• Rest isn’t always resistance - Front Rose
    https://frontrose.gay/beaucoup-de-paillettes-peu-de-flammes-rest-isnt-always-resistance

    Ce texte a été écrit aux lendemains de Brûlances, pour approfondir des réflexions nourries par des interventions entendues – surtout concernant la question du « rest is resistance ». Se donner des espaces pour rêver d’alternatives et des possibles ; reprendre contact avec notre corps et investir les aspects oubliés de nos existences, redécouvrir à quel point ils sont empowering ; développer des pratiques de care qui participent d’un déjà-là, dans une logique préfigurative : tout ceci fait partie d’un ensemble de pratiques essentielles dans un projet politique révolutionnaire, particulièrement dans une organisation qui cherche à en faire un projet de vie plutôt qu’un loisir, mais aussi dans une organisation qui cherche à sortir de l’urgence, soit à agir selon ses propres règles et non toujours de façon réactive – à devenir militante plutôt qu’activiste. Or, ces dernières années, le langage populaire de la guérison, du somatique et de l’« auto-soin radical » a vidé de son sens l’expression « Rest is Resistance » (« le repos est une résistance »). Répété à l’infini dans les médias sociaux, les espaces de bien-être et même les cadres institutionnels de l’IED, ce slogan est désormais très éloigné de ses racines dans la lutte radicale des Noir·es. Autrefois utilisé comme stratégie de survie collective et de persistance face à des systèmes violents, il a été réduit à un mantra dépolitisé et individualiste, coupé de son contexte et utilisé comme une arme retournée contre les communautés mêmes qu’il était censé servir. Pour lutter contre cette dérive, nous devons replacer l’expression dans le contexte politique qui l’a vu naître : la Tradition Radicale Noire. Cette pensée et résistance insurgées considèrent les soins non pas comme une retraite, mais comme un élément de l’infrastructure de la lutte.

    #rest_is_resistance #care #soin #lutte #audre_lorde #black_marxism #repos

  • se doute que chacun·e doit penser cela de son propre usage des réseaux asociaux, mais pour sa part elle estime qu’en dépit de son temps de connexion considérable elle ne doomscrolle pas beaucoup — et ne joyscrolle pas davantage pour la bonne raison qu’elle ne scrolle tout court que très peu voire pas du tout. Son utilisation de Facebook s’apparente plus à celle d’un blog ou d’un journal extime qu’à celle d’un réseau. Elle ne souffre d’aucune velléité de sociabilité et si elle veut « s’informer » elle va ailleurs.

    Oh, bien sûr, une fois de temps en temps il lui arrive de faire mollement défiler la page d’accueil mais cela ne dure guère : trop de racolage, trop de vulgarité, trop d’images moches, trop d’indécence, trop de droite, trop de bourgeoisie, trop de cucuteries, trop de bling-bling, trop de bêtise à l’état brut et surtout surtout surtout trop de fautes d’orthographe et/ou d’orthotypographie — Sapiens Sapiens, quoi. C’est rédhibitoire au point que généralement après avoir vu passer dix ou quinze publications elle en a marre et jette l’éponge. Pareil pour les liens : elle ne clique que très rarement dessus, quand elle soupçonne que l’un d’eux traite d’un sujet qui pourrait l’intéresser elle préfère recopier l’intitulé en toutes lettres sur Google® ou DuckDuckGo®, persuadée (peut-être à tort) que la multiplicité des occurrences trouvées par le moteur de recherche lui offrira une vue à la fois moins partisane, plus globale et plus nuancée — impartialité, précision et gradation étant les trois mamelles des dictateuses de sa trempe, tout le monde l’aura remarqué.

    Non, elle est davantage émettrice que réceptrice alors très vite elle se replie sur la « bulle » de son propre flux pour y dazibaoter comme une dératée et réalise la chance qu’elle a de pouvoir y retrouver un Lectorat exclusivement composé d’esthètes et d’érudit·e·s : pour atteindre ce résultat il a certes fallu envoyer pas mal d’égaré·e·s casser des cailloux en Sibérie (elle a le désabonnement manu militari et le blocage faciles) mais force est de constater que la méthode a fonctionné et qu’un aréopage de cette qualité ne se trouve nulle part ailleurs sur Internet.

