Grève chez Pieux Ouest : « Sur la plupart de nos chantiers, on n’a ni vestiaires, ni sanitaires décents »
▻http://larotative.info/greve-chez-pieux-ouest-sur-la-884.html
Échange avec Najim, délégué du personnel et membre du syndicat local Construction CGT à propos des conditions de travail dans l’entreprise et de la grève en cours. Ce qu’il décrit vaut pour un grand nombre de petites entreprises du #BTP : exploitation, discrimination syndicale, salaires de misère...
Sur la plupart de nos chantiers, on n’a ni vestiaires, ni sanitaires décents. Il faut souvent se changer dans la fourgonette, uriner en se planquant dans un coin, et sinon faut que tu ailles dans un café... Pour leur défense, ils expliquent qu’ils n’empêchent pas les salariés de faire une facture pour le café. Mais il faut avancer l’argent de sa poche ! La facture que tu vas faire, elle ne te sera remboursée qu’à la fin du mois. Et puis, le code du travail prévoit que l’employeur mette à disposition des vestiaires, des lavabos, des « cabinets d’aisance » et, le cas échéant, des douches.
C’est ça le souci d’Allan, c’est pour ça qu’ils en ont après lui (il a été mis à pied, la direction cherche à le licencier). Depuis qu’il est délégué syndical, il leur dit : « Moi, ces conditions-là, j’en veux plus. » Donc quand il arrive sur un chantier où il n’y a rien, il exerce son droit de retrait [1]. Du coup le client se met à gueuler, parce que l’inspection du travail est informée et descend sur place. Le client téléphone ensuite à Pieux Ouest – la plupart du temps, ils sont plus ou moins copains avec la direction –, et s’engueule avec Allan. Et il leur répond, c’est normal quand tu te sens agressé. C’est ça le reproche qu’on lui fait : de s’engueuler avec les clients.
Parmi vos revendications, il y a aussi l’augmentation des indemnités de « grands déplacements ».
Le problème qu’on a, c’est que la direction nous donne 73 euros d’indemnités forfaitaires par jour de déplacement, du lundi au jeudi. C’est censé couvrir les frais qu’on a sur les chantiers, sachant que 80 % de nos chantiers sont en région parisienne, voire à Paris. Avec un tarif de chambres d’hôtel qui varie entre 50 et 60 euros, ce qui laisse pas grand chose pour bouffer. Et tu peux pas tenir pendant une semaine en mangeant des sandwichs midi et soir. Ça fait cinq ou six ans qu’on leur dit que c’est plus possible.
La direction nous dit : « Quand vous êtes sur les chantiers, vous êtes trois, vous n’avez qu’à partager la chambres d’hôtel. » Partager la chambre d’hôtel, la bouffe, pour que ça te coûte moins cher et que tu puisses économiser du pognon. C’est leur discours pour ne pas augmenter les indemnités de déplacements. On a des gars qui dorment dans les fourgons pour économiser du pognon et grossir leur paye ! [2]
(...)
Moi, j’ai travaillé chez Renault comme intérimaire pendant 5 ans, et je participais aux grèves. Donc j’étais habitué aux syndicats. Je me suis renseigné auprès du syndicat local CGT Construction, où on nous a dit qu’on avait droit à un délégué du personnel. Donc on a demandé un délégué du personnel.
Le patron a tergiversé : « Un délégué du personnel, il faut l’élire... Tu sais, c’est pas comme ça que ça marche... Personne ne s’est jamais présenté... On va y réfléchir. » Une année est passée, et on avait toujours pas de proposition d’élection. Alors on a envoyé un courrier avec le syndicat local pour que la direction organise l’élection. Pour la direction, il ne fallait pas un délégué syndical, mais un type sans étiquette, et ils avaient choisi un gars qu’ils pourraient manipuler comme ils voulaient. Le patron a fait pression sur tous les salariés, les appelant un par un, pour qu’ils votent blanc au premier tour [3] : il ne fallait pas un syndicaliste !
Allan a été élu titulaire, j’ai été élu suppléant : tous les deux syndiqués à la CGT. Ça a complètement contrarié les plans du patron. Moi, comme je ne suis que suppléant, ils m’ont laissé tranquille, mais ils ont commencé à envoyer Allan sur des chantiers très complexes, où les client étaient prévenus à l’avance. Tous les clients qui se sont plaints de lui, ce sont des copains du patron, des clients de la boîte depuis vingt ou trente ans. Vu comme certains lui ont parlé, c’est normal qu’il ait réagi. Mais la direction cherche maintenant à le licencier. C’est leur deuxième tentative de le virer.