• #Territoires_zéro_chômeur ou les chantiers d’un projet politique d’avenir

    Face aux diverses transformations sociales qui menacent le travail, il est urgent de penser à des alternatives à la création d’#emplois par le seul secteur privé, répondant à une logique de #rentabilité immédiate. Alors que l’offre politique actuelle propose, pour résoudre ce problème, soit de le flexibiliser et donc de dégrader toujours plus les #conditions_de_travail des individus, soit d’en nier le besoin et l’utilité future en le présentant comme un fardeau dont le #revenu_universel nous déchargerait, le projet d’ATD Quart Monde promet une solution peu onéreuse et vertueuse, car utile socialement, pour garantir à tous un #emploi.

    Les universitaires ont abondamment documenté les effets négatifs d’une période d’#inactivité, même courte, à la fois sur l’individu, sur la famille et sur la communauté. Une période de #chômage affecte en effet la #santé et la #satisfaction_de_vie d’un individu [i], mais également le montant de son salaire futur [ii] – si réinsertion économique il y a. La baisse de #revenu induit en outre une diminution des biens et services consommés par la famille, et une augmentation de l’#anxiété et des symptômes dépressifs des personnes concernées susceptibles d’affecter leurs apparentés. Plusieurs études ont, par exemple, mis en évidence que la perte d’un emploi du père était associée à un plus faible poids à la naissance [iii], ou à des performances scolaires moindres [iv] de l’enfant. Enfin, si les personnes inactives sont concentrées autour d’une même aire géographique, c’est sur l’ensemble de la communauté [v] que peuvent se répercuter les conséquences du chômage prolongé via l’augmentation de consommation des #services_publics combinée à une diminution de la base d’imposition nécessaire au financement de ces services, ce qui conduit presque inéluctablement à leur #dégradation.

    À l’heure où trois grands événements, à savoir la crise du COVID 19, la transition écologique et la transition numérique, menacent l’emploi, et où les politiques successives de l’offre, supposées le stimuler, ont échoué, il est nécessaire d’envisager des #alternatives à la création d’emplois par le seul secteur privé, répondant à une logique de rentabilité immédiate.

    C’est précisément ce que propose le projet Territoires Zéro Chômeur (#TZC) initié par le mouvement ATD Quart Monde, dont l’objectif premier est d’éviter que des individus ne tombent dans des trappes à inactivité et ne deviennent inemployables en raison de la dégradation de leur #capital_humain (c’est l’une des explications du fameux #effet_d’hystérèse, mécanisme par lequel un #chômage_conjoncturel se transforme en #chômage_structurel après une #récession). Fondé sur un principe de #garantie_à_l’emploi, ce dispositif, dont l’expérimentation sur dix territoires a débuté en 2017, permet à tout chômeur de longue durée (un an minimum) qui le souhaiterait, d’être employé en CDI au sein d’une #Entreprise_à_But_d’Emploi (#EBE) chargée de pallier un besoin économique ou social local qui ne soit pas déjà couvert par une entreprise. Concrètement, il s’agit d’identifier des besoins économiques ou sociaux d’un territoire et de réfléchir à une activité qui fasse coïncider ces besoins avec les compétences des personnes inactives. Le tout, sans concurrencer les entreprises locales. A ce jour, les emplois créés dans les territoires d’expérimentation concernent le service à la personne, le gardiennage, le maraîchage ou encore le transport, autant d’emplois non pourvus car précisément dépourvus de valeur marchande, mais non moins utiles socialement.

    Le modèle économique des EBE est, par ailleurs, relativement simple : le coût d’un chômeur pour la collectivité est estimé à 15000€ par an si l’on inclut les dépenses liées à l’emploi (allocation spécifique de solidarité, aide au retour à l’emploi), les dépenses sociales (RSA, allocations logement), les coûts indirects (santé) et le manque à gagner d’impôts et de cotisations. A peu de choses près, le coût d’une personne inactive équivaut ainsi à un SMIC. L’idée est donc de transformer les prestations sociales et les coûts indirects liés au chômage en salaire ; autrement dit d’activer des dépenses « passives ».

    L’extension du projet en débat

    Trois ans après le début de l’expérience initiée sur dix territoires, le bilan semble plutôt positif : 700 personnes qui étaient dans une période d’inactivité prolongée, ont été embauchées en CDI, et 30 d’entre elles ont, par la suite, retrouvé un emploi dans une entreprise locale. Surtout, le dispositif a permis de sortir des individus d’une grande #pauvreté qui allait jusqu’à contraindre leur consommation alimentaire :

    « L’un d’entre eux nous a dit, en aparté du questionnaire, pouvoir faire trois repas par jour alors qu’avant il ne mangeait qu’au petit déjeuner et au dîner. En outre, les salariés déclarent des achats « plaisirs » qui sont devenus possibles, notamment au niveau vestimentaire (vêtements, chaussures, montres…) » (Source : Rapport de la métropole de Lille, DARES, p. 37)

    La suite de l’enquête révèle que les salariés de l’EBE de Tourcoing, embauchés dans des entreprises de récupération de matériaux, garages ou épiceries solidaires, ont davantage confiance en eux depuis qu’ils travaillent (55,9%). Dans l’ensemble, la classe politique est donc favorable au dispositif et salue l’initiative d’ATD Quart Monde. C’est pourquoi le contrat des dix territoires actuels a été renouvelé, permettant ainsi la continuation du projet.

    En revanche, la question de son extension divise : dans le projet de loi étudié par l’Assemblée en début de mois, il est question d’étendre l’expérience à 30 nouveaux territoires. Or, comme le suggère les rapports IGAS/IGF, le #coût du dispositif aurait été sous-estimé. D’un côté, les personnes ayant bénéficié de ce programme ne demandaient pas toujours les minimas sociaux, donc l’économie de prestations sociales devant être réalisée au départ s’avère plus faible que prévue – en moyenne, 5000€ au lieu de 15000€. De l’autre, les EBE ont dû acquérir du capital (local, machines) pour mener à bien leur projet, un coût fixe qui a contraint ces entreprises à revoir à la hausse leurs dépenses.

    Un coût, certes plus élevé que prévu, mais destiné à s’amortir avec le temps

    Il n’est toutefois pas surprenant que le lancement des premières EBE ait nécessité un investissement de base dans du capital. Cela ne permet en rien de conjecturer sur le coût réel du dispositif dans le futur, puisque, par définition, ces coûts fixes s’amortiront dans le temps. Certaines entreprises pourront même devenir rentables en dégageant du profit grâce à la vente de biens ; on pense par exemple aux épiceries solidaires ou aux usines de recyclage qui ont servi de support au film Nouvelle Cordée de Marie-Monique Robin. Il est donc probable que le dispositif soit moins onéreux dans les années à venir. C’est d’ailleurs ce qu’on peut lire dans le rapport IGAS :

    « L’expérimentation s’est vue également dans certains cas évoluer vers la création de structures (ex : SCIC Laine à Colombey-les-Belles) qui, si leurs activités s’avéraient rentables, pourraient quitter le cadre de l’expérimentation. » (Source : L’évaluation économique visant à résorber le chômage de longue durée, rapport IGAS, 2019, p.73)

    Certaines EBE pourraient donc même, à terme, être assez productives pour ne plus nécessiter d’aides publiques.

    Le « coût faramineux » des politiques de l’offre qui ont été menées ces dernières années

    Pierre Cahuc, qui n’en est pas à sa première attaque contre toute forme d’emploi subventionné par l’État[vi], a dénoncé, sur un ton proche du subtil « pognon de dingue », le « coût faramineux » de ce projet. Le grand prédicateur de la méthode expérimentale en matière de politiques publiques ne serait sans doute pas opposé à une comparaison de ce coût à celui des politiques publiques décidées ces dernières années pour tenter de réduire le chômage. Bien souvent en effet, l’expérimentation consiste à comparer plusieurs groupes tests (qui se voient attribuer un traitement) à un groupe contrôle (qui ne perçoit pas de traitement), afin de tester l’efficacité d’un traitement par rapport à un autre.

