• The Rule of #Idiots - The Chris Hedges Report
    https://chrishedges.substack.com/p/the-rule-of-idiots

    The last days of dying empires are dominated by idiots. The Roman, Mayan, French, Habsburg, Ottoman, Romanoff, Iranian and Soviet dynasties crumbled under the stupidity of their decadent rulers who absented themselves from reality, plundered their nations and retreated into echo chambers where fact and fiction were indistinguishable.

    Donald Trump, and the sycophantic buffoons in his administration, are updated versions of the reigns of the Roman emperor Nero, who allocated vast state expenditures to attain magical powers; the Chinese emperor Qin Shi Huang, who funded repeated expeditions to a mythical island of immortals to bring back a potion that would give him eternal life; and a feckless Tsarist court that sat around reading tarot cards and attending séances as Russia was decimated by a war that consumed over two million lives and revolution brewed in the streets.

    In “Hitler and the Germans,” the political philosopher Eric Voegelin dismisses the idea that Hitler — gifted in oratory and political opportunism, but poorly educated and vulgar — mesmerized and seduced the German people. The Germans, he writes, supported Hitler and the “grotesque, marginal figures,” surrounding him because he embodied the pathologies of a diseased society, one beset by economic collapse and hopelessness. Voegelin defines stupidity as a “loss of reality.” The loss of reality means a “stupid” person cannot “rightly orient his action in the world, in which he lives.” The demagogue, who is always an idiote, is not a freak or social mutation. The demagogue expresses the society’s zeitgeist, its collective departure from a rational world of verifiable fact.

    • C’est ume critique du fascisme (au sens large) de l’intérieur.
      https://de.m.wikipedia.org/wiki/Eric_Voegelin

      Voegelin est l’exemple idéal pour démontrer la continuité de la pensée voire de l’idéologie bourgeoise sous les Kaiser en passant par le national-socialisme et les États Unis jusqu’au plus profond de l’état anticommuniste allemand.

      Der autoritäre Staat

      Politisch bekannte sich Voegelin Mitte der 30er Jahre zum österreichischen Ständestaat. In dieser Zeit veröffentlicht Voegelin sein Werk Der autoritäre Staat: Ein Versuch über das österreichische Staatsproblem (1936)[9], worin er den Dollfuß-Putsch (siehe Austrofaschismus) und den dadurch entstandenen Ständestaat befürwortet. Gegen Pluralität setzt er Gemeinschaft. Dabei lehnt er sich eng an das autoritäre und totalitäre Staatsdenken von Dollfuß, Carl Schmitt, Ernst Rudolf Huber und Ernst Jünger an, während er zugleich die Reine Rechtslehre von Hans Kelsen einer scharfen Kritik unterzieht

      puis

      Die Veröffentlichung (von „Rasseidee“) erfolgte auf Empfehlung von Alfred Baeumler, bei dem sich Voegelin nicht nur nach einer Publikationsmöglichkeit, sondern auch nach einer Assistentenstelle erkundigt hatte. Baeumler war der gerade nach Berlin berufene Inhaber eines Lehrstuhls für Philosophie und Politische Pädagogik. Er schrieb schon seit 1932 im Völkischen Beobachter, war Anfang 1933 im Eilverfahren in die NSDAP aufgenommen worden und schritt nach seiner Antrittsvorlesung an der Spitze seiner Studenten zur Bücherverbrennung. Publikationsstrategie wie Zukunftsplanung verweisen darauf, daß Voegelin in seinen Ausführungen kein Hindernis für eine Mitarbeit im nationalsozialistischen Wissenschaftsbetrieb sah.“

      – Hund zur Voegelin-Baeumler-Verbindung 1933

      D’ailleurs c’est un contre-sens de classer parmi les dying empires le règne de l’empereur Qin Shi Huang Di, fondateur de la Chine impériale qui a continué à exister pendant plus de deux mille ans après sa disparition.

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Dynastie_Qin

      Cet empereur n’a peut-être fondé qu’une dynastie (dynastie Qin, : 秦朝 ; Qín Cháo) à existence brève mais il a établi une culture et un système socio-économique et politique qui exerce toujours une influence sur le monde actuel.

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Qin_Shi_Huang

      Son nom de famille était Ying (嬴) et son prénom Zhèng (政), choisi dit-on parce qu’homonyme du mois de sa naissance (正), le premier de l’année chinoise. Le nom personnel du souverain n’étant pas, par respect, employé de son vivant, il était donc pour ses contemporains le « roi de Qin ». Les historiens le mentionnent néanmoins comme « roi Zheng de Qin ». En 221 av. J.-C., il prit officiellement le titre de « Premier auguste souverain » (Shi Huangdi 始皇帝), en référence aux souverains légendaires les trois Augustes et les cinq Empereurs (三皇五帝, sān huáng wǔ dì.)

      Le premier empereur de Chine aussi avait besoin d’une idéologie justifiant son régime ultra violent et il choisit l’appellation Huangdi pour symboliser sa relation imaginaire avec l’empereur jaune mythique.

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hu%C3%A1ngd%C3%AC

      L’Empereur Jaune (chinois : 黄帝, pinyin : huángdì) est, selon la tradition chinoise, un souverain civilisateur de la haute Antiquité qui aurait régné de 2697 à 2597 ou de 2698 à 2598 av. J.-C.. Il n’est pas mentionné dans les plus anciennes sources, mais il apparaît à l’époque des Royaumes combattants et occupe une place prééminente chez les historiographes de la dynastie Han.
      ....
      Il représentait le souverain idéal pour le courant philosophico-politique huanglao qui eut les faveurs de la cour jusque Han Wudi. À cet égard, de nombreux textes politiques ou techniques furent attribués à lui ou ses assistants, dont les Quatre Livres de Huangdi et le Huangdi Neijing. Divinisé, il est resté un dieu et un immortel taoïste.

      La déscription du mode de production asiatique par Marx nous a fourni une approche imparfaite quoique utile à l’histoire asiatique au contraire des idéologies qui tournent autour des dynasties, des grands hommes et leurs relation avec les êtres célestes..

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mode_de_production_asiatique

      Les Spengler, Voegelin et al. ne nous font pas avancer dans notre compréhension du monde. Les imbéciles et meurtriers réactionnaires par contre éprouvent un bonheur pervers quand ils se servent dans ce bric à brac idéologique pour donner un semblant de sens historique à leurs méfaits.

      #idéologie #fascisme #idéalisme #science_politique #réactionnaires #histoire #Chine #capitalisme

  • Les dents de la mort : quand les champs de bataille fournissaient les dentiers RTBF

    Le dernier ouvrage édité par l’historien liégeois Bernard Wilkin révèle une pratique méconnue de l’histoire contemporaine. Le livre intitulé « Jusqu’à la moelle » est consacré à l’exploitation industrielle des ossements humains. Un chapitre attire l’attention : celui consacré à l’usage des dents des morts !

    Rappelez-vous le roman de Victor Hugo Les misérables  et la séquence épouvantable où Fantine se fait arracher les dents de devant pour les vendre.

    Des dents de soldats tués
    C’est la réalité que décrit Victor Hugo ! Il existait bel et bien dans notre passé proche un commerce de dents humaines.

    Au XIXᵉ siècle, les os humains sont recyclés à grande échelle pour produire du sucre. Les dents, elles, trouvent une destination évidente : les dentiers. « On va tirer les dents des morts, souvent sur les champs de bataille », explique Bernard Wilkin. Les jeunes soldats tués à la guerre, à la dentition épargnée par les ravages des sucreries, offrent une matière première idéale. Leurs dents sont revendues, parfois en vantant leur provenance supposée : c’est la légende des « dentiers de Waterloo ».


    « À Waterloo même, on a peu de sources » nuance l’historien.  "Mais pour d’autres champs de bataille, on sait que les dents étaient vendues au kilo.

    La pratique, bien réelle, révèle un temps où recycler les corps allait de soi. Faute de moyens, on récupérait tout, jusqu’à la matière humaine. Plus tard, la dentisterie va s’améliorer et on n’aura plus besoin de recourir à ces moyens lugubres".

    Le chapitre consacré à la récupération des dents est écrit par l’historien allemand Arne Homann. Les autres chapitres sont signés Bernard Wilkin, Hosni Kitouni, Robin Schäfer, Andrea Hampel, Dominique Bosquet, Tony Pollard et Fabien Knittel.

    Source : https://www.rtbf.be/article/les-dents-de-la-mort-quand-les-champs-de-bataille-fournissaient-les-dentiers-11
    #os #dents #dentiers #ossements #squelettes #Waterloo #Chimie #industrie #capitalisme #recyclage

  • La propriété intellectuelle : une idée radine pour gens fatigués
    https://lundi.am/La-propriete-intellectuelle-une-idee-radine-pour-gens-fatigues

    Ce texte défend l’hypothèse que la notion de propriété intellectuelle est anti-éducative par essence puisqu’elle est un refus des partages qui renforcent mutuellement les individus. Ainsi, pour avoir trouvé telle molécule le premier, je détiens le pouvoir virtuel d’empêcher des milliers de personnes de guérir par elles-mêmes : je n’admets pas qu’elles puissent comprendre, par l’exercice d’une même raison, comment j’ai fait ; je me constitue en obstacle à leur puissance de refaire par elles-mêmes, arguant qu’elles me doivent quelque chose ; elles sont donc empêchées de produire librement cette molécule qui est bonne pour elles.

    Je voudrais procéder ici à une critique radicale de la notion de propriété intellectuelle selon la perspective éducative : jamais la notion n’apparaît aussi faible conceptuellement et aussi cynique politiquement qu’envisagée au regard des enjeux éducatifs du partage et de la libre distribution des puissances de la pensée humaine mise au service du plus grand nombre dans l’intérêt général.

    #copyright_madness #propriété_intellectuelle #propriété #savoirs #connaissance #éducation #économie #capitalisme #philosophie #épistémologie #Lumières

  • Qui ou quoi est l’anthropos de l’Anthropocène ? Catherine Malabou
    https://lestempsquirestent.org/fr/numeros/numero-5/who-or-what-is-the-anthropos-of-the-anthropocene

    L’anthropos de l’Anthropocène est fait de pierre. Avec Heidegger, nous avons un qui ontologiquement différent du quoi compris comme animal ou vie animale. Avec Derrida, nous avons un qui qui se transforme constamment et mécaniquement en automate, l’automate étant la figure de la bêtise souveraine, tandis que l’infinité entre le qui et le quoi est paradoxalement maintenue. Avec Chakrabarty, nous avons l’hypothèse d’un quoi qui est le seul accès au qui. « Le mode d’existence non humain de l’humain, qui est une force impersonelle, nous dit que nous ne sommes pas simplement une forme de vie dotée d’un sens de l’ontologie. […] Nous avons besoin de manières non ontologiques de penser l’humain. »

    La différence ontologique ne parvient pas au cœur de la responsabilité, contrairement à ce qu’affirme Heidegger. L’être humain n’est pas seulement responsable de ce qui se passe, il en est le seul responsable. Le problème vise le caractère de la conscience que demande cette responsabilité. Chakrabarty affirme que la transformation de l’homme en force géologique interrompt la structure même de la conscience. Entre la conscience ou la prise de conscience et la pierre, il n’y a pas de réflexivité possible. En même temps, Chakrabarty croit en la possibilité d’inventer, de créer un nouveau mode de responsabilité « universel »  : « Il faut penser les deux figures de l’humain en même temps  : l’humain-humain et le non humain-humain. »

    C’est ici qu’intervient Bateson, qui caractérise cette coexistence comme l’émergence d’un système éco-mental. « Vous oubliez alors complètement que le système éco-mental appelé lac Érié est une partie de votre système éco-mental plus vaste – et que si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée à ce système plus vaste de votre pensée et de votre expérience. » Le mental devient une notion frontière, mais Bateson ne suspend pas le biologique  : le système éco-mental comprend l’ontologie, la vie et la matière inorganique.

    Je voudrais clore sur la manière dont Félix Guattari, dans Les trois écologies, se réfère à Bateson lorsqu’il insiste sur la nécessité de créer une écosophie qui tiendrait ensemble l’écologie sociale, l’écologie mentale et l’écologie environnementale. Il déclare que « toutes sortes d’autres façons d’exister s’instaurent hors de la conscience ». Le mental devient alors un terme plus précis que conscient. Il devient le terme frontière qui nous permet de rendre commensurables, au moins provisoirement, l’infini et la responsabilité, l’infini de la responsabilité.

    #anthropocentrisme #capitalocène #écosophie #écologie

  • Le Piège identitaire | Les Éditions L’échappée
    https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-piege-identitaire

    Le #capitalisme a ainsi neutralisé les #mouvements contestataires. Pire encore : il tire des bénéfices commerciaux de leurs revendications.
    Face à l’idéologie néolibérale de la « #diversité » qui occulte les inégalités économiques, l’auteur en appelle à dépasser le narcissisme des petites différences pour réinvestir le terrain sur lequel l’humanité a tout à gagner : la #lutte contre le capitalisme.

  • Narendra Modi Has Ruled in the Interests of Big Capital
    https://jacobin.com/2025/05/narendra-modi-bjp-inc-neoliberalism

    22.5.2025 by Vanessa Chishti - The defection of big capital from the Indian National Congress to the Bharatiya Janata Party was a crucial factor in Narendra Modi’s rise. Since 2014, Modi’s government has pushed neoliberal policymaking further and faster than any previous regime.

    Criticisms of the Hindu far-right Bharatiya Janata Party (BJP), which has ruled India since 2014, usually focus on its fascist and crony capitalist character. Although well-founded, these criticisms do not quite capture the novelty of what the regime headed by Narendra Modi has managed to do.

    It has aggressively pushed the interests of big capital in the face of opposition from powerful electoral constituencies and secured decisive parliamentary majorities of the kind India has not seen in decades. While the BJP has benefited from a winner-takes-all electoral system that routinely elects majority governments on minority mandates, its cadre-based organization and cohesive ideology distinguish it from the Indian National Congress (INC). The formerly dominant Congress is a catch-all party comprised of factions loosely held together by material patronage.

    The story of the BJP’s rise and the INC’s roughly proportionate decline is a complex one with many threads. The historical development of different factions of capital in India and the shifting dynamics of conflict between them is a key part of the picture.
    Capitalist Diversity

    India’s capitalist class is large and heterogeneous, and it suffers from a long-standing collective action problem. It consists of big industrial capital, manufacturing capital that is tied to particular regions and has relatively limited mobility outside them, and a mass of small manufacturing capitalists and agrarian capitalists. Each faction has distinct short-term interests, none is able to conclusively impose its own interests, and no political regime has succeeded in brokering a long-term agreement between them.

