alimentare le partenze dalla Tunisia, che avevano registrato numeri consistenti durante il 2020.

      La guardia costiera, seppure ben equipaggiata e addestrata, non può rappresentare un vero deterrente per chi non ha nulla da perdere: e infatti negli ultimi giorni sono sbarcate a Lampedusa complessivamente più di 230 persone provenienti dall’area di Sfax, attualmente isolati nell’hotspot dell’isola. Altri arrivano invece a Pantelleria, situata a pochi chilometri dalle coste della capitale [1].

      Ma nel Mediterraneo si continua anche a morire: l’ultimo episodio noto che ha coinvolto la Tunisia è avvenuto tra il 12 e il 13 febbraio, quando un’imbarcazione in difficoltà è stata soccorsa dalla marina tunisina al largo di Lampedusa. Secondo le informazioni disponibili, la barca era partita da Sidi Mansour, nella provincia di Sfax, e le 48 persone a bordo erano di varie nazionalità africane. Il maltempo aveva spinto la marina tunisina a interrompere le operazioni di soccorso: delle 48 persone a bordo, 25 sono state tratte in salvo e ricondotte in Tunisia, una è morta e le altre 22 sono state dichiarate “disperse” [2].

      Sono numerose, ma ancora ampiamente inascoltate, le voci che contestano l’approccio del governo tunisino in tema di emigrazione nei rapporti con i paesi a nord del Mediterraneo. Un comunicato congiunto pubblicato il 17 febbraio da Migreurop, del Forum Tunisino per i Diritti Economici e Sociali e di EuroMed Rights, dal titolo “Unione europea - Tunisia: l’illusione di una cooperazione equilibrata” [3], denuncia la complicità delle autorità tunisine nell’assecondare le politiche securitarie europee, che rende sempre più preoccupante la situazione per chi tenta di raggiungere l’Europa dalla Tunisia. Lo Stato tunisino non è in grado di difendere i diritti dei propri cittadini o di chi, in generale, parte dalle proprie coste, di fronte alle pressioni europee che perseguono imperterrite delle politiche emergenziali insostenibili sul lungo periodo.

      Il comunicato esprime la propria contrarietà alla riproposizione in Tunisia del tristemente noto modello libico, basato sulla delegazione alle forze locali dei controlli frontalieri europei, sui respingimenti collettivi e sulla criminalizzazione delle persone migranti. Il 2020 è stato un anno cruciale per l’inasprimento dei controlli alle frontiere nel paese: l’aumento delle partenze dalle coste tunisine a causa della crisi economica, e l’attacco di Nizza ad opera di un cittadino tunisino hanno comportato una maggiore attenzione dei governi europei al paese nordafricano, con conseguente aumento dei finanziamenti destinati al controllo frontaliero. A farne le spese, nel caso tunisino come in quello libico, saranno ancora una volta le persone che vedranno violati i loro diritti:

      “Con le autorità europee che si sottraggono alle loro responsabilità in materia di ricerca e di soccorso in mare, affidandole alle guardie costiere dei paesi nordafricani, i casi di mancata assistenza sono in aumento e i naufragi proliferano. Benché la rotta del Mediterraneo centrale sia una delle più controllate al mondo, è anche una delle più mortali, a causa di questa politica di lasciar morire la gente in mare. Durante il 2020, sono stati registrati quasi 1.000 morti, senza contare i casi di naufragi invisibili.

      Ci rifiutiamo di lasciare che il modello di cooperazione euro-libica venga riproposto in Tunisia, con le conseguenze che già conosciamo. Se questo paese, in pace e con istituzioni democratiche, può a prima vista offrire un’immagine più «accogliente» della Libia, non può però essere considerato un paese «sicuro», né per le persone migranti né per i suoi stessi cittadini, che fuggono dal deterioramento della situazione socio-economica, aggravata dalla crisi sanitaria.

      La pressione esercitata dall’Ue e dai suoi Stati membri per costringere la Tunisia a diventare un rifugio per tutti/e i/le migranti «indesiderabili» con il pretesto della lotta al terrorismo è inaccettabile. La connivenza delle autorità tunisine e la mancanza di trasparenza nei negoziati con l’Ue e i suoi Stati membri sono altrettanto inaccettabili. In nessun caso la lotta contro il terrorismo può giustificare il sacrificio dei valori della democrazia e del rispetto dei diritti fondamentali, come la libertà di movimento e il diritto a una vera protezione.”

      https://www.meltingpot.org/La-Tunisia-come-frontiera-esterna-d-Europa-a-farne-le-spese.html?var_mod

      #Tunisie #asile #migrations #réfugiés #frontières #modèle_libyen #externalisation

    • Unmanned surveillance for Fortress Europe

      The agencies #EMSA and Frontex have spent more than €300 million on drone services since 2016. The Mediterranean in particular is becoming a testing track for further projects.

      According to the study „Eurodrones Inc.“ presented by Ben Hayes, Chris Jones and Eric Töpfer for Statewatch seven years ago, the European Commission had already spent over €315 million at that time to investigate the use of drones for border surveillance. These efforts focused on capabilities of member states and their national contact centres for #EUROSUR. The border surveillance system, managed by Frontex in Warsaw, became operational in 2014 – initially only in some EU Member States.

      The Statewatch study also documented in detail the investments made by the Defence Agency (EDA) in European drone research up to 2014. More than €190 million in funding for drones on land, at sea and in the air has flowed since the EU military agency was founded. 39 projects researched technologies or standards to make the unmanned systems usable for civilian and military purposes.

      Military research on drone technologies should also benefit border police applications. This was already laid down in the conclusions of the “ First European High Level Conference on Unmanned Aerial Systems“, to which the Commission and the EDA invited military and aviation security authorities, the defence industry and other „representatives of the European aviation community“ to Brussels in 2010. According to this, once „the existing barriers to growth are removed, the civil market could be potentially much larger than the military market“.

      Merging „maritime surveillance“ initiatives

      Because unmanned flights over land have to be set up with cumbersome authorisation procedures, Europe’s unregulated seas have become a popular testing ground for both civilian and military drone projects. It is therefore not surprising that in 2014, in the action plan of its „Maritime Security Strategy“, the Commission also called for a „cross-sectoral approach“ by civilian and military authorities to bring together the various „maritime surveillance initiatives“ and support them with unmanned systems.

      In addition to the military EDA, this primarily meant those EU agencies that take on tasks to monitor seas and coastlines: The Maritime Safety Agency (EMSA) in Lisbon, founded in 2002, the Border and Coast Guard Agency (Frontex) in Warsaw since 2004, and the Fisheries Control Agency (EFCA) in Vigo, Spain, which followed a year later.

      Since 2009, the three agencies have been cooperating within the framework of bi- and trilateral agreements in certain areas, this mainly concerned satellite surveillance. With „CleanSeaNet“, EMSA has had a monitoring system for detecting oil spills in European waters since 2007. From 2013, the data collected there was continuously transmitted to the Frontex Situation Centre. There, they flow into the EUROSUR border surveillance system, which is also based on satellites. Finally, EFCA also operates „Integrated Maritime Services“ (IMS) for vessel detection and tracking using satellites to monitor, control and enforce the common EU fisheries policy.

      After the so-called „migration crisis“ in 2015, the Commission proposed the modification of the mandates of the three agencies in a „set of measures to manage the EU’s external borders and protect our Schengen area without internal borders“. They should cooperate more closely in the five areas of information exchange, surveillance and communication services, risk analysis, capacity building and exchange. To this end, the communication calls for the „jointly operating Remotely Piloted Aircraft Systems (drones) in the Mediterranean Sea“.