    A titre de comparaison justement, prenons le cas du CICE, politique votée en 2012 et destinée entre autres à réduire le chômage. Dans son dernier rapport de 2020 [vii], #France_Stratégie évalue que le dispositif aurait permis la création de 100 000 emplois, 160 000 au maximum, entre 2013 et 2017. Pour un coût – sous forme d’allègement fiscal – s’élevant à 18 milliards d’euros simplement pour l’année 2016. Au total, ce sont près de 47 milliards d’euros qui auraient été dépensés entre 2013 et 2015 pour un modeste résultat de 100 000 personnes embauchées. Plusieurs rapports pointent également un effet quasiment nul de la mesure sur l’#investissement, en dépit des objectifs annoncés en la matière. Finalement, ces allègements fiscaux auraient principalement servi à baisser les prix et augmenter les plus hauts salaires [viii]. Un travailleur embauché aurait donc coûté 435 000€ [ix] au contribuable, ou 100 000€ si l’on prend la fourchette la plus haute de l’OFCE, qui estime le nombre d’emplois créés ou sauvegardés à 400 000. Un coût largement supérieur à la plus haute estimation de celui d’un salarié en EBE, soit 26 000€.

    Pour l’économiste, d’autres alternatives plus efficaces existeraient pour résorber le #chômage_de_longue_durée. Il cite, par exemple, des dispositifs combinant la miraculeuse « formation » et un « soutien personnalisé », « aspects quasi absents de l’expérimentation territoire zéro chômeur ». Pourtant, à la lecture du rapport publié par le ministère du Travail sur le territoire de Colombelles, on constate que de nombreuses entreprises de la nouvelle économie (haute technologie, recherche et développement, informatique) se sont implantées dans cette région, et que les tentatives pour former les anciens travailleurs industriels aux compétences requises n’ont pas manqué. Mais quand le décalage entre les compétences des travailleurs et celles requises par les nouvelles entreprises est trop important, le chômage d’inadéquation persiste. Comme le souligne le rapport :

    « Il existe un décalage entre les besoins des entreprises qui s’implantent sur les zones d’activités situées sur le territoire et les compétences des chômeurs qui y vivent. Le niveau de formation des demandeurs d’emploi Xois ne leur permet pas de profiter des opportunités d’emploi liées à cette activité économique naissante. » (Source : Rapport du territoire de Colombelles, DARES, p.12)

    En dépit des efforts déployés pour limiter les conséquences du démantèlement de l’activité métallurgique dans cette région normande[x], et malgré de nombreux emplois privés à pourvoir dans la région, le chômage s’élevait donc à 20% en 2016. En clair, l’emploi privé ne peut être une solution au chômage de masse de cette région. Et au-delà des échecs successifs des dispositifs qu’évoque Pierre Cahuc pour résorber le chômage, il semble de toute manière utopique d’imaginer que la capacité des organismes de formation en France sera en mesure d’absorber tous les licenciements à venir.

    Les Territoires zéro chômeur, un projet politique

    C’est avec un effarement qui confine au complotisme que #Pierre_Cahuc révèle finalement un secret de polichinelle dans sa tribune : la défense des TZC, au-delà du seul objectif de résorption du chômage, serait un #projet_politique. Et en effet, ATD Quart Monde n’a jamais dissimulé son ambition de transformer le rapport au travail et d’en faire un droit de « première nécessité sociale ». De ce point de vue, le travail n’est plus conçu comme un fardeau, dont le revenu universel pourrait nous décharger, mais comme un besoin quasi-anthropologique, nécessaire à la réalisation de l’individu autant qu’au bon fonctionnement d’une société.

    En conséquence, les TZC évacuent les aspects aliénants du travail : tout d’abord, le projet n’a aucun pouvoir contraignant sur les individus. Ils peuvent choisir de travailler ou de continuer de percevoir leurs prestations sociales, selon leur bon vouloir. Le projet assure également des conditions de travail décentes aux salariés puisqu’ils sont sécurisés via l’emploi en CDI et qu’ils décident des tâches qu’ils devront effectuer, moyen efficace pour garantir la concordance entre leurs compétences et leur emploi. On ne peut pas en dire autant des quelques politiques entreprises pour réduire le chômage ces dernières années, en particulier la flexibilisation du marché du travail ou la baisse des indemnités chômage, qui ont plutôt eu pour effet de précariser davantage les travailleurs et de leur laisser toujours moins de marge de manœuvre quant au choix de leur emploi.

    Enfin, les individus retrouvent du sens à leur métier – composante plus que nécessaire au travail à l’heure où les « #bullshit_jobs » inondent le marché de l’emploi – puisque ce dernier doit être socialement et écologiquement utile. Dans les enquêtes menées sur les territoires concernés, on trouve ainsi de nombreuses EBE spécialisées dans l’agriculture bio, la permaculture ou encore l’entretien des forêts. A titre d’exemple, les employés de l’EBE de la Nièvre ont transformé des jardins ouvriers tombés à l’abandon en potager afin de répondre aux besoins du territoire (écoles, maisons de retraite) en circuit court.

    Il ne s’agit pas de nier que le dispositif mérite encore d’être amélioré. S’il représente pour l’instant une solution efficace au délaissement de certains territoires désindustrialisés, à l’instar de Tourcoing et Colombelles, il n’est pas, en l’état, en mesure de proposer une solution de long terme à l’ensemble des problèmes liés à l’emploi et à la crise écologique. Le projet repose en effet sur une décentralisation de la gestion du dispositif et sur l’autonomie des employés (ils choisissent eux-mêmes les tâches à effectuer) qui semble difficilement compatible avec une planification écologique. Il serait par exemple souhaitable qu’au lieu de prendre des décisions sans être coordonnées, les régions se concertent pour recenser les besoins nationaux de production afin de maximiser l’impact écologique du dispositif. Pour représenter une solution pérenne au chômage de masse, il serait par ailleurs bon de renforcer l’acquisition de compétences des employés au sein des EBE, d’une part pour augmenter leur taux de réinsertion sur le marché du travail, d’autre part pour ne pas renoncer à former des travailleurs dans des secteurs d’avenir et productifs, également nécessaire à la transition écologique.

    Bien que le projet ne soit pas entièrement abouti pour prétendre à être un dispositif révolutionnaire contre le chômage et le réchauffement climatique, il faut lui reconnaître ses mérites à la fois empiriques et théoriques. Il a permis une réduction non négligeable de la pauvreté dans des régions jusqu’alors délaissées par les autorités publiques en redonnant un emploi digne à ses travailleurs. De plus, il pose les premières briques d’un chantier plus vaste de redéfinition du travail, à l’heure où celui-ci est menacé par les reconversions à venir. A rebours d’une idée défendue par une frange anarchisante de la gauche selon laquelle les sociétés de demain ne nécessiteraient plus de travail – perspective pour le moins inquiétante pour bon nombre d’individus – ATD Quart Monde propose de réhabiliter la valeur travail en tant qu’élément essentiel à l’individu et la société. Celui-ci, en étant synonyme de sécurité, autonomie et consistance, retrouverait sa pleine fonction de réalisation de l’individu pour permettre à « l’homme qui travaille de reconnaître dans le monde, effectivement transformé par son travail, sa propre œuvre[xi] », comme l’écrit le philosophe et commentateur de Hegel Alexandre Kojève. Les réflexions ultérieures devront se pencher sur la tension entre autonomie des travailleurs – élément phare du projet qui propose d’éradiquer l’aspect aliénant de l’exécution de tâches – et nécessité de planifier.

    Notes :
    [i] Burgard, S. A., Brand, J. E., & House, J. S. (2007). Toward a better estimation of the effect of job loss on health. Journal of health and social behavior, 48(4), 369-384.

    [ii] Barnette, J., & Michaud, A. (2012). Wage scars from job loss. Working paper. Akron, OH : University of Akron. http://www. uakron. edu/dotAsset/2264615. pdf.

    [iii] Lindo, J. M. (2011). Parental job loss and infant health. Journal of health economics, 30(5), 869-879.

    [iv] Rege, M., Telle, K., & Votruba, M. (2011). Parental job loss and children’s school performance. The Review of Economic Studies, 78(4), 1462-1489.

    [v] Nichols, A., Mitchell, J., & Lindner, S. (2013). Consequences of long-term unemployment. Washington, DC : The Urban Institute.

    [vi] Algan, Y., Cahuc, P., & Zylberberg, A. (2002). Public employment and labour market performance. Economic Policy, 17(34), 7-66.

    [vii] Rapport CICE 2020, France stratégie https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-cice2020-16septembre-final18h.pdf

    [viii] Libé, « Mais où sont passés les milliards du CICE ? », 29 septembre 2016. https://www.liberation.fr/france/2016/09/29/mais-ou-sont-passes-les-milliards-du-cice_1515075

    [ix] Médiapart, « Créer un emploi avec le CICE coûte trois fois plus cher qu’embaucher un fonctionnaire », 16 décembre 2018. https://blogs.mediapart.fr/stephane-ortega/blog/161218/creer-un-emploi-avec-le-cice-coute-trois-fois-plus-cher-qu-embaucher

    [x] Colombelles abritait la Société Métallurgique de Normande, grand bastion d’emplois normand, qui a fermé en 1980 après avoir été racheté par Usinor-Sacilor (aujourd’hui Arcelor).