    The power of big and regional capital over state policy derives from its control over investment and its ability to bankroll favorable political vehicles. Agrarian and small manufacturing capitalists influence policymaking through their electoral influence, which derives from their own significant numbers and their ability to build wide electoral coalitions — with medium, small, and marginal peasants in the case of the former, and petty traders in the case of the latter.

    Although capital accumulated in agriculture has been invested in regional manufacturing, especially since the 1990s, and some regional players have broken into the ranks of big capital, divergent policy preferences persist. In the 1960s, the defection of agrarian and regional capitalists precipitated the first major downturn in the INC’s electoral fortunes. Its marginalization as a serious contender for national power since 2014 stems from the big industrial bourgeoisie deserting it in favor of the BJP. The BJP has only recently shifted allegiance from its traditional base of small capitalists and traders and recast itself as a party of big capital.

    Though big capital is unquestionably the dominant faction in India’s ruling coalition, two factors constrain the capacity of the state to act in its interests. First of all, the adoption of political democracy based on universal adult franchise in 1947 empowered classes that might have been dispossessed by an industrial transformation — small manufacturing and agrarian capital, small and marginal peasants, and a large mass of people surviving through petty commodity production, trade, and services — to influence state policy.

    These classes are a durable presence in India’s capitalist economy, partly due to their political empowerment. Of these groups, small manufacturing and agrarian capitalists have been the best organized, even managing to rise, albeit briefly, to national dominance in India’s era of coalition governments.
    Agrarian and Informal Economies

    Agrarian capitalists in particular have exercised a great deal of influence over policy, particularly at the state level, winning huge concessions by leading wide electoral coalitions couched in the language of “urban bias.” Although sharpening class differentiation has fractured these coalitions and the political clout of agrarian capitalists has declined since its peak in the 1980s, especially following extensive pro-business reforms in the 1990s, they continue to limit the state’s space for maneuver.

    Secondly, the Indian state has little presence in India’s sprawling informal economy, which accounts for between 90 and 95 percent of livelihoods and 50 percent of GDP. For much of India’s history since 1947, the state, and the Congress party, which acted as a key integrative institution, have relied on patron-client ties with locally dominant elites to carry on the business of government away from urban centers and the regulated economy.

    The informal economy, comprised of agriculture, small manufacturing, and assorted forms of petty production, exists entirely outside state regulation and taxation. This is the result both of historically limited state capacity rooted in patterns of colonial state formation and the deliberate creation, by omission and commission, of zones of nonregulation to create new opportunities for capital accumulation.

    This strategy has worked especially to the advantage of electorally significant sections of the capitalist class. The minimum threshold of “small” enterprises has repeatedly been revised upward, allowing more proprietors to access state patronage in the form of subsidies, licences to produce goods reserved for small industries, exemption from taxation, and labor law. Agrarian capitalists are similarly exempt from taxation and labor and environmental regulations, while continuing to claim a significant, if declining, portion of public wealth.
    State-Led Development

    After independence, the influence of big capital over the Congress leadership ensured the adoption of a strategy of state-led industrialization. This was no small task. Outside of pockets of industrial development, the overwhelmingly agrarian economy was dominated by forms of capitalist accumulation that squeezed high rents and interest rates from a large pool of labor with very little bargaining power working at very low levels of productivity. Even industrialists moved capital to rural trade and moneylending in pursuit of quick returns.

    To address the endemic capital and technological constraints that plagued the Indian economy, the state created a protected domestic market, invested in infrastructure and capital goods, and provided subsidized inputs and cheap credit to capitalists. Land reforms were supposed to increase agricultural productivity, expand the domestic market, and generate investible surpluses for industrialization.

    However, the state lacked the capacity to discharge the substantial burdens of investment and social engineering that it assumed. Land reforms were defeated by a war of attrition waged by agrarian capitalists who dominated government and the Congress party at local and state levels. The agrarian constraint on industrial development therefore remained in place.

    Far from ensuring an efficient use of scarce public resources by big capitalist firms, the state ended up acting as risk absorber and guarantor of profits. The twenty-odd firms that dominated the regulated economy enjoyed assured profits without any compulsion to raise productivity.
    New Factions of Capital

    The 1960s and ’70s witnessed the substantial accumulation of capital outside the regulated economy and the emergence of new factions of capital. In the 1970s, directed credit and the reservation of hundreds of product categories for small industries led to an increase in the number of small-scale industrial units. The adoption of the New Agrarian Strategy (NAS) greatly accelerated capitalist growth in agriculture. A new section of the big industrial bourgeoisie nurtured by copious state patronage also developed in this period.

    The failure to execute land reforms and engineer an agrarian transformation meant that the demand constraint persisted. The state struggled to maintain the levels of investment required to sustain accumulation in industry. As an alternative, the NAS promoted energy- and capital-intensive agricultural methods by incentivizing private investment through input subsidies and guaranteed output prices.

    This dramatic reversal in patterns of patronage led to a serious deceleration in industrial growth, as public resources were diverted away from industry to pay for subsidized fertilizers and pump-sets, cheap credit, cheap electricity, and above-market output prices. Electricity subsidies for agricultural users were offset by higher tariffs for industrial and commercial users, while the former also enjoyed preference in the allocation of scarce supply.

    With profitability thus guaranteed, substantial capital accumulated in agriculture, which in turn financed the development of regional capital. The political clout of agrarian capitalists ensured that attempts to divert a portion of this surplus through taxation or adverse terms of trade were defeated.
    Patronage

    Capital accumulation in the Indian economy depends on the state, not only to secure the conditions of exploitation but also to ensure profitability through routine direct transfers of public wealth. Competition for state patronage is thus a central point of conflict between different factions of capital. From 1956 to 1967, the big bourgeoisie’s disproportionate claim over public investment was virtually uncontested, thanks to the INC’s firm grip on power at the center and in all the states.

    The party enjoyed a great deal of legitimacy during this period, and India’s electoral system was not truly competitive. Intra-elite conflicts were handled within the Congress, political opposition was fragmented, and the bulk of the rural electorate was managed through the agrarian capitalists who acted as “linkmen.” These “all-in-alls” often controlled local markets in land, labor, credit, inputs, and output, delivering the votes of the rural poor under their sway in exchange for patronage.

    During the 1960s and ’70s, this arrangement unraveled as the Congress faced stiff competition from regional and right-wing parties, including the Bhartiya Jan Sangh (precursor to the BJP), representing factions of capital outside the charmed circle of direct patronage. The defection of agrarian capitalists eroded the Congress’s electoral machine at a time when the political terrain was becoming increasingly fractious.

    The result was that fiscal populism — promising subsidies for votes — became commonplace, effectively institutionalizing the tendency to prioritize short-term spending over long-term public investment. From 1977 to 1980, the Janata party government established a regime of patronage that favored its base of rural, small, and regional capitalists — one that outlasted its short stint in power at the center.

    The political clout of agrarian capitalists ensured that governments left agricultural incomes untaxed, abolished land taxes, waived agricultural loans, condoned mass defaults on dues to public power corporations, maintained input subsidies, and kept output prices artificially high. In the 1980s, the inter-sectoral terms of trade shifted in favor of agriculture. With its inelastic tax base, the state paid for this with dangerous levels of deficit financing. This laid the basis for recurring fiscal crises, the worst of which provided an alibi for economic liberalization in 1990.
    Pro-Business, Not Pro-Market

    In the early 1990s, the Congress government substantially changed trade and industrial policy to deregulate investment and markets. These were pro-business yet not pro-market reforms; they supported accumulation by existing firms rather than creating a competitive market economy. This was done by redirecting credit from public sector banks toward big capital. This reckless lending drove much of India’s post-liberalization growth and created a regime of
    “riskless capitalism” where capitalist profits were guaranteed while public sector banks absorbed huge losses.

    In anticipation of a political backlash, agricultural reforms were delayed till 1998, when the BJP-led National Democratic Alliance (NDA) took power. The implementation of reforms was left to state governments as a way of dividing opposition, but the general trend was one of declining government procurement prices and quantities, a contraction of formal credit, and falling agricultural prices.

    Nevertheless, agricultural incomes remained untaxed and input subsidies, which disproportionately benefited the rich, remained steady despite large cuts to welfare spending. The backlash came in 2004 as the NDA lost rural voters and the general election. Mindful of this, the Congress-led United Progressive Alliance (UPA), which won two consecutive terms in office from 2004 to 2014, slowed down reform in politically controversial areas. It also halted the disinvestment of public corporations and increased welfare spending to unprecedented levels.

    The dependence of the Congress on its coalition partners was a factor in this slowdown. These allies included an assortment of regional parties, representing rural and regional capitalists and, in its first term, India’s communist parties. The Congress was seen as a party unable, if not unwilling, to discipline farm lobbies and decisively push the reform agenda. Remarkably, from 2004–5 to 2013–14, the terms of trade moved further in favor of agriculture owing to rising procurement prices.
    Land Acquisition

    By 2011–12, the global recession and a bad loans crisis made the extravagant public expenditure that had guaranteed profitability for big capital unsustainable. Furthermore, in 2013, the INC’s reputation as a party friendly to big capital took a major hit with the Land Acquisition, Rehabilitation and Resettlement Act (LARRA).

    Under pressure from a nationwide movement against displacement and the forced cheapening of land by using the state’s power of eminent domain to benefit large corporations, the law introduced protective provisions that made the acquisition of land more difficult. This was especially odious to big capital since accumulation relied heavily on ventures that required large swathes of land, such as mining and real estate speculation.

    More generally, the regionalization of politics, reflected in the reliance of national parties on regional coalition powers to form governments and the decentralization of economic policy, created a heterogeneous policy environment that was unfavorable to big capital. Furthermore, state governments are vulnerable to the influence of competing factions of capital, particularly rural interests, irrespective of the party in power.
    The BJP in Power

    The support of the big bourgeoisie was a key element in the BJP’s victories in the general elections in 2014, 2019, and 2024. This period has seen an unprecedented concentration of capital and skyrocketing inequality.

    The BJP’s parliamentary majorities in the first two elections enabled it to aggressively pursue its campaign promises to big capital. It has cut welfare spending, introduced long-desired reforms in labor law, and vigorously accelerated the asset stripping of publicly owned corporations. It has also forgiven a much larger volume of bad debts owed by large corporations to public sector banks than the UPA — a bailout in all but name.

    In addition, the BJP government has unexpectedly moved against its traditional base of traders and small capitalists and reversed the policy of deliberate nonregulation by enacting a Goods and Service Tax (GST), purportedly to formalize the economy and expand the state’s tax base. A general trend toward centralization in India’s already asymmetrical federal structure works to the advantage of big capital.

    The GST creates a unified indirect tax system and further curtails state control over taxation. The ability of state governments to evade central financial controls through off-budget borrowing that does not manifest itself in fiscal deficits has been curbed, preventing them from making good on loan waivers and other concessions promised to rural lobbies during election campaigns.

    In the changed policy climate, a number of states, not all of them BJP-ruled, have amended land reform laws and accelerated the deregulation of land markets to favor industry. They have removed land ceilings (a key obstacle to corporate agribusiness) and eased the conversion of agricultural land for nonagricultural purposes.
    Crisis of Leadership

    Although the neoliberal policy consensus is shared by forces across the political spectrum in India, including by communist, socialist, and social democratic parties, the present BJP government has pushed it further than any regime since the 1990s. However, it has also hit familiar limits thanks to the electoral weight of the rural sector. This remains significant, even though the wide coalitions of the 1980s, led by agrarian capitalists that managed to draw in middle, small, and marginal peasants, have crumbled in the meantime, with sharper class differences in the countryside since the 1990s.

    After losing power at the center in 2004, the BJP used an amended policy of narrowly targeted subsidies promoting labor-displacing technology in the cultivation of high-value crops for export to bring agrarian capitalists back into the circle of beneficiaries in states where it ruled. Fertilizer and food subsidies (which benefit surplus-producing farmers) have remained substantial, with the former even rising to an all-time high in 2022 when the government increased subsidies to absorb a price surge. Political opposition has stalled a law intended to reform the power sector and help recover the $75 billion owed to public power corporations.

    At state level, the BJP, like any other party, has also promised loan waivers in the run-up to elections. A bid to further deregulate agricultural output markets and weaken MSP guarantees was defeated by a movement led by left-wing farm unions that represent middle, small, and marginal farmers — the only time in the last two decades that the BJP has had to conceded defeat on a major policy move. In the end, the consolidation of the BJP’s hegemony appears to have ameliorated, although not resolved, the crisis of bourgeois leadership precipitated by the decline of the Congress.

    #Inde #capitalisme #fascisme #lutte_des_classes

  • Le commun comme mode de production

    Jusqu’à une époque récente, public et privé apparaissaient comme les deux pôles exclusifs de l’organisation économique et sociale et des formes de #propriété. Tout se résumait à l’ancienne question de l’arbitrage entre « plus de #marché » ou « plus d’État ». Puis le commun et les #biens_communs ont fait à nouveau irruption dans l’espace public et ont remis en cause une donne qui semblait immuable. Pourtant la problématique du commun s’est développée à travers une pluralité d’approches théoriques et d’interprétations très différentes du rôle qu’il pourrait jouer dans un processus de #transformation_sociale. Dans cette perspective, cet ouvrage propose une thèse novatrice. Le commun n’est pas un simple tiers intrus entre #public et #privé, ni un pur principe politique. Il doit être pensé comme un véritable « #mode_de_production » susceptible de constituer une #alternative à l’hégémonie de la logique de l’État comme à celle de l’#économie capitaliste de marché. En mobilisant l’économie politique, le droit, l’histoire, la sociologie, la philosophie, les sciences de l’information et de la communication, les auteurs montrent que le commun contient ces potentialités, sans manquer d’analyser les faiblesses et les contradictions auxquelles se heurte son développement, jusque dans la nouvelle économie du net où, face au pouvoir des plateformes, s’amorce la possibilité d’un renversement de perspective.

    https://www.lyber-eclat.net/livres/le-commun-comme-mode-de-production
    #livre #commun #communs #Etat #capitalisme

  • Mines, bétail, soja : comment les multinationales saignent le #Brésil
    https://www.terrestres.org/2025/05/10/mines-betail-soja-comment-les-multinationales-saignent-le-bresil

    Chaque jour, la pression mortifère des multinationales se renforce, y compris sur des espaces encore préservés. Au Brésil, le bassin amazonien et ses régions périphériques sont en proie à une déforestation massive. Place à la culture de soja, à l’élevage de bovins et aux pollutions récurrentes générées par l’extraction minière, aux dépens de la biodiversité et de la survie des communautés locales. L’article Mines, bétail, soja : comment les multinationales saignent le Brésil est apparu en premier sur Terrestres.

