Sur demande de la Ville de Genève et après validation par la commission cantonale de nomenclature (CCN), le Conseil d’Etat a approuvé le changement de nom de dix rues ou espaces publics au profit de personnalités féminines. Ces modifications s’inscrivent dans la continuité du projet « 100 Elles* », lancé en 2019 et visant à apposer cent plaques de rues portant des noms de femmes marquantes.
Le Conseil d’Etat se réjouit ainsi de pouvoir donner suite à la motion intitulée « Pour une reconnaissance dans l’espace public du rôle joué par les femmes dans l’histoire genevoise ». Conscient de l’importance de cette thématique et en lien avec la réponse à cette motion, le gouvernement a également modifié, en juin dernier, le règlement sur les noms géographiques et la numérotation des bâtiments afin de simplifier la possibilité de dénomination pour des personnalités ayant marqué l’histoire de Genève en privilégiant les noms de femmes, que ce soit pour les rues ou pour les établissements secondaires supérieurs de formation générale (voir point presse du 3 juin 2020).
Les nouvelles dénominations sont les suivantes :
- Place #Lise_GIRARDIN (1921-2010, politicienne), pour la place des Vingt-Deux-Cantons :
Lise Girardin, professeure de français de formation, est une politicienne du Parti radical suisse. Maire de Genève en 1968, 1972 et 1975, elle est la première femme en Suisse à occuper cette fonction. De 1971 à 1979, elle est aussi la première femme élue au Conseil des Etats. Elle sera également présidente de la Commission fédérale des étrangers de 1984 à 1991. Sur le plan cantonal, Lise Girardin se mobilise pour la démocratisation des études et la formation et, sur le plan fédéral, pour la décriminalisation de l’avortement, les problèmes d’adoption et de filiation et l’égalité entre hommes et femmes.
- Place #Ruth_BÖSIGER (1907-1990, vendeuse et militante anarchiste), pour la place du Chevelu :
Ruth Bösiger, dite « Coucou », est photographe de métier, vendeuse et militante anarchiste. Ruth Menkès (du nom de son premier époux) était active au groupe du Réveil anarchiste à Genève en 1936, quand elle y rencontra André Bösiger. Elle était responsable de la chorale anarchiste et présente aux réunions de la Libre pensée et de la Ligue des droits de l’homme. Coucou Bösiger fut de toutes les luttes aux côtés de son compagnon, avec lequel elle eut une fille. Elle fait partie des nombreuses femmes anarchistes en Suisse dont l’histoire reste à écrire.
- Rue #Marguerite_DELLENBACH (1905-1993, directrice de musée et ethnologue), pour la rue Bergalonne :
En 1922, Marguerite Dellenbach devient secrétaire pour le Musée d’ethnographie de Genève et s’impose rapidement comme une véritable collaboratrice. Elle est dès lors pressentie pour assurer la direction du musée. Après une thèse à l’Université de Grenoble en 1935, elle est finalement nommée directrice du musée d’ethnographie en juin 1951, jusqu’en 1967. En 1944, elle devient la première femme suisse à présider une société savante, celle de géographie de Genève, et prend par la suite la présidence de plusieurs autres sociétés, dont la Société suisse d’anthropologie et la Société suisse des américanistes. Ses travaux sont récompensés par diverses distinctions, dont la médaille française de chevalier de l’Ordre des arts et des lettres.
– Rue #Mina_AUDEMARS (1883-1971, pédagogue), pour la rue de la Vallée :
Mina Audemars est une pédagogue reconnue. Avec Louise Lafendel (1872-1971), sa collaboratrice et grande amie, elles dirigent pendant trente ans la Maison des petits, une école enfantine à la renommée internationale, qui forme aussi des éducatrices. Elles se consacrent à la question de l’éducation des plus jeunes. Elles développent une pédagogie spécifique, inspirée par d’autres mais enrichie de leurs recherches et observations communes. Leurs idées suivent la devise « par l’activité manuelle à l’activité mentale ». Mina Audemars est aussi chargée de cours à l’Institut des sciences de l’éducation jusqu’en 1947. Sa tombe se trouve au cimetière des Rois.
- Rue des #Trois_Blanchisseuses, pour la rue de la Pisciculture :
Le vendredi 1er août 1913 vers 17 heures, un bateau-lavoir amarré au quai du Seujet coule subitement dans le Rhône. Trois femmes sont tuées : Marie Dido, vingt-huit ans, mariée et mère de trois enfants, Franceline Mermier, septante-trois ans, blanchisseuse, et Cécile Pleold, vingt et un ans, employée-blanchisseuse. Cet accident provoque des remous à Genève. Une enquête est ouverte, et même si l’affaire est ensuite classée par la justice, elle a un retentissement certain et amène à la création d’un lavoir municipal pour remplacer les bateaux, dont les conditions de travail ont été jugées inacceptables.
- Rue #Julienne_PIACHAUD (1894-n.d., fonctionnaire de la Société des Nations), pour la rue René-Louis-PIACHAUD :
Julienne Christine Mayras-Piachaud est la cheffe du service de sténographie du secrétariat de la Société des Nations pendant dix-neuf ans, de 1922 à 1941. C’est alors le plus grand service du secrétariat, composé de plus de cinquante femmes en 1932. Julienne Piachaud n’était toutefois pas considérée à l’égal de ses collègues masculins et moins payée que son collègue chargé de la distribution. Julienne Piachaud a la réputation d’avoir une main de fer au sein de son service, tout en protégeant toujours ses employées en cas de conflits internes au secrétariat. Son mari, René-Louis Piachaud, est bien connu de l’histoire genevoise, écrivain polémique, parfois accusé de proximité avec le fascisme.
