• La Tribune : Amazon abandonne ses magasins sans caisse... en réalité gérés par des travailleurs indiens à distance Marine Protais

    Le géant du e-commerce, qui opère également des magasins physiques, renonce à sa technologie Just Walk Out dans ses supermarchés Amazon Fresh aux États-Unis. Ce système permet à ses clients de faire leurs emplettes sans passer par l’étape de la caisse. Mais il nécessite des caméras, des capteurs et surtout le travail de 1.000 travailleurs indiens, donnant l’illusion de l’automatisation.


    Pour faire ses courses dans les supermarchés Amazon, il suffisait d’entrer, de scanner un QR code sur une application, de prendre ses produits et de sortir. (Crédits : Amazon)

    En 2016, on les annonçait comme le futur du commerce. Plus besoin de caissiers, ni de vigiles, ni même de sortir votre portefeuille. Pour faire vos courses dans les supermarchés Amazon, il suffisait d’entrer, de scanner un QR code sur une application, de prendre vos produits et de sortir. Le montant de vos achats était calculé à la sortie du magasin grâce à un système mêlant caméras et capteurs décrit comme automatique, puis directement débité sur votre carte bancaire.

    Mais nous voici en 2024, et le géant du e-commerce, diversifié dans les magasins physiques, abandonne en partie cette technologie, nous apprend le média américain The Information https://www.theinformation.com/articles/amazons-grocery-stores-to-drop-just-walk-out-checkout-tech . Elle sera supprimée des 27 magasins « Amazon Fresh » américains (des supermarchés où l’on trouve des produits frais), où elle était installée. En guise de remplacement, ces magasins seront équipés de caddies « intelligents », capables de scanner automatiquement les produits, rapporte le média d’investigation américain. L’information a ensuite été confirmée auprès d’AP https://apnews.com/article/amazon-fresh-just-walk-out-bb36bb24803bd56747c6f99814224265 par un porte-parole de l’entreprise. Le système Just Walk Out restera pour le moment dans les plus petites boutiques « Amazon Go », et chez la centaine de partenaires de la firme.

    L’illusion de l’automatisation
    Pour se passer de caissier sur place, le système « Just Walk Out » nécessite son lot de caméras et de capteurs, permettant de suivre le client en magasin, mais surtout d’humains, chargés de vérifier à distance les achats des clients via les caméras. The Information rapporte que plus de 1.000 personnes en Inde sont chargées de ce travail.

    En plus de cette automatisation illusoire, le système « Just Walk Out » faisait depuis quelques années l’objet de critiques. Les clients se plaignent de tickets de caisse reçus des heures après leurs achats, ou de commandes mal gérées par le système. En 2023, la firme avait d’ailleurs annoncé une réorganisation de ses magasins, pour rendre les technologies moins visibles et l’ambiance moins froide. Et le rythme d’ouvertures des enseignes avait été revu à la baisse.

    Par ailleurs, la technologie soulève des questions quant à la protection de la vie privée. Fin 2023, plusieurs consommateurs ont lancé une class action, accusant Amazon de collecter les données biométriques des clients, la forme de leur main et de leur visage ainsi que la tonalité de leur voix, via le système Just Walk Out sans demander leur consentement. Une pratique contraire à une loi de l’Illinois sur le traitement des données biométriques.

    Les entrepôts « automatisés » d’Amazon également surveillés par des travailleurs indiens
    Comme le note le chercheur Antonio Casilli, spécialiste du « travail du clic », cette histoire est banale. Sur X, il rappelle qu’en 2023, Time nous apprenait qu’Alexa, l’assistant virtuel de l’entreprise de Seattle, fonctionnait grâce à l’écoute de 30.000 travailleurs qui annotaient les conversations des utilisateurs pour améliorer les algorithmes gérant l’assistant.

    Et en 2022, The Verge rapportait que les entrepôts automatisés d’Amazon nécessitaient le travail de vigiles, à distance toujours, de travailleurs au Costa-Rica et en Inde, chargés de regarder les images des caméras plus de 40 heures par semaine pour 250 dollars par mois.

    #IA#intelligence_artificielle : #Fumisterie , #arnaque ou #escroquerie ? #amazon #caméras #capteurs #automatisation #technologie #travail #Entrepôts #algorithmes #Alexa

    Source : https://www.latribune.fr/technos-medias/informatique/amazon-abandonne-ses-magasins-sans-caisse-en-realite-geres-par-des-travail

    • Amazon : pourquoi la tech autonome “Just Walk Out” passe à la trappe
      Confirmation sur le blog d’Olivier Dauvers, le web grande conso

      Amazon vient d’annoncer l’abandon de la technologie Just Walk Out dans ses magasins Fresh aux États-Unis (une cinquantaine d’unités dont la moitié sont équipés). Just Walk Out c’est la techno, totalement bluffante, de magasin autonome sans caisses que je vous ai montrée en vidéo dès 2020 (ici) ou encore à Washington et Los Angeles dans de vrais formats de supermarché Whole Foods (ici et là). 

      Des centaines de caméras dopées à l’IA au plafond couplées à des balances sur les étagères permettent de pister l’intégralité du parcours d’achat du client, lequel s’affranchit du passage en caisse. Bluffant (vraiment) je vous dis. 


      un de ces magasins où l’être humain est bani

      Appelons un chat un chat, pour Amazon, ce revirement est un aveu d’échec cuisant. Car la vente de ses technos est au cœur du modèle économique d’Amazon dans le retail physique. Si le groupe lui-même ne parvient pas à prouver la viabilité de Just Walk Out, quel concurrent irait l’acheter ?

      Ce qu’il faut retenir de cet abandon ? Que les technos de magasins autonomes ne sont, pour l’heure, déployables que sur de (très) petits formats bénéficiant d’un flux clients très élevé. Pour des raisons assez évidentes de Capex/m2… mais aussi de supervision humaine. Car, à date, l’IA seule n’est pas en mesure de gérer tous les scénarios de course (dont les tentatives de démarque), obligeant un visionnage de contrôle par l’humain (localisé dans des pays à bas salaire). 

      #techno #échec

      Source : https://www.olivierdauvers.fr/2024/04/04/amazon-pourquoi-la-tech-autonome-just-walk-out-passe-a-la-trappe

  • L’aménagement forestier, un fiasco franco-camerounais
    https://afriquexxi.info/L-amenagement-forestier-un-fiasco-franco-camerounais
    par #Fanny_Pigeaud

    Le #Cameroun, recouvert à 40 % de forêts tropicales qui fournissent aujourd’hui des produits de base traditionnels à environ 8 millions de personnes selon la Banque mondiale, devient au milieu des années 1990 le pays-pilote de ce modèle. Il n’a pas vraiment le choix : sous ajustement structurel, il y est contraint par ses bailleurs de fonds occidentaux, dont la France et la Banque mondiale. En 1994, le Cameroun est le premier État d’#Afrique_centrale à faire entrer dans sa législation le modèle d’#aménagement_forestier conçu par Paris.

    Le dispositif mis en place prévoit que l’État confie aux #entreprises_forestières, sous le régime de #concession et en général pour trente ans, de vastes superficies de forêts appelées « unités forestières d’#aménagement » (UFA). Chaque UFA couvre jusqu’à 200 000 hectares et est divisée en blocs qui sont exploités les uns après les autres, au fil des ans, sur la base d’un inventaire des #essences. L’objectif final : alimenter le marché mondial du bois. Quasiment tout ce qui sera extrait des UFA, bien souvent par des multinationales, quittera le pays.

    [...]

    Le temps a fini par faire tomber certaines croyances. « Quand la #sylviculture_tropicale moderne est née [au lendemain de la Seconde Guerre mondiale], on pensait que les forêts tropicales étaient beaucoup plus productives, que des cycles de coupe sur 30 ou 40 ans étaient suffisants pour une reconstitution durable sur le long terme du stock de #bois prélevé. Les données scientifiques dont on dispose aujourd’hui montrent que ce n’est pas le cas », explique Plinio Sist, écologue des #forêts_tropicales spécialisé sur l’Amazonie et chercheur du #Cirad.

  • Au #Cameroun, la #chasse aux #trophées heurte les droits des « premiers gardiens de la #forêt » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280224/au-cameroun-la-chasse-aux-trophees-heurte-les-droits-des-premiers-gardiens

    Peu de retombées économiques, des problèmes sociaux : le Cameroun n’est pas une exception. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (#UICN), ce type de chasse en #Afrique ne permet de financer qu’une petite partie des montants nécessaires à la #conservation et ses retombées socioéconomiques sont faibles.

    Comment s’en étonner ? « Les zones de chasse ont été d’abord créées pour la récréation des utilisateurs », rappelle Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’#environnement et le #développement (CED), une ONG basée à Yaoundé. Elles font partie « d’un type de gestion extractive, d’un schéma très ancien, qui n’a pas été construit à l’origine pour défendre les intérêts des #populations, mais qu’on essaie désormais d’accommoder à la sauce “développement durable” et “changement climatique” ».

    Pour améliorer la situation, les safaris doivent obliger leurs employés à respecter les droits des #Baka, insiste Honoré Ndjinawé. Il faut revoir l’ensemble du système, juge de son côté l’acteur de la conservation cité plus haut : « On devrait pouvoir s’appuyer davantage sur la population locale pour sauvegarder les forêts et la faune qu’elle connaît mieux que quiconque et a toujours su protéger. »

    C’est aussi ce que pense Pepito Meka Makaena, qui ne veut plus de #chasse_sportive dans sa zone : « La forêt doit rester libre d’accès. On peut organiser la #lutte_antibraconnage et imaginer un autre type de protection qui ne met pas la population en difficulté. »

  • Comment l’UE a fermé les yeux sur le refoulement illégal de migrants par la #Bulgarie avant son adhésion à Schengen

    Des documents internes de Frontex révèlent des violations répétées. Malgré des alertes répétées, la Commission européenne salue les « résultats excellents » de la Bulgarie, qui s’apprête à rejoindre l’espace Schengen.

    Au printemps 2022, Ali, un Syrien de 16 ans, entre dans un centre d’accueil à Sofia (Bulgarie) pour demander une protection au titre de l’asile et un regroupement familial avec sa mère et ses cinq autres frères et sœurs, restés en Syrie et au Liban.

    Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Au lieu de voir sa demande traitée, il est emmené dans un endroit qui, dit-il, « ressemble à une prison ». Pendant la nuit, comme une cinquantaine d’autres personnes, il est embarqué dans une voiture de la police des frontières et reconduit jusqu’à la frontière turque, à 300 kilomètres de là, sans recevoir la moindre information sur ses droits à l’asile.

    « Ils nous ont fait marcher jusqu’à une #clôture équipée de caméras. Après avoir franchi la clôture, il y avait comme un canal. En même temps, ils frappaient les gens, se remémore le garçon. Ils ont tout pris et m’ont frappé dans le dos, sur la tête. Après cela, ils m’ont jeté dans le canal. » Le groupe est invité à retourner en #Turquie et ne jamais revenir.

    Les refoulements, une « pratique courante »

    Les témoignages de refoulements (ou pushbacks, en anglais) comme celui d’Ali sont généralement réfutés par le gouvernement bulgare. Mais de nombreux abus ont été documentés par l’organe de surveillance des droits humains de Frontex au cours des dix-huit derniers mois, selon une série de documents internes de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes consultés par le réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN) et publiés par Le Monde. Ces documents, obtenus grâce aux lois de transparence européennes, décrivent avec force détails des #brutalités commises par des agents bulgares participant aux opérations de Frontex : coups de bâton, #déshabillage de force, #vols d’effets personnels, #agressions verbales et #blessures graves infligées par des chiens, etc.

    Les documents montrent également que les preuves étayant ces pratiques illégales ont été dissimulées non seulement par les autorités bulgares, mais aussi par les hauts fonctionnaires de Frontex et de la Commission européenne. Dans le même temps, l’exécutif européen saluait les « excellents » progrès réalisés par la Bulgarie en matière de #gestion_des_frontières, facilitant l’adhésion du pays à l’espace Schengen – les contrôles aux frontières aériennes et maritimes seront levés le 31 mars, tandis que les contrôles terrestres restent en place pour l’instant.

    Les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains locales et internationales alertent depuis de nombreuses années sur les refoulements violents en Bulgarie. Selon des données compilées par le Comité Helsinki de Bulgarie, 5 268 refoulements, touchant 87 647 personnes, auraient eu lieu au cours de la seule année 2022.

    Plusieurs experts affirment que la plupart des 325 000 entrées de migrants que le gouvernement bulgare revendique avoir « empêchées » depuis 2022 sont en fait des refoulements illégaux. « Ces personnes ont été interceptées à l’intérieur du pays. Nous ne parlons donc pas d’entrées empêchées, mais de retours », explique Iliyana Savova, directrice du programme pour les réfugiés et les migrants du Comité Helsinki de Bulgarie. « C’est un secret de Polichinelle que les gens sont repoussés. De tels ordres existent », admet, sous le couvert de l’anonymat, un haut fonctionnaire du gouvernement bulgare.

    Les preuves s’accumulent tellement que le Bureau des droits fondamentaux de Frontex (FRO) considère « établi » que les refoulements, « impliquant souvent des niveaux élevés de #violence et d’autres #traitements_inhumains_ou_dégradants », sont « une pratique régulière de la police des frontières bulgare », selon un bilan des « rapports d’incidents graves » couvrant la période 2022-2023 obtenu dans le cadre de cette enquête.

    Un lanceur d’alerte en mission discrète

    Pour l’Union européenne (UE), la situation est d’autant plus problématique que son agence des frontières collabore directement sur le terrain avec les forces de sécurité bulgares. Depuis 2022, dans le cadre de l’opération conjointe #Terra, Frontex a déployé des équipes de #gardes-frontières, des véhicules de patrouille et des #caméras_de_thermovision pour aider les autorités bulgares dans leurs activités de #surveillance aux frontières turque et serbe.

    En août 2022, un #rapport inquiétant atterrit sur le bureau de Jonas Grimheden, le chef du FRO. Il émane d’un agent de Frontex qui a mené une enquête de sa propre initiative lors d’un déploiement de six mois à la frontière avec la Turquie. Il révèle que les agents de Frontex sont tenus intentionnellement à l’écart des zones où les migrants sont généralement appréhendés et repoussés. « Lorsque des situations se produisent, le collègue local reçoit les indications pour déplacer l’équipe Frontex, en évitant certaines zones, note le lanceur d’alerte. Ils ont pour instruction d’empêcher Frontex de voir quoi que ce soit, pour éviter qu’ils rédigent un rapport officiel. »

    Pour l’eurodéputée écologiste Tineke Strik, cheffe de file d’un groupe d’eurodéputés chargé de surveiller Frontex, ces conclusions soulèvent de sérieux doutes quant à la capacité de l’agence à garantir le respect des droits humains dans le cadre de ses activités : « Il est étonnant qu’une agence de l’UE soit toujours incapable de faire respecter le droit européen après tant d’enquêtes institutionnelles, de rapports, de recommandations et d’avertissements. »

    Dans les mois qui suivent le rapport du lanceur d’alerte, Jonas Grimheden fait part de ses préoccupations croissantes concernant la conduite des agents frontaliers bulgares aux échelons supérieurs de Frontex, dont le siège se trouve à Varsovie.

    L’agence s’attache alors à restaurer sa réputation, ternie par la révélation de sa complicité dans les refoulements illégaux de migrants en Grèce. En avril 2022, son directeur, Fabrice Leggeri – qui vient de rallier le Rassemblement national en vue des élections européennes –, a été contraint de démissionner après avoir été reconnu coupable par l’Office européen de lutte antifraude d’avoir dissimulé des refoulements de bateaux de migrants en mer Egée.

    Aija Kalnaja, qui lui a succédé à la direction de Frontex pour un court intérim, semble prendre les avertissements du FRO au sérieux. En février 2023, elle exprime de « vives inquiétudes » dans une lettre adressée à Rositsa Dimitrova, alors cheffe de la direction des frontières bulgare, recommandant aux autorités du pays d’accorder au corps permanent de l’agence l’accès aux « contrôles de première ligne et aux activités de surveillance des frontières ».

    Dans sa réponse, #Rositsa_Dimitrova assure que « le respect des droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers est une priorité absolue ». Disposée à organiser des séances d’information et des formations à l’intention de ses gardes-frontières, la responsable bulgare explique que chaque violation présumée des droits est examinée par une commission constituée par ses soins. Insuffisant, pour le FRO, qui préférerait un contrôle rigoureux par un « organisme indépendant opérant en dehors de la structure institutionnelle du ministère de l’intérieur bulgare ». Cinq agents ont été sanctionnés pour avoir violé leur code de conduite éthique au cours des dix premiers mois de 2023, précise aujourd’hui le ministère de l’intérieur bulgare.

    Une lettre jamais envoyée

    Au début de 2023, le Néerlandais Hans Leijtens est nommé à la tête de Frontex. On peut alors s’attendre à ce que ce nouveau directeur, engagé publiquement en faveur de la « responsabilité, du respect des droits fondamentaux et de la transparence », adopte une position ferme à l’égard des autorités bulgares. « Ce sont des pratiques du passé », déclare-t-il après sa nomination, en référence aux antécédents de Frontex en matière d’aide aux refoulements en Grèce.

    Soucieux de saisir l’occasion, Jonas Grimheden, à la tête du FRO, lui écrit deux jours après sa prise de fonctions, en mars 2023. Le courriel contient un projet de lettre « que vous pouvez envisager d’envoyer, en tout ou en partie », à Rositsa Dimitrova. La lettre rappelle les « allégations persistantes de retours irréguliers (appelés “refoulements”), accompagnées de graves allégations de #mauvais_traitements et d’#usage_excessif_de_la_force par la police nationale des frontières à l’encontre des migrants » et demande des enquêtes indépendantes sur les violations des droits. Ce brouillon de lettre n’a jamais quitté la boîte de réception d’Hans Leijtens.

    Quelques semaines plus tard, en mars 2023, le #FRO envoie un rapport officiel au conseil d’administration de Frontex, évoquant le « risque que l’agence soit indirectement impliquée dans des violations des droits fondamentaux sans avoir la possibilité de recueillir toutes les informations pertinentes et d’empêcher ces violations de se produire ».

    M. Leijtens a-t-il fait part aux autorités bulgares des conclusions du FRO ? Sollicité, le service de presse de Frontex explique que « les discussions directes ont été jugées plus efficaces », sans pouvoir divulguer « les détails spécifiques des discussions ».

    Une contrepartie pour Schengen ?

    Alors que ce bras de fer se joue en coulisses, sur la scène politique, la Bulgarie est érigée en élève modèle pour le programme de contrôle des migrations de la Commission européenne, et récompensée pour le durcissement de ses #contrôles_frontaliers, en contrepartie de l’avancement de sa candidature à l’entrée dans l’espace Schengen.

    En mars 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annonce un #projet_pilote visant à « prévenir les arrivées irrégulières » et à « renforcer la gestion des frontières et des migrations », notamment par le biais de « #procédures_d’asile_accélérées » et d’#expulsions_rapides des migrants indésirables. La Commission sélectionne deux pays « volontaires » : la #Roumanie et la Bulgarie.

    Pour mettre en œuvre le projet, la Commission accorde à la Bulgarie 69,5 millions d’euros de #fonds_européens, principalement destinés à la surveillance de sa frontière avec la Turquie. « Toutes les activités menées dans le cadre de ce projet pilote doivent l’être dans le plein respect de la législation de l’UE et des droits fondamentaux, en particulier du principe de non-refoulement », précise d’emblée la Commission.

    Pourtant, à ce moment-là, l’exécutif bruxellois est parfaitement conscient de la situation désastreuse des droits humains sur le terrain. Deux mois avant le lancement du projet, en janvier 2023, deux hauts fonctionnaires de la direction des affaires intérieures (DG Home) ont rencontré à Stockholm la patronne des gardes-frontières bulgares « pour discuter des préoccupations du FRO concernant les allégations de #violations_des_droits_fondamentaux », révèle un compte rendu de la réunion.

    Au fil de l’avancement du projet pilote, les signaux d’alerte se multiplient. En septembre 2023, Jonas Grimheden alerte une nouvelle fois le conseil d’administration de Frontex sur des « allégations répétées de (…) refoulements et d’usage excessif de la force » par les agents bulgares. Si son rapport salue la participation des agents de Frontex aux « activités de patrouille terrestre de première ligne », il rappelle que ces derniers « continuent d’être impliqués dans un nombre limité d’interceptions » de migrants.

    Au cours du projet, deux documents sur les « droits fondamentaux » aux frontières extérieures de la Bulgarie ont circulé au sein de la DG Home. La Commission européenne a refusé de les communiquer au BIRN, arguant que leur divulgation mettrait en péril la « confiance mutuelle » avec le gouvernement bulgare.

    « Les résultats sont excellents »

    La participation de la Bulgarie au projet pilote de la Commission semble avoir joué un rôle crucial pour faire avancer son projet de rejoindre Schengen – un objectif prioritaire depuis plus d’une décennie. Il coïncide en tout cas avec un changement de ton très net du côté de Bruxelles et Varsovie, qui ont dès lors largement balayé les inquiétudes concernant les mauvais traitements infligés à grande échelle aux migrants.

    « Les résultats sont excellents », annonce Ylva Johansson lors d’une conférence de presse en octobre 2023. La commissaire européenne aux affaires intérieures, chargée des migrations, salue les efforts déployés par la Bulgarie pour empêcher les migrants « irréguliers » d’entrer sur le territoire de l’UE, appelant à prendre la « décision absolument nécessaire » d’admettre la Bulgarie dans l’espace Schengen. Cette décision est alors bloquée depuis des mois par les Pays-Bas et l’Autriche, qui exigent des contrôles plus stricts à la frontière terrestre avec la Turquie. Quelques semaines auparavant, Ursula von der Leyen avait salué la Bulgarie, qui « montre la voie à suivre en mettant en avant les meilleures pratiques en matière d’asile et de retour ». « Faisons-les enfin entrer, sans plus attendre », avait réclamé la présidente de la Commission.

    Selon Diana Radoslavova, directrice du Centre pour le soutien juridique, une ONG sise à Sofia, la fermeture effective de la frontière avec la Turquie est indispensable à l’entrée de la Bulgarie dans l’espace Schengen. « [Les autorités] sont prêtes à tout pour respecter cette injonction, y compris au prix de violations extrêmes des droits de l’homme », estime l’avocate. « Tant que la Bulgarie coopère en bonne intelligence avec la protection des frontières et la mise en œuvre du projet pilote, la Commission regarde ailleurs », ajoute l’eurodéputée Tineke Strik.

    Pour défendre la candidature de Sofia à l’espace Schengen, la Commission européenne s’est appuyée sur le rapport d’une mission d’enquête rassemblant les experts de plusieurs agences de l’UE et des Etats membres, dépêchés en novembre 2023 en Bulgarie pour évaluer son état de préparation à l’adhésion. La mission n’aurait trouvé aucune preuve de violation des obligations en matière de droits humains prévues par les règles européennes, y compris en ce qui concerne « le respect du principe de non-refoulement et l’accès à la protection internationale ».

    Ce rapport n’a pas dissipé les inquiétudes de Jonas Grimheden, qui affirme que ses services font encore « régulièrement » part de leurs « préoccupations » au conseil d’administration de Frontex, « auquel participe la Commission européenne ».
    Cette enquête a été produite en collaboration avec le réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), qui a reçu un soutien financier de la Fondation Heinrich-Böll. Son contenu relève de la seule responsabilité des auteurs et ne représente pas les points de vue et les opinions de la fondation.

    La réponse de Frontex et de la Commission européenne

    Un porte-parole de Frontex déclare que l’agence prend « très au sérieux » les « préoccupations concernant les refoulements ». « Dans les cas où des violations sont signalées, la question est transmise au directeur exécutif et, si nécessaire, discutée lors des réunions du conseil d’administration avec des représentants des Etats membres. Toutefois, ces discussions ne sont pas publiques, conformément à notre politique de confidentialité visant à garantir un dialogue franc et efficace. »

    Dans une réponse écrite, la Commission européenne rappelle « l’importance de maintenir des éléments de contrôle solides tout en renforçant les actions de suivi et d’enquête ». « Les autorités bulgares, comme celles de tous les Etats membres de l’UE, doivent respecter pleinement les obligations découlant du droit d’asile et du droit international, notamment en garantissant l’accès à la procédure d’asile », explique un porte-parole.

    L’institution précise qu’« il a été convenu de renforcer davantage le mécanisme national indépendant existant pour contrôler le respect des droits fondamentaux », mais qu’« il est de la responsabilité des Etats membres d’enquêter sur toute allégation d’actes répréhensibles ».

    Le Médiateur européen enquête actuellement sur la décision de la Commission de refuser la communication aux journalistes de BIRN de deux documents de la DG Home sur les « droits fondamentaux » aux frontières extérieures de la Bulgarie. Dans l’attente de l’enquête, la Commission a refusé de dire si ces documents avaient été pris en considération lorsqu’elle a émis des évaluations positives du programme pilote et de la conformité de la Bulgarie avec les règles de Schengen.

    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/26/comment-l-ue-a-ferme-les-yeux-sur-le-refoulement-illegal-de-migrants-par-la-

    #refoulements #push-backs #migrations #réfugiés #frontières #opération_Terra

  • Greece is planning a €40m automated surveillance system at borders with North Macedonia and Albania

    The European Commission wants Greece to build an automated wall to prevent some people from leaving the country. Locals are not enthusiastic, but their opinion counts for little.
    Many people holding Syrian, Afghan, Somalian, Bangladeshi or Pakistani passports seeking asylum in the European Union move out of Greece when they have the feeling that their administrative situation will not improve there. The route to other EU countries through the Balkans starts in northern Greece, onward to either North Macedonia or Albania. Greek police, it is said, are quite relaxed about people leaving the country.

    “We have many people who pass our area who want to go to Europe,” says Konstantinos Sionidis, the mayor of Paionia, a working-class municipality of 30,000 at Greece’s northern border. “It’s not a pleasant situation for us,” he adds.

    But leaving via Paionia is getting more difficult. In May 2023, Frontex guards started patrolling at North Macedonia’s border. Near the highway, one young woman from Sierra Leone said she and her friend tried to leave four times in the past month. Once, they got as far as the Serbian border. The other times, they were arrested immediately in North Macedonia at night, coming out of the forest, by Frontex officers asking “Do you want to go to Germany?” (No.) “They don’t want us here [in Greece],” she says. “Let us go!”

    However, the European Commission has plans to make it harder for people to travel through North Macedonia (and other parts of the Western Balkan route). According to a national programming document for the 2021 - 2027 EU “border management” funding for Greek authorities, €47m are budgeted to build an “automated border surveillance system” at Greece’s borders with North Macedonia and Albania. The new system shall explicitly be modeled on the one already deployed at the land border with Türkiye, along the Evros river.
    The virtual border wall

    Evros is described as a surveillance “testing ground.” (https://www.dw.com/en/is-greece-failing-to-deploy-eu-funded-surveillance-system-at-turkish-border-as-intended/a-63055306) In the early 2000s, police used thermal cameras and binoculars to spot people attempting to cross the border. As Greece and other Member-States increased their efforts to keep people out of the EU, more funding came in for drones, heartbeat detectors, more border guards – and for an “automated border surveillance system.”

    In 2021, the Greek government unveiled dozens of surveillance towers, equipped with cameras, radars and heat sensors. Officials claimed these would be able to alert regional police stations when detecting people approaching the border. At the time, media outlets raved about this 24-hour “electronic shield” (https://www.kathimerini.gr/society/561551092/ilektroniki-aspida-ston-evro-se-leitoyrgia-kameres-kai-rantar) that would “seal” (https://www.staratalogia.gr/2021/10/blog-post_79.html#google_vignette) Evros with cameras that can see “up to 15 km” into Türkiye (https://meaculpa.gr/stithikan-oi-pylones-ston-evro-oi-kamer).

    Greece is not the first country to buy into the vision of automated, omnipotent border surveillance. The German Democratic Republic installed automated rifles near the border with West-Germany, for instance. But the origin of the current trend towards automated borders lies in the United States. In the 1970s, sensors originally built for deployment in Vietnam were installed at the Mexican border. Since then, “the relationship between surveillance and law enforcement has been one between salespeople and officers who are not experts,” says Dave Maas, an investigator at the Electronic Frontier Foundation. “Somebody buys surveillance towers, leaves office and three administrations later, people are like: ‘Hey, this did not deliver as promised’, and then the new person is like: ‘Well I wasn’t the one who paid for it, so here is my next idea’.”