      Starting in 2016, Frontex, EMSA and EFCA set out the closer cooperation in several cooperation agreements and initially carried out a research project on the use of satellites, drones and manned surveillance aircraft. EMSA covered the costs of €310,000, and the fixed-wing aircraft „AR 5 Evo“ from the Portuguese company Tekever and a „Scan Eagle“ from the Boeing offshoot Insitu were flown.

      EMSA took the lead

      Since then, EMSA has taken the lead regarding unmanned maritime surveillance services. The development of such a drone fleet was included in the proposal for a new EMSA regulation presented by the Commission at the end of 2015. Drones were to become a „complementary tool in the overall surveillance chain“. The Commission expected this to provide „early detection of migrant departures“, another purpose was to „support of law enforcement activities“.

      EMSA initially received €67 million for the new leased drone services, with further money earmarked for the necessary expansion of satellite communications. In a call for tenders, medium-sized fixed-wing aircraft with a long range as well as vertical take-off aircraft were sought; as basic equipment, they were to carry optical and infrared cameras, an optical scanner and an AIS receiver. For pollution tracking or emission monitoring, manufacturers should fit additional sensors.

      From 2018, EMSA awarded further contracts totalling €38 million for systems launching either on land or from ships. Also in 2018, the agency paid €2.86 million for quadrocopters that can be launched from ships. In the same year, EMSA signed a framework contract worth €59 million for flights with the long-range drone „Hermes 900“ from Israeli company Elbit Systems. In 2020, for €20 million, the agency was again looking for unmanned vertical take-off aircraft that can be launched either on land or from ships and can stay in the air for up to four hours.

      In addition to the „Hermes 900“, the EMSA drone fleet includes three fixed-wing aircraft, the „AR5 Evo“ from Tekever (Portugal), the „Ouranos“ from ALTUS (Greece) and the „Ogassa“ from UAVision (Portugal). The larger helicopter drones are the „Skeldar V-200“ from UMS (Sweden) and the „Camcopter S-100“ from Schiebel GmbH (Austria), as well as the „Indago“ quadrocopter from Lockheed Martin (USA).

      EMSA handles flights with different destinations for numerous EU member states, as well as for Iceland as the only Schengen state. Due to increasing demand, capacities are now being expanded. In a tender worth €20 million, „RPAS Services for Maritime Surveillance with Extended Coastal Range“ with vertically launched, larger drones are being sought. Another large contract for „RPAS Services for Multipurpose Maritime Surveillance“ is expected to cost €50 million. Finally, EMSA is looking for several dozen small drones under 25 kilograms for €7 million.

      Airbus flies for Frontex

      As early as 2009, the EU border agency hosted relevant workshops and seminars on the use of drones and invited manufacturers to give demonstrations. The events were intended to present marketable systems „for land and sea border surveillance“ to border police from member states. In its 2012 Work Programme, Frontex announced its intention to pursue „developments regarding identification and removing of the existing gaps in border surveillance with special focus on Unmanned Aircraft Systems“.

      After a failed award in 2015, Frontex initially tendered a „Trial of Remotely Piloted Aircraft System (RPAS) for long endurance Maritime Aerial Surveillance“ in Crete and Sicily in 2018. The contract was awarded to Airbus (€4.75 million) for flights with a „Heron 1“ from Israel Aeronautics Industries (IAI) and Leonardo (€1.7 million) with its „Falco Evo“. The focus was not only on testing surveillance technology, but also on the use of drones within civilian airspace.

      After the pilot projects, Frontex then started to procure its own drones of the high-flying MALE class. The tender was for a company that would carry out missions in all weather conditions and at day and night time off Malta, Italy or Greece for €50 million. The contract was again awarded to the defence company Airbus for flights with a „Heron 1“. The aircraft are to operate in a radius of up to 250 nautical miles, which means they could also reconnoitre off the coasts of Tunisia, Libya and Egypt. They carry electro-optical cameras, thermal imaging cameras and so-called „daylight spotters“ to track moving targets. Other equipment includes mobile and satellite phone tracking systems.

      It is not yet clear when the Frontex drones will begin operations, nor does the agency say where they will be stationed in the central Mediterranean. However, it has announced that it will launch two tenders per year for a total of up to 3.000 contracted hours to operate large drones.

      Drone offensive for „pull backs“

      So since 2016, EMSA and Frontex have spent more than €300 million on drone services. On top of that, the Commission has spent at least €38 million funding migration-related drone research such as UPAC S-100, SARA, ROBORDER, CAMELOT, COMPASS2020, FOLDOUT, BorderUAS. This does not include the numerous research projects in the Horizon2020 framework programme, which, like unmanned passenger transport, are not related to border surveillance. Similar research was also carried out during the same period on behalf of the Defence Agency, which spent well over €100 million on it.

      The new unmanned capabilities significantly expand maritime surveillance in particular and enable a new concept of joint command and control structures between Frontex, EMSA and EFCA. Long-range drones, such as those used by EMSA with the „Hermes 900“ and Frontex with the „Heron 1“ in the Mediterranean, can stay in the air for a whole day, covering large sea areas.

      It is expected that the missions will generate significantly more situational information about boats of refugees. The drone offensive will then ensure even more „pull backs“ in violation of international law, after the surveillance information is passed on to the coast guards in countries such as Libya as before, in order to intercept refugees as quickly as possible after they set sail from the coasts there.

      https://digit.site36.net/2021/04/30/unmanned-surveillance-for-fortress-europe
      #drones

    • En 2004, dans Vivre Ensemble, on parlait déjà de ORS...
      Abri PC du #Jaun Pass :

      La logique de la dissuasion

      Le régime d’aide d’urgence imposé aux personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) vise à déshumaniser l’individu. Tout est fait pour leur rendre le séjour invivable et les pousser à disparaître dans la clandestinité, comme le montrent les exemples ci-dessous relevés en Suisse allemande, où les personnes frappées de NEM et les requérants déboutés de la procédure d’asile sont placés dans des « centres d’urgence » ou « centres minimaux » (Minimalzentren). Petit tour des lieux dans les cantons de Berne et Soleure.

      Le canton de Berne, pionnier en la matière, avait déjà concrétisé le principe d’assignation à un territoire (art. 13e LSEE) bien avant l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2007, en ouvrant deux centres d’urgence, l’un sur le col du Jaun en juin 2004 et l’autre qui lui a succédé en 2005, sur l’alpage du Stafelalp : « Si notre choix s’est porté sur le Col du Jaun », expliquait la Cheffe de l’Office de la population lors d’une conférence de presse le 7 juin 2004, c’est notamment parce que cette solution « (…) n’incite pas à s’attarder en Suisse. » Et que : « D’autres personnes vont l’utiliser également. Il s’agit de personnes qui ont activement empêché leur renvoi ou qui dissimulent leur identité et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de refus d’entrer en matière… ».

      L’abri PC du Jaun

      Un des journalistes présents le décrit ainsi dans le Journal du Jura du 8 juin 2004 :

      « A l’extérieur, des grillages ont été installés afin que le lieu soit un peu isolé, et pour protéger les requérants d’éventuels importuns. (…) Les gens sont répartis dans des chambres de quatre à douze personnes (…) les requérants ne touchent pas d’argent liquide, mais des prestations en nature. Ce sont des bons qu’ils peuvent échanger contre de la marchandise au kiosque tenu par l’ORS (Organisation pour mandats spéciaux et en régie SA) qui gère le centre (…) ».

      Très peu de requérants s’y rendirent ; d’autres s’enfuirent, telle une mère avec une petite fille de deux ans qui vint chercher de l’aide à… Soleure ! Une jeune femme fut hospitalisée, suite à une grève de la faim.