    [xi] Alexandre Kojève, Introduction to the Reading of Hegel : Lectures on the Phenomenology of Spirit (Ithaca : Cornell University Press, 1989), p. 27. Citation originale : « The man who works recognizes his own product in the World that has actually been transformed by his work. »

    https://lvsl.fr/territoires-zero-chomeur-ou-les-chantiers-dun-projet-politique-davenir

  • Des intervenants de deux corps de métiers m’ont fait part de leur utilisation de l’IA dans leurs travaux quotidiens.

    Le premier m’expliquait il y a quelques mois que leurs clients ont besoin de leurs dossiers juridiques pour se conformer à la loi. Le dossier est posé dans une armoire, et il ne ressort que des années plus tard, en cas de conflit juridique. La plupart du temps, le dossier ne ressort pas.

    Le second m’expliquait à peu près la même chose bien qu’il s’agisse d’un domaine plus... moins... enfin, moins juridique, et plus technique. Ce sont des dossiers qui sont étudiés, puis en général, le Préfet dit qu’on peut passer outre telle ou telle règle, tel ou tel seuil, puis le dossier est classé et ne ressort qu’en cas de conflit.

    Dans les deux cas, en fait, aucun sachant ne va relire le dossier dans le détail. L’important est l’apparence de pertinence, plus que la justesse juridique ou technique.

    Dans ces cas là, une production statistiquement crédible est suffisante.

    Et en effet, le travail d’un LLM doit pouvoir être satisfaisant.

    Ces métiers vont pouvoir écrémer les effectifs. Les consultants affectés à ces missions vont pouvoir se concurrencer dans une course à celui qui saura le mieux et le plus rapidement produire des documents à l’apparence conforme.

    Je continuerais plus tard sur les raisons qui font que je continue personnellement de ne pas savoir comment les utiliser.

    • Est-ce que l’artificielle fera mieux que l’ « intelligence » humaine, c’est LA question ? Prenons une situtation voisine de ce que je comprends de ce que tu décris, la désignation des « notaires Macron » - il y aurait d’ailleurs un roman à écrire sur cet épisode où tous les travers de la décision géniale tombée du ciel sont présents, comme ils l’étaient déjà avec les « bus Macron », avant que Jupiter ne soit Jupiter.

      Après divers errements ayant buté sur la réalité, la procédure a prévu un tirage aléatoire pour établir l’ordre des candidats pour l’attribution des charges. Il fallait donc établir un procès-verbal de la réalisation de cette opération.

      Tous ceux que j’ai pu consulter étaient une photocopie du document type distribué aux chambres des notaires, y compris, inchangées, les inscriptions en italique telle que :
      détailler ici le mode opératoire du tirage au sort

    • paraît que le FMI itself annonce dans un rapport récent que 30% des emplois dans le monde vont disparaître d’ici 2 ans, remplacés par des IA ; et que 60% seront « impactés » (impact = destruction pour la moitié de ces 2/3, donc).

      https://www.imf.org/en/Publications/Staff-Discussion-Notes/Issues/2024/01/14/Gen-AI-Artificial-Intelligence-and-the-Future-of-Work-542379?cid=bl-com-SDNEA20

      https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2024/01/14/ai-will-transform-the-global-economy-lets-make-sure-it-benefits-humanity

      La Tribune donnait sa version : https://www.latribune.fr/technos-medias/informatique/l-intelligence-artificielle-impactera-60-des-emplois-des-economies-avancee (article du 15.01.24, cité à l’époque ici : https://seenthis.net/messages/1037216)

      Selon le rapport, l’IA pourrait accélérer les inégalités salariales, avec un effet négatif tout particulièrement sur les classes moyennes, alors que les salariés disposant d’ores et déjà de hauts revenus pourraient voir leur salaire « augmenter plus qu’à proportion » du gain de productivité que l’IA leur permettrait d’assurer.

      « Il est certain qu’il y aura un impact mais il peut être différent, que cela entraîne la disparition de votre emploi ou au contraire son amélioration. Dès lors, que faire de ceux qui seront touchés et comment partager les gains de productivité, que peut-on faire pour être mieux préparés ? » , s’interroge la patronne du FMI.

      Denis Machuel, patron du groupe suisse Adecco, numéro un mondial du travail temporaire, ne disait pas autre chose à l’AFP en fin de semaine dernière : « D’un côté, il y a toute la productivité que cela va apporter à la façon dont les gens travaillent. Plus largement, cette augmentation de la productivité va aussi détruire certaines des tâches exécutées. Et personne ne sait véritablement quel va être l’équilibre entre les postes qui vont être détruits ou perturbés et ceux qui vont être créés. L’expérience par le passé nous indique qu’il y a plus ou moins un équilibre entre les deux. C’est ce que nous avions vu avec l’Internet ou la digitalisation. »

      Selon le rapport, Singapour, les Etats-Unis et le Canada sont les pays qui se sont le mieux préparés : « Nous devons nous concentrer sur les pays à moindre revenus », estime Kristalina Georgieva. « Nous devons aller vite, leur permettre de profiter des opportunités offertes par l’IA. »

      En France, le phénomène de licenciements liés à l’IA reste marginal mais il est bel et bien lancé : la société de veille média Onclusive, qui avait annoncé à l’automne vouloir retravailler son plan prévoyant la suppression de plus de 200 postes en raison de la concurrence et des évolutions technologiques, l’a relancé et pourrait désormais en supprimer 218 [...] [le] directeur France expliquait alors vouloir « améliorer le service » en « introduisant de nouvelles technologies et de nouveaux outils » et en misant notamment sur « l’apport de l’intelligence artificielle » (IA), qui vont engendrer la création de 52 postes et le remplacement de 8 postes vacants, soit une réduction nette de 149 postes.

    • Outre ces échanges que j’ai pu avoir, et qui ne datent pas forcément de la semaine dernière, il y a ces articles issus de la publication du FMI, qui m’ont amené à ces réflexions personnelles.

      J’en arrive à l’idée sous-jacente, à savoir, l’extension du domaine des #bullshit_jobs, l’extension du coup de projecteur sur les boulots indispensables mais inutiles. Indispensables parce que s’ils ne sont pas faits, des activités ne peuvent pas se mettre en place, ne peuvent plus avoir lieu, mais inutiles, parce qu’en définitive, on s’aperçoit que personne n’utilise vraiment ce travail une fois terminé.

      C’est une sorte d’apocalypse, de coup de projecteur, comme déjà dit, sur le fait que ces boulots sont aussi inutiles que les antiques péages, sur les routes du moyen age. Il faut payer, sinon on ne passe pas, mais en fait, si on supprime les péages, on continue de pouvoir passer dans les mêmes conditions. L’analogie a ses limites, évidemment. Mais l’idée est là.

    • https://seenthis.net/messages/1054975

      Je sais que je me répète de chronique en chronique, mais je le rabâcherai jusqu’à ce que la bulle de l’IA explose : la-technique-ne-fonctionne-pas. Selon les critères d’évaluation, le taux d’erreur du meilleur logiciel actuel, GPT-4, se situe entre 2,5% et 25%.

      Quand on prétend qu’on peut se permettre un tel taux d’erreur, c’est qu’on prétend que ce qu’on produit n’est pas utile.

      Imaginez, un calcul de structure, en génie civil, confié à une telle intelligence artificielle, avec un tel taux d’erreur potentiel. « mais si je perds du temps à produire mon tableau avec Excel, je vais perdre mon boulot, alors je fais vite et je copie-colle le résultat de l’IA sans le vérifier... les ordres de grandeur semblent corrects après tout ».

      C’est jusqu’alors ce qui permettait de distinguer un bon d’un mauvais consultant. Le bon consultant est capable d’un coup d’oeil de détecter qu’un résultat est viable ou pas. Mais si les débutants n’ont plus jamais l’opportunité de produire par eux même des résultats, comment pourront-ils jauger la pertinence de la réponse d’un LLM ?

    • A l’issue de ces réflexions.

      Tous ces jobs remplacés, tout ce travail qui était produit.
      Est-ce que cette production comportait un taux d’erreur moindre, en définitive ?

      Autre façon de dire les choses : Dans quels domaines peut-on se satisfaire d’à peu près ? Apparemment, ces domaines sont nombreux.