    Ça tient du miracle ; que toustes celleux qui ont résisté aux purges de la Dictatature du punkàchiennariat en soit remercié·e·s.

    #MamieMégalo.
    #CaresserLeLectoratDansLeSensDuPoil.

  • Virginia Eubanks : « L’aide sociale est passée du care au data processing » - AOC media
    https://aoc.media/entretien/2025/05/02/virginia-eubanks-laide-sociale-est-passee-du-care-au-data-processing/?loggedin=true

    Automating inequality documente la manière dont les technologies numériques participent à exclure les pauvres du système de protection sociale américain. En France, algorithmes de la CAF, de la CNAM ou de France Travail sont accusés de discriminer les plus précaires. Quel est le rôle des technologies dans les transformations des institutions des protection sociale ?
    On conçoit souvent les technologies administratives comme de simples extensions de l’appareil bureaucratique de l’État, qui rendraient le travail plus rapide et plus efficace, alors que ce sont des technologies fondamentalement politiques. J’ai commencé à m’y intéresser lorsque je travaillais comme activiste pour l’accès aux droits dans les années 1990. Je m’occupais d’un technology lab dans un quartier populaire à côté de Stanford ; il a été démoli pour laisser la place à l’expansion de la Silicon Valley. Rapidement, je me suis rendue compte que la « fracture numérique », l’idée que les problèmes induits par la numérisation dépendraient de l’accès inégal aux équipements, ne rendait pas compte du lien plus profond entre technologies numériques et inégalités.
    J’ai été extrêmement surprise lorsque j’ai commencé à étudier dans les années 2000 les changements dans les systèmes d’assistance publique. Je me doutais que la numérisation n’était pas une simple amélioration technique : les science and technology studies (STS) nous enseignent que les technologies sont toujours des manières de résoudre des problèmes politiques. Je pensais par exemple que le premier système de gestion automatisée dans l’État social remonterait à 1996 avec le Personal Responsibility Act, qui inscrit en droit la nécessité d’automatiser le plus possible la gestion des aides sociales. Mais le système existait déjà : l’État de New York l’avait mis en place entre 1968 et 1969, ce qui est un bon indice quant à ses motivations.
    La fin des années 1960 aux États-Unis coïncide avec l’émergence d’un mouvement social massif autour de l’accès aux droits, à l’œuvre principalement de femmes noires ou afro-américaines, souvent des mères seules, ces femmes que des règles discriminatoires ont longtemps privées de leurs droits. Le mouvement a accru l’accès aux droits de manière vertigineuse : on passe de 3,2 millions de bénéficiaires des allocations familiales en 1961 à près de 10 millions en 1971. Et c’est là que la technologie entre en jeu. Le « problème » à résoudre par l’automatisation n’était autre que celui de l’égalité. Ce « problème », c’est que des personnes accédaient à leurs droits. Et au moment de la récession de 1973, les systèmes de gestion automatisée ont permis de faire le tri parmi les bénéficiaires sans avoir à revenir formellement sur les politiques sociales. Le mouvement pour l’accès au droit avait obtenu beaucoup de succès parmi les assistant.es social.es. À Brooklyn en 1968, 8000 travailleur·ses sociaux·ales s’étaient mis en grève pour obtenir de meilleurs droits pour leurs « clients ». La technologie a permis de contraindre leur pouvoir et surtout de démanteler cette dangereuse alliance entre assistant·es sociales et bénéficiaires.

    Du point de vue politique, les technologies informatiques offrent alors un vernis d’objectivité et de neutralité. Elles camouflent les changements de politiques publiques en les désignant comme de simples améliorations technologiques du système informatique et leur confèrent une légitimité technique. Cela permet souvent d’occulter les dysfonctionnements et empêche les allocataires de contester les décisions des travailleur·ses sociaux·ales, ainsi que les décisions automatisées de l’agence.

