• #Microplastiques : de premières études laissent craindre un impact inquiétant sur notre organisme

    Des chercheurs ont observé des troubles du comportement chez des animaux exposés aux microplastiques. Chez l’humain, leur présence dans le #cerveau soulève de plus en plus de questions.

    Les microplastiques sont partout. Ces minuscules particules, mesurant moins de 5 millimètres de diamètre, sont invisibles à l’œil nu et proviennent de la dégradation d’objets en plastique plus volumineux, comme les sacs ou les bouteilles. Avec le temps, ces déchets se fragmentent et se dispersent dans l’ensemble de notre environnement.

    Selon le magazine en ligne New Scientist (https://www.newscientist.com/article/mg26635421-000-what-are-microplastics-doing-to-your-brain-were-startin), nous consommons environ 52.000 particules de microplastique par an ; 121.000 si l’on inclut celles que nous inhalons. On retrouve ainsi ces petits fragments dans les reins, le foie et d’autres organes humains. Les scientifiques ont récemment découvert que notre cerveau n’était pas protégé par la barrière hémato-encéphalique, qui l’isole du reste de l’organisme, et que des particules étrangères pouvaient y être retrouvées.

    Tamara Galloway, écotoxicologue à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni, explique que l’on ne sait pas encore précisément si les microplastiques peuvent perturber notre cerveau, ni comment s’illustreraient ces perturbations. Elle estime cependant que leurs effets sur les humains pourraient être graves. Ce sont principalement les recherches menées sur les animaux qui nous permettent, pour l’heure, de mieux comprendre les effets des microplastiques sur le cerveau et le comportement.

    L’exemple le plus marquant est celui du bernard-l’ermite. Le chercheur Andrew Crump, du Royal Veterinary College de Londres, a exposé ces crustacés à deux environnements : l’un contenant de l’eau propre, l’autre de l’eau polluée par des fragments microscopiques de polyéthylène, un plastique très répandu dans les emballages. Après cinq jours, chaque bernard-l’ermite devait choisir entre deux coquilles : l’une plus petite, l’autre plus grande que celle qu’il occupait. Résultat, les individus exposés aux microplastiques semblaient confus et optaient plus fréquemment pour la coquille la moins adaptée. De quoi suggérer que ces particules altèrent potentiellement leur faculté à prendre des décisions essentielles à leur survie.

    Des indices alarmants

    Malheureusement, le nombre de particules de microplastiques présentes dans notre environnement est en pleine explosion. Matthew Campen, chercheur à l’Université du Nouveau-Mexique, affirme que les cerveaux de personnes décédées en 2024 contenaient environ 50% de microplastiques en plus que ceux de personnes mortes en 2016. Aujourd’hui, on retrouve en moyenne 7 grammes de plastique par cerveau, soit « l’équivalent de quelques bouchons de bouteille d’eau », souligne le média.

    Malgré les restrictions expérimentales (il est compliqué de disséquer des cerveaux d’humains encore en vie), il existe quelques indices d’effets néfastes chez des personnes vivantes. Une étude publiée dans la revue scientifique Sage Journals (https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.3233/JAD-240746) a révélé que les chinois de 60 ans et plus, affirmant être fortement exposés aux microplastiques (notamment en utilisant de la vaisselle en #plastique et en buvant régulièrement de l’#eau_en_bouteille) présentaient un risque accru de #troubles_cognitifs légers.

    Ces résultats soulèvent des préoccupations quant aux effets neurologiques potentiels des microplastiques chez l’humain, bien que des études plus approfondies soient nécessaires pour établir d’éventuels liens supplémentaires.

    En attendant d’en savoir plus, certains gestes simples permettent de limiter notre exposition quotidienne. Cela passe par l’utilisation de contenants en verre ou en céramique, le choix de produits issus de l’agriculture biologique et la préférence pour les aliments non emballés.

    https://www.slate.fr/sciences/microplastiques-pollution-organisme-corps-humain-environnement-probleme-sante-
    #microplastique #santé

  • L’Ukraine et ses alliés réclament à la Russie un cessez-le-feu de trente jours, Vladimir Poutine les ignore, et propose des négociations directes avec Kiev le 15 mai

    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/11/l-ukraine-et-ses-allies-reclament-a-la-russie-un-cessez-le-feu-de-trente-jou

    Les dirigeants français, allemand, britannique et polonais, accueillis par Volodymyr Zelensky dans la capitale ukrainienne, se sont prévalus du soutien de Donald Trump pour accroître la pression sur le président russe.

    • Guerre en Ukraine : le duel diplomatique de Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine mis sous pression par Donald Trump

      https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/12/guerre-en-ukraine-le-duel-diplomatique-de-volodymyr-zelensky-et-vladimir-pou

      Le président russe a écarté le cessez-le-feu exigé dès lundi par les Européens, et mis sur la table des négociations directes à Istanbul. Son homologue ukrainien a saisi l’occasion pour lui proposer de le rencontrer « personnellement ».

      [...]

      « J’espère que, cette fois, les Russes ne chercheront pas d’excuses », a dit M. Zelensky, tout en répétant son exigence d’un « cessez-le-feu total complet, durable et fiable » dès lundi 12 mai, « pour fournir une base nécessaire à la diplomatie ». Cette cessation des hostilités est réclamée en chœur par les alliés occidentaux de Kiev, en particulier les Européens, mais le président russe n’entend pas l’accepter préalablement à des discussions.

      Si rien ne dit à ce stade que Vladimir Poutine accepte le rendez-vous fixé, comme une forme de défi, par Volodymyr Zelensky, la riposte très #tactique de celui-ci intervient à l’issue d’un week-end d’intenses manœuvres diplomatiques, à l’initiative des Européens, pour tenter de sortir de l’impasse les tractations indirectes menées jusqu’ici par l’intermédiaire de l’administration américaine.

      [...]

      Le rôle-clé de la #Turquie

      Le président turc, Recep Tayyip #Erdogan, a bien confirmé la disposition de son pays à accueillir des négociations en vue de mettre un terme à la guerre. C’est même un moment que le dirigeant turc attendait depuis près de trois ans et l’échec, au printemps 2022, de négociations directes entre la Russie et l’Ukraine. Le chef de l’Etat turc a cherché à jouer un rôle de médiateur entre Kiev et Moscou avant même le début du conflit, en février 2022. Un mois après l’invasion, la Turquie a organisé les seules négociations directes qui aient jamais eu lieu depuis entre les délégations russe et ukrainienne à Antalya, puis à Istanbul. A l’époque, Moscou espérait conquérir Kiev et exigeait la capitulation de l’Ukraine, sa neutralisation (maintien hors de l’#OTAN et réduction de ses forces armées) et sa « dénazification », c’est-à-dire la chute du président Zelensky.

      Après cet échec, Recep Tayyip Erdogan a su jouer un rôle-clé dans la négociation et la signature de l’accord sur l’exportation des #céréales ukrainiennes (Initiative céréalière de la mer Noire), en collaboration avec les Nations unies. Mais là encore, ce dispositif a échoué après quelques mois en 2023, quand la Russie a décidé de ne pas renouveler l’accord.

      [...]

      [Macron] « a insisté sur la nécessité d’un cessez-le-feu qui permettra qu’une rencontre russo-ukrainienne au plus haut niveau ait lieu ce jeudi ». A la différence de la Maison Blanche, les dirigeants européens considèrent qu’un tel cessez-le-feu, si possible de trente jours et renouvelable, doit rester un préalable avant toute forme de discussion sérieuse. Pas question, selon eux, que la Russie préempte les contours d’un éventuel accord de paix en imposant ses exigences avant d’accepter de cesser les hostilités sur le terrain.

      Dans ces conditions, le cessez-le-feu exigé par les Européens a peu de chances d’entrer en vigueur lundi ou un jour prochain. Et la perspective d’un sommet Poutine-Zelensky n’est pas beaucoup plus probable étant donné la défiance accumulée entre Kiev et Moscou après plus de trois ans de guerre. « Aujourd’hui, les deux belligérants se détestent, ne se font pas confiance, leurs positions de négociation, notamment sur le statut des territoires ukrainiens occupés, se contredisent radicalement et ne sont pas compatibles pour parvenir à un compromis », observe Volodymyr Fesenko, analyste ukrainien, directeur du centre d’études politiques Penta, à Kiev.