    • Une autre façon de dire les choses :
      Ce que l’on découvre, c’est que tous les métiers qui produisent du « dossier » vont pouvoir produire ces dossiers à base de contenu fiable de 75 à 97,5%. Et qu’en fait, tout le monde semble d’accord, du FMI aux GAFAM pour dire que somme toute, c’est tout à fait acceptable, voire meilleur que ce qui se fait actuellement, sans l’IA.

    • « ChatGpt, écris un article expliquant pourquoi l’IA va remplacer tous les métiers pour lesquels il faut produire des argumentaires standardisés »

      L’IA et l’avenir des métiers de production d’argumentaires standardisés

      Dans un monde où la technologie progresse à un rythme effréné, l’Intelligence Artificielle (IA) se positionne comme une force motrice capable de transformer de nombreux aspects de notre vie quotidienne et professionnelle. L’un des domaines où l’IA montre un potentiel particulièrement prometteur est celui des métiers nécessitant la production d’argumentaires standardisés. Cet article explore pourquoi l’IA est en passe de remplacer ces métiers et ce que cela signifie pour l’avenir du travail.

      La nature des argumentaires standardisés

      Les argumentaires standardisés se caractérisent par une structure prévisible et répétitive, souvent dictée par des modèles et des templates préexistants. Ces argumentaires sont couramment utilisés dans divers domaines comme le marketing, le service client, les ressources humaines, et même dans le domaine juridique. Leur production implique la collecte et l’organisation d’informations en suivant des règles établies, avec peu de variation créative.

      L’efficacité et la précision de l’IA

      L’IA excelle dans les tâches répétitives et structurées. Les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser de vastes quantités de données, identifier des modèles, et générer des textes cohérents et pertinents en un temps record. Par exemple, des modèles de langage avancés, tels que GPT-4, peuvent rédiger des lettres de motivation, des descriptions de produits, ou des réponses à des questions courantes avec une précision étonnante. Cette capacité permet non seulement de gagner du temps, mais aussi d’assurer une uniformité et une qualité constantes dans les argumentaires produits.

      Réduction des coûts et augmentation de la productivité

      L’un des principaux avantages de l’adoption de l’IA est la réduction significative des coûts. L’automatisation des tâches liées à la production d’argumentaires standardisés permet aux entreprises de diminuer leur dépendance à la main-d’œuvre humaine, souvent coûteuse. De plus, l’IA peut fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans besoin de pauses, ce qui augmente la productivité globale. Les économies réalisées peuvent être réinvesties dans des domaines nécessitant une intervention humaine plus créative et stratégique.

      Adaptabilité et personnalisation

      Contrairement à une idée reçue, l’IA ne se contente pas de produire des textes uniformes. Grâce aux avancées en traitement du langage naturel, les systèmes d’IA peuvent personnaliser les argumentaires en fonction du contexte et du public cible. Par exemple, un outil d’IA peut adapter un message marketing en fonction des préférences et du comportement de l’utilisateur, offrant ainsi une expérience plus personnalisée et engageante.

      L’avenir des emplois dans un monde dominé par l’IA

      Si l’IA est en passe de remplacer de nombreux métiers de production d’argumentaires standardisés, cela ne signifie pas pour autant la fin de l’emploi humain. Au contraire, cette transition ouvre la voie à de nouvelles opportunités. Les travailleurs peuvent se concentrer sur des tâches nécessitant de la créativité, de l’empathie, et des compétences interpersonnelles – des domaines où l’IA est encore loin d’égaler l’humain.

      Les entreprises devront également investir dans la formation et le développement des compétences de leurs employés pour les préparer à travailler aux côtés de l’IA. Le rôle des travailleurs évoluera pour inclure la supervision et la gestion des systèmes d’IA, ainsi que l’interprétation et l’application des données générées par ces systèmes.

      Conclusion

      L’IA est bien partie pour transformer les métiers impliquant la production d’argumentaires standardisés. Grâce à son efficacité, sa précision, et sa capacité d’adaptation, l’IA offre des avantages indéniables aux entreprises en termes de réduction des coûts et d’augmentation de la productivité. Cependant, cette évolution technologique ne marque pas la fin de l’emploi humain, mais plutôt une redéfinition des rôles et des compétences nécessaires dans le monde du travail de demain. Les travailleurs devront s’adapter et évoluer pour tirer parti des nouvelles opportunités créées par l’IA, assurant ainsi une coexistence harmonieuse entre l’homme et la machine.

    • Les travailleurs devront s’adapter et évoluer pour tirer parti des nouvelles opportunités créées par l’IA, assurant ainsi une coexistence harmonieuse entre l’homme et la machine.

      Et pourquoi pas le contraire ? Voire les 2 mon capitaine ? Un effort d’adaptation et d’évolution conjointe (et harmonieuxe) ? Pourquoi c’est toujours les travailleurs qui doivent s’adapter ?

      Note que tchatgépété parle bien (et utilise 3 fois le terme) des entreprises.

      Du coup, me semble que les salariés de Bolloré - tous, sauf à la rigueur les quelques acteurs de ses télés - devraient envisager de changer de métier, paske Vince va pas attendre longtemps avant de les remplacer par 3 responsables de publication et un seul accès prémium tchatgépété+ ; rationalisation des coups.

  • Two-thirds of Americans say AI could do their job | Fox Business
    https://www.foxbusiness.com/technology/two-thirds-americans-say-ai-can-do-their-job

    Intéressant de comparer ce « ressenti » des travailleurs avec la réalité des menaces telle que montrée au même moment par l’étude du MIT.
    Ne serait-ce pas chez les travailleurs le sentiment d’exercer des « Bullshit jobs » ?

    A recent survey conducted by Spokeo found that despite seeing the potential benefits of AI, 66.6% of the 1,027 respondents admitted AI could carry out their workplace duties, and 74.8% said they were concerned about the technology’s impact on their industry as a whole.
    outlines of humans in an office

    A recent survey by Spokeo found most American workers believe AI could do their jobs, but they still see benefits of the technology in the long term. (iStock / iStock)

    “After a year of headlines about AI taking over the world, it’s no surprise that 2 in 3 now think that AI could do their job,” Spokeo CEO Harrison Tang told FOX Business. “We never would have dreamed of how impactful ChatGPT would be on the world.”

    WHAT IS ARTIFICIAL INTELLIGENCE (AI)?

    “Whether it’s because people realize that a lot of work can be easily automated, or they believe the hype in the media that AI is more advanced and powerful than it is, the AI box has now been opened.”

    #Intelligence_artficielle #Travail #Bullshit_jobs

  • Le déstockeur Action cartonne en France, mais à quel prix ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/destockeur-action-cartonne-france-a-prix/00106914

    Avec ses produits bradés, le déstockeur néerlandais séduit de nombreux clients en cette période d’inflation. Mais son déploiement dans l’Hexagone date d’avant la crise. L’enseigne a établi une stratégie bien huilée, au détriment de l’environnement et des conditions de travail de ses employés.

    .../...

    « On a été élu enseigne préférée des Français, mais à quel prix ? Les employés sont sur les rotules », Fabrice Schmitt. Le représentant syndical CGT travaille depuis trois ans chez Action. « Si les clients peuvent y trouver leur compte, nous, on est sur les rotules. Les conditions de travail aussi sont du hard discount. » Plus l’enseigne se développe en France, plus la pression sur ses employés augmente, explique le Narbonnais :
    « Tout est ‘timé’. Une heure pour vider un chariot rempli de cartons, parfois très lourds. Dix minutes pour ranger les articles qui traînent dans le magasin en fin de journée. Trente minutes pour nettoyer la cantine et les sanitaires le soir… On doit respecter le temps estimé dans les procédures sinon, on risque des sanctions, verbales ou sous forme d’avertissement »

    https://justpaste.it/4yv7e

    #hard_discount #déstockage #bullshit_jobs #capitalisme_de_charognards #junk_trade #moins_disant_social

  • Aujourd’hui j’ai regardé Le fabuleux monde de l’entreprise
    Ou quand le travail perd son sens
    sur arte
    https://www.arte.tv/fr/videos/089133-000-A/le-fabuleux-monde-de-l-entreprise
    Y’a plein de moments intéressants, on y rencontre même #david_graeber.
    Mais au bout de 20 minutes, je me suis fait la réflexion que l’on y voit que des (petits) cadres, qui souffrent certes, mais ce n’est que vers la fin, et pendant quelques dizaines de secondes que dans tout ça, on rappelle que les vrais boulots utiles ne sont plus rémunérés.
    Pendant tout le programme, zéro femme de ménages, agent d’accueil et de sécurité, infirmières, aide-soignante, livreur et livreuse, caissières et caissiers de supermarchés, etc.