    Ce qui a le plus changé, c’est la façon dont on conçoit le travail social et l’aide sociale. On est passés d’un modèle basé, même si de manière imparfaite, sur le care (le soin, l’accompagnement, l’attention aux personnes) à un modèle de data processing (le traitement d’informations). Les nouvelles générations de travailleurs sociaux ne comprennent même plus leur travail comme un travail de relation humaine, mais seulement comme une tâche administrative, un traitement automatisé de cas. Et les nouveaux outils facilitent cette transformation du travail social.

    #Care #Travail_social #Numérisation

  • #Accueil des migrants : l’État condamné à verser près d’un million d’euros à une communauté d’agglomération basque

    L’État français a été condamné à rembourser la communauté d’agglomération Pays basque pour « #carence » dans l’accueil de migrants #sans_abri, assuré par cette collectivité alors qu’il incombe aux services de l’État, selon une décision rendue hier. Un « effet de contagion » de cette #jurisprudence est attendu.

    Dans son arrêt, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé les obligations de l’État en matière d’#hébergement_d'urgence de « toute personne sans abri et en détresse », à l’exception de certains cas comme les femmes enceintes et les mères isolées, prises en charge par les départements.

    Suivant l’avis du rapporteur public, la cour a constaté une carence « avérée et prolongée » de l’État en raison de « l’3insuffisance du dispositif d’hébergement d’urgence mis en place dans le département des Pyrénées-Atlantiques, lequel comptait moins de 300 places d’accueil en 2019 » malgré un afflux de 9 000 personnes migrantes sans abri au cours de l’été 2018.
    Jurisprudence

    « Les personnes migrantes, peu importe leur situation, sont des êtres humains et doivent être accueillies », a réagi auprès de l’AFP Me Pierre Cambot, avocat de l’agglomération.

    Cette décision « impose à l’État de respecter sa propre compétence, à savoir l’hébergement d’urgence », a-t-il ajouté, disant s’attendre à un « effet de contagion » de cette jurisprudence à d’autres territoires et collectivités confrontés au même problème. « On pourra se prévaloir de cet #arrêt pour obtenir gain de cause ailleurs », juge-t-il.

    Un collectif d’associations a d’ailleurs annoncé jeudi le dépôt devant le tribunal administratif de Paris de deux recours contre l’Etat pour « #carences » dans la lutte contre le #mal-logement, dont l’un concerne l’hébergement d’urgence.

    Pour accueillir ces populations très précaires transitant depuis l’Espagne, la communauté d’agglomération Pays basque (320 000 habitants), avait notamment créé un centre baptisé « Pausa », qu’elle finançait intégralement à hauteur de 900 000 euros annuels.

    Cette structure, située à Bayonne, a accueilli plusieurs dizaines de milliers de personnes depuis 2019, pendant une durée moyenne de trois jours.

    Pour la cour administrative d’appel, « la communauté d’agglomération Pays basque était fondée à prendre en charge, à titre supplétif, des prestations d’accueil des migrants sans abri transitant en nombre sur son territoire (...) et à demander à l’État le remboursement des sommes correspondantes ».

    L’arrêt condamne l’État à verser 836 740 euros à la communauté d’agglomération, plus les intérêts. En octobre 2022, le tribunal administratif de Pau avait rejeté en première instance la requête de cette collectivité locale.

    https://www.maire-info.com/accueil-des-migrants-l'%EF%BF%BDtat-condamne-%EF%BF%BD-verser-pres-d'un-
    #France #condamnation #migrations #asile #réfugiés #hébergement #Etat #justice

    ping @karine4

  • Neomaggiorenni e il diritto di diventare #adulti senza essere lasciati soli
    https://scomodo.org/neomaggiorenni-e-il-diritto-di-diventare-adulti-senza-essere-lasciati-soli

    In #italia il diciottesimo compleanno determina l’ingresso nel mondo degli adulti, almeno dal punto di vista anagrafico e giuridico ma per migliaia di ragazzi e ragazze cresciuti lontano dalle proprie famiglie di origine, il compimento della maggiore età rappresenta un salto in un vuoto legislativo. L’articolo Neomaggiorenni e il diritto di diventare adulti senza essere lasciati soli proviene da Scomodo.