      D’ailleurs, observe-t-il, Vladimir Poutine n’a lui-même pas proposé une rencontre au sommet, mais « la reprise des pourparlers d’Istanbul interrompus en 2022 ». « Il s’agit d’une position de propagande et d’un #piège #tactique pour l’Ukraine. Si l’Ukraine refuse, Poutine accusera les Ukrainiens de ne pas vouloir négocier la paix et mettre fin à la guerre, dit M. Fesenko ; si l’Ukraine accepte, des ultimatums seront lancés par la Russie à Istanbul. » « Il est également possible que la Russie simule des négociations et les fasse durer autant que possible, tout en poursuivant, voire en intensifiant, la guerre contre l’Ukraine », craint Volodymyr Fesenko. Une hypothèse également redoutée en Europe.

      Le jeu entre Poutine et Trump

      De fait, Vladimir Poutine se pense en position de force, en raison de la progression, lente mais régulière, de son armée dans l’est de l’Ukraine. Il sait que le temps joue pour lui, alors que l’administration Trump est pressée de trouver un accord. « La position du Kremlin n’a pas changé : pas de cessez-le-feu sans accord de paix plus général. Poutine n’abandonnera pas cet argument lors des négociations, d’autant plus que la dynamique militaire est du côté russe. Les activités militaires cesseront une fois l’accord de paix conclu », analyse Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de Russia in Global Affairs, réputé proche du Kremlin. « Par expérience, nous savons que les propositions européennes peinent à fonctionner dans les faits. Les menaces de nouvelles sanctions ne nous impressionnent pas. Mais la Russie ne veut pas éliminer la possibilité de négociations et d’un éventuel accord de paix. C’est un signe important », affirme-t-il.

      « Cette semaine sera cruciale, veut croire un autre analyste russe, sous le couvert de l’anonymat. Tout dépend du jeu entre Poutine et Trump. Le Kremlin continue de jouer la montre, mais il ne veut pas rejeter catégoriquement une proposition de cessez-le-feu venant de Trump car il veut conserver la nouvelle et bonne relation construite avec lui. »

      « Poutine a proposé des “pourparlers directs entre la Russie et l’Ukraine”, en référence aux précédentes négociations d’Istanbul menées par des représentants des deux parties, et non par les présidents, dit un dernier analyste russe. Zelensky lui a répondu qu’il était prêt à le rencontrer, “personnellement”. C’est une manière de dire non à la proposition russe », conclut-il, au risque de voir les espoirs de Donald Trump déçus et la guerre se prolonger encore.

  • « #Permis_de_tuer » : l’#ONU admoneste la #France pour la troisième fois

    Deux propositions de loi ont été déposées, des syndicats de policiers s’élèvent contre le cadre légal flou, et en 2024, un nombre record de personnes a été tué par les balles policières. Mais ce jeudi, devant les experts du #Comité_contre_la_torture de l’ONU, la France a continué de faire la sourde oreille.

    C’est la troisième fois qu’un organe des Nations unies interpelle la France sur la loi « Cazeneuve », adoptée en 2017. Le #rapport final du Comité contre la torture (CAT) est encore attendu pour le 1er mai prochain. Mais, lors de l’examen de la France hier et aujourd’hui, les propos des experts sont exempts de toute ambiguïté. L’un d’entre eux, Jorge Contesse a estimé que « la France est devenue depuis quelques années le pays de l’Union européenne où il y a le plus grand nombre de personnes tuées ou ou blessées par des agents de la force publique ». Soulignant que les images de l’#homicide policier de Nahel Merzouk en juin 2023 ont fait « le tour du Monde », l’expert a précisé que la loi de 2017 « semble étendre le champ de la #légitime_défense au-delà du raisonnable », et rappelé que « depuis cette loi (…) le nombre de personnes tuées par la police a été multiplié par cinq ».

    Ce jeudi, la France a répondu avec aplomb, par la voix de la patronne adjointe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) : « Nous ne tombons pas du tout sur les mêmes chiffres ». Évoquant de possibles « problèmes de méthodologie », Lucille Rolland a montré une parfaite #mauvaise_foi, opposant des chiffres sur les tirs aux chiffres sur les morts par des tirs, qui sont pourtant des réalités bien différentes. L’expert avait approché le sujet de manière sérieuse. Citant le cas emblématique de #Luis_Bico, tué par la police en 2017, Jorge Contesse a demandé les mesures « d’ordre législatif, administratif ou judiciaire » prises par la France depuis la mission parlementaire conclue en mai 2024. L’expert est entré dans les détails, demandant à la France « s’il y a eu notamment des instructions de la police nationale » ou « si cela est prévu », insistant sur la notion d’« #immédiateté », insuffisamment précisée depuis la loi de 2017. La France est demeurée ambiguë sur ce point, et n’a pas répondu sur d’éventuelles évolutions du cadre légal.

    Au moins 29 morts en 2024

    Pourtant, la hausse récente du nombre de #morts_par_balle constitue un signal net que le cadre légal demeure trop imprécis. Dans son dernier rapport, l’#IGPN se félicitait du « très net retrait » du nombre de personnes tuées par balles par la police en 2023. En effet, en incluant les #tirs_mortels des #gendarmes et des #polices_municipales, le nombre total de personnes tuées par balle était de 12 cette année-là, soit moins de la moitié par rapport à 2022 (26 personnes tuées). Mais cette tendance n’a été que très passagère. 2024 constitue un nouveau et bien lamentable record : 29 personnes au moins ont été tuées par les balles de la #police_nationale, de la #gendarmerie et des polices municipales (ces dernières ont tué deux personnes en 2024). Il faudra attendre pendant de longs mois la publication des chiffres de l’IGPN et de l’IGGN pour compléter et analyser ces #données provisoires, probablement non exhaustives (voir méthodo ci-dessous). Cependant, deux tendances s’affirment d’ores et déjà : on compte au moins sept personnes tuées par la police ou la gendarmerie en #Kanaky, et de très nombreuses personnes tuées alors qu’elles tenaient à la main une arme blanche.

    Pendant quatre mois, de fin juillet à fin novembre 2023, aucun tir policier mortel ne fut à déplorer. Une accalmie rarissime : il faut remonter à l’année 2019 pour retrouver une période de 3 mois et demi sans homicide policier par balles. Comment expliquer ce répit, et la baisse notable du nombre de personnes tuées en 2023 ? Dans son dernier rapport, l’IGPN impute « l’origine directe de cette tendance » à celle des tirs sur les véhicules en mouvement. À notre connaissance, une année entière a en effet séparé l’homicide de #Nahel_Merzouk d’un nouvel homicide par balle suite à un refus d’obtempérer (celui de #Sulivan_Sauvey, en juin 2024, dans la Manche). Les révoltes d’une partie de la jeunesse à l’été 2023 auraient-elle eu une influence ? Consigne interne de modération aurait-elle été donnée ? A moins que la mise en examen de policiers (au moins 12 depuis le vote de la loi de 2017, d’après notre décompte) ait eu un effet dissuasif ?

    Les #syndicats_de_police s’en mêlent

    L’admonestation onusienne s’ajoute à celles du Comité des droits de l’Homme en octobre dernier, et du #Comité_pour_l’élimination_des_discriminations_raciales (CERD) suite à la mort de Nahel. Le #CERD « demande instamment à la France à revoir son #cadre_législatif régissant l’utilisation de la #force_létale » et se dit « préoccupé par la pratique persistante du #profilage_racial combinée à l’usage excessif de la force ». Aux côtés du Syndicat des avocats de France, de Stop aux violences d’État et de la famille de Luis Bico, Flagrant déni a notamment rappelé, dans une note aux Nations unies, que les personnes racisées ont au moins six fois plus de risques d’être tués par la police. Au total, pas moins de cinq organisations de la société civile ont alerté les experts des Nations unies sur la loi de 2017 dans le cadre de l’examen de la France.

    Ces dernières semaines, deux propositions de réforme ou d’abrogation de la loi « Cazeneuve » ont été déposées à l’Assemblée nationale, par le PS et LFI. Et en mars dernier, de nouvelles voix se sont élevées contre ce texte : celles de syndicats policiers, suite aux réquisitions du parquet dans l’affaire de l’homicide de Nahel Merzouk. Les termes sont forts : « On ne peut pas travailler comme cela, on a besoin d’un #cadre_légal clair, net et précis. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas », affirme le représentant de la CFTC. Si « la loi n’est pas adaptée » se questionne Un1té, c’est « le vrai fond du sujet […], et dans ces cas-là […] nous aussi on attend de notre administration et du législateur de prévoir, de nous dire comment on doit travailler ». Contre l’avis de ses agents, l’Intérieur, lui, continue de refuser de voir le problème.