    At the US-Mexico border, the towers are “like a scarecrow,” says Geoff Boyce, who used to direct the Earlham College Border Studies Program in Arizona. His research showed that, in cases where migrants could see the towers, they took longer, more dangerous routes to avoid detection. “People are dying outside the visual range of the towers.”

    No data is available that would hint that the Greek system is different. While the Greek government shares little information about the system in Evros, former minister for citizen protection Takis Theodorikakos mentioned it earlier this year in a parliamentary session. He claimed that the border surveillance system in Evros had been used to produce the official statistics for people deterred at the Evros border in 2022 (https://www.astynomia.gr/2023/01/03/03-01-2022-koino-deltio-typou-ypourgeiou-prostasias-tou-politi-kai-ellinik). But thermal cameras, for example, cannot show an exact number of people, or even differentiate people from animals.

    In Evros, the automated border surveillance system was also intended to be used for search-and-rescue missions. Last year, a group of asylum-seekers were stranded on an islet on the Evros river for nearly a month. Deutsche Welle reported that a nearby pylon with heat sensors and cameras should have been able to immediately locate the group. Since then, authorities have continued to be accused of delaying rescue missions.

    “At the border, it is sometimes possible to see people stranded with your own eyes,” says Lena Karamanidou, who has been researching border violence in Evros for decades. “And [they] are saying the cameras that can see up to 15 kilometers into Türkiye can’t see them.”
    Keeping people in

    In contrast to the system in Evros, the aim of the newly planned automated border surveillance systems appears to be to stop people from leaving Greece. Current policing practices there are very different from those at Evros.

    At Greece’s border with North Macedonia, “we’ve heard reports that the police were actively encouraging people to leave the country,” says Manon Louis of the watchdog organization Border Violence Monitoring Network. “In testimonies collected by BVMN, people have reported that the Greek police dropped them off at the Macedonian border.”

    “It’s an open secret,” says Alexander Gkatsis from Open Cultural Center, a nonprofit in the center of Paionia, “everybody in this area knows.”

    Thirty years ago, lots of people came from Albania to Paionia, when there were more jobs in clothing factories and agriculture, many of which are now done by machines. These days, the region is struggling with unemployment and low wages. In 2015, it drew international media attention for hosting the infamous Idomeni camp. Sionidis, the Paionia mayor, says he didn’t know anything about plans for an automated border system until we asked him.

    “The migration policy is decided by the minister of migration in Athens,” says Sionidis. He was also not consulted on Frontex coming to Paionia a few years ago. But he readily admits that his municipality is but one small pawn in a Europe-wide negotiation. “[Brussels and Athens] have to make one decision for the whole European border,” says Sionidis, “If we don’t have the electronic wall here, then we won’t have it at Evros.”

    https://algorithmwatch.org/en/greece-is-planning-a-e40m-automated-surveillance-system-at-borders-w

    #Albanie #Macédoine_du_Nord #frontières #migrations #réfugiés #barrières #fermeture_des_frontières #Grèce #frontières_terrestres #surveillance #contrôles_frontaliers #technologie #complexe_militaro-industriel #Paionia #militarisation_des_frontières #Frontex #border_management #automated_border_surveillance_system #Evros #efficacité #inefficacité #caméra_thermiques #sortie #murs_anti-sortie (comme aux temps de la #guerre_froide)

  • Le roquefort et le camembert en voie d’extinction ? | CNRS Le journal
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-roquefort-et-le-camembert-en-voie-dextinction

    Les fromages hébergent une multitude de micro-organismes capables de transformer le lait. Sélectionnés par l’humain, ces ferments ne sont pas épargnés par les standards de l’industrie agro-alimentaire, au point que les fromages bleus ou le camembert pourraient disparaître.

    Pour produire des fromages en grande quantité, les industriels ont sélectionné des souches de champignons correspondant aux cahiers des charges qu’ils se sont imposés. Les fromages doivent être attrayants, avoir bon goût, ne pas arborer de couleurs déroutantes, ne pas produire de mycotoxines, ces toxines sécrétées par les champignons, et surtout pousser rapidement sur le fromage qu’ils se doivent de coloniser. Ce faisant, le secteur de l’agro-alimentaire a exercé une pression de sélection sur les champignons si grande que les fromages, non fermiers et non protégés par une AOP, présentent aujourd’hui une diversité de micro-organismes extrêmement pauvre.
    Des bleus à bout de souffle

    « On a réussi à domestiquer ces organismes invisibles comme on l’a fait pour le chien, ou le chou, explique Jeanne Ropars. Mais il s’est produit pour les micro-organismes ce qu’il se produit à chaque fois qu’on sélectionne trop drastiquement des organismes, gros ou petits : cela a entraîné une très forte réduction de leur diversité génétique. En particulier chez les micro-organismes, les producteurs n’ont pas réalisé qu’ils avaient sélectionné un seul individu et que ça n’était pas durable à long terme. » Les micro-organismes sont capables de se reproduire de manière sexuée et asexuée, mais c’est le plus souvent la voie asexuée, via la production de lignées clonales, qui a été privilégiée par les industriels pour les multiplier. Résultat : ils ne peuvent plus se reproduire avec d’autres souches qui pourraient leur apporter du matériel génétique neuf, ce qui au bout d’un certain temps induit la dégénérescence de la souche en question.

    Les fromages bleus sont certes menacés mais leur situation est encore bien loin de celle du camembert, qui lui est au bord de l’extinction. Car cet autre symbole du terroir français n’est inoculé que par une seule et même souche de Penicillium camemberti et ce partout sur Terre. Cette souche est un mutant blanc sélectionné en 1898 pour inoculer les bries puis les camemberts dès 1902.
    Jusque dans les années 1950, les camemberts présentaient encore à leur surface des moisissures grises, vertes, ou parfois orangées.

    Problème, cette souche est depuis uniquement répliquée par multiplication végétative. Jusque dans les années 1950, les camemberts présentaient encore à leur surface des moisissures grises, vertes, ou parfois orangées. Mais les industriels peu friands de ces couleurs jugées peu attractives ont tout misé sur l’utilisation de la souche de P. camemberti albinos, complètement blanche et de surcroît duveteuse. C’est ainsi que le camembert a acquis sa croûte immaculée caractéristique.

    L’espèce proche génétiquement de P. camemberti, nommée Penicillium biforme, est aussi présente sur nos fromages car naturellement présente dans le lait cru, et montre une diversité génétique et phénotypique incroyable. On pourrait donc imaginer inoculer nos camemberts et bries avec du P. biforme. Si les amateurs veulent pouvoir continuer à manger du fromage, ils vont devoir apprendre à aimer la diversité des goûts, des couleurs et des textures, parfois au sein d’une même production. Et si notre patrimoine gustatif avait tout à y gagner ? ♦

    #Industrialisation #Industrie_agroalimentaire #Camembert

  • Un long article de synthèse sur un débat en cours : jusqu’à quel point la société française actuelle est-elle marquée par des legs coloniaux ? A retenir, notamment, les noms et analyses des philosophes Souleymane Bachir Diagne et Nadia Yala Kisukidi.
    (la suite de l’article est à lire en vous connectant au site du Monde)

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    Par Nicolas Truong, le 19 janvier 2024

    Si l’histoire des colonisations se renouvelle en France, ses approches théoriques restent déconsidérées par une frange de l’opinion qui en refuse les conclusions et les réduit à leurs aspects les plus controversés.

    C’est une histoire qui travaille les mémoires. Un passé qui pèse sur le présent. La question coloniale ne cesse de hanter la politique nationale. A croire que chaque fracture française réveille ce passé qui a encore du mal à passer. Dans certaines de ses anciennes colonies, notamment africaines, où la France est conspuée et même chassée de pays longtemps considérés comme des prés carrés. Dans ses banlieues paupérisées au sein desquelles les émeutes contre les violences policières ravivent le sentiment du maintien d’une ségrégation sociale, spatiale et raciale héritée de la période coloniale. Dans des stades où La Marseillaise est parfois sifflée.

    Une histoire qui s’invite jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale, où l’usage du terme « métropole » pour désigner la France continentale sans les territoires d’outre-mer est désormais rejeté, car considéré comme colonialiste. Et jusqu’à l’Elysée : après avoir affirmé, lors de la campagne présidentielle de 2017, que la colonisation était un « crime contre l’humanité » qui appartient à un « passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », Emmanuel Macron a finalement estimé, en 2023, qu’il n’avait « pas à demander pardon ». Un ravisement contemporain d’un ressassement idéologique et médiatique permanent contre la « repentance », la « haine de soi » et l’« autoflagellation ».

    Cependant, il semble difficile pour une société d’éviter les sujets qui finissent inexorablement par s’imposer. Il en va de la colonisation comme de la collaboration. La génération Mitterrand et les années Chirac ont été ponctuées par des révélations, débats et discours marquants liés à la période du gouvernement de Vichy. La France d’Emmanuel Macron n’échappe pas à l’actualité de l’histoire de ses anciennes colonies. Car « le passé colonial est partout », résume l’historien Guillaume Blanc, l’un des quatre coordinateurs de Colonisations. Notre histoire, ouvrage collectif dirigé par Pierre Singaravélou (Seuil, 2023).

    (...).

    #colonisation #colonialité #racisme #antiracisme #émancipation #universalisme

    • Suite de l’article :

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

      « Le colonialisme n’est pas achevé »

      Au Sahel, la présence de la France est devenue indésirable. Bien sûr, la stratégie africaine de la Chine comme l’emprise de la Russie, à travers les milices privées du Groupe Wagner, n’y sont pas étrangères. Mais « il faut souligner l’épaisseur historique de ce sentiment », insiste Guillaume Blanc. L’histoire de cette réprobation est « à la fois récente et ancienne », ajoute-t-il, en référence aux analyses d’Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International, selon qui les interventions militaires de la France dans ses anciennes colonies en Afrique – près de cinquante depuis 1960 – ont pérennisé « l’hégémonie française dans ces espaces ». Ainsi, à partir de 2022, lorsque l’armée française quitte le Mali et le Burkina Faso et se replie au Niger, « elle a beau dire y lutter contre le djihadisme, les populations y voient une ingérence française de plus », constate Guillaume Blanc.

      Cette histoire est également plus ancienne et « nous ramène notamment aux années 1950 », explique-t-il, à la lumière des apports de l’historienne Gabrielle Hecht : c’est à cette époque, selon elle, que la France a construit sa prétendue « indépendance énergétique » en exploitant l’uranium du Gabon et du Niger. En échange de prix avantageux, la France soutenait les dirigeants gabonais et nigériens au pouvoir.
      Lire aussi la tribune | Article réservé à nos abonnés « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles »

      C’est pourquoi « les sociétés africaines sont des sociétés postcoloniales, tout simplement au sens où le passé colonial pèse encore sur le présent », observe Guillaume Blanc, qui estime que « la France est, elle aussi, une société postcoloniale ». En effet, rappelle le philosophe Souleymane Bachir Diagne, l’Organisation des Nations unies (ONU) considère toujours que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des territoires « non autonomes », ce qui signifie que leurs populations « ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ». Pour le professeur d’études francophones à l’université Columbia (New York), « cela veut dire que la majorité des nations qui composent l’ONU, et qui pour la plupart ont conquis leur souveraineté contre le colonialisme, estime que le mouvement des décolonisations, qui a défini l’histoire du XXe siècle, n’est pas achevé ».

      Souleymane Bachir Diagne rappelle une situation encore assez méconnue. Car si les recherches sur les colonisations et décolonisations sont nombreuses, novatrices et fécondes, la diffusion de ces savoirs reste parcellaire. Afin d’enseigner l’histoire de la colonisation et aussi « combattre les clichés », Guillaume Blanc, maître de conférences à l’université Rennes-II, trouve « assez utile » de partir des chansons, des bandes dessinées ou des films lors de ses cours sur les sociétés africaines et asiatiques du XIXe au XXIe siècle. Dans les amphithéâtres, l’auteur de Décolonisations (Seuil, 2022) n’hésite pas à diffuser le tube de Michel Sardou Le Temps des colonies (1976), où l’on entend : « Y a pas d’café, pas de coton, pas d’essence en France, mais des idées, ça on en a. Nous on pense », ou à évoquer certains albums d’Astérix « qui parlent de “nègres” aux lèvres protubérantes et ne sachant ni lire ni écrire ».

      La popularité du couscous

      D’autres contributeurs de Colonisations, comme la linguiste et sémiologue Marie Treps, s’attachent à l’actualité des « mots de l’insulte », comme « bougnoul », emprunté à la langue wolof où il signifie « noir », apparu au Sénégal à la fin du XIXe siècle, terme vernaculaire transformé en sobriquet « lourdement chargé de mépris » qui désigne désormais « un étranger de l’intérieur ». Les experts du fait colonial mobilisent l’analyse des objets ou de la cuisine – avec la popularité du couscous ou du banh mi – mais aussi du paysage urbain, comme le géographe Stéphane Valognes, qui montre la façon dont les rues de Cherbourg (Manche) portent encore les traces de la conquête coloniale, avec ses maisons de style néomauresque et ses rues estampillées du nom d’anciens généraux coloniaux. Sans oublier le palais de l’Elysée, à Paris, ancien hôtel particulier financé pour la monarchie par Antoine Crozat (1655-1738), qui bâtit sa fortune, dans les années 1720, grâce à la traite transatlantique, après avoir obtenu le monopole de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles.

      « Si l’histoire de la colonisation est bien connue des spécialistes, en revanche, en France, il y a encore un refus de voir ce que fut la colonisation », estime Guillaume Blanc, qui trouve « aberrant » d’entendre encore des hommes politiques et certains médias évoquer les routes et les écoles que la France aurait « amenées » dans ses colonies : « Sans le travail forcé, la mort et la sueur des Congolais, des Malgaches ou des Vietnamiens, il n’y aurait jamais eu de routes. Quant à l’école, les petits garçons et les petites filles colonisés n’y allaient tout simplement pas : l’enseignement était réservé à une élite restreinte, et la France n’a jamais eu l’intention de scolariser les millions d’enfants qu’elle colonisait. »

      Nous vivons un moment postcolonial parce que notre époque est postérieure à l’ère des grandes colonisations – d’où le préfixe « post » – mais aussi, selon certains chercheurs, parce qu’il convient d’analyser ce passé qui pèse sur le présent en dépassant les anciennes dichotomies forgées aux temps des colonies. Notamment celles entre Orient et Occident, centre et périphérie ou civilisation et barbarie. « Postcolonial » est ainsi à la fois le marqueur d’une période historique et la désignation d’un mouvement théorique : après la critique du « néocolonialisme » des années 1960-1970, à savoir de l’emprise occidentale encore manifeste au cœur des nouvelles nations indépendantes, les études postcoloniales – postcolonial studies – émergent à la fin des années 1970. Elles prennent leur essor dans les années 1980 sur les campus américains et s’attachent à montrer comment les représentations et les discours coloniaux, en particulier ceux de la culture, ont établi une différence radicale entre les colonisés et le monde occidental, notamment forgé sur le préjugé racial.

      Publié en 1978, L’Orientalisme, ouvrage de l’écrivain palestino-américain Edward Said (1935-2003) consacré à la façon dont un Orient fantasmé a été « créé » par l’Occident (Seuil, 1980), est considéré comme l’un des premiers jalons du courant postcolonial, même s’il n’en revendique pas le terme. Au cours d’une déconstruction des représentations et clichés véhiculés sur l’Orient depuis le siècle des Lumières, ce défenseur lettré de la cause palestinienne assure que « le trait essentiel de la culture européenne est précisément ce qui l’a rendue hégémonique en Europe et hors de l’Europe : l’idée d’une identité européenne supérieure à tous les peuples et à toutes les cultures qui ne sont pas européens ». Se réclamant d’un « humanisme » qui ne se tient pas « à l’écart du monde », cet ancien professeur de littérature comparée à l’université Columbia estimait dans une nouvelle préface publiée en 2003, en pleine guerre en Irak à laquelle il était opposé, que « nos leaders et leurs valets intellectuels semblent incapables de comprendre que l’histoire ne peut être effacée comme un tableau noir, afin que “nous” puissions y écrire notre propre avenir et imposer notre mode de vie aux peuples “inférieurs” ».
      « La continuation du rapport de domination »

      La pensée postcoloniale fut largement inspirée par les subaltern studies, courant né en Inde dans les années 1970, autour de l’historien Ranajit Guha (1923-2023), études consacrées aux populations à la fois minorées par la recherche et infériorisées dans les sociétés récemment décolonisées. Une volonté de faire « l’histoire par le bas », selon les termes de l’universitaire britannique Edward Palmer Thompson (1924-1993), une façon de rompre avec l’idée d’un progrès historique linéaire qui culminerait dans l’Etat-nation, une manière de réhabiliter des pratiques et des savoirs populaires mais aussi d’exercer une critique des élites indiennes souvent constituées en mimétisme avec l’ancienne bourgeoisie coloniale.

      L’ambition des intellectuels postcoloniaux est assez bien résumée par l’Indien Dipesh Chakrabarty, professeur d’histoire, de civilisations et de langues sud-asiatiques à l’université de Chicago : il s’agit de désoccidentaliser le regard et de Provincialiser l’Europe (Amsterdam, 2009). L’Europe n’est ni le centre du monde ni le berceau de l’universel. Incarnée par des intellectuels comme la théoricienne de la littérature Gayatri Chakravorty Spivak ou l’historien camerounais Achille Mbembe, cette approche intellectuelle « vise non seulement à penser les effets de la colonisation dans les colonies, mais aussi à évaluer leur répercussion sur les sociétés colonisatrices », résume l’historien Nicolas Bancel (Le Postcolonialisme, PUF, 2019).
      Lire aussi l’enquête (2020) : Article réservé à nos abonnés « Racisé », « racisme d’Etat », « décolonial », « privilège blanc » : les mots neufs de l’antiracisme

      L’empreinte de l’époque coloniale n’est pas seulement encore présente à travers des monuments ou les noms des rues, elle l’est aussi dans les rapports sociaux, les échanges économiques, les arts ou les relations de pouvoir. Car une partie de ses structures mentales se serait maintenue. « La fin du colonialisme n’est pas la fin de ce que l’on appelle la “colonialité” », explique Souleymane Bachir Diagne. Forgé au début des années 1990 par le sociologue péruvien Anibal Quijano (1928-2018), ce terme désigne un régime de pouvoir économique, culturel et épistémologique apparu à l’époque moderne avec la colonisation et l’essor du capitalisme mercantile mais qui ne s’achève pas avec la décolonisation.

      La colonialité, c’est « la continuation du rapport de domination auquel les décolonisations sont censées mettre fin », poursuit Souleymane Bachir Diagne. « Et les jeunes ont une sensibilité à fleur de peau à ces aspects », relève-t-il, en pensant notamment aux altercations entre policiers et adolescents des « quartiers ». Pour le philosophe, une définition « assez éclairante de cette colonialité structurelle » a été donnée par le poète et homme d’Etat sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), selon qui « l’ordre de l’injustice qui régit les rapports entre le Nord et le Sud » est un ordre fondé sur « le mépris culturel ». Ainsi, poursuit l’auteur du Fagot de ma mémoire (Philippe Rey, 2021), « on peut se demander si les populations “issues de l’immigration” dans les pays du “Nord” ne constituent pas une sorte de “Sud” dans ces pays ».

      « Le concept de colonialité ouvre des réflexions fécondes », renchérit la philosophe Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences à l’université Paris-VIII. Loin du terme « néocolonialisme » qui réduit la domination à une cause unique, la colonialité permet « d’articuler les formes de la domination politico-économique, ethnoraciale, de genre, culturelle et psychosociale, issues du monde colonial et de déceler leur continuation dans un monde qu’on prétend décolonisé. Ce qui permet de dire que, dans un grand nombre de cas, les décolonisations apparaissent comme des processus inachevés », poursuit l’autrice de La Dissociation (Seuil, 2022).

      Souleymane Bachir Diagne insiste sur le fait que Léopold Sédar Senghor, en « grand lecteur de Jean Jaurès », croyait comme le fondateur du journal L’Humanité en un monde où « chaque nation enfin réconciliée avec elle-même » se verrait comme « une parcelle » de cette humanité solidaire qu’il faut continûment travailler à réaliser. « Mais pour cela il faut combattre la colonialité, le mépris culturel, l’ordre de l’injustice. D’un mot : il faut décoloniser. L’impensé colonial existe : il consiste à ignorer la colonialité. »
      Universalisme eurocentré

      C’est ainsi que l’approche décoloniale, nouveau paradigme apparu dans les années 1990, est venue s’ajouter aux études postcoloniales autour de cette invitation à « décoloniser ». Née en Amérique du Sud au sein d’un groupe de recherche intitulé Modernité/Colonialité, la pensée décoloniale se donne notamment comme ambition de décoloniser les savoirs. Et de revisiter l’histoire. C’est pourquoi, selon ce courant théorique, la date capitale de la domination occidentale est 1492, le moment où Christophe Colomb ne « découvre » pas l’Amérique, mais l’« envahit ». C’est la période lors de laquelle naît la modernité par « l’occultation de l’autre », explique le philosophe et théologien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023). Un moment où la « reconquête » menée par la chrétienté expulsa les musulmans de la péninsule Ibérique et les juifs d’Espagne. Ainsi, une « désobéissance épistémique » s’impose, enjoint le sémiologue argentin Walter Mignolo, afin de faire éclore des savoirs alternatifs à une conception de l’universalisme jugée eurocentrée.

      Tous les domaines politiques, sociaux, économiques et artistiques peuvent être analysés, réinvestis et repolitisés à l’aide de cette approche décoloniale, à la fois savante et militante. L’écologie est notamment l’un des nombreux thèmes investis, car « la double fracture coloniale et environnementale de la modernité » permet de comprendre « l’absence criante de Noirs et de personnes racisées » dans les discours sur la crise écologique, assure l’ingénieur en environnement caribéen Malcom Ferdinand dans Une écologie décoloniale (Seuil, 2019). « Faire face à la tempête écologique, retrouver un rapport matriciel à la Terre requiert de restaurer les dignités des asservis du navire négrier tout autant que celles du continent africain », écrit Malcom Ferdinand.

      Partis d’Amérique latine, « ces travaux ont essaimé dans le monde entier », explique Philippe Colin, coauteur avec Lissell Quiroz de Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (Zones, 2023). Dans les années 1990, les lectures partisanes des théories postcoloniales ont suscité des controverses dans l’espace public, notamment autour de la notion de « discrimination positive » et du « politiquement correct ». Une discorde qui se rejoue aujourd’hui, notamment avec les attaques menées par les néoconservateurs américains contre ce qu’ils appellent, de manière péjorative, la « cancel culture », cette culture dite « de l’annulation » censée être portée par un « maccarthysme de gauche » et même un « fascisme d’extrême gauche », résume d’un trait Donald Trump.
      Pensées « victimaires »

      Aux Etats-Unis, les études postcoloniales et décoloniales, « forgées dans une matrice marxiste au sein d’une diaspora d’intellectuels indiens, africains ou sud-américains enseignant dans les campus américains, se sont déployées d’abord dans le champ académique », précise Philippe Colin. Alors qu’en France, la réception de ces travaux s’est faite immédiatement de façon polémique. « Le concept a été revendiqué par le Parti des indigènes de la République à partir de 2015 de manière explicite, et cela a changé beaucoup les choses en France », analyse l’historien Pascal Blanchard. « Il est alors devenu une cible idéale pour ceux qui cherchaient un terme global pour vouer aux gémonies les chercheurs travaillant sur la colonisation », poursuit-il dans le livre collectif Les Mots qui fâchent. Contre le maccarthysme intellectuel (L’Aube, 2022).

      Dans L’Imposture décoloniale (L’Observatoire, 2020), l’historien des idées Pierre-André Taguieff se livre à une critique radicale de « l’idéologie postcoloniale et décoloniale, centrée sur la dénonciation criminalisante de la civilisation occidentale ». Une position que l’on retrouve également au sein de L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un site Web dont les contributeurs alimentent régulièrement les dossiers à charge des médias en guerre contre le « wokisme ».
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « wokisme », déconstruction d’une obsession française

      Les critiques ne viennent toutefois pas uniquement de la galaxie conservatrice, des sites de veille idéologique ou des sphères réactionnaires. Auteur d’un ouvrage critique sur Les Etudes postcoloniales. Un carnaval académique (Karthala, 2010), le politologue Jean-François Bayart leur reproche de « réifier le colonialisme » car, affirme-t-il, aujourd’hui, « le colonial n’est pas une essence mais un événement ». Par ailleurs, rappelle-t-il, « le colonialisme n’a pas été l’apanage des seuls Etats occidentaux ». Des chercheurs insistent également sur le fait que la colonisation est un fait historique pluriel et qu’il convient de tenir compte de la diversité des sociétés où elle s’est exercée. Or, la prise en compte des formes de pouvoir propres à chaque société anciennement colonisée serait parfois omise par les approches décoloniales.

      Auteur de L’Occident décroché (Fayard, 2008), l’anthropologue Jean-Loup Amselle estime que ce courant de pensée a « détrôné l’Occident de sa position de surplomb, ce qui est une bonne chose, mais a entraîné des effets pervers », puisque, selon lui, elle reprend parfois à son compte « les stigmates coloniaux en tentant d’en inverser le sens ». Sur le site Lundimatin, l’essayiste Pierre Madelin critique, lui, les travers du « campisme décolonial » notamment apparu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, à l’occasion de laquelle, dit-il, « plusieurs figures de proue des études décoloniales » ont convergé vers la rhétorique anti-occidentale de Vladimir Poutine.

      Procès en relativisme

      Comme toute théorie, ces approches postcoloniales et décoloniales sont critiquables, estime Nicolas Bancel, « mais à partir de textes, de positions théoriques et épistémologiques, et non à partir de tribunes maniant l’invective, la désinformation, la dénonciation ad hominem, sans que leurs auteurs sachent rien de la réalité et de l’importance de ce champ intellectuel », juge-t-il. D’ailleurs, prolonge Nadia Yala Kisukidi, au-delà de l’université, les termes « décolonial » ou « postcolonial », dans le débat public français, « fonctionnent comme des stigmates sociaux, pour ne pas dire des marqueurs raciaux. Loin de renvoyer à des contenus de connaissance ou, parfois, à des formes de pratiques politiques spécifiques, ils sont mobilisés pour cibler un type d’intellectuel critique, souvent non blanc, dont les positionnements théoriques et/ou politiques contribueraient à briser la cohésion nationale et à achever le déclassement de l’université française. Comme si le mythe de la “cinquième colonne” avait intégré le champ du savoir ». D’autant que « décoloniser n’est pas un mot diabolique », relève le sociologue Stéphane Dufoix (Décolonial, Anamosa, 2023)

      Un reproche résume tous les autres : celui du procès en relativisme. Une critique qui est le point de discorde de tous les débats qui opposent de façon binaire l’universalisme au communautarisme. Or, cette querelle a presque déjà été dépassée par deux inspirateurs historiques de ces mouvements postcoloniaux et décoloniaux : Aimé Césaire (1913-2008) et Frantz Fanon (1925-1961). Dans sa Lettre à Maurice Thorez, publiée en 1956, dans laquelle il explique les raisons de sa démission du Parti communiste français, à qui il reproche le « chauvinisme inconscient » et l’« assimilationnisme invétéré », le poète martiniquais Aimé Césaire expliquait qu’« il y a deux manières de se perdre : par la ségrégation murée dans le particulier ou par la dilution dans l’“universel” ».

      Aimé Césaire a dénoncé « un universalisme impérial », commente Souleymane Bachir Diagne, auteur de De langue à langue (Albin Michel, 2022). Mais, dans le même temps, « il a refusé avec force de s’enfermer dans le particularisme ». Au contraire, poursuit le philosophe, Césaire « a indiqué que s’il a revendiqué la “négritude”, c’était pour “contribuer à l’édification d’un véritable humanisme”, l’“humanisme universel”, précise-t-il, “car enfin il n’y a pas d’humanisme s’il n’est pas universel” ». Des propos que le Frantz Fanon des dernières pages de Peau noire, masques blancs (Seuil, 1952) « pourrait s’approprier », estime Souleymane Bachir Diagne.

      Ces exemples remettent en cause l’idée selon laquelle les études, réflexions et théories actuelles sur le fait colonial, postcolonial ou décolonial seraient des importations venues des campus américains et issues du seul frottement des études subalternes avec la French Theory, du tiers-monde et de la déconstruction. « Il n’est donc tout simplement pas vrai que les penseurs du décolonial soient unanimement contre l’universel », déclare Souleymane Bachir Diagne, qui, loin de tous les impérialismes et réductionnismes, appelle à « universaliser l’universel ».