    #Agriculture #Capitalisme #Décolonial #Décroissance #Extractivisme

  • Capitalism Is Changing, but Not Into “Neofeudalism”
    https://jacobin.com/2025/05/capitalism-neofeudalism-tech-medieval-history

    Le "néoféodalisme" n’est qu’une idée á la mode résultat et amplificateur de la confusion intellectuelle ambiante. En l’utilisant nous risquons de perdre de vue les véritables méchanismes du pouvoir.

    21.5.2025 by David Addison , Merle Eisenberg - Some left writers have argued that contemporary capitalism is mutating into a form of “neofeudalism” as tech barons run amok. But what we’re actually witnessing is an important shift within rather than a transition from capitalism

    The tech barons strategically placed around Donald Trump at his inauguration on January 20 this year were a who’s who of the oligarchic class. From Jeff Bezos to Mark Zuckerberg and everyone in between, the leaders of the US tech industry came to pay homage to their new ruler.

    Court intrigue was palpable. Journalists speculated about the choreography of the ceremony, examining how the placement of the barons offered insight into their status and favor to shape the new regime. The pyramid structure of American society had never appeared so stark.

    Trump’s inauguration was surely the most vivid manifestation of the growing political centrality of billionaire tech leaders. The last few years have seen commentators reach for ideas of “technofeudalism” or “neofeudalism” to explain what has been going on. However, those concepts ultimately bring more confusion than clarity to the debate about where capitalism is headed.

    Looking Backward

    Yanis Varoufakis’s 2023 book Technofeudalism: What Killed Capitalism was perhaps the most widely discussed foray into this field. But it has been joined this year by Jodi Dean’s Capital’s Grave: Neofeudalism and the New Class Struggle. Both works suggest that the world has left behind capitalism for an emergent feudal order.

    These theorizations of supposed new feudalisms look to the past to envisage the future. They do so, however, in contradictory ways, drawing on divergent medieval pasts. For some proponents of the idea of “neofeudalism,” such as Katherine V. W. Stone and Robert Kuttner, the central transformation is a legal one. Stone and Kuttner hark back to the moment when the Roman Empire’s structures of public justice gave way to more fragmented, privatized juridical orders.

    In contemporary society, they argue, we are witnessing a corruption of public justice by the interests of private capital, exemplified in forced private legal arbitration and the corporate capture of regulatory bodies. According to this perspective, we should see the ongoing privatization of today as the perversion of a legitimate and beneficial model of capitalism, which should be fortified by a strong public sphere. Their argument focuses on the changes to the legal sphere and the control of justice.

    By contrast, Dean’s understanding of “neofeudalism” is fundamentally economic. It argues for a shift in the mode of production in contemporary society. Like Varoufakis, Dean traces a move away from competition and profit-maximization on the part of corporate leaders like Zuckerberg and Bezos, and she argues that they are now more preoccupied with establishing monopolies and extracting rent.

    This, the analogy implies, mirrors the fate of the medieval rural peasantry, bound to pay rent to monopolistic lords above them. While Dean approvingly cites Stone and Kuttner, they actually diverge in both their notion of historic feudalism and their diagnosis for the present.

    Definitions of Feudalism

    As these examples make clear, the meaning and use of “feudalism” is ambiguous in this discourse. There are three main ways in which historians have defined feudalism that are incompatible for purposes of analysis with each other. Contemporary writers all too often merge these definitions.

    The first feudalism exists especially in the popular historical imagination. It is the world of rigid hierarchies encapsulated in the image of the “feudal pyramid.” This idea is the staple of school classrooms, a quick search on Google, or the slop that poses as information via artificial intelligence.

    The pyramidal view of feudalism describes a coherent social system in which kings granted land to nobility in exchange for loyalty and military service. Peasants at the bottom of the pyramid grew food and received “protection” in return.

    This definition has a certain timelessness, since it supposedly existed for more than a thousand years, and a sense of rigidity, since almost no one could escape its fixed, pyramidal order. It is the social system that most non-medievalists seem to have in mind when they are contrasting present and past.

    Medieval scholars generally hate this version of feudalism. For the last fifty years, academic historians have criticized this idea as overly broad and unreflective of a dynamic period in human history. Whatever else Game of Thrones and its prequel House of the Dragon might suggest, society does not stand still for centuries with few changes to class structure — unless we count dragons as a class.

    Moreover, the term feudalism itself was only coined after the end of the Middle Ages. In fact, since the 1970s, historians in the English-speaking world have even tended to move away from using the word “feudalism” or speaking of a “feudal system.” They sometimes jokingly refer to it as the “F word.”

    This leads to the second, much more specific, concept of feudalism. This is a legal idea expressing the mutual bonds between a ruler and their subordinate elites (sometimes called vassals). A ruler would provide land from which a subordinate could appropriate revenues. The ruler, in turn, received a legal pledge from the subordinate, which had to be renewed with each new generation.

    The pledge tended to entail military service, fees, or various other rights for the ruler. It was the glue that held elite society together. It was not about peasants. This version can be glimpsed in the medieval images of seated rulers with knights kneeling before them pledging such an exchange.

    This feudalism was restricted to a certain time (ca. 1100–1400 CE), a certain place (France and England, mostly), and certain specific individuals (elites only). Medieval historians still usefully employ this legal concept, but this is not the feudalism of today’s debates. It is too narrow, precise, and, well, medieval. Though its symbolic power remains in the metaphors of “vassal states” or “paying homage,” such phrases are figurative, not literal.

    The Feudal Mode

    A third understanding of feudalism is the feudal mode of production that, in its classic Marxist formulation, characterizes the economic framework of a society. Karl Marx laid out various modes of production, and more contemporary theorists have expanded on Marx’s ideas in useful ways.

    Marxist scholars held the feudal mode of production to have developed from the ancient slave mode of production. Instead of requiring enslaved labor, owned and directly dominated by a lord, feudal lords dominated a large mass of peasants in various states of semi-freedom and unfreedom. These peasants produced food from lands they leased on tenure from elites, who appropriated a certain amount of the surplus and, in some cases, demanded labor services.

    Under this regime, elite power was rooted in the ownership of land and the use of coercive force to seize goods and enforce the conditions of tenure. The specifics of how goods were appropriated could vary, deriving from taxes or rents, as could the legal ways in which the goods were taken. To differentiate the feudal mode of production from the two non-Marxist forms of feudalism, historians like John Haldon have relabeled the last type as the tributary mode of production.

    The problem here is apparent: while there are similarities between the three varieties of feudalism, unless we engage in careful delineation, it is easy to pick and choose a characteristic from any or all of the three to form a catch-all feudalism of an idealized medieval past.

    Dean, for example, quotes analysis from all three groups to define her idea: Marc Bloch and Joseph Strayer appear to discuss a feudal society (form 1), Susan Reynolds shows up to note that medievalists have debated whether to use the term (form 2), while Perry Anderson (among others) is used to discuss the feudal mode of production (form 3).

    If we combine all three understandings of the original feudalism to create a picture of neofeudalism, the idea becomes unmoored from such conceptual definitions. It ends up as a transhistorical (and indeed ahistorical) idea, fit for a new purpose in the present.

    Feudalism in Present Debates

    This generic concept of feudalism suggests a lack of progress and a return to a less advanced society with more inequality, fewer freedoms, less property ownership for non-elites, and less mobility into the elite class. These transformations appear both in Marxist ideologies — as a move backward from capitalism to feudalism — and in liberal critiques — as the failure of a progressive narrative that has stalled and gone into reverse. Our aspirational future, whether consisting of socialism or a looser form of progress, has receded from view.

    Yet few of these changes are necessarily linked to feudalism. Tech barons can offer fealty to President Trump or other rulers to advance their eminently capitalist goals, which may well involve privatization, but of a capitalist form. They aim to insert themselves and their businesses into state arenas to control lower classes and bend them to their will.

    Nowhere is this more obvious than with the case of Elon Musk and the Department of Government Efficiency (DOGE) as proponents of state control through a capitalist ideology: efficiency, market power, and privatization are their mantra, whatever outcomes they produce. Neither Musk’s ideological justifications nor his material goals resemble the feudalism of the modern imagination, with its rigid class structures, ceremonial expressions of order, and equivocal sense of private property.

    Trump himself is evidently less attached to market forces, as his single-minded pursuit of tariffs shows. Yet in this, he is at remarkable variance with much of the donor class whose members brought him to power.

    Elite figures such as Musk have long dominated political power by creating their own private jurisdictions. We could be speaking about Count Robert of Artois terrorizing peasants with a pet wolf in late thirteenth-century France, a robber baron of the 1890s, or the Disney Corporation today. However, the legal and economic framework for Count Robert was entirely different than for the other two cases.

    The way in which private jurisdictions function in the twenty-first century is specific to our current capitalist system, which has chosen to center economic efficiencies and profits over human flourishing and the enjoyment of life. Such choices and structures would appear grossly out of place in most regions of medieval Europe, including Count Robert’s.

    Part of the problem also rests in applying a singular notion of historical feudalism, whether we equate it with disordered private justice or a world in which plunder or monopoly power is the only avenue for the extraction of wealth. Even in the Middle Ages, we cannot speak of a single “feudalism.” Although the capitalist mode of production did not structure medieval Europe and the Middle East before modernity, capital, wage labor, and markets could nonetheless dominate in specific places and times.

    As Chris Wickham recently argued, capitalist relations of production played an important role in parts of the Eastern Mediterranean from ca. 950–1150 CE, even while the overarching economic system remained feudal. Orientalist-inflected perspectives on the Islamic world have resulted in its capitalist elements being downplayed. The Middle Ages have served as a blank slate for many possible ideas of feudalism, with supposedly “well-known” aspects, such as private justice and predation, combined as seems useful to serve present needs.

    2020s Capitalism

    Getting to grips with today’s version of capitalism does not require us to fall back on a caricature of medieval feudalism, even if certain elements do appear similar. Private jurisdictional power has certainly exploded over the last several decades as massive corporations have expanded their reach into new spheres of life. At the same time, we should remember that even the most neoliberal state remains vastly more powerful and far-reaching in its influence than its pre-modern forebears.

    Countries today may appear weak in comparison to the stronger states and public realms of the mid-twentieth century. Yet those cases represented a high point in public power, trade union mobilization, and redistributive policy, not the norm against which we should measure today’s capitalism.

    We are dealing with a transformation within capitalism rather than a transition from capitalism. As tech platforms have created ever more precise data, they have simultaneously required larger capital injections to become viable and, eventually, turn a profit. Some have become rent-seeking, like Google, while others have purchased vast swathes of real estate.

    Instead of creating new products, they destroy their competitors and existing markets to gain ever greater returns, encouraging investors to prop up loss-making ventures on the promise of supposedly secure future income. While Dean is correct about these changes in her work, none of this constitutes a new mode of production. It is, rather, a change in how capital works.

    If it was the norm half a century ago for people to go in person to a community hall where they could buy and sell used clothing once a month, Facebook’s Marketplace fulfills a similar role every day by capturing the used clothing market through efficiency. But Facebook simultaneously uses the collected data to sell new products, rendering the consumer and their attention a secondary product to be sold to advertisers and content producers.

    This practice owes much to modern psychological models developed by advertisers and tech companies and has nothing to do with feudal relations. Shoshana Zuboff’s The Age of Surveillance Capitalism has conceptualized this extractive, data-driven business model as representing ever greater capitalist colonization of the domain of private life and the private self. This is a much more stimulating idea than that of techno- or neofeudalism.

    We do not need the concept of feudalism, in any of its variants or forms, to explain the ongoing problems of our respective states and systems. The appeal to archaic models to explain contemporary changes is a morbid symptom of an age in which visions of a better future have been replaced with oppressive fears of backsliding and regression. Things do get worse as well as better, but it gives too much credit to capitalism, in its various forms, to imagine it as the antithesis of monopoly power, the private corruption of justice, and the political rule of corporate elites.

    Capitalists have often defined capitalism’s own ideal form against an image of “old world” feudalism, not least in the post-independence United States. We must not take these deeply ideological perspectives at face value. We are not regressing into the system from which capitalism once emerged: we are witnessing a new and dangerous transformation that is internal to capitalism itself.

    #capitalisme #idéologie #théorie_politique #GAFAM #trumpisme #impérialisme

  • Lecture d’un extrait du livre « Le cours secret du monde », d’Hugues Jallon, paru aux Éditions Verticales en 2025

    https://liminaire.fr/creation/radio-marelle/article/le-cours-secret-du-monde-d-hugues-jallon

    Dans "Le cours secret du monde", Hugues Jallon dresse un panorama déroutant de figures marginales ou influentes, ésotéristes, gourous, ingénieurs illuminés, agents doubles, spécialistes du développement personnel, pour explorer les zones troubles où l’occultisme, l’économie et le pouvoir s’entrelacent. À travers un montage d’anecdotes, d’extraits et de réflexions, il interroge le capitalisme comme système ésotérique, construit sur des promesses opaques et des récits à décrypter. Derrière les histoires singulières de ces « chercheurs de vérité » se dessine une logique du secret devenu norme. Le livre, constitué d’une juxtaposition d’éléments différents, nourri de colère et d’humour noir, évolue comme un labyrinthe mental où la lucidité politique flirte avec la paranoïa. Hugues Jallon y esquisse une critique du monde contemporain et un appel à rompre avec ses injonctions absurdes.

    (...) #Radio_Marelle, #Écriture, #Livre, #Lecture, #En_lisant_en_écrivant, #Podcast, #Littérature, #Mémoire, #Histoire, #Politique, #Capitalisme, #Occultisme, (...)

    https://liminaire.fr/IMG/mp4/en_lisant_le_cours_secret_du_monde_hugues_jallon.mp4

    http://www.editions-verticales.com/fiche_ouvrage.php?id=500

  • Faire sa fête au Capital
    https://laviedesidees.fr/Sacha-Todorov-De-la-City-a-la-ZAD

    À la croisée de la #fête et de la contestation, le carnaval militant s’est imposé comme une forme mêlant tradition festive et intentions subversives. Outil de #mobilisation et de transgression, le carnaval brouille la frontière entre #révolte et mise en scène.