    Méthodo

    Les données statistiques citées sont issues du comptage de Basta.media jusqu’à 2022, puis d’une revue de presse, consolidée par les informations publiées dans les rapports d’activités 2023 de l’IGPN et de l’IGGN. Les données jusqu’à 2023 sont donc complètes et fiables. Les données de 2024 sont issues d’une revue de presse mais sont incomplètes car les données officielles ne sont pas connues.

    https://blogs.mediapart.fr/flagrant-deni/blog/190425/permis-de-tuer-l-onu-admoneste-la-france-pour-la-troisieme-fois
    #violences_policières #loi_Cazeneuve #décès #chiffres #statistiques

  • #Maladies_neurologiques : quand les #pesticides s’attaquent au #cerveau

    Des agriculteurs retraités se retrouvent atteints de graves maladies neurologiques causées par l’exposition aux pesticides. Commence alors un #parcours_du_combattant pour leurs familles, qui espèrent faire reconnaître la maladie comme professionnelle.

    Michel, ancien agriculteur âgé de 77 ans, est imprévisible. Sa fille Valérie, qui est aussi sa tutrice, cherche sur son téléphone des vidéos qui montrent ses changements d’humeurs et de comportements, si désarmants. Elle finit par en trouver et l’on voit Michel, tranquillement assis dans son fauteuil, rire doucement avec son épouse. Et soudain, il se met à crier, battre des bras et des mains, puis il se dirige vers la table pour y donner quelques coups de poing.

    Avant de se rasseoir, un peu plus loin. « Au départ, les médecins croyaient qu’il était atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob [version humaine de la maladie de la vache folle, ndlr] », décrit Valérie. Très investie dans le soutien qu’elle apporte à son père, elle a multiplié les rendez-vous médicaux, tests en tout genre et allers-retours épuisants entre les hôpitaux de Rennes, le domicile de ses parents et son travail salarié.

    Comment payer un Ehpad avec 1000 euros ?

    Le diagnostic, terrible, est tombé dans les premiers jours de l’année 2021 : démence fronto-temporale. « Au départ, maman a pu s’en occuper, et je venais l’aider. Mais c’est devenu trop dur. Il se roulait par terre et ne voulait pas qu’on l’aide. Nous avons dû le placer en Ehpad, dans une unité d’hébergement renforcée », poursuit Valérie, très affectée par ce qu’elle vit comme « un abandon ». Ce placement en Ehpad est d’autant plus difficile que la petite retraite de Michel – 1100 euros par mois – ne couvre que la moitié du coût mensuel total, qui s’élève à 2200 euros. « Je prends dans ses économies, mais j’arrive au bout. La retraite de maman est très faible aussi. On va être obligées de vendre sa maison pour faire face. Mais je ne trouve pas de nouveau logement pour elle. »

    La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Michel et le versement d’une #rente en reconnaissance du #préjudice subi pourraient leur apporter un peu d’air… Valérie a entamé les démarches à l’automne 2022, avec l’aide du Collectif de soutien aux victimes des pesticides, que sa mère a découvert via la presse locale. « Papa, il a utilisé beaucoup de pesticides. Il a fait beaucoup de mélanges, et il n’avait pas de cabine sur le tracteur, aucune protection. » Comme de nombreux enfants à cette époque, Valérie a souvent aidé son père dans les travaux des champs, y compris quand il faisait des traitements : « On ne savait pas que c’était dangereux, personne ne parlait de ça autour de nous. »

    Toute la sphère neurologique affectée

    La démence fronto-temporale ne figure dans aucun des tableaux qui listent les #pathologies_professionnelles dues à l’exposition aux pesticides, mais ceux-ci évoluent au fil des luttes et recherches scientifiques. « Historiquement, on a commencé le combat judiciaire avec la maladie de Parkinson puis le lymphome, situe l’avocat François Lafforgue, dont le cabinet accompagne de nombreuses #victimes des pesticides. Ensuite, nous avons travaillé sur les hémopathies et on a obtenu la création ou l’extension des tableaux pour toutes ces pathologies. »

    Ces victoires ne sont pas anecdotiques. Elles permettent de mettre en place ce que l’on appelle la « #présomption_d’imputabilité », qui évite aux victimes de documenter elles-mêmes les liens entre leur maladie et leur exposition. Aujourd’hui, par exemple, toute personne atteinte de la #maladie_de_Parkinson et exposée pendant au moins dix ans aux pesticides dans le cadre de son travail peut obtenir la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

    « Au fil des années et des prises de contacts avec des malades, on s’est rendu compte que toute la sphère neurologique était affectée, poursuit François Lafforgue. Nous avons aussi découvert qu’il existe de la littérature scientifique sur les liens entre plusieurs des maladies de cette sphère neurologique et les pesticides. Nous avons donc décidé de défendre la reconnaissance de ce lien devant les tribunaux. » C’est ainsi qu’en juin 2024, la #démence_à_corps_de_Lewy (type de démence partageant des caractéristiques avec la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson) de Joseph Lendormy, ancien agriculteur, a officiellement été reconnue comme étant liée à son exposition aux pesticides. C’est une première qui donne bon espoir au collectif pour le dossier de Michel.

    « Mon père a été exposé pendant plus de trente ans aux pesticides, retrace son fils Philippe Lendormy. Il avait une petite ferme d’élevage bovin-lait et polycultures (maïs, blé, colza...), mais c’est surtout comme chauffeur de la #Cuma [coopérative d’utilisation du matériel agricole, ndlr] qu’il a été exposé. » Joseph a occupé ce poste de 1961 jusqu’à son départ à la retraite en 1999.

    « Il s’agissait d’une grosse Cuma, avec douze fermes, et mon père faisait tous les traitements : #herbicides, #fongicides, #insecticides. Je me souviens qu’au printemps, il avait les mains et les bras orange, car il brassait les mélanges à la main. Il stockait les produits à la maison, y faisait ses mélanges et y rinçait ses cuves, le liquide dévalait la cour. » Sur la liste que Philippe Lendormy a reconstituée pour le dossier de son père, figurent de nombreux produits aujourd’hui interdits, dont plusieurs susceptibles de porter atteinte à la sphère neurologique.

    Des malades toujours plus nombreux

    « Mon père est mort en 2022, mais il est tombé malade huit ans avant, à 72 ans », reprend Philippe Lendormy. Joseph a commencé par oublier où il posait ses affaires, puis à ne plus savoir pourquoi il se trouvait à tel endroit à tel moment. Au fil des mois et des années, son état s’est aggravé. « Il faisait n’importe quoi : un jour, il a mis le feu à un balai et s’est promené avec dans la maison. Rien n’allait plus. Ma mère s’est occupée de lui pendant six ans, elle a été au bout de ses forces. Et il a finalement intégré un Ehpad. » Aucun médecin n’a établi de liens avec les pesticides. C’est Philippe qui a fini par y penser, un peu par hasard, suite à des discussions avec des amis, qui avaient entendu parler du sujet par la presse.

    « C’est un peu toujours la même histoire, commente Michel Besnard du Collectif de soutien aux pesticides de l’Ouest. À chaque fois que l’on médiatise un cas, de nouvelles personnes se manifestent. Si les maladies qu’ils ont ne sont pas dans les tableaux, on les accompagne quand même. » Les démarches sont plus longues, mais elles aboutissent cependant assez souvent, encourageant de nouveaux malades à les entreprendre. « On rencontre de plus en plus de gens avec des démences à corps de Lewy, précise Michel Besnard. Souvent, les neurologues disent d’abord que c’est la maladie de Parkinson (40 % des victimes accompagnées par le collectif en sont atteintes). Puis le diagnostic s’affine et on arrive à cette démence. C’est important de faire circuler ces informations pour que d’autres personnes puissent se manifester. »

    Un soutien inégal de la part des médecins

    « Ce n’est pas parce que l’on n’a pas beaucoup de cas qu’il ne faut pas les prendre en compte, ajoute François Lafforgue. La maladie à corps de Lewy, seconde cause de #démence_neurodégénérative après la maladie d’Alzheimer, est une affection dont les mécanismes sont très proches de ceux de la maladie de Parkinson. Or, les études scientifiques établissent un lien clair entre la maladie de Parkinson et une exposition aux pesticides. »

    Le lien entre la maladie de Joseph Lendormy et son travail a aussi été reconnu comme possible par l’experte du Centre régional de pathologies professionnelles et environnementales de Bretagne, où Philippe avait emmené son père, sur les conseils de l’avocat. « Le rapport d’expertise de l’Inserm de 2021 sur les pesticides rapporte un niveau de présomption fort entre l’exposition aux pesticides et les troubles cognitifs chez les agriculteurs », cite-t-elle dans son courrier bilan, considérant qu’une déclaration de reconnaissance peut être proposée à Joseph.