      Nicolas Truong

    • « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles », Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, historiens

      L’#histoire_coloniale est désormais à l’agenda des débats publics. Et si les débats sont très polarisés – entre les tenants d’une vision nostalgique du passé et les apôtres du déclin (de plus en plus entendus, comme le montre la onzième vague de l’enquête « Fractures françaises ») et les décoloniaux les plus radicaux qui assurent que notre contemporanéité est tout entière issue de la période coloniale –, plus personne en vérité ne met aujourd’hui en doute l’importance de cette histoire longue, en France, de cinq siècles.

      Loin des conflits mémoriaux des extrémistes, l’opinion semble partagée entre regarder en face ce passé ou maintenir une politique d’amnésie, dont les débats qui accompagnèrent les deux décrets de la loi de 2005 sur les « aspects positifs de la #colonisation » furent le dernier moment d’acmé. Vingt ans après, les politiques publiques sur le sujet sont marquées par… l’absence de traitement collectif de ce passé, dont l’impossible édification d’un musée colonial en France est le symptôme, au moment même où va s’ouvrir la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

      Si l’histoire coloniale n’est pas à l’origine de l’entièreté de notre présent, ses conséquences contemporaines sont pourtant évidentes. De fait, les récents événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso signent, selon Achille Mbembe, la « seconde décolonisation », et sont marqués par les manifestations hostiles à la #France qui témoignent bien d’un désir de tourner la page des relations asymétriques avec l’ancienne métropole. En vérité, malgré les assurances répétées de la volonté des autorités françaises d’en finir avec la « Françafrique », les actes ont peu suivi les mots, et la page coloniale n’a pas véritablement été tournée.

      Relation toxique

      La France souffre aussi d’une relation toxique avec les #immigrations postcoloniales et les #quartiers_populaires, devenus des enjeux politiques centraux. Or, comment comprendre la configuration historique de ces flux migratoires sans revenir à l’histoire coloniale ? Comment comprendre la stigmatisation dont ces populations souffrent sans déconstruire les représentations construites à leur encontre durant la colonisation ?

      Nous pourrions multiplier les exemples – comme la volonté de déboulonner les statues symboles du passé colonial, le souhait de changer certains noms de nos rues, les débats autour des manuels scolaires… – et rappeler qu’à chaque élection présidentielle la question du passé colonial revient à la surface. C’est très clairement le dernier « tabou » de l’histoire de France des XIXe et XXe siècles.

      Ces questions, la France n’est pas seule nation à se les poser. La plupart des anciennes métropoles coloniales européennes sont engagées dans une réflexion et dans une réelle dynamique. En Belgique, le poussiéreux Musée de Tervuren, autrefois mémoire d’une histoire coloniale chloroformée, a fait peau neuve en devenant l’AfricaMuseum. Complètement rénové, il accueille aujourd’hui une programmation ambitieuse sur la période coloniale et ses conséquences. Une commission d’enquête nationale (transpartisane) a par ailleurs questionné le passé colonial.

      En France, le silence

      En Allemagne, outre le fait que les études coloniales connaissent un développement remarquable, plusieurs expositions ont mis en exergue l’histoire coloniale du pays. Ainsi le Münchner Stadtmuseum a-t-il proposé une exposition intitulée « Decolonize München » et le Musée national de l’histoire allemande de Berlin consacré une exposition temporaire au colonialisme allemand en 2017. Et, si le Humboldt Forum, au cœur de Berlin, fait débat pour son traitement du passé colonial et la présentation des collections provenant du Musée ethnologique de Berlin, la question coloniale est à l’agenda des débats publics de la société allemande, comme en témoigne la reconnaissance officielle du génocide colonial en Namibie.

      En Angleterre, le British Museum consacre une partie de son exposition permanente à cette histoire, alors que l’#esclavage colonial est présenté à l’International Slavery Museum à Liverpool. Aux Pays-Bas, le Tropenmuseum, après avoir envisagé de fermer ses portes en 2014, est devenu un lieu de réflexion sur le passé colonial et un musée en première ligne sur la restitution des biens culturels. Au Danemark, en Suisse (où l’exposition « Helvécia. Une histoire coloniale oubliée » a ouvert ses portes voici un an au Musée d’ethnologie de Genève, et où le Musée national suisse a programmé en 2024 une exposition consacrée au passé colonial suisse), au Portugal ou en Italie, le débat s’installe autour de l’hypothèse d’une telle institution et, s’il est vif, il existe. Et en France ? Rien. Le silence…

      Pourtant, le mandat d’Emmanuel Macron faisait espérer à beaucoup d’observateurs un changement de posture. Quoi que l’on pense de cette déclaration, le futur président de la République avait déclaré le 15 février 2017 à propos de la colonisation : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face. »

      Notre pays est à la traîne

      Puis, durant son mandat, se sont succédé les commissions d’historiens sur des aspects de la colonisation – avec deux commissions pilotées par Benjamin Stora entre 2021 et 2023, l’une sur les relations France-Algérie durant la colonisation, l’autre sur la guerre d’#Algérie ; et une autre commission sur la guerre au #Cameroun, présidée par Karine Ramondy et lancée en 2023 – qui faisaient suite au travail engagé en 2016 autour des « événements » aux #Antilles et en #Guyane (1959, 1962 et 1967) ou la commission sur les zoos humains (« La mémoire des expositions ethnographiques et coloniales ») en 2011 ; alors qu’était interrogée parallèlement la relation de la France à l’#Afrique avec la programmation Africa 2020 et la création de la Fondation de l’innovation pour la démocratie confiée à Achille Mbembe en 2022. En outre, le retour des biens culturels pillés lors de la colonisation faisait également l’objet en 2018 d’un rapport détaillé, piloté par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

      Mais aucun projet de musée d’envergure – à l’exception de ceux d’un institut sur les relations de la France et de l’Algérie à Montpellier redonnant vie à un vieux serpent de mer et d’une maison des mondes africains à Paris – n’est venu concrétiser l’ambition de regarder en face le passé colonial de France, aux côtés du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre (#Guadeloupe) qui s’attache à l’histoire de l’esclavage, des traites et des abolitions… mais se trouve actuellement en crise en matière de dynamique et de programmation.

      Situation extraordinaire : en France, le débat sur l’opportunité d’un musée colonial n’existe tout simplement pas, alors que la production scientifique, littéraire et cinématographique s’attache de manière croissante à ce passé. Notre pays est ainsi désormais à la traîne des initiatives des autres ex-métropoles coloniales en ce domaine. Comme si, malgré les déclarations et bonnes intentions, le tabou persistait.

      Repenser le #roman_national

      Pourtant, des millions de nos concitoyens ont un rapport direct avec ce passé : rapatriés, harkis, ultramarins, soldats du contingent – et les descendants de ces groupes. De même, ne l’oublions pas, les Français issus des immigrations postcoloniales, flux migratoires qui deviennent majoritaires au cours des années 1970. On nous répondra : mais ces groupes n’ont pas la même expérience ni la même mémoire de la colonisation !

      C’est précisément pour cela qu’il faut prendre à bras-le-corps la création d’un musée des colonisations, qui sera un lieu de savoir mais aussi d’échanges, de débats, de socialisation de cette #histoire. Un lieu majeur qui permettra de relativiser les mémoires antagonistes des uns et des autres, d’éviter la polarisation mortifère actuelle entre les nostalgiques fanatiques et les décoloniaux radicaux, mais aussi d’intégrer à l’histoire les millions de personnes qui s’en sentent exclues. Une manière de mettre les choses à plat, pour tourner véritablement la page.

      De toute évidence, l’histoire coloniale est une page majeure de notre histoire, et l’on doit désormais repenser notre roman national à l’aune de la complexité du passé et d’un récit qui touche dans leur mémoire familiale des millions de familles françaises. Ce n’est pas là la lubie de « sachants » voulant valoriser les connaissances accumulées. Les enjeux sont, on le voit, bien plus amples.

      Mais comment concevoir ce musée ? Ce n’est pas à nous d’en décrire ici les contours… Mais on peut l’imaginer comme un carrefour de l’histoire de France et de l’histoire du monde, ouvert aux comparaisons transnationales, à tous les récits sur cinq siècles d’histoire, ouvert à toutes les mémoires et à inventer en collaboration avec la quarantaine de pays et de régions ultramarines qui en sont parties prenantes. Un musée qui mettrait la France à l’avant-garde de la réflexion mondiale sur le sujet, dans une optique résolument moderne, et permettrait de mettre en perspective et en récit les politiques actuelles de retour des biens coloniaux pillés et des restes humains encore présents dans nos musées.

      Allons-nous, à nouveau, manquer ce rendez-vous avec l’histoire, alors que dans le même temps s’ouvre la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, installée dans le château de François Ier avec « 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires ouvertes au public, un auditorium de 250 places, douze ateliers de résidence pour des artistes… », dotée de plus de 200 millions d’investissements ? Si nous sommes capables d’édifier cette cité, nous devons imaginer ce musée. Sinon, la page coloniale ne pourra être tournée.
      Nicolas Bancel et Pascal Blanchard sont historiens (université de Lausanne), et ils ont codirigé Histoire globale de la France coloniale (Philippe Rey, 2022). Pascal Blanchard est également codirecteur de l’agence de communication et de conseil Les bâtisseurs de mémoire.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/30/la-question-du-passe-colonial-est-le-dernier-tabou-de-l-histoire-de-france-d

      (candidature d’intellectuel éclairé)

      #1492 #Indochine (omise) #colonialité

    • La « cancel culture » avec les historiens Henry Laurens et Pierre Vesperini
      Publié le : 17/06/2022

      https://www.rfi.fr/fr/podcasts/id%C3%A9es/20220617-la-cancel-culture-avec-les-historiens-henry-laurens-et-pierre-vesperini

      Pierre-Édouard Deldique reçoit dans le magazine Idées, pour le thème la « cancel culture » ou « culture de l’annulation » en français : Henry Laurens, historien, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, qui vient d’écrire Le passé imposé (Fayard) et Pierre Vesperini, historien, spécialiste de l’Antiquité grecque et latine, auteur de Que faire du passé ? Réflexions sur la cancel culture (Fayard).

  • Chez visionscarto, on publie un deuxième texte sur la période coloniale allemande au Cameroun, confié par Richard Tsogang Fossi*, et qui revient sur le processus de la colonisation à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.

    Comment le « Cameroons » est devenu allemand
    https://visionscarto.net/comment-le-cameroons-est-devenu-allemand

    « Dès l’origine, le projet colonial s’est accompagné d’une « rhétorique de civilisation » et d’une volonté d’accumulation d’exemples matériels de la culture et de la nature du continent africain, ce qui, en d’autres termes, revenait à organiser la « protection » de l’État pour les collectionneurs et les collections : en Afrique centrale, c’est dans la région qui constitue le territoire national de l’actuel Cameroun que les effets s’en feront particulièrement ressentir. Nous esquissons ici les conditions politiques de l’exploitation culturelle du pays par la puissance coloniale allemande. »

    Nous rappelons que le premier texte, de Yann LeGall exhume l’histoire des expéditions punitives, en rappelant la cruauté l’absolu cynisme des autorités allemandes coloniales.

    « Ne s’obtient que par la force »
    https://visionscarto.net/ne-s-obtient-que-par-la-force

    * Germaniste, spécialisé en études littéraires et culturelles, en histoire et mémoire coloniales, et en recherches de provenances.
    Membre de l’équipe de recherche Provenance Inversée, Université technique Berlin (TU)/ Université de Dschang/GBHS Sangmelima.

    #colonisation #cameroun #histoire #allemagne #restitution

  • Die Entmenschlichung der Juliette Martens in Klaus Manns Roman «Mephisto». Eine Buchkritik nach 81 Jahren
    https://web.archive.org/web/20190117171618/https://www.huffingtonpost.de/john-eichler/die-entmenschlichung-der-juliette-martens_b_18658592.html

    2.12.2017 von John Eichler - Juliette Martens ist die erste afrodeutsche Romanfigur in der deutschen Literatur; erschaffen 1936 von Klaus Mann in seinem Schlüsselroman Mephisto 2, der, um das gleich vorab zu sagen, schon immer - nur nicht deshalb, sondern trotzdem - zu meinen persönlichen Favoriten gehörte.

    Ami: „Hast du Karin Boyd in István Szabós Film «Mephisto» gesehen?"

    Issa: „Ja, Juliette Martens, die schwarze Geliebte. Ich fand die Tanzszene im Film eklig. Sie war übrigens die erste Afrodeutsche in der deutschen Literatur. Im Buch von Klaus Mann ist sie noch viel vulgärer, fast wie ein Tier, beschrieben und außerdem nur eine Metapher für die schwulen Neigungen der historischen Vorlage des Protagonisten. Darauf muss man erst einmal kommen."

    Ami: „Wirklich? Da fühlt man sich ja fast doppelt missbraucht ..." 1

    Juliette Martens ist die erste afrodeutsche Romanfigur in der deutschen Literatur; erschaffen 1936 von Klaus Mann in seinem Schlüsselroman Mephisto2, der, um das gleich vorab zu sagen, schon immer - nur nicht deshalb, sondern trotzdem - zu meinen persönlichen Favoriten gehörte. Obwohl das gerade den besonderen Reiz des mit wunderbar leichter und spitzer, wenngleich etwas zu schneller Feder geschriebenen Romans ausmacht, hatte Mann sich stets mit Vehemenz, jedoch schwachen Argumenten gegen die Einordnung seines Werks als Schlüsselroman, also einer vom Leben abgeschriebenen, mit etwas Fiktion versehenen Geschichte, gewehrt. Aber selbst seine Anmerkung am Schluss («Alle Personen dieses Buches stellen Typen dar, nicht Portraits.»), die bereits damals von Freunden und Bekannten belächelt worden war, verhinderte nicht, dass sämtliche Figuren, quasi bis zur letzten Randfigur, in kürzester Zeit entschlüsselt werden konnten. Alle, bis auf eine ... Juliette Martens.

    Man vermutete Parallelen zu der Tänzerin Josephine Baker oder eine Replik auf die Eltern von Tonio Kröger in Thomas Manns gleichnamigem Roman. Schließlich enthüllte Klaus Manns Schwester Erika in einem erst 1981 aufgefundenen Brief 3, dass ihr Bruder bei der Figur der Juliette Martens von Andrea Manga Bell inspiriert worden sei, die das Geschwisterpaar als langjährige Freundin des Schriftstellers Joseph Roth gekannt hatte.

    Die Behauptung von Erika Mann blieb jedoch rätselhaft. Denn Manga Bell hatte, bis auf den Umstand, dass sie nicht weiß, sondern afrodeutsch war, weder äußerlich noch von ihrer Herkunft oder ihrem Lebensweg her irgendwelche Gemeinsamkeiten mit Manns vulgär-animalischer Hure Juliette Martens, die vielmehr ein rein fiktiver Fremdkörper in dem Schlüsselroman war und nichts mit den realen, der Handlung zugrunde liegenden Ereignissen zu tun hatte, sondern Mann lediglich als eine Metapher für die schwulen Neigungen des von ihm zugleich gehassten und geliebten Gustaf Gründgens (der realen Vorlage für die Hauptfigur des Romans Hendrik Höfgens) diente, mit dem seine lesbische Schwester Erika pro forma kurzzeitig verheiratet war und Mann selbst wohl eine intensive emotionale Beziehung unterhalten hatte. Es läge vor diesem Hintergrund nicht fern, die Figur der Juliette Martens und insbesondere ihr dominantes sexuelles Verhältnis zu Hendrik Höfgen als Kompensation für Manns eigene auffällige Abwesenheit im Roman zu erachten; versteckt er sich doch ansonsten lediglich in einer Randfigur. Bei Juliette Martens hingegen lässt Mann seiner insofern nahezu ausnahmslos boshaften Fantasie völlig freien Lauf.

    Weshalb Erika Mann dennoch Manga Bell als Referenz für die Figur der Juliette Martens benannte, blieb ihr Geheimnis. Wenn es so war, wie sie behauptete; warum hatte sie nicht einfach geschwiegen, um der ihr bekannten Manga Bell diese quasioffizielle Herabwürdigung aus der Feder von Deutschlands angesehenster Literatenfamilie zu ersparen?

    Andrea Manga Bell (1902-1985) was the daughter of afro-Cuban classical pianist and composer José Manuel Jiménez-Berroa (1851-1917) and his German wife. They lived in Hamburg. She was the first wife of Alexandre Douala Manga Bell, later King of the Douala people (Cameroon) pic.twitter.com/xzPEHjKfNc
    — John-E Matip Eichler (@John_Eichler) November 29, 2017

    Über das Verhältnis der Mann-Geschwister, Erika und Klaus, zu Manga Bell, und ob es ein solches überhaupt gab, ist nichts bekannt; lediglich, dass sie sich kannten. Bloße Indifferenz gegenüber Manga Bell als Erklärung für das Outing erscheint angesichts der herabwürdigenden, größtenteils tierhaften Darstellung von Juliette Martens wenig plausibel; bei Erika Mann selbst wie auch bei ihrem Bruder, der als Autor all seine schriftstellerischen Fähigkeiten aufgebracht hatte, um seine afrodeutsche Romanfigur zu entmenschlichen, aus ihr einen Affen zu machen; und zwar im wörtlichen Sinne.

    «Wenn sie grinsend kaut und sich dazwischen behaglich am Hinterkopf kratzt, sieht sie einem großen Affen zum Verwechseln ähnlich.» [Seite 204; s. Anm. 2]

    Ursprünglich war es der Schriftsteller Hermann Kesten gewesen, der Mann im Amsterdamer Exil vorgeschlagen hatte, einen Roman über einen im Geheimen schwulen Karrieristen des dritten Reichs zu schreiben. Mann hatte zunächst gezögert, bis ihn der Verleger Fritz H. Landshoff mit einem Brief doch überzeugen konnte:

    «Ich finde - trotz allem den Kestenschen Vorschlag gut. Lass den Mann nicht schwul sein - es muss ja kein Gründgens werden - sondern irgendein «Karrierist»; das gäbe einen guten Zeitroman.» 4

    So ersetzte Mann die verbotene sexuelle Ausrichtung mit dem, was - seit 1935 gleichfalls untersagt - als „Rassenschande" bezeichnet worden war und entwickelte, vom Konflikt mit der offenen Inklusion seiner eigenen Homosexualität befreit (wobei das aus seiner Sicht, ähnlich wie im Stefan-George-Kreis, wohl keinen Makel, sondern im Gegenteil eher eine elitäre Erhöhung dargestellt hätte), die Nebenfigur der afrodeutschen Juliette Martens - Hure und Geliebte des (jetzt heterosexuellen) Karrieristen Hendrik Höfgen.

    Wunderbar möchte man meinen. Vor allem beim Gedanken an die meisterliche, Oscar-prämierte Verfilmung von István Szabó aus dem Jahr 1981; mit der wunderbaren und -schönen Karin Boyd in der Rolle der Juliette Martens, mit Klaus Maria Brandauer als Hendrik Höfgen sowie Rolf Hoppe als Ministerpräsident (Hermann Göring).

    Karin Boyd als ’Juliette Martens’ in der meisterlichen, Oscar-prämierten Verfilmung des Klaus-Mann-Romans ’Mephisto’ von István Szabó aus dem Jahr 1981 mit Klaus Maria Brandauer als ’Hendrik Höfgens’ und Rolf Hoppe als ’Ministerpräsident’ (Hermann Göring) https://t.co/55TWWaV2DSpic.twitter.com/Xba7iyBMaa
    — John-E Matip Eichler (@John_Eichler) November 28, 2017

    Doch die Juliette Martens Szabós hatte bis auf die Handlung rein gar nichts mit Manns Romanfigur zu tun; wie diese wiederum keinerlei Bezug zu der von Erika Mann ins Spiel gebrachten angeblichen realen Vorlage, Manga Bell, hatte. Ohne Szabós Film und Boyds Interpretation der Juliette Martens zuvor gesehen zu haben, hätte ich Manns Roman aber spätestens im zweiten Kapitel zur Seite gelegt (oder in den Müll geschmissen) und mir seine fantasiereichen Auslassungen mit all den Boshaftigkeiten erspart, die bei jedem Rassisten zu Schenkelklopfern geführt haben müssen. Und ohne den Verweis von Erika Mann auf Manga Bell wäre dieser Text, der als eine Verteidigung Letzterer zu verstehen ist, niemals entstanden, sondern Klaus Manns Juliette Martens hätte meinetwegen das bleiben können, was sie letztlich war ... eine dieser wüsten exotisch-erotischen Fantasien.

    War es der Zeitgeist in dieser kolonialen Endphase Europas, der Klaus Mann animierte und seine sicher progressive Leserschaft keinen Anstoß an der Entmenschlichung der Romanfigur Juliette Martens nehmen ließ ... auch nicht Jahrzehnte nach der ersten Veröffentlichung 1936 ... im Grunde bis heute nicht?

    «Negerin war sie nur von der Mutter her - ihr Vater war ein Hamburger Ingenieur gewesen -; aber die dunkle Rasse hatte sich stärker erwiesen als die helle (...) Die Farbe ihrer rauhen, stellenweise etwas rissigen Haut war dunkelbraun, an manchen Partien - zum Beispiel auf der niedrigen, gewölbten Stirne und auf den schmalen, sehnigen Handrücken - fast schwarz. (...) über den starken, brutal geformten Backenknochen lag das künstliche Hellrot wie ein hektischer Schimmer. (...) Hingegen hatte sie den wulstigen Lippen die natürliche Farbe gelassen. (...) In ihrem Gesicht, das von den blitzenden Zähnen beherrscht war, bemerkte man zunächst gar nicht die Nase; wie flach und eingedrückt sie war, erkannte man erst bei genauerem Hinschauen. Diese Nase schien in der Tat so gut wie nicht vorhanden; sie wirkte nicht wie eine Erhöhung inmitten der wüsten und auf schlimme Art attraktiven Maske; eher wie eine Vertiefung. Für Juliettes höchst barbarisches Haupt hätte man sich als Hintergrund eine Urwaldlandschaft gewünscht (...) Es war keineswegs die krause schwarze Mähne, die man zu dieser Stirne, diesen Lippen passend gefunden hätte (...)» [Seiten 70f.]

    «(...) so war ihre verstorbene Mutter (...) von rein fürstlichem Blute gewesen: Tochter eines (...) von seinen Feinden verspeisten Negerkönigs.» [Seite 72]

    «Wenn sie grinsend kaut und sich dazwischen behaglich am Hinterkopf kratzt, sieht sie einem großen Affen zum Verwechseln ähnlich.» [Seite 204]

    «Auf ihrer niedrigen Stirne, die zu zwei kleinen Buckeln gewölbt war, lag drohender Ernst.» [Seite 282]

    Manga Bell, die vermeintliche reale Vorlage für die Romanfigur Juliette Martens, wurde als Andrea Mina Emma Jiménez-Berroa am 27. Januar 1902 in Hamburg geboren und wuchs dort auf. Ihr Vater war der afro-kubanische klassische Pianist und Komponist José Manuel Jiménez-Berroa (1855-1917), Sohn von José Julián Jiménez (1833-1890), der 1849 am Konservatorium Leipzig (heute: Hochschule für Musik und Theater „Felix Mendelssohn Bartholdy") Violine, Klavier und Komposition studiert hatte und anschließend für einige Zeit Mitglied des Leipziger Gewandhausorchesters gewesen war. Im Alter von achtzehn Jahren hatte auch Jiménez-Berroa 1869 begonnen, wie zwanzig Jahre zuvor sein Vater, am Konservatorium in Leipzig Piano bei Ignaz Moscheles, einem Freund Felix Mendelssohn Bartholdys, und Komposition bei Carl Reinicke, dem Leiter des Leipziger Gewandhausorchesters, zu studieren. Nach weiteren Studien in Paris und einer zwischenzeitlichen Rückkehr nach Kuba ließ er sich schließlich in Hamburg nieder und heiratete. Gemeinsam mit Manga Bells deutscher Mutter Emma Mina (geb. Filter) hatte Jiménez-Berroa neben Andrea zwei weitere Kinder (Manuela und Adolpho). Der Vater verstarb 1917.

    José Manuel Jiménez-Berroa (1851-1917), afro-Cuban classical pianist and composer. At age 18 he came to Europa, studied in Leipzig and Paris, lived later in Hamburg with his wife Emma Mina (Filter) and his three children Manuela, Adolpho and Andrea. https://t.co/7K7OTyGn1lpic.twitter.com/EDjTKE7Mvg
    — John-E Matip Eichler (@John_Eichler) November 28, 2017

    Kurz nach dem ersten Weltkrieg im Alter von siebzehn Jahren lernte Andrea den fünf Jahre älteren Alexandre Douala Manga Bell kennen, der zu dieser Zeit Medizin in Kiel studierte. Dessen Vater Rudolf Duala Manga Bell war König der Douala, einer Volksgruppe in der damaligen deutschen Kolonie Kamerun, gewesen, aber 1914 von den Deutschen wegen vermeintlichen Hochverrats erhängt worden. Alexandre, der bereits 1901 im Alter von vier Jahren nach Deutschland gekommen war und am Kaiserhof eine klassisch preußische Erziehung genossen hatte, sprach Deutsch, Französisch, Englisch, Spanisch und Russisch, wie auch Lateinisch, Altgriechisch und Hebräisch. Nach einer umfassenden militärischen Ausbildung, im Rahmen derer er wegen „Rassenfragen" einmal mit Pistole und das andere Mal mit dem Säbel zwei Soldaten im Duell getötet hatte, war er Offizier des Ulmer Ulanen-Regiments gewesen und hatte im ersten Weltkrieg trotz der Exekution seines Vaters freiwillig für Deutschland gekämpft. Nach Kriegsende fiel ihm als erstgeborenem Sohn seines Vaters in Kamerun, das seit 1916 keine deutsche Kolonie, sondern ein dem Völkerbund unterstelltes französisches und britisches Mandatsgebiet war, eine besondere Bedeutung in den kolonialen Planungen Frankreichs zu.

    Das junge Paar lebte nach der Hochzeit 1920, Andrea trug nun den Namen ihres Mannes Manga Bell, in Frankreich, wo die beiden Kinder, José-Emmanuel und Andrea, geboren wurden. Die Ehe zerbrach schnell; wurde aber nie geschieden.

    Andrea Manga Bell kehrte mit ihren Kindern, die dann bei der verwitweten deutschen Großmutter in Hamburg lebten, nach Deutschland zurück und arbeitete in Berlin u.a. als Redakteurin für die Kunstzeitschrift Gebrauchsgraphik, wo sie Ende der 1920er Jahre den österreichisch-jüdischen Journalisten und Schriftsteller Joseph Roth kennenlernte, mit dem sie 1933 ins Ausland emigrierte und später u.a. in Nizza gemeinsam mit den beiden Kindern lebte. Die familiäre Verantwortung überforderte Roth vor allem in finanzieller Hinsicht, worüber er sich im Freundes- und Bekanntenkreis regelmäßig beschwerte. Von der Tochter Andrea Manga Bell, später verheiratete Andrea Rebuffé, ist Roths Aussage überliefert:

    «Ich muss einen Negerstamm von neun Personen ernähren!» 5

    Die Beziehung endete 1936; Roth starb alkoholkrank drei Jahre später in Paris. Von da an war Manga Bell mit ihren Kindern auf sich allein gestellt.

    Alexandre Douala Manga Bell (1897-1966), Sohn des Douala-Königs Rudolf kam mit 4 Jahren nach Deutschland und erhielt eine klassisch preußische Erziehung am Kaiserhof. Nach dem 1. WK studierte er in Kiel Medizin. Später war er Abgeordneter im Parlament der 4. Französischen Republik pic.twitter.com/OiJzXMjbrF
    — John-E Matip Eichler (@John_Eichler) November 28, 2017

    Manga Bells Ehemann Alexandre, der in dieser Zeit kaum Unterhalt zahlte, musste lange Zeit um sein Erbe und seine Position in Kamerun vor französischen Gerichten kämpfen. Seine persönliche Situation verbesserte sich nach dem Ende des zweiten Weltkriegs wesentlich. Denn er war, unter Mitwirkung Frankreichs, zu einem der beiden Vertreter Kameruns als Abgeordneter ins französische Parlament der Vierten Republik gewählt worden. Das Verhältnis zu seiner Ehefrau und ihren Kindern blieb gleichwohl zeitlebens gestört und gipfelte, einer griechischen Tragödie gleichend, darin, dass Alexandre seinen Sohn und offiziellen Nachfolger José-Emmanuel, der ihn in Kamerun besucht hatte, am 15. September 1947 im Prinzenpark von Bali, einem Stadtteil von Douala, eigenhändig erschoss. Hintergrund dieser niemals aufgeklärten Tat waren höchstwahrscheinlich Fragen der Erbfolge gewesen. Bereits bei seinem Vater Rudolf Duala Manga Bell hatte es mehr als zwei Jahre gedauert, bis er als Oberhaupt von seiner Volksgruppe anerkannt worden war. Und bei Alexandre kam hinzu, dass Gerüchte kursierten, er sei während der Zeit der deutschen Besetzung Frankreichs ein Unterstützer von Pétain und des Vichy-Regimes gewesen, was in der Nachkriegsfrankophonie mit Hochverrat gleichzusetzen gewesen wäre. Jedoch waren die Prioritäten im zusammenbrechenden französischen Kolonialreich andere, weshalb Alexandre Douala Manga Bell seinen Abgeordnetensitz nicht verlor und während der gesamten Dauer der Vierten Republik bis 1958 im französischen Parlament verblieb.