    #capitalisme #Histoire #militantisme #manifestations
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250522_carnaval.pdf

  • Mourir en direct : Narcoculture, féminicide et spectacle de la mort à l’ère des influenceurs
    https://lundi.am/Mourir-en-direct-Narcoculture-feminicide-et-spectacle-de-la-mort-a-l-ere-des

    Le meurtre de l’influenceuse mexicaine Valeria Márquez en plein jour lors d’une émission en direct à Zapopan n’est pas un événement isolé. Il est le symptôme visible d’un ordre contemporain où convergent le crime, la célébrité, la féminité et le spectacle. Au Mexique, pays marqué par la violence structurelle et la narcoculture, la spectacularisation de la mort ne se produit plus seulement dans les médias traditionnels, mais aussi sur l’écran du téléphone portable. Des influenceurs assassinés, des vidéos virales d’exécutions, des célébrités numériques qui disparaissent ou sont exécutées en direct : tout cela témoigne d’un régime de visibilité où la mort a été pleinement intégrée au divertissement et à la punition. Cet article propose une lecture critique du phénomène basée sur une articulation entre féminicide, spectacle, nécropolitique et économie numérique. Traduction d’Alèssi Dell’ Umbria.

    #féminicides #narcoculture #capitalisme_gore #capitalisme_numérique

  • « Les entreprises de #capture du #CO₂ dans l’air émettent plus de #carbone qu’elles n’en éliminent »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/21/les-entreprises-de-capture-du-co-dans-l-air-emettent-plus-de-carbone-qu-elle

    En 2017, #Zurich devint le lieu de rendez-vous de la jet-set climatique. Journalistes, activistes et investisseurs s’y pressèrent, non pour admirer les rives paisibles du lac ou les demeures cossues de la ville, mais pour contempler les énormes ventilateurs installés par la start-up Climeworks sur le toit d’un incinérateur à ordures. Même Greta Thunberg fit le déplacement. A l’époque, l’entreprise se présentait comme la vitrine technologique de la capture du carbone. Ses fondateurs, Christoph Gebald et Jan Wurzbacher, accueillaient les visiteurs, leur présentant un dispositif où de puissants ventilateurs aspiraient l’air ambiant pour le faire passer à travers une substance absorbante à la composition tenue secrète, chargée de piéger le CO₂.

    Le #gaz ainsi capturé était ensuite redirigé vers une serre où l’on cultivait des concombres. Les deux ingénieurs affirmaient pouvoir capter et stocker 1 % des émissions mondiales en 2025, soit environ 400 millions de tonnes de CO₂ par an. L’annonce fit sensation. Les articles fleurirent, les capitaux affluèrent. En 2021, Climeworks inaugura une installation de plus grande envergure en Islande, alimentée par la géothermie. Cette fois, le CO₂ n’était plus utilisé pour faire pousser des légumes, mais injecté dans le sous-sol pour y être minéralisé, générant ainsi des « émissions négatives ». En 2022, la start-up atteignait une valorisation supérieure à 1 milliard de dollars (environ 890 millions d’euros).

    Un quart de l’énergie mondiale
    Le filon ouvert par Climeworks a été suivi par de nombreuses autres start-ups – Carbon Engineering, Global Thermostat, Rewind, Terraformation, Living Carbon, Charm Industrial, Brilliant Planet, Planetary Technologies, Infinitree… pour n’en citer que quelques-unes. Elles sont aujourd’hui plus de 150, affublées de noms bien grandiloquents pour des entreprises qui émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent.

    A cette liste s’ajoutent les entreprises spécialisées dans la « certification » des émissions négatives – Puro. earth, Agoro Carbon Alliance, Riverse – dont le rôle est de valider des crédits carbone aussi douteux que les procédés qui les sous-tendent. En France, on peut citer la récente Association française pour les émissions négatives, financée par la Quadrature Climate Foundation, elle-même financée par les entreprises pétrolières.

    Le problème des émissions négatives relève de la thermodynamique. Ce constat est loin d’être nouveau. Dès 2015, une étude publiée dans Nature rappelait que la capture du CO₂ directement dans l’air, pour passer à plus grande échelle, devrait consommer des quantités colossales d’énergie – plus du quart de l’énergie mondiale – à une seule tâche : aspirer le carbone de l’atmosphère. En 2019, l’analyse du cycle de vie d’une centrale à charbon américaine équipée de dispositifs de capture montrait que ceux-ci ne permettaient d’éliminer que 10,8 % des émissions. Au prix d’une pollution importante liée à l’utilisation de solvants pour capturer le CO₂.

    Questions fondamentales
    #Climeworks se heurte aux mêmes difficultés. En 2024, loin de capter 1 % des émissions mondiales, l’entreprise n’a réussi à extraire que 105 tonnes de CO₂ de l’atmosphère. Sur son site Internet, l’entreprise reconnaît qu’elle ne parvient même pas à compenser ses propres émissions – estimées à 1 700 tonnes de CO₂ par an, sans compter les voyages de presse. Au lieu des 400 millions de tonnes d’émissions négatives, Climeworks annonce maintenant vouloir devenir la première entreprise d’émissions négatives à devenir #neutre_en_carbone avant 2030…

    L’échec de Climeworks pose une série de questions fondamentales. La première concerne la crédibilité des trajectoires de neutralité carbone qui reposent trop souvent sur des techniques inexistantes. La deuxième concerne les finances publiques : est-il légitime de subventionner des start-up dont les promesses sont systématiquement démenties par les faits ? La troisième question est judiciaire. Climeworks a déjà vendu, par anticipation, des crédits carbone équivalant à plusieurs dizaines de milliers de tonnes à des dizaines d’entreprises, dont Microsoft, J.P. Morgan, Swiss Re, TikTok, British Airways, ainsi qu’à 21 000 particuliers désireux de compenser leur empreinte carbone. Beaucoup pourraient se considérer floués, et envisager des recours. Le business des émissions négatives commence à ressembler à une pyramide de Ponzi – avec le climat pour victime.

    #Jean-Baptiste_Fressoz (Historien, chercheur au CNRS)

  • Vous imaginiez quoi ? Sauver la planète avec des technologies Terran ?
    Ce qui marche, c’est les forets et la mer. Ces 2 trucs que vous voulez « valoriser » donc bousiller.

    Les entreprises de capture du CO₂ dans l’air émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/21/les-entreprises-de-capture-du-co-dans-l-air-emettent-plus-de-carbone-qu-elle

    La start-up Climeworks se proposait de piéger le CO₂. Vite valorisée à 1 milliard de dollars, elle a été imitée par bien d’autres. Cette technologie n’a pas tenu ses promesses, et, aujourd’hui, beaucoup d’entreprises et de particuliers pourraient s’estimer floués.

    Cela veut-il dire que la tonne de CO₂ vaut 0,0022 € ?

    Article complet sans #paywall :
    https://seenthis.net/messages/1116417

  • La nouveauté, cette vieille rengaine
    https://laviedesidees.fr/Jeanne-Guien-Le-Desir-de-nouveautes

    L’amour de la nouveauté n’est pas né dans la société moderne de consommation. Depuis longtemps, il est un moteur du #capitalisme, constituant un imaginaire commercial puissant. Ses impacts environnementaux sont, aujourd’hui, désastreux.

    #Philosophie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250521_guien.pdf

  • À l’ombre d’Istanbul : les transformations territoriales de la « province » turque
    https://metropolitiques.eu/A-l-ombre-d-Istanbul-les-transformations-territoriales-de-la-provinc

    Vue de France, la #Turquie est souvent réduite à la mégapole d’Istanbul. En s’intéressant à la « province » turque, le dossier met en lumière la diversité des processus de #métropolisation dans ce pays, entre centralisation étatique, initiatives locales et inscription dans des réseaux transnationaux. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ « Il existe une autre Turquie au-delà d’Istanbul et d’Ankara, une Turquie qui n’est pas aussi sous-développée qu’on le suppose souvent. Elle reste assez fragmentée et, bien qu’il y #Dossiers

    / À la Une, #Empire_ottoman, Turquie, #capitalisme, #néolibéralisme, métropolisation, #territoire, #périphérie, (...)

    #mobilité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_intro_dossier_turquie.pdf

  • Climeworks’ capture fails to cover its own emissions - Heimildin
    https://heimildin.is/grein/24581

    According to data available to Heimildin, it is clear that this goal has never been achieved and that #Climeworks does not #capture enough #carbon units to offset its own operations , emissions amounting to 1,700 tons of #CO2 in 2023.

    La capture de CO2, ça ne permet pas de capturer le CO2 produit pour capturer le CO2 pour capturer le CO2 pour capturer le CO2.

    #shadoks_encore_plagiés #carbon_capture

  • #Capitalisme et #racisme. L’apport fondamental du #marxisme_noir

    Les marxistes sont souvent accusés d’ignorer ou de minimiser le racisme, voire de le « réduire » à la classe sociale. Mais une telle critique occulte une riche tradition de théorisation marxiste de l’oppression raciale, connue sous le nom de « marxisme noir ».

    La tradition de la pensée marxiste noire – qui comprend W. E. B. Du Bois (1868-1963), C. L. R. James (1901-1989) et Frantz Fanon (1925-1961), entre autres – insiste à la fois sur l’importance historique du capitalisme dans l’oppression raciale et sur les conséquences destructrices de cette #oppression pour les travailleurs·ses noirs et l’ensemble de la classe travailleuse.

    Jonah Birch, collaborateur de Jacobin, s’est récemment entretenu avec #Jeff_Goodwin, professeur à l’Université de New York et spécialiste des révolutions et des mouvements sociaux, qui a écrit sur Du Bois et la tradition marxiste noire (voir notamment cet article), afin d’échanger sur l’apport durable des marxistes noirs à la pensée critique et révolutionnaire.

    Leur discussion a porté sur le rôle central du capitalisme dans l’#oppression_raciale, sur l’hétérogénéité de la pensée marxiste noire et sur la pérennité de cette tradition théorique aujourd’hui.

    Jonah Birch – Vous avez récemment fait l’éloge du marxisme noir dans Catalyst. Qu’entendez-vous exactement par « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Ce terme fait référence aux écrivains, organisateurs et révolutionnaires africains, afro-américains et afro-caribéens qui se sont appuyés sur la théorie marxiste pour comprendre – et mieux, détruire – à la fois l’oppression raciale et l’#exploitation_de_classe, y compris le #colonialisme. Il s’agit donc d’une tendance théorique et politique au sein du marxisme. Elle est analogue au féminisme marxiste, qui s’inspire lui aussi de la théorie marxiste pour analyser l’oppression des femmes.

    On entend parfois dire que le marxisme a un « problème de race », sous-entendant que les marxistes ne prennent pas la question raciale au sérieux. Mais honnêtement, je ne vois aucune autre tradition théorique ou politique — qu’il s’agisse du libéralisme, du nationalisme noir ou de la théorie critique de la race — qui offre plus d’éclairages sur l’oppression raciale que le marxisme. Et cela est largement dû à la tradition marxiste noire. Bien sûr, on trouve aussi une opposition à l’oppression raciale et au colonialisme dans les écrits de marxistes classiques comme Rosa Luxemburg et Vladimir Lénine, ainsi que chez Karl Marx lui-même. Pourtant, cette tradition marxiste noire reste méconnue, y compris au sein de la gauche.

    Jonah Birch – Quels sont, selon vous, les principes fondamentaux du marxisme noir ?

    Jeff Goodwin – Le marxisme noir n’est pas homogène, mais son idée centrale est que le capitalisme a été historiquement le principal pilier de l’oppression raciale à l’ère moderne. Par oppression raciale, j’entends la domination ou le contrôle politique, juridique et social des peuples africains et noirs.

    Que signifie dire que le capitalisme est le principal pilier ou fondement de l’oppression raciale ? Les marxistes noirs mettent en avant deux caractéristiques fondamentales du capitalisme :

    1/ La recherche incessante de main-d’œuvre et de ressources bon marché par les capitalistes

    2/ La concurrence entre les travailleurs pour l’obtention d’un emploi

    Ces deux dynamiques sont, selon eux, les causes profondes de l’oppression raciale.

    L’oppression raciale ne se confond pas avec l’exploitation de classe, mais elle la facilite : elle permet d’exploiter le travail des #Noirs et, par extension, de l’ensemble des travailleurs.

    Affirmer que le racisme, dans sa forme moderne, est un produit du capitalisme ne revient en aucun cas à minimiser ses conséquences horribles. Bien au contraire. Les marxistes noirs soulignent que les peuples noirs, à l’ère moderne, ont été confrontés à une domination politique et sociale ainsi qu’aux formes extrêmes d’exploitation économique que cette domination a rendues possibles. L’oppression politique des peuples noirs est une injustice en soi, mais elle permet également des formes d’exploitation du travail particulièrement brutales.

    Pour être plus précis, l’une des caractéristiques inhérentes au capitalisme est la recherche incessante, par les capitalistes, d’une main-d’œuvre et de ressources bon marché. Cette quête découle du fait que les capitalistes sont en concurrence les uns avec les autres et cherchent donc constamment à réduire leurs coûts de production. L’un des moyens de maintenir une main-d’œuvre bon marché et docile est de l’opprimer politiquement — c’est-à-dire de la dominer et de la contrôler afin de l’empêcher de s’organiser et de résister efficacement. Les capitalistes préféreraient oppresser l’ensemble des travailleurs, mais une alternative consiste à exercer une domination plus marquée sur une partie significative de la classe ouvrière — qu’il s’agisse des femmes, des immigrés ou des travailleurs noirs.

    Les marxistes noirs affirment que les Noirs ont été soumis à une oppression terrible de la part des capitalistes, de l’État et de la police, non pas comme une fin en soi ou par pure malveillance raciale. Là où existent des formes massives de domination et d’inégalité raciales, l’objectif est généralement de faciliter l’exploitation et le contrôle du travail noir – pensons à l’esclavage dans les plantations, au métayage ou encore aux emplois précaires et faiblement rémunérés aux États-Unis. Dans de nombreux cas, la domination raciale repose aussi sur la dépossession des terres et des ressources contrôlées par des groupes raciaux spécifiques. Le colonialisme, de toute évidence, s’inscrit dans cette logique : il implique une telle dépossession et est alimenté par la quête incessante des capitalistes de ressources et de main-d’œuvre bon marché.

