• Être confinée en #hôtel_social ou en #centre_d’hébergement_d’urgence

    La situation actuelle est particulièrement angoissante et inconfortable pour les immigrées précaires, qui vivent en hôtel social ou en #centre_d’hébergement, souvent à plusieurs par chambre, sans un « lieu à soi » où se réfugier. D’autant plus lorsque l’accueil par les associations n’est plus possible.


    Tout ce qui est difficile pour tous devient extrêmement difficile pour les immigrés précaires : la plupart des #associations de solidarité ont dû fermer et, avec elles, l’accès à des repas chauds, des #colis_alimentaires, des lieux de convivialité où poser son fardeau. Bien souvent ces associations étaient les seuls endroits où se nourrir correctement, pour celles et ceux qui n’ont pas de cuisine dans leur lieu de vie, ni d’argent pour acheter de la nourriture.

    À #Saint-Denis, l’association #Ikambere accueille chaque jour, en « temps normal », des #femmes africaines qui vivent avec le #VIH / #Sida et qui trouvent là un lieu de vie, un #repas, des amies, des activités, le #soutien des assistantes sociales pour leurs démarches par rapport au titre de séjour, au logement, etc.

    Depuis le 16 mars, Ikambere a dû fermer ses portes mais tente de continuer à suivre, tant bien que mal, par téléphone et par quelques visites, les femmes les plus précaires, qui vivent en hôtel social ou en centre d’hébergement d’urgence. Bintou Fofana, une des assistantes sociales, que je remercie ici, a partagé avec moi par téléphone ce qui est le plus difficile à vivre pour ces femmes confinées dans ce qui n’est pas un « logement à soi ».

    Une situation incompréhensible

    Les premiers jours, Bintou et ses collègues sont allées voir les femmes dans leur lieu de confinement pour évaluer leur situation, apporter une petite #aide_financière ou des colis de nourriture. Pour ces femmes, le repas pris quotidiennement à Ikambere était bien souvent le seul de la journée. L’accompagnement se poursuit par des appels réguliers. La première difficulté que Bintou relève, c’est l’#incompréhension dans laquelle la situation actuelle plonge ces femmes : la plupart d’entre elles, qui vivent avec une maladie qui fait peur mais ont appris à vivre avec, ne réalisent pas la gravité de l’#épidémie ni ne comprennent ce confinement. Pour elles, il « ne fait pas sens », me dit Bintou.

    Difficile aussi de comprendre les contours des #autorisations de déplacement : l’une d’elles, hébergée dans un hôtel social de #Saint-Ouen, avait l’habitude d’aller faire ses courses dans les épiceries africaines à Château Rouge, dans le quartier de la Goutte d’or à Paris, pour y trouver les produits qu’elle aime cuisiner. Munie de son autorisation, elle se rend faire son marché à Château Rouge, y est contrôlée et reçoit une #amende, qu’elle est bien incapable de payer. Par téléphone, Bintou doit lui expliquer ce que signifie « #commerces_de_proximité ».

    Comprendre cette situation exceptionnelle, mais aussi être bien informé, est difficile : la plupart ont un téléphone portable mais sans forfait internet suffisant. Et même avec un accès internet, il est difficile de savoir s’orienter dans le flot d’informations, et faire la part des choses entre les #rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux et les #informations_officielles.

    Le confinement ajoute de la #précarité à la précarité

    Avec la fermeture des quelques lieux où ces femmes migrantes se retrouvaient en confiance, croît le #sentiment_d’abandon. Même les services de santé, hors Covid-19, sont mis en pause : les rendez-vous de suivi de la maladie #VIH, les #consultations_prénatales pour les #femmes_enceintes sont reportés, accroissant le sentiment d’#abandon.

