• Lecture d’un extrait du livre « Le cours secret du monde », d’Hugues Jallon, paru aux Éditions Verticales en 2025

    https://liminaire.fr/creation/radio-marelle/article/le-cours-secret-du-monde-d-hugues-jallon

    Dans "Le cours secret du monde", Hugues Jallon dresse un panorama déroutant de figures marginales ou influentes, ésotéristes, gourous, ingénieurs illuminés, agents doubles, spécialistes du développement personnel, pour explorer les zones troubles où l’occultisme, l’économie et le pouvoir s’entrelacent. À travers un montage d’anecdotes, d’extraits et de réflexions, il interroge le capitalisme comme système ésotérique, construit sur des promesses opaques et des récits à décrypter. Derrière les histoires singulières de ces « chercheurs de vérité » se dessine une logique du secret devenu norme. Le livre, constitué d’une juxtaposition d’éléments différents, nourri de colère et d’humour noir, évolue comme un labyrinthe mental où la lucidité politique flirte avec la paranoïa. Hugues Jallon y esquisse une critique du monde contemporain et un appel à rompre avec ses injonctions absurdes.

    (...) #Radio_Marelle, #Écriture, #Livre, #Lecture, #En_lisant_en_écrivant, #Podcast, #Littérature, #Mémoire, #Histoire, #Politique, #Capitalisme, #Occultisme, (...)

    https://liminaire.fr/IMG/mp4/en_lisant_le_cours_secret_du_monde_hugues_jallon.mp4

    http://www.editions-verticales.com/fiche_ouvrage.php?id=500

  • Faire sa fête au Capital
    https://laviedesidees.fr/Sacha-Todorov-De-la-City-a-la-ZAD

    À la croisée de la #fête et de la contestation, le carnaval militant s’est imposé comme une forme mêlant tradition festive et intentions subversives. Outil de #mobilisation et de transgression, le carnaval brouille la frontière entre #révolte et mise en scène.

    #capitalisme #Histoire #militantisme #manifestations
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250522_carnaval.pdf

  • Mourir en direct : Narcoculture, féminicide et spectacle de la mort à l’ère des influenceurs
    https://lundi.am/Mourir-en-direct-Narcoculture-feminicide-et-spectacle-de-la-mort-a-l-ere-des

    Le meurtre de l’influenceuse mexicaine Valeria Márquez en plein jour lors d’une émission en direct à Zapopan n’est pas un événement isolé. Il est le symptôme visible d’un ordre contemporain où convergent le crime, la célébrité, la féminité et le spectacle. Au Mexique, pays marqué par la violence structurelle et la narcoculture, la spectacularisation de la mort ne se produit plus seulement dans les médias traditionnels, mais aussi sur l’écran du téléphone portable. Des influenceurs assassinés, des vidéos virales d’exécutions, des célébrités numériques qui disparaissent ou sont exécutées en direct : tout cela témoigne d’un régime de visibilité où la mort a été pleinement intégrée au divertissement et à la punition. Cet article propose une lecture critique du phénomène basée sur une articulation entre féminicide, spectacle, nécropolitique et économie numérique. Traduction d’Alèssi Dell’ Umbria.

    #féminicides #narcoculture #capitalisme_gore #capitalisme_numérique

  • La nouveauté, cette vieille rengaine
    https://laviedesidees.fr/Jeanne-Guien-Le-Desir-de-nouveautes

    L’amour de la nouveauté n’est pas né dans la société moderne de consommation. Depuis longtemps, il est un moteur du #capitalisme, constituant un imaginaire commercial puissant. Ses impacts environnementaux sont, aujourd’hui, désastreux.

    #Philosophie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250521_guien.pdf

  • À l’ombre d’Istanbul : les transformations territoriales de la « province » turque
    https://metropolitiques.eu/A-l-ombre-d-Istanbul-les-transformations-territoriales-de-la-provinc

    Vue de France, la #Turquie est souvent réduite à la mégapole d’Istanbul. En s’intéressant à la « province » turque, le dossier met en lumière la diversité des processus de #métropolisation dans ce pays, entre centralisation étatique, initiatives locales et inscription dans des réseaux transnationaux. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ « Il existe une autre Turquie au-delà d’Istanbul et d’Ankara, une Turquie qui n’est pas aussi sous-développée qu’on le suppose souvent. Elle reste assez fragmentée et, bien qu’il y #Dossiers

    / À la Une, #Empire_ottoman, Turquie, #capitalisme, #néolibéralisme, métropolisation, #territoire, #périphérie, (...)

    #mobilité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_intro_dossier_turquie.pdf

  • #Capitalisme et #racisme. L’apport fondamental du #marxisme_noir

    Les marxistes sont souvent accusés d’ignorer ou de minimiser le racisme, voire de le « réduire » à la classe sociale. Mais une telle critique occulte une riche tradition de théorisation marxiste de l’oppression raciale, connue sous le nom de « marxisme noir ».

    La tradition de la pensée marxiste noire – qui comprend W. E. B. Du Bois (1868-1963), C. L. R. James (1901-1989) et Frantz Fanon (1925-1961), entre autres – insiste à la fois sur l’importance historique du capitalisme dans l’oppression raciale et sur les conséquences destructrices de cette #oppression pour les travailleurs·ses noirs et l’ensemble de la classe travailleuse.

    Jonah Birch, collaborateur de Jacobin, s’est récemment entretenu avec #Jeff_Goodwin, professeur à l’Université de New York et spécialiste des révolutions et des mouvements sociaux, qui a écrit sur Du Bois et la tradition marxiste noire (voir notamment cet article), afin d’échanger sur l’apport durable des marxistes noirs à la pensée critique et révolutionnaire.

    Leur discussion a porté sur le rôle central du capitalisme dans l’#oppression_raciale, sur l’hétérogénéité de la pensée marxiste noire et sur la pérennité de cette tradition théorique aujourd’hui.

    Jonah Birch – Vous avez récemment fait l’éloge du marxisme noir dans Catalyst. Qu’entendez-vous exactement par « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Ce terme fait référence aux écrivains, organisateurs et révolutionnaires africains, afro-américains et afro-caribéens qui se sont appuyés sur la théorie marxiste pour comprendre – et mieux, détruire – à la fois l’oppression raciale et l’#exploitation_de_classe, y compris le #colonialisme. Il s’agit donc d’une tendance théorique et politique au sein du marxisme. Elle est analogue au féminisme marxiste, qui s’inspire lui aussi de la théorie marxiste pour analyser l’oppression des femmes.

    On entend parfois dire que le marxisme a un « problème de race », sous-entendant que les marxistes ne prennent pas la question raciale au sérieux. Mais honnêtement, je ne vois aucune autre tradition théorique ou politique — qu’il s’agisse du libéralisme, du nationalisme noir ou de la théorie critique de la race — qui offre plus d’éclairages sur l’oppression raciale que le marxisme. Et cela est largement dû à la tradition marxiste noire. Bien sûr, on trouve aussi une opposition à l’oppression raciale et au colonialisme dans les écrits de marxistes classiques comme Rosa Luxemburg et Vladimir Lénine, ainsi que chez Karl Marx lui-même. Pourtant, cette tradition marxiste noire reste méconnue, y compris au sein de la gauche.

    Jonah Birch – Quels sont, selon vous, les principes fondamentaux du marxisme noir ?

    Jeff Goodwin – Le marxisme noir n’est pas homogène, mais son idée centrale est que le capitalisme a été historiquement le principal pilier de l’oppression raciale à l’ère moderne. Par oppression raciale, j’entends la domination ou le contrôle politique, juridique et social des peuples africains et noirs.

    Que signifie dire que le capitalisme est le principal pilier ou fondement de l’oppression raciale ? Les marxistes noirs mettent en avant deux caractéristiques fondamentales du capitalisme :

    1/ La recherche incessante de main-d’œuvre et de ressources bon marché par les capitalistes

    2/ La concurrence entre les travailleurs pour l’obtention d’un emploi

    Ces deux dynamiques sont, selon eux, les causes profondes de l’oppression raciale.

    L’oppression raciale ne se confond pas avec l’exploitation de classe, mais elle la facilite : elle permet d’exploiter le travail des #Noirs et, par extension, de l’ensemble des travailleurs.

    Affirmer que le racisme, dans sa forme moderne, est un produit du capitalisme ne revient en aucun cas à minimiser ses conséquences horribles. Bien au contraire. Les marxistes noirs soulignent que les peuples noirs, à l’ère moderne, ont été confrontés à une domination politique et sociale ainsi qu’aux formes extrêmes d’exploitation économique que cette domination a rendues possibles. L’oppression politique des peuples noirs est une injustice en soi, mais elle permet également des formes d’exploitation du travail particulièrement brutales.

    Pour être plus précis, l’une des caractéristiques inhérentes au capitalisme est la recherche incessante, par les capitalistes, d’une main-d’œuvre et de ressources bon marché. Cette quête découle du fait que les capitalistes sont en concurrence les uns avec les autres et cherchent donc constamment à réduire leurs coûts de production. L’un des moyens de maintenir une main-d’œuvre bon marché et docile est de l’opprimer politiquement — c’est-à-dire de la dominer et de la contrôler afin de l’empêcher de s’organiser et de résister efficacement. Les capitalistes préféreraient oppresser l’ensemble des travailleurs, mais une alternative consiste à exercer une domination plus marquée sur une partie significative de la classe ouvrière — qu’il s’agisse des femmes, des immigrés ou des travailleurs noirs.

    Les marxistes noirs affirment que les Noirs ont été soumis à une oppression terrible de la part des capitalistes, de l’État et de la police, non pas comme une fin en soi ou par pure malveillance raciale. Là où existent des formes massives de domination et d’inégalité raciales, l’objectif est généralement de faciliter l’exploitation et le contrôle du travail noir – pensons à l’esclavage dans les plantations, au métayage ou encore aux emplois précaires et faiblement rémunérés aux États-Unis. Dans de nombreux cas, la domination raciale repose aussi sur la dépossession des terres et des ressources contrôlées par des groupes raciaux spécifiques. Le colonialisme, de toute évidence, s’inscrit dans cette logique : il implique une telle dépossession et est alimenté par la quête incessante des capitalistes de ressources et de main-d’œuvre bon marché.

    L’oppression raciale est également souvent soutenue et mise en œuvre par des travailleurs blancs. C’est là qu’intervient une autre caractéristique fondamentale du capitalisme : la concurrence entre les travailleurs pour l’emploi. Mais il est important de souligner que, pour les marxistes noirs, les systèmes d’oppression et d’inégalité raciales à grande échelle ont généralement été des projets portés par de puissantes classes dirigeantes — en lien avec les États qu’elles contrôlent ou influencent — et que ces classes ont un intérêt matériel à dévaloriser et exploiter le travail des peuples africains et noirs, ou à s’emparer de leurs ressources. L’oppression raciale est d’autant plus brutale et durable que ces classes dirigeantes et ces États y trouvent un intérêt économique direct.

    Bien sûr, les motivations derrière les actes individuels de racisme sont complexes et ne peuvent pas toujours être expliquées uniquement en ces termes. Mais le marxisme noir ne cherche pas à analyser les comportements individuels : son objectif est d’identifier les forces motrices des institutions de domination raciale à grande échelle. Et son postulat central est que l’exploitation du travail — l’exploitation de classe — constitue généralement cette force motrice. Il est donc essentiel de distinguer le racisme institutionnalisé du racisme interpersonnel.

    Jonah Birch – Je remarque que vous parlez des peuples noirs au pluriel. Je suppose que c’est pour souligner l’hétérogénéité des groupes culturels et ethniques d’Afrique qui ont été colonisés ou réduits en esclavage et amenés dans le Nouveau Monde.