    L’oppression raciale est également souvent soutenue et mise en œuvre par des travailleurs blancs. C’est là qu’intervient une autre caractéristique fondamentale du capitalisme : la concurrence entre les travailleurs pour l’emploi. Mais il est important de souligner que, pour les marxistes noirs, les systèmes d’oppression et d’inégalité raciales à grande échelle ont généralement été des projets portés par de puissantes classes dirigeantes — en lien avec les États qu’elles contrôlent ou influencent — et que ces classes ont un intérêt matériel à dévaloriser et exploiter le travail des peuples africains et noirs, ou à s’emparer de leurs ressources. L’oppression raciale est d’autant plus brutale et durable que ces classes dirigeantes et ces États y trouvent un intérêt économique direct.

    Bien sûr, les motivations derrière les actes individuels de racisme sont complexes et ne peuvent pas toujours être expliquées uniquement en ces termes. Mais le marxisme noir ne cherche pas à analyser les comportements individuels : son objectif est d’identifier les forces motrices des institutions de domination raciale à grande échelle. Et son postulat central est que l’exploitation du travail — l’exploitation de classe — constitue généralement cette force motrice. Il est donc essentiel de distinguer le racisme institutionnalisé du racisme interpersonnel.

    Jonah Birch – Je remarque que vous parlez des peuples noirs au pluriel. Je suppose que c’est pour souligner l’hétérogénéité des groupes culturels et ethniques d’Afrique qui ont été colonisés ou réduits en esclavage et amenés dans le Nouveau Monde.

    Jeff Goodwin – Oui, tout à fait, et cela vaut aussi pour l’ensemble des peuples colonisés. W. E. B. Du Bois écrit quelque part – dans Color and Democracy, je crois – que les peuples colonisés possèdent des histoires, des cultures et des caractéristiques physiques extrêmement variées. Ce qui les unit, ce n’est pas leur race ou leur couleur de peau, mais la pauvreté issue de l’exploitation capitaliste. Leur race, explique Du Bois, est la justification apparente de leur exploitation, mais la véritable raison est la recherche de profits à travers une main-d’œuvre bon marché, qu’elle soit noire ou blanche. Il insiste d’ailleurs sur le fait que l’oppression des travailleurs noirs a aussi eu pour effet d’abaisser le coût de la main-d’œuvre blanche.

    Jonah Birch – Comment l’idéologie raciste s’inscrit-elle dans ce contexte ?

    Jeff Goodwin – L’idéologie raciste, ou idéologie suprémaciste blanche — c’est-à-dire le racisme en tant que construction culturelle — est généralement élaborée, diffusée et institutionnalisée par les classes dirigeantes et les institutions étatiques afin de justifier et rationaliser l’oppression et les inégalités raciales. L’animosité ou la haine raciale en tant que telles ne sont pas la principale motivation de l’oppression raciale ; l’élément central est la richesse et les profits générés par l’exploitation du travail des Noirs. Mais le racisme légitime cette oppression et contribue à sa perpétuation.

    Cela ne signifie pas pour autant que certaines idées racistes et suprémacistes n’aient pas précédé le capitalisme. Cependant, leur portée et leur influence sont longtemps restées limitées, jusqu’à ce qu’elles soient associées aux intérêts matériels des capitalistes et des États puissants. À partir de ce moment, elles ont été systématisées, institutionnalisées et sont devenues une force matérielle à part entière.

    Ainsi, la race devient à la fois un critère social et une justification morale de l’oppression politique et sociale, rendant l’exploitation de la main-d’œuvre noire plus facile et plus intensive qu’elle ne pourrait l’être autrement. Mais il y a plus encore. Comme je l’ai mentionné, les travailleurs qui ne sont pas directement opprimés sur le plan racial voient néanmoins leur propre travail dévalorisé et leur pouvoir collectif amoindri par la fracture raciale créée par l’oppression des travailleurs noirs. Pour les marxistes noirs, le racisme est donc un enjeu fondamental, ce qui contredit l’idée que le marxisme aurait un « problème racial ». En aucun cas, les marxistes noirs ne sont des « réductionnistes de classe ».

    Lorsque la domination et l’inégalité raciales sont institutionnalisées à grande échelle, elles visent généralement à faciliter l’exploitation et le contrôle de la main-d’œuvre noire.

    L’oppression politique des Noirs est en elle-même une injustice, mais elle favorise aussi certaines des formes les plus brutales d’exploitation du travail. Historiquement, les travailleurs blancs ont été exploités, parfois de manière assez impitoyable, mais aux États-Unis, ils n’ont jamais été confrontés à une oppression politique, juridique et sociale comparable à celle des travailleurs noirs.

    Le grand socialiste américain Eugene V. Debs (1855-1926) a un jour déclaré que « nous n’avons rien de spécial à offrir aux Noirs », c’est-à-dire rien d’autre que la politique de classe que le Parti Socialiste proposait aux travailleurs blancs. Mais comme l’a démontré William Jones, cette phrase été sortie de son contexte. En réalité, Debs était un fervent adversaire du racisme et il critiquait les socialistes qui ignoraient le racisme ou qui pensaient que la lutte des classes « oblitérait » la nécessité d’affronter les lois et aux institutions racistes. Le racisme constituait un obstacle à la solidarité de classe, pensait Debs, et devait donc être combattu par tous les travailleurs.

    L’ouvrage Class Struggle and the Color Line, édité par Paul Heideman, rassemble les écrits de nombreux socialistes et communistes étatsuniens, noirs et blancs, y compris ceux de Debs, illustrant à quel point il était crucial de combattre et de démanteler le racisme au sein de la classe ouvrière et dans la société en général.

    Aujourd’hui, il est clair que la plupart des marxistes, en grande partie grâce aux travaux des marxistes noirs, reconnaissent que les diverses institutions, lois et normes d’oppression raciale ne se limitent pas à l’exploitation de la main-d’œuvre noire, mais sont tout aussi néfastes – tout en contribuant à renforcer cette exploitation. Les pratiques racistes sont profondément enracinées dans les lieux de travail, où elles se manifestent directement « au point de production », mais elles s’étendent également à l’ensemble de la société et influencent les relations entre les gouvernements et leurs citoyens. Ces institutions, lois et pratiques racistes doivent être combattues de concert avec la lutte contre l’exploitation de classe.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné précédemment que les marxistes noirs considèrent que la concurrence entre les travailleurs pour les emplois dans les sociétés capitalistes est liée au racisme. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

    Jeff Goodwin – Certains marxistes noirs soulignent que les travailleurs blancs peuvent adopter un racisme violent, bien que celui-ci soit différent de celui des capitalistes. L’un des principes fondamentaux du marxisme noir est que le racisme n’est pas uniforme – il prend différentes formes selon les contextes économiques et politiques. Pour les travailleurs blancs, le racisme est souvent motivé par la crainte que les travailleurs noirs – ou certains groupes ethniques, ou encore les immigrés – ne prennent leurs emplois ou ne fassent baisser leurs revenus parce qu’ils sont prêts à travailler pour des salaires inférieurs soit par contrainte, soit par nécessité.

    Les capitalistes exploitent naturellement cette peur. Par conséquent, certains travailleurs blancs cherchent à exclure les Noirs (ainsi que certains groupes ethniques blancs) des emplois mieux rémunérés, des secteurs économiques entiers et même des syndicats, souvent par des moyens violents. Cela donne lieu à ce que l’on appelle un marché du travail divisé, où les travailleurs noirs sont relégués à des emplois précaires et moins bien rémunérés, voire totalement exclus du marché du travail.

    Là encore, les croyances racistes ou suprématistes deviennent des outils de justification de ces exclusions et ces violences. L’expression « marché du travail divisé » a été développée dans les années 1970 par une sociologue marxiste, Edna Bonacich, mais l’idée remonte au moins à Du Bois.

    Il est important de rappeler que les travailleurs n’ont pas le pouvoir d’embaucher ou de licencier – c’est le rôle des capitalistes. Ainsi, les marchés du travail divisés n’apparaissent que lorsque les capitalistes ont un intérêt à répondre aux demandes des travailleurs racistes. Toutefois, il arrive que les capitalistes s’opposent aux exigences des travailleurs visant à exclure les Noirs de certaines professions ou industries, notamment en période de pénurie de main-d’œuvre, qu’il s’agisse de travailleurs qualifiés ou de postes vacants à la suite de grèves. Aux États-Unis, les capitalistes ont souvent eu recours à des travailleurs noirs comme briseurs de grève pour remplacer les travailleurs blancs en grève, ce qui avait pour effet d’affaiblir les grèves et d’attiser les animosités raciales des travailleurs blancs, renforçant ainsi la fracture raciale au sein de la classe ouvrière.

    Les marxistes ne considèrent évidemment pas le racisme de la classe ouvrière comme inévitable. À travers l’organisation et les luttes de classe contre les capitalistes, ils estiment que les travailleurs blancs peuvent prendre conscience de la nécessité d’une solidarité de classe large et multiraciale. Ils soulignent que la véritable cause de la pénurie d’emplois bien rémunérés n’est pas la concurrence des travailleurs issus de groupes raciaux différents, mais bien le capitalisme lui-même.

    L’implication politique de cette perspective est que les luttes de classe seront – et devront être – une composante essentielle de toute stratégie de libération des Noirs ou de décolonisation, à la fois sur le lieu de travail et dans la société civile. Si, comme le soutiennent les marxistes noirs, l’exploitation du travail des Noirs et leur exclusion des emplois mieux rémunérés constituent le fondement économique de l’oppression raciale, alors il est impératif de saper, voire d’éliminer, ce système. Pour que leur lutte contre l’oppression raciale et l’exploitation de classe soit victorieuse, les travailleurs noirs auront besoin du soutien le plus large possible des travailleurs d’autres groupes raciaux, même si le racisme tend à entraver cette solidarité. D’où la nécessité de combattre ce racisme à chaque instant. La solidarité de classe est d’autant plus cruciale lorsque les travailleurs racialisés opprimés constituent une minorité, comme c’est le cas aux États-Unis.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné Du Bois, mais qui sont les autres figures clés de la tradition marxiste noire ? Qui sont les principaux penseurs de ce courant ?

    Jeff Goodwin – Cette tradition regroupe des intellectuels et militants d’une envergure impressionnante. Une liste non exhaustive de marxistes noirs comprend, outre Du Bois, C. L. R. James (1901-1989), Harry Haywood (1898-1985), Claudia Jones (1915-1964), Oliver Cromwell Cox (1901-1974), Aimé Césaire (1913-2008), Frantz Fanon (1925-1961), Walter Rodney (1942-1980), Claude Ake (1939-1996), Neville Alexander (1936-2012), Manning Marable (1950 -2011) et Stuart Hall (1932-2014). Paul Robeson (1898-1976) était également très proche de ce courant et de Du Bois en particulier. Malcolm X (1925-1965) semblait s’en approcher l’année précédant son assassinat.

    Elle inclut également des révolutionnaires africains tels que Kwame Nkrumah (1909-1972), Amílcar Cabral (1924-1973), Agostinho Neto (1922-1979) et Eduardo Mondlane (1920-1969). Des figures majeures des Black Panthers et du mouvement Black Power, dont Huey Newton (1942-1989), Fred Hampton (1948-1969) et Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998), en font aussi partie.

    Par ailleurs, James Baldwin (1924-1987), à la fois ami de Martin Luther King Jr (1929-1968) et admirateur des Panthères noires, s’en était rapproché au début des années 1970 – il suffit de lire son livre No Name in the Street. Aucune autre tradition théorique ou politique ayant abordé la question de la domination raciale ne peut s’enorgueillir d’une aussi brillante constellation d’écrivains, d’intellectuels et de révolutionnaires.

    Jonah Birch – La question de savoir si W. E. B. Du Bois était marxiste fait débat, non ?

    ­ Jeff Goodwin – Jusqu’à récemment, en réalité, il n’y avait en réalité aucune controverse sur ce point. Tout le monde – du moins à gauche – reconnaissait que Du Bois était devenu un socialiste marxien bien avant d’écrire, à l’âge de soixante-cinq ans, son ouvrage majeur, Black Reconstruction in America, ainsi que les nombreux écrits radicaux qui ont suivi. On peut même déceler des influences marxistes et socialistes dans ses travaux antérieurs.

    Le marxisme de Du Bois est évident dans son autobiographie publiée à titre posthume. Avec le temps, il s’est rapproché du mouvement communiste – jusqu’à devenir un fervent stalinien – et a officiellement rejoint le Parti Communiste en 1961, à l’âge de quatre-vingt-treize ans, bien que ce dernier ait été considérablement affaibli par le maccarthysme.

    Récemment, un groupe de sociologues libéraux a vigoureusement nié ou minimisé cette réalité. Ils ont élaboré ce qu’ils appellent la « sociologie Du Boisienne », une relecture qui expurge toute trace de marxisme – un véritable blanchiment idéologique, pour ainsi dire. Il n’est pas surprenant que ce groupe assimile le marxisme à un « réductionnisme de classe ». Ceux et celles qui s’intéressent à ce débat peuvent consulter un échange entre moi-même et l’un de ces faux « Du Boisiens » dans Catalyst. J’ai écrit ma défense du marxisme noir en réponse à ce négationnisme, qui repose sur une profonde ignorance de Du Bois et de la tradition marxiste noire.

    Jonah Birch – Les questions de race et d’ethnicité n’ont-elles pas été abordées par un large éventail de marxistes issus de différentes races et nationalités ?

    Jeff Goodwin – Bien sûr. Le marxisme noir n’est qu’une partie – même si je pense que c’est la plus fascinante – d’une tradition marxiste plus large, multiraciale et multinationale, qui cherche à analyser la domination raciale ainsi que l’oppression ethnique et nationale, y compris le colonialisme.

    Cette tradition inclut des marxistes classiques comme Rosa Luxemburg (1871-1919) et Vladimir Lénine (1870-1924), mais aussi des penseurs tels que José Carlos Mariátegui (1894-1930), marxiste péruvien qui a écrit sur la « question indienne » en Amérique latine, et Kamekichi Takahashi (1891-1970), un économiste japonais. Elle englobe également des intellectuels sud-asiatiques, comme M. N. Roy (1887-1954) et A. Sivanandan (1923-2018), parmi bien d’autres.

    Elle inclut aussi Ho Chi Minh (1890-1969), qui avait des choses très intéressantes à dire sur le racisme européen, comme vous pouvez l’imaginer.

    Cette tradition marxiste s’est également développée parmi des intellectuels blancs européens et nord-américains, tels que Otto Bauer (1881-1938), Max Shachtman (1904-1972), qui a écrit sur la race aux États-Unis, et Herbert Aptheker (1915-2003), ami et exécuteur littéraire de W. E. B. Du Bois (1868-1963), qui a écrit un ouvrage majeur sur les révoltes d’esclaves aux Etats-Unis, American Negro Slave Revolts (1943).