      Sur l’alpage

      A l’abri de protection civile du col du Jaun fermé en novembre 2004, succéda le centre d’urgence du Stafelalp. En 2005, les NEM et d’autres personnes désignées comme des « NIKOS », abréviation de « Nichtkooperativ », ont été logés dans une ancienne colonie de vacances isolée, située sur l’alpage de Stafelalp. Dans ce centre, comme auparavant dans celui du Jaun, les requérants ont été cantonnés dans un périmètre de 2 km autour du centre, avec interdiction formelle de franchir ces « frontières ». Le centre de Stafelalp plus fréquenté que celui du Jaun était considéré comme « trop attractif » pour les autorités, et la durée moyenne de séjour des NEM (52 jours) trop longue. Il fallait trouver autre chose.

      En janvier 2006, le centre fut fermé et les NEM ont été réintégrés dans un centre de transit. Ils ne touchent pas d’argent mais ont droit à trois repas par jour. Ils s’y déplacent plus librement, du moins à pied. Mais le fait qu’ils ne disposent d’aucun pécule pour payer les transports publics restreint leur liberté de mouvement aux alentours et dans la commune de Lyss où est situé le centre.

      Soleure ne fait pas mieux

      Depuis mai 2006 (auparavant ils bénéficiaient d’aide en espèce et aucun hébergement n’avait été mis à leur disposition), les « NEM » soleurois sont logés dans le centre d’accueil pour requérants d’asile situé sur la montagne du Balmberg, mais ils n’y sont pas nourris. Ils y touchent 8 fr. par jour pour leur entretien, versés sur place tous les jeudis par le responsable du centre. Le contrôle de présence est journalier et ceux qui s’absentent perdent leur pécule pour les jours d’absence, voire leur droit à l’hébergement en cas de récidive. Les occupants n’ont pas le droit d’y accueillir des amis pour la nuit. Le visiteur externe doit demander une autorisation au responsable (qui lui est parfois refusée sous divers prétexte) pour y entrer.

      Là-haut sur la montagne !

      Le lieu est isolé. On y trouve trois téléskis et un restaurant, mais aucun magasin, si bien que les requérants frappés de NEM sont obligés d’utiliser l’autobus circulant de Soleure au Balmberg (prix du billet aller et retour : 11 fr.!) pour faire leurs achats et se procurer le nécessaire. Si les requérants d’asile encore en procédure, également logés dans ce centre, bénéficient de tickets de bus gratuits, ce n’est pas le cas des personnes frappées d’une NEM. Ils n’ont le droit de consulter un médecin qu’en cas d’urgence et c’est un des responsables du centre, sans formation médicale, qui prend la décision. Depuis quelques mois, les NEM doivent débourser quelques centimes pour des comprimés : antidouleurs, aspirine etc. (obtenus gratuitement auparavant) distribués sur place par le préposé à la pharmacie.

      Une stratégie efficace

      Le régime drastique, l’isolement et le nombre de descentes de police qui les terrorisent fait qu’au bout de quelques semaines, les NEM soleurois « disparaissent » dans la clandestinité. La méthode, il faut le reconnaître, est efficace et la stratégie de découragement sur laquelle l’Office des réfugiés (actuellement l’Office fédéral des migrations) avait misé dans un rapport de mars 2000 pour se débarrasser des indésirables, a l’air de se réaliser. Les six NEM qui sont encore au Balmberg ne pèsent pas lourd, en regard des centaines de ces « disparus volontaires », soumis dans les centres d’urgence « à une pression psychique insupportable » au point qu’ils ont préféré la clandestinité. Beau résultat pour un pays qui se vante d’être un Etat de droit.

      https://asile.ch/2007/02/05/suisse-allemandecentres-d%e2%80%99urgence-pour-nemla-logique-de-la-dissuasion

    • RTS | Des voix s’élèvent contre la prise en charge des migrants par des entreprises privées

      Amnesty International dénonce la situation dans le centre de migrants de Traiskirchen en #Autriche. L’organisation pointe du doigt la surpopulation et les conditions d’hygiène déplorables qui y règnent. Or ce centre est géré par la filiale autrichienne de l’entreprise privée zurichoise ORS. Une nouvelle qui relance le débat sur l’encadrement des requérants par des privés.

      https://seenthis.net/messages/402089

    • The Corporate Greed of Strangers
      –-> ORS Service AG in Austria and Switzerland

      Other international players like the Swiss company ORS Service AG are also expanding into Germany. ORS in 2015 had five reception centres in Munich.

      ORS Service is based in Zurich in Switzerland and was set up as a private company to work with the Swiss federal government from 1991 to house asylum seekers. For twenty years, through to 2011, although the contract should have been retendered every five years the Swiss government did not put the contract out to tender.

      In 2011 ORS Service outbid European Homecare for the federal contract in Austria for reception centres under the responsibility of the ministry of interior. By the end of 2014, they were providing twelve reception centres including tent camps in Salzburg and Linz and being paid around 22 million euros by the federal government. ORS runs Austria’s main initial reception centre in the town of Traiskirchen, near Vienna, which was designed for around 1700 refugees. By the summer of 2015 over 3,000 refugees were living there, Amnesty International called the ORS camp ‘shameful’, with 1,500 people forced to sleep outside on lawns and nearby roads.

      On its home territory ORS Service works in partnership with the Swiss Securitas private security company in delivering a very controversial reception and accommodation policy which has included remote locations and housing asylum seekers underground in wartime military bunkers. Reception and detention policies have been influenced by Swiss politics which over the past few years have been dominated by the anti-immigrant Swiss People’s Party (UDC) which has become the largest party at the federal level. Currently refugees arriving in Switzerland have to turn over to the state any assets worth more than 1,000 Swiss francs (£690) to help pay for their upkeep, a practice that has drawn sharp rebukes for Denmark.

      https://seenthis.net/messages/465487

    • Quand l’accueil des personnes en exil devient un bizness

      A l’origine, il s’agit d’une agence d’intérim lausannoise créée en 1977 nommée ORS Services SA. En 1992, la société devient ORS Service AG et déménage à Zurich. En 2005, le fondateur de l’entreprise la revend à #Argos_Soditic qui la revend à #Invision en 2009, qui finalement la revend à #Equistone en 2013. Equistone Partners Europe est un fond d’investissement international avec des antennes dans 4 pays européens. ORS déclare un chiffre d’affaires de 65 millions de francs suisses pour 2014, essentiellement en provenance de fonds publics. Selon plusieurs médias, celui-ci atteint 85 millions en 2015 mais son bénéfice n’a jamais été divulgué. Alors quand Claude Gumy, directeur opérationnel à Fribourg dit dans le journal Le Temps « Notre but n’est pas de gagner de l’argent pour le compte d’investisseurs. Nous nous occupons avant tout d’êtres humains », de qui se moque-t-il ? Pour faire des économies l’État suisse délègue la gestion de « l’accueil » a des investisseurs qui après avoir spéculé sur les marchandises et dépouillé les pays pauvres spéculent sur les flux migratoires qu’ils ont ainsi engendrés. Leur entreprise est d’ailleurs réputée pour sa collaboration inconditionnelle avec les services étatique et la police dont les pratiques répressives ne font aucun doute.

      https://seenthis.net/messages/573420

    • Gestion de l’asile | ORS Fribourg : Quand l’État fait la sourde oreille. Business is Business ?

