La région #Paca finance les #refoulements d’exilés au nom des #JO d’hiver
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur subventionne à hauteur de 1 million d’euros par an les forces de police exerçant en montagne, au prétexte des JO 2030. La #sécurité est pourtant censée être une prérogative réservée à l’État.
« La Région Sud [Provence-Alpes-Côte d’Azur] s’engage pour ceux qui gardent nos frontières et nous protègent ! » En février 2024, cette volonté affichée sur Facebook, par le président de la région, #Renaud_Muselier (Renaissance), est passée inaperçue. Elle signait pourtant un engagement inattendu de la part d’une collectivité : le contrôle de la frontière franco-italienne afin de refouler les personnes exilées.
« 4x4, quads, vêtements adaptés, jumelles thermiques, la Région Sud se tient aux côtés du ministère de l’Intérieur pour le #financement des prochains équipements de la #police_aux_frontières ! » annonçait alors l’élu, membre des Républicains (LR) jusqu’en 2021. Et ce, alors que la #sécurité ne fait en théorie pas partie des #compétences des régions.
Après ces paroles, prononcées depuis le poste de la police aux frontières de Montgenèvre (Hautes-Alpes), à 1 800 mètres d’altitude, les actes ont rapidement suivi. Cette montée en puissance est justifiée par le dossier prioritaire du moment de Renaud Muselier : les Jeux olympiques d’hiver 2030, que sa région accueillera avec Auvergne-Rhône-Alpes. Un comité interministériel dédié à la question, présidé par #François_Bayrou, se tient vendredi 27 juin à Briançon (Hautes-Alpes).
Dispositif « Région Sud, la région sûre »
Ainsi, le 29 mars 2024, le conseil régional a voté une délibération accordant une #subvention de 1 million d’euros par an jusqu’en 2030 aux « forces de l’ordre intervenant dans les départements alpins » (#Hautes-Alpes, #Alpes-de-Haute-Provence, #Alpes-Maritimes), pour les « soutenir, dans la perspective des Jeux olympiques d’hiver », notamment en adaptant leurs « #équipements aux conditions spécifiques de la #montagne ». La démarche s’inscrit dans le cadre d’un dispositif intitulé « Région Sud, la région sûre ».
Un engagement acté à l’unanimité dans une assemblée qui ne compte que l’extrême droite comme opposition, la coalition de gauche et des écologistes s’étant désistée au second tour des élections régionales de 2021 pour empêcher une victoire du Rassemblement national et de ses alliés.
Ce million d’euros annuel est mis à disposition des directions départementales de la #sécurité_publique, qui décident, en accord avec la région, du #matériel à acheter. Pour l’heure, l’essentiel du soutien a été dirigé vers #Montgenèvre, ainsi que nous en a informé l’entourage de Renaud Muselier.
Notre source nous confirmait fin janvier que l’enveloppe prévue est destinée principalement à « soutenir les #contrôles en montagne », pratiqués sur les migrants présumés par les forces de police et de gendarmerie. Les touristes ou locaux présumés, circulant sur les pistes de ski et les chemins de randonnée transfrontaliers, ne sont pas ciblés.
À l’image de Tous migrants, des associations de défense des droits des étrangers dénoncent depuis des années les « #contrôles_au_faciès », ainsi que la négation des droits, notamment le refus de prise en charge des mineurs isolés et de considérer les demandes d’asile.
Un #4x4 « mis à disposition à titre gracieux »
Des observations analogues à celles des ONG ont été formulées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et la Défenseure des droits. Depuis novembre 2015, après les attentats de Paris, le gouvernement a rétabli les contrôles à ses frontières en dérogation des accords de Schengen, sous couvert d’antiterrorisme.
Voisine de Montgenèvre, la ville de #Briançon, dirigée par l’ex-LR et proche de Renaud Muselier #Arnaud_Murgia, participe également au plan de la région. Elle s’est portée acquéreuse d’un véhicule 4x4, « mis à disposition à titre gracieux à la police aux frontières », précise la décision du conseil municipal de février 2024. L’engin, d’une valeur de 21 500 euros, a été subventionné à 80 % par la région. Contactée, la mairie n’a pas donné suite à notre demande d’entretien avec le maire.
Arnaud Murgia a pourtant plutôt l’habitude d’affirmer que les municipalités n’ont pas de responsabilités en matière de frontière, afin d’exhorter l’État à envoyer davantage de forces de police. « Je rappelle qu’un maire n’a pas la charge de la protection des frontières et qu’il se sent parfois bien seul », déclarait-il par exemple au Journal du dimanche en juin 2024.