    Elle s’étend également à des figures plus récentes comme Éric Hobsbawm (1917-2012), Theodore Allen (1919-2005) et Benedict Anderson (1936-2015), célèbre pour son concept de la nation en tant que « communauté imaginée », une idée que l’on peut aussi appliquer à la race et à l’ethnicité.

    Enfin, cette tradition comprend des intellectuels sud-africains blancs qui ont participé à la lutte contre l’apartheid, notamment Martin Legassick (1940-2016) et Harold Wolpe (1926-1996).

    Jonah Birch – La tradition marxiste noire est-elle toujours vivante ?

    Jeff Goodwin – Absolument ! De nombreux intellectuels contemporains continuent d’enrichir cette tradition. Parmi eux, on peut citer l’historienne Barbara Fields (née en 1947), ainsi que Adolph Reed (né en 1947) et son fils Touré Reed (né en 1971). D’autres figures notables incluent Kenneth Warren, Zine Magubane, Cedric Johnson, August Nimtz, Preston Smith, ainsi que le philosophe de Harvard Tommie Shelby (né en 1967), qui se définit lui-même comme un « marxiste afro-analytique ». Et ce ne sont là que quelques intellectuels basés aux États-Unis.

    Jonah Birch – Qu’en est-il de Cedric Robinson (1940-2016), auteur du célèbre ouvrage intitulé Marxisme Noir en 1983 ? N’est-ce pas lui qui a popularisé le terme « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Oui, ironiquement, mais il n’était pas le seul. Je dis « ironiquement » parce que Robinson était un farouche opposant au marxisme. Cedric Robinson (1940-2016), auteur de Marxisme Noir : La formation de la tradition radicale noire (Éditions Entremonde, 2023), a contribué à populariser le terme, sans pour autant l’adopter dans une perspective marxiste. Il considérait que le marxisme, à l’image de la culture « occidentale » dans son ensemble, était fondamentalement aveugle au racisme, voire intrinsèquement raciste, et que ses catégories d’analyse ne pouvaient s’appliquer aux sociétés non européennes. Pour Robinson, comme pour les sociologues « Du Boisiens » que j’ai mentionnés, il n’existait qu’une seule forme de marxisme : un marxisme réductionniste, centré exclusivement sur la classe au détriment des autres formes d’oppression.

    Mais parce que Robinson a écrit un livre intitulé Black Marxism, je pense que beaucoup de gens supposent qu’il est lui-même marxiste ou pro-marxiste. Or, rien n’est plus faux. Apparemment, Robinson ne voulait même pas appeler son livre Black Marxism, mais je crois que son éditeur a pensé qu’il se vendrait mieux avec ce titre.

    Marxisme noir présente de nombreux défauts, notamment une mauvaise interprétation de la pensée des marxistes noirs actuels, en particulier des idées de Du Bois (1868-1963) et de C. L. R. James (1901-1989). Le point de vue de Robinson sur Du Bois en tant que prétendu critique du marxisme est basé sur une lecture tronquée de l’œuvre de Du Bois et sur une interprétation profondément erronée de Black Reconstruction in America. Son point de vue sur Du Bois est similaire à celui des sociologues « Du Boisiens ». Robinson prétend, sans aucune preuve, que Du Bois et James ont abandonné le marxisme, ce qui leur a permis de découvrir ce qu’il appelle la « tradition radicale noire ». Mais il s’agit là d’une pure fiction : ni Du Bois ni James n’ont abandonné le marxisme.

    L’engagement de Du Bois au sein du marxisme et du mouvement communiste n’a fait que s’approfondir au fil du temps, même après le célèbre discours de Nikita Khrouchtchev (1894-1971) en 1956 dénonçant les crimes de Joseph Staline (1878-1953) et l’invasion soviétique de la Hongrie la même année. Comme je l’ai mentionné, il a rejoint le Parti Communiste très tard dans sa vie, quelques années seulement avant sa mort. C’est assez étrange, si l’on y réfléchit, pour quelqu’un qui aurait renoncé au marxisme.

    Jonah Birch – On entend souvent parler aujourd’hui de la « tradition radicale noire ». De quoi s’agit-il exactement et quel est son lien avec le marxisme noir ?

    Jeff Gookdwin – Cela dépend de la personne à qui l’on pose la question ! Le sous-titre du livre de Cedric Robinson (1940-2016), Marxisme Noir, est La formation de la tradition radicale noire. Lorsque j’ai découvert ce titre, j’ai d’abord pensé que Robinson établissait un lien direct entre marxisme noir et tradition radicale noire, voire qu’il considérait que les marxistes noirs faisaient partie intégrante de cette tradition. Et cela aurait été logique.

    Mais pour Robinson, il n’y a aucun lien entre les deux. Le marxisme est essentiellement et à jamais européen et raciste, tandis que la tradition radicale noire est essentiellement et à jamais panafricaine et antiraciste. Robinson insiste donc sur le fait que le marxisme n’a rien à offrir aux antiracistes. Comment le pourrait-il, si le marxisme fait partie de la culture occidentale, qui est irrémédiablement raciste ?

    Dans la réalité, les penseurs noirs et les militants révolutionnaires ont largement puisé dans le marxisme pour analyser et combattre le racisme, l’impérialisme et le colonialisme. W. E. B. Du Bois (1868-1963) et C. L. R. James (1901-1989) en sont d’excellents exemples. Ils sont au cœur de la tradition radicale noire, au sens où l’on entend ce terme, tout comme les autres marxistes noirs que j’ai mentionnés.

    J’inclurais également dans cette tradition les non-marxistes qui voient et soulignent néanmoins la manière dont le capitalisme est impliqué dans l’oppression et l’inégalité raciales, et qui sont donc anticapitalistes, sans être nécessairement révolutionnaires. Je pense à diverses personnalités sociales-démocrates et chrétiennes-sociales comme A. Philip Randolph (1889-1979), Chandler Owen (1889-1967), Eric Williams (1911-1981) – un élève de C. L. R. James –, Bayard Rustin (1912-1987), Ella Baker (1903-1986) et, bien sûr, Martin Luther King Jr. (1929-1968). Baker, qui a participé à la fondation du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) en 1960, était d’ailleurs proche des marxistes. Toutes ces personnalités méritent assurément une place dans la tradition radicale noire.

    Jonah Birch – Vous suggérez donc que ce qui distingue les radicaux noirs des autres antiracistes – les antiracistes libéraux et les nationalistes noirs – c’est leur anticapitalisme ?

    Jeff Goodwin – Oui, le principal critère de distinction est l’anticapitalisme. Nous devons comprendre la tradition radicale noire comme étant à la fois antiraciste et anticapitaliste. Les radicaux pensent que les deux doivent aller de pair. Je ne vois pas comment on peut se dire radical dans ce monde si on ne s’oppose pas par principe au capitalisme.

    Pour cette raison, je placerais également certains nationalistes et anticolonialistes noirs, mais certainement pas tous, dans la tradition radicale noire. Les nationalistes qui soutiennent le capitalisme – y compris le « capitalisme noir » – cautionnent par essence l’exploitation et l’inégalité. Il n’y a rien de radical dans cela. C’est la thèse centrale de Frantz Fanon dans Les damnés de la terre. Il mettait en garde contre la bourgeoisie noire – ou la bourgeoisie nationale, comme il l’appelait. Contrairement à Robinson, je ne pense pas que l’antiracisme et l’anticolonialisme fassent à eux seuls de vous un radical. Il y a évidemment beaucoup d’antiracistes et de nationalistes anticoloniaux élitistes et autoritaires.

    Jonah Birch – Vous placeriez Martin Luther King Jr dans la tradition radicale noire également ?

    Jeff Goodwin – Absolument. Dans les dernières années de sa vie, King a exprimé de plus en plus ouvertement son rejet du capitalisme et son adhésion au socialisme démocratique. Son parcours intellectuel l’avait mis en contact avec de nombreux penseurs socialistes chrétiens et leurs écrits. La thèse de doctorat de King traite de deux théologiens de gauche, Paul Tillich (1886-1965) et Henry Nelson Wieman (1884-1975).

    Le chercheur Matt Nichter a récemment mis en lumière le rôle joué par de nombreux socialistes, communistes et ex-communistes dans la Southern Christian Leadership Conference de King. Celui-ci soutenait également fortement le mouvement ouvrier, et les syndicats les plus radicaux du pays l’ont soutenu. Lorsqu’il a été assassiné, il était aux côtés des travailleurs de l’assainissement en grève à Memphis.

    King n’a jamais cédé à l’anticommunisme primaire (red-baiting) et se méfiait des libéraux anticommunistes. Il appréciait le soutien des communistes au mouvement des droits civiques. L’un de ses derniers grands discours fut un hommage à Du Bois, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Il y dénonçait ceux qui minimisaient ou occultaient l’engagement communiste de Du Bois, estimant que cela ne faisait que renforcer les stéréotypes négatifs sur le socialisme et le communisme.

    En fait, je pense que King doit être considéré comme l’un des plus grands socialistes de l’histoire des Etats-Unis. Dans sa lutte contre la pauvreté, King en est venu à défendre un revenu garanti pour tous, non pas au niveau du seuil de pauvreté, mais au niveau du revenu médian du pays. Une telle proposition soulève évidemment des questions pratiques : les travailleurs gagnant moins que ce revenu garanti pourraient être incités à quitter leur emploi pour en bénéficier ! Mais cette proposition illustre clairement la haine de King non seulement pour la pauvreté, mais aussi pour tout système économique qui prive les gens des ressources matérielles dont ils ont besoin pour s’épanouir et pas seulement pour survivre.

    Jonah Birch – Les marxistes noirs contemporains semblent particulièrement critiques à l’égard de ce qu’ils appellent le « réductionnisme racial ». Qu’est-ce que le réductionnisme racial ?

    Jeff Goodwin – Le terme est surtout connu grâce au livre de Touré Reed paru en 2020, Toward Freedom : The Case Against Race Reductionism, bien que d’autres l’aient également utilisée. Elle est basée sur la tendance libérale à séparer la classe du racisme, à considérer le racisme comme déconnecté de l’exploitation du travail en particulier. Cela contraste fortement avec un principe majeur du marxisme noir, qui considère que l’exploitation du travail et l’exclusion systémique des emplois mieux rémunérés sont au cœur de l’oppression raciale.

    Les libéraux séparent souvent le racisme de la classe et utilisent ensuite le racisme dans un sens général et abstrait – en tant que préjugé irrationnel – pour expliquer l’oppression raciale. C’est encore une fois un argument idéaliste : le racisme en tant qu’idée est à l’origine de l’oppression des Noirs. Si le réductionnisme de classe – que, comme nous l’avons vu, les marxistes noirs rejettent catégoriquement – nous conseille d’oublier la domination raciale, les réductionnistes de race nous conseillent d’oublier les divisions de classe et l’exploitation de classe. Il est donc évident que les marxistes noirs et les radicaux noirs s’opposent à cette évolution théorique.

    En d’autres termes, le concept de race devient réductionniste et idéologique lorsqu’il occulte les divisions de classe et l’exploitation au sein d’un groupe racial, ainsi que les intérêts de classe communs qui transcendent les groupes raciaux et constituent une base potentielle pour la solidarité de classe. De même, l’utilisation du racisme ou des idées racistes comme explication devient réductrice si le racisme est déconnecté des intérêts de classe.

    Oliver Cromwell Cox (1901-1974), un important sociologue marxiste noir, disait que si les croyances seules suffisaient à opprimer une race, les croyances des Noirs à l’égard des Blancs devraient être aussi puissantes que les croyances des Blancs à l’égard des Noirs. Mais cela n’est vrai que si l’on oublie la classe et le pouvoir de l’État. Dans le même ordre d’idées, Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998) résumait cette idée ainsi : « si un Blanc veut me lyncher, c’est son problème. Mais si l’homme blanc a le pouvoir de me lyncher, alors et seulement alors, c’est mon problème ».

    Cox et Carmichael ne font que constater l’évidence : les idées déconnectées du pouvoir sont impuissantes. Tout cela ne veut pas dire que la race et le racisme n’ont jamais d’importance. Ce n’est évidemment pas le cas. Le racisme peut être très important et persistant précisément lorsqu’il est lié aux intérêts matériels de classes et d’États puissants. Il s’agit là d’un principe central du marxisme noir.

    Jonah Birch – Je souhaite vous interroger, pour finir, sur le concept de « capitalisme racial ». C’est une autre expression que l’on entend beaucoup ces jours-ci à gauche. S’agit-il d’un concept développé par les marxistes noirs ? Et qu’est-ce que cela signifie exactement ?

    Jeff Goodwin – Les marxistes ont effectivement développé ce terme, mais permettez-moi de commencer par dire que beaucoup d’encre a été gaspillée pour tenter de définir cette expression. Aucun des grands marxistes noirs dont nous avons tant appris n’a jamais utilisé cette expression – ni Du Bois, ni James, ni Cox, ni Fanon, ni Rodney, ni Hall, ni Nkrumah, ni Cabral. Il est donc manifestement possible de parler, et de parler avec perspicacité, de race, de classe, de capitalisme et d’oppression sans utiliser ce terme. Le simple fait d’associer les mots « racial » et « capitalisme » ne garantit pas, comme par magie, que vous comprenez la relation entre le capitalisme et le racisme. Bien sûr, je ne suis pas le premier à le souligner.

    Le terme a été forgé par des marxistes sud-africains pendant l’apartheid. Marcel Paret et Zach Levenson ont montré qu’un professeur de Berkeley, Bob Blauner (1929-2016), l’avait utilisé dès 1972, mais c’est avec des figures comme Neville Alexander (1936-2012), Martin Legassick (1940-2016) et Bernard Magubane (1930-2013) que le concept s’est véritablement diffusé dans les années 1970-1980. Leur point de vue était que le capitalisme étant le fondement de l’oppression raciale en Afrique du Sud, la lutte contre l’apartheid devait être anticapitaliste tout en étant une lutte pour les droits démocratiques.

    Cette approche s’opposait à celui du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela (1918-2013) et du Parti Communiste sud-africain. Ceux-ci soutenaient que la lutte pour le socialisme devait être reportée jusqu’à ce qu’une révolution démocratique – une « révolution démocratique nationale », comme ils l’appelaient – ait renversé l’apartheid. Mais cela implique, de manière peu plausible, que l’apartheid n’avait que peu ou pas de rapport avec le capitalisme et l’exploitation des travailleurs noirs. En réalité, l’ANC a fini par abandonner toute perspective socialiste, laissant perdurer les inégalités économiques après la fin du régime ségrégationniste. Quoi qu’il en soit, pour les marxistes noirs, l’expression « capitalisme racial » fait référence au fait que le capitalisme a été le fondement de divers types d’oppression raciale dans les sociétés du monde entier.