  • La garantie d’emploi, un outil au potentiel révolutionnaire | Romaric Godin
    http://www.contretemps.eu/chomage-economie-garantie-emploi-depassement-capitalisme

    L’ouvrage de Pavlina Tcherneva qui inaugure la collection « Économie politique » avance une proposition qui peut paraître a priori insensée : fournir à tous les citoyens qui le souhaitent un travail rémunéré, permettant de vivre décemment. Tout l’intérêt de son propos est de montrer que, précisément, cette proposition n’a rien d’insensé, mais qu’elle est parfaitement réalisable pour peu que l’on se libère de certaines certitudes qui ne sont que des constructions politiques. L’idée que le chômage soit le mode d’ajustement « normal » de l’économie est déjà un choix politique remarquablement déconstruit par l’autrice. Source : (...)

  • Bienvenue dans le monde merveilleux du prospectus publicitaire - Basta !
    https://www.bastamag.net/Bienvenue-dans-le-monde
    https://www.bastamag.net/IMG/arton1938.jpg?1367182424

    Pour appâter le client à domicile, les mastodontes de la grande distribution – Carrefour en tête avec 30 % des prospectus diffusés en France – sous-traitent la distribution des prospectus à Adrexo, qui emploie une armée de 23 000 colporteurs payés au Smic. En cumulant les effectifs des deux grandes entreprises du secteur, Adrexo et Mediapost (filiale privée du groupe La Poste), le nombre de distributeurs de prospectus s’élève à 36 500. Une « grande famille » où chacun « profite d’une adaptabilité et d’une flexibilité sans égal » en « organisant soi-même son temps de travail », peut-on lire sur le blog des ressources humaines d’Adrexo, intitulé « La vie en violet ».

    Chez Adrexo, « le capital humain est plus important que tout ». Mais sur le parking des entrepôts, on rencontre des retraités qui « complètent leur trop petite retraite », des femmes à huit mois de grossesse qui chargent des kilos de prospectus pour pouvoir « toucher leur congé maternité », des étudiants qui bossent pour « payer leur loyer »… Un « capital humain » majoritairement composé de pauvres, de précaires, d’étrangers, d’allocataires des minimas sociaux, de jeunes en réinsertion, de retraités, de galériens en tout genre et autres naufragés du marché du travail.

    Chez Adrexo, le salaire moyen est de 400 euros pour une bonne soixantaine d’heures de travail mensuelles. L’entreprise envoie des contrôleurs qui vérifient que les paquets de pub n’ont pas été jetés dans des bennes ou dans la rivière la plus proche. « C’est notre fonctionnement : si une boîte aux lettres figurant sur la feuille de route n’a pas de pub, c’est le risque de se faire licencier immédiatement. C’est un moyen de pression quotidien, particulièrement sur les gens qui osent se plaindre du fonctionnement salarial », confie l’adjoint du chef de centre. Ambiance.

    Dérogation au droit du travail

    « Ça », c’est ce que les managers appellent la « préquantification du temps de travail ». En clair : c’est l’employeur qui quantifie en amont le temps de travail nécessaire à l’exécution d’une mission, sans possibilité pour le salarié de déclarer des heures supplémentaires si le temps de travail prévu ne correspond pas à la réalité. Adrexo et Mediapost disposent pour cela d’une dérogation au code du travail, validée par deux décrets ministériels. Elle a été intégrée dans la première convention collective du secteur, signée en 2004 après plus de huit ans de négociation entre le Syndicat patronal de la distribution directe (SDD) et les cinq syndicats représentatifs, à l’époque, des salariés (CGT, CFTC, CGC, FO, CFDT). Des syndicats qui n’apposeraient peut-être plus leurs signatures aujourd’hui.

    Mais des fois, t’y croit pas à une telle infatuation de patrons sans vergogne

    Un métier où les gens sont payés pour faire du sport : c’est la vision qu’a défendue le patron d’Adrexo, Frédéric Pons, dans une interview donnée à l’hebdomadaire Marianne : « Le conditionnement puis la livraison de prospectus sont un exercice un peu physique pour cette main-d’œuvre vieillissante, mais, honnêtement, j’estime qu’Adrexo rend service à ces gens : grâce à ce boulot, ils se maintiennent en forme et économisent un abonnement au Gymnase Club. Rémunérés pour faire du sport : il n’y a pas de quoi crier au servage », avait alors déclaré Frédéric Pons [4].

    #Droit_travail #Travail #Prospectus #Bullshit_jobs #Cynisme

  • David Graeber : « De plus en plus de personnes estiment que leur boulot ne devrait pas exister » - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2018/09/15/david-graeber-de-plus-en-plus-de-personnes-estiment-que-leur-boulot-ne-de

    L’anthropologue et économiste américain constate la prolifération de « bullshit jobs », des emplois très bien payés mais parfaitement inutiles. Pour changer le système, il invite à revoir le sens que nous donnons collectivement au travail.

    Être payé à ne rien faire, est-ce bien sérieux dans un monde capitaliste en quête infinie de profits  ? Oui, répond contre toute attente l’économiste et anthropologue américain David Græber. Anarchiste, prof à la London School of Economics, il fut une grande figure d’Occupy Wall Street après la crise économique de 2008, autour du slogan « Nous sommes les 99 % ».

    Dix ans plus tard, il poursuit le combat intellectuel contre le capitalisme. On le savait inégalitaire, aliénant, anti-écologie. Græber ajoute qu’il est aussi inefficace. La preuve, ce sont les « bullshit jobs », des emplois parfaitement inutiles et très coûteux qui prolifèrent dans tous les secteurs de notre économie. « Un job à la con est une forme d’emploi rémunéré qui est tellement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat de faire croire qu’il n’en est rien », explique David Græber dans l’essai Bullshit Jobs, dont la traduction française vient de sortir (Les liens qui libèrent, 25 euros).

    Plus que la rigueur de l’argumentation, fondée sur des témoignages de personnes déjà sensibles à ses thèses, c’est la puissance de l’intuition qui frappe, jusqu’à cette conclusion : le capitalisme n’a plus grand-chose qui permette de le justifier, il est temps d’inventer un autre modèle et une autre conception du travail.

    Vous avez été un leader d’Occupy Wall Street, qui fut pour vous une révolte de la « caring class », c’est-à-dire des travailleurs du « care » (1), après la crise financière de 2008. Quel lien faites-vous entre les bullshit jobs  et cette lutte ? A-t-elle porté ses fruits ?

    Il y a en ce moment une #grève des infirmières en Nouvelle-Zélande, l’an dernier c’était au Royaume-Uni ; les profs aussi ont fait grève aux Etats-Unis et dans les facs anglaises ; les auxiliaires de vie pour personnes âgées en France… Ces métiers très divers ont en commun d’être de plus en plus pollués par tout un tas de tâches administratives imposées par leurs hiérarchies et qui les détournent de leur fonction première de soigner, d’éduquer… Ma conviction est que ces mouvements vont bien au-delà de revendications sur les salaires.

    Est-ce tellement nouveau ?

    La #financiarisation du monde, devenue le principal moteur du capitalisme, s’étend désormais à tout. Avec ses objectifs chiffrés, ses tableaux de bord, cette vision comptable a déteint partout. La société numérique a encore accéléré le mouvement avec son obsession de la notation permanente et instantanée. Là où les naïfs croyaient qu’elle simplifierait les choses, réduirait les circuits de décision et les hiérarchies, c’est l’inverse qui se passe. Je le constate dans mon métier d’enseignant  : il faut en permanence remplir des formulaires pour débloquer la moindre décision, cocher des cases. C’est pour gérer toute cette masse d’informations que le personnel administratif a énormément augmenté. Le modèle du privé, avec son obsession du management, s’est imposé jusque dans le secteur public  : un président d’université veut ses conseillers, ses assistants, comme un patron du CAC 40. On embauche donc des gens inutiles payés pour organiser et contrôler des tâches qui ne servent à rien et emmerdent tout le monde.

    Pourquoi faites-vous un parallèle entre la prolétarisation de ces travailleurs du care et la sphère financière. En quoi sont-ils connectés ?

    Tout ou presque désormais est traduit en chiffres et aboutit à cette « bullshitisation » de pans entiers d’activités et de métiers dont les gens se sentent dépossédés. Là où l’on devrait se recentrer sur l’humain, on « procédurise », on comptabilise, on formate en permanence afin de nous faire rentrer dans des cases.