    Andrea Manga Bell kam niemals über den Verlust ihres Sohnes hinweg, versuchte über Jahre, ihren Ehemann zur Rechenschaft zu ziehen und beging später den Fehler, dem Spiegel ein Interview zu geben, der bzw. dessen Autor dann in dem Artikel «Weißer Mann immer schlecht» vom 24. August 1950 6, wie zuvor Klaus Mann mit seiner Romanfigur Juliette Martens, nichts unversucht ließ, sie erneut zynischer Lächerlichkeit preiszugeben:

    «Den letzten Knick bekam ihr lädiertes Königinnen-Dasein vor einigen Monaten, als zwei Gewehrkugeln aus Manga Bells Scharfschützengewehr ihren Lieblingssohn töteten. Leise tröpfelte von ihren faltigen Lippen die ganze Unglücksgeschichte.»

    «Nach Rudolf Bells Strangulierung am 8. August 1914 hatte es sich ausgebellt.»

    «An der europäischen Zivilisation indessen stießen sich Andreas Kinder bei ihrer Großmutter in Hamburg.»

    «Das Buschmannsblut war oft stärker als die zivilisatorische Tünche.»

    Es ist beklemmend, in diesen Dokumenten nach Angaben zu suchen und dabei den Ungeist ertragen zu müssen, um eine Geschichte von der entwürdigenden Perzeption zu befreien, die schlicht so lautete:

    Andrea Manga Bell war eine berufstätige alleinerziehende afrodeutsche Frau. Ihre Mutter war Ostfriesin und ihr Vater afro-kubanischer klassischer Pianist und Komponist. Andrea wuchs mit ihren beiden Geschwistern in Hamburg auf, führte ein kurze unglückliche Ehe in Frankreich, kehrte nach Deutschland zurück, um dann wegen der Machtergreifung der Nazis endgültig zu emigrieren. Sie brachte ihre Kinder durch die Wirren der Nazizeit und des zweiten Weltkrieges, verlor kurz danach jedoch ihren Sohn José-Emmanuel auf tragische Weise. Am 10. Oktober 1985 starb sie im Alter von 83 Jahren in Paris.

    _______

    1 Dialog aus dem Roman «Verbotenes Land», John Eichler, ISBN: 978-3-9819325-0-8 | 2 Alle nachfolgenden [Seitenangaben] der Buchzitate beziehen sich auf: Klaus Mann, Mephisto. Roman einer Karriere, Rowohlt-Taschenbuch 11. Auflage (2006), ISBN: 978-3499227487 | 3 Vgl. Eberhard Spangenberg, Karriere eines Romans - Mephisto, Klaus Mann und Gustaf Gründgens / Ein dokumentarischer Bericht aus Deutschland und dem Exil 1925-1981 (1982), Seite 108 | 4 Unveröffentlichter Brief von Fritz H. Landshoff an Klaus Mann vom 28.11.1935, Handschriftensammlung der Monacensia, Stadtbibliothek München | 5 David Bronsen, Joseph Roth. Eine Biographie, 1. Auflage (1974), Seite 466 | 6 Der Spiegel, Artikel «Weißer Mann immer schlecht» vom 24. August 1950, Seiten 19-22

    #Allemagne #France #Cameroun #histoire #journalisme #lettres

  • The Royal Pretender : Prince Douala Manga Bell in Paris, 1919-1922. - Persée
    https://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648

    https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0339_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0340_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0341_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0342_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0343_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0344_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0345_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0346_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0347_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0348_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0349_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0350_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0351_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0352_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0353_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0354_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0355_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0356_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0357_0000_710.jpg https://www.persee.fr/renderPage/cea_0008-0055_1974_num_14_54_2648/cea_0008-0055_1974_num_14_54_T1_0358_0000_710.jpg

    #Cameroun #France #histoire

  • Weißer Mann immer schlecht
    https://www.spiegel.de/politik/weisser-mann-immer-schlecht-a-f8ca9ce2-0002-0001-0000-000044449496
    Cet article est un exemple pour l’écriture nazie dans le contexte de la revue Der Spiegel. Son éditeur revendiquait pour sa publication le titre honorifique « Sturmgeschütz der Demokratie » (canon d’assaut de la démocratie) mais un bon nombre de ses journalistes étaient d’anciens nazis. L’auteur inconnu raconte sur un ton présomtueux l’histoire de l’épouse du roi du #Cameroun Andrea Manga Bell.

    https://de.wikipedia.org/wiki/Andrea_Manga_Bell

    23.8.1950, aus DER SPIEGEL 34/1950

    Andrea Manga Bell, ins proletarische Elend gesunkene braune Königin von Duala, bemüht in Paris jede Woche erneut die Gerichte, um den Mörder ihres Sohnes Manga Manga Bell vor den Kadi zu bringen.

    Zum Mörder wurde ihr ehelich angetrauter Königsgatte Manga Bell, Erzeuger des José Emanuel Manga Manga, heute Abgeordneter der französischen Nationalversammlung und UN-Delegierter für Kamerun. Verstoßene Königin Andrea, in Hamburg geborene Jeminez, Tochter eines Mulatten aus Kuba und einer deutschen Mutter, lebt seit 30 Jahren von ihm getrennt. Die exotische Mischehe hielt nicht, obwohl sie ein Geistlicher in Hamburg 1920 würdevoll eingesegnet hat.

    Den letzten Knick bekam ihr lädiertes Königinnen-Dasein vor einigen Monaten, als zwei Gewehrkugeln aus Manga Bells Scharfschützengewehr ihren Lieblingssohn töteten. Leise tröpfelte von ihren faltigen Lippen die ganze Unglücksgeschichte.

    1919 war der heutige UN-Delegierte Manga Bell zum erstenmal ins bürgerliche Jeminezhaus in Hamburg geschneit. Onkel Adolpho Jeminez, der heute in Hamburgs Sierichstraße mit Kakao handelt, erinnert sich noch dunkel daran, wie der schwarze Kavalier mit guten Manieren seine Aufwartung machte. Der Dualafürst hatte nach Kriegsende sein Medizinstudium in Kiel wieder aufgenommen und machte nun der braunen Schönheit Andrea die Cour.

    »Wie ich später erfuhr, hatte er einen Empfehlungsbrief gefälscht, um in unsere Familie einzudringen und mit mir Bekanntschaft zu machen«, weiß Andrea heute. Die guten Manieren hatte er vor dem Krieg auf der Fürstenschule in Putbus auf Rügen gelernt, wo er zusammen mit Söhnen anderer gekrönter Häupter auf hoffähigen Benimm gedrillt wurde. Sein Debut gab Manga Bell bereits 1904 bei Hof, wo ihn Wilhelms II. Hofdamen verzärtelten. Der »Simplizissimus« widmete dem Negerlein eine ganze Nummer.

    Das war zu Beginn der deutschen Kolonialpolitik in Afrika, zwei Jahrzehnte nachdem Gustav Nachtigal, damals Generalkonsul in Tunis, auf dem deutschen Kanonenboot »Möve« nach Kamerun gestartet war - im Konkurrenzkampf mit den Engländern, die schon an mehreren Küstenplätzen Westafrikas den Union-Jack aufgepflanzt hatten.

    Am 12. Juli 1884 landete Gustav Nachtigal mit Staatsrechtler Dr. Buchner in Bimbra, wo Handelspionier C. Woermann bereits eine Faktorei eingerichtet hatte. Dort beugte sich Oberhäuptling King Bell, Großvater des UN-Delegierten Manga Bell, samt seinen 600 Frauen, 998 Kindern und 15000 wehrhaften Dualas unter die deutsche Oberhoheit, die ihm Gustav Nachtigal angetragen hatte.

    Sein Thronfolgersohn Rudolf Bell wurde Rebell. Der deutsche Gouverneur von Kamerun ließ ihn 1914 am Hanfstrick aufhängen, weil er eine Verschwörung angezettelt hatte. Er hatte eine Geheimbotschaft an den »Großen Graslandhäuptling« Njoja von Banum gesandt und ihn aufgefordert, die deutsche Kolonialherrschaft abzuschütteln.

    Nach Rudolf Bells Strangulierung am 8. August 1914 hatte es sich ausgebellt. Die trauernde Witwe tröstete der Gouverneur: »Wer sich wohlverhält, braucht sich nicht zu fürchten.«

    Wohlverhielt sich der zu dieser Zeit in Deutschland studierende Sohn des Aufrührers, Manga Bell. Er ließ sich von deutschen Unteroffizieren auf dem Kasernenhof der Rendsburger Ulanen das Laden und Sichern beibringen und kämpfte als Kriegsfreiwilliger treu für Kaiser und Reich. Seine Heimat am 8 km breiten Wurifluß hatten Ende September schon die Engländer besetzt. Nach Versailles kamen Wuri und Dualas unter die französische Kolonialherrschaft.

    Aber die Franzosen legten großen Wert darauf, zur Befriedung des unruhigen schwarzen Stammes Manga Bell wenigstens der Form nach in die Rechte eines »Königs von Duala« einzusetzen, obwohl Manga Bell auf der deutschen Seite gekämpft hatte.

    So bekam denn der schwarze Medizin-Student, kurz nachdem die 17jährige Andrea Jeminez seinem stürmischen Liebeswerben nachgegeben und in die Ehe eingewilligt hatte, eines Tages vom Pariser Kolonialministerium die offizielle Offerte, nach Frankreich zu kommen und seine Dualas regieren zu helfen.

    »Nach unserer Reise nach Paris wohnten wir zunächst in Sèvres, wo ich am 11. Januar 1920 José Emanuel Manga Manga das Leben schenkte«, erzählt die verstoßene Andrea. »Der Junge wurde fortan als künftiger Thronfolger Manga Manga genannt. Ein Jahr später folgte ein Töchterlein, das, wie ich selbst, Andrea getauft wurde. Wir nannten es aber im Familienkreis Tüke. Kaum war meine Tochter auf die Welt gekommen, als mich mein Gatte verließ und nach Kamerun fuhr, wo er den größten Teil seiner Erbschaft den neuen Herren des Protektorates verpfändete, um die Mittel zu haben, sein schon in Paris begonnenes ausschweifendes Leben mit anderen Frauen, schwarzen und weißen, fortzusetzen.

    »Ich aber hatte oft nicht das Geld, um meinen Kindern Milch zu kaufen. Der Königin-Traum war eine Farce - ich konnte diese Illusion höchstens auf der Bühne dann und wann fortsetzen - als Schauspielerin. Angeborene und fortgebildete künstlerische Talente verschafften mir Brot. Nicht nur auf der Bühne, sondern auch in Reklamebüros. Zeitweise war ich eine gefragte Gebrauchsgraphikerin. Dann lernte ich den in Paris lebenden Schriftsteller Joseph Roth kennen und wurde seine Sekretärin und Begleiterin.«

    Roth, der, wie sein großes Idol Heinrich Heine, Esprit mit Sarkasmus verband, hat der Mulattin offenbar sehr nahe gestanden. Acht Jahre war sie seine Gefährtin und tippte ihm das Maschinenskript seines zwielichtigen Romans »Hiob«, die Schicksalsgeschichte einer jüdischen Familie bei ihrem Zusammentreffen mit der amerikanischen Zivilisation.

    An der europäischen Zivilisation indessen stießen sich Andreas Kinder bei ihrer Großmutter in Hamburg. Dorthin hatte Andrea den Manga Manga und Tüke gebracht, als sie Roth auf Reisen nach Nizza und anderen Orten der Cête d’azur begleitete. Die beiden Sprößlinge des Afrikaners machten es der alten Frau nicht leicht. Ihretwegen mußte sie in die Außenbezirke am Glindweg ziehen, aber auch dort pflegten José und Tüke die Reste ihrer Mahlzeit ohne besondere Umstände geradewegs aus dem Fenster zu werfen.

    Das Buschmannsblut war oft stärker als die zivilisatorische Tünche. Großmutter Jeminez prügelte sie den mehr schwarzen als braunen Enkeln immer wieder ein. Noch heute erinnert sich Tüke, daß die jähzornige Grandmère sie mit dem ersten besten Gegenstand verbläute - sogar mehrmals mit dem auf dem Tisch liegenden Schwarzbrot.

    Aber in der Schule waren die beiden Rangen sehr aufgeweckt und wissensdurstig. Manga Manga besuchte die von der Hamburger Universität aufgezogene Fortschrittsschule »Thielo-Süd«, auf der außer Fremdsprachen auch Schach- und Schauspiel-Unterricht gegeben wurde. Nach der Art der sowjetischen Musterschulen gab es hier keinen festen Lehrplan, keine Zeugnisse, kein Sitzenbleiben. Die Lehrer wurden von den Schülern geduzt. Der gesamte Unterricht wurde frei gestaltet.

    »Hier in einer Klasse zusammen mit Manga Manga wurde ich Zeuge seiner verblüffenden Intelligenz und seiner spielenden Auffassungsgabe. Groß war sein schauspielerisches Talent in Schüleraufführungen wie Erich Kästners: ’Emil und die Detektive’«, attestiert noch heute ein Mitschüler und Freund des verblichenen Duala-Prinzen.

    Beim »Nerother Wandervogel« waren Manga Manga und seinesgleichen gut aufgehoben. Hamburger Jugendführer Werner Hellwig, Mitglied der Landstreicherorganisation »Toddy« und Schriftsteller (Bücher: »Im Dickicht des Pelion«, »Raubfische in Hellas« u.a.m.), brachte die beiden Königskinder dann bei Bürgersleuten unter, als die alte Großmutter nur noch prügelte.

    Die bündische Jugendgruppe ersetzte ihnen oft Vater und Mutter. Oberste Wandervögel waren die Gebrüder Robert und Karl Olbermann. Karl hatte ein Holzbein, mit dem er sich sogar bis ins Vorgebirge des Kaukasus wagte.

    Andrea aber wagte sich nur selten nach Hause zu ihrer Mutter und zu den Kindern. Wenn sie einmal kam und Schriftsteller Roth sich selbst und der Trinkleidenschaft überließ, dann verfehlte sie nicht, vor allem Manga Manga darauf aufmerksam zu machen, wie schändlich sein Vater an ihnen allen handele.

    Der schwarze Gentleman war mehr am Montmartre als in Bimbra am Wuri-Fluß, schickte keinen Unterhaltspfennig, weigerte sich aber auch, in die Scheidung einzuwilligen, falls Frau Andrea ihm nicht vorher beide Kinder freiwillig überlasse.

    Die Anklagen der Mutter fraßen sich fest in den Kinderseelen, vor allem bei dem Jungen. Sie verhärteten sich in ihm zu einem Komplex der Abneigung gegen seinen leiblichen Vater, den er mit Bewußtsein nie kennengelernt hatte, von dem er nur immer hörte, daß er ein Unmensch, Ladykiller, Herumtreiber und Saufaus sei. »Ich stelle ihn mir immer wie einen rucksacktragenden Affen vor«, sagte er einmal zu seinen Freunden vom Wandervogel.

    Er mußte sie und das altvertraute Hamburg verlassen, als Andrea (die Kinder sagten nie Mutter zu ihr, sondern nannten sie immer nur mit Vornamen) gleich nach Neujahr 1933 aus Josef Roths Schweizer Bungalo drahtete: »Sofort abreisen!« Dann folgten Treffpunkt, Verabredung und Geld.

    In kluger Witterung der mit dem bevorstehenden NS-Regime ausbrechenden Rassenverfolgung holte die Mutter ihre Kinder zu sich und verließ bald darauf den inzwischen völlig dem Alkoholexzeß verfallenen Literaten Roth. Es sei schließlich so schlimm mit ihm gewesen, daß er trotz seiner jüdischen Herkunft »Antisemit« geworden sei und nur noch mit Aristokraten und Nationalisten verkehren wollte. Mit 44 Jahren starb der begabte Autor des Romans »Radetzky-Marsch« an Delirium tremens.

    Andrea drückte ihm nicht die Augen zu. Sie hatte die Auflösung nicht mehr mit ansehen können, war mit ihren Kindern nach Paris gezogen und lebte dort in ärmlichsten Verhältnissen.

    Aus dem Nerother Wandervogel Manga Manga wurde bald ein vagabundierender Zugvogel. In einem Brief an seinen deutschen Freund schreibt er am 7. 9. 46 selbst über diese Zeit:

    »Mit 16 bin ich aus der Schule raus, und fast sofort fing ich an zu bummeln. Dabei arbeitete ich zeitweise in einer Fabrik. Dann machte ich nichts, überhaupt nichts, und daraus ist inzwischen ein großes Nichts geworden. Im Sommer 39 habe ich mich mit Andrea verzankt und habe sie und Tüke allein gelassen. Lebte erst bei einer Freundin, und als diese mit ihren Kindern nach Kriegsausbruch abgeschoben wurde, neun Monate mit einer anderen und arbeitete während dieser Zeit in einer Rüstungsfabrik.

    »Dann kamen die Deutschen, und ich flüchtete zusammen mit meinem Unternehmer nach Südfrankreich. Dort machte ich mich im Sommer 40 mit dem Fahrrad auf Tour. Es war sehr schön. Schließlich strandete ich an der Schweizer Grenze, wo ich den Winter über blieb und ging dann mit drei Freunden schwarz über die Grenze. Wir wollten versuchen, übers englische Konsulat nach England zu kommen. Leider klappte es nicht. Wir wurden ausgewiesen.

    »Wieder in Frankreich lebte ich in einem kleinen Hafen am Mittelmeer, wo dann unerwarteterweise mein Vater nach mir suchen ließ. Er war im Senegal, konnte anscheinend nicht nach Kamerun zurück, wo die Gaullisten waren.)

    ) Frau Andrea behauptet, daß Manga Bell während der deutschen Okkupation Pétain die Stange gehalten habe und vichytreu gewesen sei. Deshalb konnte und wollte er wohl auch nicht zu de Gaulle. »Ich lebte also eine Zeitlang mit meinem bis dahin mir unbekannten Vater mitten im Busch, wurde dann, als ganz Afrika mit den Angelsachsen stand, eingezogen und kam mit der französischen Armee wieder nach Frankreich. Bei meinem ersten Besuch bei Andrea und Tüke wurde ich krank. Blinddarm mit schwerer Bauchfell-Entzündung. Zurück blieb ein Abzeß auf der Lunge. Nach einem Jahr Krankenhaus desertierte ich dann. Da mein Vater aber als Deputierter (Du weißt doch, was das ist? Ungefähr Reichstagsabgeordneter) nach Paris kam, wurde die Sache beigelegt.

    »Mein Vater ist ziemlich reich, er häufte alles über mich und ließ mich bummeln, wie ich wollte. Bis ich jetzt in Davos im Sanatorium gelandet bin. Ich bin mit meinen 26 Jahren ein alter Verlebter - un viveur. Augenblicklich bin ich Prinz und lebe von meinem Vater und da sehe ich so richtig, von wem ich alle meine Fehler erbte ...

    »Als ich 33 Deutschland verließ, hatte ich alle Möglichkeiten vor mir. Ich habe sie nutzlos vertan. Vielleicht hätte ich doch ein bißchen länger von Grandmère in Hamburg erzogen werden müssen, wenn sie uns auch oft genug mit dem Kommißbrot verhauen hat. Erinnerst Du Dich an ihre Strenge? Sie ist 1940 - glaube ich - gestorben ...«

    Als der seinen Vater um drei Haupteslängen überragende Manga Manga, von vielen Mädchen geliebter Dauphin von Duala, endlich geheilt das Sanatorium Schatzalp bei Davos verlassen konnte, faßte er den festen Entschluß, seinen väterlichen Blutserbteil mit männlicher Selbstbeherrschung zu unterdrücken. Gesund und geläutert schloß er Mutter und Schwester in die Arme.

    Die beiden hatten inzwischen Schweres durchgemacht. Andrea wurde während des Krieges wegen ihrer Gestapo-bekannten Freundschaft zu Roth und anderen Emigranten vom SD gesucht. Sie tauchte in den Wäldern Nordfrankreichs unter, wo sie an einem Meiler arbeitete und Holzkohlen schwelte. Tüke war einige Monate als Offizierin in einem französischen Armeeverwaltungsstab gen Deutschland gezogen. Als sie dann nach Paris zurückkehrte, genoß sie die schönsten Tage ihres Lebens.

    »Ich gebe zu, daß mein Mann Manga Bell nicht ganz zurechnungsfähig ist,« urteilt Mutter Andrea heute über diese Tage. »Als er sich damals nach 25 Jahren zum ersten Male wieder bei uns sehen ließ, hat er ein Riesenfest veranstaltet - anläßlich der Hochzeit von Tüke. Zahlreiche Minister und Abgeordnete der MRP (Mouvement Républicain Populaire = Republikanische Volkspartei, der auch Robert Schuman und Georges Bidault angehören) nahmen daran teil, obwohl Tükes Gatte, Jaques Rebuffé, nur ein einfacher Mann ist.

    »Manga Bell ließ alle Gäste im Ueberfluß schwelgen. Allein der Empfang nach der Hochzeitszeremonie kostete 350000 Francs, die Fotos, die von dem jungen Paar gemacht wurden, 60000 Francs.

    »Während des Festessens sagte er zu mir, wir müßten wieder unsere Lebensgemeinschaft aufnehmen. Ich habe ihn ausgelacht. Mir imponieren weder sein Reichtum, noch seine drei großen Luxusautos. Jetzt hat er eine ältliche Senatorin zur Freundin, die nicht einmal die französische Orthographie beherrscht. Aber sie beherrscht ihn ...

    »Manga Bell ist nicht nur ein großer Lebemann, sondern auch ein hervorragender Reiter. Er renommiert oft mit seinem Vollbluthengst, auf dem er in die Bars hineinreitet. Tüke bekam eine fürstliche Mitgift von ihm. Davon gab sie ihrem Bruder 200000 Francs, um ihm einige Jahre später die verhängnisvolle Reise nach Duala zu ermöglichen ...«

    Bald nach der Ankunft des Erbprinzen in Duala krachten die tödlichen Schüsse aus dem väterlichen Gewehr. Manga hatte Manga Manga getötet. Die amtliche Nachrichtenagentur L’agence francaise meldete darüber in lakonischer Kürze:

    »Aus gut unterrichteter Quelle wird gemeldet, daß der Sohn des MRP-Deputierten aus Kamerun in der Nationalversammlung durch Gewehrschüsse getötet worden ist. Die Waffe war noch in den Händen des Vaters des Opfers. Man weiß nicht recht, ob es sich um einen Unglücksfall oder um einen Mord handelt.«

    »Es war ein Mord!« klagt die untröstliche Mutter Manga Bell an. »Ich fühle es, daß Manga Manga seinem Vater Vorhaltungen gemacht hat, weil er uns so schmählich behandelte. Bei seiner Abreise ließ er durchblicken, daß er manches mit ihm ins Reine bringen wolle. Als ich ihn bat, sein Vorhaben aufzugeben, hatte er nur eine verächtliche Geste: ’Hab keine Angst, es kann mir nichts geschehen, ich bin doch ein Sonntagskind.’ Nun ist er an einem Sonntag abgeknallt worden wie ein räudiger Schakal, von seinem eigenen Vater.

    »Bei Manga Bell saß immer das Schießeisen sehr locker. Schon in Deutschland hatte er zwei tödliche Duelle. Sein erstes Opfer war ein deutscher Hauptmann namens Kessler, den er wegen einer Rassenfrage forderte und der dann einem Bauchschuß erlegen ist. Den anderen hat er mit seinem Säbel zu Tode verletzt. Sein Gewehr trägt wie alle seine persönlichen Utensilien - von der Zigarettendose bis zur Unterhose - die Herrscherkrone über seinem Monogamm.«

    Die unglückliche Mutter fordert Sühne für den Tod ihres Sohnes, und auch das Rassemblement Démocratique Africain (linksgerichtete afrikanische Sammlungsbewegung) verlangte nach einem Gerichtsurteil und ließ Plakate drucken: »Maurice Thorez wurde von der Sitzung der Kammer ausgeschlossen, weil er einen jungen Burschen geohrfeigt hatte. Hingegen bleibt Manga Bell, der seinen Sohn kaltblütig ermordete, weiterhin Abgeordneter und Mitglied der MRP.!«

    »Die Erklärung dafür ist die, daß Frankreich unbedingt Ruhe in Kamerun braucht, Kamerun birgt reiche Schätze an Uran,« glaubt Andrea zu wissen. »Man will die Eingeborenen, die Manga Bell auf seiner Seite hat, nicht gerade jetzt aufrührerisch machen. Deshalb hat auch das Kolonial-Ministerium den Mord als Bagatelle behandelt.«

    Dennoch blieb er nicht der großen Sippe des alten King Bell, die heute in zahlreichen europäischen Ländern verstreut lebt, verborgen, auch die in der deutschen Diaspora lebenden Nachkommen der 600 Bell-Frauen, bekamen Witterung von dem Prinzenmord. Sie sind auf Manga Bell nicht gut zu sprechen, weil er die Schätze der alten Heimat am Wuri restlos den Weißen auslieferte, um sich ein vergnügtes Leben zu machen, während sie sich in der Fremde durchschlagen müssen.

    So auch Mangas Vetter Tom Bell. Musikstar der Westberliner »Pinguin«-Bar (siehe Titel), die zur Zeit auf Westerland gastiert. Nach Mitternacht, wenn keiner der sambamüden Badegäste ein Bein mehr aufs Parkett bekommt, springt Tom auf seinen Musikantenstuhl und trommelt mit krausen Jazzrhythmen die schwitzenden Paare wieder wach.

    Dann läßt Tom seine in zehn Semestern TH-Studium in München wohlerworbenen zivilisatorischen Hemmungen fahren und entlockt der Jazztrommel die alten kriegerischen Signale der Dualas, wie er sie von seinem Vater gelernt hat. Der war ein Halbbruder des hingerichteten Rudolf Bell.

    Erinnert man Tom an Duala, wird er böse. »Wenn ich wollte, könnte ich nach Hause fahren. Ich verstehe mehr von Kolonialpolitik als mancher Kolonial-Minister. Ich bin weder Deutscher, noch Franzose, sondern Kameruner.«

    Aber nur nach Mitternacht spricht Tom von Politik. Tagsüber ist er verschlossen und knurrig, selbst gegenüber seinen schwarzen Kollegen von der Pinguin-Bar, die sich aus den 45 schwarzen und braunen Mitgliedern der Berliner afrikanischen Kolonie rekrutieren. Mit dem vollbusigen schwarzen Star Sylvia im Präsidial-Ausschuß.

    Die meisten von ihnen wohnen im Ostsektor und stehen auch ideologisch auf seiten des Ostens, wenn auch nicht alle eingeschriebene Mitglieder der SED sind, wie Toms entfernter Verwandter Gijm Bell, der in der Bar in grellrotem Kaftan den stärksten Nachtbar-Kaffee braut und den bakschischgeizigen Nachtfaltern nachruft: »Weiße Mann waren zu Neger immer schlecht. Deshalb müssen Neger ja alle Kommunisten sein ...«

    Bleigießen nennen Kenner die feierliche Prozedur, mit der Gijm seinen Mokka auf Holzkohlenfeuer zubereitet. Er hat sich als Filmstatist letztens in »Nächte am Nil« und als Preisringer in Wien und Berlin durch die mitteleuropäischen Emigrantengefilde geschlagen.

    Lesen und schreiben hat er dabei nicht gelernt, deshalb mußte ihm Tom Bell vortrommeln, was in Duala geschah und was die Briefe aus Paris und Bimbra meldeten, daß Manga Bell den Manga Manga Bell erschossen hat.