    Un avis encourageant qui tranche avec la frilosité du médecin de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui avait commenté, après avoir écouté le CV de Joseph Lendormy : « L’ensemble des informations recueillies laissent supposer que Mr Lendormy a probablement été exposé à des pesticides au cours de sa vie professionnelle. » Cette prudence dans les propos avait ulcéré Philippe Lendormy. « Ce médecin est venu chez mes parents. On lui avait donné la liste des produits que mon père avait utilisés, car les vendeurs de la coop, c’étaient des amis de mes parents. Il a été exposé toute sa vie, c’est évident, et non "probable". »

    Une vie de travail et pas de retraite

    Récemment, le cabinet de François Lafforgue a obtenu la reconnaissance en maladie professionnelle pour un agriculteur atteint d’Alzheimer. « Mon père a travaillé des années 1960 aux années 2000, explique son fils, Benoît Laurent. Ils étaient six associés et lui était préposé à l’épandage des pesticides. C’était leur organisation. Il travaillait sans protection, je me souviens qu’il versait les produits et qu’il les mélangeait avec un bâton, à mains nues. Souvent, il avait des maux de tête et il saignait du nez. Il est tombé malade en fin de carrière et a été diagnostiqué en 2008, à 68 ans, cinq ans après avoir pris sa retraite. » La reconnaissance obtenue par Martial Laurent est due à un vice de procédure : la MSA n’a pas respecté certains délais, ce qui a entraîné une reconnaissance « implicite ». Il est donc difficile d’affirmer que les institutions valident le lien entre exposition aux pesticides et maladie d’Alzheimer.

    Selon François Lafforgue, « une action engagée a abouti favorablement, ce n’est pas comme s’il ne s’était rien passé ». L’expertise Inserm de 2021, qui s’est intéressée à des centaines d’études à propos des effets sanitaires des pesticides, considère que la présomption de lien entre pesticides et Alzheimer est « moyenne ». Elle cite une analyse réunissant sept études qui « estime à 34 % l’élévation du risque – significative – de maladie d’Alzheimer chez les personnes exposées aux pesticides ».

    « Cette reconnaissance, et la rente qui a été versée, nous permettent de financer l’Ehpad où mon père vit depuis 2020, intervient Benoît Laurent. Son petit pécule de retraite fondait comme neige au soleil. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, mes parents, même s’ils avaient travaillé toute leur vie. » « La rente ne va pas ramener mon père, ajoute Philippe Lendormy, mais cela va soulager un peu ma mère, qui s’est épuisée à l’accompagner. Elle va pouvoir se faire aider pour les travaux quotidiens. Pour moi, c’est aussi important symboliquement cette reconnaissance. Mon père a été un bon soldat, il a nourri la France comme on le lui a demandé. Il a bossé très dur. Et en est tombé malade. C’est bien de le rappeler. »

    Pour Valérie Vivien, « c’est douloureux de savoir qu’ils n’ont pas été prévenus qu’il allait y avoir des conséquences s’ils utilisaient des pesticides. Personne ne leur a jamais dit. C’est injuste. Ils ont travaillé toute leur vie et n’ont pas profité de leur retraite ensemble. » Elle espère que les démarches qu’elle a entamées « faciliteront les choses pour les suivants ». Et en attendant que son père touche, enfin, l’argent nécessaire à sa prise en charge, elle a dû lancer une cagnotte en ligne (https://www.leetchi.com/fr/c/cout-d-un-ehpad-2200mois-et-comptes-bientot-a-0-7503176.

    https://basta.media/maladies-neurologiques-quand-les-pesticides-s-attaquent-au-cerveau
    #santé #maladie #industrie_agro-alimentaire #agriculteurs #agriculture #conditions_de_travail #travail #maladies_professionnelles

  • #chilling_effect
    https://redasadki.me/2025/03/27/chilling-effect

    We reached out to 1,723 senior decision makers working in #Global_health about the new #Certificate_peer_learning_programme_for_equity_in_research_and_practice. Crickets. One CEO wrote: “We aren’t currently in a position to enter into new strategic partnerships on the topic.” The chilling effect is real. Many organizations are retreating from publicly championing #equity work—even those with deep commitments to fairness and #inclusion. But here’s the opportunity: While public discourse faces headwinds, meaningful work continues through trusted networks and communities of practice. This is precisely when innovation in equity approaches accelerates—away from the spotlight but with profound impact. The evidence is clear: health systems that neglect equity waste resources and deliver poorer (...)

    #bias #DEI #global_health

  • En #Algérie, la France coloniale a aussi détruit la #nature

    L’accaparement colonial de la terre en Algérie a détruit des modes d’organisation et de gestion de la terre en commun. Le développement des monocultures et d’une agriculture d’exportation a aussi bouleversé l’environnement.

    Après avoir été suspendu de RTL début mars pour avoir évoqué les massacres français en Algérie au XIXe siècle, Jean-Michel Apathie a décidé de quitter la station. En pleine surenchère du ministre Bruno Retailleau avec l’Algérie et face à une extrême droite qui clame les bienfaits de la colonisation, le flot de réactions hostiles aux propos de l’éditorialiste rappelle que nombre de Français ne connaissent pas l’ampleur des crimes coloniaux commis par la France en Algérie.

    Face aux tentatives de révisionnisme historique, Reporterre s’est intéressé à un pan méconnu de la colonisation française en Algérie : ses dégâts sur la nature. À l’aube de la colonisation, le socle de la société algérienne reposait sur la paysannerie, l’agriculture était la principale source de richesse et rythmait la vie des populations qui alternait entre le travail de la terre et les transhumances saisonnières. Mais de 1830 jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, l’accaparement des terres par les colons a complètement bouleversé cet équilibre.

    « L’arrivée des colons en Algérie signe l’accaparement des ressources environnementales et celle du foncier. C’était une pratique d’expropriation sans explication, sans excuse et avec une grande brutalité. Pour les Algériens, c’est un monde qui s’effondre littéralement », relate Antonin Plarier, maître de conférence à l’université Lyon 3 et spécialiste de l’histoire environnementale des sociétés coloniales.

    Au total, d’après ses calculs, plus d’1,2 million d’hectares ont été transférés aux Européens entre 1830 et 1917 : soit l’équivalent de 1 000 fois la superficie de Paris, et trois fois celle de la Belgique.

    Pour réquisitionner des terres algériennes, la France a développé un arsenal juridique légalisant un paradoxe : celui d’une société qui défendait le droit à la propriété et d’une colonisation qui foulait au pied celle des Algériens. L’administration coloniale pouvait ainsi s’emparer de n’importe quelle propriété algérienne, qu’elle soit celle d’un individu comme d’une tribu entière.
    Détruire la paysannerie pour « soumettre le pays »

    La doctrine coloniale et militaire se lit à travers les écrits du maréchal Bugeaud, le militaire qui a permis d’étendre la conquête de l’Algérie. Voici notamment ce que précise cette violente figure de la colonisation, spécialiste des enfumades (pratique consistant à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte en allumant devant l’entrée des feux) : « J’y ai réfléchi bien longtemps, en me levant, en me couchant ; eh bien ! Je n’ai pu découvrir d’autre moyen de soumettre le pays que de saisir l’intérêt agricole ». Il faut donc empêcher les populations « de semer, de récolter, de pâturer », pour les priver des moyens d’existence, souligne l’historien Hosni Kitouni, chercheur en histoire à l’université d’Exeter.

    En filigrane, il s’agissait de punir tous ceux qui tentaient de se révolter, et de dissuader ceux qui en avaient l’intention. En 1838, l’ordonnance royale du maréchal Bugeaud indiquait que toute tribu s’insurgeant contre la domination française pouvait voir ses terres séquestrées. Cette politique monta encore d’un cran en 1871 à la suite d’une insurrection initiée contre la puissance coloniale.

    Cette « tempête des spoliations », selon l’expression d’Hosni Kitouni, a non seulement dispersé les populations, contraintes d’abandonner leurs maisons, leurs cultures, leur bétail, mais a également entraîné leur paupérisation, voire pire, leur famine, puis leur mort. En parallèle, la violence des razzias, ces opérations militaires menées dans des campements, a détruit les habitations et les récoltes. Les arbres fruitiers étaient rasés dans les zones de guerre.
    Spoliation de l’eau et des forêts

    « Devenus des paysans sans terre, sans bétail, sans abris, n’ayant que la force de leurs bras à vendre, ils vont alimenter la masse des candidats à toutes les servitudes », écrit Hosni Kitouni. D’anciens propriétaires algériens sont alors parfois revenus sur leurs terres louer leur force de travail aux colons français. « Des paysans algériens vont revenir cultiver la terre, fournir les semences, et les instruments agraires, en échange de quoi ils vont pouvoir récupérer un ou deux cinquièmes de la récolte, le reste revenant au propriétaire », raconte à Reporterre Antonin Plarier.