    Peut-on en dire autant des métiers industriels  ?

    Plus vous êtes dans la production, la matière, plus le recours aux technologies d’automatisation comme la robotique boostent la productivité et moins vous avez besoin de main-d’œuvre, surtout pour les tâches les moins qualifiées. A l’inverse, dans la santé, l’éducation, cette productivité décroît en dépit de cette profusion de bureautique et de logiciels. La technologie était censée réduire la bureaucratie et l’on voit au contraire qu’elle se nourrit de ce passage au numérique pour toujours s’étendre. Si tout doit être documenté, monitoré, tracé, vous avez besoin de toujours plus de petites mains pour traduire des expériences qualitatives en tableaux quantitatifs. L’intelligence artificielle est la nouvelle avant-garde de cette bureaucratie digitale. Comme la productivité ne progresse plus, les salaires stagnent ou baissent, les métiers sont de moins en moins valorisés. C’est un cercle vicieux, d’où ces grèves qui disent l’effondrement de l’estime de soi, comme une cicatrice balafrant notre âme collective.

    Puisque des métiers utiles ­connaissent une « bullshitisation », ne faudrait-il pas parler de « tâches à la con » plutôt que de « jobs à la con »  ?

    Évidemment, on peut encore aimer son boulot en cherchant à éviter des tâches inutiles qui le polluent. Mais j’ai choisi ce terme générique de « jobs à la con » parce que de plus en plus de gens disent que leur vie professionnelle est intégralement dédiée à ces tâches inutiles et que, si l’on supprimait leur emploi, cela ne changerait rien. Ce n’est donc pas seulement la manière d’exercer son travail qui est inutile, c’est souvent le boulot lui-même qui l’est, quand il n’est pas en plus nuisible, comme me l’ont dit nombre d’avocats d’affaires et de cadres intermédiaires qui passent leur vie à gratter du papier et bureaucratiser leurs équipes comme on l’exige d’eux. Le fait que de plus en plus de gens reconnaissent que leur boulot ne devrait tout simplement pas exister, ça, c’est nouveau  ! Quand j’ai écrit mon premier article sur ce sujet en 2013, un institut de sondage britannique a testé mon hypothèse. A la question « Votre travail apporte-t-il quoi que ce soit d’important au monde  ? », plus du tiers des personnes interrogées (37 %) ont dit être convaincues que ce n’était pas le cas, le double de ce à quoi je m’attendais. Le fait de poser la question a ouvert la boîte de Pandore.

    Politiquement, quel lien faites-vous entre les 40 % de personnes ayant un bullshit job, et le slogan d’Occupy, « Nous sommes les 99% »  ?

    La « bullshitisation » tient beaucoup à la mentalité de la classe dirigeante – les 1 % – qui a besoin de cette base de « larbins » pour se sentir importante, comme dans la féodalité médiévale. Leur motivation n’est pas économique. Cette classe a compris que pour préserver sa fortune et son pouvoir, une population heureuse, productive et jouissant de son temps libre constitue un danger mortel. Ces 1 % qui contrôlent le système sont ceux qui financent les campagnes politiques aux Etats-Unis  : 98 % des dons viennent de ces 1 %, la corruption du système politique est le moteur de leur accumulation de capital. C’est un résultat inévitable de l’économie du ruissellement. Comme il y a une pression du politique pour créer plus d’emplois, leur réponse est  : on va s’en occuper en multipliant les bullshit jobs. Plutôt que de redistribuer les richesses en stimulant la demande comme le défend la gauche depuis Keynes, on fait vivoter tous ces larbins en les maintenant dans la dépendance à ces jobs à la con.

    Tous vos livres sont basés sur des raisonnements contre-intuitifs, que ce soit pour expliquer le gonflement des dettes, la bureaucratisation du capitalisme ou ce « brejnevisme » des jobs de merde comme vous l’appelez dans un clin d’œil au socialisme soviétique finissant. N’est-ce pas là tout ce qu’abhorre le capitalisme, qui a toujours mis en avant son efficacité  ?

    Les défenseurs du #capitalisme disent que, certes, il crée des inégalités, de la misère et de l’aliénation mais qu’au moins, il est efficace. Les bullshit jobs montent que ce n’est pas le cas  ! Le problème pour ces 1 %, c’est qu’il faut bien occuper toutes ces masses et les bullshit jobs maintiennent la cohésion « brejnevienne », permettent de le faire perdurer sans remettre en cause leur pouvoir et leur accaparement des richesses. La financiarisation leur permet toujours de trouver de quoi s’enrichir comme lorsqu’il s’agit d’endetter des pauvres pour qu’ils se payent un logement dont on sait dès le départ qu’ils ne pourront jamais le rembourser. Cela n’a pas empêché les grandes banques d’affaires d’être renflouées après la crise financière alors que ces citoyens ordinaires ont été expropriés. Le capitalisme n’est pas ce que la plupart des gens croient, c’est un outil de domination qui vise avant tout à préserver le pouvoir de ces 1 %.

    Paradoxalement, vous semblez plus critique envers les démocrates, que vous accusez de collusion avec l’establishment financier, qu’envers les républicains…

    Je suis anarchiste, contre la classe politique en général. Mais je me dois d’essayer de comprendre ce qui se passe. Quand Trump a été élu, j’ai été tenté d’écrire une lettre ouverte aux leaders libéraux pour leur dire  : « Nous avons tenté de vous avertir avec Occupy  ! Nous savions que tout le monde pensait que vous étiez corrompus. Vous avez voulu croire que ce que vous faisiez était légal, que c’était bon, mais personne d’autre que vous ne pense cela  ! » Nous avons essayé d’orienter la rébellion dans un sens positif et ils ont envoyé la police. Je vois Occupy comme la première vague de négociation sur le démantèlement de l’empire américain. Et clairement, Trump est la deuxième, il le fait ! #Occupy était un moment initial lancé par le mouvement socialiste libertarien toujours présent. Mais regardez les sondages outre-Atlantique  : une majorité des 18-30 ans se considère anticapitalistes. Quand cela est-il arrivé auparavant  ? Jamais  ! Les gens ont dit qu’Occupy avait échoué… ­Allons…

    Ces bullshit jobs vont-ils disparaître grâce aux algorithmes et nous permettre de ne travailler que trois à quatre heures par jour comme vous dites que le progrès permettrait de le faire depuis longtemps ?

    Non, car les algorithmes créent des bullshit jobs ! Au XXe siècle, les gens se sont inquiétés d’un chômage de masse lié au progrès technique, y compris Keynes, qui parlait de chômage technologique. Je pense que c’est vrai, mais qu’on y a répondu par la création de jobs imaginaires pour garder les gens occupés. Dans la mesure où la technologie peut progresser et supprimer des emplois utiles, de deux choses, l’une : soit on crée des jobs à la con pour les occuper, soit on redistribue le travail nécessaire, celui du care, que nous ne voulons pas voir effectué par les machines, pour que les gens travaillent moins et profitent plus de la vie. C’est l’autre limite à la thèse de l’efficacité capitaliste : pendant des centaines d’années, les gens ont travaillé dur parce qu’ils imaginaient un monde où leurs descendants n’auraient pas besoin de faire comme eux. Et maintenant que nous arrivons au point où c’est possible, on entend : oh non, les robots vont nous prendre notre travail ! Ça n’a pas de sens.

    Pourquoi le care est-il si important pour changer le système  ?

    Dans le livre, je raconte la grève des employés du métro londonien, quand on se demandait si ce n’était pas un bullshit job qui pourrait être remplacé par des machines. Ils ont répondu avec un texte qui disait en substance  : « Remplacez-nous par des machines, mais nous espérons que votre enfant ne se perdra pas, qu’aucun passager saoul ne vous importunera, que vous n’aurez pas besoin d’information, etc. » Qui veut d’un robot pour prendre soin de son enfant égaré  ? Personne  !

    Comment faire  ?

    L’analyse du travail à l’ère industrielle s’est trop concentrée sur l’usine, alors que beaucoup de travailleurs exerçaient un travail en lien avec le care. Je pense qu’il faut d’abord prendre le care comme paradigme, lire l’ensemble du travail à travers cette question. Car même lorsque vous fabriquez une voiture, c’est parce que vous voulez aider les gens, leur permettre de se déplacer. Plutôt que de se concentrer sur la production de biens et leur ­consommation, qui suggèrent que le vrai travail est productif, il faut partir du principe que l’essentiel de ce à quoi nous nous consacrons est l’entretien des choses  : on fabrique une seule fois une tasse, mais nous la lavons des milliers de fois.