    Voici ce que DeepL sait en faire.

    Homme blanc toujours mauvais
    23.8.1950, DER SPIEGEL 34/1950

    Andrea Manga Bell, reine brune de Duala tombée dans la misère prolétarienne, saisit à nouveau chaque semaine les tribunaux parisiens pour faire comparaître devant le cadi l’assassin de son fils Manga Manga Bell.

    C’est son époux légitime, Manga Bell, géniteur de José Emanuel Manga Manga, aujourd’hui député à l’Assemblée nationale française et délégué des Nations unies pour le Cameroun, qui est devenu son meurtrier. Reine répudiée Andrea, née Jeminez à Hambourg, fille d’un mulâtre de Cuba et d’une mère allemande, vit séparée de lui depuis 30 ans. Le mariage mixte exotique n’a pas duré, bien qu’un ecclésiastique de Hambourg l’ait dignement béni en 1920.

    La dernière entorse à son existence de reine abîmée a eu lieu il y a quelques mois, lorsque deux balles du fusil de sniper de Manga Bell ont tué son fils préféré. Ses lèvres ridées se sont mises à dégouliner doucement de toute cette histoire de malheur.

    En 1919, l’actuel délégué de l’ONU Manga Bell s’est rendu pour la première fois dans la maison bourgeoise de Jeminez à Hambourg. L’oncle Adolpho Jeminez, qui fait aujourd’hui le commerce de cacao dans la Sierichstrasse à Hambourg, se souvient encore obscurément de la façon dont le cavalier noir aux bonnes manières lui avait présenté ses respects. Le prince duala avait repris ses études de médecine à Kiel à la fin de la guerre et faisait maintenant la cour à la beauté brune Andrea.

    "Comme je l’ai appris plus tard, il avait falsifié une lettre de recommandation pour s’introduire dans notre famille et faire ma connaissance", sait Andrea aujourd’hui. Avant la guerre, il avait appris les bonnes manières à l’école princière de Putbus sur l’île de Rügen, où il avait été formé aux bonnes manières avec les fils d’autres têtes couronnées. Manga Bell a fait ses débuts à la cour dès 1904, où les dames de la cour de Guillaume II l’ont taquiné. Le "Simplizissimus" a consacré un numéro entier au petit nègre.

    C’était au début de la politique coloniale allemande en Afrique, deux décennies après que Gustav Nachtigal, alors consul général à Tunis, se soit envolé pour le Cameroun sur la canonnière allemande "Möve" - en concurrence avec les Anglais, qui avaient déjà planté l’Union Jack sur plusieurs côtes d’Afrique de l’Ouest.

    Am 12. Juli 1884 landete Gustav Nachtigal mit Staatsrechtler Dr. Buchner in Bimbra, wo Handelspionier C. Woermann bereits eine Faktorei eingerichtet hatte. Dort beugte sich Oberhäuptling King Bell, Großvater des UN-Delegierten Manga Bell, samt seinen 600 Frauen, 998 Kindern und 15000 wehrhaften Dualas unter die deutsche Oberhoheit, die ihm Gustav Nachtigal angetragen hatte.

    Son fils héritier du trône, Rudolf Bell, devint un rebelle. En 1914, le gouverneur allemand du Cameroun le fit pendre à la corde de chanvre pour avoir fomenté un complot. Il avait envoyé un message secret au "Grand chef des prairies" Njoja von Banum, lui demandant de se débarrasser de la domination coloniale allemande.

    Après l’étranglement de Rudolf Bell le 8 août 1914, il avait aboyé. Le gouverneur a consolé la veuve éplorée : "Celui qui se comporte bien n’a rien à craindre".

    Le fils de l’insurgé, Manga Bell, qui étudiait à l’époque en Allemagne, s’est bien comporté. Il s’est fait enseigner par des sous-officiers allemands dans la cour de la caserne des Ulans de Rendsburg comment charger et sécuriser et s’est battu fidèlement pour l’empereur et l’empire en tant que volontaire de guerre. Fin septembre, les Anglais occupaient déjà sa région natale, située au bord de la rivière Wuri, large de 8 km. Après Versailles, Wuri et Dualas passèrent sous la domination coloniale française.

    Mais les Français tenaient beaucoup, pour pacifier la tribu noire turbulente, à placer Manga Bell, au moins dans la forme, dans les droits d’un "roi de Duala", bien que Manga Bell ait combattu du côté allemand.

    C’est ainsi que peu de temps après que la jeune Andrea Jeminez, âgée de 17 ans, eut cédé à son amour fou et consenti à son mariage, l’étudiant en médecine noir reçut un jour une offre officielle du ministère des colonies parisien pour venir en France et aider à gouverner ses dualas.

    "Après notre voyage à Paris, nous avons d’abord habité à Sèvres où, le 11 janvier 1920, j’ai donné la vie à José Emanuel Manga Manga", raconte la répudiée Andrea. "Le garçon, futur héritier du trône, fut dès lors appelé Manga Manga. Un an plus tard, une petite fille suivit, qui, comme moi, fut baptisée Andrea. Mais dans le cercle familial, nous l’appelions Tüke. A peine ma fille était-elle née que mon époux me quitta pour le Cameroun, où il mit en gage la plus grande partie de son héritage aux nouveaux maîtres du protectorat, afin d’avoir les moyens de poursuivre sa vie de débauche, déjà commencée à Paris, avec d’autres femmes, noires et blanches.

    "Mais souvent, je n’avais pas l’argent pour acheter du lait à mes enfants. Le rêve de la reine n’était qu’une farce - je pouvais tout au plus prolonger cette illusion de temps en temps sur scène - en tant qu’actrice. Des talents artistiques innés et développés m’ont permis de gagner ma vie. Pas seulement sur scène, mais aussi dans des agences de publicité. J’ai parfois été une graphiste utilitaire très demandée. Puis j’ai fait la connaissance de l’écrivain Joseph Roth, qui vivait à Paris, et je suis devenue sa secrétaire et sa compagne".

    Roth, qui, comme sa grande idole Heinrich Heine, alliait l’esprit au sarcasme, a manifestement été très proche de la mulâtresse. Elle a été sa compagne pendant huit ans et lui a tapé le script automatique de son roman louche "Job", l’histoire du destin d’une famille juive lors de sa rencontre avec la civilisation américaine.

    En revanche, les enfants d’Andrea se sont heurtés à la civilisation européenne chez leur grand-mère à Hambourg. C’est là qu’Andrea avait emmené Manga Manga et Tüke lorsqu’elle accompagnait Roth en voyage à Nice et dans d’autres endroits de la Côte d’azur. Les deux rejetons de l’Africain n’ont pas facilité la tâche de la vieille femme. A cause d’eux, elle a dû déménager dans les quartiers périphériques du Glindweg, mais même là, José et Tüke avaient l’habitude de jeter les restes de leur repas directement par la fenêtre, sans circonstances particulières.

    Le sang bushman était souvent plus fort que le badigeon civilisateur. Grand-mère Jeminez ne cessait de les asséner à ses petits-enfants plus noirs que bruns. Aujourd’hui encore, Tüke se souvient que l’irascible Grandmère lui a fait perdre la tête avec le premier objet le mieux placé - et même plusieurs fois avec le pain noir qui se trouvait sur la table.

    Mais à l’école, les deux béliers étaient très éveillés et avaient soif de connaissances. Manga Manga a fréquenté l’école de progrès "Thielo-Süd", créée par l’université de Hambourg, où l’on enseignait, outre les langues étrangères, les échecs et l’art dramatique. A la manière des écoles modèles soviétiques, il n’y avait pas de programme scolaire fixe, pas de bulletins de notes, pas de redoublement. Les professeurs étaient tutoyés par les élèves. L’enseignement était libre.

    "Ici, dans une classe avec Manga Manga, j’ai été témoin de son intelligence stupéfiante et de sa capacité de compréhension ludique. Son talent d’acteur était grand dans les spectacles d’élèves comme ’Emil und die Detektive’ d’Erich Kästner", atteste encore aujourd’hui un camarade de classe et ami du défunt prince Duala.

    Chez le "Nerother Wandervogel", Manga Manga et ses semblables étaient bien entourés. Le leader de la jeunesse hambourgeoise Werner Hellwig, membre de l’organisation de vagabonds "Toddy" et écrivain (livres : "Im Dickicht des Pelion", "Raubfische in Hellas", etc.), a ensuite placé les deux enfants royaux chez des bourgeois, alors que la vieille grand-mère ne faisait que se battre.

    Le groupe de jeunes bündisch remplaçait souvent leur père et leur mère. Les plus grands randonneurs étaient les frères Robert et Karl Olbermann. Karl avait une jambe de bois, avec laquelle il s’est même aventuré jusqu’aux contreforts du Caucase.

    Andrea aber wagte sich nur selten nach Hause zu ihrer Mutter und zu den Kindern. Wenn sie einmal kam und Schriftsteller Roth sich selbst und der Trinkleidenschaft überließ, dann verfehlte sie nicht, vor allem Manga Manga darauf aufmerksam zu machen, wie schändlich sein Vater an ihnen allen handele.

    Der schwarze Gentleman war mehr am Montmartre als in Bimbra am Wuri-Fluß, schickte keinen Unterhaltspfennig, weigerte sich aber auch, in die Scheidung einzuwilligen, falls Frau Andrea ihm nicht vorher beide Kinder freiwillig überlasse.

    Les accusations de la mère rongeaient l’âme des enfants, surtout celle du garçon. Elles se sont durcies en lui en un complexe d’aversion contre son père biologique, qu’il n’avait jamais connu consciemment et dont il entendait seulement dire qu’il était un monstre, un tueur de dames, un vagabond et un ivrogne. "Je l’imagine toujours comme un singe portant un sac à dos", dit-il un jour à ses amis du Wandervogel.

    Il dut la quitter, elle et son Hambourg familier, quand Andrea (les enfants ne l’appelaient jamais mère, mais toujours par son prénom), juste après le Nouvel An 1933, fila du Bungalo suisse de Josef Roth : "Partez immédiatement !" Suivirent le lieu de rendez-vous, la date et l’argent.

    Sentant venir la persécution raciale avec l’avènement du régime nazi, la mère prit ses enfants auprès d’elle et quitta bientôt l’homme de lettres Roth, qui avait entre-temps complètement sombré dans l’alcoolisme. Les choses allaient finalement si mal avec lui que, malgré ses origines juives, il était devenu "antisémite" et ne voulait plus fréquenter que des aristocrates et des nationalistes. L’auteur talentueux du roman "La marche de Radetzky" mourut à 44 ans d’un delirium tremens.

    Andrea ne lui a pas fermé les yeux. Elle n’avait pas pu assister à la dissolution, avait déménagé à Paris avec ses enfants et y vivait dans des conditions très pauvres.

    L’oiseau migrateur de Nerother Manga Manga est rapidement devenu un oiseau migrateur vagabond. Dans une lettre adressée à son ami allemand le 7.9.46, il parle lui-même de cette période :

    "A 16 ans, j’ai quitté l’école et j’ai presque immédiatement commencé à flâner. J’ai travaillé de temps en temps dans une usine. Ensuite, je n’ai rien fait, rien du tout, et c’est devenu entre-temps un grand rien. En été 39, je me suis fâché avec Andrea et je l’ai laissée seule avec Tüke. J’ai d’abord vécu chez une amie, puis, lorsque celle-ci a été expulsée avec ses enfants après le début de la guerre, j’ai vécu neuf mois avec une autre, et pendant ce temps, j’ai travaillé dans une usine d’armement.

    "Puis les Allemands sont arrivés et j’ai fui dans le sud de la France avec mon entrepreneur. Là-bas, j’ai fait du vélo pendant l’été 40. C’était très beau. J’ai fini par échouer à la frontière suisse, où je suis resté l’hiver, puis j’ai passé la frontière au noir avec trois amis. Nous voulions essayer de passer par le consulat anglais pour aller en Angleterre. Malheureusement, ça n’a pas marché. Nous avons été expulsés.

    "De retour en France, j’ai vécu dans un petit port au bord de la Méditerranée, où, de manière inattendue, mon père m’a fait rechercher. Il était au Sénégal et ne pouvait apparemment pas retourner au Cameroun, où se trouvaient les gaullistes*).

    *) Madame Andrea affirme que Manga Bell a soutenu Pétain pendant l’occupation allemande et qu’il était vichyssois. C’est sans doute pour cela qu’il ne pouvait et ne voulait pas aller voir de Gaulle. "J’ai donc vécu un certain temps avec mon père, que je ne connaissais pas jusque-là, au milieu de la brousse, puis j’ai été mobilisé lorsque toute l’Afrique était aux côtés des Anglo-Saxons et je suis revenu en France avec l’armée française. Lors de ma première visite chez Andrea et Tüke, je suis tombé malade. Appendicite avec une grave inflammation du péritoine. Il restait un abcès sur le poumon. Après un an d’hospitalisation, j’ai déserté. Mais comme mon père était venu à Paris en tant que député (tu sais ce que c’est ? environ un député du Reichstag), l’affaire a été réglée.

    "Mon père est assez riche, il accumulait tout sur moi et me laissait flâner comme je voulais. Jusqu’à ce que je me retrouve au sanatorium de Davos. A 26 ans, je suis un vieux vivant - un viveur. En ce moment, je suis prince et je vis de mon père, et là je vois vraiment de qui j’ai hérité tous mes défauts...

    "Quand j’ai quitté l’Allemagne en 33, j’avais toutes les possibilités devant moi. Je les ai gâchées inutilement. Peut-être aurais-je dû être éduqué un peu plus longtemps par Grandmère à Hambourg, même si elle nous a souvent donné une raclée avec le Kommißbrot. Tu te souviens de sa sévérité ? Elle est morte en 1940 - je crois - ...".

    Lorsque Manga Manga, le dauphin de Duala aimé par de nombreuses jeunes filles et dépassant son père de trois longueurs de tête, put enfin quitter le sanatorium de Schatzalp près de Davos en étant guéri, il prit la ferme décision de réprimer son héritage de sang paternel avec une maîtrise de soi virile. En bonne santé et purifié, il prit sa mère et sa sœur dans ses bras.

    Entre-temps, ils avaient traversé des épreuves difficiles. Pendant la guerre, Andrea était recherchée par le SD en raison de son amitié avec Roth et d’autres émigrés, connue de la Gestapo. Elle s’est réfugiée dans les forêts du nord de la France, où elle travaillait sur une meule et carbonisait du charbon de bois. Tüke s’était rendue en Allemagne pendant quelques mois en tant qu’officier dans un état-major administratif de l’armée française. De retour à Paris, elle a vécu les plus beaux jours de sa vie.

     »Ich gebe zu, daß mein Mann Manga Bell nicht ganz zurechnungsfähig ist,« urteilt Mutter Andrea heute über diese Tage. »Als er sich damals nach 25 Jahren zum ersten Male wieder bei uns sehen ließ, hat er ein Riesenfest veranstaltet - anläßlich der Hochzeit von Tüke. Zahlreiche Minister und Abgeordnete der MRP (Mouvement Républicain Populaire = Republikanische Volkspartei, der auch Robert Schuman und Georges Bidault angehören) nahmen daran teil, obwohl Tükes Gatte, Jaques Rebuffé, nur ein einfacher Mann ist.

     »Manga Bell ließ alle Gäste im Ueberfluß schwelgen. Allein der Empfang nach der Hochzeitszeremonie kostete 350000 Francs, die Fotos, die von dem jungen Paar gemacht wurden, 60000 Francs.

    "Pendant le repas de fête, il m’a dit que nous devions reprendre notre vie commune. Je me suis moquée de lui. Je ne suis pas impressionné par sa richesse, ni par ses trois grosses voitures de luxe. Maintenant, il a pour amie une sénatrice âgée qui ne maîtrise même pas l’orthographe française. Mais elle le domine ...

    "Manga Bell n’est pas seulement un grand bon vivant, c’est aussi un excellent cavalier. Il est souvent renommé avec son étalon pur-sang, sur lequel il monte dans les bars. Tüke a reçu de lui une dot princière. Elle en donna 200000 francs à son frère pour lui permettre, quelques années plus tard, de faire le voyage fatal à Duala ...".

    Peu après l’arrivée du prince héritier à Duala, les coups de feu mortels du fusil paternel ont retenti. Manga avait tué Manga Manga. L’agence de presse officielle L’agence française l’a annoncé de manière laconique :

    "De source bien informée, le fils du député MRP du Cameroun a été tué par des coups de fusil à l’Assemblée nationale. L’arme était encore entre les mains du père de la victime. On ne sait pas vraiment s’il s’agit d’un accident ou d’un meurtre".

    "C’était un meurtre !" accuse la mère inconsolable de Manga Bell. "Je sens que Manga Manga a reproché à son père de nous avoir traités avec tant de mépris. Lors de son départ, il a laissé entendre qu’il souhaitait mettre certaines choses au clair avec lui. Lorsque je lui ai demandé de renoncer à son projet, il n’a eu qu’un geste de mépris : ’N’aie pas peur, il ne peut rien m’arriver, je suis un enfant du dimanche’. Maintenant, il a été abattu un dimanche comme un chacal galeux, par son propre père.

    "Manga Bell a toujours eu la gâchette facile. Déjà en Allemagne, il a eu deux duels mortels. Sa première victime était un capitaine allemand du nom de Kessler, qu’il a défié pour une question raciale et qui a ensuite succombé à une balle dans le ventre. Quant à l’autre, il l’a blessé à mort avec son sabre. Son fusil, comme tous ses ustensiles personnels - de la boîte de cigarettes au slip - porte la couronne du souverain au-dessus de son monogame".

    La malheureuse mère demande réparation pour la mort de son fils, et le Rassemblement Démocratique Africain (mouvement de rassemblement africain de gauche) a également demandé une décision de justice et fait imprimer des affiches : "Maurice Thorez a été exclu de la séance de la Chambre pour avoir giflé un jeune garçon. En revanche, Manga Bell, qui a froidement assassiné son fils, reste député et membre du MRP." !

    "L’explication est que la France a absolument besoin de calme au Cameroun, le Cameroun recèle de riches trésors d’uranium", croit savoir Andrea. "On ne veut pas que les indigènes, que Manga Bell a de son côté, se révoltent en ce moment. C’est pourquoi le ministère des Colonies a aussi traité le meurtre comme une bagatelle".

    Pourtant, il n’est pas resté caché à la grande tribu du vieux roi Bell, qui vit aujourd’hui dispersée dans de nombreux pays européens, et les descendants des 600 femmes Bell vivant dans la diaspora allemande ont également eu vent du meurtre du prince. Ils ne sont pas en bons termes avec Manga Bell, car il a livré aux Blancs tous les trésors de leur ancienne patrie sur le Wuri, pour se faire une vie agréable, tandis qu’ils doivent se débrouiller à l’étranger.

    C’est le cas du cousin de Manga, Tom Bell. Star de la musique du bar "Pinguin" de Berlin-Ouest (voir titre), qui fait actuellement escale à Westerland. Après minuit, quand aucun des baigneurs fatigués de la samba ne peut plus mettre un pied sur le parquet, Tom saute sur sa chaise de musicien et réveille les couples en sueur avec des rythmes de jazz frisés.

    Puis Tom laisse tomber ses inhibitions civilisationnelles, acquises au cours de dix semestres d’études techniques à Munich, et tire du tambour de jazz les anciens signaux guerriers des dualas, tels qu’il les a appris de son père. Ce dernier était le demi-frère de Rudolf Bell, qui a été exécuté.

    Quand on rappelle à Tom le nom de Duala, il se met en colère. "Si je le voulais, je pourrais rentrer chez moi. Je connais mieux la politique coloniale que certains ministres des colonies. Je ne suis ni allemand, ni français, mais camerounais".

    Mais ce n’est qu’après minuit que Tom parle de politique. Le jour, il est fermé et hargneux, même avec ses collègues noirs du Pinguin-Bar, qui se recrutent parmi les 45 membres noirs et bruns de la colonie africaine de Berlin. Avec Sylvia, la star noire à la poitrine généreuse, au sein de la commission présidentielle.

    La plupart d’entre eux habitent dans le secteur est et sont aussi idéologiquement du côté de l’est, même s’ils ne sont pas tous membres inscrits du SED, comme le parent éloigné de Tom, Gijm Bell, qui prépare le café de bar de nuit le plus fort dans un caftan rouge vif et crie aux papillons de nuit ambitieux : "Les hommes blancs ont toujours été mauvais avec les nègres. C’est pourquoi les nègres doivent tous être communistes ...".

    Les connaisseurs appellent "coulée de plomb" la procédure solennelle par laquelle Gijm prépare son moka sur un feu de charbon de bois. Il a fait ses preuves en tant que statisticien de cinéma dans le récent "Nuits sur le Nil" et en tant que lutteur de prix à Vienne et à Berlin dans les milieux d’émigrés d’Europe centrale.

    Il n’a pas appris à lire et à écrire, c’est pourquoi Tom Bell a dû lui raconter ce qui s’est passé à Duala et ce que les lettres de Paris et de Bimbra annonçaient, à savoir que Manga Bell avait tué Manga Bell.

    anglais by DeepL

    COLONIES / CAMEROON
    White man always bad
    23 August 1950, 1 p.m.-from DER SPIEGEL 34/1950

    Andrea Manga Bell, the brown queen of Duala, who has sunk into proletarian misery, takes to the courts in Paris every week to bring the murderer of her son Manga Manga Bell to justice.

    Her husband Manga Bell, the father of José Emanuel Manga Manga, now a member of the French National Assembly and UN delegate for Cameroon, became the murderer. Queen Andrea, born Jeminez in Hamburg, daughter of a mulatto from Cuba and a German mother, has been separated from him for 30 years. The exotic mixed marriage did not last, although a clergyman in Hamburg gracefully blessed her in 1920.

    The final twist in her damaged queenly existence came a few months ago when two bullets from Manga Bell’s sniper rifle killed her favourite son. The whole tale of misfortune trickled quietly from her wrinkled lips.

    In 1919, the current UN delegate Manga Bell snowed into the middle-class Jeminez house in Hamburg for the first time. Uncle Adolpho Jeminez, who now trades in cocoa in Hamburg’s Sierichstraße, still remembers darkly how the black gentleman with good manners paid his respects. The dual prince had resumed his medical studies in Kiel after the end of the war and was now courting the brown beauty Andrea.

    “I later learnt that he had forged a letter of recommendation in order to infiltrate our family and make my acquaintance,” Andrea remembers today. Before the war, he had learnt good manners at the princely school in Putbus on the island of Rügen, where he was drilled in good manners along with the sons of other crowned heads. Manga Bell made his debut at court in 1904, where he was pampered by the ladies-in-waiting of Wilhelm II. Simplizissimus" devoted an entire issue to the little nigger.

    This was at the beginning of German colonial policy in Africa, two decades after Gustav Nachtigal, then Consul General in Tunis, had set off for Cameroon on the German gunboat “Möve” - in competition with the British, who had already planted the Union Jack at several coastal locations in West Africa.

    On 12 July 1884, Gustav Nachtigal and constitutional lawyer Dr Buchner landed in Bimbra, where trading pioneer C. Woermann had already set up a factories. There, Chief King Bell, grandfather of UN delegate Manga Bell, together with his 600 wives, 998 children and 15,000 defencible Dualas, submitted to the German sovereignty that Gustav Nachtigal had offered him.

    His heir to the throne, Rudolf Bell, became a rebel. The German governor of Cameroon had him hanged by a hemp rope in 1914 because he had instigated a conspiracy. He had sent a secret message to the “Great Grassland Chief” Njoja von Banum, calling on him to shake off German colonial rule.

    After Rudolf Bell’s strangulation on 8 August 1914, it barked out. The governor comforted the grieving widow: “Those who behave well need not fear.”

    The rebel’s son, Manga Bell, who was studying in Germany at the time, behaved well. He was taught how to load and secure by German non-commissioned officers in the barracks of the Rendsburg Uhlans and fought loyally for the Kaiser and the Reich as a war volunteer. By the end of September, the British had already occupied his home on the 8 km wide Wuri River. After Versailles, Wuri and Dualas came under French colonial rule.

    However, the French attached great importance to the pacification of the restless black tribe by giving Manga Bell the rights of a “King of Duala”, at least in form, even though Manga Bell had fought on the German side.

    So one day, shortly after the 17-year-old Andrea Jeminez had given in to his tempestuous courtship and agreed to marry him, the black medical student received an official offer from the Paris Colonial Ministry to come to France and help govern his Dualas.

    “After our trip to Paris, we first lived in Sèvres, where I gave birth to José Emanuel Manga Manga on 11 January 1920,” says the outcast Andrea. "From then on, the boy was called Manga Manga as the future heir to the throne. A year later, a little daughter followed, who, like myself, was baptised Andrea. But we called her Tüke in the family circle. My daughter had barely been born when my husband left me and travelled to Cameroon, where he pledged most of his inheritance to the new masters of the protectorate in order to have the means to continue the dissolute life he had already begun in Paris with other women, black and white.

    “But I often didn’t have the money to buy my children milk. The Queen’s dream was a farce - the best I could do was continue this illusion on stage from time to time - as an actress. Innate and advanced artistic talents provided me with bread. Not only on stage, but also in advertising agencies. At times I was a sought-after commercial artist. Then I met the writer Joseph Roth, who was living in Paris, and became his secretary and companion.”

    Roth, who, like his great idol Heinrich Heine, combined wit with sarcasm, was obviously very close to the mulatto woman. She was his companion for eight years and typed the typescript of his dubious novel “Job”, the story of a Jewish family’s encounter with American civilisation.

    Meanwhile, Andrea’s children encountered European civilisation at their grandmother’s house in Hamburg. Andrea had brought Manga Manga and Tüke there when she accompanied Roth on trips to Nice and other places on the Cête d’Azur. The two offspring of the African did not make it easy for the old woman. Because of them, she had to move to the outskirts of Glindweg, but even there José and Tüke used to throw the remains of their meal straight out of the window without any special circumstances.

    The Bushman blood was often stronger than the civilising whitewash. Grandmother Jeminez beat her more black than brown grandchildren over and over again. Even today, Tüke remembers that the irascible grandmère bludgeoned her with the first best object - even several times with the brown bread lying on the table.

    But at school, the two rangers were very bright and thirsty for knowledge. Manga Manga attended the progressive school “Thielo-Süd”, which was run by Hamburg University and offered chess and drama lessons as well as foreign languages. In the style of the Soviet model schools, there was no fixed curriculum, no report cards, and no sitting-outs. The teachers were on first-name terms with the pupils. All lessons were organised freely.

    “Here in a class together with Manga Manga, I witnessed his astounding intelligence and his playful perceptiveness. His acting talent was great in school plays such as Erich Kästner’s ’Emil and the Detectives’,” a classmate and friend of the deceased Duala prince still attests today.

    Manga Manga and his peers were in good hands at the “Nerother Wandervogel”. Hamburg youth leader Werner Hellwig, a member of the hobo organisation “Toddy” and writer (books: “Im Dickicht des Pelion”, “Raubfische in Hellas” etc.), then placed the two royal children with burghers when the old grandmother was just beating around the bush.

    The youth group often replaced their father and mother. The brothers Robert and Karl Olbermann were the foremost hikers. Karl had a wooden leg, with which he even ventured into the foothills of the Caucasus.

    Andrea, however, rarely ventured home to her mother and children. When she did come home and left writer Roth to himself and his passion for drink, she never failed to point out to Manga Manga in particular how shamefully his father was treating them all.

    The black gentleman was more at Montmartre than in Bimbra on the Wuri River, did not send a penny for alimony, but also refused to agree to a divorce unless Mrs Andrea voluntarily gave him both children first.

    The mother’s accusations took root in the children’s souls, especially in the boy. They hardened in him into a complex of aversion towards his biological father, whom he had never consciously met, and of whom he had only ever heard that he was a monster, a lady-killer, a drifter and a drunkard. “I always imagine him as a backpack-carrying monkey,” he once said to his friends from the Wandervogel.

    He had to leave her and the familiarity of Hamburg when Andrea (the children never called her mum, but always called her by her first name) wrote from Josef Roth’s Swiss bungalo just after New Year 1933: “Leave immediately!” Then came the meeting point, the date and the money.

    Wisely sensing the racial persecution that was about to break out with the impending Nazi regime, the mother took her children in and soon afterwards left Roth, a man of letters who had become completely addicted to alcohol. In the end, things were so bad with him that he had become an “anti-Semite” despite his Jewish origins and only wanted to socialise with aristocrats and nationalists. At the age of 44, the talented author of the novel “Radetzky March” died of delirium tremens.