    Jeff Goodwin – Oui, tout à fait, et cela vaut aussi pour l’ensemble des peuples colonisés. W. E. B. Du Bois écrit quelque part – dans Color and Democracy, je crois – que les peuples colonisés possèdent des histoires, des cultures et des caractéristiques physiques extrêmement variées. Ce qui les unit, ce n’est pas leur race ou leur couleur de peau, mais la pauvreté issue de l’exploitation capitaliste. Leur race, explique Du Bois, est la justification apparente de leur exploitation, mais la véritable raison est la recherche de profits à travers une main-d’œuvre bon marché, qu’elle soit noire ou blanche. Il insiste d’ailleurs sur le fait que l’oppression des travailleurs noirs a aussi eu pour effet d’abaisser le coût de la main-d’œuvre blanche.

    Jonah Birch – Comment l’idéologie raciste s’inscrit-elle dans ce contexte ?

    Jeff Goodwin – L’idéologie raciste, ou idéologie suprémaciste blanche — c’est-à-dire le racisme en tant que construction culturelle — est généralement élaborée, diffusée et institutionnalisée par les classes dirigeantes et les institutions étatiques afin de justifier et rationaliser l’oppression et les inégalités raciales. L’animosité ou la haine raciale en tant que telles ne sont pas la principale motivation de l’oppression raciale ; l’élément central est la richesse et les profits générés par l’exploitation du travail des Noirs. Mais le racisme légitime cette oppression et contribue à sa perpétuation.

    Cela ne signifie pas pour autant que certaines idées racistes et suprémacistes n’aient pas précédé le capitalisme. Cependant, leur portée et leur influence sont longtemps restées limitées, jusqu’à ce qu’elles soient associées aux intérêts matériels des capitalistes et des États puissants. À partir de ce moment, elles ont été systématisées, institutionnalisées et sont devenues une force matérielle à part entière.

    Ainsi, la race devient à la fois un critère social et une justification morale de l’oppression politique et sociale, rendant l’exploitation de la main-d’œuvre noire plus facile et plus intensive qu’elle ne pourrait l’être autrement. Mais il y a plus encore. Comme je l’ai mentionné, les travailleurs qui ne sont pas directement opprimés sur le plan racial voient néanmoins leur propre travail dévalorisé et leur pouvoir collectif amoindri par la fracture raciale créée par l’oppression des travailleurs noirs. Pour les marxistes noirs, le racisme est donc un enjeu fondamental, ce qui contredit l’idée que le marxisme aurait un « problème racial ». En aucun cas, les marxistes noirs ne sont des « réductionnistes de classe ».

    Lorsque la domination et l’inégalité raciales sont institutionnalisées à grande échelle, elles visent généralement à faciliter l’exploitation et le contrôle de la main-d’œuvre noire.

    L’oppression politique des Noirs est en elle-même une injustice, mais elle favorise aussi certaines des formes les plus brutales d’exploitation du travail. Historiquement, les travailleurs blancs ont été exploités, parfois de manière assez impitoyable, mais aux États-Unis, ils n’ont jamais été confrontés à une oppression politique, juridique et sociale comparable à celle des travailleurs noirs.

    Le grand socialiste américain Eugene V. Debs (1855-1926) a un jour déclaré que « nous n’avons rien de spécial à offrir aux Noirs », c’est-à-dire rien d’autre que la politique de classe que le Parti Socialiste proposait aux travailleurs blancs. Mais comme l’a démontré William Jones, cette phrase été sortie de son contexte. En réalité, Debs était un fervent adversaire du racisme et il critiquait les socialistes qui ignoraient le racisme ou qui pensaient que la lutte des classes « oblitérait » la nécessité d’affronter les lois et aux institutions racistes. Le racisme constituait un obstacle à la solidarité de classe, pensait Debs, et devait donc être combattu par tous les travailleurs.

    L’ouvrage Class Struggle and the Color Line, édité par Paul Heideman, rassemble les écrits de nombreux socialistes et communistes étatsuniens, noirs et blancs, y compris ceux de Debs, illustrant à quel point il était crucial de combattre et de démanteler le racisme au sein de la classe ouvrière et dans la société en général.

    Aujourd’hui, il est clair que la plupart des marxistes, en grande partie grâce aux travaux des marxistes noirs, reconnaissent que les diverses institutions, lois et normes d’oppression raciale ne se limitent pas à l’exploitation de la main-d’œuvre noire, mais sont tout aussi néfastes – tout en contribuant à renforcer cette exploitation. Les pratiques racistes sont profondément enracinées dans les lieux de travail, où elles se manifestent directement « au point de production », mais elles s’étendent également à l’ensemble de la société et influencent les relations entre les gouvernements et leurs citoyens. Ces institutions, lois et pratiques racistes doivent être combattues de concert avec la lutte contre l’exploitation de classe.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné précédemment que les marxistes noirs considèrent que la concurrence entre les travailleurs pour les emplois dans les sociétés capitalistes est liée au racisme. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

    Jeff Goodwin – Certains marxistes noirs soulignent que les travailleurs blancs peuvent adopter un racisme violent, bien que celui-ci soit différent de celui des capitalistes. L’un des principes fondamentaux du marxisme noir est que le racisme n’est pas uniforme – il prend différentes formes selon les contextes économiques et politiques. Pour les travailleurs blancs, le racisme est souvent motivé par la crainte que les travailleurs noirs – ou certains groupes ethniques, ou encore les immigrés – ne prennent leurs emplois ou ne fassent baisser leurs revenus parce qu’ils sont prêts à travailler pour des salaires inférieurs soit par contrainte, soit par nécessité.

    Les capitalistes exploitent naturellement cette peur. Par conséquent, certains travailleurs blancs cherchent à exclure les Noirs (ainsi que certains groupes ethniques blancs) des emplois mieux rémunérés, des secteurs économiques entiers et même des syndicats, souvent par des moyens violents. Cela donne lieu à ce que l’on appelle un marché du travail divisé, où les travailleurs noirs sont relégués à des emplois précaires et moins bien rémunérés, voire totalement exclus du marché du travail.

    Là encore, les croyances racistes ou suprématistes deviennent des outils de justification de ces exclusions et ces violences. L’expression « marché du travail divisé » a été développée dans les années 1970 par une sociologue marxiste, Edna Bonacich, mais l’idée remonte au moins à Du Bois.

    Il est important de rappeler que les travailleurs n’ont pas le pouvoir d’embaucher ou de licencier – c’est le rôle des capitalistes. Ainsi, les marchés du travail divisés n’apparaissent que lorsque les capitalistes ont un intérêt à répondre aux demandes des travailleurs racistes. Toutefois, il arrive que les capitalistes s’opposent aux exigences des travailleurs visant à exclure les Noirs de certaines professions ou industries, notamment en période de pénurie de main-d’œuvre, qu’il s’agisse de travailleurs qualifiés ou de postes vacants à la suite de grèves. Aux États-Unis, les capitalistes ont souvent eu recours à des travailleurs noirs comme briseurs de grève pour remplacer les travailleurs blancs en grève, ce qui avait pour effet d’affaiblir les grèves et d’attiser les animosités raciales des travailleurs blancs, renforçant ainsi la fracture raciale au sein de la classe ouvrière.

    Les marxistes ne considèrent évidemment pas le racisme de la classe ouvrière comme inévitable. À travers l’organisation et les luttes de classe contre les capitalistes, ils estiment que les travailleurs blancs peuvent prendre conscience de la nécessité d’une solidarité de classe large et multiraciale. Ils soulignent que la véritable cause de la pénurie d’emplois bien rémunérés n’est pas la concurrence des travailleurs issus de groupes raciaux différents, mais bien le capitalisme lui-même.

    L’implication politique de cette perspective est que les luttes de classe seront – et devront être – une composante essentielle de toute stratégie de libération des Noirs ou de décolonisation, à la fois sur le lieu de travail et dans la société civile. Si, comme le soutiennent les marxistes noirs, l’exploitation du travail des Noirs et leur exclusion des emplois mieux rémunérés constituent le fondement économique de l’oppression raciale, alors il est impératif de saper, voire d’éliminer, ce système. Pour que leur lutte contre l’oppression raciale et l’exploitation de classe soit victorieuse, les travailleurs noirs auront besoin du soutien le plus large possible des travailleurs d’autres groupes raciaux, même si le racisme tend à entraver cette solidarité. D’où la nécessité de combattre ce racisme à chaque instant. La solidarité de classe est d’autant plus cruciale lorsque les travailleurs racialisés opprimés constituent une minorité, comme c’est le cas aux États-Unis.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné Du Bois, mais qui sont les autres figures clés de la tradition marxiste noire ? Qui sont les principaux penseurs de ce courant ?

    Jeff Goodwin – Cette tradition regroupe des intellectuels et militants d’une envergure impressionnante. Une liste non exhaustive de marxistes noirs comprend, outre Du Bois, C. L. R. James (1901-1989), Harry Haywood (1898-1985), Claudia Jones (1915-1964), Oliver Cromwell Cox (1901-1974), Aimé Césaire (1913-2008), Frantz Fanon (1925-1961), Walter Rodney (1942-1980), Claude Ake (1939-1996), Neville Alexander (1936-2012), Manning Marable (1950 -2011) et Stuart Hall (1932-2014). Paul Robeson (1898-1976) était également très proche de ce courant et de Du Bois en particulier. Malcolm X (1925-1965) semblait s’en approcher l’année précédant son assassinat.

    Elle inclut également des révolutionnaires africains tels que Kwame Nkrumah (1909-1972), Amílcar Cabral (1924-1973), Agostinho Neto (1922-1979) et Eduardo Mondlane (1920-1969). Des figures majeures des Black Panthers et du mouvement Black Power, dont Huey Newton (1942-1989), Fred Hampton (1948-1969) et Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998), en font aussi partie.

    Par ailleurs, James Baldwin (1924-1987), à la fois ami de Martin Luther King Jr (1929-1968) et admirateur des Panthères noires, s’en était rapproché au début des années 1970 – il suffit de lire son livre No Name in the Street. Aucune autre tradition théorique ou politique ayant abordé la question de la domination raciale ne peut s’enorgueillir d’une aussi brillante constellation d’écrivains, d’intellectuels et de révolutionnaires.

    Jonah Birch – La question de savoir si W. E. B. Du Bois était marxiste fait débat, non ?

    ­ Jeff Goodwin – Jusqu’à récemment, en réalité, il n’y avait en réalité aucune controverse sur ce point. Tout le monde – du moins à gauche – reconnaissait que Du Bois était devenu un socialiste marxien bien avant d’écrire, à l’âge de soixante-cinq ans, son ouvrage majeur, Black Reconstruction in America, ainsi que les nombreux écrits radicaux qui ont suivi. On peut même déceler des influences marxistes et socialistes dans ses travaux antérieurs.

    Le marxisme de Du Bois est évident dans son autobiographie publiée à titre posthume. Avec le temps, il s’est rapproché du mouvement communiste – jusqu’à devenir un fervent stalinien – et a officiellement rejoint le Parti Communiste en 1961, à l’âge de quatre-vingt-treize ans, bien que ce dernier ait été considérablement affaibli par le maccarthysme.

    Récemment, un groupe de sociologues libéraux a vigoureusement nié ou minimisé cette réalité. Ils ont élaboré ce qu’ils appellent la « sociologie Du Boisienne », une relecture qui expurge toute trace de marxisme – un véritable blanchiment idéologique, pour ainsi dire. Il n’est pas surprenant que ce groupe assimile le marxisme à un « réductionnisme de classe ». Ceux et celles qui s’intéressent à ce débat peuvent consulter un échange entre moi-même et l’un de ces faux « Du Boisiens » dans Catalyst. J’ai écrit ma défense du marxisme noir en réponse à ce négationnisme, qui repose sur une profonde ignorance de Du Bois et de la tradition marxiste noire.