    #Marginalità #Asilo_Savoia #care_leavers #diciotto_anni #legge

  • La #révolution agroécologique. Nourrir tous les humains sans détruire la planète

    Mûrs pour la révolution agroécologique ? Les échecs de la #révolution_verte des années 1960 et les dysfonctionnements du #système_alimentaire_mondial actuel ne sont plus à démontrer : épuisement des #sols, érosion de la #biodiversité, problèmes de #santé liés aux #pesticides, #carences_alimentaires chez des millions de personnes, sans compter l’#endettement des #paysans, la #privatisation du vivant et la domination des géants de l’#agrobusiness sur les #semences et les réseaux de #distribution_alimentaire… Il est temps de conjuguer #agriculture et #écologie !

    Fort de son parcours d’enseignant et de chercheur en agriculture, #Alain_Olivier nous guide dans cet ensemble de principes scientifiques et de #pratiques_agricoles qu’est l’agroécologie. Il est important de miser sur une gestion appropriée des sols, sur le recyclage de la #biomasse végétale et animale, sur la protection de l’#eau et des #écosystèmes. #Rotations, associations des cultures et #agroforesterie devraient être la norme, tout en intégrant l’#élevage de façon raisonnée. Puisque l’agroécologie valorise le #terroir, le savoir paysan et le rôle des #femmes, il est également crucial que ceux et celles qui nous nourrissent aient #accès_à_la_terre et aux semences.

    À l’ère des #changements_climatiques, les processus écologiques, la #justice_sociale et la #souveraineté_alimentaire doivent se trouver au cœur du fonctionnement des agroécosystèmes ainsi que du #système_alimentaire en général. Vaste #mouvement_social qui cherche à établir des pratiques plus soutenables et plus justes, l’agroécologie est la voie toute désignée pour métamorphoser les liens qu’entretient l’être humain avec sa #nourriture, son territoire et une #nature à bout de souffle.

    https://ecosociete.org/livres/la-revolution-agroecologique
    #agroécologie #alimentation #livre #industrie_agro-alimentaire

  • #Franco_Battiato - La Cura

    https://www.youtube.com/watch?v=cLJp-YJeuzc

    Ti proteggerò dalle paure delle ipocondrie
    Dai turbamenti che da oggi incontrerai per la tua via
    Dalle ingiustizie e dagli inganni del tuo tempo
    Dai fallimenti che per tua natura normalmente attirerai

    Ti solleverò dai dolori e dai tuoi sbalzi d’umore
    Dalle ossessioni delle tue manie

    Supererò le correnti gravitazionali
    Lo spazio e la luce per non farti invecchiare

    E guarirai da tutte le malattie

    Perché sei un essere speciale
    Ed io, avrò cura di te

    Vagavo per i campi del Tennessee
    Come vi ero arrivato, chissà
    Non hai fiori bianchi per me?
    Più veloci di aquile i miei sogni
    Attraversano il mare

    Ti porterò soprattutto il silenzio e la pazienza
    Percorreremo assieme le vie che portano all’essenza

    I profumi d’amore inebrieranno i nostri corpi
    La bonaccia d’agosto non calmerà i nostri sensi

    Tesserò i tuoi capelli come trame di un canto
    Conosco le leggi del mondo, e te ne farò dono

    Supererò le correnti gravitazionali
    Lo spazio e la luce per non farti invecchiare

    Ti salverò da ogni malinconia

    Perché sei un essere speciale
    Ed io avrò cura di te
    Io sì, che avrò cura di te

    #musique #chanson #care #soins #cura #patience

  • « #Care » : comment l’étude du #travail_domestique permet de réécrire l’histoire

    La notion de care s’est imposée dans le langage courant et politique pour qualifier l’ensemble des activités – rémunérées ou non – qui consistent à prendre soin des autres et de leur cadre de vie ; à assurer le « #travail_reproductif » et non seulement « productif ». Cela recouvre notamment les métiers ou pratiques sociales d’#aide_à_la_personne, les secteurs infirmiers ou médicaux, ou encore un grand nombre de tâches dites « domestiques ».