    Pour ces femmes qui vivent en situation précaire et dans une inquiétude permanente, ne pas comprendre, ne pas savoir, accroît l’#anxiété. Cet arrêt de la société française rajoute de l’angoisse à l’#angoisse, de l’#inconfort à l’inconfort. Vivre à plusieurs dans une chambre, en hôtel social ou en centre d’hébergement, cela est supportable quand on peut passer la journée dehors, rejoindre des lieux que l’on a choisis — comme ce que propose Ikambere —, trouver des petits boulots pour passer le temps et avoir un peu d’argent pour faire quelques courses. Mais, si on ne peut plus sortir, cela devient très vite un lieu d’#enfermement, avec des #risques_psychiques s’il se prolonge. C’est en particulier le cas pour celles et ceux qui sont en situation irrégulière et n’osent plus sortir faire quelques achats, de peur que le contrôle des autorisations de sortie ne se double d’un contrôle des titres de séjour.

    Sans même parler des risques de violence familiale et conjugale amplifiés par le huis-clos, le #suivi_scolaire des enfants par #télétravail est une gageure pour les familles, soit parce que les parents maîtrisent mal la langue française, soit parce qu’ils n’ont pas un accès facile à des ordinateurs et à internet.

    Enfin, à tout cela, s’ajoute aujourd’hui l’angoisse pour les familles restées dans des pays aux systèmes de santé fragiles et confrontés à l’épidémie.

    Des #initiatives_citoyennes

    Comme Ikambere, de nombreuses associations, bien qu’elles aient dû fermer leurs locaux, continuent à maintenir un lien téléphonique et quelques visites : Samu Social, Croix Rouge, Secours Catholique, Secours Populaire, conseils départementaux et régionaux, etc., les initiatives fleurissent pour aider ces plus précaires face au confinement, y compris via la plateforme de la réserve civique.

    Le jeune site Soliguide.fr (https://soliguide.fr) liste les lieux ouverts et les #permanences_téléphoniques pendant le confinement pour les personnes en #grande_précarité, dans 8 départements1 seulement pour le moment, mais il est possible d’y contribuer en indiquant d’autres structures accessibles. Plusieurs sites, comme ceux de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), la Délégation interministérielle à l’accueil et l’intégration des réfugiés (Diair) ou Santé Publique France, mettent à disposition des versions « en français facile à lire et à comprendre », en diverses langues et avec des pictogrammes de l’attestation dérogatoire de déplacement et d’autres documents d’information sur le Covid-19 (explication du confinement, consignes en cas de maladie…).

    Inclure et rassurer

    Les avis du conseil scientifique Covid-19 prennent régulièrement en compte ces situations spécifiques vécues par les personnes en situation d’immigration et de grande précarité. Espérons que cela se traduise par des mesures concrètes. Dans cette situation de confinement spécialement difficile pour eux, les immigrés vivant dans des conditions précaires doivent, en effet, être protégés et pris en compte dans les programmes nationaux, en particulier en s’assurant de leur accès aux besoins les plus basiques (nourriture, eau et savon pour se laver, puis accès aux tests quand ce sera possible) mais aussi à l’information (internet par wifi gratuit dans tous les lieux collectifs et sociaux, télévision…).

    Les inclure dans les mesures de protection, d’information et d’#accès_aux_soins est indispensable, et ce, quelle que soit leur situation par rapport au titre de séjour. Il est impératif, en effet, que chacun se sente en confiance avec les services publics pendant cette période pour prendre soin de sa #santé et de celle des autres. Cela demande de suspendre temporairement toutes les mesures qui visent à contrôler et expulser ces personnes. Le gouvernement a annoncé un prolongement de 3 mois pour tous les titres de séjour arrivant à échéance à partir du 16 mars. Il faut aller plus loin. En particulier les contrôles policiers pour assurer le confinement ne doivent pas donner lieu à des contrôles d’identité, et les personnes en situation irrégulière doivent être rassurées à ce sujet.