    Jonah Birch – Les questions de race et d’ethnicité n’ont-elles pas été abordées par un large éventail de marxistes issus de différentes races et nationalités ?

    Jeff Goodwin – Bien sûr. Le marxisme noir n’est qu’une partie – même si je pense que c’est la plus fascinante – d’une tradition marxiste plus large, multiraciale et multinationale, qui cherche à analyser la domination raciale ainsi que l’oppression ethnique et nationale, y compris le colonialisme.

    Cette tradition inclut des marxistes classiques comme Rosa Luxemburg (1871-1919) et Vladimir Lénine (1870-1924), mais aussi des penseurs tels que José Carlos Mariátegui (1894-1930), marxiste péruvien qui a écrit sur la « question indienne » en Amérique latine, et Kamekichi Takahashi (1891-1970), un économiste japonais. Elle englobe également des intellectuels sud-asiatiques, comme M. N. Roy (1887-1954) et A. Sivanandan (1923-2018), parmi bien d’autres.

    Elle inclut aussi Ho Chi Minh (1890-1969), qui avait des choses très intéressantes à dire sur le racisme européen, comme vous pouvez l’imaginer.

    Cette tradition marxiste s’est également développée parmi des intellectuels blancs européens et nord-américains, tels que Otto Bauer (1881-1938), Max Shachtman (1904-1972), qui a écrit sur la race aux États-Unis, et Herbert Aptheker (1915-2003), ami et exécuteur littéraire de W. E. B. Du Bois (1868-1963), qui a écrit un ouvrage majeur sur les révoltes d’esclaves aux Etats-Unis, American Negro Slave Revolts (1943).

    Elle s’étend également à des figures plus récentes comme Éric Hobsbawm (1917-2012), Theodore Allen (1919-2005) et Benedict Anderson (1936-2015), célèbre pour son concept de la nation en tant que « communauté imaginée », une idée que l’on peut aussi appliquer à la race et à l’ethnicité.

    Enfin, cette tradition comprend des intellectuels sud-africains blancs qui ont participé à la lutte contre l’apartheid, notamment Martin Legassick (1940-2016) et Harold Wolpe (1926-1996).

    Jonah Birch – La tradition marxiste noire est-elle toujours vivante ?

    Jeff Goodwin – Absolument ! De nombreux intellectuels contemporains continuent d’enrichir cette tradition. Parmi eux, on peut citer l’historienne Barbara Fields (née en 1947), ainsi que Adolph Reed (né en 1947) et son fils Touré Reed (né en 1971). D’autres figures notables incluent Kenneth Warren, Zine Magubane, Cedric Johnson, August Nimtz, Preston Smith, ainsi que le philosophe de Harvard Tommie Shelby (né en 1967), qui se définit lui-même comme un « marxiste afro-analytique ». Et ce ne sont là que quelques intellectuels basés aux États-Unis.

    Jonah Birch – Qu’en est-il de Cedric Robinson (1940-2016), auteur du célèbre ouvrage intitulé Marxisme Noir en 1983 ? N’est-ce pas lui qui a popularisé le terme « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Oui, ironiquement, mais il n’était pas le seul. Je dis « ironiquement » parce que Robinson était un farouche opposant au marxisme. Cedric Robinson (1940-2016), auteur de Marxisme Noir : La formation de la tradition radicale noire (Éditions Entremonde, 2023), a contribué à populariser le terme, sans pour autant l’adopter dans une perspective marxiste. Il considérait que le marxisme, à l’image de la culture « occidentale » dans son ensemble, était fondamentalement aveugle au racisme, voire intrinsèquement raciste, et que ses catégories d’analyse ne pouvaient s’appliquer aux sociétés non européennes. Pour Robinson, comme pour les sociologues « Du Boisiens » que j’ai mentionnés, il n’existait qu’une seule forme de marxisme : un marxisme réductionniste, centré exclusivement sur la classe au détriment des autres formes d’oppression.

    Mais parce que Robinson a écrit un livre intitulé Black Marxism, je pense que beaucoup de gens supposent qu’il est lui-même marxiste ou pro-marxiste. Or, rien n’est plus faux. Apparemment, Robinson ne voulait même pas appeler son livre Black Marxism, mais je crois que son éditeur a pensé qu’il se vendrait mieux avec ce titre.

    Marxisme noir présente de nombreux défauts, notamment une mauvaise interprétation de la pensée des marxistes noirs actuels, en particulier des idées de Du Bois (1868-1963) et de C. L. R. James (1901-1989). Le point de vue de Robinson sur Du Bois en tant que prétendu critique du marxisme est basé sur une lecture tronquée de l’œuvre de Du Bois et sur une interprétation profondément erronée de Black Reconstruction in America. Son point de vue sur Du Bois est similaire à celui des sociologues « Du Boisiens ». Robinson prétend, sans aucune preuve, que Du Bois et James ont abandonné le marxisme, ce qui leur a permis de découvrir ce qu’il appelle la « tradition radicale noire ». Mais il s’agit là d’une pure fiction : ni Du Bois ni James n’ont abandonné le marxisme.

    L’engagement de Du Bois au sein du marxisme et du mouvement communiste n’a fait que s’approfondir au fil du temps, même après le célèbre discours de Nikita Khrouchtchev (1894-1971) en 1956 dénonçant les crimes de Joseph Staline (1878-1953) et l’invasion soviétique de la Hongrie la même année. Comme je l’ai mentionné, il a rejoint le Parti Communiste très tard dans sa vie, quelques années seulement avant sa mort. C’est assez étrange, si l’on y réfléchit, pour quelqu’un qui aurait renoncé au marxisme.

    Jonah Birch – On entend souvent parler aujourd’hui de la « tradition radicale noire ». De quoi s’agit-il exactement et quel est son lien avec le marxisme noir ?

    Jeff Gookdwin – Cela dépend de la personne à qui l’on pose la question ! Le sous-titre du livre de Cedric Robinson (1940-2016), Marxisme Noir, est La formation de la tradition radicale noire. Lorsque j’ai découvert ce titre, j’ai d’abord pensé que Robinson établissait un lien direct entre marxisme noir et tradition radicale noire, voire qu’il considérait que les marxistes noirs faisaient partie intégrante de cette tradition. Et cela aurait été logique.

    Mais pour Robinson, il n’y a aucun lien entre les deux. Le marxisme est essentiellement et à jamais européen et raciste, tandis que la tradition radicale noire est essentiellement et à jamais panafricaine et antiraciste. Robinson insiste donc sur le fait que le marxisme n’a rien à offrir aux antiracistes. Comment le pourrait-il, si le marxisme fait partie de la culture occidentale, qui est irrémédiablement raciste ?

    Dans la réalité, les penseurs noirs et les militants révolutionnaires ont largement puisé dans le marxisme pour analyser et combattre le racisme, l’impérialisme et le colonialisme. W. E. B. Du Bois (1868-1963) et C. L. R. James (1901-1989) en sont d’excellents exemples. Ils sont au cœur de la tradition radicale noire, au sens où l’on entend ce terme, tout comme les autres marxistes noirs que j’ai mentionnés.

    J’inclurais également dans cette tradition les non-marxistes qui voient et soulignent néanmoins la manière dont le capitalisme est impliqué dans l’oppression et l’inégalité raciales, et qui sont donc anticapitalistes, sans être nécessairement révolutionnaires. Je pense à diverses personnalités sociales-démocrates et chrétiennes-sociales comme A. Philip Randolph (1889-1979), Chandler Owen (1889-1967), Eric Williams (1911-1981) – un élève de C. L. R. James –, Bayard Rustin (1912-1987), Ella Baker (1903-1986) et, bien sûr, Martin Luther King Jr. (1929-1968). Baker, qui a participé à la fondation du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) en 1960, était d’ailleurs proche des marxistes. Toutes ces personnalités méritent assurément une place dans la tradition radicale noire.

    Jonah Birch – Vous suggérez donc que ce qui distingue les radicaux noirs des autres antiracistes – les antiracistes libéraux et les nationalistes noirs – c’est leur anticapitalisme ?

    Jeff Goodwin – Oui, le principal critère de distinction est l’anticapitalisme. Nous devons comprendre la tradition radicale noire comme étant à la fois antiraciste et anticapitaliste. Les radicaux pensent que les deux doivent aller de pair. Je ne vois pas comment on peut se dire radical dans ce monde si on ne s’oppose pas par principe au capitalisme.

    Pour cette raison, je placerais également certains nationalistes et anticolonialistes noirs, mais certainement pas tous, dans la tradition radicale noire. Les nationalistes qui soutiennent le capitalisme – y compris le « capitalisme noir » – cautionnent par essence l’exploitation et l’inégalité. Il n’y a rien de radical dans cela. C’est la thèse centrale de Frantz Fanon dans Les damnés de la terre. Il mettait en garde contre la bourgeoisie noire – ou la bourgeoisie nationale, comme il l’appelait. Contrairement à Robinson, je ne pense pas que l’antiracisme et l’anticolonialisme fassent à eux seuls de vous un radical. Il y a évidemment beaucoup d’antiracistes et de nationalistes anticoloniaux élitistes et autoritaires.

    Jonah Birch – Vous placeriez Martin Luther King Jr dans la tradition radicale noire également ?

    Jeff Goodwin – Absolument. Dans les dernières années de sa vie, King a exprimé de plus en plus ouvertement son rejet du capitalisme et son adhésion au socialisme démocratique. Son parcours intellectuel l’avait mis en contact avec de nombreux penseurs socialistes chrétiens et leurs écrits. La thèse de doctorat de King traite de deux théologiens de gauche, Paul Tillich (1886-1965) et Henry Nelson Wieman (1884-1975).

    Le chercheur Matt Nichter a récemment mis en lumière le rôle joué par de nombreux socialistes, communistes et ex-communistes dans la Southern Christian Leadership Conference de King. Celui-ci soutenait également fortement le mouvement ouvrier, et les syndicats les plus radicaux du pays l’ont soutenu. Lorsqu’il a été assassiné, il était aux côtés des travailleurs de l’assainissement en grève à Memphis.

    King n’a jamais cédé à l’anticommunisme primaire (red-baiting) et se méfiait des libéraux anticommunistes. Il appréciait le soutien des communistes au mouvement des droits civiques. L’un de ses derniers grands discours fut un hommage à Du Bois, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Il y dénonçait ceux qui minimisaient ou occultaient l’engagement communiste de Du Bois, estimant que cela ne faisait que renforcer les stéréotypes négatifs sur le socialisme et le communisme.

    En fait, je pense que King doit être considéré comme l’un des plus grands socialistes de l’histoire des Etats-Unis. Dans sa lutte contre la pauvreté, King en est venu à défendre un revenu garanti pour tous, non pas au niveau du seuil de pauvreté, mais au niveau du revenu médian du pays. Une telle proposition soulève évidemment des questions pratiques : les travailleurs gagnant moins que ce revenu garanti pourraient être incités à quitter leur emploi pour en bénéficier ! Mais cette proposition illustre clairement la haine de King non seulement pour la pauvreté, mais aussi pour tout système économique qui prive les gens des ressources matérielles dont ils ont besoin pour s’épanouir et pas seulement pour survivre.

    Jonah Birch – Les marxistes noirs contemporains semblent particulièrement critiques à l’égard de ce qu’ils appellent le « réductionnisme racial ». Qu’est-ce que le réductionnisme racial ?

