• Treize ans : attention, je découvre enfin que j"habite à Guéret. Découverte inquiétante, horrifiante, voici comment : l’Angleterre, les plages du Kent, les petits Français en liberté pour la première fois. Ils fument des cigarettes et s’entassent autour des boîtes à sous. Ils ont un vocabulaire que je ne connais pas, de sous-entendus que je ne comprends pas, ils me font peur. Ce sont les Parisiens. Finalement, je marche avec un grand dégingandé blond, et timide. Serait-il de Guéret lui aussi ? Mais voici qu’il dit, en se penchant au parapet où giclent les embruns de la Manche : Je n’aime que la mer. La mer, il n’y a que ça dans la vie. Je serai marin. Je suis du Havre, et vous ? De Guéret ? C’est où ? En Creuse. La Creuse ? Guéret ? Si au moins c’était un chantier naval, si au moins c’était un port fluvial, et même un port tout ensablé comme Brouage, ce serait mieux que rien, mais Guéret, ce n’est rien. Rien, voilà tout.

    Pierrette Fleutiaux, « Huit ans : j’habite à Guéret, mais je ne le sais pas », in Le Limousin. Terre sensible et rebelle, Paris, Autrement, 1995, p. 30 ; cité dans Yannick Beaubatie, « Bourgs, hameaux, lieux-dits et cités... » dans Comment peut-on être limousin ?, Fanlac, 1999, p. 52.

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