• L’ultime et coûteuse distinction
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    Se distinguer dans la mort n’est pas à la portée du premier venu. Surtout à Paris, où le prix du mètre cube des cimetières huppés dépasse largement celui déjà fort élevé du mètre carré pour vivants.

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    Se distinguer dans la mort n’est pas à la portée du premier venu. Surtout à Paris, où le prix du mètre cube des cimetières huppés dépasse largement celui déjà fort élevé du mètre carré pour vivants. Mais quand on a le sentiment d’avoir compté sur terre, on ne compte pas à l’heure de l’enterrement. Un trou bien placé se négocie difficilement en dessous de quinze mille euros, sans compter les frais de coffrage d’obsèques et, bien sûr le monument. Paris reproduit par ses cimetières la hiérarchie de l’existence. Les places intra muros étant chères et rares, les revenus moyens iront voir à Pantin (93), Bagneux (92) ou à Thiais (94). Du bon côté des boulevards des maréchaux, les cimetières de Montmartre, du Montparnasse et du Père Lachaise sont officiellement complets.

    Cependant, ceux qui ne possèdent pas de place réservée dans un caveau de famille peuvent obtenir leurs concessions en jouant de relations à la Mairie de Paris. Le renom et, mieux encore, la célébrité facilitent les démarches. Le choix du cimetière est un marqueur social. Montmartre est tout à la fois un sanctuaire bourgeois et un salon, où l’on reposera auprès de Madame Récamier et frères Jules et Edmond de Goncourt. Stendhal apprécie peut-être.

    C’est aussi une scène, depuis Offenbach et ses librettistes Meihlac et Halévy, jusqu’à Michel Berger et Dalida. Au détour d’une allée, on apprendra à relativiser la dernière demeure, en découvrant l’épitaphe du poète Henri Heine : « passant, ici se trouvent les os du malheureux poète, comme il regrette que ce ne soient pas les tiens ! ». De l’autre côté de la Seine, l’esprit de la rive gauche se concentre à Montparnasse, où Topor rit toujours, en songeant à ses voisins, Sartre et Simone de Beauvoir, Marguerite Duras ou Eugène Ionesco. C’est aussi à Montparnasse que Gainsbourg est allé voir si Dieu est vraiment un fumeur de Havane. Le cimetière a évolué avec le quartier, passant de la bohème au grand chic intellectuel. Mais il n’y a pas de cimetière modeste à Paris.

    Celui du Père Lachaise accueillait déjà des gloires, Molière, Auguste Comte ou Balzac, quand il était environné de quartiers misérables. Cette situation géographique lui a valu d’être, en mai 1871, le dernier refuge des combattants de la Commune de Paris, fusillés au mur des Fédérés. Ce souvenir et celui des défilés commémoratifs des partis ouvriers ont donné au Père Lachaise une connotation de gauche. L’aristocratie communiste possédait son carré. Le funérarium, le seul à Paris, favorise les ultimes manifestations d’athéisme. Avec ou sans incinération, on ne saurait faire mieux qu’un cérémonie dans la grande salle, qui permet de finir sous la coupole.

    Désormais Jim Morrison attire plus de pèlerins que les Communards, le gisant de Victor Noir conserve sa réputation sulfureuse et le Père Lachaise est à l’image des quartiers environnants. Il est la dernière demeure des bobos qui peuvent rejoindre le premier couple emblématique de la gauche dorée, Simone Signoret et Yves Montand. A Paris, la mort ressemble à la vie : elle est réservée à quelques castes très parisiennes. Des bourgeois, supposés décalés, les plus traditionnels préfèrent Neuilly, ou mieux encore, le caveau de famille de leur terre d’origine.

    #enterrement
    #mort
    #business-de-la-mort

    • Un bel enterrement n’est pas une improvisation. Il faut y consacrer sa vie.

      Propos de O.L. Barenton, confiseur, Auguste Detoeuf, 1948

      Ouvrage parfaitement incontournable.
      La citation ci-dessus doit être la première phrase du sous-chapitre : Dispositions à prendre pour s’assurer un bel Enterrement