    Pourtant, de nombreuses personnes croient à tort que le « capitalisme racial » est une idée de Cedric Robinson. S’ils se donnaient la peine de lire son livre, ils verraient qu’il n’utilise pratiquement pas ce terme. Et Robinson – qui, encore une fois, était hostile au marxisme – utilisait le terme très différemment des marxistes noirs. En fait, il comprend le terme d’une manière réductionniste sur le plan racial. Pour Robinson, le capitalisme n’est qu’une autre manifestation de la culture occidentale séculaire, et il est donc intrinsèquement raciste. Pour lui, le capitalisme ne génère pas de systèmes d’oppression raciale, comme l’affirment les marxistes noirs.

    Au contraire, le caractère raciste de la culture occidentale, qui remonte à plusieurs siècles, garantit en quelque sorte que tout ordre économique qui lui est associé – féodalisme, capitalisme, socialisme – sera également raciste.

    Il s’agit là encore d’un argument idéaliste. Les idées, en l’occurrence celles de la culture occidentale, reproduisent constamment l’oppression raciale à partir d’un pouvoir qui leur est propre, d’abord en Europe, puis dans le monde entier. Mais comment ces idées sont-elles si puissantes ? Cela pourrait-il être lié aux intérêts matériels des classes et des États puissants, comme l’affirment les marxistes noirs ? Robinson fait parfois des gestes dans ce sens, mais la plupart du temps, il ne le dit pas. Pour lui, les idées elles-mêmes sont toutes puissantes. Ce n’est tout simplement pas une explication sérieuse du racisme.

    Je dois souligner que de nombreux libéraux semblent apprécier l’expression « capitalisme racial ». Plus que quiconque, ils ont largement contribué à sa diffusion ces dernières années, notamment dans les universités. Les libéraux utilisent cette expression pour désigner une économie dans laquelle les employeurs pratiquent la discrimination à l’encontre des Noirs et des autres minorités. Leur monde idéal est celui d’un capitalisme non racial – l’exploitation du travail sans discrimination. Cet idéal est très éloigné de la vision marxiste noire du socialisme.

    Mais au-delà des termes employés, l’enjeu central reste notre compréhension du capitalisme, de la domination raciale et des liens entre les deux. Que l’on utilise ou non l’expression « capitalisme racial » importe peu. La tradition marxiste noire montre qu’il est possible d’analyser ces dynamiques sans recourir à ce concept. Cette expression n’apporte aucune clarté supplémentaire et, selon son usage, elle peut même induire en erreur, en particulier lorsqu’elle est vidée de sa dimension anticapitaliste.

    Il est donc essentiel de comprendre précisément en quoi le capitalisme a été, et demeure, le principal moteur de la #domination_raciale. Autrement dit, on ne peut éradiquer le racisme sans s’attaquer à la structure même du capitalisme, en le démantelant ou, à tout le moins, en le régulant fortement. Tel est le message central de la tradition marxiste noire.

    https://www.contretemps.eu/capitalisme-racisme-marxisme-noire-jeff-goodwin
    #racisme #Black_Marxism #travail #exploitation

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  • Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • Pourquoi nos ados ne répondent plus au téléphone ?
    https://seenthis.net/messages/1114376
    à propos de
    https://www.msn.com/fr-fr/familles-et-relations/%C3%A9ducation-des-enfants/pourquoi-nos-ados-ne-r%C3%A9pondent-plus-au-t%C3%A9l%C3%A9phone/ar-AA1Ex1Mb

    Article et échange intéresant sur la communication entre les générations et la dimension technologique de la qiestion.
    Il serait fort intéressant de creuser davantage pour déterrer la part des éléments technologiques et idéoligiques cachés qui faconnent nos échanges.

    #communication #kafka #technologie #capitalisme #néolibéralisme

  • Adapter notre appareil de #formation aux besoins de l’#économie, un long thread de #Julien_Gossa...

    Adapter notre appareil de formation aux besoins de l’économie.

    Communication du #Conseil_des_ministres du 28/04/2025

    Je vous offre une lecture premier degré de cette passionnante communication.
    https://www.info.gouv.fr/conseil-des-ministres/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-28-04-2025#682ba2c6-cdd6-4dce-925

    L’éducation ne sert qu’à l’#insertion_professionnelle.

    Nous avons déjà tout réformé en profondeur dans ce sens, avec de formidables succès.

    Malgré le formidable succès de nos #réformes, nous constatons leur #échec.

    (Je vous jure j’invente rien, je caricature même pas)

    Cet échec est un « paradoxe » car il y a des #emplois non pourvus.

    C’est donc la faute de l’éducation, qu’il faut continuer à réformer.

    (Pause)

    Ça commence par « Nous devons former davantage de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques, et mieux attirer les jeunes filles vers ces métiers. »

    Et ça enchaine par « entreprises du bâtiment et / entreprises industrielles / sans compter les restaurateurs »

    (fin de la pause)

    1. C’est la faute de l’éducation, mais surtout du #secteur_public.

    Les services de l’État sont dysfonctionnels, notamment pour #Qualiopi (donc pour le #secteur_privé - me demandez pas la logique entre les deux affirmations, je ne fais que traduire).

    2. #Apprentissage

    L’apprentissage a donné le contrôle de l’éducation aux #entreprises.

    Mais ce contrôle a été utilisé « en raison de considérations économiques de certains acteurs de la #formation » (i.e. pomper l’#argent_public de l’apprentissage).

    (C’est la description d’un #échec_total)

    Puis que notre dispositif d’apprentissage a échoué, il faut le développer le plus largement possible.

    (vous vous dites que je déconne, mais lisez le texte en entier)

    (pause)

    Nous constatons que les automobilistes qui se lèvent le plus tôt trouvent une place de parking 20% plus près et 48% vite.
    Pour résoudre le problème des places de parking, il faut donc que tous les automobilistes se lèvent plus tôt.

    Ça vous parait complètement con ?

    (fin de la pause)

    3. Déployer la réforme du #lycée_professionnel

    Les #lycées_pro accueille les élèves fragiles, et les élèves fragiles peinent à trouver des emplois, donc il faut réformer le #lycée_pro.

    (pause)

    Début : « Nous devons former davantage de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques »

    Maintenant : « Les #métiers les plus recherchés par les employeurs aujourd’hui nécessitent pourtant quasi tous un diplôme de l’#enseignement_professionnel. »

    (fin de la pause)

    Puisque les jeunes bacheliers pro ne trouvent pas d’emploi dès la sortie de leurs études, il faut développer la formation des adultes.

    (Me demandez pas, je suis aussi perdu que vous)

    Donc M. Macron va (encore) tout réformer le Lycée Pro.

    Cette #réforme consiste à fermer les formations qui ont de mauvais #taux_d'insertion.
    (Ne demandez pas ce qu’on fait des jeunes qui y étaient : c’est la question qui fâche)

    Et puisque les jeunes sont au #chômage, le mieux est de les rapprocher tout de suite de #Pôle_Emploi.
    (Je vous jure, c’est écrit)

    4. Territorialiser l’offre de formation dans l’enseignement supérieur

    La #LCAP, qui a permis la #dérégulation des #formations_privées, est un grand succès.

    Malheureusement, la dérégulation des formations privées pénalise les jeunes et les adultes.

    Comme la dérégulation des formations privées pénalise les jeunes et les adultes, nous devons « garantir l’adéquation permanente entre formation et #besoins_économiques [de] l’offre de formation des #universités. »
    ¯\(ツ)

    Pour ça, on va utiliser les #COMP 100%

    On va donc
    1. accréditer globalement les #offres_de_formation
    2. calibrer les #capacités_d'accueil seulement sur les « besoins en compétence identifiés locale » grâce à #Insersup.

    (pause)
    Rappel : « Les métiers les plus recherchés par les employeurs aujourd’hui nécessitent pourtant quasi tous un diplôme de l’enseignement professionnel. »

    Conséquence : on va fermer les filières universitaires sur le seul critère de l’#employabilité, par décision algorithmique.
    (fin de pause)

    L’État décide de la « stratégie ».
    Les rectorats discutent avec le #MEDEF pour savoir quoi garder ouvert.
    On consulte tout le monde sauf les universités et les universitaires.
    Les universités appliquent.
    Insersup calcule la #performance.
    Le #budget est automatiquement ajusté en fonction du résultat.

    (pause)
    C’est très exactement ce que je décrivais dans ce billet (https://blog.educpros.fr/julien-gossa/2025/04/22/comp100-les-universites-libres-dobeir). Et ce n’est pas amusant du tout. Voir ainsi confirmer en Conseil des ministres le pire de ce qu’on pouvait prévoir est terrifiant.
    (fin de la pause)

    5. Adapter les dispositifs à destination des adultes pour une meilleure adéquation aux besoins du #marché_du_travail

    "Pour répondre aux transformations rapides du marché du travail (serveurs et de BTP) et lutter contre les situations de sous-activité (il n’y a pas d’emplois)"

    Des vieux trucs.

    Car lorsque la formation n’est pas une réponse suffisante à l’absence d’emploi, il faut bien se rendre à l’évidence : c’est forcément la faute des chômeurs.

    Il faut donc "simplifier". Et réformer la formation.
    (le raisonnement circulaire est fascinant. C’est complètement buggué.)

    Lorsqu’il n’y a pas assez d’emplois, il faut augmenter l’ "#immersion_professionnelle" (ça sonne comme du waterboarding) et un truc (« former-recruter », j’imagine que ça sonne bien quand on n’a rien à dire).

    Car cela a "démontré son efficacité" (crois moi frrr).

    Enfin, les plan d’investissement dans les compétences doit être orienté sur les compétences dont on a besoin.
    (Je vous jure j’invente rien, c’est dingo)

    Donc, réforme au pas de charge, sans prendre le temps de la réflexion et de la concertation. Parce que c’est comme ça.

    (Fin du truc)

    Je crois que c’est la première fois que je lis une communication du Conseil des ministre.

    C’est peut-être toujours comme ça : un constat que ce qu’on n’a fait n’a pas marché, et donc la décision de continuer si possible en accélérant, en mettant de côté toute forme de réflexion ou de logique.

    Ou alors c’est qu’on est arrivés à un point intéressant de l’histoire, où on est allé au bout de la logique "s’il y a des chômeurs, c’est forcément la faute de l’éducation, ou alors des chômeurs".

    Ça expliquerait pourquoi les décisions prises n’ont plus de fondement logique.

    De fait, on a tout donné sur la formation pro en #alternance, et ça n’a pas marché. Si alors on refuse l’argument le plus évident (il n’y a tout simplement pas assez d’emplois pour toute notre population avec l’organisation actuelle du travail), il ne reste que des trucs pétés.

    Parce que "les formations privés font de la merde, donc il faut utiliser insersup et les COMP pour fermer des formations universitaires aux choix des employeurs du bassin", c’est complètement pété.

    On fait quoi des étudiants ?

    On constatera au passage l’invisibilisation complète des #BTS, #prépas, écoles et #IUT, pourtant principaux concernés pour « former davantage de #techniciens, d’#ingénieurs, de #scientifiques ».

    Ne pas en parler, c’est complètement pété.

    PS : Insersup dit qu’il faut fermer les IUT.
    ¯\(ツ)

    Parce que "Les #métiers_en_tensions ne demandent pas de #qualification particulière, donc il faut profondément modifier notre système de #qualification", c’est aussi complètement pété.

    Donc soit on est face à des gens qui simplement préparent une baisse drastique de l’ampleur de notre système éducatif, en particulier universitaire, en prévision de la baisse démographique (dans 5 ans, on amorce une chute durable).

    Mais alors pourquoi ne pas le dire ?

    https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381380

    Soit on est face à des idéologues, qui se privent de la solution évidente (si l’emploi doit être indispensable pour vivre, alors il faut augmenter le nombre et la qualité des emplois), et aboutissent donc à des solutions déraisonnables, sans fondement, avec des logiques tordues.

    Juste des mots.

    Et on termine avec cette curiosité : on a du « certains acteurs de la formation » et des « certaines formations », mais le Conseil des ministres ne dit jamais les termes :

    💫le secteur d’#enseignement_supérieur privé lucratif💫

    Qui pompe du fric public et ne sert à rien. A cause des réformes.

    Et je termine vraiment avec ma #hottakeesr préférée :

    Au XXIe siècle, il ne faut plus adapter le système éducatif aux besoins économiques, mais il faut adapter l’économie aux besoins des jeunes, donc des étudiants.

    https://social.sciences.re/@juliengossa/114432228297974603

  • Pourquoi nos ados ne répondent plus au téléphone ?
    https://www.msn.com/fr-fr/familles-et-relations/%C3%A9ducation-des-enfants/pourquoi-nos-ados-ne-r%C3%A9pondent-plus-au-t%C3%A9l%C3%A9phone/ar-AA1Ex1Mb
    https://img-s-msn-com.akamaized.net/tenant/amp/entityid/AA1Ex1M9.img?w=652&h=438&m=4&q=79

    Enzo, 15 ans, regarde son portable qui vibre : « Ma daronne ? Sûrement, je suis en retard… J’envoie un texto (« J’arrive »), c’est moins prise de tête ! » De son côté, Stéphanie, 55 ans, mère de Théa, 14 ans, ne comprend pas : « Impossible de la joindre. Et si je laisse un message sur son répondeur, elle ne l’écoutera pas. Alors, j’écris un SMS. Ou, plus efficace, je passe par Instagram. C’est même ce qui m’a motivée pour créer un compte. »

    Bon réflexe ! Car aujourd’hui, pour communiquer, les 12-18 ans privilégient les messageries privées des réseaux sociaux ou les notes vocales sur WhatsApp. A travers une étude sur les pratiques de l’écriture des 14-18 ans*, Anne Cordier, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication** , le confirme : « Les jeunes ont une sainte horreur de l’appel téléphonique. » On avait remarqué !

