Un Québec branché, mais à quel prix ? Alex Boissonneault - Radio Canada
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À Saint-François-Xavier-de-Viger, dans le Bas-Saint-Laurent, les contribuables ont dû débourser 30 000 $ pour brancher un seul foyer au réseau haute vitesse. À quelques kilomètres de là, à Notre-Dame-des-Neiges, Québec et Ottawa ont investi ensemble environ 4,32 millions de dollars pour le branchement de 368 clients.
Il aura fallu 20 ans et les efforts d’au moins quatre gouvernements successifs pour y arriver, mais il semble que tous les Québécois qui le souhaitent pourront se brancher à Internet haute vitesse d’ici le 30 septembre, soit à quelques jours des prochaines élections générales. C’était d’ailleurs une promesse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018, une promesse qui aura coûté son pesant d’or.
Radio-Canada a colligé les données relatives au financement des programmes Éclair I, II et III pour procéder au branchement de l’ensemble du territoire. En tout, les contribuables québécois ont investi à eux seuls 1,3 milliard de dollars pour brancher un peu moins de 250 000 clients. À cela s’ajoutent plus de 450 millions investis par Ottawa.
Pour respecter son engagement dans un premier mandat, le premier ministre Legault n’a pas ménagé ses efforts. Les exemples foisonnent de clients branchés individuellement à fort prix, avec des sommes investies dépassant fréquemment 10 000 $ par résidence et atteignant parfois 25 000 $ pour un seul client.
Les programmes Éclair I et Éclair II
Source : Ministère du Conseil exécutif
Branchement de municipalités
Source : Ministère du Conseil exécutif
Les tableaux en clair sur l’article de radio Canada
Il s’agit d’une manne pour plusieurs entreprises. Bell, par exemple, a reçu 1 million de dollars pour “sécuriser la desserte des foyers déjà desservis aux îles de la Madeleine”. Avec Cogeco, Vidéotron et Telus, elle fait partie des entreprises qui ont récolté la plus grande part des investissements.
Ces joueurs ont aussi investi dans l’opération, mais à des niveaux bien en deçà de ceux des gouvernements fédéral et provincial. Par exemple, dans le Bas-Saint-Laurent, la part des entreprises était de 3 millions de dollars sur les 29 millions nécessaires pour brancher les nouveaux clients.
Elon Musk en renfort
Selon nos informations, en plus des grandes entreprises de télécommunications présentes au Québec, la promesse de la CAQ
profitera à une figure bien connue de la haute finance internationale : Elon Musk.
L’adjoint parlementaire du premier ministre, aussi responsable du dossier Internet, Gilles Bélanger, devrait annoncer lundi en conférence de presse que le gouvernement compte sur la constellation satellitaire Starlink, une propriété de SpaceX, pour compléter le branchement.
Lors de l’étude des crédits budgétaires, il a confirmé que de 180 000 à 190 000 foyers ne sont pas encore desservis, mais sont sur le point de l’être, à raison d’une cadence de 30 000 branchements par mois.
Ce qui laisse 8000 foyers dits “orphelins”, dont le branchement serait beaucoup trop onéreux par des moyens traditionnels, selon une source. Or ces clients ne seront pas abandonnés à leur sort : Québec devrait leur fournir l’équipement, dont la coupole, pour se brancher au réseau satellite du nouveau propriétaire de Twitter.
Le foyer devrait par la suite assumer au moins une partie de l’abonnement mensuel, de façon à avoir accès à un service équivalent, et au même prix, que celui qu’il recevrait en milieu urbain.
Le Québec à l’avant-garde
Lors de son annonce lundi, Gilles Bélanger, député d’Orford, devrait aussi révéler une carte interactive pour permettre aux Québécois de mesurer l’avancement du projet.
Il sera donc possible de savoir où se trouvent les endroits dont l’accès au réseau haute vitesse est encore difficile et où se trouvent les derniers foyers orphelins.
Malgré les investissements énormes et le travail qui reste à faire, le premier ministre François Legault voit déjà dans l’opération une raison de célébrer. “C’est intéressant de dire qu’au moment où on se parle, on est à 94 % branchés au Québec, alors que l’Ontario est à 88 %, et l’Alberta, à 87 %.”
En commission parlementaire, il s’est félicité que le Québec soit devenu un chef de file du branchement haute vitesse au Canada.
Un investissement nécessaire
Pour le président de la Fédération québécoise des municipalités, Jacques Demers, il ne fait aucun doute que le jeu en vaut la chandelle.
« Dites-moi à quel prix il aurait fallu arrêter de brancher ? Il y a eu un temps où on mettait de l’électricité au Québec ; on ne s’est pas arrêté parce qu’une ferme était située deux kilomètres plus loin. »
-- Une citation de Jacques Demers, président de la Fédération québécoise des municipalités
Non seulement s’agit-il pour lui d’une question d’équité, dans un Québec qui a décidé d’occuper ses régions, mais il rappelle que ce branchement aura aussi des retombées économiques positives.
Avec la collaboration d’Hugo Lavallée
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