    Au-delà des terres, la colonisation s’est emparée des communs que sont les forêts et l’eau. Au XIXe siècle, plusieurs opérations de maîtrise des cours d’eau ont fleuri, toujours dans le but d’irriguer les terres des colons. Dans les années 1860, un projet de barrage a vu le jour dans le département d’Oran. Antonin Plarier pointe ainsi ce qui tient de l’évidence : « Lorsqu’une source en eau est maîtrisée, elle l’est uniquement au bénéfice des colons, et donc au détriment des agriculteurs algériens qui en sont de fait dépossédés. »

    La question de l’eau a entraîné plusieurs conflits, tout comme celle des forêts. Dès les années 1830, l’imposition du Code forestier par les colons a restreint peu à peu aux Algériens l’artisanat, le passage du bétail, le ramassage du bois de chauffe, et la coupe de bois pour les diverses constructions.

    Résultat : entre un tiers et la moitié des ressources économiques de la paysannerie algérienne a été menacée par ce nouveau cadre légal, estime Antonin Plarier. Il faut dire que l’administration coloniale y a très vite vu un filon : l’exploitation des forêts en vue de leur commercialisation.

    Dans la montagne de Beni Khalfoun, dans la vallée de l’Isser, l’administration octroya par exemple une concession d’environ 1 000 hectares de chênes-lièges, un bois cher et prisé pour la fabrication de bouchons, à un exploitant français. Difficile de donner un chiffre précis, mais cet accaparement de ressources essentielles n’a pas été sans conséquences sur l’écosystème algérien.

    « C’est toute une série d’éléments liés à la colonisation qui vont contribuer à dégrader l’environnement algérien. En asséchant les sols via la déforestation, l’État colonial a par exemple favorisé l’érosion des sols », dit l’historienne Hélène Blais, professeure d’histoire contemporaine à l’ENS et autrice de L’empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux.
    Monocultures et rentabilité

    En Algérie, comme ailleurs, la colonisation s’est accompagnée de l’introduction de nouvelles espèces jugées plus rentables, et d’un bouleversement dans les pratiques agricoles tournées vers une pratique intensive et exportatrice correspondant davantage aux besoins de la métropole.

    Ce qui fait dire à Alain Ruscio, historien spécialiste de la période coloniale, que « la totalité de l’écosystème algérien a été affectée par la colonisation » : « Au fur et à mesure que l’armée française considérait qu’une région était complètement contrôlée, des monocultures étaient rapidement mises en place. D’où aussi la construction de routes servant à acheminer ces marchandises vers la France », nous explique-t-il.

    C’est l’exemple de la vigne et de sa vinification, qui priva une partie de la population d’un accès à la culture de céréales, et entraîna la disparition de terres en jachères — qui fournissaient des pâturages jusqu’ici essentiels pour le bétail des paysans algériens. Mais aussi de l’introduction massive de l’eucalyptus, cette plante endémique d’Australie, dès les années 1860 pour tenter d’assainir les zones humides dans lesquelles le paludisme décimait des colons.

    « Des millions d’arbres ont ainsi été plantés. Dans certains endroits, cela a asséché plus qu’il était nécessaire, au détriment d’autres espèces endémiques qui ont été abattues ou abandonnées dans ce cadre », analyse Hélène Blais. L’historienne a également observé des tentatives d’introduction de moutons mérinos, apporté pour sa laine prisée en Europe.
    Chasses coloniales

    Sans oublier les chasses coloniales qui attiraient des Français originaires de tout l’Hexagone venus traquer hyènes, panthères, lions et autres animaux sauvages. Considérés comme des animaux nuisibles, leurs têtes furent mises à prix via une circulaire du général Bugeaud de 1844 offrant une récompense pour tout animal tué « proportionné à la puissance de chaque bête ». D’après les recherches d’Hosni Kitouni, rien qu’en 1860, ce ne furent pas moins de 61 panthères et 38 lions qui avaient été abattus. Si bien qu’à la fin du XIXe siècle, le plus gros de la faune sauvage avait disparu. Le dernier lion fut abattu en 1958.

    « L’ordre colonial s’accommode peu avec la différence biologique, écologique, humaine qui résiste à sa domination, conclut l’historien auprès de Reporterre. D’où la politique de mise en ordre à force de violence et de juridictions d’exception, empêchant la société autochtone de se développer à son rythme selon ses lois naturelles. »

    Au-delà des crimes commis sur les Algériens, peu d’historiens se sont jusqu’ici emparés des destructions des écosystèmes. L’ampleur d’un éventuel écocide lié à la colonisation française reste à quantifier et est un angle de mort de la recherche.

    https://reporterre.net/En-Algerie-la-France-coloniale-a-aussi-detruit-la-nature
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    #géographie_culturelle #géographie_du_droit #legal_geography

  • #peer_learning for Psychological First Aid: New ways to strengthen support for Ukrainian #children
    https://redasadki.me/2025/03/06/peer-learning-through-psychological-first-aid-new-ways-to-strengthen-suppo

    This article is based on Reda Sadki’s presentation at the #ChildHub “Webinar on Psychological First Aid for Children; Supporting the Most Vulnerable” on 6 March 2025. Learn more about the Certificate peer learning programme on Psychological First Aid (PFA) in support of children affected by the humanitarian crisis in #Ukraine. Get insights from professionals who support Ukrainian children. “I understood that if we want to cry, we can cry,” reflected a practitioner in the Certificate peer learning programme on Psychological First Aid (PFA) in support of children affected by the humanitarian crisis in Ukraine – illustrating the kind of personal transformation that complements technical training. During the ChildHub “Webinar on Psychological First Aid for Children; Supporting the Most (...)

    #Writing #Certificate_peer_learning_programme_on_Psychological_First_Aid_PFA_in_support_of_children_affected_by_the_humanitarian_crisis_in_Ukraine #global_health #IFRC #International_Federation_of_Red_Cross_and_Red_Crescent_Societies_IFRC_ #MHPSS #Psychological_First_Aid_PFA_ #psychosocial_support #The_Geneva_Learning_Foundation

  • Chez #Blablacar, la dégringolade après l’arrêt des #primes #covoiturage

    Blablacar et #TotalEnergies avaient gonflé les vertus du covoiturage pour profiter des « #certificats_d’économie_d’énergie ». La #suspension de ce filon ultralucratif, en juin, a fait dégringoler la valeur de l’entreprise, révèle notre enquête.

    Gros coup de frein en plein excès de vitesse. La décision du Conseil d’État, il y a sept mois, de suspendre la « #prime_covoiturage » de 100 euros et l’instrument financier très lucratif qui l’accompagnait a fait perdre à l’entreprise Blablacar un quart de sa valeur. C’est ce que révèlent les chiffres dénichés par Reporterre dans le rapport financier publié le 30 janvier par le fonds d’investissement VNV, un des actionnaires de l’entreprise française.

    Cette estimation montre à quel point l’entreprise a profité des « certificats d’économies d’énergie » (#CEE). C’est un système particulièrement opaque déployé par l’État depuis 2005 et en forte croissance depuis 2022. Il consiste à faire financer par des entreprises du secteur de l’énergie des actions d’économie d’énergie. Au total, 6 milliards d’euros, ne transitant pas par les caisses de l’État et non contrôlé par le Parlement... mais bel et bien prélevé sur les factures d’énergie des particuliers. Une somme qui a mis Blablacar sous perfusion donc, et qui a aussi financé la rénovation thermique des bâtiments par exemple.

    Rappel des faits : dès 2012, Blablacar a noué un partenariat avec TotalEnergies dans le cadre de ces CEE. L’énergéticien a d’abord financé des #cartes_carburant à 20 euros distribuées aux nouveaux conducteurs, puis des #primes_de_bienvenue. Le tout, en échange de certificats d’économie d’énergie délivrés par Blablacar, que TotalEnergies présentait ensuite à l’administration pour prouver qu’elle remplissait ses obligations.

    Des #économies_d’énergie largement exagérées

    Problème : les économies d’énergie qui justifient ce montage ont été largement exagérées et insuffisamment argumentées, a estimé le Conseil d’État dans sa décision du 25 juin 2024. Blablacar, pour capter une partie la manne des CEE, et TotalEnergies pour obtenir des certificats à bon prix, ont réussi à faire adopter par le gouvernement un mode de calcul des économies d’énergie réalisée grâce au covoiturage en leur faveur. L’État ne s’est pas contenté d’écouter le duo mais a pris un décret « coup de pouce » pour encore gonfler ces économies d’énergie virtuelles.

    Au bout du compte, pour l’année 2023, chaque nouvel inscrit sur la plateforme de covoiturage longue distance était « vendu » par Blablacar comme l’équivalent de... 42 000 km de voiture évités.