      Pour faire la lumière sur les agissements d’ORS, le mouvement solidaritéS et le collectif Droit de rester ont rédigé un rapport d’une trentaine de pages. Il recense les témoignages de quelques dizaines de personnes : usagèr.e.s d’ORS, bénévoles et travailleurs/euse sociaux/ales. Le groupe s’est confronté à la réticence de certain.e.s témoins potentiels. ORS interdit à ses employé.e.s de parler de l’entreprise à des personnes externes, sous peine de sanctions, même après la fin du contrat.

      https://seenthis.net/messages/786789
      #rapport

    • ODAE-romand | L’envers du décor dans les centres fédéraux

      Une demandeuse d’asile a passé près de six mois dans les CFA de #Zurich, #Boudry et de #Giffers. Dans le bulletin d’Augenauf de novembre 2020, elle raconte les #conditions_de_vie, les #brimades, #vexations et #violences quotidiennes qu’elle y a vécues. L’ODAE romand en publie quelques extraits.

      https://seenthis.net/messages/893672

      Texte original publié par Augenauf (en allemand) :
      https://www.augenauf.ch/images/BulletinProv/Bulletin_106_Nov2020.pdf

    • Lettre ouverte au SEM - Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de #Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      Chères et chers journalistes et sympathisant·es,

      Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte que nous avons adressée ce jour au Secrétariat d’Etat aux Migrations, à travers Messieurs Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat, et Pierre-Alain Ruffieux, responsable asile pour la Suisse romande. Elle a également été envoyée à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale.
      Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      –---

      Nous dénonçons depuis longtemps des situations inhumaines au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry (NE)[1], mais les cas de réfugié·es subissant de #mauvais_traitements - le mot est faible - s’accroît de façon préoccupante. Ce qui se passe depuis plusieurs mois maintenant est intolérable et ne peut rester sans réaction de notre part.

      Selon nos informations et observations, nous ne sommes pas face à des cas isolés, mais devant un véritable #système_punitif, qui va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. #Abus_de_pouvoir de certain·es agent·es de sécurité de l’entreprise #Protectas, #mépris et #comportements_racistes qui créent un climat de #peur et poussent à bout certain·es habitant·es du Centre. Visites impromptues du personnel de sécurité dans les chambres, sans frapper, ni dire bonjour, gestion catastrophique des #conflits, sans souci de calmer le jeu, ni d’écouter. "Ils ne savent pas parler, ils répriment”, raconte un habitant du Centre. Des requérant·es jugé·es arbitrairement et hâtivement comme récalcitrant·es sont enfermé·es pendant des heures dans des containers insalubres et sous-chauffés. Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’#hypothermie [2].

      Les témoignages vont tous dans le même sens : peur de porter #plainte par #crainte des conséquences pour sa procédure d’asile ou par crainte de recroiser les mêmes agent·es de sécurité. Mais les faits sont là : utilisation abusive du #spray_au_poivre, #plaquages_au_sol, #insultes_homophobes, #harcèlement envers des personnes vulnérables et #hospitalisations suite à l’#enfermement dans des cellules. Plusieurs #tentatives_de_suicide sont attestées et il y a eu #mort d’homme : le 23 décembre, un requérant d’asile est décédé aux abords du Centre de Boudry. Il s’agissait d’une personne vulnérable, suivie en psychiatrie et qui avait déjà tenté de se suicider. Alors que cette personne avait besoin d’aide, à plusieurs reprises, le personnel de sécurité de Protectas lui a refusé l’accès au Centre, du fait de son état d’ivresse.

      A Boudry, la #violence est banalisée. Au lieu d’apaiser les conflits, les agent·es de Protectas les attisent. Des membres du personnel de sécurité abusent de leur pouvoir en faisant régner leurs propres lois. Ainsi, alors que les #cellules_d’isolement ne sont prévues que pour protéger les requérant·es d’asile et le personnel du CFA de personnes ayant un comportement violent et pour une durée n’excédant pas deux heures[3], on constate que la réalité est tout autre. Le moindre dérangement est réprimé par un #enfermement_abusif et qui dépasse souvent le temps réglementaire, allant jusqu’à un #isolement d’une nuit entière. Nous avons eu connaissance d’un mineur qui a été enfermé alors que le règlement l’interdit. De telles #privations_de_liberté sont illégales. Pour échapper à ces mauvais traitements, beaucoup quittent la procédure d’asile en cours de route.

      Les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un #silence de plomb que nous voulons briser. Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs[4] et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système que nous dénonçons et non pas des dysfonctionnements ponctuels.

      ***

      Face à cette gestion désastreuse et les drames humains qu’elle entraîne, nous demandons qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité. En accord avec les personnes qui ont pris contact avec Droit de Rester, nous sommes prêt·es à témoigner.

      Nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à ce système défaillant, qui transforme les CFA en prisons. Il n’est pas normal que le budget alloué à l’encadrement sécuritaire par le SEM soit plus important que celui consacré à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA. Il est nécessaire de renverser la vapeur en engageant des professionnel·les du travail social et de la santé en nombre suffisant et ayant pour mission de soutenir, d’écouter, de soigner et de répondre aux besoins spécifiques des requérant·es d’asile. Ceci dans l’optique de créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil par les personnes dont ils-elles ont la charge. Actuellement, les agent·es de sécurité ont des prérogatives immenses qui ne devraient absolument pas leur être confiées en raison d’un manque de formation flagrant.

      Nous demandons la suppression immédiate de ces cellules-containers et la refonte complète du régime de sanctions.

      Nous exigeons la fin de la privatisation du domaine de l’asile ; l’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité ou d’encadrement privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou ORS) dans le cadre des CFA et autres lieux d’hébergement. L’asile n’est pas un business. L’argent attribué à ces tâches par l’Etat doit revenir à des structures sociales et de soins publiques.

      Nous exigeons transparence et respect du droit suisse et international. Actuellement les CFA sont des boîtes noires : les règlements internes sont inaccessibles, les requérant·es d’asile n’obtiennent pas les rapports des sanctions prononcées à leur encontre, rapports rédigés par Protectas dont le contenu varie à leur guise afin de justifier les sanctions aux yeux du SEM. Toute sanction devrait être prononcée par du personnel cadre du SEM.

      Nous demandons l’introduction d’un organe de médiation indépendant de gestion des plaintes vers qui les requérant·es d’asile lésé·es pourraient se tourner. Finalement, il est nécessaire d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile – comme c’est notamment le cas en Hollande, pays dont la Suisse s’est inspirée pour mettre en œuvre le système actuel – afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit.

      Nous demandons aussi la fermeture du Centre spécifique des Verrières, restreignant la liberté de mouvement de ses occupants de par son emplacement-même et conçu comme un centre punitif. C’est de soutien psychologique et de soins dont les requérant·es d’asile, y compris celles et ceux qui sont jugés récalcitrant·es, ont besoin à leur arrivée. L’équité des soins par rapport à ceux offerts à la population résidente doit être effective. Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions. Stop à la logique de camp !

      C’est une alerte que nous lançons. Nous espérons qu’elle sera entendue et attendons qu’elle soit suivie d’effets dans les meilleurs délais.