    Qu’en est-il des enjeux écologiques  ?

    Ils sont plus faciles à intégrer dans cette logique du care. On prend soin les uns des autres, mais aussi de la nature, des animaux. Je n’aime pas la notion de décroissance, qui est négative, mais en un sens, cela y correspond, car il faut sortir de cette conception d’une valeur qui devrait toujours croître. C’est drôle, car l’idée de la croissance est inspirée de la nature, mais en réalité ce qui grandit finit par mourir. C’est une métaphore bizarre pour défendre l’idée d’une croissance infinie.

    La mobilisation pour le climat est-elle pour vous le commencement d’une lutte anticapitaliste  ?

    Ce qui me dérange, c’est qu’au moment où le capitalisme semble vraiment vulnérable pour la première fois depuis une éternité, des intellectuels de gauche essaient de le sauver. Quelqu’un comme Thomas Piketty dit aujourd’hui en substance  : « Je ne veux pas abolir le capitalisme, je veux l’améliorer. » Pourtant, s’il avait été là dans les années 60, à l’époque où le système n’était aucunement menacé et où il n’y avait rien à faire, il se serait forcément dit anticapitaliste.

    Contre les bullshit jobs, vous expliquez votre intérêt pour le revenu universel. L’Etat-providence a-t-il donc un nouveau rôle à jouer  ?

    Je suis anarchiste et contre l’Etat, mais sans rejeter l’ensemble de ses services comme la sécurité sociale. Mais on pourrait imaginer que ces fonctions utiles soient assurées par d’autres entités. Je suis en revanche contre la bureaucratie en tant que forme de violence coercitive. Le revenu universel est un moyen pour créer un revenu inconditionnel, qui réduira l’Etat et notamment ces services détestables qui décident si vous élevez vos enfants correctement, si vous cherchez assez activement du travail… Tout ce qui crée de la souffrance et n’apporte pas grand-chose à ceux qui se comportent comme on leur ­demande.

    D’où provient notre conception du travail comme un élément central de l’existence, une souffrance nécessaire  ?

    Dans l’Antiquité, il y a l’idée que le travail est mauvais, que c’est pour les femmes et les esclaves. Mais les « anciens » n’aimaient pas l’oisiveté non plus, au sens où l’homme doit être occupé. Je suis un élève de Marshall Sahlins, qui a produit une critique de l’économie en mettant en évidence ses racines théologiques. Si vous regardez le mythe de Prométhée, la Bible et le récit de la chute du paradis, il apparaît que le travail est l’imitation de Dieu, à la fois en tant que créateur, et en tant que l’on subit la punition pour lui avoir désobéi. Il y a donc la double idée que le travail est productif, créatif et en même temps misérable. Je pense que cette conception du travail s’est imposée à l’époque médiévale, lorsque le travail rémunéré était un passage obligé vers l’âge adulte. Tout le monde, y compris les nobles, devait jusqu’à son mariage travailler pour quelqu’un d’autre. Les gens attendaient pour prendre leur place dans la société. Cette idée de travailler sous l’autorité d’un autre pour devenir un adulte se jouait à l’échelle de la vie, de serviteur à maître. Aujourd’hui, cela se joue entre le lieu de travail et le lieu privé. Vous faites la même transition chaque jour, vous vous placez sous l’autorité de quelqu’un toute votre vie, pour pouvoir être libre chaque soir et chaque week-end.
    (1) L’éthique du care consiste à donner de l’importance à la relation à l’autre, au soin apporté à autrui.

    Cinq nuances de « bullshit jobs »

    David Græber a forgé le concept de bullshit jobs dans un article écrit en 2013 pour la revue britannique Strike  ! Le texte a suscité des milliers de réactions, que Græber analyse dans son livre  : il a sélectionné 124 discussions trouvées sur des sites qui avaient diffusé son article et 250 témoignages reçus par mail. Il en a tiré cinq catégories de jobs à la con.

    Le larbin a pour rôle de donner à quelqu’un l’impression d’être important, comme un poste de secrétaire dans une entreprise qui ne reçoit que deux coups de fil par jour mais qui ne serait pas sérieuse si elle n’avait pas de secrétaire. Si vous êtes porte-flingue, vous poussez les gens à acheter des choses dont ils n’ont pas besoin  : vous êtes donc publicitaire ou télévendeur. Tout aussi inutile, le rafistoleur règle des problèmes (toujours les mêmes), qui ne se poseraient pas si l’on se contentait de changer un peu l’organisation de l’entreprise. A ne pas confondre avec le cocheur de cases, qui mesure, évalue, enquête pour aboutir à des analyses que personne n’utilisera jamais, comme lorsque vous remplissez des formulaires pour dire à votre boss que vous avez rempli vos objectifs. Enfin, les petits chefs donnent des ordres et font des plannings, mais n’en foutent pas une.
    Christophe Alix , Thibaut Sardier

    #graeber #care #travail #économie #Etat #bullshit_jobs

  • Bullshit jobs and the yoke of managerial feudalism - Open Future
    https://www.economist.com/open-future/2018/06/29/bullshit-jobs-and-the-yoke-of-managerial-feudalism

    For everybody else, unless you get very lucky, your choices are largely limited to two options. You can get a basically bullshit job, which will pay the rent but leave you wracked with the guilty feeling that you are being forced, against your will, to be a fraud and a parasite. Or, you can get a helpful, useful job taking care of people, making or moving or maintaining things that people want or need - but then, likely you will be paid so little you won’t be able to take care of your own family.

    #bullshit_jobs

  • À la faveur d’une réunion à laquelle je dois me rendre dans une aile de mon bureau dans laquelle je ne m’étais encore jamais allé, je découvre un atelier de créa, entendre un atelier de création, et, profitant que la porte est entrouverte, je jette un œil. Où je constate une pièce très étrange, ce sont les mêmes sous-plafonds et faux-planchers et la même moquette que dans les autres open spaces, en revanche le mobilier diffère entièrement et ressemble à s’y méprendre à celui des chambres factices dans les salles de démonstration de ces entreprises de mobilier à monter soi-même. Il y a notamment tout un coin garni de poufs, des tables hautes et des tables basses, des couleurs vives et répartis sur toutes sortes de tables, des pots remplis à craquer de feutres de couleurs, et, carrément, des pinceaux, des ciseaux, des rouleaux de feuille de couleur différentes, un massicot, des martyres pour couper au cutter, autant de choses qui pour le coup rappellerait plutôt le décor d’une école maternelle ou élémentaire, mais avec du mobilier qui serait à la taille des adultes. Et tandis que je passe cette tête curieuse, je suis hélé par une jeune femme qui ressemblerait plutôt à une illustratrice telle qu’elle serait représentée dans un magazine de droite, donc très propre sur elle, mais tout de même habillée de façon savamment négligée, surtout par rapport à mes collègues féminines d’open space, et qui me demande si je viens pour l’atelier de création, ce à quoi je tente de la détromper en lui disant que pas du tout et que je suis plutôt un ingénieur informatique qui se rend à une réunion dans laquelle il risque de repartir avec des sujets, elle me répond qu’au contraire, je ne dois pas avoir des a priori et que nous avons tous une part créative en nous. Ce qui me fait sourire. Évidemment.

    N’empêche je m’interroge à propos de l’avalanche de présupposés de cette situation. L’incongru d’une salle de création dans une entreprise spécialisée dans l’informatique bancaire. Son aménagement en un atelier très propre sur soi et aux couleurs vives et aux formes infantilisantes. Et naturellement sur le fait que cette jeune femme pense devoir combattre chez moi un a priori que ce qui se passe dans un tel atelier n’est pas sérieux, que la création n’est pas chose sérieuse. Et cette jeune femme qui enchaîne un peu les poncifs sur le thème de nous sommes tous des artistes, et si elle-même en est une, ce qu’elle semble laisser entendre, qu’est-ce qu’elle fait exactement dans les locaux de la Très Grande entreprise qui m’emploie ?

    Et si moi-même, je suis, comme il m’arrive de le dire, un artiste, qu’est-ce que je fais dans les locaux de la Très Grande Entreprise et ses ateliers de créa ?