    Andrea did not turn a blind eye to him. She had been unable to watch the break-up, had moved to Paris with her children and lived there in the poorest of circumstances.

    The Nerother Wandervogel Manga Manga soon became a vagabond migratory bird. In a letter to his German friend on 7 September 46, he writes about this time himself:

    "I left school when I was 16 and almost immediately I started to go shopping. I worked in a factory for a while. Then I did nothing, nothing at all, and it became a big nothing. In the summer of ’39, I fell out with Andrea and left her and Tüke alone. I first lived with a friend, and when she and her children were deported after the war broke out, I lived with another friend for nine months and worked in an armaments factory during this time.

    "Then the Germans came and I fled to the south of France with my entrepreneur. I set off there by bike in the summer of ’40. It was very nice. I ended up stranded at the Swiss border, where I stayed for the winter and then crossed the border in black with three friends. We wanted to try to get to England via the English consulate. Unfortunately it didn’t work. We were deported.

    "Back in France, I was living in a small harbour on the Mediterranean, where my father unexpectedly sent out a search for me. He was in Senegal and apparently couldn’t go back to Cameroon, where the Gaullists were.)

    ) Mrs Andrea claims that Manga Bell was loyal to Pétain during the German occupation. That’s probably why he couldn’t and wouldn’t go to de Gaulle. "So I lived in the middle of the bush for a while with my father, who was unknown to me until then, and then, when the whole of Africa was standing with the Anglo-Saxons, I was called up and returned to France with the French army. On my first visit to Andrea and Tüke, I fell ill. Appendicitis with severe peritonitis. I was left with an abscess on my lung. After a year in hospital, I deserted. But as my father came to Paris as a deputy (you know what that is, don’t you? About a member of the Reichstag), the matter was settled.

    "My father is quite rich, he heaped everything on me and let me go as I pleased. Until I ended up in a sanatorium in Davos. At the age of 26, I’m an old man - un viveur. At the moment I’m a prince and live off my father, and I can really see from whom I inherited all my faults ...

    “When I left Germany in 33, I had all the opportunities in front of me. I wasted them uselessly. Perhaps I should have been brought up a little longer by Grandmère in Hamburg, even though she spanked us often enough with the commissary bread. Do you remember her strictness? I think she died in 1940 ...”

    When Manga Manga, the Dauphin of Duala, who towered over his father by three head lengths and was loved by many girls, was finally able to leave the Schatzalp sanatorium near Davos cured, he made the firm decision to suppress his paternal blood inheritance with masculine self-control. Healthy and purified, he embraced his mother and sister.

    In the meantime, the two had been through a difficult time. Andrea was wanted by the SD during the war because of her friendship with Roth and other emigrants, which was known to the Gestapo. She went into hiding in the forests of northern France, where she worked on a pile and smouldered charcoal. Tüke had travelled to Germany for a few months as an officer in a French army administrative staff. When she returned to Paris, she enjoyed the best days of her life.

    “I admit that my husband Manga Bell isn’t quite sane,” says mum Andrea today about those days. "When he visited us for the first time in 25 years, he organised a huge party to celebrate Tüke’s wedding. Numerous ministers and MPs from the MRP (Mouvement Républicain Populaire = Republican People’s Party, to which Robert Schuman and Georges Bidault also belong) attended, even though Tüke’s husband, Jaques Rebuffé, is only a simple man.

    "Manga Bell let all the guests indulge in opulence. The reception after the wedding ceremony alone cost 350000 francs, the photos taken of the young couple 60000 francs.

    "During the banquet, he said to me that we had to resume our life together. I laughed at him. I’m not impressed by his wealth or his three big luxury cars. Now he has an elderly senator as a girlfriend who doesn’t even know how to spell French. But she dominates him ...

    “Manga Bell is not only a great bon vivant, but also an excellent rider. He is often renowned with his thoroughbred stallion, on which he rides into the bars. Tüke received a princely dowry from him. She gave her brother 200,000 francs from it to enable him to make the fateful journey to Duala a few years later ...”

    Soon after the arrival of the hereditary prince in Duala, the fatal shots rang out from his father’s rifle. Manga had killed Manga Manga. The official news agency L’agence francaise reported the news in laconic brevity:

    “It is reported from well-informed sources that the son of the MRP deputy from Cameroon was killed by gunshots in the National Assembly. The gun was still in the hands of the victim’s father. It is not quite clear whether it was an accident or a murder.”

    “It was murder!” the inconsolable mother accuses Manga Bell. "I feel that Manga Manga reproached his father for treating us so shamefully. When he left, he let it be known that he wanted to make things right with him. When I asked him to give up his plan, he only made a contemptuous gesture: ’Don’t be afraid, nothing can happen to me, I’m a Sunday child. Now he’s been shot down like a mangy jackal on a Sunday, by his own father.

    “Manga Bell’s shooting iron was always very loose. He had two fatal duels in Germany. His first victim was a German captain called Kessler, whom he challenged over a racial issue and who then succumbed to a shot to the stomach. He wounded the other to death with his sabre. His rifle, like all his personal paraphernalia - from his cigarette tin to his pants - bears the ruler’s crown above his monogamy.”

    The unhappy mother demanded atonement for the death of her son, and the Rassemblement Démocratique Africain (left-wing African Rally) also called for a court judgement and had posters printed: “Maurice Thorez was excluded from the chamber session because he had slapped a young boy. On the other hand, Manga Bell, who murdered his son in cold blood, remains a member of parliament and a member of the MRP!”

    “The explanation for this is that France absolutely needs peace in Cameroon, Cameroon harbours rich treasures of uranium,” Andrea believes she knows. “They don’t want the natives, whom Manga Bell has on his side, to rebel right now. That’s why the colonial ministry treated the murder as a trivial matter.”

    Nevertheless, it did not remain hidden from the large clan of the old King Bell, who today live scattered in numerous European countries, and the descendants of the 600 Bell women living in the German diaspora also got a whiff of the prince’s murder. They are not on good terms with Manga Bell because he completely handed over the treasures of the old homeland on the Wuri to the whites in order to make a happy life for himself while they have to eke out a living in a foreign country.

    Manga’s cousin Tom Bell is no exception. Music star of the West Berlin “Penguin” bar (see title), which is currently making a guest appearance on Westerland. After midnight, when none of the Samba-weary bathers can get a leg up, Tom jumps onto his musician’s chair and drums the sweaty couples awake again with ruffly jazz rhythms.

    Then Tom lets go of the civilisational inhibitions he has acquired in ten semesters of technical studies in Munich and elicits the old warlike signals of the Dualas from the jazz drum, as he learnt them from his father. He was a half-brother of the executed Rudolf Bell.

    If you remind Tom of Duala, he gets angry. “If I wanted to, I could go home. I know more about colonial politics than some colonial ministers. I’m neither German nor French, but Cameroonian.”

    But Tom only talks politics after midnight. During the day, he is secretive and grumpy, even towards his black colleagues from the Penguin Bar, who are recruited from the 45 black and brown members of the Berlin African colony. With the busty black star Sylvia in the presidential committee.

    Most of them live in the eastern sector and are also ideologically on the side of the East, even if not all of them are registered members of the SED, like Tom’s distant relative Gijm Bell, who brews the strongest night bar coffee in the bar in a bright red caftan and calls out to the bakshi-obsessed moths: “White men were always bad to Negroes. That’s why Negroes must all be communists ...”

    Connoisseurs call the ceremonial procedure with which Gijm prepares his mocha over a charcoal fire “lead pouring”. He recently worked as a film extra in “Nights on the Nile” and as a prize wrestler in Vienna and Berlin, making his way through the Central European émigré scene.

    He didn’t learn to read or write, so Tom Bell had to tell him what happened in Duala and what the letters from Paris and Bimbra said, that Manga Bell had shot Manga Manga Bell.

    #Allemagne #Cameroun #histoire #lettres #journalisme

  • Mais Pourquoi le préfet des Alpes-Maritimes a sabordé son arrêté drones du 23 décembre 2023 ?

    Le 18 décembre 2023, la préfecture des Alpes-Maritimes publiait un arrêté autorisant le survol pendant presque un mois de pas moins de dix communes des Alpes-Maritimes totalisant près de 10% de la population du département.

    Cet #arrêté présentait toutes les caractéristiques d’un arrêté « de confort » pris « pour le cas où » s’inscrivant parfaitement dans la logique de banalisation de l’utilisation des drones de #vidéosurveillance dans laquelle le ministère de l’Intérieur souhaite nous entrainer, #banalisation contraire à l’esprit et à la lettre de la réglementation en vigueur.

    Les avocat.e.s de la LDH et de l’association ADELICO ont immédiatement saisi en référé le tribunal administratif de Nice, lequel a rejeté la demande de suspension de l’arrêté préfectoral ; les deux associations ont aussitôt saisi en appel le Conseil d’Etat le 29 décembre 2023.

    Le 1er janvier 2024 le préfet des Alpes-Maritimes abrogeait lui-même son arrêté qui n’était ni nécessaire ni proportionné par rapport aux objectifs qu’il se fixait.

    La LDH et ADELICO avaient fait valoir que :

    « L’arrêté ne permet pas de considérer que l’administration a justifié, sur la base d’une appréciation précise et concrète de la nécessité et de la #proportionnalité de la mesure, que la préfecture des Alpes-Maritimes ne pouvait employer pour l’exercice de la prévention d’une éventuelle atteinte à la sécurité des personnes et des biens, d’autres moyens moins intrusifs que celui de l’emploi 24h/24 pendant un mois de deux #caméras_aéroportées.

    Il ne ressort pas de l’Arrêté litigieux que le Groupement départemental de gendarmerie des Alpes-Maritimes ne dispose pas des effectifs suffisants pour assurer la protection, de jour comme de nuit, des dix communes visées dans cet arrêté. Aucune « donnée chiffrée ou statistique, aucun travail de documentation, ne permettent au juge d’apprécier la réalité » (TA Nantes, 2 août 2023,) d’un risque de trouble grave à l’ordre public.

    Les indications vagues, stéréotypées et tautologiques évoqués dans les visas de l’arrêté litigieux ne sont pas suffisamment circonstanciés pour justifier, sur la base d’une appréciation précise et concrète de la nécessité de la proportionnalité de la mesure. Aucun élément ne permet de comprendre pourquoi le service ne peut employer, pour l’exercice de cette mission dans cette zone de dix communes et sur toute l’étendue de son périmètre géographique et temporel, d’autres moyens moins intrusifs au regard du respect de la vie privée que les moyens habituellement mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme et les graves troubles à l’ordre public […] »

    Le 4 janvier 2024 le Conseil d’Etat constatait qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la requête des associations du fait de l’#abrogation de l’#arrêté_préfectoral et condamne l’Etat à verser 4000 € de frais irrépétibles à chaque association.

    https://site.ldh-france.org/nice/2024/01/04/mais-pourquoi-le-prefet-des-alpes-maritimes-a-saborde-son-arrete-dr
    #drones #Alpes_Maritimes #France #justice #conseil_d'Etat

  • Pourquoi la #promesse de « vidéogérer » les #villes avec des caméras couplées à une #intelligence_artificielle séduit et inquiète

    Sécurité, stationnement, déchets… #Nîmes a inauguré, à l’automne 2023, son « #hyperviseur_urbain ». Alors que la collecte et la circulation des #données sont au cœur de ce système, l’antenne locale de la Ligue des droits de l’homme s’inquiète. D’autres villes, comme #Dijon, ont déjà fait ce choix.

    La salle a des allures de centre spatial : un mur de plus de 20 mètres de long totalement recouvert d’écrans, 76 au total, chacun pouvant se diviser en neuf. Ici parviennent les images des 1 300 #caméras disposées dans la ville de Nîmes et dans certaines communes de son agglomération.

    A la pointe depuis 2001 sur le thème des #caméras_urbaines, se classant sur le podium des villes les plus vidéosurveillées du pays, Nîmes a inauguré, le 13 novembre 2023, son « #hyperviseur ». Ce plateau technique et confidentiel de 600 mètres carrés est entièrement consacré à une « nouvelle démarche de #territoire_intelligent », indique le maire (Les Républicains), Jean-Paul Fournier, réélu pour un quatrième mandat en 2020.

    Avec cet outil dernier cri, sur lequel se relaient nuit et jour une cinquantaine de personnes, la ville fait un grand pas de plus vers la #smart_city (la « #ville_connectée »), une tendance en plein développement pour la gestion des collectivités.

    Ce matin-là, les agents en poste peuvent facilement repérer, à partir d’images de très haute qualité, un stationnement gênant, un véhicule qui circule trop vite, un dépotoir sauvage, un comportement étrange… L’hyperviseur concentre toutes les informations en lien avec la gestion de l’#espace_public (sécurité, circulation, stationnement, environnement…), permet de gérer d’un simple clic l’éclairage public d’un quartier, de mettre une amende à distance (leur nombre a augmenté de 23 % en un an avec la #vidéoverbalisation) ou de repérer une intrusion dans un des 375 bâtiments municipaux connectés.

    La collecte et la circulation des données en temps réel sont au cœur du programme. Le système s’appuie sur des caméras dotées, et c’est la nouveauté, de logiciels d’intelligence artificielle dont les #algorithmes fournissent de nouvelles informations. Car il ne s’agit plus seulement de filmer et de surveiller. « Nous utilisons des caméras qui permettent de gérer en temps réel la ville et apportent des analyses pour optimiser la consommation d’énergie, par exemple, ou gérer un flux de circulation grâce à un logiciel capable de faire du comptage et de la statistique », explique Christelle Michalot, responsable de ce centre opérationnel d’#hypervision_urbaine.

    #Reconnaissance_faciale

    Si la municipalité n’hésite pas à présenter, sur ses réseaux sociaux, ce nouveau dispositif, elle est en revanche beaucoup plus discrète lorsqu’il s’agit d’évoquer les #logiciels utilisés. Selon nos informations, la ville travaille avec #Ineo, une entreprise française spécialisée dans le domaine de la #ville_intelligente. Le centre de police municipale est également équipé du logiciel de #surveillance_automatisée #Syndex, et d’un logiciel d’analyse pour images de vidéosurveillance très performant, #Briefcam.

    Ce dernier logiciel, de plus en plus répandu dans les collectivités françaises, a été mis au point par une société israélienne rachetée par le japonais #Canon, en 2018. Il est surtout au cœur de plusieurs polémiques et d’autant d’actions en justice intentées par des syndicats, des associations et des collectifs qui lui reprochent, notamment, de permettre la reconnaissance faciale de n’importe quel individu en activant une fonctionnalité spécifique.

    Le 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté de communes normande #Cœur-Côte-Fleurie, ardente promotrice de cette solution technologique, « à l’effacement des données à caractère personnel contenues dans le fichier », en estimant que l’utilisation de ce type de caméras dites « intelligentes » était susceptible de constituer « une atteinte grave et manifestement illégale au #respect_de_la_vie_privée ». D’autres décisions de la #justice administrative, comme à #Nice et à #Lille, n’ont pas condamné l’usage en soi du #logiciel, dès lors que la possibilité de procéder à la reconnaissance faciale n’était pas activée.

    A Nîmes, le développement de cette « surveillance de masse » inquiète la Ligue des droits de l’homme (LDH), la seule association locale à avoir soulevé la question de l’utilisation des #données_personnelles au moment de la campagne municipale, et qui, aujourd’hui encore, s’interroge. « Nous avons le sentiment qu’on nous raconte des choses partielles quant à l’utilisation de ces données personnelles », explique le vice-président de l’antenne nîmoise, Jean Launay.

    « Nous ne sommes pas vraiment informés, et cela pose la question des #libertés_individuelles, estime celui qui craint une escalade sans fin. Nous avons décortiqué les logiciels : ils sont prévus pour éventuellement faire de la reconnaissance faciale. C’est juste une affaire de #paramétrage. » Reconnaissance faciale officiellement interdite par la loi. Il n’empêche, la LDH estime que « le #droit_à_la_vie_privée passe par l’existence d’une sphère intime. Et force est de constater que cette sphère, à Nîmes, se réduit comme peau de chagrin », résume M. Launay.

    « Des progrès dans de nombreux domaines »

    L’élu à la ville et à Nîmes Métropole Frédéric Escojido s’en défend : « Nous ne sommes pas Big Brother ! Et nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. L’hyperviseur fonctionne en respectant la loi, le #RGPD [règlement général sur la protection des données] et selon un cahier des charges très précis. » Pour moderniser son infrastructure et la transformer en hyperviseur, Nîmes, qui consacre 8 % de son budget annuel à la #sécurité et dépense 300 000 euros pour installer entre vingt-cinq et trente nouvelles caméras par an, a déboursé 1 million d’euros.

    La métropole s’est inspirée de Dijon, qui a mis en place un poste de commandement partagé avec les vingt-trois communes de son territoire il y a cinq ans. En 2018, elle est arrivée deuxième aux World Smart City Awards, le prix mondial de la ville intelligente.

    Dans l’agglomération, de grands panneaux lumineux indiquent en temps réel des situations précises. Un accident, et les automobilistes en sont informés dans les secondes qui suivent par le biais de ces mâts citadins ou sur leur smartphone, ce qui leur permet d’éviter le secteur. Baptisé « #OnDijon », ce projet, qui mise aussi sur l’open data, a nécessité un investissement de 105 millions d’euros. La ville s’est associée à des entreprises privées (#Bouygues_Telecom, #Citelum, #Suez et #Capgemini).

    A Dijon, un #comité_d’éthique et de gouvernance de la donnée a été mis en place. Il réunit des habitants, des représentants de la collectivité, des associations et des entreprises pour établir une #charte « de la #donnée_numérique et des usages, explique Denis Hameau, adjoint au maire (socialiste) François Rebsamen et élu communautaire. La technique permet de faire des progrès dans de nombreux domaines, il faut s’assurer qu’elle produit des choses justes dans un cadre fixe. Les données ne sont pas là pour opprimer les gens, ni les fliquer ».

    Des « systèmes susceptibles de modifier votre #comportement »

    Nice, Angers, Lyon, Deauville (Calvados), Orléans… Les villes vidéogérées, de toutes tailles, se multiplient, et avec elles les questions éthiques concernant l’usage, pour le moment assez flou, des données personnelles et la #surveillance_individuelle, même si peu de citoyens semblent s’en emparer.

    La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), elle, veille. « Les systèmes deviennent de plus en plus performants, avec des #caméras_numériques capables de faire du 360 degrés et de zoomer, observe Thomas Dautieu, directeur de l’accompagnement juridique de la CNIL. Et il y a un nouveau phénomène : certaines d’entre elles sont augmentées, c’est-à-dire capables d’analyser, et ne se contentent pas de filmer. Elles intègrent un logiciel capable de faire parler les images, et ces images vont dire des choses. »

    Cette nouveauté est au cœur de nouveaux enjeux : « On passe d’une situation où on était filmé dans la rue à une situation où nous sommes analysés, reprend Thomas Dautieu. Avec l’éventuel développement des #caméras_augmentées, quand vous mettrez un pied dans la rue, si vous restez trop longtemps sur un banc, si vous prenez un sens interdit, vous pourrez être filmé et analysé. Ces systèmes sont susceptibles de modifier votre comportement dans l’espace public. Si l’individu sait qu’il va déclencher une alerte s’il se met à courir, peut-être qu’il ne va pas courir. Et cela doit tous nous interpeller. »

    Actuellement, juridiquement, ces caméras augmentées ne peuvent analyser que des objets (camions, voitures, vélos) à des fins statistiques. « Celles capables d’analyser des comportements individuels ne peuvent être déployées », assure le directeur à la CNIL. Mais c’est une question de temps. « Ce sera prochainement possible, sous réserve qu’elles soient déployées à l’occasion d’événements particuliers. » Comme les Jeux olympiques.

    Le 19 mai 2023, le Parlement a adopté une loi pour mieux encadrer l’usage de la #vidéoprotection dite « intelligente ». « Le texte permet une expérimentation de ces dispositifs, et impose que ces algorithmes ne soient mis en place, avec autorisation préfectorale, dans le temps et l’espace, que pour une durée limitée, par exemple pour un grand événement comme un concert. Ce qui veut dire que, en dehors de ces cas, ce type de dispositif ne peut pas être déployé », insiste Thomas Dautieu. La CNIL, qui a déjà entamé des contrôles de centres d’hypervision urbains en 2023, en fait l’une de ses priorités pour 2024.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/02/pourquoi-la-promesse-de-videogerer-les-villes-avec-des-cameras-couplees-a-un
    #vidéosurveillance #AI #IA #caméras_de_vidéosurveillance

  • La violence militaire coloniale au Cameroun et les collections muséales en Allemagne : histoire d’une symbiose.

    « Ne s’obtient que par la force »
    https://visionscarto.net/ne-s-obtient-que-par-la-force

    Voici un texte majeur et inédit que le chercheur Yann LeGall (Université technique de Berlin, TU) a confié à visionscarto. Il a passé des années à lire, décrypter et analyser les rapports dans archives allemandes des expéditions punitives militaires au Cameroun (aussi au Togo) et a fait apparaître non seulement la cruauté coloniale de l’armée allemande, mais aussi, par exemple, le cynisme absolu des directeurs de musées en Allemagne qui n’hésitaient pas à suggérer aux militaires d’engager des expéditions dans des lieux où se trouvaient des objets et œuvres d’art qu’ils convoitaient...

    Trois décennies d’exactions et de pillages, dont le résultat est la présence dans les musée allemands de plus de 60 000 objets camerounais divers volés lors des raids militaires, et par conséquence, l’absence au Cameroun de ce patrimoine culturel qui reste — plus d’un siècle après — encore une blessure vive.

    C’est long, mais cette histoire (dans les deux sens du terme) est importante. L’Allemagne a fait depuis quelques décennies, un énorme travail mémoriel sur la période nazie, ainsi que sur la période DDR, mais jusqu’à aujourd’hui, pas trop sur la période coloniale. Lacune qui commence à être comblée, car d’une part il y a ce projet, mais aussi d’autres mouvements, comme ce processus qui s’engage, de "débaptisation" des rues et avenues qui portent encore le nom des grands criminels, acteurs majeurs de cette période coloniale.

    –---

    Cet article — le premier d’une série dont la publication sera étalée dans les prochaines semaines, a été initialement publié en allemand dans l’Atlas der Abwesenheit. Kameruns Kulturerbe in Deutschland (Atlas de l’absence. Le patrimoine culturel du Cameroun en Allemagne) , issu du projet « Umgekehrte Sammlungsgeschichte » (Histoire inversée des collections) porté par l’Université de Dschang au Cameroun (Prof. Dr. Albert Gouaffo) et l’Université Technique de Berlin (Prof. Dr. Bénédicte Savoy).

    Avec des remerciements tout particuliers à Isabelle Saint-Saëns pour l’édition méticuleuse de la version française de ce texte. La cartographie est conçue et produite par Philippe Rekacewicz.

  • Cameraperson, by Kirsten Johnson

    For the cameraperson:
    —Access and a reason to stay in worlds not of one’s own
    —Permission to behave, ask, do in ways that are transgressive/
    outside social norms
    —Complete distraction from one’s own life
    —The creation of evidence of experience
    —The chance to be closer or farther (through the lens) than is
    physically possible
    —Emotional connection
    —Trauma (vicarious, secondary, and direct)
    —Enhanced influence and power
    —Sense of invisibility
    —Sense of invincibility
    —Magical thinking
    —Suspension of time

    For the people filmed:
    —A chance to speak of things they have never spoken of and
    hence say things they never expected to say
    —An invitation to think of a future when they will no longer be
    alive but what they say and do will be preserved in another form
    —The chance to see him or herself as a subject (worthy of time
    and attention)
    —The chance to imagine different outcomes
    —A change of status in the community (family, village, profession)
    —Increased risk to one’s own safety and/or reputation
    —The creation of an image of self, the distribution of which one
    cannot control on a global scale in perpetuity
    —The opportunity to see oneself from a different perspective
    —A shift in perspective about which transgressions are possible
    —Emotional connection with film crew
    —Hope that being filmed can change one’s fate or might impact
    a situation in the future

    (liste apparemment tirée du documentaire-réflexion Cameraperson, citée dans C’mon C’mon).

    #caméra #journalisme #film #documentaire

  • #Contrôles_frontaliers : l’ère des #drones

    Le 7 septembre 2023, les préfets du Nord, du #Pas-de-Calais et de la Somme adoptaient un arrêté interdépartemental autorisant l’emploi de #caméras installées à bord d’aéronefs « dans le cadre de la mission de lutte contre l’immigration clandestine en zone Nord ». Il permet, durant 3 mois, l’utilisation de 76 caméras embarquées à bord de drones, #avions et #hélicoptères afin de surveiller une large bande côtière de 5 km s’étendant, hors agglomération, sur 150 km de #Mers-les-Bains à #Bray-Dunes. Peut notamment être mobilisé, pour la #surveillance nocturne, l’avion de la société privée, prestataire de la #police_aux_frontières, habituellement utilisé dans le cadre de missions de sauvetage…

    Depuis qu’un #décret du #19_avril_2023, pris en application de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, permet la #surveillance_des_frontières par des caméras embarquées « en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier », les préfets des départements frontaliers n’ont pas tardé à édicter des arrêtés en série, faisant entrer la surveillance des frontières dans l’ère des drones.

    Le préfet des #Alpes-Maritimes s’est empressé de dégainer le premier. En guise de ballon d’essai, il autorisait, pour la seule journée du 4 mai, la surveillance par drones d’un très large périmètre couvrant le littoral mentonnais ainsi que les abords des postes frontières et des voies ferroviaires. Une semaine après, le 10 mai, le même préfet édictait, pour une durée de 3 mois, deux nouveaux arrêtés couvrant le secteur frontalier et ferroviaire de la commune de Menton, de Breil-sur-Roya, de Sospel et de Castellar.

    Au terme de ces 3 mois, le 10 août, un nouvel arrêté autorisait l’utilisation d’une caméra grand angle et d’une #caméra_thermique, durant 3 mois, pour surveiller, de jour comme de nuit, le secteur de la commune de #Menton. Puis un autre, le 11 septembre, toujours pour 3 mois, en vue de l’utilisation de caméras optiques et thermiques pour contrôler la #vallée_de_la_Roya. À n’en pas douter, ces arrêtés seront renouvelés alors même que la loi exige que la surveillance ne soit pas permanente.

    Le 24 mai, le préfet des #Hautes-Alpes autorisait à son tour, pour 3 mois, la surveillance par drones des points de passage du #Briançonnais. Loin d’empêcher le franchissement des cols alpins, l’utilisation de ces moyens technologiques pousse les exilés à emprunter des itinéraires plus dangereux. Fin août, l’association Refuges solidaires n’a-t-elle pas dû fermer les portes du centre d’accueil d’urgence en raison de saturation ?

    Pour tenter de freiner le déploiement massif des drones, les associations ne sont pas restées passives. Afin de respecter le droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel a exigé, dans sa décision du 20 janvier 2022, qu’« une telle autorisation ne saurait cependant […] être accordée qu’après que le préfet s’est assuré que le service ne peut employer d’autres moyens moins intrusifs… ». Cette réserve a permis à des associations locales de contester avec succès, en référé-liberté, un arrêté du 26 juin 2023 du préfet des Pyrénées-Atlantiques autorisant la surveillance par drones, durant 1 mois, d’un large périmètre des communes frontalières d’Urrugne et d’Hendaye. En appel, le Conseil d’État a confirmé la suspension de l’arrêté, estimant que les données produites par l’administration sur les flux migratoires, les caractéristiques géographiques de la zone concernée et les moyens affectés « ne sont pas suffisamment circonstanciés pour justifier, sur la base d’une appréciation précise et concrète de la nécessité de la proportionnalité de la mesure, que le service ne peut employer, pour l’exercice de cette mission dans cette zone et sur toute l’étendue de son périmètre, d’autres moyens moins intrusifs… [1] ».

    Plus récemment, des associations, dont le Gisti, ont contesté, sans succès [2], des arrêtés du préfet de Mayotte d’août 2023 autorisant, jusqu’en novembre, l’utilisation de drones « dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre et de lutte contre l’immigration clandestine » sur un périmètre couvrant 9 communes, pour une superficie au moins égale à 200 km2, soit l’essentiel des zones habitées de l’île.

    Le déploiement de ces technologies de surveillance contribue à la déshumanisation accrue des contrôles frontaliers et à la mise à distance des migrants. Plusieurs indices font néanmoins craindre un développement rapide de ces technologies de surveillance. En mars 2023, la Commission européenne envisageait ainsi, dans une communication sur la gestion intégrée des frontières, de privilégier l’utilisation de drones. Quant à la loi « JO » du 19 mai 2023, elle permet aux forces de l’ordre d’expérimenter, jusqu’en 2025, le traitement algorithmique des images captées lors de manifestations sportives, récréatives ou culturelles – expérimentation qui sera, sans guère de doute, pérennisée à l’avenir et élargie aux contrôles frontaliers.