      Contact médias :
      Denise Graf, 076 523 59 36
      Louise Wehrli, 076 616 10 85
      Caterina Cascio, 077 928 81 82

      [1] Voir par exemple ici : https://rester.ch/wp-content/uploads/2020/05/2020.05.28_Communiqu%C3%A9_de_presse_camp_nous_d%C3%A9non%C3%A7ons-1.pdf ou là : https://www.canalalpha.ch/play/minimag/episode/3819/risque-de-suicide-quel-soutien-psy-pour-les-migrants-a-boudry

      [2] Le 17 février, la radio RTN révèle un cas d’hypothermie survenue au centre de Boudry 2 jours plus tôt : https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Region/20210215-Etat-d-hypothermie-au-Centre-de-Perreux.html

      [3] Voir à ce sujet les p. 51-52 du Plan d’exploitation Hébergement : https://www.plattform-ziab.ch/wp-content/uploads/2020/10/SEM_PLEX_2020.pdf

      [4] A ce sujet, sur les violences au Centre de Giffers : https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles, sur celles au centre de Bâle : https://3rgg.ch/securitas-gewalt-im-lager-basel , témoignages récoltés par Migrant Solidarity Network (1 et 2), ici le rapport de la Commission Nationale de Prévention de la Torture : https://asile.ch/wp-content/uploads/2021/01/CNPT_CFA_DEC_2020-fr-1.pdf et là le communiqué de humanrights.ch : https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

      Lettre reçu via la mailing-list Droit de rester, le 12.03.2021

    • Les conséquences de l’asile au rabais

      Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est enfin sorti de son mutisme. Mercredi, sous pression, après d’énième révélations sur des cas de mauvais traitements dans les centres d’asile, il a annoncé qu’il mandatait une enquête indépendante concernant plusieurs cas de recours excessif à la force.

      C’est une avancée car, jusqu’ici, l’institution n’avait jamais reconnu de dysfonctionnements. Alors que quatre plaintes avaient été déposées contre la société de sécurité #Protectas en juin dernier par des demandeurs d’asile blessés au centre de #Chevrilles, il n’avait pas bronché, déléguant d’éventuelles sanctions à la société privée. Plus d’un an après, justice n’a toujours pas été rendue. Certains plaignants ont été expulsés…

      Le SEM affirme avoir aussi suspendu 14 membres du personnel de sécurité impliqués dans différentes affaires, notamment pour un recours abusif à des « #salles_de_réflexion », que certain·es nomment « salles de torture ». Berne a été sommé de réagir suite à un enregistrement clandestin qui prouve que les agent·es n’hésitent pas à falsifier des rapports dans le but de justifier le recours à la violence. Le SEM a annoncé qu’il allait réexaminer les modalités de recrutement du personnel de sécurité et leur formation.

      C’est un premier pas, mais insuffisant. Quatorze suspensions pour combien d’incidents impunis ? « J’ai vu des gens se faire tabasser sous mes yeux… la plupart ne portent jamais plainte. Si tu te plains, tu peux être sûr que les sévices doubleront », nous confiait hier un homme qui a résidé au centre de #Boudry et de Chevrilles.

      Les associations actives dans le domaine de la migration dénoncent depuis des années le processus de #privatisation de l’asile. La Confédération recoure à des sociétés privées pour assurer la sécurité et l’encadrement dans ses centres. Or, ces entreprises ont pour objectif de faire du profit. Il n’est pas étonnant qu’elles lésinent sur les moyens. Recrutements à la va-vite, formations inexistantes et contrats précaires engendrent des situations explosives où le personnel est démuni face à une population au parcours extrêmement difficile.

      La Suisse doit faire mieux, elle en a les moyens. Alors que des personnes cherchent ici protection, elles rencontrent violence et mépris. Il est inacceptable que nos impôts continuent à financer un système arbitraire perpétuant une terreur que les personnes migrantes ont fuit au péril de leur vie.

      https://lecourrier.ch/2021/05/06/les-consequences-de-lasile-au-rabais

    • Documentation | Violences dans les centres fédéraux d’asile

      Depuis plusieurs mois en Suisse des cas de violences perpétrées dans et autour des centres fédéraux d’asile (CFA) ont été dénoncés. Sans changements significatifs opérés, d’autres sont à craindre. Pour que les personnes réfugiées ne soient pas à nouveau des victimes isolées, il est important d’apporter un regard externe sur ce qui se passe au sein des CFA. Ces questions touchent à la cohésion sociale. Le 5 mai 2021, les résultats d’une enquête de médias associés ont été présentés au public (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), révélant à nouveau des exactions commises par les employé.es des sociétés de sécurité envers des résident.es. Le Secrétariat d’État à la migration (SEM) a réagit par voie de presse (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83389.html) en annonçant l’amorce d’une enquête indépendante. Les médias et la société civile jouent un rôle essentiel pour faire la lumière sur des questions de sécurité publique et de respect des droits humains.

      Le 5 mai dernier les résultats d’une enquête de la RTS (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), SRF et la WOZ a été rendue publique. En s’appuyant sur des enregistrements et témoignages, elle documente plusieurs exactions commises par les personnes en charge de la sécurité dans différents centres fédéraux d’asile. “Des rapports sont parfois truqués par les agents de sécurité pour se couvrir. En réaction à ces révélations, le Secrétariat d’État aux migrations a fait suspendre 14 de ces employés de sociétés privées et lance une enquête externe” (RTS). Le téléjournal de midi, de 19h30 et l’émission Forum en ont parlé. Le matin même, le SEM a publié un communiqué annonçant avoir été informé du recours à des “mesures coercitives disproportionnées” de la part d’agent.es de sécurité. Demandé depuis plusieurs années par la société civile, il annonce avoir chargé l’ancien juge Niklaus Oberholzer d’une enquête indépendante et vouloir réfléchir au recrutement et à la formation de ces personnes . Le quotidien Le Courrier (https://lecourrier.ch/2021/05/05/quatorze-agent%c2%b7es-de-securite-suspendu%c2%b7es) est allé à la rencontre du collectif Droit des rester Neuchâtel qui doute de ces dernières mesures : « Nous demandons que ce soit des entités publiques à but non lucratif qui gèrent l’encadrement. Celles-ci doivent engager des professionnel·les de la médiation, du travail social, de l’interculturalité et de la santé. »

      Avant cela, le 28 avril 2021 le Secrétariat d’État à la migration (SEM) avait publié un communiqué (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83251.html) déplorant l’augmentation des menaces envers les centres d’asile fédéraux (CFA). Il y est fait état de déprédations faites aux bâtiments, mais également de menaces et de mises en danger d’employé.es du SEM. Dans le viseur, des « groupes de gauche radicale » qui feraient appel via leur site à des actes de vandalisme, ou même appel à la violence envers des employé⸱es. Les associations de défense du droit d’asile ont condamné de tels procédés. La Plateforme Société civile dans les centres fédéraux s’est positionnée (https://mailchi.mp/d2895a50615c/neuigkeiten-baz-nouveauts-cfa) en rejetant toute forme de violence. Le collectif bâlois 3RGG -auteur d’un rapport répertoriant les actes violents envers les personnes requérantes d’asile au sein du centre fédéral d’asile du canton de Bâle (BässlerGut) – se distancie également de ces méthodes (https://asile.ch/2021/04/30/3rgg-communique-violences-dans-les-camps-federaux-dasile) qui ne sont pas les leurs. Ses auteurs regrettent que leurs appels à se mobiliser contre les violences impunies du personnel de sécurité envers des résident⸱es isolé⸱es n’ait connu que peu d’échos dans les médias et dans la vie des centres en conséquent.
      Jusqu’ici ce sont d’autres types de dénonciations de violence en lien avec les CFA qui ont été exprimées. En 2021, au CFA de Boudry (NE) c’est un cas d’hypothermie (https://lecourrier.ch/2021/02/17/hypothermies-au-centre-dasile) pour une personne placée en « cellule de dégrisement » qui a servit de révélateur à ce que Droit de rester Neuchâtel décrit comme un « réel système punitif ». En 2020, dans le centre de renvoi de Giffers, quatre #plaintes (https://asile.ch/2020/09/22/solidarite-tattes-giffers-visite-aux-requerants-qui-ont-denonce-des-violences) ont été déposées contre la société de sécurité Protectas pour des exactions envers des résident.es. A BässlerGut, le travail d’enquête (https://asile.ch/2020/07/30/enquete-violences-au-centre-federal-de-bale-quand-le-systeme-deraille) poussé qu’avait publié le collectif 3 RGG faisait état de violences graves perpétrées par des personnes en charge de la sécurité envers les personnes résidentes, avec des processus de dénonciation inefficient à l’interne. La commission nationale de prévention de la torture (CNPT) après une visite au sein de plusieurs CFA en janvier 2021 suggérait elle aussi des améliorations (https://asile.ch/2021/01/20/cnpt-rapport-dobservation-des-centres-federaux-dasile-la-violence-pointee-du-d) concernant la gestion des conflits, la prévention de la violence et la gestion des plaintes. Une des réponses offerte par le SEM est celle de la réouverture du centre spécifique des Verrières pour accueillir les personnes qui « représentent une menace pour elles-mêmes ou pour autrui ». L’OSAR s’inquiète (https://www.osar.ch/communique-de-presse/centre-des-verrieres-les-requerants-dasile-doivent-beneficier-dune-representati) de cette mise à l’écart pour des personnes généralement fragilisées. Selon l’organisation, il vaudrait bien mieux miser sur la prévention de la violence et renforcer l’encadrement.

