comme l’a montré la récente affaire dite « Brugère », les pratiques autoritatives des blogueurs catholiques laïcs, qui n’ont a priori de « compétence » ou de « prestige » que du fait de ces pratiques autoritatives, peuvent venir interférer voire même mettre à mal la pratique de l’autorité de la hiérarchie catholique. Une pétition lancée et publicisée sur le blog Le Salon Beige tenu par des laïcs de droite radicale et de tendance ecclésiale traditionnaliste a en effet, en mars 2014, fait reculer une commission de la Conférence des évêques de France qui avait prévu la venue à une formation de cadres diocésains d’une philosophe, Fabienne Brugère, jugée « pro-gender » par les signataires6. Ce cas paroxystique, ainsi que ses répercussions comme le discours virulent de Monseigneur Aupetit, récemment nommé évêque de Nanterre, contre certains blogs catholiques, montre qu’il peut y avoir de fait un conflit d’autorité entre le magistère numérique de la cathosphère et le magistère légitime de la hiérarchie ecclésiale7. Or, comment appréhender cette capacité d’autorité religieuse de la cathosphère ? Comment expliquer que Le Salon Beige, un blog animé par trois laïcs, dont le principal est un ingénieur de l’industrie de moins de trente ans sans mission pastorale ou formation théologique, ait pu avoir une telle capacité de pression sur l’institution si ce n’est par son inscription dans un réseau ? Effectivement, écrivent encore Broudoux et al. (2005), « les fonctionnalités des liens hypertextes sont au cœur du fonctionnement du blog ». Or, précisent-ils « le fait concret de relier, d’inscrire son blog, son article, sa page web, dans un réseau de liens et de citations, puis de "manager" ce réseau de liens, est un processus communicationnel initié et entretenu par l’auteur qui construit les conditions de sa légitimation de manière autoritative ».
Cet article reviendra sur la montée en puissance des blogueur-se-s catholiques comme nouvelles « autorités » religieuses ou para-religieuses de fait et non de droit hors des voies classiques de légitimation institutionnelle, à l’opposé du prêtre fonctionnaire du culte et dépositaire d’un charisme de fonction (Weber, 1921). Pour ce faire, on mettra en valeur, à partir d’une analyse de la structure relationnelle de la « cathosphère » française (en termes de cohésion et de cohérence sociales), qu’une telle montée en puissance n’est ni le fruit du seul charisme individuel de chaque blogueur-se, ni le fruit du seul processus de leur reconnaissance par des médias ou les institutions religieuses légitimes. Elle est aussi et surtout celui d’un champ nouveau, où concurrence et dénonciation des « faux prophètes », mais surtout, alliances et citations réciproques, participent de la validation des prétentions individuelles et collectives à l’autorité identitaire