    Pour surveiller des périmètres plus vastes, il est aussi possible d’effectuer une surveillance des frontières par des drones munis de capteurs thermiques et infrarouge [3], des drones militaires (comme pour le défilé du 14 juillet 2023), des drones en essaim (comme à l’occasion de feux d’artifice), ou même des dirigeables. On peut aussi imaginer des drones équipés de dispositifs d’immobilisation à impulsion électrique (dit « taser ») [4] ou, pourquoi pas, comme Serge Lehman dans F.A.U.S.T. [5], des nano drones permettant de contrôler l’accès des citoyens à un territoire et tenir à l’écart les indésirables ?

    https://www.gisti.org/spip.php?article7132

    #frontières #Calais #justice #frontière_sud-alpine #Alpes #Mayotte #technologie #déshumanisation

  • (4) Prof. Fabrizio Bucella sur X : « Une fausse information circule : la méchante UE de Bruxelles (où j’habite, fichtre !) s’apprêterait à interdire les boîtes en bois pour le bon vieux camembert qu’on adore. L’astuce est que le camembert avec une appellation d’origine protégée n’est pas concerné (camembert de… https://t.co/uc80CNxfBl » / X
    https://twitter.com/FabrizioBucella/status/1725533769463971947

    Une fausse information circule : la méchante UE de Bruxelles (où j’habite, fichtre !) s’apprêterait à interdire les boîtes en bois pour le bon vieux camembert qu’on adore.

    L’astuce est que le camembert avec une appellation d’origine protégée n’est pas concerné (camembert de Normandie AOP).

    Il semble que l’agence à l’origine du pataquès bosse pour... Lactalis, géant industriel et numéro uno de la pâte fromagère en plastique.

    #Lactalis ? Mais pourquoi diable Lactalis ?

    Because, because... son camembert « Président », serti dans une belle boîte en bois, ne bénéficie pas de l’appellation d’origine protégée. Il serait donc exclu de la boîte en bois.

    Le client verrait donc mieux la différence entre le camembert de Normandie AOP gage de qualité et le camembert industriel gage de rien du tout.

    Salukes

    Source : Le Monde.

    PS- Les deux principales différences entre le camembert tout court et le camembert de Normandie AOP sont les suivantes :

    (i) le camembert de Normandie AOP utilise le lait de vaches normandes versus du lait pasteurisé pour les industriels ;

    (ii) il faut cinq louches de caillé espacées d’environ 50 minutes versus procédé mécanique. Il faut approximativement 5 heures pour mouler un vrai camembert de Normandie AOP. Les fromages moulés à la louche à la main (enfin à la louche mais tenue par une vraie main) présentent une pâte aérée et onctueuse et une surface de croûte irrégulière.

    #camembert #boite #boitenbois #ue #bruxelles #lactalis #aop #normandie #profbucella #science #factchecking #lasciencepeuttout #lemonde @lemondefr

  • The State of #Chihuahua Is Building a 20-Story Tower in #Ciudad_Juarez to Surveil 13 Cities–and Texas Will Also Be Watching

    Chihuahua state officials and a notorious Mexican security contractor broke ground last summer on the #Torre_Centinela (Sentinel Tower), an ominous, 20-story high-rise in downtown Ciudad Juarez that will serve as the central node of a new AI-enhanced surveillance regime. With tentacles reaching into 13 Mexican cities and a data pipeline that will channel intelligence all the way to Austin, Texas, the monstrous project will be unlike anything seen before along the U.S.-Mexico border.

    And that’s saying a lot, considering the last 30-plus years of surging technology on the U.S side of the border.

    The Torre Centinela will stand in a former parking lot next to the city’s famous bullring, a mere half-mile south of where migrants and asylum seekers have camped and protested at the Paso del Norte International Bridge leading to El Paso. But its reach goes much further: the Torre Centinela is just one piece of the Plataforma Centinela (Sentinel Platform), an aggressive new technology strategy developed by Chihuahua’s Secretaria de Seguridad Pública Estatal (Secretary of State Public Security or SSPE) in collaboration with the company Seguritech.

    With its sprawling infrastructure, the Plataforma Centinela will create an atmosphere of surveillance and data-streams blanketing the entire region. The plan calls for nearly every cutting-edge technology system marketed at law enforcement: 10,000 surveillance cameras, face recognition, automated license plate recognition, real-time crime analytics, a fleet of mobile surveillance vehicles, drone teams and counter-drone teams, and more.

    If the project comes together as advertised in the Avengers-style trailer that SSPE released to influence public opinion, law enforcement personnel on site will be surrounded by wall-to-wall monitors (140 meters of screens per floor), while 2,000 officers in the field will be able to access live intelligence through handheld tablets.

    https://www.youtube.com/watch?v=NKPuur6s4qg

    Texas law enforcement will also have “eyes on this side of the border” via the Plataforma Centinela, Chihuahua Governor Maru Campos publicly stated last year. Texas Governor Greg Abbott signed a memorandum of understanding confirming the partnership.

    Plataforma Centinela will transform public life and threaten human rights in the borderlands in ways that aren’t easy to assess. Regional newspapers and local advocates–especially Norte Digital and Frente Político Ciudadano para la Defensa de los Derechos Humanos (FPCDDH)—have raised significant concerns about the project, pointing to a low likelihood of success and high potential for waste and abuse.

    “It is a myopic approach to security; the full emphasis is placed on situational prevention, while the social causes of crime and violence are not addressed,” FPCDDH member and analyst Victor M. Quintana tells EFF, noting that the Plataforma Centinela’s budget is significantly higher than what the state devotes to social services. “There are no strategies for the prevention of addiction, neither for rebuilding the fabric of society nor attending to dropouts from school or young people at risk, which are social causes of insecurity.”

    Instead of providing access to unfiltered information about the project, the State of Chihuahua has launched a public relations blitz. In addition to press conferences and the highly-produced cinematic trailer, SSPE recently hosted a “Pabellón Centinel” (Sentinel Pavillion), a family-friendly carnival where the public was invited to check out a camera wall and drones, while children played with paintball guns, drove a toy ATV patrol vehicle around a model city, and colored in illustrations of a data center operator.

    Behind that smoke screen, state officials are doing almost everything they can to control the narrative around the project and avoid public scrutiny.

    According to news reports, the SSPE and the Secretaría de Hacienda (Finance Secretary) have simultaneously deemed most information about the project as classified and left dozens of public records requests unanswered. The Chihuahua State Congress also rejected a proposal to formally declassify the documents and stymied other oversight measures, including a proposed audit. Meanwhile, EFF has submitted public records requests to several Texas agencies and all have claimed they have no records related to the Plataforma Centinela.

    This is all the more troubling considering the relationship between the state and Seguritech, a company whose business practices in 22 other jurisdictions have been called into question by public officials.

    What we can be sure of is that the Plataforma Centinela project may serve as proof of concept of the kind of panopticon surveillance governments can get away with in both North America and Latin America.
    What Is the Plataforma Centinela?

    High-tech surveillance centers are not a new phenomenon on the Mexican side of the border. These facilities tend to use “C” distinctions to explain their functions and purposes. EFF has mapped out dozens of these in the six Mexican border states.

    https://www.eff.org/files/2023/09/14/c-centers_map.png
    https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1W73dMXnuXvPl5cSRGfi1x-BQAEivJH4&ll=25.210543464111723%2C-105.379

    They include:

    - C4 (Centro de Comunicación, Cómputo, Control y Comando) (Center for Communications, Calculation, Control, and Command),
    - C5 (Centro de Coordinación Integral, de Control, Comando, Comunicación y Cómputo del Estado) (Center for Integral Coordination for Control, Command, Communications, and State Calculation),
    - C5i (Centro de Control, Comando, Comunicación, Cómputo, Coordinación e Inteligencia) (Center for Control, Command, Communication, Calculation, Coordination and Intelligence).

    Typically, these centers focus as a cross between a 911 call center and a real-time crime center, with operators handling emergency calls, analyzing crime data, and controlling a network of surveillance cameras via a wall bank of monitors. In some cases, the Cs may be presented in different order or stand for slightly different words. For example, some C5s might alternately stand for “Centros de Comando, Control, Comunicación, Cómputo y Calidad” (Centers for Command, Control, Communication, Computation and Quality). These facilities also exist in other parts of Mexico. The number of Cs often indicate scale and responsibilities, but more often than not, it seems to be a political or marketing designation.

    The Plataforma Centinela however, goes far beyond the scope of previous projects and in fact will be known as the first C7 (Centro de Comando, Cómputo, Control, Coordinación, Contacto Ciudadano, Calidad, Comunicaciones e Inteligencia Artificial) (Center for Command, Calculation, Control, Coordination, Citizen Contact, Quality, Communications and Artificial Intelligence). The Torre Centinela in Ciudad Juarez will serve as the nerve center, with more than a dozen sub-centers throughout the state.

    According to statistics that Gov. Campos disclosed as part of negotiations with Texas and news reports, the Plataforma Centinela will include:

    - 1,791 automated license plate readers. These are cameras that photograph vehicles and their license plates, then upload that data along with the time and location where the vehicles were seen to a massive searchable database. Law enforcement can also create lists of license plates to track specific vehicles and receive alerts when those vehicles are seen.
    - 4,800 fixed cameras. These are your run-of-the-mill cameras, positioned to permanently surveil a particular location from one angle.
    - 3,065 pan-tilt-zoom (PTZ) cameras. These are more sophisticated cameras. While they are affixed to a specific location, such as a street light or a telephone pole, these cameras can be controlled remotely. An operator can swivel the camera around 360-degrees and zoom in on subjects.
    - 2,000 tablets. Officers in the field will be issued handheld devices for accessing data directly from the Plataforma Centinela.
    - 102 security arches. This is a common form of surveillance in Mexico, but not the United States. These are structures built over highways and roads to capture data on passing vehicles and their passengers.
    - 74 drones (Unmanned Aerial Vehicles/UAVs). While the Chihuahua government has not disclosed what surveillance payload will be attached to these drones, it is common for law enforcement drones to deploy video, infrared, and thermal imaging technology.
    - 40 mobile video surveillance trailers. While details on these systems are scant, it is likely these are camera towers that can be towed to and parked at targeted locations.
    - 15 anti-drone systems. These systems are designed to intercept and disable drones operated by criminal organizations.
    - Face recognition. The project calls for the application of “biometric filters” to be applied to camera feeds “to assist in the capture of cartel leaders,” and the collection of migrant biometrics. Such a system would require scanning the faces of the general public.
    - Artificial intelligence. So far, the administration has thrown around the term AI without fully explaining how it will be used. However, typically law enforcement agencies have used this technology to “predict” where crime might occur, identify individuals mostly likely to be connected to crime, and to surface potential connections between suspects that would not have been obvious to a human observer. However, all these technologies have a propensity for making errors or exacerbating existing bias.

    As of May, 60% of the Plataforma Centinela camera network had been installed, with an expected completion date of December, according to Norte Digital. However, the cameras were already being used in criminal investigations.

    All combined, this technology amounts to an unprecedented expansion of the surveillance state in Latin America, as SSPE brags in its promotional material. The threat to privacy may also be unprecedented: creating cities where people can no longer move freely in their communities without being watched, scanned, and tagged.

    But that’s assuming the system functions as advertised—and based on the main contractor’s history, that’s anything but guaranteed.
    Who Is Seguritech?

    The Plataforma Centinela project is being built by the megacorporation Seguritech, which has signed deals with more than a dozen government entities throughout Mexico. As of 2018, the company received no-bid contracts in at least 10 Mexican states and cities, which means it was able to sidestep the accountability process that requires companies to compete for projects.

    And when it comes to the Plataforma Centinela, the company isn’t simply a contractor: It will actually have ownership over the project, the Torre Centinela, and all its related assets, including cameras and drones, until August 2027.

    That’s what SSPE Secretary Gilberto Loya Chávez told the news organization Norte Digital, but the terms of the agreement between Seguritech and Chihuahua’s administration are not public. The SSPE’s Transparency Committee decided to classify the information “concerning the procedures for the acquisition of supplies, goods, and technology necessary for the development, implementation, and operation of the Platforma Centinela” for five years.

    In spite of the opacity shrouding the project, journalists have surfaced some information about the investment plan. According to statements from government officials, the Plataforma Centinela will cost 4.2 billion pesos, with Chihuahua’s administration paying regular installments to the company every three months (Chihuahua’s governor had previously said that these would be yearly payments in the amount of 700 million to 1 billion pesos per year). According to news reports, when the payments are completed in 2027, the ownership of the platform’s assets and infrastructure are expected to pass from Seguritech to the state of Chihuahua.

    The Plataforma Centinela project marks a new pinnacle in Seguritech’s trajectory as a Mexican security contractor. Founded in 1995 as a small business selling neighborhood alarms, SeguriTech Privada S.A de C.V. became a highly profitable brand, and currently operates in five areas: security, defense, telecommunications, aeronautics, and construction. According to Zeta Tijuana, Seguritech also secures contracts through its affiliated companies, including Comunicación Segura (focused on telecommunications and security) and Picorp S.A. de C.V. (focused on architecture and construction, including prisons and detention centers). Zeta also identified another SecuriTech company, Tres10 de C.V., as the contractor named in various C5i projects.

    Thorough reporting by Mexican outlets such as Proceso, Zeta Tijuana, Norte Digital, and Zona Free paint an unsettling picture of Seguritech’s activities over the years.

    Former President Felipe Calderón’s war on drug trafficking, initiated during his 2006-2012 term, marked an important turning point for surveillance in Mexico. As Proceso reported, Seguritech began to secure major government contracts beginning in 2007, receiving its first billion-peso deal in 2011 with Sinaloa’s state government. In 2013, avoiding the bidding process, the company secured a 6-billion peso contract assigned by Eruviel Ávila, then governor of the state of México (or Edomex, not to be confused with the country of Mexico). During Enrique Peña Nieto’s years as Edomex’s governor, and especially later, as Mexico’s president, Seguritech secured its status among Mexico’s top technology contractors.

    According to Zeta Tijuana, during the six years that Peña Nieto served as president (2012-2018), the company monopolized contracts for the country’s main surveillance and intelligence projects, specifically the C5i centers. As Zeta Tijuana writes:

    “More than 10 C5i units were opened or began construction during Peña Nieto’s six-year term. Federal entities committed budgets in the millions, amid opacity, violating parliamentary processes and administrative requirements. The purchase of obsolete technological equipment was authorized at an overpriced rate, hiding information under the pretext of protecting national security.”

    Zeta Tijuana further cites records from the Mexican Institute of Industrial Property showing that Seguritech registered the term “C5i” as its own brand, an apparent attempt to make it more difficult for other surveillance contractors to provide services under that name to the government.

    Despite promises from government officials that these huge investments in surveillance would improve public safety, the country’s number of violent deaths increased during Peña Nieto’s term in office.

    “What is most shocking is how ineffective Seguritech’s system is,” says Quintana, the spokesperson for FPCDDH. By his analysis, Quintana says, “In five out of six states where Seguritech entered into contracts and provided security services, the annual crime rate shot up in proportions ranging from 11% to 85%.”

    Seguritech has also been criticized for inflated prices, technical failures, and deploying obsolete equipment. According to Norte Digital, only 17% of surveillance cameras were working by the end of the company’s contract with Sinaloa’s state government. Proceso notes the rise of complaints about the malfunctioning of cameras in Cuauhtémoc Delegation (a borough of Mexico City) in 2016. Zeta Tijuana reported on the disproportionate amount the company charged for installing 200 obsolete 2-megapixel cameras in 2018.

    Seguritech’s track record led to formal complaints and judicial cases against the company. The company has responded to this negative attention by hiring services to take down and censor critical stories about its activities published online, according to investigative reports published as part of the Global Investigative Journalism Network’s Forbidden Stories project.

    Yet, none of this information dissuaded Chihuahua’s governor, Maru Campos, from closing a new no-bid contract with Seguritech to develop the Plataforma Centinela project.
    A Cross-Border Collaboration

    The Plataforma Centinela project presents a troubling escalation in cross-border partnerships between states, one that cuts out each nation’s respective federal governments. In April 2022, the states of Texas and Chihuahua signed a memorandum of understanding to collaborate on reducing “cartels’ human trafficking and smuggling of deadly fentanyl and other drugs” and to “stop the flow of migrants from over 100 countries who illegally enter Texas through Chihuahua.”

    https://www.eff.org/files/2023/09/14/a_new_border_model.png

    While much of the agreement centers around cargo at the points of entry, the document also specifically calls out the various technologies that make up the Plataforma Centinela. In attachments to the agreement, Gov. Campos promises Chihuahua is “willing to share that information with Texas State authorities and commercial partners directly.”

    During a press conference announcing the MOU, Gov. Abbot declared, “Governor Campos has provided me with the best border security plan that I have seen from any governor from Mexico.” He held up a three-page outline and a slide, which were also provided to the public, but also referenced the existence of “a much more extensive detailed memo that explains in nuance” all the aspects of the program.

    Abbott went on to read out a summary of Plataforma Centinela, adding, “This is a demonstration of commitment from a strong governor who is working collaboratively with the state of Texas.”

    Then Campos, in response to a reporter’s question, added: “We are talking about sharing information and intelligence among states, which means the state of Texas will have eyes on this side of the border.” She added that the data collected through the Plataforma Centinela will be analyzed by both the states of Chihuahua and Texas.

    Abbott provided an example of one way the collaboration will work: “We will identify hotspots where there will be an increase in the number of migrants showing up because it’s a location chosen by cartels to try to put people across the border at that particular location. The Chihuahua officials will work in collaboration with the Texas Department of Public Safety, where DPS has identified that hotspot and the Chihuahua side will work from a law enforcement side to disrupt that hotspot.”

    In order to learn more about the scope of the project, EFF sent public records requests to several Texas agencies, including the Governor’s Office, the Texas Department of Public Safety, the Texas Attorney General’s Office, the El Paso County Sheriff, and the El Paso Police Department. Not one of the agencies produced records related to the Plataforma Centinela project.

    Meanwhile, Texas is further beefing up its efforts to use technology at the border, including by enacting new laws that formally allow the Texas National Guard and State Guard to deploy drones at the border and authorize the governor to enter compacts with other states to share intelligence and resource to build “a comprehensive technological surveillance system” on state land to deter illegal activity at the border. In addition to the MOU with Chihuahua, Abbott also signed similar agreements with the states of Nuevo León and Coahuila in 2022.
    Two Sides, One Border

    The Plataforma Centinela has enormous potential to violate the rights of one of the largest cross-border populations along the U.S.-Mexico border. But while law enforcement officials are eager to collaborate and traffic data back and forth, advocacy efforts around surveillance too often are confined to their respective sides.

    The Spanish-language press in Mexico has devoted significant resources to investigating the Plataforma Centinela and raising the alarm over its lack of transparency and accountability, as well as its potential for corruption. Yet, the project has received virtually no attention or scrutiny in the United States.

    Fighting back against surveillance of cross-border communities requires cross-border efforts. EFF supports the efforts of advocacy groups in Ciudad Juarez and other regions of Chihuahua to expose the mistakes the Chihuahua government is making with the Plataforma Centinela and call out its mammoth surveillance approach for failing to address the root social issues. We also salute the efforts by local journalists to hold the government accountable. However, U.S-based journalists, activists, and policymakers—many of whom have done an excellent job surfacing criticism of Customs and Border Protection’s so-called virtual wall—must also turn their attention to the massive surveillance that is building up on the Mexican side.

    In reality, there really is no Mexican surveillance and U.S. surveillance. It’s one massive surveillance monster that, ironically, in the name of border enforcement, recognizes no borders itself.

    https://www.eff.org/deeplinks/2023/09/state-chihuahua-building-20-story-tower-ciudad-juarez-surveil-13-cities-and-sta
    #surveillance #tour #surveillance_de_masse #cartographie #visualisation #intelligence_artificielle #AI #IA #frontières #contrôles_frontaliers #technologie #Plataforma_Centinela #données #reconnaissance_faciale #caméras_de_surveillance #drones #Seguritech #complexe_militaro-industriel #Mexique

  • Human rights violations: German Federal Police equips Coast Guard in Tunisia

    The German Ministry of the Interior gives indications that border troops from Tunisia are using German equipment for their crimes in the Mediterranean. Organisations report stolen engines and drowned refugees. These troops received dozens of engines, inflatable boats and training from Germany.

    More than 130,000 people are reported to have crossed the Mediterranean to Italy in small boats this year to seek refuge in Europe. Most departures are now no longer from Libya, but from Tunisia. There, the refugees, most of whom come from sub-Saharan countries, are driven into the desert by the state and persecuted by the population in pogroms.

    Human rights organisations regularly report that the Tunisian coast guard steals the engines of migrant boats on the high seas, thus exposing the occupants to drowning. The Federal Ministry of the Interior, in its answer to a parliamentary question, gives indications that maritime equipment from Germany is used for these crimes.

    In the last two years, the Federal Police has donated 12 inflatable boats and 27 boat motors to the Tunisian border troops, according to the answer of the German Ministry of the Interior. In addition, the Federal Police has sent trainers to train the authorities in the use of “fast control boats”. This measure was repeated this year as a “further qualification”. In addition, there was a “basic and advanced training course” on repairing Yamaha engines.

    Already in 2019, the German government supported the coast guard in Tunisia by providing them with equipment for a boat workshop. In addition, 14 training and advanced training measures were carried out for the National Guard, the border police and the coast guard. These trainings were also aimed at learning how to use “control boats”.

    Tunisia has also received dozens of rigid-hull inflatable boats as well as patrol vessels from the USA since 2012. Several larger ships for the coast guard also come from Italy, and these donations are financed from EU funds. Germany could also be indirectly involved in these measures: according to the answer from the Ministry of the Interior, the German Federal Police has supplied Tunisia with six special tool kits for engines of 35-metre-class ships.

    By supporting the Tunisian coast guard, the German Federal Police is “actively aiding and abetting the wanton drowning of people”, comments Clara Bünger, the refugee policy spokesperson of the Left Party in the Bundestag, who is responsible for the enquiry. “The equipment and training for the coast guard serve to prevent people from fleeing in violation of international law,” Felix Weiss from the organisation Sea-Watch, which rescues refugees in the Mediterranean, also says in response to a question from “nd”. The German government is thus partly responsible for the atrocities committed by the Tunisian counterpart, which recently claimed dozens of lives in the desert.

    Tunisia also receives support from Germany in the desert region where the state crimes took place. The Ministry of Defence has financed an enhancement initiative” along the border with Libya, using surveillance technology worth millions of euros from the arms companies Airbus and later Hensoldt. This technology includes, among other things, radar systems and high-value sensors. The project was led by the US military.

    During the same period, the Federal Police began its support in Tunisia and opened a “Project Office” in the capital in 2015. A year later, a “security agreement” was concluded, after which Germany donated dozens of all-terrain vehicles, binoculars, thermal imaging equipment and other material to Tunisian authorities as part of a “Border Police Project”. The Federal Police also installed body scanners at the airport in Tunis and trained the officers there in their operation. In addition, training was provided on “information gathering from the population”.

    Other measures taken by the Federal Police include the construction and expansion of three police stations and barracks with control rooms. The funds for this project, which was carried out with France, the Netherlands, Italy and Switzerland, came from EU development aid.

    According to the answer now available from the Ministry of the Interior, 449 Federal Police officers have been deployed in Tunisia over the past eight years. A total of 3395 members of the Tunisian National Guard and the border police have been trained, including in Germany.

    The German government said it had “condemned the reported disappearance of refugees into the desert in the summer and demanded that these practices be stopped and clarified”. Most recently, the Minister of State of the Federal Foreign Office, Katja Keul, urged the observance of “general principles of the rule of law” during a visit to Tunis in August.

    The office of the Green MP did not answer a question from “nd” on whether these repeated requests were successful from her point of view. The Foreign Office subsequently wrote: “Due to Tunisia’s geographical location on the southern edge of the Mediterranean, it follows that we must try to cooperate with Tunisia.”

    After concluding a “Migration Pact”, the EU wants to provide the government in Tunis with a further €255 million from two financial pots for migration control. Despite known human rights abuses by the beneficiary authorities, the first €67 million of this will now be disbursed, the EU Commission announced on Friday. The package, announced in June, includes new vessels and thermal imaging cameras and other “operational tools”, as well as necessary training.

    In a project already launched in 2017, the EU is also funding the development of a modern surveillance system along the Tunisian coast. By connecting to EU systems, the Tunisian border police and navy will exchange information with other EU Member States and Frontex.

    https://digit.site36.net/2023/09/27/human-rights-violations-german-federal-police-equips-coast-guard-in-tu

    #Tunisie #migrations #réfugiés #militarisation_des_frontières #gardes-frontière #Allemagne #externalisation #frontières #contrôles_frontaliers #accord #technologie #complexe_militaro-industriel #équipement #équipement_maritime #formation #Italie #techonologie #radar #Airbus #Hensoldt #accord #Border_Police_Project #Trust_Fund #migration_pact #bateaux #caméras_thermiques

  • Traversées de la #Manche : la #surveillance du littoral nord de la France va être renforcée par des #drones

    Un arrêté des préfectures du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme autorise pour une durée de trois mois l’usage simultané de 76 #caméras embarquées sur des drones, des hélicoptères et un avion.

    Jusqu’à 76 caméras vont surveiller le #littoral du nord de la France par les airs, notamment via des drones, dans le cadre d’un renforcement de la lutte contre le trafic migratoire vers le Royaume-Uni, a annoncé la préfecture samedi 9 septembre, confirmant une information de La Voix du Nord. Un arrêté des préfectures du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, publié jeudi, autorise pour une durée de trois mois l’usage simultané de 76 caméras embarquées sur des drones, des hélicoptères et un avion dans ces trois départements.

    Ces caméras, transportées entre autres par des drones de la police aux frontières, des directions départementales de la sécurité publique et de la gendarmerie, pourront surveiller une bande côtière allant jusqu’à cinq kilomètres à l’intérieur des terres, hors agglomération. L’objectif est de lutter contre le trafic d’êtres humains et contre le franchissement irrégulier des frontières, ainsi que de permettre le « secours aux personnes ». « Il n’existe pas de dispositif moins intrusif permettant de parvenir aux mêmes fins » de surveillance des vastes zones de regroupement ou de mise à l’eau des embarcations des migrants près des plages, argue l’arrêté. Quelque 80 000 migrants ont tenté de rejoindre le Royaume-Uni en traversant la Manche en 2022, selon le texte.

    En France, l’utilisation de drones par les forces de l’ordre est encadrée par un décret publié en avril. D’après les termes de ce décret, plusieurs raisons peuvent être invoquées pour filmer avec des drones, parmi lesquelles « la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés ». La durée d’utilisation d’un drone par les forces de l’ordre sur un périmètre donné est de trois mois maximum, renouvelable sous conditions.

    https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/traversees-de-la-manche-la-surveillance-du-littoral-nord-de-la-france-v
    #militarisation_des_frontières #frontières #asile #migrations #réfugiés #Calais #France

  • De l’indépendance à nos jours… Le Gabon en quinze dates
    https://rfi.my/9tE2
    par Tirthankar Chanda

    Indépendant depuis 63 ans et sous le joug d’une dynastie kleptocrate depuis 1967, le Gabon vient d’entrer dans une nouvelle ère de turbulences. L’histoire du Gabon indépendant en quinze dates-clés.

    Alors que le régime d’Ali Bongo au #Gabon fait face à son tour à un coup d’Etat, dont on ignore encore l’issue, l’association Survie, spécialisée sur la #Françafrique, appelle la France à la plus stricte neutralité et en particulier à s’abstenir de tout interventionnisme militaire.
    https://survie.org/pays/gabon/article/au-gabon-la-france-doit-rester-en-retrait-et-ses-militaires-ne-doivent-pas

    au suivant ...
    https://survie.org/publications/videos/article/cameroun-40-ans-au-pouvoir-de-biya-40-ans-de-francafrique

    Au #Cameroun, Paul Biya a pris le pouvoir il y a 40 ans avec le soutien de la France de François Mitterrand, et ne l’a jamais lâché depuis. Alors que son régime incarne la Françafrique jusqu’à la caricature et que les violations des droits humains sont récurrentes sous son règne, #Emmanuel_Macron lui a rendu visite en juillet. La guerre que la France a menée contre les indépendantistes dans les années 1950 et 1960 a certes été évoquée, en annonçant la création d’une commission d’historiens à ce sujet, mais en escamotant une autre guerre, celle qui ravage les deux régions anglophones du pays depuis cinq ans - sans que Paris suspende pour autant sa coopération militaire étroite avec l’armée camerounaise.

    https://www.youtube.com/watch?v=AE2VdX-U55Y

  • #Allemagne : une nouvelle place au nom du résistant camerounais #Rudolf_Douala_Manga_Bell

    Une troisième place au nom de Rudolf Douala Manga Bell, résistant camerounais à la colonisation allemande, a été inaugurée en Allemagne, à #Aalen, le 1er juillet dernier. Une #pétition circule auprès des autorités allemandes pour la #réhabilitation de Rudolf Douala Manga Bell et de #Ngosso_Din.