      Liées à des conditions structurelles, ces dénonciations de part et d’autres ne s’arrêteront probablement pas là. Dans ce jeu du chat et de la souris, les médias et la société civile jouent un rôle important pour faire la lumière sur des dynamiques en présence. L’éditorial du dernier numéro de la revue Vivre Ensemble le rappelait : ” […] les centres fédéraux réunissent les deux ingrédients de la violence institutionnelle : fermés d’accès au regard public, ils donnent au personnel un pouvoir énorme sur une catégorie de personnes. Or, les véritables garde-fous à l’impunité et à l’arbitraire se situent du côté de la transparence. Et la société civile est bien là, du côté des victimes, et ne manque pas de le lui rappeler. “

      https://asile.ch/2021/05/07/documentation-violences-dans-les-centres-federaux-dasile

    • Centres fédéraux | À l’écoute des victimes

      Le #déni des autorités intenable face à la médiatisation des violences

      Le mois de mai aura vu la question des violences dans les CFA tenir une belle place dans l’actualité. D’abord avec les enquêtes de la RTS, de la SRF et de la Wochenzeitung, puis avec le rapport d’Amnesty International qui relate des cas de maltraitances à l’égard de requérant·es d’asile qui pourraient s’assimiler à de la torture [1]. Des témoignages de victimes, mais également d’ancien·es employé·es des centres ont été recueillis et des enregistrements, effectués à l’insu du personnel de sécurité, ont permis d’établir que leurs rapports de sanction à destination du SEM sont truqués.

      Ces enregistrements proviennent du téléphone d’une femme enfermée dans un container-cellule. Le mobile lui avait été confisqué par le personnel de sécurité et a capté deux heures de leurs conversations. Cela se passe donc dans la loge des agent·es de sécurité de Protectas, il y a quelques mois au CFA de Boudry dans le canton de Neuchâtel. On y entend les agent·es discuter du contenu du rapport qu’ils doivent faire parvenir au SEM pour justifier leur mise en cellule. Une agente qui n’a pas assisté aux événements est chargée de le taper. Les cellules, ce sont donc ces containers sans aucuns meubles, dotés seulement d’une petite fenêtre, à l’odeur de vomi, d’urine et tâchés de sang au sol. Les requérant·es d’asile y sont enfermé·es, parfois pendant deux heures, parfois plus. Une caméra permet de les filmer.

      Ces pratiques, éminemment choquantes ne sont pas étonnantes. Elles sont davantage la conséquence d’un système, plutôt que le fait d’individus. Car les événements qui ont eu lieu dans différents CFA, à différentes dates, se ressemblent de façon troublante. À l’origine de ces actes de violence, il y a le plus souvent des événements que l’on pourrait qualifier d’incidents. Un téléphone volé, un masque sous le nez ou une perte de patience dans la longue file d’attente pour le repas. Et plutôt que d’apaiser les conflits de façon non violente et bienveillante, le personnel de sécurité les amplifie en usant de sa force physique et verbale, de ses gros bras et de son uniforme imposant. À cela s’ajoutent des mesures radicales comme ces mises en cellule appliquées de façon arbitraire et non conforme au règlement du SEM. Comme on l’a entendu, il suffit d’enjoliver le rapport pour le SEM pour maquiller ces imperfections. Le SEM doit d’ailleurs en être conscient, mais en déléguant ces tâches à des prestataires privés, il peut allégrement fermer les yeux. La responsabilité est dissoute dans la chaîne hiérarchique. Alors que légalement le SEM est pleinement responsable.

      Les dénonciations de nombreux collectifs dans différents CFA depuis plus d’une année et à de nombreuses reprises ont longtemps été traitées avec mépris par le SEM, qui a toujours nié ou prétendu avoir pris des mesures. Il aura fallu ces preuves irréfutables et un dégât d’image important pour le faire plier, un tout petit peu.

      Il a annoncé la suspension de 14 agent·es de sécurité, un audit interne, une enquête externe à Boudry par un ancien juge fédéral, la suppression des containers et une réflexion sur la mise en place d’un bureau externe chargé de recueillir les plaintes des requérant·es d’asile. On peut se réjouir de ce dernier point. Mais reste encore à voir quelle sera la mise en œuvre concrète. Pour le reste, ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas là d’une révolution, mais bien d’une communication bien rôdée.

      Car évidemment il ne suffira pas que les containers insalubres soient remplacés par de jolies salles de « réflexion » aux couleurs apaisantes. Parce que sales ou propres, cela restera des cellules. Il n’est pas suffisant non plus que les agent·es de sécurité impliqué·es dans les quelques affaires récemment médiatisées soient remplacé·es par d’autres. Tant que le cadre de travail sera le même, les mêmes violences se reproduiront. Il suffit de lire le rapport d’Amnesty et les témoignages d’anciens agents de sécurité ou d’assistants sociaux pour comprendre combien celles-ci font partie de la culture d’entreprise. On ne peut que redouter qu’un nouveau lieu à haut potentiel de violence systémique sorte de terre à Genève, dans le cadre du projet de construction d’un centre fédéral au Grand-Saconnex (lire ici).

      Tant que les requérant·es d’asile continueront à être considéré·es comme une catégorie de la population à part, rien ne changera. Il faudra continuer de dénoncer ce qui se passe derrière les portes de ces centres. Et d’écouter, sans mettre en doute, la parole des réfugié·es qui se seraient bien passé de subir de nouvelles violences, après avoir fui celles de leur pays et en avoir subi sur la route de leur exil. On peut ici souligner le rôle des médias qui ont, à travers leurs investigations, contribué à amener sur la place publique des pratiques dénoncées depuis de nombreuses années par des organisations de la société civile. Et contraint les autorités d’asile à sortir du bois.

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      INÉDIT | Immersion dans la loge des agent·es de sécurité du CFA de Boudry

      L’enregistreur vocal du smartphone était enclenché. Confisqué par des agent·es de sécurité du Centre fédéral de Boudry, le téléphone d’une requérante d’asile a enregistré par inadvertance durant près de deux heures les conversations qui se sont tenues dans leur loge. Nous publions la retranscription complète et inédite de cette capture audio, anonymisée.