    Selon les chiffres communiqués en juin par Blablacar à Reporterre, l’opération lui a rapporté 90 millions d’euros en 2023. Un tiers de cette somme a été reversé aux 491 000 nouveaux inscrits. Le géant français du covoiturage conservait néanmoins une marge de 66 % sur chaque prime.

    C’est donc une #manne conséquente qui s’est envolée depuis le mois de juin et la décision du Conseil d’État. Une réécriture du mode de calcul a été finalisée fin décembre, avec des économies d’énergie 2,6 fois moins importantes que dans la première version. Elle est désormais en attente d’une validation par l’administration, dans un climat d’incertitude politique et de guerre d’influence autour des certificats d’économies d’énergie.

    Les #finances de Blablacar sont un secret bien gardé

    Contacté par Reporterre, Blablacar reconnaît que sa rentabilité est étroitement liée aux certificats d’économie d’énergie, mais réfute toute surestimation. La décision du Conseil d’État résulte selon elle d’un défaut de justification.

    « Les certificats d’économie d’énergie ont permis de multiplier par vingt le nombre de covoiturages en dix ans, vante Blablacar. Face à l’urgence de décarboner nos mobilités, est-il acceptable de renoncer à des dispositifs pollueurs-payeurs qui ont démontré leur efficacité et qui ne pèsent pas sur le budget de l’État ? »

    Les finances de Blablacar sont un secret bien gardé. L’entreprise française est quasiment monopolistique sur le covoiturage longue distance en France et étend sa toile à l’internationale à une vitesse folle. Mais elle ne publie pas ses comptes de résultat, malgré l’obligation légale.

    Le rapport du fonds VNV, qui possède 14 % de Blablacar, permet d’estimer que la plateforme vaut, virtuellement, un total de 1,5 milliard d’euros. Et malgré une année 2024 « difficile », « en raison d’un malheureux concours de circonstances », VNV continue de voir l’avenir de Blablacar en rose. La plateforme atteint « près de 100 millions de passagers dans 22 pays » et affiche « une croissance de 20 à 25 % en 2024 par rapport à l’année précédente », écrit VNV.

    Les CEE devraient être rebranchés, à un niveau certes moindre qu’en 2023, mais dans une version « plus robuste », qui devrait « générer de la valeur pour l’entreprise », ajoute le fonds. L’Espagne se lance d’ailleurs à son tour dans le système des CEE, « ce qui transforme ce revenu […] en un modèle d’affaires. »

    Le #bilan_carbone du covoiturage en question

    Ce détonant succès financier interroge. Les #financements_publics et parapublics qui irriguent le covoiturage sont-ils justifiés ? Le bilan n’est pas simple à tirer. Les chiffres officiels, qui montrent une nette croissance du nombre de covoitureurs depuis que des primes sont distribuées, sont à relativiser. Beaucoup d’habitués du covoiturage informel se sont inscrits sur les plateformes pour profiter de la prime.

    Les vertus écologiques du covoiturage méritent également d’être questionnées. Les études sont nombreuses et parfois contradictoires, mais la plus récente, versée en novembre 2024 aux travaux préparatoires de la nouvelle fiche CEE « covoiturage longue distance », indique que le développement du covoiturage se fait principalement au détriment… du train. Le cabinet d’étude Kantar, sous l’égide de l’Ademe, l’agence gouvernementale de la transition écologique, a interrogé 11 000 covoitureurs de Blablacar. Les passagers ne sont que 11,7 % à avoir choisi le covoiturage en remplacement d’un trajet à bord de leur véhicule personnel.

    Si, grâce aux revenus tirés du covoiturage, des conducteurs décident de prendre plus souvent leur voiture, une tendance déjà observée, le bilan carbone de l’opération sera donc négatif.

    En revanche, l’augmentation du taux d’occupation des véhicules en circulation reste un axe d’amélioration identifié par la plupart des scénarios de décarbonation des transports. « C’est tout le drame de la situation : l’augmentation du taux d’occupation est indispensable pour la transition. C’est pour cela qu’il faut que le développement du covoiturage soit une politique publique, avec un pilotage dans l’intérêt général, loin de ce que font actuellement certains leaders du secteur. Une politique publique plus structurelle émerge, mais trop lentement et trop timidement », dit Thomas Matagne, président d’Ecov, une entreprise solidaire qui développe des lignes de covoiturage.

    Toujours est-il que le covoiturage figure en bonne place dans l’argumentaire de greenwashing déployé par TotalEnergies, Vinci, ou d’autres acteurs liés à la voiture. Comme un moyen de préserver une place pour la voiture dans la transition écologique.

    https://reporterre.net/Chez-Blablacar-la-degringolade-apres-l-arret-des-primes-covoiturage
    #France #opacité #green-washing

  • #Sénégal : #cérémonie à #Cayar en #hommage aux migrants #disparus en mer

    Se battre pour ne pas oublier les nombreux Africains et Africaines morts en tentant de rejoindre l’Europe par l’océan. C’est l’objectif de l’association sénégalaise #Boza_Fii qui milite aussi pour la libre circulation pour tous. À Cayar (à environ 60 km de Dakar), lieu de départ de nombreux candidats à l’immigration clandestine, les militants ont organisé, samedi 8 février, une #commémoration. Des prises de parole, des projections et une veillée ont eu lieu.

    #Un_nom_pour_chacun… migrer pour vivre, pas pour mourir… peut-on lire sur des bannières de l’association sénégalaise Boza Fii. Samedi 8 février, une commémoration en hommage aux migrants disparus en mer a été organisée par l’organisation à Cayar, ville à environ 60 km de Dakar, connue pour être un lieu de départ des canots vers les #Canaries espagnoles.

    Assis sur des chaises en plastique, plusieurs dizaines de curieux suivent avec attention des prises de parole sur la migration.

    Des personnes qui ont perdu des proches en mer sont venues à cette commémoration. Le fils d’Aminata Mboye a disparu en 2020 : « Mon garçon avait 19 ans. Il avait toute sa vie devant lui. J’avais des rêves pour lui, et un beau jour il est parti, comme ça. Je n’en savais rien. C’est dur. »

    Ils sont nombreux dans le public à avoir tenté de rejoindre l’Europe par l’océan ou le désert, comme Saïd, 45 ans : « Dans la pirogue, tu vois de tout. Tu vois des gens qui ne peuvent même pas se tenir. Tu vois des gens qui ne peuvent même pas manger. Tu dois aider ces gens, sinon ils vont mourir avant qu’on atteigne les Canaries. Le matin, quand on a atteint les îles espagnoles, mon propre frère est décédé dans la pirogue. On ne sait pas ce qui l’a tué ». Depuis, malgré le traumatisme, il a retenté de rejoindre l’Europe à trois reprises.

    Boza Fii et ses militants demandent la liberté de circuler et dénoncent des difficultés pour obtenir les visas qui poussent les jeunes vers les pirogues.

    Mbaye est aussi un migrant de retour : « Parfois, ils te livrent un dossier, mais on ne te rembourse pas ton argent et ça, ce n’est pas normal. Si on veut aller en Europe, on nous demande un visa… C’est donc la souffrance, quoi… ».

    Plus de 10 000 migrants sont morts en essayant de rejoindre l’Espagne, en 2024, selon l’ONG Caminando Fronteras.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/62732/senegal--ceremonie-a-cayar-en-hommage-aux-migrants-disparus-en-mer
    #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières
    ping @6donie

  • 50ème #cérémonie des César : les membres de l’Académie accusés de VSS verront leur droit de vote suspendu
    https://radioparleur.net/2025/02/11/50eme-ceremonie-des-cesar-les-membres-de-lacademie-accuses-de-vss-verr

    Un mois avant la 50e Cérémonie des César, les organisateur·ices ont renforcé leurs règles de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Tout membre de l’Académie qui serait mis en cause par la #justice verra désormais son droit de vote suspendu. Ce jeudi 24 janvier, un mois avant la 50e Cérémonie des César, les organisateur·ices […] L’article 50ème Cérémonie des César : les membres de l’Académie accusés de VSS verront leur droit de vote suspendu est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Au_fil_des_luttes #Carousel_1 #Carousel_4 #Césars #Féminisme #Politique

  • Ce que cache #Périclès, le projet politique réactionnaire du milliardaire #Pierre-Edouard_Stérin

    Après avoir fait fortune dans les affaires, le milliardaire Pierre-Edouard Stérin assume désormais vouloir financer les projets « #métapolitiques » susceptibles de faire gagner la droite et l’extrême droite. Une première liste de ces initiatives vient d’être mise en ligne. Selon nos informations, elle pourrait ne constituer que la partie émergée de l’iceberg.