    Les économistes féministes se sont depuis longtemps approprié cette notion pour mettre en valeur des formes de travail exercées par les #femmes et non reconnues socialement et dans les #statistiques économiques, en particulier le #travail_domestique_non_rémunéré. Il ne s’agit pas d’essentialiser des différences entre hommes et femmes mais au contraire de partir du principe que rendre visibles toutes les formes de travail est une étape nécessaire vers l’#égalité, la #reconnaissance_sociale et économique et le partage de ces tâches.

    En outre, alors que les mutations sociales et technologiques du XXe siècle ont diminué le temps de travail consacré au care et les tâches domestiques, il est probable que le vieillissement de la population inverse cette tendance. Il implique en particulier une augmentation de la demande de soin et d’aide à la personne, pratiques qui peuvent être rémunérées ou non, reposant dans ce dernier cas sur des liens familiaux ou amicaux.

    La loi de 2019 sur les congés de proche aidant et les discussions récurrentes sur les pénuries de personnel pour l’aide à domicile montrent combien nos sociétés se préparent – encore trop lentement et difficilement – aux mutations économiques et sociales causées par le vieillissement.

    #Valorisation_monétaire du travail domestique

    Il y a évidemment un débat au sein des économistes quant à l’opportunité de compter le travail de care domestique qui n’apparaît pas dans les statistiques officielles et donc de lui donner une #valeur_monétaire. Outre les difficultés méthodologiques de cette quantification, la question est de savoir si valoriser les pratiques non rémunérées comme un travail salarié ne va pas à l’encontre de l’éthique du care en mettant sur le même plan des formes de travail non équivalentes.

    La réponse que les économistes féministes apportent à cette question est que la construction de statistiques et la valorisation monétaire est aujourd’hui le meilleur moyen de montrer l’ampleur du #travail_féminin et la persistance des inégalités entre femmes et hommes au sein du ménage hétérosexuel (voir le récent résumé de Nancy Folbre présentant ces arguments et la recherche dans ce domaine, dont la première contribution remonte à l’ouvrage de Margaret Reid, Economics of household production, publié en… 1934).

    Depuis #Margaret_Reid, et encore plus depuis la réappropriation du concept de care en économie dans les années 1980 et 1990, notamment par Nancy Folbre, les économistes ont donc tenté de quantifier le travail domestique, dans le passé quasi-essentiellement exercé par les femmes. L’objectif est de voir comment cette comptabilisation change notre vision du #développement_économique, habituellement mesuré par des salaires et le temps de travail masculins, puis par le #produit_intérieur_brut, qui exclut les tâches domestiques.

    Il existe des tentatives actuelles pour inclure les estimations du travail domestique dans le #PIB, mais seule l’histoire économique permet de prendre la mesure du #biais que l’absence de prise en compte du travail féminin dans les statistiques cause à nos représentations du développement économique.

    Dans un article récemment paru dans le Journal of Economic History, « Careworn : The Economic History of Caring Labor » (https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-economic-history/article/careworn-the-economic-history-of-caring-labor/68D8EDEB50DCF2AB012433755741108B), la professeure d’histoire économique Jane Humphries cherche à produire une telle estimation pour l’Angleterre sur très longue période, de 1270 à 1860. Ses précédentes recherches ont déjà révolutionné l’#histoire_économique en montrant comment la prise en compte du travail des enfants, puis la construction de séries de salaire des femmes, changeaient le récit traditionnel de la révolution industrielle du XIXe siècle.

    Humphries commence par rappeler le paradoxe des recherches actuelles d’histoire économique quantitative qui ont entrepris de calculer des séries de PIB, de niveau de vie et de prix depuis le Moyen-Âge (voir notamment les travaux de #Robert_Allen et #Stephen_Broadberry). Le calcul d’évolution des prix repose en effet sur la définition d’un panier de biens représentatif de la consommation de base (viande, lait, céréales etc.). Mais l’essentiel du travail des femmes nécessaire pour transformer ces biens de base en consommation domestique, nécessaire pour soutenir le travail rémunéré de l’homme du foyer, n’est pas pris en compte dans les statistiques de production !