    Jeff Goodwin – Le terme est surtout connu grâce au livre de Touré Reed paru en 2020, Toward Freedom : The Case Against Race Reductionism, bien que d’autres l’aient également utilisée. Elle est basée sur la tendance libérale à séparer la classe du racisme, à considérer le racisme comme déconnecté de l’exploitation du travail en particulier. Cela contraste fortement avec un principe majeur du marxisme noir, qui considère que l’exploitation du travail et l’exclusion systémique des emplois mieux rémunérés sont au cœur de l’oppression raciale.

    Les libéraux séparent souvent le racisme de la classe et utilisent ensuite le racisme dans un sens général et abstrait – en tant que préjugé irrationnel – pour expliquer l’oppression raciale. C’est encore une fois un argument idéaliste : le racisme en tant qu’idée est à l’origine de l’oppression des Noirs. Si le réductionnisme de classe – que, comme nous l’avons vu, les marxistes noirs rejettent catégoriquement – nous conseille d’oublier la domination raciale, les réductionnistes de race nous conseillent d’oublier les divisions de classe et l’exploitation de classe. Il est donc évident que les marxistes noirs et les radicaux noirs s’opposent à cette évolution théorique.

    En d’autres termes, le concept de race devient réductionniste et idéologique lorsqu’il occulte les divisions de classe et l’exploitation au sein d’un groupe racial, ainsi que les intérêts de classe communs qui transcendent les groupes raciaux et constituent une base potentielle pour la solidarité de classe. De même, l’utilisation du racisme ou des idées racistes comme explication devient réductrice si le racisme est déconnecté des intérêts de classe.

    Oliver Cromwell Cox (1901-1974), un important sociologue marxiste noir, disait que si les croyances seules suffisaient à opprimer une race, les croyances des Noirs à l’égard des Blancs devraient être aussi puissantes que les croyances des Blancs à l’égard des Noirs. Mais cela n’est vrai que si l’on oublie la classe et le pouvoir de l’État. Dans le même ordre d’idées, Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998) résumait cette idée ainsi : « si un Blanc veut me lyncher, c’est son problème. Mais si l’homme blanc a le pouvoir de me lyncher, alors et seulement alors, c’est mon problème ».

    Cox et Carmichael ne font que constater l’évidence : les idées déconnectées du pouvoir sont impuissantes. Tout cela ne veut pas dire que la race et le racisme n’ont jamais d’importance. Ce n’est évidemment pas le cas. Le racisme peut être très important et persistant précisément lorsqu’il est lié aux intérêts matériels de classes et d’États puissants. Il s’agit là d’un principe central du marxisme noir.

    Jonah Birch – Je souhaite vous interroger, pour finir, sur le concept de « capitalisme racial ». C’est une autre expression que l’on entend beaucoup ces jours-ci à gauche. S’agit-il d’un concept développé par les marxistes noirs ? Et qu’est-ce que cela signifie exactement ?

    Jeff Goodwin – Les marxistes ont effectivement développé ce terme, mais permettez-moi de commencer par dire que beaucoup d’encre a été gaspillée pour tenter de définir cette expression. Aucun des grands marxistes noirs dont nous avons tant appris n’a jamais utilisé cette expression – ni Du Bois, ni James, ni Cox, ni Fanon, ni Rodney, ni Hall, ni Nkrumah, ni Cabral. Il est donc manifestement possible de parler, et de parler avec perspicacité, de race, de classe, de capitalisme et d’oppression sans utiliser ce terme. Le simple fait d’associer les mots « racial » et « capitalisme » ne garantit pas, comme par magie, que vous comprenez la relation entre le capitalisme et le racisme. Bien sûr, je ne suis pas le premier à le souligner.

    Le terme a été forgé par des marxistes sud-africains pendant l’apartheid. Marcel Paret et Zach Levenson ont montré qu’un professeur de Berkeley, Bob Blauner (1929-2016), l’avait utilisé dès 1972, mais c’est avec des figures comme Neville Alexander (1936-2012), Martin Legassick (1940-2016) et Bernard Magubane (1930-2013) que le concept s’est véritablement diffusé dans les années 1970-1980. Leur point de vue était que le capitalisme étant le fondement de l’oppression raciale en Afrique du Sud, la lutte contre l’apartheid devait être anticapitaliste tout en étant une lutte pour les droits démocratiques.

    Cette approche s’opposait à celui du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela (1918-2013) et du Parti Communiste sud-africain. Ceux-ci soutenaient que la lutte pour le socialisme devait être reportée jusqu’à ce qu’une révolution démocratique – une « révolution démocratique nationale », comme ils l’appelaient – ait renversé l’apartheid. Mais cela implique, de manière peu plausible, que l’apartheid n’avait que peu ou pas de rapport avec le capitalisme et l’exploitation des travailleurs noirs. En réalité, l’ANC a fini par abandonner toute perspective socialiste, laissant perdurer les inégalités économiques après la fin du régime ségrégationniste. Quoi qu’il en soit, pour les marxistes noirs, l’expression « capitalisme racial » fait référence au fait que le capitalisme a été le fondement de divers types d’oppression raciale dans les sociétés du monde entier.

    Pourtant, de nombreuses personnes croient à tort que le « capitalisme racial » est une idée de Cedric Robinson. S’ils se donnaient la peine de lire son livre, ils verraient qu’il n’utilise pratiquement pas ce terme. Et Robinson – qui, encore une fois, était hostile au marxisme – utilisait le terme très différemment des marxistes noirs. En fait, il comprend le terme d’une manière réductionniste sur le plan racial. Pour Robinson, le capitalisme n’est qu’une autre manifestation de la culture occidentale séculaire, et il est donc intrinsèquement raciste. Pour lui, le capitalisme ne génère pas de systèmes d’oppression raciale, comme l’affirment les marxistes noirs.

    Au contraire, le caractère raciste de la culture occidentale, qui remonte à plusieurs siècles, garantit en quelque sorte que tout ordre économique qui lui est associé – féodalisme, capitalisme, socialisme – sera également raciste.

    Il s’agit là encore d’un argument idéaliste. Les idées, en l’occurrence celles de la culture occidentale, reproduisent constamment l’oppression raciale à partir d’un pouvoir qui leur est propre, d’abord en Europe, puis dans le monde entier. Mais comment ces idées sont-elles si puissantes ? Cela pourrait-il être lié aux intérêts matériels des classes et des États puissants, comme l’affirment les marxistes noirs ? Robinson fait parfois des gestes dans ce sens, mais la plupart du temps, il ne le dit pas. Pour lui, les idées elles-mêmes sont toutes puissantes. Ce n’est tout simplement pas une explication sérieuse du racisme.

    Je dois souligner que de nombreux libéraux semblent apprécier l’expression « capitalisme racial ». Plus que quiconque, ils ont largement contribué à sa diffusion ces dernières années, notamment dans les universités. Les libéraux utilisent cette expression pour désigner une économie dans laquelle les employeurs pratiquent la discrimination à l’encontre des Noirs et des autres minorités. Leur monde idéal est celui d’un capitalisme non racial – l’exploitation du travail sans discrimination. Cet idéal est très éloigné de la vision marxiste noire du socialisme.

    Mais au-delà des termes employés, l’enjeu central reste notre compréhension du capitalisme, de la domination raciale et des liens entre les deux. Que l’on utilise ou non l’expression « capitalisme racial » importe peu. La tradition marxiste noire montre qu’il est possible d’analyser ces dynamiques sans recourir à ce concept. Cette expression n’apporte aucune clarté supplémentaire et, selon son usage, elle peut même induire en erreur, en particulier lorsqu’elle est vidée de sa dimension anticapitaliste.

    Il est donc essentiel de comprendre précisément en quoi le capitalisme a été, et demeure, le principal moteur de la #domination_raciale. Autrement dit, on ne peut éradiquer le racisme sans s’attaquer à la structure même du capitalisme, en le démantelant ou, à tout le moins, en le régulant fortement. Tel est le message central de la tradition marxiste noire.

    https://www.contretemps.eu/capitalisme-racisme-marxisme-noire-jeff-goodwin
    #racisme #Black_Marxism #travail #exploitation

    ping @reka @karine4

  • Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • Pourquoi nos ados ne répondent plus au téléphone ?
    https://seenthis.net/messages/1114376
    à propos de
    https://www.msn.com/fr-fr/familles-et-relations/%C3%A9ducation-des-enfants/pourquoi-nos-ados-ne-r%C3%A9pondent-plus-au-t%C3%A9l%C3%A9phone/ar-AA1Ex1Mb

    Article et échange intéresant sur la communication entre les générations et la dimension technologique de la qiestion.
    Il serait fort intéressant de creuser davantage pour déterrer la part des éléments technologiques et idéoligiques cachés qui faconnent nos échanges.

    #communication #kafka #technologie #capitalisme #néolibéralisme

  • Pourquoi nos ados ne répondent plus au téléphone ?
    https://www.msn.com/fr-fr/familles-et-relations/%C3%A9ducation-des-enfants/pourquoi-nos-ados-ne-r%C3%A9pondent-plus-au-t%C3%A9l%C3%A9phone/ar-AA1Ex1Mb
    https://img-s-msn-com.akamaized.net/tenant/amp/entityid/AA1Ex1M9.img?w=652&h=438&m=4&q=79

    Enzo, 15 ans, regarde son portable qui vibre : « Ma daronne ? Sûrement, je suis en retard… J’envoie un texto (« J’arrive »), c’est moins prise de tête ! » De son côté, Stéphanie, 55 ans, mère de Théa, 14 ans, ne comprend pas : « Impossible de la joindre. Et si je laisse un message sur son répondeur, elle ne l’écoutera pas. Alors, j’écris un SMS. Ou, plus efficace, je passe par Instagram. C’est même ce qui m’a motivée pour créer un compte. »

    Bon réflexe ! Car aujourd’hui, pour communiquer, les 12-18 ans privilégient les messageries privées des réseaux sociaux ou les notes vocales sur WhatsApp. A travers une étude sur les pratiques de l’écriture des 14-18 ans*, Anne Cordier, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication** , le confirme : « Les jeunes ont une sainte horreur de l’appel téléphonique. » On avait remarqué !

    A découvrir également : 20% des Français ne répondent pas aux appels téléphoniques… volontairement

    L’amour du son

    Certes, la hausse du démarchage commercial, des arnaques et l’inflation des numéros masqués les rebutent (comme les plus âgés) : 62,5% des Français de 15 ans et plus filtrent les appels*** . La quasi-totalité en ce qui concerne la génération Alpha (née après 2010), qui ignore notamment les coups de téléphone parentaux. Anne Cordier rassure : « Ce n’est pas la personne qui est visée, mais le mode de communication qui a évolué. Ils ne répondent pas plus à leur meilleur ami qu’à un parent. » Parent qui, par ailleurs, fait parfois mal la différence entre un message audio laissé sur le répondeur et ce qu’Emma, 17 ans, appelle un « son ». « J’adore ça, s’enthousiasme-t-elle. On peut parler en marchant, tout en communiquant de l’émotion. »

    Comme Emma, près d’une personne sur cinq de la génération Z envoie ou reçoit plus de dix notes vocales par jour, indique un sondage publié en février 2025 mené sur la plateforme d’apprentissage de langues en ligne Preply. « Laisser un message sur un répondeur, c’est risquer que la personne rappelle !, fait remarquer Anne Cordier. Alors qu’avec la note vocale, on « calcule », on incarne sa parole. Les bruits de fond donnent du réel au propos, ainsi que du partage d’intime (« Déso, j’espère que tu m’entends, j’suis dans la rue, attends, je sors du métro… »). Le vocal participe d’une dynamique conversationnelle ludique et spontanée, même avec un décalage temporel. » Et quand c’est trop long, on peut écouter le message en accéléré. Comme on zappe les scènes qui nous ennuient dans une série !