      Discussions entre membres du personnel, interactions avec des requérant·es d’asile : les échanges sont révélateurs d’un climat latent d’irrespect et de violence ordinaire induite par le rapport de force et le choix de confier l’encadrement des résident·es des Centres fédéraux d’asile à des agents de sécurité démunis d’outils de médiation. La gestion uniquement sécuritaire des tensions, inévitables dans des lieux de vie collectifs, l’absence de prise en compte par le personnel d’une réalité évidente, celle que les personnes logées là sont dans une angoisse existentielle liée à leur demande de protection, l’impunité renforcée par des mécanismes visant à tout régler « à l’interne », ressortent de leurs propos. Dans la dernière édition de la revue « Vivre Ensemble », nous avons publié un extrait de cet enregistrement : celui-ci montre comment les agent·es trafiquent un rapport justifiant la mise en cellule d’isolement d’une femme, en accusant celle-ci d’acte de violence. La retranscription complète de l’enregistrement montre que celle-ci était venue solliciter l’aide de la sécurité pour que celle-ci aide un enfant (en pleurs) à récupérer un téléphone portable qu’il s’était fait voler par un homme hébergé au centre, et que face au refus de l’agent, elle avait voulu en référer à la direction du centre. La suite permet de s’immerger dans un huis clos quasi fictionnel.

      https://asile.ch/2021/08/23/centres-federaux-a-lecoute-des-victimes
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      Transcription d’un enregistrement audio réalisé au Centre fédéral d’asile de Perreux (Boudry)

      Date: mercredi 20 janvier 2021, en fin de journée

      Légende

      A : femme requérante d’asile, dont le téléphone a capté cet enregistrement
      AS 1 : agent de sécurité impliqué dans la scène de démarrage du conflit
      AS 2 : agent de sécurité qui vient rapidement en renfort du 1er. Il semble qu’il y ait deux personnes derrière AS 2. Les voix sont difficiles à identifier
      AS 3 : agente de sécurité avec une fonction qui semble supérieur à AS 1 et 2
      AS 4 : agente de sécurité avec une fonction dirigeante, ou en tout cas davantage administrative car elle rédige les rapports
      + autres agent·es non-distingués les un·es des autres
      Le téléphone d’un enfant vient d’être volé dans le centre par un requérant d’asile à qui il l’avait confié. « A » interpelle alors un agent de sécurité pour lui demander d’agir et de retrouver le téléphone. L’agent de sécurité pense que l’enfant est son fils, mais ce n’est pas le cas. A enclenche alors le mode enregistrement sur son téléphone.

      A : You’re the security and you should to take a look
      Agent de sécurité 1 : No, no security for look the child, look your phone there
      A : I’ll complain, I’ll complain about that interacting
      AS 1 : No, what what, the time where you put your phone here, no security must look, it’s your mission.
      A : You’ll not try to search, not at all ?
      AS 1 : No, no, no, that your responsability.
      A : But you’re security
      AS 1 : That your responsability. Look, your children, madame, your children, they go up. The time when something happens to up, you come see security ?
      A : But normally you’re accessing the doors without permission ?
      AS 1 : I ask you, you no see your children you (mot incompréhensible)
      A : I’ll complain about that. What is your name or number of the working ? Because you’re just not searching for this telling stuff but discussing about me
      AS 1 : Yes
      A : You don’t do that. So what is your name because I need to complain.
      AS 1 : For me ?
      A : Yes or number of working.
      AS 1 : My number ?
      A : Yes
      AS 1 : For what ?
      A : For working. Because you’re working here and you have the number. I’ll complain, believe me, you don’t do your work
      AS 1 : No. Madame, I’m telling you something, ok ? I know place you’re coming from, ok ?
      A : Poland
      AS 1 : Ok in Switzer… I don’t know.
      A : We’re complainig pretty much and we’ll complain, not to the SEM, but your boss I’ll complain, Protectas, and to the SEM, to the SEM, to the government and to the everyone.
      AS 1 : If you don’t take your responsability… (en s’adressant à un autre requérant d’asile) Brother, brother, come in please. Tell this woman, ok, « if you come here… »
      A : (également à l’autre requérant d’asile) He doesn’t want to check the stealing stuff but they’re accessing the doors and checking the people. But he can’t check the stealing stuff.
      AS 1 : Can you leave me talk with him ?

      Brouhaha car A et AS 1 parlent en même temps avec beaucoup de bruits en arrière-fond et notamment l’enfant qui s’est fait voler son téléphone qui pleure. On entend plusieurs autres requérants d’asile parler de ce qui s’est passé. AS1 finit par proposer à A de se rendre à la loge des agent.es de sécurité pour discuter de l’affaire.

      AS 1 : Can you go to the security office ?
      A : (A l’enfant qui pleure) Yes, we’ll look for you phone. (à AS 1) You still didn’t tell me your number !

      Echanges entre différents requérants d’asile avec l’agent de sécurité. A redemande le numéro de l’agent et insiste.

      AS 1 : Take my picture
      A : No, I don’t want to take your picture
      AS 1 : Take my picture
      A : Ok no problem

      A le prend en photo. On entend ensuite du bruit et on imagine que l’AS1 essaie de lui retirer son téléphone et user de la force. A commence à gémir « ahouaoua, ahouaha » (« aïe » à de multiples reprises).

      https://asile.ch/2021/06/30/inedit-immersion-dans-la-loge-des-agent%c2%b7es-de-securite-du-cfa-de-boudry

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      Violences | un arrière-goût de déjà-vu

      Une enquête est en cours pour déterminer si des mesures coercitives disproportionnées ont été utilisées à l’encontre de requérants d’asile dans certains centres fédéraux. Il s’agirait, selon certains, de dérives individuelles. Selon d’autres, l’autorité a tort de sous-traiter une tâche régalienne à des sociétés privées.

      En fait, le problème se pose depuis belle lurette. En 1993 déjà, l’aumônerie genevoise auprès des requérants d’asile (AGORA) relevait, dans une lettre à l’Office fédéral des réfugiés (ODR), le SEM d’alors, que le personnel mis en place dans le Centre d’enregistrement de La Praille, inauguré l’année précédente, « n’était ni assez nombreux ni suffisamment formé pour remplir sa tâche. » L’aumônerie ajoutait que ce personnel n’assurait pas « un minimum d’écoute permettant de désamorcer les tensions ».

      La gestion de ce centre avait été confiée à l’ORS Service SA et à Securitas. Le CHERANE (Conseil pour l’hébergement des requérants non-enregistrés) qui, avec le soutien d’associations et du canton, assurait depuis deux ans l’accueil des candidats à l’asile, avait été écarté. Le M. Réfugiés de l’époque, Peter Arbenz, avait déclaré « ne pas avoir besoin d’assistants sociaux avec une mentalité tiers-mondiste ». Le Conseil d’État genevois avait boycotté l’inauguration, expliquant le refus de l’offre du CHERANE par « la crainte d’introduire le loup des œuvres d’entraide dans la bergerie fédérale ». « Les locaux de la discorde », avait titré la Tribune de Genève (18.04.1992).

      L’aumônerie, qui pouvait, avec de strictes limitations, pénétrer dans le Centre d’enregistrement, a dénoncé maintes fois, au cours des années suivantes, ce qu’elle considérait comme des abus. Certes, des membres du personnel faisait preuve d’empathie envers les requérants, mais, dans l’ensemble, le système policier établi manifestait bien plus une méfiance, voire un rejet qu’un accueil de personnes en quête de protection.

      À mes yeux, cette attitude reflétait le regard de peur, ou même d’hostilité porté par une partie de la population et des autorités sur des requérants d’asile dont beaucoup venaient de subir moult épreuves et souffrances. J’ai peur qu’il en soit toujours de même.

      https://asile.ch/2021/08/23/violences-un-arriere-gout-de-deja-vu

      #violence #torture #maltraitance #Protectas #SEM #Boudry #responsabilité

  • Belgium - Automating Society Report 2020
    https://automatingsociety.algorithmwatch.org/report2020/belgium

    Contextualization As a result of the different governments, and the different levels of government, in Belgium (Federal and Regional), several different strategies dealing with digitization emerged in 2018. In Flanders, this strategy is called Vlaanderen Radicaal Digitaal, while in the Walloon region, it is known as Plan Numerique. In 2015, the federal government launched a strategy called Digital Belgium, but this covered more than just ADM. In 2018, the Flemish government launched an (...)