Depuis 2017, des dizaines de milliers de personnes sont entrées en France par les sentiers montagneux de cette frontière dite « haute », en tentant de contourner la présence policière. « Nous avons déjà financé des vêtements chauds pour les gendarmes, des quads et une caméra intelligente », détaille-t-on dans l’entourage de Renaud Muselier, sans toutefois être en mesure de nous donner de détails sur cette dernière. La délibération du conseil régional mentionne « l’#expérimentation […] de #dispositifs_de_sécurité innovants faisant appel […] à de nouvelles technologies et à l’#intelligence_artificielle ».
« On utilise les JO pour expérimenter, se satisfaisait notre interlocuteur. Si c’est concluant à Montgenèvre, on proposera de le déployer à Menton », à la frontière dite « basse », dans les Alpes-Maritimes. Contactées, ni les préfectures des départements alpins, ni la préfecture de région n’ont répondu à nos demandes de précisions. À nouveau sollicitée avant la publication de cet article, la région n’a pas donné suite.
Du ministère de l’Intérieur à la ville de Briançon, en passant par la région, « c’est une chaîne aux maillons très solides qui place une rhétorique sécuritaire avant le respect des droits des personnes », affirme Brune Béal, chargée de plaidoyer à l’association briançonnaise Tous migrants.
« Tout ce qui participe au renforcement de la militarisation de la frontière participe à une #mise_en_danger directe et indirecte », dénonce-t-elle. Directe par les actions physiques et verbales des agents ; indirecte, en poussant les personnes exilées à emprunter des chemins dangereux en haute montagne. Dans son avis de 2018, la CNCDH s’alarmait du fait que « la République bafoue les droits fondamentaux, renonce au principe d’humanité et se rend même complice de parcours mortels ». Dix corps de personnes en migration ont été retrouvés dans les environs de Montgenèvre depuis 2018.
« Alors qu’elles n’ont pas de compétence en matière de sécurité, les régions investissent ce champ au nom de leurs compétences sur les transports, les lycées, ou encore le tourisme », analyse Olivier Renaudie, professeur de droit public à l’École de droit de la Sorbonne-Paris 1, joint par Reporterre. « Pour les élus, il s’agit d’incarner l’action, de répondre à ce qu’ils pensent que la population attend d’eux », poursuit-il.
« Un mouvement un peu audacieux »
En général, les régions se cantonnent à la mise en place de moyens de sûreté et de surveillance dans les TER et les gares, dans les lycées, ou encore au soutien des communes pour leur police municipale et leur vidéosurveillance. Alors, l’action de la région Paca à la frontière apparaît à l’universitaire comme « un mouvement un peu audacieux. Ce qui me paraît novateur, c’est qu’il s’agit d’une compétence régalienne, qui est normalement strictement l’affaire de l’État », observe-t-il.
En 2019, le tribunal administratif de Marseille avait annulé un précédent plan sécurité de la région Paca, contesté alors par le préfet. Pour la juridiction, la mesure ne se rattachait « que de façon très indirecte au développement touristique de la région ». La compétence #tourisme est aussi celle mise en avant pour justifier le dispositif « Région Sud, la région sûre ». Cette fois-ci, aucun recours n’a été déposé dans le délai réglementaire de deux mois.
Questionné par nos soins lors de ses vœux à la presse, fin janvier, Renaud Muselier assumait des « moyens complémentaires, qui sont des moyens de sécurité supplémentaires pour les concitoyens. Et pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt ? feignait-il d’interroger. Parce que j’ai demandé, je voulais, mais je n’avais pas le droit. Et c’est monsieur Darmanin [alors ministre de l’Intérieur] qui nous a donné la possibilité de le faire. Donc, merci à Darmanin. Et oui, c’est notre mission ! » insistait-il. Sur Facebook, Renaud Muselier affirme que « depuis le 1er janvier 2024, l’organisation territoriale des services de police a été modifiée, la région Sud peut désormais aider la police aux frontières ».
À 900 kilomètres de Montgenèvre, à une autre frontière et avec une même enveloppe annuelle d’un million d’euros par an, une autre collectivité propose une tout autre politique, tournée vers l’accueil. À Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), la Communauté d’agglomération du Pays basque, dirigée par Jean-René Etchegaray, lui aussi membre du parti présidentiel, utilise cette somme pour financer un centre d’hébergement.
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