    Soutien au travail de l’homme salarié

    Elle rappelle aussi les nombreuses heures nécessaires pour maintenir l’#hygiène dans un foyer, avant la généralisation de l’eau courante et des sanitaires au XXe siècle. Rassemblant de nombreuses sources d’origine et fréquence différentes sur le temps de travail domestique et sur le #salaire horaire de ce travail lorsqu’il était rémunéré, Humphries tente de calculer la valeur totale du travail domestique qui était nécessaire pour qu’un foyer puisse subsister, permettant à l’homme de s’en absenter pour travailler au-dehors.

    Même ses estimations les plus basses montrent qu’au moins 20 % de la production totale de valeur (ce que nous appelons aujourd’hui PIB) était consacrée aux #tâches_domestiques – et sont donc absentes de nos mesures habituelles Et si ce chiffre n’était pas plus important dans le passé qu’aujourd’hui, c’est que l’autrice valorise le travail féminin au prix du salaire des femmes de l’époque, qui était très inférieur à celui des hommes.

    Notons que l’article ne quantifie que les tâches domestiques liées à la consommation et l’entretien du foyer ; l’autrice souligne qu’elle n’a pas quantifié ce qui touche au « travail reproductif », en particulier la mise au monde et l’allaitement des enfants.

    Mais la professeure d’histoire économique s’intéresse ici davantage à l’évolution du coût et temps du travail domestique – relativement au #travail_salarié – au cours des siècles. Elle remarque en particulier une forte augmentation du travail domestique, et de sa valeur relative, lors de la « révolution industrieuse » du XVIIIe siècle, précédant la « révolution industrielle » du XIXe siècle.

    Regard biaisé sur l’économie

    A la suite des travaux de #Jan_de_Vries, on parle de « #révolution_industrieuse » pour caractériser l’augmentation du temps de travail (en termes de nombre d’heures salariées) causée par la nécessité de maintenir ou accroître le niveau de consommation du ménage. De manière cohérente avec le fait que la révolution industrieuse coïncidait avec une diversification et multiplication des biens de consommation, Humphries montre que le travail domestique nécessaire pour soutenir le travail de l’homme salarié augmentait en même temps que ce dernier.

    Plus les ménages avaient accès à de nouveaux produits (tissus, sucre, viande, thé etc.), plus les femmes devaient travailler pour que les hommes puissent les consommer et en profiter. Pour les femmes mariées, conclut-elle, la « révolution industrieuse » n’a pas coïncidé avec une augmentation du travail salarié mais a pris une forme domestique, obscurcissant ainsi encore plus la contribution des femmes à la #croissance_économique et l’amélioration du niveau de vie.

    Rappelons, comme Humphries elle-même, la fragilité de ces premières estimations qui reposent sur des sources incomplètes et des hypothèses statistiques fortes.

    Toutefois, ce travail a le mérite de mettre à nouveau en lumière combien notre regard sur l’histoire économique est biaisé si nous ne réalisons pas que l’activité économique mesurée au cours du temps (par les statistiques de prix, salaires et production) ne pouvait s’accomplir que parce qu’elle était rendue possible par le travail domestique des femmes. Celui-ci était pourtant invisible dans les statistiques de population ou de production qui devinrent au XIXe siècle un nouveau pilier de la gestion des Etats modernes et de la compréhension de l’économie.

    https://www.alternatives-economiques.fr/eric-monnet/care-letude-travail-domestique-permet-de-reecrire-lhi/00112088
    #rémunération #invisibilisation #économie #économie_féministe #quantification #rémunération #salaire

    • Care Provision and the Boundaries of Production

      Whether or not they provide subjective satisfaction to providers, unpaid services and non-market transfers typically contribute positively to total output, living standards, and the social climate. This essay describes some quantitative dimensions of care provision and reviews their implications for the measurement of economic growth and the explanation of relative earnings, including the gender wage differential. It also calls attention to under-explored aspects of collective conflict over legal rules and public policies that shape the distribution of the net costs of care provision.

      https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.38.1.201

  • Quel est l’effet du « jour de carence » sur les absences pour #maladie des personnels de l’Éducation nationale ?

