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  • Les laboratoires citoyens madrilènes : la fabrique des « communs urbains » – UrbaNews
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    Si la crise économique a indéniablement joué un rôle d’accélérateur dans l’émergence des Laboratorios ciudadanos, il existait d’ores et déjà à Madrid un terreau intellectuel favorable à leur développement.

    D’abord grâce à la présence de collectifs d’architectes-urbanistes qui ont initié et théorisé de nouvelles manières de faire et de penser la ville. On pense ici à des agences d’avant-garde comme Ecosistema Urbano, Basurama, Todo por la Praxis, Paisaje Transversal ou, plus récemment, les jeunes architectes d’Improvistos.

    Ces collectifs ont jeté les bases d’un nouvel urbanisme fondé sur des modes de gestion collaborative des villes, la participation citoyenne et l’intégration systématique des dimensions artistiques et culturelles. Cet urbanisme « de código abierto » (Tato, Vallejo, 2012) s’est aussi largement appuyé sur le développement d’outils numériques, à-même de stimuler l’expression citoyenne et la co-production des projets : plateformes numériques contributives, maquettes urbaines interactives, kits de collecte et de visualisation de données urbaines, etc.

    Le jardin le plus connu se nomme « Esta es una Plaza » (« Ceci est une place »). Il a été créé par un groupe d’étudiants, de jeunes professionnels et d’habitants, sur un terrain abandonné depuis une trentaine d’années dans le quartier de Lavapiés. Après avoir obtenu de la municipalité la gestion temporaire de cet espace, le groupe a promu un modèle d’autogestion, permettant à chaque citoyen de contribuer librement au fonctionnement du lieu, tout en bénéficiant en retour des infrastructures et des activités socio-culturelles.

    Un autre Laboratoire citoyen réputé est le Campo de la Cebada. Il est situé au centre de Madrid, près de la Plaza Mayor, sur un espace de plus de 5000 m2. Ce lieu accueillait auparavant une piscine municipale, qui a été détruite en 2009 pour construire un grand complexe commercial. Mais la crise économique a laissé la place à un gigantesque terrain vague, réapproprié par les habitants en septembre 2010, lors des « nuits blanches » madrilènes. A cette occasion, le collectif EXYZT proposa le projet « Isla Ciudad » : la construction d’une piscine éphémère, entièrement réalisée en bois.

    Cette première expérience permit à des collectifs d’artistes et d’habitants de prendre conscience de l’intérêt de se réapproprier cet espace pour inventer de nouveaux usages. En février 2011, la mairie de Madrid accepta de céder temporairement la gestion du lieu à des associations du quartier. Depuis, le Campo de la Cebada a connu un développement exponentiel de projets, que ce soit dans des domaines sociaux (systèmes d’échange de services), artistiques (street art, ateliers de photographie, de poésie, de théâtre), sportifs (aménagement de terrains de basket et de jeux) ou culturels, avec l’organisation de festivals de musique et de cinéma en plein air.

    Le Campo de la Cebada sert également de support à l’aménagement de jardins collectifs et de mobiliers urbains co-construits. Les bancs, les gradins ou les paniers de basket ont tous été fabriqués grâce à l’intervention de collectifs d’architectes, d’habitants et d’ingénieurs. Ces derniers ont utilisé les outils et licences libres de Fab Labs madrilènes pour construire des mobiliers modulables, entièrement réalisés à partir de matériaux recyclés. Une coupole géodésique a été récemment fabriquée grâce à la collecte de plus de 6000 € sur a plateforme de financement participatif Goteo.org. Précisons que l’ensemble des activités du Campo de La Cebada sont auto-gérées lors de rencontres régulières, qui réunissent l’ensemble des collectifs du quartier (habitants, commerçants, associations, etc.).

    Cette co-production va jusqu’à concerner la fabrique des espaces publics et des infrastructures urbaines. A l’image de l’expérience barcelonaise (Besson, 2015), on observe à Madrid une certaine inflexion de la notion de « droit à la ville » d’Henry Lefèbvre. Au sein des Laboratorios ciudadanos, les citoyens ne se limitent pas à défendre un égal accès aux ressources, aux espaces de la ville, ou à une plus grande participation ; ils souhaitent devenir des agents actifs de la transformation de leurs quartiers, et participer à produire, au-delà de la vie sociale, éducative ou culturelle, l’espace public, le mobilier et autres infrastructures urbaines.

    Désormais, les collectivités doivent être moins celles qui planifient de manière top-down et unilatérales, que celles qui orientent, accompagnent et mettent en relation. C’est d’ailleurs toute la réflexion que conduit actuellement la municipalité de Madrid, avec à sa tête Manuela Carmena (Podemos) et un ensemble de collectifs madrilènes (Esta es una Plaza, el Club de Debates urbanos, etc.). Cette réflexion semble d’autant plus nécessaire, qu’en l’absence de politiques urbaines adaptées aux spécificités des Laboratorios ciudadanos, il existe le risque de leur instrumentalisation par les collectivités afin de se décharger de certains coûts.

    Les intérêts seraient potentiellement nombreux : faire prendre en charge par les Laboratorios une partie des missions et services traditionnellement assurés par les Institutions publiques ; revaloriser des espaces et des ensembles immobiliers vacants ou résoudre des problèmes socioéconomiques sans avoir à investir dans leur résolution. Les Laboratorios ciudadanos n’échappent pas à un certain nombre de questions, et notamment sur le caractère quelque peu utopique de leur mode d’organisation, fondé sur l’autogestion et la participation généralisée. Mais ils n’en constituent pas moins des expériences prometteuses pour repenser les politiques urbaines à l’heure de l’économie collaborative et d’une culture numérique généralisée.

    #Communs #Communs_urbains #Madrid #Cebada