    Le stress du direct

    Pour Marie Danet, maîtresse de conférences en psychologie du développement à l’université de Lille**** , ces nouvelles pratiques découleraient d’un rapport différent au temps. La jeune génération, habituée aux services à la carte avec les plateformes de streaming, « dispose d’alternatives favorisant la désynchronisation des échanges et l’activité multitâche », dixit la psychologue. Tous les canaux de communication existants sont également plus attractifs parce que plus créatifs (possibilité d’envoyer des photos, des vidéos, des liens), quand, avant, c’était le téléphone ou rien. Cela entraînait un effet d’apprentissage et de familiarisation que n’ont plus les adolescents.

    « La galère quand je dois répondre à des parents qui me proposent du baby-sitting ou prendre rendez-vous avec un médecin qui n’est pas sur Doctolib !, s’exclame Inès, 14 ans. J’ai peur de ne pas savoir quoi dire et d’être prise pour une teubé ! » Idem pour Louise, 13 ans, pour qui parler au téléphone vire au calvaire : « Je perds mes moyens, surtout quand l’autre me coupe ou s’impatiente », confie-t-elle. Vu ainsi, il y a moins de pression avec les notes vocales. « On peut effacer et recommencer », confirme Louise. Anne Cordier l’a observé : « Le coup de fil est presque toujours associé à une prise de risque pour les adolescents. Parler en direct revient à se mettre à nu. Choisir le différé, c’est prendre le temps de réfléchir à ce que l’on va dire, se réécouter, peaufiner l’idée ou l’image que l’on veut renvoyer. Une façon de garder le contrôle dans un monde menaçant et incertain. »

    Des modalités à inventer

    Car, à la vérité, il n’y a pas de réel refus d’échanger. « Parents et enfants n’ont jamais autant communiqué, estime Anne Cordier. Mais, en se raréfiant, le coup de fil est devenu un « événement » à forte pression émotionnelle. Il annonce une nouvelle potentiellement importante. » Léonard, 16 ans, ajoute : « Ça tombe toujours mal. Soit je suis avec mes potes, soit en train d’écouter de la musique ou de scroller, je n’ai pas envie d’être dérangé. » Emile, 18 ans, pense que s’il répond, « ça va durer des plombes ».

    « Et l’appel spontané, ils en font quoi ? s’agace Nathalie, 58 ans. Il faut prendre rendez-vous pour se parler, un comble ! » Anne Cordier et Marie Danet sont formelles : mieux vaut passer un contrat avec l’ado pour préciser les règles conversationnelles. Par exemple, pour une information factuelle, on privilégiera les textos ; pour un message plus sensible, la note vocale. Avec son fils, Laurence a banni des SMS les points d’exclamation ou de suspension, trop sujets à interprétation, et réclame au minimum un émoji en accusé de réception. Des modalités à inventer qui, parfois, peuvent inverser les situations, comme le raconte Stéphanie : « L’autre jour, j’ai juste écrit « ok. » à ma fille, et elle a cru que j’étais fâchée ! »

    «  T’es où  ?  »

    Autre constat qui n’incite pas les ados à répondre au téléphone : ils sont supposés être joignables tout le temps. « A force de fluidifier la communication, les outils numériques l’ont rendue envahissante », souligne Anne Cordier. Avec des parents facilement inquiets ou très contrôlants, l’ado est prié de rendre des comptes toute la journée. « Ma mère ne se rend pas compte à quel point elle est relou avec tous ses appels, s’énerve Arthur, 17 ans. A la sortie des cours, devant les potes, comme si j’étais un gamin ! » C’est alors qu’une non-réponse en dit long : indifférence, agacement ou juste le besoin de se préserver… « Les outils numériques peuvent même ralentir le processus d’autonomisation d’un jeune qui a besoin de se tester et de trouver ses propres solutions en notre absence », met en garde Marie Danet.

    Avec le recul, Anne, 64 ans, en convient : « J’appelais Lily pour savoir où elle était, ce qu’elle faisait, avec qui. Résultat, ce que je craignais le plus est arrivé : elle s’est mise à faire le mur la nuit, pour vivre sa vie ! » D’où l’importance de respecter une distance de sécurité : ni trop loin, ni trop près. « Et cela marche dans les deux sens », remarque Marie Danet. Qu’ils ne nous utilisent pas comme un couteau suisse en nous sommant de répondre dès que, eux, en ont besoin !

    Donnez-leur un coup de pouce pour leur coup de fil

    « La peur de prendre la parole en public, soit l’importance accordée au regard des autres, est le propre de l’adolescence, souligne Marie Danet. Et cela s’accentue. Si 90% de mes étudiants de première année participent à des quiz sur leur téléphone, seuls un ou deux lèvent la main quand je pose une question en cours. » Cette anxiété sociale pousserait des parents à passer certains appels importants à leur place, renforçant les stratégies d’évitement. « Il est plus éducatif de les aider à préparer leur coup de fil, poursuit-elle. Car, dans leur vie professionnelle, ils auront peut-être encore à téléphoner… »

    Mongenot C., Cordier A., Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ?, Injep, novembre 2023

    **Auteure de Grandir informés. Les pratiques informationnelles des enfants, adolescents et jeunes adultes (C&F).

    **« 94% des 15-29 ans ont un smartphone en 2021 », Insee Focus, no 259, 24 janvier 2022

    ****Auteure d’Ecrans et familles (UGA).

    #Anne_Cordier #Téléphone #Adolescents

    • Le fait d’hésiter à se téléphoner, ça a plusieurs conséquences négatives qu’on constate ici à la maison :

      – récupérer un devoir ou un cours qu’on n’a pas, c’est devenu quasiment impossible, parce qu’on n’ose pas téléphoner à un·e copain·e pour demander à se faire expédier fissa le truc ;

      – organiser une sortie du week-end, ça passe assez systématiquement par un débat interminable sur un groupe Whatsapp, et forcément c’est quasiment impossible d’organiser quoi que ce soit avec un groupe Whatsapp (discussions noyées dans les private jokes, multiplication des messages vocaux qui ne permettent jamais de synthétiser, timidité à proposer un horaire, mais facilité à dire que tel horaire ça va pas être possible…)

      – et de manière plus personnelle, quand l’ado a un coup de déprime, ne pas oser téléphoner à un·e copain·e pour discuter en direct, ça n’aide pas.

    • J’avais pas repéré :

      La quasi-totalité en ce qui concerne la génération Alpha (née après 2010), qui ignore notamment les coups de téléphone parentaux.

      Des mouflets qu’ont pas encore 14 ans et c’en est déjà à snober ses darons au téléphone ? (Les gens s’inventent des problèmes, là, parce que c’est pas super-compliqué, en général, de poser des limites à un·e pisseu·se de 12-13 ans.)

    • Vous me rassurez. J’expliquerai le phénomène à l’arrière grand mère de 90 ans qui s’inquiète toujours lors ce qu’elle n’arrive pas à joinde les petits.


      Cadran Téléphonique Modèle Administratif 1927

      Pour quelqu’un qui a grandi à l’époque des téléphone à cadran c’est toujours une obligation morale de répondre aux appels parce qu’autrement on ne pouvait ni savoir qui avait appellé ni pourquoi.

      Quand quelqu’un ne répondait pas c’était parce qu’il ne se trouvait pas à proximité du combiné ou parce qu’il était en train de parler avec une personne sur place. Préférer la communication avec la personne présente était une obligation morale car faire attendre quelqu’un à cause d’un appel téléphonique était l’expression (et l’est toujours) de la supériorité hierarchique de celui qui ignorait l’autre au profit de l’appareil.

      L’introduction à grande échelle du répondeur automatique dans les années 1980 ouvrait la possibilité d’ignorer les appels afin de choisir les personnes qu’on rappellait et de sélectionner les victimes de la prétendue panne du répondeur. Il y avait un prix à payer pour l’excuse facile car on se montrait comme personne qui violait l’obligation de respecter le correspondamt téléphonique potentiel.

      Avec la généralisation des téléphones portables à partir de 1995 ce devoir s’est transformé en obligation culturelle générale car être joignable partout et à toute heure de la journée était considéré comme caractéristique des hommes d’affaires à succès.

      A partir de ce moment les numéros des appels manqués étaient visibles et le refus de prendre les appels exprimait de plus en plus souvent le refus de se plier aux contraintes du job voire à l’autorité parentale .

      Depuis les voies de communication se sont multipliées à cause des frénétiques efforts des entreprises « startup » de réinventer la roue de la communication et de se démarquer des concurrents. Cette course à vitesse folle a produit un nombre illimité de manières de ne plus s’entendre. J’ai l’impression qu’il y a un équilibre précaire entre innovation acharnée et besoin de repos qui forment un couple d’antagonistes irréconciliables.

      Le dernier cri sont forcément, je le suppose, les bots IA personnalisés qui remplacent le répondeur automatique en se faisant passer pour la personne qu’on appelle. Plus jamais tu ne seras laissé sur ta faim de communication car il n’y aura plus d’appel manqué. Le bot ne dort jamais. Il aura toujours un message positif pour calmer les parents inquiets.

      Je m’en accomode et me demande quel effet cet « overkill » en armes de la communication a pour les jeunes qui sont nés dans l’écosystème actuel marqué par le chaos technologique et moral..

      #communication #kafka #technologie #capitalisme #néolibéralisme

    • Je connais un paquet de monde, pas forcément jeune, qui déteste le téléphone (enfin au moins les appels vocaux, quoique certain⋅e⋅s ont bien du mal avec les textos aussi :)). Et effectivement comme le dit @arno les textos/whatsapp/signal/etc. ont largement leurs limites, dès que la conversation demande un peu plus de complexité que de savoir « où t’es » ou ce genre de trucs. Idem au taf, y a des spécialistes des messages sur chat qui n’en finissent pas, pour expliquer des trucs compliqués (je finis par appeler assez rapidement...).
      Mais alors ce qui me tue, c’est effectivement de voir les plus jeunes (mais pas que, ça contamine des gens plus vieux) communiquer à coup de « vocaux », quel enfer ! La « conversation » prend des plombes pour rien. On se retrouve avec les défauts des 2 modes de communication (impossible de rechercher dans les vocaux ce qui a été dit, contrairement à l’écrit, et c’est ultra compliqué de parler de choses complexes).

    • s’il y a un truc qui me dépasse totalement dans l’usage des RS, c’est bien l’usage des « vocaux » !
      (full disclosure : ma fille commence à m’envoyer des vocaux…-

      et merci @klaus, pour le rappel du mode d’emploi du téléphone incorporé dans le cadran !
      Annoncez : ici, le ABC 12 34 , j’écoute.
      (version parisienne)
      ou
      Annoncez : ici, le 22 à Asnières , j’écoute.
      (partout ailleurs)

    • – Il y a la génération de mes parents, le téléphone était facturé à la minute, alors ma mère est toujours aussi pressée de raccrocher.

      – Ensuite il y a ma génération, baisse des prix. Je passais un temps fou le soir debout dans l’entrée, ou assis aussi loin que le câble torsadé de l’appareil le permettait, pour se dicter les niveaux d’Ultima III. (Dans l’entrée de mes parents, il y avait un minuteur pour la lumière, alors en téléphonant je devais régulièrement rallumer la lumière. Et au bout d’un moment, un peu moins trouille-cul, j’ai pris l’habitude de rester assis dans le noir.)

      – Et puis il y a mes enfants, forfait illimité, le téléphone c’est considéré comme gratuit, on peut même téléphoner allongé dans son lit, qui ont peur de déranger et font tout, comme leur grand-mère, pour raccrocher le plus vite possible.