    Depuis janvier 2018, le premier jour de congé de maladie ordinaire n’est plus indemnisé dans la fonction publique française, une mesure déjà appliquée de janvier 2012 à décembre 2013. Dans le secteur de l’Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la #fonction_publique, cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d’absence pour maladie ordinaire. Cet effet est principalement observé pour les absences de courte durée (moins de sept jours), et n’est pas significatif pour celles de plus de trois mois. Bien que leurs absences aient davantage diminué, les #femmes et les personnes travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué, ce qui les pénalise financièrement. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à une baisse des éventuels recours abusifs aux arrêts, puisque cette mesure peut inciter les personnes malades à se rendre au travail. L’impact du jour de carence sur la réussite scolaire des élèves n’a pas été examiné.

    https://www.insee.fr/fr/statistiques/8198911
    #jour_de_carence #carence #travail #éducation_nationale #effets #indemnisation #arrêt_maladie

  • En #Finlande, un détricotage systématique des #droits_sociaux

    Facilitation des #licenciements, possibilité de faire grève restreinte, assurance #chômage moins accessible… La coalition en place, du centre à l’extrême droite, sape les droits des travailleurs.

    L’#extrême_droite s’est glissée au pouvoir en Finlande il y a un peu plus d’un an, et depuis, au sein de la coalition gouvernementale, elle grignote à marche forcée les #acquis_sociaux. Le 2 avril 2023, le Parti des Finlandais (extrême droite) gagne sept nouveaux sièges au Parlement et devient la deuxième force politique dans le pays. Il aura fallu deux mois d’âpres négociations pour que se forme une coalition des quatre partis, à savoir le Parti de la coalition nationale (conservateur, 20,8 %) du Premier ministre, le Parti des Finlandais (20 %), le Parti populaire suédois de Finlande (centre droit, 4,3 %) et les Chrétiens-démocrates (4,2 %).

    L’objectif du nouveau Premier ministre conservateur, Petteri Orpo, est de créer 100 000 emplois, de réduire la dette du pays et durcir la politique migratoire. Pour y parvenir, il prévoit de lourdes #réformes_sociales pour marquer un tournant de la rigueur dans ce pays de plus de 5,5 millions d’habitants.

    « On ferme les yeux sur le racisme, l’homophobie… »

    Pour donner le ton, la vice-Première ministre d’extrême droite et ministre des Finances, Riikka Purra, pose fièrement avec des ciseaux pour illustrer les mesures d’austérité du gouvernement. « Quand je vois cette image, cela me fait penser à une provocation à la façon de Javier Milei [le président argentin, ndlr] et sa tronçonneuse », s’agace Teivo Teivainen, professeur à l’université d’Helsinki. Restriction du #droit_de_grève, changement du système des accords collectifs, indemnité chômage, arrêt maladie, aide au logement… Le rouleau compresseur est lancé à toute vitesse. A tel point qu’en une année, la Confédération syndicale internationale a déclassé d’un rang la Finlande du peloton de tête des nations les plus respectueuses des #droits_des_travailleurs.

    Un an après les élections, il ne reste plus rien du discours social des « Vrais Finlandais » (ancien nom du parti) dont les revendications lors des campagnes législatives prônaient la protection des Finlandais de la classe moyenne et des travailleurs pauvres. « Le Parti des Finlandais a cette étiquette non officielle de parti des travailleurs non socialiste. Ils se sont très vite rangés derrière le programme économique de la droite des affaires », détaille Teivo Teivainen. Pour le spécialiste de la politique du pays, c’est un élément clé de l’acceptation du Parti des Finlandais comme un partenaire de coalition : « L’adoption d’une #politique_économique libérale leur a permis d’être acceptés parmi les partis de la droite traditionnelle. On ferme les yeux sur le #racisme, l’#homophobie… Au moins, ce sont des néolibéraux », résume-t-il.