    1↑ Gironde, Loire-Atlantique, Bas-Rhin et Île-de-France.
    Pour aller plus loin

    - Annabel Desgrees du Lou, Ikambere, la maison qui relève les femmes, illustré par Jano Dupont, Les Éditions de l’atelier, 2019 : https://www.helloasso.com/associations/ikambere/evenements/achat-du-livre-ikambere-la-maison-qui-releve-les-femmes
    - Avis du Conseil scientifique, 2 avril 2020 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_2_avril_2020.pdf

    http://icmigrations.fr/2020/04/07/defacto-018-03
    #confinement #France #asile #migrations #réfugiés #covid-19 #coronavirus #nourriture #alimentation #violences_conjugales #violences_familiales #sans-papiers

    ping @karine4 @thomas_lacroix

  • Discipline / Lutte collective : Des migrants en grève de la faim dans un centre d’hébergement parisien - Libération
    http://www.liberation.fr/politiques/2015/09/29/des-migrants-en-greve-de-la-faim-dans-un-centre-d-hebergement-parisien_13

    Ils appellent à un rassemblement de solidarité jeudi à 18h au 26bis rue St Petersbourg, Paris 8e, Métro Place deClichy

    Une trentaine de personnes relogées après les évacuations des campements du nord parisien protestent contre leurs conditions de vie.

    Certains sont arrivés début juillet, après les évacuations des campements de #migrants du nord de Paris. Cela fait trois mois qu’ils vivent dans ce #centre_d’hébergement_d’urgence situé à deux pas de la place de Clichy, dans le XVIIIe arrondissement. Adam, un Soudanais de 20 ans, en a assez. Comme une trentaine de ses camarades, demandeurs d’asile pour la majorité, il a cessé de boire et de s’alimenter depuis dimanche. « Nos démarches pour avoir le statut de réfugié n’avancent pas, on n’a pas de tickets pour prendre le métro et personne ne nous a donné de cours de français », résume-t-il.

    La grève s’est déclenchée après un incident survenu au cours du week-end dans ce centre géré par l’association Aurore. Selon un occupant, un des employés travaillant à la cafétéria « a eu des mots très durs » samedi soir envers l’un des migrants. « Vous êtes des réfugiés, vous venez de la rue, vous n’avez pas à vous plaindre. Moi, j’ai un travail, des papiers et je suis meilleur que vous », leur aurait-il lancé. L’homme poursuit : « Il a insulté et tenté d’agresser un de nos camarades. »
    (...)
    Parallèlement, l’association #Aurore se fait l’écho des occupants et relaie auprès des pouvoirs publics leur demande d’obtenir des titres de transport et de voir les procédures d’asile s’accélérer. Car c’est bien là le cœur du problème. Après plusieurs semaines d’attente, les migrants se demandent si cet #hébergement, qui devait être temporaire, n’a pas déjà duré trop longtemps.

    « Certains d’entre nous n’ont toujours pas eu leur rendez-vous à la préfecture, explique un Soudanais. Pendant la journée, on n’a rien à faire. Du coup, on va jusqu’au lycée Jean-Quarré (un établissement inoccupé transformé en « #maison_des_réfugiés » autogérée) pour suivre des cours de français. » Un autre s’emporte : « Je ne peux pas #circuler librement. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai cumulé plus de 15 amendes dans les transports, car je n’ai pas de quoi me payer un ticket de métro. »

    Face à ces revendications, le responsable d’Aurore, François Morillon, s’avoue désemparé : « Je n’ai pas l’argent pour acheter des titres de transport », a-t-il par exemple lâché lundi soir, lors d’un échange improvisé sur le trottoir avec les grévistes de la faim et leurs soutiens. Une impuissance qui irrite les militants venus en #solidarité avec les migrants : « Vous recevez 40 euros par jour pour chaque personne hébergée, et celles-ci disent qu’elles n’ont pas de quoi se déplacer et qu’elles n’ont pas d’accompagnement administratif. A quoi servez-vous ? »

    Lors du rassemblement qui a eu lieu mardi, la direction d’Aurore était sur place (avec une représentante de la #FNARS) répétant sans cesse être d’accord avec les grévistes et les militants solidaires, disant avoir interpellé la #Ville_de_Paris et la Préfecture quant aux difficultés matérielles (transports, hygiène, vêtements), aux conditions d’accueil (pas de cours de français) et aux procédures légales, sans avoir obtenu de réponse. Mais François Morillon (resp Aurore) se refuse à donner copie des courriers qui auraient été envoyés aux institutions...
    Aurore prétend que le #droit_de_visite existe alors que, comme dans de nombreux centres d’hébergement d’urgence, il n’en est rien.