    A découvrir également : 20% des Français ne répondent pas aux appels téléphoniques… volontairement

    L’amour du son

    Certes, la hausse du démarchage commercial, des arnaques et l’inflation des numéros masqués les rebutent (comme les plus âgés) : 62,5% des Français de 15 ans et plus filtrent les appels*** . La quasi-totalité en ce qui concerne la génération Alpha (née après 2010), qui ignore notamment les coups de téléphone parentaux. Anne Cordier rassure : « Ce n’est pas la personne qui est visée, mais le mode de communication qui a évolué. Ils ne répondent pas plus à leur meilleur ami qu’à un parent. » Parent qui, par ailleurs, fait parfois mal la différence entre un message audio laissé sur le répondeur et ce qu’Emma, 17 ans, appelle un « son ». « J’adore ça, s’enthousiasme-t-elle. On peut parler en marchant, tout en communiquant de l’émotion. »

    Comme Emma, près d’une personne sur cinq de la génération Z envoie ou reçoit plus de dix notes vocales par jour, indique un sondage publié en février 2025 mené sur la plateforme d’apprentissage de langues en ligne Preply. « Laisser un message sur un répondeur, c’est risquer que la personne rappelle !, fait remarquer Anne Cordier. Alors qu’avec la note vocale, on « calcule », on incarne sa parole. Les bruits de fond donnent du réel au propos, ainsi que du partage d’intime (« Déso, j’espère que tu m’entends, j’suis dans la rue, attends, je sors du métro… »). Le vocal participe d’une dynamique conversationnelle ludique et spontanée, même avec un décalage temporel. » Et quand c’est trop long, on peut écouter le message en accéléré. Comme on zappe les scènes qui nous ennuient dans une série !

    Le stress du direct

    Pour Marie Danet, maîtresse de conférences en psychologie du développement à l’université de Lille**** , ces nouvelles pratiques découleraient d’un rapport différent au temps. La jeune génération, habituée aux services à la carte avec les plateformes de streaming, « dispose d’alternatives favorisant la désynchronisation des échanges et l’activité multitâche », dixit la psychologue. Tous les canaux de communication existants sont également plus attractifs parce que plus créatifs (possibilité d’envoyer des photos, des vidéos, des liens), quand, avant, c’était le téléphone ou rien. Cela entraînait un effet d’apprentissage et de familiarisation que n’ont plus les adolescents.

    « La galère quand je dois répondre à des parents qui me proposent du baby-sitting ou prendre rendez-vous avec un médecin qui n’est pas sur Doctolib !, s’exclame Inès, 14 ans. J’ai peur de ne pas savoir quoi dire et d’être prise pour une teubé ! » Idem pour Louise, 13 ans, pour qui parler au téléphone vire au calvaire : « Je perds mes moyens, surtout quand l’autre me coupe ou s’impatiente », confie-t-elle. Vu ainsi, il y a moins de pression avec les notes vocales. « On peut effacer et recommencer », confirme Louise. Anne Cordier l’a observé : « Le coup de fil est presque toujours associé à une prise de risque pour les adolescents. Parler en direct revient à se mettre à nu. Choisir le différé, c’est prendre le temps de réfléchir à ce que l’on va dire, se réécouter, peaufiner l’idée ou l’image que l’on veut renvoyer. Une façon de garder le contrôle dans un monde menaçant et incertain. »

    Des modalités à inventer

    Car, à la vérité, il n’y a pas de réel refus d’échanger. « Parents et enfants n’ont jamais autant communiqué, estime Anne Cordier. Mais, en se raréfiant, le coup de fil est devenu un « événement » à forte pression émotionnelle. Il annonce une nouvelle potentiellement importante. » Léonard, 16 ans, ajoute : « Ça tombe toujours mal. Soit je suis avec mes potes, soit en train d’écouter de la musique ou de scroller, je n’ai pas envie d’être dérangé. » Emile, 18 ans, pense que s’il répond, « ça va durer des plombes ».

    « Et l’appel spontané, ils en font quoi ? s’agace Nathalie, 58 ans. Il faut prendre rendez-vous pour se parler, un comble ! » Anne Cordier et Marie Danet sont formelles : mieux vaut passer un contrat avec l’ado pour préciser les règles conversationnelles. Par exemple, pour une information factuelle, on privilégiera les textos ; pour un message plus sensible, la note vocale. Avec son fils, Laurence a banni des SMS les points d’exclamation ou de suspension, trop sujets à interprétation, et réclame au minimum un émoji en accusé de réception. Des modalités à inventer qui, parfois, peuvent inverser les situations, comme le raconte Stéphanie : « L’autre jour, j’ai juste écrit « ok. » à ma fille, et elle a cru que j’étais fâchée ! »

    «  T’es où  ?  »

    Autre constat qui n’incite pas les ados à répondre au téléphone : ils sont supposés être joignables tout le temps. « A force de fluidifier la communication, les outils numériques l’ont rendue envahissante », souligne Anne Cordier. Avec des parents facilement inquiets ou très contrôlants, l’ado est prié de rendre des comptes toute la journée. « Ma mère ne se rend pas compte à quel point elle est relou avec tous ses appels, s’énerve Arthur, 17 ans. A la sortie des cours, devant les potes, comme si j’étais un gamin ! » C’est alors qu’une non-réponse en dit long : indifférence, agacement ou juste le besoin de se préserver… « Les outils numériques peuvent même ralentir le processus d’autonomisation d’un jeune qui a besoin de se tester et de trouver ses propres solutions en notre absence », met en garde Marie Danet.

    Avec le recul, Anne, 64 ans, en convient : « J’appelais Lily pour savoir où elle était, ce qu’elle faisait, avec qui. Résultat, ce que je craignais le plus est arrivé : elle s’est mise à faire le mur la nuit, pour vivre sa vie ! » D’où l’importance de respecter une distance de sécurité : ni trop loin, ni trop près. « Et cela marche dans les deux sens », remarque Marie Danet. Qu’ils ne nous utilisent pas comme un couteau suisse en nous sommant de répondre dès que, eux, en ont besoin !

    Donnez-leur un coup de pouce pour leur coup de fil

    « La peur de prendre la parole en public, soit l’importance accordée au regard des autres, est le propre de l’adolescence, souligne Marie Danet. Et cela s’accentue. Si 90% de mes étudiants de première année participent à des quiz sur leur téléphone, seuls un ou deux lèvent la main quand je pose une question en cours. » Cette anxiété sociale pousserait des parents à passer certains appels importants à leur place, renforçant les stratégies d’évitement. « Il est plus éducatif de les aider à préparer leur coup de fil, poursuit-elle. Car, dans leur vie professionnelle, ils auront peut-être encore à téléphoner… »

    Mongenot C., Cordier A., Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ?, Injep, novembre 2023

    **Auteure de Grandir informés. Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes (C&F).

    **« 94% des 15-29 ans ont un smartphone en 2021 », Insee Focus, no 259, 24 janvier 2022

    ****Auteure d’Ecrans et familles (UGA).

    #Anne_Cordier #Téléphone #Adolescents

    • Le fait d’hésiter à se téléphoner, ça a plusieurs conséquences négatives qu’on constate ici à la maison :

      – récupérer un devoir ou un cours qu’on n’a pas, c’est devenu quasiment impossible, parce qu’on n’ose pas téléphoner à un·e copain·e pour demander à se faire expédier fissa le truc ;

      – organiser une sortie du week-end, ça passe assez systématiquement par un débat interminable sur un groupe Whatsapp, et forcément c’est quasiment impossible d’organiser quoi que ce soit avec un groupe Whatsapp (discussions noyées dans les private jokes, multiplication des messages vocaux qui ne permettent jamais de synthétiser, timidité à proposer un horaire, mais facilité à dire que tel horaire ça va pas être possible…)

      – et de manière plus personnelle, quand l’ado a un coup de déprime, ne pas oser téléphoner à un·e copain·e pour discuter en direct, ça n’aide pas.

    • J’avais pas repéré :

      La quasi-totalité en ce qui concerne la génération Alpha (née après 2010), qui ignore notamment les coups de téléphone parentaux.

      Des mouflets qu’ont pas encore 14 ans et c’en est déjà à snober ses darons au téléphone ? (Les gens s’inventent des problèmes, là, parce que c’est pas super-compliqué, en général, de poser des limites à un·e pisseu·se de 12-13 ans.)

    • Vous me rassurez. J’expliquerai le phénomène à l’arrière grand mère de 90 ans qui s’inquiète toujours lors ce qu’elle n’arrive pas à joinde les petits.


      Cadran Téléphonique Modèle Administratif 1927

      Pour quelqu’un qui a grandi à l’époque des téléphone à cadran c’est toujours une obligation morale de répondre aux appels parce qu’autrement on ne pouvait ni savoir qui avait appellé ni pourquoi.

      Quand quelqu’un ne répondait pas c’était parce qu’il ne se trouvait pas à proximité du combiné ou parce qu’il était en train de parler avec une personne sur place. Préférer la communication avec la personne présente était une obligation morale car faire attendre quelqu’un à cause d’un appel téléphonique était l’expression (et l’est toujours) de la supériorité hierarchique de celui qui ignorait l’autre au profit de l’appareil.

      L’introduction à grande échelle du répondeur automatique dans les années 1980 ouvrait la possibilité d’ignorer les appels afin de choisir les personnes qu’on rappellait et de sélectionner les victimes de la prétendue panne du répondeur. Il y avait un prix à payer pour l’excuse facile car on se montrait comme personne qui violait l’obligation de respecter le correspondamt téléphonique potentiel.

      Avec la généralisation des téléphones portables à partir de 1995 ce devoir s’est transformé en obligation culturelle générale car être joignable partout et à toute heure de la journée était considéré comme caractéristique des hommes d’affaires à succès.

      A partir de ce moment les numéros des appels manqués étaient visibles et le refus de prendre les appels exprimait de plus en plus souvent le refus de se plier aux contraintes du job voire à l’autorité parentale .

      Depuis les voies de communication se sont multipliées à cause des frénétiques efforts des entreprises « startup » de réinventer la roue de la communication et de se démarquer des concurrents. Cette course à vitesse folle a produit un nombre illimité de manières de ne plus s’entendre. J’ai l’impression qu’il y a un équilibre précaire entre innovation acharnée et besoin de repos qui forment un couple d’antagonistes irréconciliables.

      Le dernier cri sont forcément, je le suppose, les bots IA personnalisés qui remplacent le répondeur automatique en se faisant passer pour la personne qu’on appelle. Plus jamais tu ne seras laissé sur ta faim de communication car il n’y aura plus d’appel manqué. Le bot ne dort jamais. Il aura toujours un message positif pour calmer les parents inquiets.

      Je m’en accomode et me demande quel effet cet « overkill » en armes de la communication a pour les jeunes qui sont nés dans l’écosystème actuel marqué par le chaos technologique et moral..

      #communication #kafka #technologie #capitalisme #néolibéralisme

    • Je connais un paquet de monde, pas forcément jeune, qui déteste le téléphone (enfin au moins les appels vocaux, quoique certain⋅e⋅s ont bien du mal avec les textos aussi :)). Et effectivement comme le dit @arno les textos/whatsapp/signal/etc. ont largement leurs limites, dès que la conversation demande un peu plus de complexité que de savoir « où t’es » ou ce genre de trucs. Idem au taf, y a des spécialistes des messages sur chat qui n’en finissent pas, pour expliquer des trucs compliqués (je finis par appeler assez rapidement...).
      Mais alors ce qui me tue, c’est effectivement de voir les plus jeunes (mais pas que, ça contamine des gens plus vieux) communiquer à coup de « vocaux », quel enfer ! La « conversation » prend des plombes pour rien. On se retrouve avec les défauts des 2 modes de communication (impossible de rechercher dans les vocaux ce qui a été dit, contrairement à l’écrit, et c’est ultra compliqué de parler de choses complexes).

    • s’il y a un truc qui me dépasse totalement dans l’usage des RS, c’est bien l’usage des « vocaux » !
      (full disclosure : ma fille commence à m’envoyer des vocaux…-

      et merci @klaus, pour le rappel du mode d’emploi du téléphone incorporé dans le cadran !
      Annoncez : ici, le ABC 12 34 , j’écoute.
      (version parisienne)
      ou
      Annoncez : ici, le 22 à Asnières , j’écoute.
      (partout ailleurs)

    • – Il y a la génération de mes parents, le téléphone était facturé à la minute, alors ma mère est toujours aussi pressée de raccrocher.

      – Ensuite il y a ma génération, baisse des prix. Je passais un temps fou le soir debout dans l’entrée, ou assis aussi loin que le câble torsadé de l’appareil le permettait, pour se dicter les niveaux d’Ultima III. (Dans l’entrée de mes parents, il y avait un minuteur pour la lumière, alors en téléphonant je devais régulièrement rallumer la lumière. Et au bout d’un moment, un peu moins trouille-cul, j’ai pris l’habitude de rester assis dans le noir.)

      – Et puis il y a mes enfants, forfait illimité, le téléphone c’est considéré comme gratuit, on peut même téléphoner allongé dans son lit, qui ont peur de déranger et font tout, comme leur grand-mère, pour raccrocher le plus vite possible.

    • Mes enfants, plutôt génération Y (donc plus vraiment des ados, quoique...), sont injoignables sur leurs téléphones. Je leur envoie (tous les dix jours environ) des SMS pour savoir s’iels vont bien. Parfois, iels me répondent et souvent je leur demande dans le SMS si on pourrait éventuellement discuter au téléphone. Iels ont l’air d’être surbooké·e·s H24 7/7 ...

      Avant, je lançais des bouteilles à la mer grâce à Facebook Messenger mais alors là, que nib.

      On a tâté de la visio (toujours avec Messenger) pendant la panique Covid mais on a vite laissé tomber. Ça permettait de voir les petits enfants grandir mais souvent ces derniers en profitaient pour faire les clowns et la conversation se diluait dans un brouhaha pénible. Et puis la qualité du réseau perturbait aussi la liaison.

      A propos des « vocaux » (media que je viens de découvrir) ...
      https://www.blogdumoderateur.com/panorama-reseaux-sociaux-vocaux-applications-chat-audio

      Finalement, je me dis que le silence est d’or. Et de toute façon, quand il y a une tuile, iels retrouvent comme par magie mon numéro de tél.

    • Je le répète : vous me rassurez, je ne vis donc pas une exception . Mais c’est un mensonge ce que je dis. Au contraire vous m’inquiétez davantage car je constate des problèmes énormes quand on essaie de rassembler des gens ne serait-ce que pour défendre nos intérêts communs.

      La manière asynchrone de vivre et pratiquer la communication moderne ne facilte pas les choses, alors pas du tout.


      Je finirais peut-être comme l’autre avec sa pancarte devant la chancellerie à Berlin qui essaye de se faire entendre par Merkel/Lindner/Scholz/Merz/etc. - mois ça sera pour m’adresser aux enfants par caméras de télé intersposées ;-)