    Rudolf Douala Manga Bell fut l’ancien roi du clan Bell du peuple Douala au Cameroun pendant la période coloniale allemande. Pour avoir tenté de fédérer les communautés contre le colonisateur, il fut pendu « pour haute trahison » le 8 août 1914 à Douala avec son secrétaire Ngosso Din.

    #Jean-Pierre_Félix_Eyoum, membre de la famille et installé en Allemagne depuis un demi-siècle, travaille depuis trente ans sur cette histoire. La place Manga Bell de Aalen a été inaugurée en présence des représentants des autorités du Cameroun. Avant cela, une place a été inaugurée à #Ulm en octobre, une autre à #Berlin en décembre.

    Jean-Pierre Félix Eyoum a déposé il y a un an une pétition auprès des autorités allemandes pour la réhabilitation de Rudolf Douala Manga Bell et Ngosso Din. Pourquoi une place à Aalen ? Parce que ce fut la ville d’accueil de Roudolf Douala Manga Bell, quand il vient apprendre l’allemand à 16/17 ans en 1891 en Allemagne raconte Jean-Pierre Félix Eyoum, au micro de Amélie Tulet, de la rédaction Afrique.

    La demande de réhabilitation de Rudolf Douala Manga Bell et Ngosso Din, figures de la #résistance contre la #colonisation_allemande, est examinée au Bundestag allemand. Avant sa visite en octobre dernier au Cameroun, la ministre adjointe aux Affaires étrangères allemande avait déclaré : « la peine capitale prononcée contre le roi Rudolf Douala Manga Bell en 1914 est un parfait exemple d’#injustice_coloniale ».

    https://amp.rfi.fr/fr/afrique/20230709-allemagne-une-nouvelle-place-au-nom-du-r%C3%A9sistant-camerounais-r

    #Cameroun #toponymie #toponymie_politique #décolonial #toponymie_décoloniale #colonialisme #mémoire #noms_de_rue

    ping @cede @_kg_ @reka

    • Le #martyr camerounais Rudolf Douala Manga Bell a désormais sa place à Berlin

      Après Ulm, Berlin est la deuxième ville allemande à avoir une rue ou une place du nom de Rudolf Douala Manga Bell, ce roi camerounais, figure de la résistance face aux colonisateurs.

      Le gris et le froid berlinois n’ont pas douché l’enthousiasme de la foule. Et pour cause : la place Gustav Nachtigal, du nom du colonisateur qui hissa le drapeau allemand sur le Cameroun, n’existe plus ; elle s’appelle désormais place Rudolf et Emily Douala Manga Bell.

      Rudolf Douala Manga Bell, c’est ce roi devenu héros national pour avoir osé défier le colonisateur allemand et qui fut exécuté en 1914. « Il s’était opposé à certains plans du gouvernement allemand colonial qui essayait de déposséder les gens, de leur prendre leurs terrains... et évidemment, ça n’a pas plu aux Allemands », raconte Jean-Pierre Félix Eyum, l’un de ses descendants. Emily Douala Manga Bell, l’épouse de Rudolf, fut quant à elle l’une des premières Camerounaises à avoir été scolarisées.
      « Un message d’espoir »

      Mais si Rudolf Douala Manga Bell a maintenant une place à son nom à Berlin, il n’est pas totalement réhabilité, ce qu’attend désormais Jean-Pierre Félix Eyum. « J’attends que le gouvernement allemand prononce enfin ces mots-là : "Nous sommes désolés d’avoir fait ce que nous avons fait". C’est cela que j’appelle réhabiliter Rudolf Douala Manga Bell », indique-t-il. Il se dit optimiste à ce sujet. Il a récemment déposé une pétition dans ce sens au Parlement allemand.

      L’actuel roi de Douala, Jean-Yves Eboumbou Douala Manga Bell, voit quant à lui dans cette cérémonie en l’honneur de son ancêtre « un symbole extraordinairement important de reconnaissance d’une situation qui a été déplorable en son temps ». « Un message d’espoir », dit-il. Cette inauguration est en tout cas une nouvelle étape dans la reconnaissance très récente par l’Allemagne de son passé colonial. Un passé longtemps éclipsé par les crimes commis par le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221202-le-martyr-camerounais-rudolf-douala-manga-bell-a-d%C3%A9sormais-sa-plac

    • L’Allemagne inaugure une place Rudolf Douala Manga Bell en hommage au martyr camerounais

      Pour la première fois sur le sol allemand, une place au nom de Rudolf Douala Manga Bell a été inaugurée le 7 octobre, dans une tentative allemande de regarder son passé de colonisateur du Cameroun. Cela à Ulm, dans le sud de l’Allemagne, où le roi Rudolf Douala Manga Bell avait étudié le droit à la fin du XIXe siècle, avant de rentrer au Cameroun, où il fut ensuite exécuté par l’administration allemande pour avoir tenté de fédérer des communautés camerounaises contre les colons.

      Au Cameroun, son nom est dans tous les manuels scolaires : Rudolf Douala Manga Bell était un roi, le roi du clan Bell au sein du peuple Douala. Celui-ci était établi depuis des générations sur la côte Atlantique, au bord de l’estuaire du Wouri, où se trouve l’actuelle ville de Douala, capitale économique du Cameroun.

      C’est son père, le roi Auguste Douala Ndumbe Bell, qui l’envoie étudier en Allemagne pour qu’il maîtrise la langue de ceux dont la présence augmente sur la côte, avec l’arrivée de missionnaires puis l’installation de comptoirs pour le commerce.

      Mais quelques années après le retour de Rudolf Douala Manga Bell au Cameroun, le gouvernement colonial allemand remet en cause le traité de protectorat signé avec les chefs Douala. Le texte stipule que la terre appartient aux natifs, mais le gouverneur allemand veut alors déplacer les populations.

      Rudolf Douala Manga Bell s’y oppose, d’abord de façon légaliste, allant jusqu’au Parlement allemand plaider la cause de son peuple, avant de se résoudre à tenter de fédérer les autres communautés du Cameroun contre le colonisateur allemand. Mais il est arrêté en mai 1914, jugé et condamné en un seul jour. Il est pendu le 8 août 1914 avec son lieutenant pour « haute trahison ».

      Le Cameroun avait été sous domination allemande d’abord, avant d’être placé sous les mandats britannique et français après la Première guerre mondiale.
      Les descendants de la figure camerounaise appellent à la réhabilitation de son image par l’Allemagne

      Les descendants du roi Rudolf Douala Manga Bell attendent notamment sa réhabilitation par les autorités allemandes, pour laver son nom. Un des combats que mène notamment son arrière-petite-fille, la Princesse Marylin Douala Manga Bell qui constate que les choses bougent en Allemagne depuis le milieu des années 2010.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221025-l-allemagne-inaugure-une-place-rudolf-duala-manga-bell-en-hommage-au-ma

  • Max Buchner – African Heritage
    https://afrolegends.com/tag/max-buchner

    Today, I present to you the text of the treaty signed between King Mlapa – the King of Togo, or rather his representative Chief Plakko or Plakkou, and the Consul General Gustav Nachtigal thereby placing his land under German protectorate. This is the famous July 5th 1884 treaty which marks the beginning of the German protectorate in Togoland and the birth of this German colony in West Africa. As you read it, remember that Porto Seguro is now Agbodrafo and Bagida is Baguida in Togo. Note also that when it is said ‘King of Togo,’ Togo in this case refers to the area around Togoville, the village which gave its name to the entire country. As always, European colonizers used one main treaty in one area of the country (mostly coastal) to claim ownership over the rest of the country. The original in German can be found in Geschichte der deutschen kolonien by Horst Gründer, UTB (2018) p. 91-92

    Bagida, July 5th 1884

    The Consul General for the German Reich, Dr. Gustav Nachtigal, in the name of His Majesty the Kaiser of Germany, and Mlapa, King of Togo, represented for himself, his heirs and his chiefs by Plakkou, carrier of King Mlapa’s stick, have come to the following agreement :

    Article 1
    King Mlapa, desiring to protect legitimate trade, which mostly is carried out by Germans, and to grant the German merchants full security for their lives and property, requests the protection of His Majesty the German Kaiser, so that he is enabled to uphold the independence of his territory, which stretches from Porto Seguro‘s eastern border to the western border of Lomé or Bey Beach. His Imperial Majesty grants such protection, with the reservation of legitimately acquired rights of third parties.

    Article 2
    King Mlapa will cede no part of his lands and sovereignty rights to any foreign country of person, and he will not sign any treaty with any foreign power without the previously given approval of His Imperial Majesty.
    Togo, Lome, Verladen von Baumwollballen
    Lome, Togo: loading of cotton bales, early 1900s

    Article 3
    King Mlapa grants protection and free trade to all German subjects who live in his land, and promises never to grant merchants of other nations privileges, preferential treatment or protection beyond what is granted to the Germans. King Mlapa, without His Imperial Majesty’s approval, will refrain from collecting tariffs other than those presently collected, which are
    1 Shilling for every ton of palm kernels
    1 Shilling for every barrel of palm oil
    which are to be paid to the chief of the respective location.

    Article 4
    His Majesty the German Kaiser will respect all trade treaties previously signed by King Mlapa and others, and will in no way place burdens upon free trade in King Mlapa‘s land.
    Togoland_Map of Togoland in 1885
    Map of Togoland in 1885

    Article 5
    His Majesty the German Kaiser will not interfere in the manner the tariff so far has been collected by King Mlapa and his chiefs

    Article 6
    The signatory parties reserve matters of mutual interest, not included in this treaty, for future agreements.

    Article 7
    This treaty takes force immediately, reserved ratification by the German government.
    In order to testify, we have signed in the presence of the witnesses which have signed

    J.J. Gacher, J.B. Ahpevon, interpreters
    H. Randad
    Josua Lenze
    Mandt, Lt. at sea
    Dr. Max Buchner
    Chief Plakko
    Chief Adey of Lomé or Bey
    Coodaycee
    Hadji, 2nd chief of Bey
    Okkoo
    Nukoo
    King Garsa of Bagida

    signed Dr. Nachtigal

    1 Translator’s footnote : Here a text originally written in English, and printed in German translation in the RTA, has been re-translated into English. Thus it might differ slightly in diction from the original text.
    douala_vue des airs
    View of Douala from the airs: on the other side of the bridge (not shown) is Bonabéri, old Hickory Town

    I never thought that bombing, grenades, and warships had been used in wars in Africa prior to the 20th century. Little did I know that it had been in use in the 19th century, during the European invasion of Africa that is known as the scramble for Africa. Today we will talk about the first bombings on Cameroonian soil which occurred on 22 December 1884, when Germans on warships SMS Bismarck and SMS Olga bombed Hickory Town (Bonabéri) in Cameroons Town (modern-day Douala). What might have caused these bombings by German forces on Cameroonian soil, long before the area was ever known as Kamerun?
    Kamerun_Kuma Mbappe
    Kum’a Mbappé, Bonaberi 1884 Liberte by Enoh Meyomesse

    Well, when the 12 July 1884 Germano – Duala Treaty was signed between the representatives of the Jantzen & Thormählen firm and some of the Douala kings, King Ndumbé Lobé Bell and King Akwa, it was not a unanimous choice among the locals. As a matter of fact, most of the population was against the treaty, and sided with Kum’a Mbappé also known as Lock Priso, King of Hickorytown. The other kings had signed treaties ceding their lands to the Germans without consulting with the others. Kum’a Mbappé refused to sign the treaty. On that fateful day, when the Germans raised their flag in Hickory Town, after raising it in Joss Town, Kum’a Mbappé reacted by writing to the German consul: “Pull that flag down. No man buy we. They want to give us plenty dash, we tell them no. Leave us free and not make us plenty trouble.” The Germans, of course, did not heed the warning, and Kum’a Mbappé ordered the flag to be taken down and the mast ripped apart, a German merchant was killed in the fightings that ensued.
    Kamerun_Eduard_von_Knorr
    Eduard Knorr, in 1884

    Kum’a Mbappé and his people courageously resisted and defeated the German army. The Germans were outnumbered. After this defeat, German consul Max Buchner wrote to Germany to send troops with real armament, cannons, bombs, grenades, in order to level out Hickory Town and kill Kum’a Mbappé who was a thorn on his side.

    Opposition to German rule followed the annexation of July 1884. Lock Priso still favored the British and staged a rebellion in December 1884. Around this same time, King Bell faced off against his own people, who were largely opposed to the German rule. Bell then found himself up against the other Duala chiefs in the Duala War, which was fought over the killing of a Bonabéri Duala and Bell’s alleged refusal to share his profits with the other sub-lineages. Germans played the competitors against one another – this is a classic technique used by Europeans: divide-and-conquer. They supported the weaker King Bell to counter the powerful King Akwa.
    Kamerun_Corvette allemande SMS_OLGA durant la canonnade de Hickorytown on 21 Dec 1884
    SMS Olga during the shelling of Hickory Town on December 21, 1884

    From December 20th – 22nd, Commander Eduard von Knorr sent by Berlin decided to intervene immediately, and sent ashore a landing party of some three hundred men from warships SMS Bismarck and SMS Olga to arrest the leaders of the anti-German tribes and destroy their villages. The troops from SMS Bismarck that went ashore and landed north of Hickorytown, while the men from SMS Olga went ashore south of the village. The Germans fought their way into the town, forcing the local forces to retreat into the mangrove forest, where they could not easily be pursued. While this operation was underway, Knorr received word that other hostile locals had attacked the trading post operated by Jantzen & Thormählen in Joss Town and had captured the company’s local manager. Knorr sent SMS Olga upriver to shell enemy positions, and on 22 December, the landing parties returned to their ships, having lost one man killed aboard SMS Olga and eight men wounded between the two ships. German sailors descended on Bonabéri, and burnt the city down; the deluge of fire was endless and lasted several days. They also stole the princely bow or Tangué from Kum’a Mbappé’s ship, considered the symbol of the Belé-Belé people (people of Hickory-Town): the Tangué is a sort of a bow, carved and personalized, sort of a pennant that identifies a king among the people of these water tribes. The German consul Max Buchner wrote in his war diary,
    Kamerun_Explorer_Max_Buchner
    Max Buchner

    “Lock Priso’s palace is plundered, a colorful and striking image. We set it on fire. But I have asked all the houses to be inspected before to find ethnographic treasures. My main booty is a great wooden carved work, the princely bow (tangué) of Lock Priso, which will be sent to Munich.” [“Le palais de Lock Priso est mis à sac, une image colorée et saisissante. Nous y mettons le feu. Mais j’ai demandé avant d’inspecter toutes les maisons pour trouver des trésors ethnographiques. Mon butin principal est une grande œuvre sculptée en bois, la proue princière (tangué or tangu’a bolo, in Duala language) de Lock Priso, qui sera envoyée à Munich.”]
    Kamerun_Lock Priso

    After several days of fighting, the German army won because of their superior arms, and also the help sent by other Duala kings. Negotiations went on, and a peace treaty (i.e. a treaty acknowledging defeat) was finalized on 13 January 1885, forcing Kum’a Mbappé to accept German rule in Hickory Town. This hero of Cameroonian resistance, passed away in 1916.

    The symbol of the Belé-Belé people, the Tangué, was only returned over 100 years later, after tireless work from one Kum’a Mbappé’s grandsons, Prince and professor Kum’a Ndumbe III and others. To learn more, please read the book Kum’a Mbappé Bonabéri 1884 Liberté! by Enoh Meyomesse, and visit the website of this proud descendant of Kum’a Mbappé, Prince Kum’a Ndumbe III at AfricAvenir.

    #Allemage #Cameroun #hsitoire #colonialisme

  • Atlas der Abwesenheit
    Kameruns Kulturerbe in Deutschland

    Une somme énorme de savoir sur les pillages allemands, les cruelles expéditions punitives et les « butins », etc...

    Le livre en format livre est enfin arrivé en Norvège, 520 pages en format 25 x 25. C’est en Allemand, et je sais qu’il y a des germanophones ici qui seront peut-être intéressés, j’en ai deux copies en plus que j’offre très volontiers à celles et ceux qui le demanderont ! (les premièr·es arrivés seront les premiers servis) !

  • Migrations : l’Union européenne, droit dans le mur

    La Commission européenne affirme que l’UE ne finance pas de « murs » anti-migrants à ses #frontières_extérieures, malgré les demandes insistantes d’États de l’est de l’Europe. En réalité, cette « ligne rouge » de l’exécutif, qui a toujours été floue, s’efface de plus en plus.

    Le 14 juin dernier, le naufrage d’un bateau entraînait la noyade de centaines de personnes exilées. Quelques jours auparavant, le 8 juin, les États membres de l’Union européenne s’enorgueillissaient d’avoir trouvé un accord sur deux règlements essentiels du « Pacte européen pour l’asile et la migration », qui multipliera les procédures d’asile express dans des centres de détention aux frontières de l’Europe, faisant craindre aux ONG une nouvelle érosion du droit d’asile.

    Dans ce contexte délétère, un groupe d’une douzaine d’États membres, surtout d’Europe de l’Est, réclame que l’Union européenne reconnaisse leur rôle de « protecteurs » des frontières de l’Union en autorisant le financement européen de murs, #clôtures et #barbelés pour contenir le « flux migratoire ». Le premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, avait même estimé que son pays était en première ligne face à « l’invasion de migrants ».

    Officiellement, la Commission européenne se refuse toujours à financer les multiples projets de clôtures anti-migrants qui s’érigent le long des frontières extérieures de l’UE. « Nous avons un principe bien établi : nous ne finançons pas de murs ni de barbelés. Et je pense que cela ne devrait pas changer », avait encore déclaré Ylva Johansson, la commissaire européenne aux affaires intérieures, le 31 janvier. Pourtant, la ligne rouge semble inexorablement s’effacer.

    Le 7 octobre 2021, les ministres de douze États, dont la #Grèce, la #Pologne, la #Hongrie, la #Bulgarie ou les #Pays_baltes, demandaient par écrit à la Commission que le financement de « #barrières_physiques » aux frontières de l’UE soit une « priorité », car cette « mesure de protection » serait un outil « efficace et légitime » dans l’intérêt de toute l’Union. Une demande qu’ils réitèrent depuis à toute occasion.

    Les États membres n’ont pas attendu un quelconque « feu vert » de la Commission pour ériger des clôtures. Les premières ont été construites par l’Espagne dans les années 1990, dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Mais c’est en 2015, après l’exil de centaines de milliers de Syrien·nes fuyant la guerre civile, que les barrières se sont multipliées. Alors que l’Union européenne comptait 315 kilomètres de fil de fer et barbelés à ses frontières en 2014, elle en totalisait 2 048 l’an passé.

    Depuis 2021, ce groupe d’États revient sans cesse à la charge. Lors de son arrivée au sommet des dirigeants européens, le 9 février dernier, Victor Orbán (Hongrie) annonçait la couleur : « Les barrières protègent l’Europe. » Les conclusions de ce sommet, ambiguës, semblaient ouvrir une brèche dans la politique européenne de financement du contrôle aux frontières. Les États demandaient « à la Commission de mobiliser immédiatement des fonds pour aider les États membres à renforcer […] les infrastructures de protection des frontières ».

    Dans ses réponses écrites aux questions de Mediapart, la Commission ne mentionne plus aucune ligne rouge : « Les États membres ont une obligation de protéger les frontières extérieures. Ils sont les mieux placés pour définir comment le faire en pratique d’une manière qui […] respecte les droits fondamentaux. »

    Si l’on en croit le ministre de l’intérieur grec, Panagiótis Mitarákis, les dernières résistances de la Commission seraient en train de tomber. Le 24 février, il affirmait, au sujet du projet grec d’#extension et de renforcement de sa clôture avec la Turquie, le long de la rivière #Evros, que la Commission avait « accepté que certaines dépenses pour la construction de la barrière soient financées par l’Union européenne ».

    Pour Catherine Woollard, de l’ONG Ecre (Conseil européen pour les réfugiés et exilés), « c’est important que la Commission résiste à ces appels de financement des murs et clôtures, car il faut respecter le droit de demander l’asile qui implique un accès au territoire. Mais cette position risque de devenir symbolique si les barrières sont tout de même construites et qu’en plus se développent des barrières d’autres types, numériques et technologiques, surtout dans des États qui utilisent la force et des mesures illégales pour refouler les demandeurs d’asile ».

    D’une ligne rouge à une ligne floue

    Au sein de l’ONG Statewatch, Chris Jones estime que « cette “ligne rouge” de la Commission européenne, c’est du grand n’importe quoi ! Cela fait des années que l’Union européenne finance des dispositifs autour ou sur ces clôtures, des #drones, des #caméras, des #véhicules, des #officiers. Dire que l’UE ne finance pas de clôtures, c’est uniquement sémantique, quand des milliards d’euros sont dépensés pour fortifier les frontières ». Même diagnostic chez Mark Akkerman, chercheur néerlandais au Transnational Institute, pour qui la « #ligne_rouge de la Commission est plutôt une ligne floue ». Dans ses travaux, il avait déjà démontré qu’en 2010, l’UE avait financé l’achat de #caméras_de_vidéosurveillance à #Ceuta et la construction d’un #mirador à #Melilla.

    Lorsqu’il est disponible, le détail des dépenses relatives au contrôle des frontières montre que la politique de non-financement des « murs » est une ligne de crête, car si la Commission ne finance pas le béton ni les barbelés, elle finance bien des #dispositifs qui les accompagnent.

    En 2021, par exemple, la #Lituanie a reçu 14,9 millions d’euros de fonds d’aide d’urgence pour « renforcer » sa frontière extérieure avec la Biélorussie, peut-on lire dans un rapport de la Commission. Une frontière qui, selon le ministère de l’intérieur lituanien, contacté par Mediapart, est « désormais longée d’une clôture de 530 km et d’une barrière surmontée de fils barbelés sur 360 kilomètres ». Si la barrière a pesé 148 millions d’euros sur le #budget de l’État, le ministère de l’intérieur affirme que la rénovation de la route qui la longe et permet aux gardes-frontières de patrouiller a été financée à hauteur de « 10 millions d’euros par des fonds européens ».

    En Grèce, le détail des dépenses du gouvernement, dans le cadre du fonds européen de sécurité intérieur, de 2014 à 2020, est éclairant. Toujours le long de la rivière Evros, là où est érigée la barrière physique, la police grecque a pu bénéficier en 2016 d’un apport de 15 millions d’euros, dont 11,2 millions financés par le fonds européen pour la sécurité intérieure, afin de construire 10 #pylônes et d’y intégrer des #caméras_thermiques, des caméras de surveillance, des #radars et autres systèmes de communication.

    Cet apport financier fut complété la même année par 1,5 million d’euros pour l’achat d’#équipements permettant de détecter les battements de cœur dans les véhicules, coffres ou conteneurs.

    Mais l’enjeu, en Grèce, c’est avant tout la mer, là où des bateaux des gardes-côtes sont impliqués dans des cas de refoulements documentés. Dans son programme d’action national du fonds européen relatif à la gestion des frontières et des visas, écrit en 2021, le gouvernement grec envisage le renouvellement de sa flotte, dont une dizaine de bateaux de #patrouille côtière, équipés de #technologies de #surveillance dernier cri, pour environ 60 millions d’euros. Et malgré les refoulements, la Commission européenne octroie les fonds.

    Technologies et barrières font bon ménage

    Les États membres de l’UE qui font partie de l’espace Schengen ont pour mission de « protéger les frontières extérieures ». Le droit européen leur impose aussi de respecter le droit d’asile. « Les exigences du code Schengen contredisent bien souvent l’acquis européen en matière d’asile. Lorsqu’un grand nombre de personnes arrivent aux frontières de l’Union européenne et qu’il existe des pressions pour faire baisser ce nombre, il est presque impossible de le faire sans violer certaines règles relatives au droit d’asile », reconnaît Atanas Rusev, directeur du programme « sécurité » du Centre pour l’étude de la démocratie, basé en Bulgarie.

    La Bulgarie est au cœur de ces tiraillements européens. En 2022, la police a comptabilisé 164 000 passages dits « irréguliers » de sa frontière, contre 55 000 l’année précédente. Des demandeurs d’asile qui, pour la plupart, souhaitent se rendre dans d’autres pays européens.

    Les Pays-Bas ou l’Autriche ont fait pression pour que la #Bulgarie réduise ce nombre, agitant la menace d’un report de son intégration à l’espace Schengen. Dans le même temps, des ONG locales, comme le Helsinki Committee Center ou le Refugee Help Group, dénoncent la brutalité qui s’exerce sur les exilé·es et les refoulements massifs dont ils sont victimes. Le pays a construit une clôture de 234 kilomètres le long de sa frontière avec la Turquie.

    Dans son plan d’action, le gouvernement bulgare détaille son intention de dépenser l’argent européen du fonds relatif à la gestion des frontières, sur la période 2021-2027, pour renforcer son « système de surveillance intégré » ; une collecte de données en temps réel par des caméras thermiques, des #capteurs_de_mouvements, des systèmes de surveillance mobiles, des #hélicoptères.

    Philip Gounev est consultant dans le domaine de la gestion des frontières. Il fut surtout ministre adjoint des affaires intérieures en Bulgarie, chargé des fonds européens, mais aussi de l’érection de la barrière à la frontière turque. Il explique très clairement la complémentarité, à ses yeux, des différents dispositifs : « Notre barrière ne fait que ralentir les migrants de cinq minutes. Mais ces cinq minutes sont importantes. Grâce aux caméras et capteurs qui détectent des mouvements ou une brèche dans la barrière, l’intervention des gardes-frontières est rapide. »

    L’appétit pour les technologies et le numérique ne fait que croître, au point que des ONG, comme l’EDRi (European Digital Rights) dénoncent la construction par l’UE d’un « #mur_numérique ». Dans ce domaine, le programme de recherche européen #Horizon_Europe et, avant lui, #Horizon_2020, tracent les contours du futur numérisé des contrôles, par le financement de projets portés par l’industrie et des centres de #recherche, au caractère parfois dystopique.

    De 2017 à 2021, « #Roborder » a reçu une aide publique de 8 millions d’euros. L’idée est de déployer une armada de véhicules sans pilotes, sur la mer ou sur terre, ainsi que différents drones, tous munis de caméras et capteurs, et dont les informations seraient croisées et analysées pour donner une image précise des mouvements humains aux abords des frontières. Dans son programme d’action national d’utilisation du fonds européen pour la gestion des frontières, la Hongrie manifeste un intérêt appuyé pour « l’adaptation partielle des résultats » de Roborder via une série de projets pilotes à ses frontières.

    Les #projets_de_recherche dans le domaine des frontières sont nombreux. Citons « #Foldout », dont les 8 millions d’euros servent à développer des technologies de #détection de personnes, à travers des #feuillages épais « dans les zones les plus reculées de l’Union européenne ». « Le développement de technologies et de l’#intelligence_artificielle aux frontières de l’Europe est potentiellement plus puissant que des murs, décrypte Sarah Chandler, de l’EDRi. Notre inquiétude, c’est que ces technologies soient utilisées pour des #refoulements aux frontières. »

    D’autres projets, développés sous l’impulsion de #Frontex, utilisent les croisements de #données et l’intelligence artificielle pour analyser, voire prédire, les mouvements migratoires. « Le déploiement de nouvelles technologies de surveillance, avec la construction de barrières pour bloquer les routes migratoires, est intimement lié à des dangers accrus et provoque davantage de morts des personnes en mouvement », peut-on lire dans un rapport de Statewatch. Dans un contexte de droitisation de nombreux États membres de l’Union européenne, Philip Gounev pense de son côté que « le financement de barrières physiques par l’UE deviendra inévitable ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/170723/migrations-l-union-europeenne-droit-dans-le-mur
    #murs #barrières_frontalières #migrations #financement #UE #EU #Union_européenne #technologie #complexe_militaro-industriel