    La jeune femme enchaîne, je dois laisser mes a priori de côté. Et je dois résister, par tous les moyens de lui révéler qui je suis vraiment, je veux dire dans d’autres cadres que celui de la Très Grande Entreprise, et que, par ailleurs, je suis un ancien étudiant des Arts Déco, parce que justement si on savait une telle chose à mon propos (et cela filtre malgré tout), on se demanderait bien comment il se fait que d’une part je sois dans le sein même de la Très Grande Entreprise et qu’elles seraient les mesures les plus appropriés qui soient pour me raccompagner vers la porte et m’expulser tel un corps étranger. Ce que je suis.

    Oui, tout cela je me le demande bien.

    De même je me demande bien ce qu’il se passe dans la tête des personnes qui sont à l’origine de ce concept de salle de créa, récréative j’imagine, au sein de la Très Grande Entreprise ? Et je m’effraie finalement que de telles inversions du sens deviennent la norme et la règle au point qu’il devient très difficile de rétablir un peu de sens à tout cela et qu’en exagérant à peine, il se passe de drôles de choses pendant la fin du monde, #pendant_qu’il_est_trop_tard.

    Revenant à mon bureau, à mon poste, devant mon ordinateur dit personnel, je décide de prendre cela en note, à la fois la surprise visuelle de cet atelier de création, son incongruité et les allers-retours un peu fous et affolés de présupposés qu’il génère. Pendant qu’il est trop tard. J’y reviendrai (comme écrirait @tintin)

  • Pourquoi des bac+5 quittent leur “métier à la con” pour conduire un food truck - Sortir - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/sortir/pourquoi-des-bac5-quittent-leur-metier-a-la-con-pour-conduire-un-food-truck
    Bien sûr, personne pour s’inquiéter de l’impact de cette nouvelle concurrence déloyale (meilleur capital culturel et surtout financier) sur les travailleurs déjà en place qui vont probablement se retrouver encore plus disqualifiés qu’avant.

    Dans le livre, j’évoque le cas d’un néo-épicier parti d’une grande banque, qui m’a expliqué que son nouveau métier consistait à entreposer des produits, à les emballer pour ses clients et à voir ces derniers repartir avec le sourire avant de les consommer. Il pouvait visualiser sa contribution à l’économie, la dessiner, et cette simple possibilité avait pour lui un aspect très rassurant, car cela n’a rien d’évident quand on évolue par exemple dans le marketing digital bancaire. On parle d’une génération qui n’a connu que la société postindustrielle, c’est à dire concrètement des jobs dans le cadre desquels les bons élèves ne manipulent que des informations et ne travaillent que derrière un ordinateur. Ces métiers sont ennuyeux, désincarnés et paraissent vains.

    #bullshit_jobs

  • David Graeber on the Value of Work - RSA
    https://www.thersa.org/discover/videos/rsa-shorts/2016/david-graeber-on-the-value-of-work

    David Graeber on the Value of Work. Does the world really need neuroadvertisers, PR researchers and branding consultants? Renowned academic and coiner of the ‘we are the 99%’ slogan, David Graeber is a passionate advocate for meaningful work. After famously condemning the 21st century phenomenon of ‘bullsh*t jobs’, in this short animation he investigates the philosophical underpinnings of employment, and calls for a reformulation of what work should be.

    https://www.youtube.com/watch?v=tpoJIkqEXYo

    Animation par https://jackdubben.com

    #travail #bullshit_jobs #animation

    http://zinc.mondediplo.net/messages/39135 via BoOz

  • Le #revenu_universel, généalogie d’une utopie
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/04/21/le-revenu-universel-genealogie-d-une-utopie_4906393_3232.html

    Une variante de cette filiation «  communiste  », plus radicale et incarnée par le philosophe André Gorz (1923-2007), l’un des inspirateurs de l’écologie politique, considère le ­ «  revenu d’autonomie  » comme le moyen de s’affranchir de l’aliénation du #travail imposée par le #capitalisme. Le revenu de base devient ainsi le moyen de refuser les #emplois sous-payés ou privés de tout sens social (ceux que l’anthropologue américain David Graeber appelle les «  #bullshit_jobs  », littéralement «  les emplois de merde  »), pour pouvoir vivre d’activités socialement utiles, mais que le marché ne rémunère pas forcément (par exemple, le travail associatif). Il permettrait aussi, notait le philosophe Michel Foucault (1926-1984), qui en était partisan, de se libérer du contrôle social étatique et stigmatisant attaché à la vérification des «  droits sociaux  » – un «  bénéfice secondaire  » d’ailleurs également mis en avant par… les libéraux  !

    http://zinc.mondediplo.net/messages/24443 via BoOz

  • Absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer
    http://abonnes.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html?xtmc=bullshit_jo

    c’est un article signé de David Graeber, « Sur le phénomène des jobs à la con », qui avait conceptualisé les #bullshit_jobs. Anthropologue à la London School of Economics, amateur de pantalons en flanelle et de barricades altermondialistes – il est venu à la rencontre des militants de #Nuit_Debout, à Paris, à la mi-avril, et était l’un des piliers du mouvement Occupy Wall Street –, ce chercheur américain affirmait que les progrès technologiques, loin de réaliser la prophétie de Keynes, qui imaginait l’avènement d’une semaine limitée à quinze heures travaillées, auraient à l’inverse permis l’explosion et la prédominance du secteur administratif. « Dans la théorie économique du capitalisme (…), la dernière chose que le marché et l’entreprise sont censés faire, c’est de donner de l’argent à des travailleurs qui ne servent à rien, écrit David Graeber. C’est pourtant bien ce qu’il se passe ! La plupart des gens travaillent efficacement probablement pendant quinze heures par semaine, comme l’avait prédit Keynes, et le reste du temps, ils le passent à critiquer l’organisation, organiser des séminaires de motivation, mettre à jour leurs profils Facebook et télécharger des séries TV. »

    #travail #temps_libre

    http://zinc.mondediplo.net/messages/24442 via BoOz

    • L’automatisation des emplois administratifs soulagerait peut-être les détenteurs de bullshit jobs, conclut The Economist. Mais il y a peu de chance qu’émerge une nouvelle génération de métiers « passionnants et pleins de sens. (…) Il est assez probable que les jobs à la con dans l’administration ne soient qu’une transition entre les jobs à la con dans l’industrie et pas de job du tout. »

      #informatisation

    • L’article de 2013 dans The Economist se trouve là :

      http://www.economist.com/blogs/freeexchange/2013/08/labour-markets-0?fsrc=rss

      We can’t be certain that the robots are coming for all our jobs. Disemployment in administrative jobs could create new, and perhaps highly remunerative, work in sectors or occupations we can’t yet anticipate. If we’re lucky, that work will be engaging and meaningful. Yet there is a decent chance that “bullshit” administrative jobs are merely a halfway house between “bullshit” industrial jobs and no jobs at all. Not because of the conniving of rich interests, but because machines inevitably outmatch humans at handling bullshit without complaining.

      Et l’article de Graeber est ici :
      http://strikemag.org/bullshit-jobs

  • L’avènement de la #société de #prédation, conséquence du remplacement du #travail de l’homme par la "machine | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?L-avenement-de-la-societe-de-1217

    Cet article développe trois séries de thèses. La première est que nous allons assister inexorablement et définitivement à un « grand remplacement » du travail humain par les machines et les robots, que ce grand remplacement est déjà bien amorcé et que c’est lui qui explique simultanément l’explosion des #inégalités, la montée du #chômage et celle de la #criminalité. La deuxième soutient que ce premier grand remplacement en engendre un second, le remplacement des activités productives et utiles par ce que David Graeber nomme des « bullshit jobs », traduisons des boulots à la con, des métiers improductifs qui ne servent qu’à assurer le contrôle social. La troisième est qu’il convient de transformer cette malédiction du grand remplacement en une bénédiction de la libération du temps grâce à l’instauration d’un #revenu de base financé par une création monétaire démocratique (une forme de quantitative easing à l’usage du peuple et non des banques). Pour ma part, je ne crois absolument pas en la possibilité d’un financement du revenu de base par la planche à billets, si c’est bien de cela qu’il s’agit in fine. En ce qui concerne la deuxième série de thèses, ll me semble qu’elle souffre d’un usage insuffisamment précis de la notion de travail improductif. En revanche, la première série de thèses m’apparaît malheureusement (ou heureusement ? ) de plus en plus plausible. Or on voit bien l’ampleur des problèmes qu’elle soulève : une grande partie de l’humanité est en passe de devenir inutile, énorme masse d’homme et de femmes « en trop » au regard des normes utilitaristes actuellement régnantes. C’est donc un tout autre monde qu’il s’agit d’inventer. Un monde convivialiste ? A.C.

    #bullshit_jobs