    Un média, une chaîne Youtube, des associations catholiques ou libérales, des think tanks destinés au lobbying politique... La première liste des projets soutenus par « Périclès » - mise en ligne il y a quelques jours sur son site internet - n’est pas bien longue mais permet déjà de lever toute équivoque sur les intentions de l’homme à l’origine du projet, le milliardaire Pierre-Edouard Stérin. Après avoir fait fortune dans les affaires, cet exilé fiscal de 51 ans - il a fui en Belgique après l’élection de François Hollande en 2012 - ambitionne de faire gagner la droite et l’extrême droite en mettant à contribution son compte en banque. Soit un investissement de 250 millions d’euros annoncé en dix ans. Du jamais vu.

    Cette initiative, baptisée donc « Périclès » (pour « Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes »), devait, à l’origine, rester discrète mais elle avait été dévoilée en juillet dernier par nos confrères de « l’Humanité ». Lesquels, documents confidentiels à l’appui, ont détaillé le plan de « #bataille_culturelle » imaginé par Stérin et ses équipes pour « permettre la victoire idéologique, électorale et politique » de ses idées et de ses valeurs. Parmi elles, « la #famille, base de la société », la « #préférence_nationale », le « #christianisme ». Au programme également : la promesse de mener une « #guerilla_juridique » et « médiatique » face au « #socialisme », au « #wokisme » ou à « l’#islamisme ». Surtout, ces documents énuméraient des objectifs politiques précis, dont une aide concrète à apporter au #Rassemblement_national de Marine Le Pen pour remporter le plus grand nombre de victoires lors des prochaines #élections municipales en 2026.

    Offensive sur tous les fronts

    En l’état, au moins 24 projets auraient déjà bénéficié de la générosité de l’homme d’affaires l’année dernière, selon le site flambant neuf de Périclès. L’ensemble confirme sa volonté de mener son #offensive par petites touches et sur tous les fronts. On y retrouve sans surprise ses obsessions libérales avec la promotion des idées antiétatistes et anti-taxes, incarné par son soutien à des think tanks comme le #Cercle_Entreprises et #Libertés, de l’ex-patron d’#Elf_Loïk_Le_Floch-Prigent ; ou encore #Ethic, le syndicat patronal de #Sophie_de_Menthon (une des rares à assumer dialoguer avec Marine Le Pen), qui a reçu, selon nos informations, 3 000 euros pour l’organisation d’une conférence. Des cercles de juristes, comme #Justitia, le collectif d’avocats de l’#Institut_Thomas_More, qui propose d’offrir « une réponse juridique aux nouvelles intolérances » ou le #Cercle_Droit_et_Liberté, qui prétend lutter contre le « #politiquement_correct » de l’Université et du monde juridique, sont également cités. Sans oublier, les enjeux migratoires et sécuritaires, via le #Centre_de_Réflexion_sur_la_Sécurité_intérieure (#CRSI), présidé par l’avocat connu des réseaux de droite dure #Thibault_de_Montbrial. Présents également, la marque #Terre_de_France, chouchou des influenceurs #identitaires ; #Eclats_de_femme, l’association fondée par #Claire_Geronimi, victime de viol par un homme visé par une OQTF en 2023, depuis proche du collectif identitaire #Némésis (elle vient d’être nommée vice-présidente de l’UDR, le parti d’Eric Ciotti, ce dimanche 9 février), ou encore l’association #Léa, en croisade contre le « #racisme_anti-Blanc ». Idem pour le mensuel « #l'Incorrect » - lancé en 2017 par des proches de #Marion_Maréchal - ou #Les_Films_à_l'arrache, une chaîne Youtube humoristique moquant - entre autres - l’antiracisme et le féminisme...

    Objectifs politiques

    Au-delà de ces combats marqués à l’extrême droite, Périclès a également investi dans le combat contre le « #wokisme_à_la_fac », via l’#Observatoire_du_décolonialisme, ainsi que le champ de la #laïcité au travers de #Défense_des_serviteurs_de_la_République, dont le comité d’honneur compte #David_Lisnard, le maire Les Républicains de Cannes et #Astrid_Panosyan-Bouvet, l’actuelle ministre du Travail et de l’Emploi - laquelle ignorait le lien avec Stérin, nous assure son cabinet. D’autres structures présentées par le site de Périclès font plus directement référence à l’objectif politique du projet. C’est le cas de #Data_Realis_Conseil, une société spécialisée dans la #cartographie_électorale rappelle la « #Lettre », ou de l’#Institut_de_Formation_Politique (#IFP), qui ambitionne de doter les militants de toutes les droites du bagage nécessaire pour garnir les rangs des formations politiques, des Républicains aux RN. En bonne place, enfin, #Politicae, l’école de formation au mandat de maire, destinée à faire élire « le maximum de candidats pour les prochaines élections municipales », que Stérin a confié à #Antoine_Valentin, édile LR de Haute-Savoie et candidat d’#Eric_Ciotti lors des dernières législatives. Auprès du « Nouvel Obs », ce dernier ne souhaite pas communiquer le montant du financement consenti par son mécène mais indique que l’effort financier pourrait atteindre « plusieurs centaines de milliers d’euros », d’ici au scrutin de 2026.

    Des projets plus discrets

    Cette liste pourrait, selon nos informations, ne constituer que la partie émergée de l’iceberg Stérin. Les sites internets de plusieurs structures citées plus haut semblent avoir été montés de toutes pièces et sur le même modèle... Surtout, la plupart de ces initiatives n’auraient en réalité reçu que de maigres sommes. Moins de 5 000 euros par exemple pour l’association #Les_Eveilleurs, proche de #La_Manif_pour_Tous, à l’occasion d’un peu rentable concert de #Jean-Pax_Méfret, chanteur des nostalgiques de l’Algérie française. Idem au #Cérif (#Centre_européen_de_Recherche_et_d'Information_sur_le_Frérisme), où la chercheuse au CNRS #Florence_Bergeaud-Blackler jure ne pas avoir touché plus de 10 000 euros. Très loin des 10 millions d’euros que Périclès claironne avoir investi au total en 2024. De quoi nourrir les soupçons sur la réalité de ce montant : est-elle artificiellement gonflée ? Ou, plus probable, l’essentiel de cet argent passe-t-il dans des projets tenus secrets ?

    « Nous nous gardons le droit d’être discrets sur nos investissements », élude #Arnaud_Rérolle, président de Périclès et ancien du #Fonds_du_Bien_Commun, la branche philanthropique des activités de Pierre-Edouard Stérin. Un paravent caritatif - Stérin y finançait aussi des associations au diapason de ses idées réactionnaires - dont est également issu #Thibault_Cambournac, le nouveau « responsable stratégie » de Périclès. L’équipe compte aussi dans ses rangs #Marguerite_Frison-Roche, ancienne petite main de la campagne présidentielle d’Eric Zemmour. Quant au « senior advisor » de Périclès, #Philippe_de_Gestas, c’est l’ancien secrétaire général du #Mouvement_Conservateur, allié à #Reconquête. Pour 2025, le #budget de Périclès est annoncé autour des 20 millions d’euros. L’achat ou la création d’un institut de sondage fait déjà figure d’objectif prioritaire.

    https://www.nouvelobs.com/politique/20250209.OBS100069/ce-que-cache-pericles-le-projet-politique-reactionnaire-du-milliardaire-p
    #Stérin #extrême_droite #réseau

    ping @karine4 @reka @fil @isskein

  • Note de lecture = Le Cercle Démocratique par emmanuel vergès
    https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7289918111670042625

    emmanuel vergèsemmanuel vergès • 1er • 1er co-directeur @Observatoire des Politiques Culturelles / co-directeur @lofficeco-directeur @Observatoire des Politiques Culturelles / co-directeur @loffice 6 h •
    Il y a 6 heures
    Note de lecture = Le Cercle Démocratique#1

    L’ouvrage de Fred Turner édité par C & F EDITIONS est pour moi une référence : il raconte l’histoire du Comité pour le Moral Américain dans les années 1930 aux Etats-Unis, et montre, à travers les travaux d’anthropologues, artistes, intellectuel·le·s, journalistes ... le lien entre média et construction politique de la société.

    💡 Pourquoi cette histoire est importante ?

    Fred Turner nous montre, que même si les technologies des médias ne sont pas culturellement neutres, différentes approches existent entre une approche « médias de masse » tendant vers l’autoritarisme, ou une approche « démocratique des médias ». Non seulement par les usages, mais aussi par ce que les Institutions souhaitent en faire.

    Les médias sont politiques puisqu’ils sont liens, pour suivre les travaux hashtag#HannahArendt
    Alors, les médias, réseaux sociaux et plateformes le sont aussi.

