• Un capitalisme de paria : le bidonville de Dharavi, à Bombay | Mediapart

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    L’activité économique des habitants du bidonville de Dharavi, à Bombay, relève exactement (et à la lettre) de ce « capitalisme de paria » analysé par Peraldi :

    La vieille femme est assise à même le sol poussiéreux. Devant elle, une douzaine de crabes gris et un panier de crevettes roses. Les crustacés sont constellés de mouches. Le soleil est à son zénith et le mercure dépasse les 35 degrés. L’odeur qui s’en dégage concurrence celle de la rigole d’eau croupissante remplie d’ordures et d’excréments qui serpente sur sa droite. Elle sourit doucement quand on lui demande si sa marchandise se vend bien et hausse les épaules avec l’air de dire : « Comme tous les jours, ni plus qu’hier, ni moins que demain. »
    Cette vieille femme n’est même pas pêcheuse. Tous les matins, elle se rend en transports en commun au port de Bombay, achète quelques poissons ou crustacés auprès des bateaux qui reviennent du large, et retourne chez elle, à Dharavi, quinze kilomètres plus au nord, pour vendre ces produits de la mer à ses voisins de quartier avec une petite marge. Alors, si elle est là, jour après jour, semaine après semaine, c’est que les affaires ne marchent pas si mal. En tout cas suffisamment pour lui permettre de survivre.
    À une époque, elle avait dû faire appel à une association de micro-crédit pour pouvoir emprunter l’argent nécessaire à l’achat de sa marchandise. 60 euros remboursables sur 21 semaines. Aujourd’hui, elle n’en a plus besoin et ses ventes de la journée lui permettent d’acheter les produits du lendemain matin. À son échelle, c’est une petite victoire. (...)
    Dans un pays où il n’existe aucune forme de filet de sécurité sociale, nul n’est inactif. Car il s’agit chaque jour de gagner de quoi survivre jusqu’au jour suivant. Comme le reste de l’Inde, Dharavi est une ruche bourdonnante de petits métiers où le commerce est roi. Tout le monde ou presque s’insère dans une chaîne de vente et de revente à faible marge. Comme la marchande de poisson, les vendeuses de légumes achètent au marché de gros et revendent dans la rue ; les cordonniers se procurent du cuir et confectionnent des sandales ; une femme acquiert des Tupperware et les écoule depuis sa maison de 18 m2 sur deux étages ; une autre fait la même chose avec des saris qu’elle va chercher en bus au Rajasthan, à 700 kilomètres, et qu’elle propose à ses voisines qui viennent essayer les tissus dans sa pièce unique de 10 m2 où elle vit avec son mari et ses deux filles…

    Sur le « capitalisme de paria » : http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2011/ue/484

    #capitalisme_de_paria