    La liste des lois et réformes prévues est longue : introduction d’une journée de #carence pour les #arrêts_maladie, possibilité de #licenciement pour des « motifs pertinents », doublement de la durée d’emploi pour bénéficier de l’assurance chômage, changement des modalités des accords collectifs en entreprise. Elin Blomqvist-Valtonen, porte-parole du syndicat PAM, qui représente les employés de l’industrie du service, tire la sonnette d’alarme : « Les salariés que nous représentons sont particulièrement sensibles à ces réformes. Nos membres ne sont pas précaires par choix, mais parce qu’ils n’ont pas la possibilité de trouver un emploi stable. En réduisant leurs protections sociales, nous ne faisons que les mettre plus en danger. »

    Mobilisation sociale historique

    Pour s’y opposer, les organisations syndicales ont entrepris une #mobilisation_sociale historique à travers le pays. Le 1er février, au moins 300 000 salariés se sont mis en grève, soit un actif sur dix. Quatre mois plus tard, les députés du parlement finlandais ont voté un texte restreignant la durée du droit de grève politique à vingt-quatre heures. Celles initiées dans le cadre des négociations des accords collectifs sont passées à deux semaines. « Les grèves sont rares et ne sont utilisées qu’en dernier recours en Finlande. En limitant la durée des grèves politiques, le gouvernement vient confirmer une nouvelle fois son refus de dialoguer avec les #syndicats », déplore Pekka Ristelä, porte-parole de la centrale syndicale SAK.

    Le train de #réformes semble pourtant mal passer auprès des électeurs du parti d’extrême droite, qui a divisé par deux son score lors des dernières élections européennes par rapport à celles de 2019. Alors que l’alliance de gauche, qui était arrivée sixième en 2019, s’est hissée contre toute attente à la deuxième position lors du scrutin européen.

    https://www.liberation.fr/international/europe/en-finlande-un-detricotage-systematique-des-droits-sociaux-20240621_EH7Z7
    #travail #néolibéralisme

  • Législatives en France : pour les aides à domicile, le manque de main d’œuvre étrangère inquiète - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/58142/legislatives-en-france--pour-les-aides-a-domicile-le-manque-de-main-do

    Législatives en France : pour les aides à domicile, le manque de main d’œuvre étrangère inquiète
    Par RFI Publié le : 02/07/2024
    À la veille du second tour des législatives, le Rassemblement national (RN) caracole toujours largement en tête des sondages et pourrait arriver au pouvoir pour la première fois. Plusieurs secteurs d’activité, déjà sous tension quant à la problématique de la main d’oeuvre, résisteraient-ils à une réduction des flux migratoires ? Plusieurs entreprises d’aide à la personne ont fait part de leur inquiétude, rappelant qu’elles souffrent déjà d’un manque de personnel.
    Renée, 95 ans, est très dépendante. Si elle peut encore vivre chez elle dans son appartement du nord-est parisien, c’est parce que des dizaines de personnes, soignants et aides à domicile, comme Olga, se relaient à son chevet. « J’ai beaucoup de personnes qui m’aident le matin pour me lever, puis pour me laver, l’après-midi pour me changer, le soir pour me coucher, énumère Renée. Tu te rappelles, Olga ? Presque toutes sont du Cameroun », dit-elle. Des femmes en majorité, pour la plupart immigrées. « Sur 30, peut-être une Française ou deux », précise-t-elle.
    Olga, 35 ans, est Moldave. Elle est arrivée en France en 2016. « Depuis que je suis venue ici, je travaille tous les jours ». Olga tente de se rassurer, mais le climat politique l’inquiète. « Si j’ai bien compris, les personnes qui sont en règle, qui respectent la loi, qui payent les impôts, elles ne vont pas être touchées. J’espère que ça va être comme ça, comme ils disent, qu’on va pouvoir rester ici, parce qu’on est venus ici pour nos enfants, pour leur donner une plus belle vie », explique-t-elle.
    « Parce que s’ils enlèvent tout, il n’y a plus personne pour soigner », ajoute Renée. D’après l’Insee en Île-de-France, six aides à domicile sur dix sont immigrées.

    #Covid-19#migration#migrant#immigration#economie#care#politiquemigratoire#extremedroite#sante#vieillissement