#câble_diplomatique

  • De la mauvaise utilisation des #wikileaks...

    Il y a un aspect particulièrement navrant dans l’utilisation journalistique des #Wikileaks, qui consiste à considérer que, puisque ce sont des échanges diplomatiques secrets révélés, alors ils révèlent « la réalité ».

    Or, ces échanges ne révèlent pas la réalité du terrain, mais :
    – ce que les américains pensent être la réalité,
    – les échanges qu’ils ont eu avec leurs interlocuteurs.

    Si les « diplomates » américains se trompent sur la réalité du terrain, alors ce sont bien des erreurs qu’ils échangent avec Washington. L’intérêt du #cablegate n’est pas, alors, d’être pris au pied de la lettre : l’intérêt, c’est qu’il révèle ce que croient les américains.

    Si un interlocuteur livre une information à un américain, et que cette information est reproduite dans un #cablegate, cela ne valide en rien l’information elle-même. L’intérêt, ici, est uniquement de savoir qu’Untel a dit quelque chose aux Américains.

    Exemple stupéfiant dans cette dépêche de l’AFP reprise par le Monde : « Téhéran a utilisé des ambulances pour passer des armes au Hezbollah »
    http://www.lemonde.fr/international/article/2010/11/29/teheran-a-utilise-des-ambulances-pour-passer-des-armes-au-hezbollah_1446273_

    "L’Iran a utilisé des ambulances du Croissant-Rouge pour acheminer armes et agents au Liban durant la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah libanais, révèle lundi un câble diplomatique américain dévoilé par WikiLeaks.
    Le câble de 2008, émanant de Dubaï, cite une source iranienne selon laquelle le Croissant-Rouge iranien servait de couverture à des membres des gardiens de la Révolution, le corps idéologique d’élite des forces armées iraniennes, pour qu’ils infiltrent le Liban pendant le conflit. "Les véhicules du Croissant-Rouge transportant du matériel médical servaient aussi à acheminer des chargements d’armes", peut-on lire dans le câble, publié sur le site de WikiLeaks."

    C’est assez hallucinant de nullité journalistique. Parce que c’est sorti dans #cablegate, l’information serait directement avérée et, pour l’AFP et le Monde, le conditionnel ne serait plus nécessaire (« L’Iran a utilisé... »).

    Or, la seule révélation, c’est :
    – que quelqu’un à Dubaï a dit aux Américains que les Iraniens faisaient ça ;
    – que les Américains ont trouvé cette info suffisamment utile pour la faire passer à Washington.

    Mais :
    – ce quelqu’un peut se tromper,
    – ce quelqu’un peut mentir parce qu’il a un agenda à respecter (et concernant l’#Iran, le #Liban et le #Hezbollah, tout le monde a un agenda...),
    – on peut penser que les ambassades balancent tout ce qui va plaire à Washington, puisque depuis Bush, l’utilisation politique des informations est permanente (de nombreux textes ont par exemple analysé l’auto-intoxication que la politisation du renseignement a produit, systématiquement, au Pentagone).

    Exemple : si un « ami libanais » des Américains, en 2006, était aller leur raconter que le Hezbollah utilise des civils comme boucliers humains et stocke ses missiles dans les caves des immeubles d’habitation où se réfugient des enfants, évidemment que ça se serait retrouvé dans un #câble_diplomatique (« une source nous a révélé que... »). Alors quoi, aujourd’hui, le Monde citerait cette connerie sans conditionnel au seul motif que cette manipulation était contenue dans un rapport secret ?

    • Il y avait le même biais dans la livraison de Wikileaks sur l’#Irak. Parce que des bidasses américains faisaient des rapports « secrets », révéler ces messages suffisaient pour certains journalistes à rendre leurs « analyses » véridiques.

      Sans prendre en compte que :
      – des bidasses peuvent se tromper ; c’est même à cela qu’on les reconnaît ;
      – des bidasses peuvent mentir, y compris à leur hiérarchie ;
      – des bidasses peuvent être intoxiqués par leurs informateurs ;
      – des bidasses peuvent s’into-intoxiquer, et réfléchir systématiquement dans le cadre de leur propre mode de pensée. (Le bidasse américain, par exemple, ne peut absolument pas penser l’Iraq en dehors de motifs purement confessionnels.)

      Encore une fois, les Wikileaks sur l’Irak ne révélaient pas « la réalité du terrain », mais ce que les Américains perçoivent de la réalité du terrain et ce qu’ils écrivent dans leurs rapports. Secrets ou pas.