    • Mes enfants, plutôt génération Y (donc plus vraiment des ados, quoique...), sont injoignables sur leurs téléphones. Je leur envoie (tous les dix jours environ) des SMS pour savoir s’iels vont bien. Parfois, iels me répondent et souvent je leur demande dans le SMS si on pourrait éventuellement discuter au téléphone. Iels ont l’air d’être surbooké·e·s H24 7/7 ...

      Avant, je lançais des bouteilles à la mer grâce à Facebook Messenger mais alors là, que nib.

      On a tâté de la visio (toujours avec Messenger) pendant la panique Covid mais on a vite laissé tomber. Ça permettait de voir les petits enfants grandir mais souvent ces derniers en profitaient pour faire les clowns et la conversation se diluait dans un brouhaha pénible. Et puis la qualité du réseau perturbait aussi la liaison.

      A propos des « vocaux » (media que je viens de découvrir) ...
      https://www.blogdumoderateur.com/panorama-reseaux-sociaux-vocaux-applications-chat-audio

      Finalement, je me dis que le silence est d’or. Et de toute façon, quand il y a une tuile, iels retrouvent comme par magie mon numéro de tél.

    • Je le répète : vous me rassurez, je ne vis donc pas une exception . Mais c’est un mensonge ce que je dis. Au contraire vous m’inquiétez davantage car je constate des problèmes énormes quand on essaie de rassembler des gens ne serait-ce que pour défendre nos intérêts communs.

      La manière asynchrone de vivre et pratiquer la communication moderne ne facilte pas les choses, alors pas du tout.


      Je finirais peut-être comme l’autre avec sa pancarte devant la chancellerie à Berlin qui essaye de se faire entendre par Merkel/Lindner/Scholz/Merz/etc. - mois ça sera pour m’adresser aux enfants par caméras de télé intersposées ;-)

  • Agriculture industrielle, on arrête tout et on réfléchit !

    « 99,9% des paysans français peuvent toucher des aides environnementales de l’Union européenne sans rien changer à leurs pratiques ».

    Dans son livre Agriculture industrielle, on arrête tout et on réfléchit ! publié aux éditions Rue de l’Échiquier en partenariat avec Agir pour l’environnement, #Jacques_Caplat — agronome et coordinateur des campagnes agriculture et alimentation chez Agir pour l’environnement — décrypte les rouages de l’agriculture industrielle, ses impacts sur le vivant et les alternatives concrètes à mettre en œuvre pour en sortir.

    https://www.youtube.com/watch?v=UKxuQyXQV14

    https://www.agirpourlenvironnement.org/blog/agriculture-industrielle-on-arrete-tout-et-on-reflechit
    #interview
    #agriculture #agriculture_industrielle #alternative #alimentation

  • Hommage à Michel Aglietta : trois choses que nous lui devons | Benjamin Coriat
    https://blogs.mediapart.fr/benjamin-coriat/blog/020525/hommage-michel-aglietta-trois-choses-que-nous-lui-devons

    La première, la plus connue et la plus incontestable est celle que constitue la publication de son ouvrage de 1976 “Crises et Régulation du Capitalisme” (Calmann Levy). En reformulant les thèses déjà énoncées dans sa thèse de doctorat (soutenue en 1974) autour de la « corporation » (la grande entreprise cotée), pour élaborer le concept macroéconomique de fordisme, en l’associant aux principes du collective bargaining (la négociation collective syndicats/patrons) qui, après la deuxième guerre mondiale ont accompagné sa diffusion, enfin et plus généralement en montrant comment le keynésianisme a été du côté de l’État, tout à la fois l’accoucheur et le prolongement de ce régime d’accumulation nouveau, Michel Aglietta a jeté les bases de ce qui deviendra avec la théorie de la régulation, une théorie nouvelle du capitalisme.

    [La deuxième rupture.] L’opérateur de la mutation n’est pas à rechercher d’abord du côté du travail et de sa réorganisation mais plutôt du côté de ce nouvel acteur majeur qu’est le fonds de pension. Gonflé qu’il est de pouvoirs et de ressources grâce à la mutation intervenue aux États-Unis qui a transformé les retraites basées sur des fonds « à prestations définies » vers des fonds « à cotisations définies », le fonds de pension, libéré dans son mouvement par la déréglementation financière portée par le néolibéralisme triomphant, a changé la nature même du capitalisme. Exit le fordisme. Naissance d’un ensemble de régimes d’accumulation tirés par la finance.

    [Le troisième basculement.] Aglietta là encore fut l’un des tout premiers (et l’un de rares) parmi les théoriciens de la régulation à saisir l’importance et la portée du changement d’ère que signifiait l’entrée dans l’anthropocène. (...) Non seulement l’anthropocène est placée au centre de l’attention mais aussi d’emblée, prenant position sur un long débat sur ce sujet, les auteurs choisissent de désigner l’ère nouvelle sous son vrai nom. L’anthropocène est un capitalocène, est-il soutenu, en ce qu’il est le produit de rapports sociaux et de production qui se sont constitués autour de la relation capital/travail et qui ont donné naissance à ce mode de production historique bien particulier qui se nomme capitalisme.

    #capitalisme #fordisme #capitalisme_patrimonial #capitalocène

  • Tradwives Are the Harbinger of Systemic Breakdown - An interview with Kristen R. Ghodsee
    https://jacobin.com/2025/04/tradwives-hobbes-soviet-union-consumption

    ref. https://seenthis.net/messages/1112069 Eine Freundin wie ein Schmetterling

    27.4.2025 Interview by Meagan Day - Nostalgia for a bygone gender regime is more than a weird social media trend. It reflects larger system pressures — on elites facing technological disruption that might generate social unrest, and on ordinary women buckling under the weight of modern work.

    Women’s magazines, once replete with arcane rules for female submission, have evolved beyond recognition since the publication of Betty Friedan’s feminist classic The Feminine Mystique. Now twenty-first-century feminists look on with horror as self-styled “tradwives” fill their shoes with advice on marriage (“As traditional wives, we are called to honour and uplift our husbands, not tear them down”) and work (“There’s nothing wrong with getting a little job, maybe doing date-night babysitting”).

    Anthropologist Kristen Ghodsee sees the tradwife phenomenon as more than just a weird social media trend. Faddish nostalgia for a romanticized bygone gender regime reflects larger system pressures — both on elites, who are staring down major economic changes with the potential to generate mass unrest, and on ordinary women, who are eager to escape the grinding dual expectations of exploitative work and unsupported caregiving.

    Kristen Ghodsee is the author of Why Women Have Better Sex Under Socialism, Everyday Utopia, and many other books, and chairs the Russian and East European studies department at the University of Pennsylvania. Drawing on her research on the gendered dimensions of Eastern European socialism and the transition to capitalism, she spoke with Jacobin‘s Meagan Day about how traditional gender roles have been used to manage economic shocks, the social uses of patriarchal authority, and how women’s real dissatisfaction with poor working conditions (paid and unpaid) gets redirected from collective action toward individual opt-out fantasies that ultimately undermine their autonomy.

    Meagan Day

    Why is the tradwife phenomenon happening right now?

    Kristen R. Ghodsee

    I’ve been thinking about this from the perspective of an anthropologist and historian of Eastern Europe. I have two interrelated observations. First, in Thomas Hobbes’s 1651 Leviathan, which is a foundational text for Western civilization and a justification for the state, Hobbes argues that people won’t naturally obey the sovereign even though they need one. They must be trained into habits of obedience. He explains that people learn obedience from the paterfamilias — the father in the family and head of the household.

    Specifically, Hobbes based his theory upon the republican Roman ideal of patria potestas, where the father had unquestioned power over the life and death of his children and slaves. Traditional gender roles within the nuclear family prepare people to accept unquestioningly the leadership of the sovereign or dictator.

    So it’s not surprising that as we’re witnessing a global swing toward neo-dictatorship and right-wing strongman politics, we’re also seeing renewed emphasis on the traditional nuclear family led by a strong masculine father who trains people to be obedient. The tradwife phenomenon and the manosphere are two sides of the same coin, reflecting this shift toward authoritarian politics.

    My second observation relates to economic shocks. After the Berlin Wall fell in 1989, when the East German economy was dismantled through the privatization and liquidation of state-owned enterprises, unemployment reached around 40 percent by 1991. The solution? Push women back into the home. Officials reasoned that since women are naturally homemakers, it made sense to reduce unemployment rates by removing women from the workforce.

    In 1991, Bulgaria’s finance minister, Ivan Kostov, who later became prime minister, told the World Bank that “unemployment is a burning issue, reaching 10 percent this year. One solution could be to encourage women, 93 percent of whom are employed, to leave the workforce and return to their families, even if this means a temporary loss of purchasing power in the families.”

    This strategy has been used repeatedly. When there’s an economic shock — whether that’s introducing capitalism to formerly socialist societies or, in our current moment, the arrival of artificial intelligence (AI) — governments need to rapidly shrink the labor force without causing social unrest. Pushing women back into the home is one solution. There are historical precedents for this even in the United States, such as when women were brought into the workforce during World War II and then sent back into the home when the war ended.

    I don’t think Donald Trump is playing four-dimensional chess — people give him too much credit. But people like Elon Musk are certainly thinking about the disruptions AI will cause in the labor market. AI will soon eliminate many jobs. There is a pressing need to prevent high unemployment that could cause social chaos. Promoting traditional gender roles with separate spheres of work, paid labor and unpaid domestic labor, has the beautiful effect of shrinking the formal labor force when jobs are disappearing. It’s likely that some of the powerful people promoting traditional gender roles realize this.

    But there’s a contradiction: these same people are creating products that reduce the need for human labor while simultaneously saying we need more humans. In a recent Fox News interview, when asked what keeps him up at night, Musk said it was the falling birth rate. That’s his primary concern. This makes sense if you’re an oligarch, since two-thirds of the American economy is consumer spending. You’ll have a problem if there aren’t enough people to buy your products.

    Traditional gender roles have utility in tackling both problems, promoting the idea of women both leaving the workforce and having more children. Elites like Musk realize that reinforcing traditional gender roles incentivizes women to accept not having jobs and being economically dependent on partners, which is one way to ride out the coming exogenous shock to the system, as well as to have more babies, which is important to prevent cratering consumption.

    Meagan Day

    Is their idea that sending women into the home will reduce the workforce enough to raise wages for the remaining workers — men — thereby resurrecting the mythical single-income family?

    Kristen R. Ghodsee

    Yes, in theory, because a smaller workforce means upward wage pressure. But there are other effects, and that’s where the Hobbesian theory comes in. If you have a single patriarch with a family wage, it reinforces the traditional patriarchal nuclear family that produces obedience among women and children who depend on the father for material support.

    This creates a patriarchal family dynamic that trains people to be deferential to arbitrary authority, dampens dissent, and deteriorates women’s autonomy and ability to exit abusive situations. We don’t actually know for certain that sending women home would increase men’s wages, especially with such a profound shock like AI. But even if it did, the cultural problems would be unbearable from the perspective of women’s rights.

    Meagan Day

    We’ve talked about what’s happening in the minds of elites, but what about ordinary people? Why are average women consuming tradwife content?

    Kristen R. Ghodsee

    It’s not good, fun, or nice to be an American worker. Capitalism sucks. Many women in the workforce are not having a good time. They’re intrigued by alternatives, but there aren’t any on offer, so they’re looking to a romanticized past.

    It has a new face now, but it’s not entirely new. I remember when Trump was elected in 2016, there was a poll asking American women whether they wanted to be like Hillary Clinton or Melania Trump. Melania’s image — lounging by the pool in her bathing suit with big Gucci sunglasses — won out over the educated politician Hillary Clinton.