- Rue #Elisabeth_BAULACRE (1613-1693, cheffe d’entreprise), pour la rue Baulacre :
Elisabeth Baulacre dirige une fabrique de dorures importante au 17e siècle. En 1637, elle épouse Pierre Perdriau, lui aussi marchand et fils de marchand, qui meurt en 1641. Elle se remarie en 1655 avec Jacob Andrion, mais mène seule ses affaires. Son entreprise connaît un formidable essor, dont le succès lui revient entièrement : entre 1641 et 1690, Elisabeth Baulacre développe considérablement l’affaire héritée de son premier mari puis se retrouve à la tête d’une entreprise florissante et prospère, employant des centaines de travailleurs. Elle s’enrichit jusqu’à devenir l’une des contribuables les plus importants de Genève.
- Rue #Alice_et_William_FAVRE (frère et sœur ; #Alice_Favre (1851-1929), présidente de la Croix-Rouge genevoise), pour la rue William-FAVRE :
Alice Favre est une philanthrope impliquée dans la Croix-Rouge genevoise à la fin du 19e siècle et jusqu’à l’entre-deux-guerres. Elle en est la présidente de 1914 à 1919. Alice Favre, qui grandit dans la haute bourgeoisie genevoise, aurait passé ses jeunes années dans la Villa La Grange. Sa vocation naît en 1864, à l’occasion d’un gala organisé en l’honneur des diplomates chargés de la signature de la convention de Genève, qui inaugure les bases du droit humanitaire en temps de guerre.
Pendant la guerre, Alice Favre et la Croix-Rouge genevoise organisent l’accueil des réfugiés et soldats à Genève. Elle met également en place des paquets de Noël pour les soldats suisses en poste à la frontière. Quand la guerre se termine, elle rejoint, en 1919, le Comité central de la Croix-Rouge suisse et dirige un nouveau programme d’activités comprenant notamment la création d’un dispensaire d’hygiène sociale à Genève, réinventant le rôle de la Section genevoise en tant de paix. Cette dernière prend ainsi une direction sociale et locale.
– Parc #Eglantyne_JEBB (1876-1928, philanthrope), pour le parc des Acacias :
Eglantyne Jebb est connue pour avoir fondé l’association Save the Children afin de venir en aide aux enfants victimes de guerre. Diplômée d’Oxford en 1898, elle se forme dans l’enseignement primaire. En 1913, après la deuxième guerre balkanique, elle participe à un voyage de soutien dans les Balkans qui la marque profondément. A l’issue de la Première Guerre mondiale, elle fonde alors avec sa sœur le Fight the Famine Council, qui a pour but d’unir les nations afin de faire cesser les famines par l’envoi de produits de première nécessité. En parallèle est créé le Save the Children Fund, qui se donne pour tâche de sauver tous les enfants, sans distinction de nationalité, de religion, d’origine ethnique ou de classe.
Eglantyne Jebb réalise la première Déclaration des droits de l’enfant, connue comme la Déclaration de Genève, ratifiée en 1924 par la Société des Nations. En plein élan dans ses activités, elle est rattrapée par la maladie et décède le 17 décembre 1928 à Genève. Elle repose au cimetière Saint-Georges. L’héritage d’Eglantyne Jebb est toujours vivant, puisque la Déclaration de Genève a servi de base à la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par les Nations Unies en 1959, en vigueur encore aujourd’hui.
- Chemin #Camille_VIDART (1854-1930, présidente de l’Union des femmes de Genève), pour le chemin Louis-DUNANT :
Camille Vidart est fille d’une femme au foyer genevoise et d’un médecin français. Détentrice d’un diplôme supérieur de français délivré par l’Université de Lyon, elle partage sa vie entre enseignement, militantisme féministe et activités philanthropiques. Elle entame sa carrière de professeure à l’école de jeunes filles de Peschier, à Genève (1874-1879). Elle est ensuite engagée à l’Ecole supérieure de jeunes filles de Zurich, devenant à cette occasion la première femme suisse à occuper le poste de maîtresse principale. Particulièrement interpelée par la misère des travailleuses, elle se consacre peu à peu à la philanthropie et au militantisme féministe.
L’activisme de Camille Vidart se déploie simultanément sur la scène locale, nationale et internationale. De 1898 à 1902, elle sera présidente de l’Union des femmes de Genève, association créée en 1891 afin d’améliorer la formation professionnelle et le statut juridique des femmes. En 1886, elle organise le premier Congrès suisse des intérêts féminins et en prononce le discours d’ouverture, appelant à la solidarité entre femmes.
Le Conseil d’Etat a par ailleurs suivi le préavis de la CCN, qui n’a pas retenu la proposition de nouvelle dénomination Flore-des-Dames, estimant qu’elle ne met pas assez en avant une personnalité féminine. La proposition #Maggy _REITTMAYER n’a pas reçu non plus l’aval de la commission, qui estime que ce personnage n’a pas de portée historique suffisante pour que son nom soit donné à un espace public. Enfin, les propositions #Cécile_BIÉLER-BUTICAZ, #Annie_JIAGGE, #Grisélidis_REAL et #Marcelle_de_KENZAC ont été acceptées par la commission, mais pas les rues auxquelles elles étaient attribuées. La Ville de Genève est ainsi invitée à faire des propositions complémentaires pour ces quatre personnalités.
Pour toute information complémentaire : M. Antonio Hodgers, conseiller d’Etat, en contactant Pauline de Salis-Soglio, DT, T. 076 304 20 66.