    #Accenture #Briefcam #algorithme #biométrie #éthique #facial #prédiction #reconnaissance #vidéo-surveillance #[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données_(RGPD)[en]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR)[nl]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR) #comportement (...)

    ##[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données__RGPD_[en]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_[nl]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_ ##discrimination ##enseignement ##pauvreté ##santé ##sport ##surveillance ##_ ##APD-Belgique ##AlgorithmWatch

    • Telle mère, telle fille !
      https://www.acrimed.org/Tiphaine-Auziere-editorialiste-la-nouvelle-farce

      Europe 1 n’arrête pas le progrès : après le recrutement de Louis de Raguenel (Valeurs actuelles) à la direction (adjointe) du service politique, voici que Tiphaine Auzière se voit accorder plusieurs « cartes blanches » sur la radio Lagardère. « L’effrontée » qui faisait la Une de Paris Match le 7 octobre en compagnie de sa mère, Brigitte Macron, commentait le 15 octobre sur Europe 1, en toute indépendance, les annonces d’Emmanuel Macron.

      Le lycée Autrement, un établissement d’excellence pour tous, va ouvrir à Paris. leparisien.fr

      Tiphaine Auzière, 36 ans, fille de #Brigitte_Macron, ouvrira un établissement à Paris à la rentrée. Elle entend donner à tous les élèves une chance de suivre un enseignement de qualité.

      Précisions de Laurence De Cock : ce lycée est fait pour « lutter contre les inégalités scolaires et la fracture territoriale » (je cite).
      Il est situé dans le 16ème arr (Paris)
      9500 euros l’année
      Fin de la blague

      https://twitter.com/laur_dc1/status/1277241531255136260

      Conclusion de Pauline Perrenot pour son article du 16/10/2020 pour #acrimed :

      Quoique sans lien apparent avec le journalisme, Tiphaine Auzière n’a sans doute pas « moins » de légitimité à intégrer la médiocre communauté des éditorialistes et commentateurs modernes – majoritairement issus des catégories sociales élevées et parfois eux aussi « fils de ». Mais la tromperie reste tout de même de taille. Et demeure l’absurdité première : quel sommet de vacuité a atteint l’antenne d’Europe 1, et quel degré de déconnexion a atteint sa direction pour revendiquer de telles pratiques, en affirmant « donner un espace d’expression et de liberté à des personnalités issues de la société civile » ?

      #la_fille_de_sa_mère

    • Un pédophile au secrétariat du lycée
      https://nantes-revoltee.com/la-fille-de-brigitte-macron-cree-une-ecole-privee-a-9500e-lannee-av

      « Tiphaine Auzière suit les traces de sa mère, Brigitte Macron » écrit avec gourmandise Le Figaro. La belle-fille du président, qui passe de plus en plus régulièrement dans les médias pour donner son avis sur l’actualité, est présidente d’un établissement privé hors contrat dans le XVIe arrondissement de Paris. Rien d’étonnant : elle fait partie de cette grande bourgeoisie séparatiste qui dynamite l’école publique pour créer, à côté, des établissements haut de gamme réservés aux plus riches. Prix de l’année ? 9 500€. Vers un modèle à l’américaine, avec des établissements publics à l’abandon, et des collèges et lycées privés pour les familles qui ont les moyens.

      Plus troublant, le secrétaire général de ce lycée privé est Christophe Cadet, un individu qui était à la tête d’un autre établissement, l’Institution catholique Saint-Jean de Douai, impliquée dans plusieurs affaires de pédophilie. Cet homme a été licencié de l’établissement en 2011 pour une « gestion financière hasardeuse ».

      Enfin, la belle fille d’Emmanuel Macron recrute Pascal Gauchon pour « donner des cours de géopolitique ». Pascal Gauchon est une figure célèbre du néo-nazisme français. Il fait partie des fondateurs du Parti des forces nouvelles, un groupuscule néofasciste situé à droite du Front National. Il a également milité au sein de l’extrême droite violente au GUD, et a collaboré avec les néo-fascistes italiens. Il a aussi écrit dans la « revue d’histoire du fascisme », une revue néo-nazie des années 1970. Enfin, Gauchon travaille aujourd’hui pour une autre école privée : « l’ISSEP », l’école d’extrême droite fondée par Marion Maréchal Le Pen.

      Après les allusions répétées au Pétainisme du président, les mesures autoritaires et racistes du gouvernement, le cercle familial de Macron proche d’un néo-nazi. Le Macro-lepénisme s’installe. Le marigot du pouvoir politique et médiatique est colonisé par l’extrême droite.

      le trombinoscope de cette bande de branque :
      https://www.le-lycee-autrement.com/association

      https://seenthis.net/messages/853082#message853086
      https://etudiant.lefigaro.fr/article/au-lycee-prive-cree-par-la-fille-de-brigitte-macron-les-cours-ont-

  • Fiches de l’Observatoire de l’#Arctique

    Fiche n°1 : flotte de #brise-glaces en Arctique
    https://m365.eu.vadesecure.com/safeproxy/v3?f=4W-_LNCpVh4OQ4LaYcPIUtIGcU6NseFpwdBX0wHgVGkQLGZvTOLqk2EDbYd

    Fiche n°2 : la #route_maritime du Nord-Est - #NSR
    https://m365.eu.vadesecure.com/safeproxy/v3?f=KDbyoJSal_7U4bEftb81LeVUo4hPD8tGc1U3ST3I3yXqo8a_RbixIBe4R5r

    Fiche n°3 : l’étendue de la #banquise et ses conséquences sur les #routes_maritimes
    https://m365.eu.vadesecure.com/safeproxy/v3?f=-Gwzjcun3_eFbd9Pjv-Wwh-oQLYKm-pQi8W-xHxBGID68u4aSQfhCbhJ_8j

    Fiche n°4 : les moyens de communications en Arctique
    http://www.polar-navigation.com/pdf/F4_moyens_COMMS_Arctique_BAUDU.pdf

    Fiche n°7 : les moyens de #navigation le long de la route maritime du Nord
    http://www.polar-navigation.com/pdf/F7_organisation_Nav_Arctique_BAUDU.pdf

    Fiche n°12 : les #tankers LNG #brise-glaces #ARC7 #YamalMax
    http://www.polar-navigation.com/pdf/F12_ARC7%20LNG%20YamalMax%20tanker_BAUDU.pdf

    A venir :

    Fiche n°5 : les terminaux gaziers et pétroliers de l’Arctique russe
    Fiche n°6 : l’organisation SAR en Arctique
    Fiche n°8 : l’organisation de la NSR
    Fiche n°9 : la réglementation maritime de l’Arctique
    Fiche n°10 : les bases militaires russes le long de la NSR
    Fiche n°11 : le corridor maritime russe

    http://www.polar-navigation.com
    #cartographie #visualisation

    ping @reka @simplicissimus

  • http://festival-exils.org
    Festival Exils filmer l’histoire au présent
    Briançon, du 7 au 11 Octobre 2020

    5 jours de rencontres entre les montagnes pour croiser les regards sur l’exil et traverser les frontières visibles et invisibles.
    5 jours de cinéma, pour questionner les représentations et pour réfléchir ensemble à comment raconter, comment regarder, comment agir.

    #Briançon #migrants #migrations #festival #exils