    This reflects a strain of misogyny in American culture that has never really gone away, which women themselves internalize. Girls grow up with Cinderella stories of various types — from the original Disney version to Pretty Woman — about being chosen and saved by a rich man from a life of brutal, horrible toil. These narratives are powerful.

    People want to be esteemed, and in capitalist society, esteem is indexed to wealth — wealth in money but also wealth in time. The tradwife content is wealth porn, but of a different type. It’s all predicated on the existence of a high-earning husband.

    Meagan Day

    Are you familiar with the “soft life” trend? It’s social media content mostly by and for Gen Z and Millennial women about living a “soft life” — don’t work so hard, don’t exert yourself, stop hustling, slow down, relax. It’s mostly highly aestheticized content about drinking green juice and engaging in self-care.

    It’s not as ideological as tradwife content, but it’s speaking to the same dissatisfaction with work. It’s attractive. But the reality is that a true “soft life” under capitalism requires a rich husband or rich parents. It’s not possible to live that way all the time without giving up some hard-earned independence and autonomy. Given the pressures of work in general, to say nothing of balancing work and family responsibilities, some women are genuinely wondering if that trade might be worth it.

    Kristen R. Ghodsee

    It’s sad, because there’s almost a nascent anti-capitalist impulse here being hijacked toward reactionary ends. The feeling of looking at the exploitative class relations of capitalism and going “I don’t want to participate in this anymore” could turn into collective organizing, but instead it turns into individual escape fantasies. The tradwife path seems easier and more socially acceptable than joining a political organization and fighting for justice.

    The truth is that the Left does have some good answers to the questions women are facing, like balancing work and family life, or even having children to begin with, if that’s what they want. The Right, on the contrary, does not really have good answers.

    There’s this misogynistic view that feminism has made women selfish, that they’re not doing what they naturally should — having babies — and are becoming “childless cat ladies” instead. But women are rational beings who look at the job market, the costs of raising children, the lack of state support, and all the trade-offs they’d have to make, and some of them choose not to have children.

    In Eastern Germany and Bulgaria under socialism, the state subsidized childcare. There were child allowances, paid job-protected parental leave, and other pro-family policies. That was a system that supported women to work and have children if they wanted to, and most did both. More importantly, when surveyed, most women reported that they wanted to do both.

    When those enterprises were privatized with the introduction of capitalism, those resources disappeared. Officials tried to push women into the home, thinking, “Instead of the state paying for these services, women will do it for free because that’s what women are supposed to do.” They genuinely believed, as the American right does today, that most women would be happier at home with their kids, doing yoga, watching soap operas, making sourdough, or milking cows. They thought, “We’ll send women home to do work we were otherwise paying for, they’ll have more babies, and everyone will be happier.”

    But the evidence contradicts this. Bulgaria, according to the United Nations, is the fastest-shrinking country in the world due to outmigration and very low birth rates, and this has happened since the introduction of capitalism. We see similar patterns in South Korea and Japan. Once women have economic independence and can make decisions about their lives, having a child means losing that autonomy unless there’s massive state support. Historical evidence suggests that pushing women home without investments like these will reduce birth rates, not raise them.

    Meagan Day

    The Right’s ideas may not be functional, but they are still attractive to people desperate to imagine an alternative to the unsustainable present situation. How can we convince women who want an escape from the pressures of work under capitalism to look toward a progressive future rather than a reactionary past?

    Kristen R. Ghodsee

    There’s a beautiful essay by Nadezhda Krupskaya from around 1899 called “The Woman Worker” about what to do with Russian peasant women who were largely illiterate and politically unaware. She argues that women only become politicized by attending political events — you have to get people together, and when a woman feels the strength of her comrades, she suddenly understands her power. The more she attends, the more radicalized she becomes.

    Liberal feminists are shortsighted when they think you can talk people into seeing that the world could be different. We need to understand that what people need most after the basics — like water, shelter, food, health care, and education — is esteem. They need to feel part of a community that loves, admires, and appreciates them. The experience of being part of that community can transform consciousness very rapidly. It’s the antidote to scrolling on social media in isolation and falling down a tradwife rabbit hole.

    This has to start on the ground — organizing meetings where people can talk and get to know one another, or even just going out for drinks and discussing politics and their lives. We have to be creative. The point is to construct a container for women to connect their personal struggles to the broader system. Because if we don’t, the Right will take advantage of women’s dissatisfaction to promote its agenda, which is what we’re seeing today.

    #femmee #capitalisme #travail

  • Docilités numériques
    https://framablog.org/2025/04/29/docilites-numeriques

    L’illusion du progrès numérique masque une réalité brutale : celle d’un monde où chaque geste alimente des systèmes de contrôle, de surveillance et d’exploitation. Ce n’est pas seulement l’intelligence artificielle, mais tout un modèle technologique, celui des plateformes, de la capture … Lire la suite­­

    #Enjeux_du_numérique #Intelligence_Artificielle #Libertés_numériques #Mouvement_libriste #Capitalisme #capitalisme_de_surveillance #Christophe_Masutti #Intelligence_artificielle

  • Puissance et déclin : la fragile synthèse trumpienne - Jacques Wajnsztejn, Temps critiques
    https://www.tempscritiques.net/spip.php?article553

    Trump ne voit pas si loin ; pour lui qui pense en termes malthusiens, le protectionnisme ciblé est une façon d’assurer la position de « gagnant ». Toutefois et même de ce point de vue là, ses mesures protectionnistes sont paradoxales puisqu’elles s’appliqueraient dans le pays le moins globalisé du monde où les importations de biens et de services ne représentent que 14 % du PIB contre 18 % pour la Chine, 22 pour l’UE. De même pour les exportations ; 11 % pour les États-Unis, contre 20 et 23 (source : Les Échos, le 11 mars 2025). Donc une portée limitée, sauf pour les secteurs industriels en déclin, par exemple l’automobile très dépendante des importations mexicaines et canadiennes.

    Des tentatives de modélisation

    Même si comme Arnault Orain dans son livre Le Monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIe-XXIe siècle), (Flammarion, 2025), certains essaient en référence à Braudel, de faire de l’histoire de longue durée, la plupart d’entre eux optent pour une solution de facilité qui est de fixer une forme actuelle et de l’éterniser pour ne pas dire l’essentialiser, en en faisant la forme préférentielle du capital ou sa tendance permanente, alors justement que le #capital n’a pas de forme préférentielle.

    Capitalisme de la finitude (Orain), capitalisme de la prédation (Da Empoli), capitalisme cannibale (Nancy Fraser), capitalisme de l’apocalypse (Quinn Slobodian), capitalisme oligarchique enfin pour d’autres. Toutes ces simplifications qui veulent faire modèle ou système sont tout à la fois immédiatistes, anti-dialectiques et nominalistes, puisqu’elles créent leur propre imagerie du capital au lieu de chercher une synthèse comme quand, sur la fin de sa vie Marx reconnut finalement que le capitalisme faisait système et qu’il se mit à employer le vocable de « système capitaliste ». Sur cette base Marx reconnaissait l’existence de contre tendances et des contradictions dans le déroulé déterminé des processus.

    Au lieu de cela, on a droit ici à des interprétations qui, à partir d’un fait ou d’une vérité partielle, pensent dégager une théorie générale originale. Tous ces auteurs essaient de trouver un nom au capitalisme actuel comme s’il s’agissait de le fixer dans une forme particulière le distinguant des précédentes, alors que l’une de ses caractéristiques est justement de n’être pas réductible à des formes. On avait déjà eu ce procédé avec sa qualification de néo-libéral, mais cela restait une critique d’ordre économique se voulant synthétique et objective ; et sur laquelle se réalisait un consensus autour d’une notion vague pour ne pas dire une vague notion. Là, les nouvelles qualifications sont empreintes de critique morale à prétention spectaculaire ou même performative. C’est comme si chacun tirait un fil d’une pelote de ficelle et faisait défiler le tout à partir de cette amorce sans aucun effort de synthèse. Mais au-delà de leur particularité, ce qui les réunit, c’est leur subjectivisme décliniste implicite ou explicite qui a remplacé l’objectivisme marxiste de la crise.

    L’avantage de notre concept de révolution du capital, c’est qu’il analyse ce dernier dans son mouvement et non comme un état. Au moins André Gorz, en bon dialecticien, déduisait-il de son analyse du retour du #capitalisme vers des formes de servitudes salariées ou non, que le capitalisme ne dépassait rien puisqu’il recyclait de l’ancien qu’il faisait coexister avec le nouveau. Varoufákis s’y essaie pourtant avec son « techno-féodalisme », mais c’est pour en faire dogmatiquement une caractéristique dominante et un processus quasi irréversible, à combattre ou à subir.

    #révolution_du_capital

    • Je ne comprends pas tout, mais je retiens « le capital n’a pas de forme préférentielle. » Un énoncé dont la concision est, pour moi, particulièrement éclairante.

  • Le fondateur du WEF Klaus Schwab visé par une enquête interne RTS

    Le Wall Street Journal a révélé mercredi qu’une lettre anonyme a été adressée la semaine passée au conseil d’administration de la prestigieuse institution, mettant en cause klaus schwab et son épouse hilde qui auraient « mélangé leurs affaires personnelles avec les ressources du Forum, sans surveillance appropriée ».

    Un porte-parole du fondateur, interrogé par le quotidien, a démenti toutes ces accusations.
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    Cette lettre anonyme, qui émane d’anciens et actuels employés, selon le quotidien américain, a poussé le conseil d’administration à se réunir dans l’urgence « le dimanche de Pâques », klaus schwab ayant « opté pour une démission immédiate » de son rôle de président du Conseil d’administration, « plutôt que de rester pour une période de transition prolongée comme prévu auparavant », ajoute le Wall Street Journal, qui s’appuie sur des sources informées sans les nommer.

    La lettre inclut entre autres des accusations selon lesquelles klaus schwab, le fondateur de ce forum qui organise chaque année un sommet pour les élites politiques et économiques dans la luxueuse station de ski suisse de davos, aurait demandé à de jeunes employés de retirer pour lui « des milliers de dollars » dans des distributeurs de billets et utilisé des fonds de l’organisation pour régler des massages lors de séjours à l’hôtel.


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    Les dépenses facturées pour des massages lorsqu’il était en voyage ont toujours été remboursées, a-t-il précisé, klaus schwab réfutant également les accusations contre lui et son épouse concernant les voyages luxueux et retraits d’argent.

    Source : https://www.rts.ch/info/economie/2025/article/klaus-schwab-fondateur-du-wef-vise-par-une-enquete-apres-sa-demission-28861986.h
    #massage #prostitution #chute #klaus_schwab #wef #capitalisme #politique #violence #racisme #discriminations #davos #globalisation_4.0 #actualités_internationales #Grande_Réinitialisation #Réinitialisation #crise #économie #économie_mondiale

  • #Capitalisme et État : Connaître pour subvertir !
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2025/04/22/capitalisme-et-etat-connaitre-pour-subvertir

    – fondements d’une stratégie communaliste. Avant de penser stratégie, encore faut-il savoir ce que l’on combat. Cette première partie propose une lecture critique des structures qui nous dominent — le capitalisme et l’État — pour mieux en comprendre les logiques, les mutations, et les impasses. Car c’est à partir d’un diagnostic lucide que peut naître […] L’article Capitalisme et État : Connaître pour subvertir ! est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et #Communalisme.

    #Prémices_à_l'autonomie_et_au_communalisme #Critique_du_capitalisme_et_de_l'Etat #Etat #Projet_de_société

  • Klaus Schwab, président du WEF, annonce sa démission immédiate RTS

    Selon un communiqué du WEF publié lundi, Klaus Schwab a informé le conseil d’administration de sa démission lors d’une réunion extraordinaire le dimanche de Pâques. Le choix du chef intérimaire Peter Brabeck-Letmathe, ancien président du conseil d’administration de Nestlé, s’est fait à l’unanimité. Le conseil de fondation a mis en place un comité de recherche pour trouver un successeur durable.