    À noter un changement de tactique. Alors que les interventions policières contre les migrants à Paris ont été innombrables, il n’y a eu que deux cas où ces interventions ont visées les migrants pendant leur « prise en charge » (après que les flics les aient délogé, "évacués).

    Ce fut le cas à Nanterre, le 17 septembre dernier quand des réfugiés ont refus de quitter les bus depuis lesquels on voulait les installer au CHU (trois migrants en garde à vue, accusés d’être des « passeurs » après avoir été porte parlote de l’action collective...), voir
    Nanterre, CASH et garde à vue : l’histoire vue par les réfugiés
    http://refugiesenlutte.wix.com/newsblog#!Nanterre-H%F4pital-psychiatrique-et-garde-%E0-vue-lhistoire-vue-par-les-r%E9fugi%E9s/cjds/55fd62dd0cf2a7bb74b106f7

    Ce fut également le cas au foyer Emmaüs Losserand, le 12 août dernier, lors d’une autre grève de la faim, avec une accusation de « séquestration » portée contre personnes présentées comme « manipulant les migrants »... alors même que l’une de ces personnes est elle même demandeuse d’asile.
    Migrants, réfugiés, précaires, la solidarité n’est pas un crime
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7797
    Après 48h de G-à-V et un passage au dépôt, ces 4 personnes passent en procès le 9 octobre. Une soirée de soutien a lieu dimanche, après la #manifestation à 15h place de la Bastille.

    Les revendications des migrants du foyer Losserand en grève de la faim, qui ont prolongé leur action après ces #arrestations jusqu’à ce qu’ils soient menacés de reconduite à la frontière par la police, ont rapidement été satisfaites pour l’essentiel (à l’exception du droit de visite).

    Mais, alors que dans ces deux cas, l’intervention policière fut rapide et massive (avec la disqualification/criminalisation des mis en cause, « passeurs » ou « autonomes »), au foyer Aurore ce mardi, pas de présence policière ostentatoire. C’est plutôt la carte du dialogue qui a été jouée, avec moultes « engagements » et « garanties » évoquées de façon exclusivement verbales par la direction du foyer (qui a refusé de rédiger un écrit résumant ses dires).

    Alors que la com’ de la Ville de Paris et du gouvernement se fait insistante ("l’accueil, c’est oui"), tout en préparant le tri entre asilables et régularisables et migrants à expulser au plus vite, les tensions autour des conditions de l’hébergement d’urgence sont appelées à se multiplier.

    Est également en jeu dans ces affaires, la politique de #sous-traitance du social (qui concerne par ailleurs tout le champ social, du RSA aux sortants de prison, de Pôle emploi à la fourniture de nourriture aux pauvres), avec la mise en #concurrence des #associations. Ainsi, la Ville de Paris compte expulser sous peu les migrants du Lycée Jean Quarré pour transformer ce dernier en centre d’hébergement d’urgence, des associations ont déjà en lice pour gérer les #budgets de ces lieux #disciplinaires.

    À suivre donc...

    • Après 5 jours de grève de la faim, les migrants du centre Aurore de la Place de Clichy l’ont interrompue jeudi 1 octobre suite à l’obtention d’une amélioration de leurs conditions d’hébergement : des tickets de transport (pour l’instant uniquement pour les RDV administratifs et médicaux...), des distributeurs d’eau à tous les étages, des produits d’hygiène, des couvertures, des cours de Français (par des bénévoles)

      Les problèmes rencontrés avec certains travailleurs ont été discutés. La personne ayant déclenchée le conflit est actuellement suspendue, les migrants attendent toujours des excuses de sa part, cependant ils réaffirment ne pas souhaiter son renvoi.

      Lundi est prévue une réunion dans le centre pour faire le point sur les délais des RDV en préfecture.

      Par ailleurs Aurore indique avoir demandé à la préfecture de faire raccourcir les délais des démarches administratives et de généraliser l’accès au titre de transport et s’engage à mettre en place la possibilité de visite dans les espaces collectifs.

      Les migrants et les personnes solidaires veilleront à ce qu’Aurore tienne ses engagements.

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