    Il y a un an, en mai, Klaus Schwab avait déjà annoncé son intention de quitter son poste de directeur et de passer à la présidence du conseil de fondation. Il se retire maintenant de cette même fonction.

    Le wef Fondé avec l’argent de ses parents

    Le professeur d’économie allemand Klaus Schwab, né à Ravensburg dans le sud de l’Allemagne, fils d’un directeur d’usine suisse, a créé le Forum économique mondial en 1971 avec l’argent de ses parents, ses économies de manager et un crédit. Le Forum, avec sa réunion annuelle à Davos, est devenu l’une des rencontres les plus importantes pour les politiciens de haut niveau, les grands managers, les scientifiques et les représentants de la société civile du monde entier.

    Le siège du WEF se trouve à Genève. Il emploie 600 personnes dans le monde entier, à Genève, New York, Pékin et Tokyo.
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    Source et suite : https://www.rts.ch/info/economie/2025/article/klaus-schwab-quitte-la-presidence-du-wef-peter-brabeck-letmathe-interimaire-2886

    #klaus_schwab #wef #capitalisme #politique #violence #racisme #discriminations #davos #globalisation_4.0 #actualités_internationales #Grande_Réinitialisation #Réinitialisation #crise #économie #économie_mondiale

  • Le capitalisme à marche forcée
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2025/04/18/le-capitalisme-a-marche-forcee

    Le texte qui suit sur « Le captalisme à marche forcée » suite de « La nécessité impérative de sortir du capitalisme » est un résumé de l’un des #Ateliers d’une longue série organisée par Chusma Selecta et Floréal Roméro pour mieux comprendre notre monde : la série complète s’intitule « Le royaume de l’argent ». […] L’article Le capitalisme à marche forcée est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et #Communalisme.

    #Évènements #Critique_du_capitalisme_et_de_l'Etat #Floréal_Romero #La_Chusma_selecta

  • En pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Chine dévoile les dessous du luxe mondial sur les réseaux sociaux - RTBF Actus
    https://www.rtbf.be/article/en-pleine-guerre-commerciale-avec-les-etats-unis-la-chine-devoile-les-dessous-d


    C’est pareil partout : le gros de la bouffe industrielle est fabriqué par les même PME sous-traitantes qui sortent les mêmes plats des mêmes chaines et changent juste l’étiquette en bout de chaine selon les commandes. En gros, gamme « éco » ou marque, c’est le même rata dans la boite, y a que l’écrin (et le prix) qui change.
    Le #capitalisme industrialise le #mensonge.

    Certaines vidéos montrent même que les « dupes » (imitations) et les produits officiels partagent parfois la même chaîne de fabrication, les mêmes matériaux et la même main-d’œuvre. La différence ? Un logo, un code-barres, et un passage par l’Europe pour la touche finale.

  • Weil ein DDR-Stempel fehlt : Rentnerin aus Marzahn verliert nach 50 Jahren ihr Zuhause
    https://www.berliner-zeitung.de/mensch-metropole/zwangsversteigerung-li.2315820

    Les nantis continuont leur campagne contre la propriété des citoyens de l’état socialiste allemand. A cause d’un vice de procédure en #RDA pendants l’achat de sa maison il.y a cinquante ans une vendeuse à la retraite perd sa maison qui sera mise aux enchères au profit des descendants des proproétaires du terrain à l’époque nazie.

    14.4.2025 von Carola Tunk - Das Grundstück der Marzahnerin Kornelia Rienecker wird zwangsversteigert. Der Grund klingt absurd und hat mit einem fehlenden Stempel aus DDR-Zeiten zu tun.

    Um den Papierkram hat sich immer ihr Mann gekümmert. Und genau das wird Kornelia Rienecker aus Berlin-Marzahn nun zum Verhängnis, denn das Grundstück, auf dem ihr Häuschen steht, wird zwangsversteigert. Nun liegen ihre Nerven blank. Und all das nur, weil ein kleiner Stempel aus DDR-Zeiten unter einem Dokument fehlt, um das sich ihr verstorbener Mann nicht richtig gekümmert hat.

    Kornelia Rienecker hebt ihre Dokumente stets in Klarsichtfolien auf – und legt sie dann in den Schrank. Abheften ist ihre Sache eher nicht. Sie ist gelernte Verkäuferin, hat später aber in der Altenpflege gearbeitet. Ihr Mann war Koch. Ganz normale Leute, keine Papiertiger.

    Den Kaufvertrag für ihr Haus aus dem Jahr 1974 hat Kornelia Rienecker noch, genauso wie die dafür nötige Verzichtserklärung der Tochter des Vorbesitzers. Allerdings fehlt auf dem Dokument der Stempel eines Notars. Sie sagt, erst habe sich ihr Mann zwar noch um den Stempel bemüht, doch als es nicht sofort klappte, habe er es gut sein lassen.

    Bürokratie hat keine so große Rolle gespielt

    Sich in der DDR polizeilich umzumelden, sei kein Problem gewesen. „Wir sind zur Polizei, haben uns angemeldet.“ Damit war die Sache für sie erledigt. All das Bürokratische hat damals keine so große Rolle gespielt. Sie habe trotzdem über die Jahre hinweg immer Grundsteuer gezahlt.

    Nach dem Ende der DDR habe sie dann zu ihrem Mann gesagt: „Pass mal auf, wir müssen jetzt was tun, wir müssen ja unsere Tochter irgendwie absichern.“ Doch mit diesem Entschluss nahm das Unglück seinen Lauf. Sie hat sich bei den Behörden gemeldet. Die Idee war, dass die Tochter ins Grundbuch eintragen wird. Da wurde klar: Es gab gar keinen Grundbucheintrag auf ihre Familie. Anschließend suchten die Gerichte nach den Erben der Vorbesitzer – sie wurden gefunden. Am Ende verlangten die Erben viel Geld für das Grundstück. Eine erste Zwangsversteigerung 2023 scheiterte, weil zu wenig Geld geboten wurde – die Erben wollen mehr. Ein Nachkomme verlange gar eine Million Euro. Für Kornelia Rienecker unvorstellbar.

    Die 70-Jährige scheint sich nun für ihr früheres Ich zu schämen, dafür, dass sie sich nicht um die Buchhaltung gekümmert hat: „Wenn da ein Älterer ist, der dir alles aus der Hand nimmt, wie willst du das denn lernen?“ Es bricht aus ihr heraus: Sie sei erst richtig selbstständig geworden, als ihr Mann vor ein paar Jahren schwer erkrankt sei. Die Tränen laufen über ihr Gesicht. „Ich kann nicht mehr.“

    Anfangs sei sie noch sauer auf ihren Mann gewesen, inzwischen nicht mehr. Das sei alles so „larifari“ gewesen. „Aber so war er auch, so war sein Charakter“, sagt die Frau. Der Mann ist seit acht Jahren tot, ihre Tochter seit zwei. Doch es gibt kein Zurück. Nun sucht sie eine Wohnung, denn aus ihrem Häuschen, in dem sie seit einem halben Jahrhundert lebt, muss sie raus. Am 12. Mai soll die zweite Zwangsversteigerung stattfinden.

    Der Wunsch der Enkeltochter

    „Ich werde jetzt Uroma im Juli, und meine Enkeltochter hat schon gesagt: Ach Oma, es wäre so schön, wenn das Baby hier auch groß werden könnte, so wie ich“, sagt Kornelia Rienecker, doch Hoffnung hat sie kaum.

    Garten und Haus sind liebevoll dekoriert, an den Wänden hängen Bilder von Rieneckers Liebsten, auf den Möbeln stehen Porzellanhäschen und Eierlikör-Naschereien bereit. Draußen befindet sich ein Swimmingpool, der nicht mehr genutzt wird. Auf dem etwa 1300 Quadratmeter großen Grundstück verkaufte das Ehepaar früher außerdem frisch gezapftes Bier und heiße Bockwurst an die Nachbarschaft.

    Die Anwaltskosten, die sie bereits hat zahlen müssen, gehen in die Tausende. Heute sagt Kornelia Rienecker, das Geld hätte sie lieber für Reisen ausgegeben sollen. Sie habe nun einen neuen Lebenskameraden, eine Stütze. Doch auch sie selbst hat aus der Situation gelernt: „Ich bin jetzt ein bisschen genauer mit den Sachen.“

    #DDR #contre-révolution #capitalisme

  • Elon Musk Reportedly Doing Something Horrid to Power His AI Data Center
    https://futurism.com/elon-musk-memphis-illegal-generators

    En Allemagne comme aux Étsts Unis les entreprises de Musk consomment d’énormes ressources naturelles et polluent l’environnement sans égard des règles légales et des conséquemces pour les populations locales.

    11.4.2025 by Joe Wilkins - It’s no secret that Elon Musk’s wealth is staggering. At the time of writing, he’s worth over $325 billion. To give that number a sense of scale, that’s $62 billion more than the total annual salary of every worker in Michigan combined — all 4.3 million of them.

    So why is he powering his data centers with rinky-dink portable generators?

    New aerial surveillance footage obtained by the Southern Environmental Law Center has found that Musk’s artificial intelligence company, xAI, is using 35 methane gas generators to power its “Colossus” supercomputer facility, the backbone of its flagship Grok. That’s 20 more generators than the 15 xAI filed permits for, and 35 more than it was approved to use.

    The data center, nestled in historic south Memphis, came online last September, despite protests from community leaders. AI data centers are notoriously loud, and hog water and electricity like a mid-sized American city. Case in point, the local utility company, Memphis Light, Gas and Water (MLGW) estimates the Memphis facility will soon be sucking up one million gallons of water per day, as well as 150 megawatts of power, once it reaches its full power.

    Though the MLGW says it’s “executed four standard electric service agreements, one water service, and one gas service agreement” with xAI — totaling 50 megawatts of power — Musk says the facility needs much more due to rapid power fluctuations in his system of 10 to 20 megawatts at a time.

    But getting approval for that kind of power is a slow and cautious process, according to Bloomberg, as rapid data center construction runs up against the limits of what civilian power grids can provide. Never one to wait for approval, Musk has chosen instead to exploit a loophole in local regulations, which seemingly allow him to park a fleet of toxic methane generators outside his facility as long as they don’t sit in the same location for 364 days.

    Local residents, meanwhile, are left to deal with the toxic fallout. One report by ProPublica found that the cancer rate in this area of Memphis is four times higher than the national average. The low, flat land here has historically been used as an out-of-site locale for megacorporations to plant industrial facilities, resulting in waves of health crises as toxins like ethylene oxide and arsenic pollute the nearby ground, water, and air.

    Generators like xAI’s emit huge amounts of nitrogen dioxide, a highly reactive gas which causes irreversible respiratory damage over time. And that’s before you consider its effects on the ozone layer, or its contribution to acid rain, smog, and nutrient pollution in local soil and waterways. With 35 generators now chugging along, that’s a whole chorus of turbines spewing the toxic gas into low-income, minority-led communities 24/7.

    With the city urging residents to grin and bear it, and the EPA staying silent since October, the burden is falling on the communities affected to stand up to Musk’s move-fast-and-spew-gas AI strategy.

    “Nobody else should be burying their families because these rogue, rich, white, racist people continue to build projects that are suffocating us,” KeShaun Pearson, a local resident and director of the Memphis Community Against Pollution told The Guardian. “This is all preventable.”

    #USA #pollution #imtelligence_artificielle #capitalisme