    💡 Pourquoi cette histoire est vraiment importante ? ;-)

    Parce qu’elle permet aujourd’hui, de porter un regard différent sur les médias et réseaux sociaux, et sur un ensemble de plateformes numériques qui nous relient, à travers des contenus, des messages, des likes, des scrolls, des gestes numériques ...

    Il me semble aujourd’hui que Facebook, Instagram ou Twitter, dans les mains d’entreprises monopolistiques, posent des problèmes démocratiques. Non pas parce que ce sont des réseaux sociaux contributifs et populaires, voire pupulistes. Non pas seulement par les messages qui s’y échangent.
    Mais parce qu’ils sont asservies à des intérêts partisans.

    🔔 Mais comme pour d’autres médias, les démocraties ont réussi à en légiférer l’intention, et non seulement les usages.

    Les récentes affaires à la télévision et sur la TNT arbitrées par l’ARCOM montrent l’importance des institutions et des lois.
    🔎 Et montrent l’attention que l’on doit porter en permanence à ce qui composent nos « paysages médiatiques », nos « environnement médiatiques ».

    🌐 Nous avons le pouvoir d’en constituer des « democratic surround ». Et de le garantir.

    Merci Fred Turner merci Hervé Le Crosnier

    #Fred_Turner #Emmanuel_Verges #Cercle_démocratique

  • #Stati_Uniti. Gli abiti nuovi dell’Imperatore
    https://radioblackout.org/2025/01/stati-uniti-gli-abiti-nuovi-dellimperatore

    Donald #Trump si è insediato ieri. I sostenitori che quattro anni fa avevano fatto irruzione a Capitol Hill, in questo 20 gennaio hanno sostato composti all’esterno. Prima della cerimonia l’imperatore li ha arringati promettendo la grazia a quelli che sono stati processati e condannati per il tentato golpe, deportazioni di massa dei clandestini che vivono […]

    #L'informazione_di_Blackout #attacco_allo_ius_soli #cerimonia_di_insediamento #grazia_ai_golpisti_di_capitol_hill #guerra_ai_migranti #la_sfilata_dei_paperoni
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2025/01/2025-01-21-trump-diletti.mp3

  • Essor de l’#enseignement_privé, asphyxie des #universités : l’Etat joue contre son camp

    Mathis d’Aquino, doctorant à Sciences Po Bordeaux, estime que les pouvoirs publics doivent cesser de financer l’offre d’enseignement supérieur privée et de placer les universités dans une situation financière intenable.

    La chronique de fin d’année 2024 sur les aides à l’embauche d’apprentis1 soulève des interrogations quant au financement de l’enseignement supérieur privé. Depuis la réforme de 2018 sur l’#apprentissage, le secteur privé lucratif du supérieur connaît une croissance exponentielle, portée par la création massive de #centres_de_formation_d’apprentis (#CFA), captant les fonds publics de l’apprentissage.

    Soutenues par un cadre législatif aussi libéral qu’obsolète, ces écoles jouissent d’une agilité déconcertante, là où les #universités_publiques subissent une #rigidité_structurelle. Le privé se déploie très vite, sur des niches sectorielles qui s’étendent du design jusqu’au droit.

    Mais ce « succès » repose sur une demande artificielle créée par des dispositifs marchands, et sur un soutien de l’État dont il est difficile de comprendre les justifications.

    Les #écoles_privées s’insèrent en effet dans un maquis informationnel, où l’#opacité devient une stratégie. La recherche empirique que j’ai menée à Bordeaux entre 2023 et 2024 révèle que familles et étudiants peinent à distinguer les degrés de reconnaissance d’une formation.

    Certaines écoles vendent comme « #diplôme_d’Etat » de simples titres #RNCP [#Répertoire_national_des_certifications_professionnelles, NDLR.], alors que ces derniers ne sont qu’une #certification par le ministère du Travail de l’adéquation entre la #formation et les #besoins_économiques à un instant T, sans contrôle de la qualité des enseignements délivrés.

    De même, les établissements privés jouent du halo terminologique qui entoure les noms des diplômes, comme « Bachelor » (terme non réglementé) ou « Mastère », jouant clairement sur l’ambiguïté avec le « Master » délivré par les universités publiques et reconnu, lui, par l’État. Malheureusement pour les étudiants qui peinent – légitimement – à s’y retrouver, un petit « e » en plus, ce sont de grandes opportunités en moins.

    Au-delà de cette #confusion délibérément entretenue, les stratégies de captation versent parfois dans la #publicité_mensongère. En 2023, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a mis en lumière l’usage illégal de mentions telles que « #licence » ou « #master », facilement observable dans les #salons_d’orientation et sur Internet.

    Ces salons eux-mêmes, prétendument conçus pour éclairer les familles, deviennent des vitrines biaisées où les écoles lucratives sont surreprésentées. Ils sont devenus un véritable maquis d’où les familles ressortent désorientées, ce qui est un comble.

    Discours trompeurs

    Il est d’autant plus difficile de s’y retrouver que les établissements privés développent un discours transformant leurs vices en vertus. L’absence d’un corps professoral permanent, remplacé par des intervenants qui font quelques tours et puis s’en vont, est ainsi valorisée comme une marque de #professionnalisation, masquant en réalité une incapacité à recruter et maintenir des enseignants qualifiés.

    Plus généralement, les écoles privées s’approprient le discours dominant sur « l’#employabilité » (relayé par les pouvoirs publics) en proposant des formations en #alternance rendues « gratuites » grâce aux #aides_publiques. Dans un contexte de réduction des aides à l’embauche d’apprentis, la contraction des offres de contrat d’apprentissage va rendre cette promesse de « gratuité » plus difficile à tenir, exigeant des étudiants et de leurs familles qu’ils redoublent de vigilance.

    De la même façon, l’argument du recrutement « hors #Parcoursup » masque leur incapacité à répondre aux critères de la plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur, tout en jouant sur les peurs et imaginaires des étudiants. Mais aujourd’hui ces établissements créent des alternatives telles que #ParcoursPrivé, revendiquant un rôle d’#anti-Parcoursup, tout en mimant son modèle.

    Dépendance aux #subventions_publiques

    Dernier ingrédient pour assurer au privé un avenir radieux : l’injection de #subventions. La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 a conduit à une explosion du supérieur lucratif, en faisant sauter toutes les barrières à l’entrée dans la création d’une école, et en finançant le secteur privé via l’apprentissage.

    Ces écoles, qui derrière des noms rutilants sont souvent des Centres de Formation d’Apprentis (CFA), ne pourraient survivre sans ces aides publiques, qu’elles défendent naturellement avec une ardeur révélatrice. La « réussite » actuelle de la politique d’apprentissage ne dépend que des financements à guichet ouvert, alimentant des profits privés, à l’heure où les #universités sont, elles, assoiffées (d’aucuns diront volontairement ?).

    Une des solutions récemment avancées par les pouvoirs publics était de créer un #label attestant de la qualité des formations. Mais on ne dénombre déjà pas moins d’une trentaine de labels dans le supérieur ! Ce chaos normatif reporte sur les familles la responsabilité du tri, alors qu’elles sont déjà perdues dans cet univers saturé de certifications. L’État a la responsabilité de faire le ménage, y compris au sein des gros groupes (chez qui pantouflent par ailleurs certains architectes de la loi de 2018).

    Ce nettoyage est d’autant plus important qu’en parallèle, les universités publiques, en sous-financement chronique, envisagent de fermer des formations et des campus. Cette #asphyxie_budgétaire accélère la privatisation du supérieur et place l’État dans une position intenable de grand financier du privé et de grand désengagé du public.

    La privatisation de l’#enseignement_supérieur pose de graves questions de #démocratie, de contrôle et de qualité. Par son financement aveugle et sa passivité réglementaire, l’État soutient sur fonds publics un système qui finance des profits privés.

    À l’heure où les universités luttent pour leur survie, il est urgent que l’État reprenne la main : en régulant fermement, en surveillant les pratiques abusives et en soutenant et valorisant ses établissements publics, où la qualité de la formation et de la recherche est assurée.

    L’État doit défendre ses propres établissements, réguler le secteur privé bien au-delà de la simple apposition d’un label, et ne pas faire reposer sur des familles endettées, déçues et désemparées, la #responsabilité de choisir l’incertain.

    https://www.alternatives-economiques.fr/essor-prive-asphyxie-universites-letat-a-contre-emploi-lens/00113661
    #privatisation #ESR #enseignement_supérieur #France #financement #facs #université #régulation

  • Maladie d’#Alzheimer : le rôle délétère des cellules immunitaires du #cerveau se précise
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/12/27/maladie-d-alzheimer-le-role-deletere-des-cellules-immunitaires-du-cerveau-se


    Dans le « village Alzheimer » de Dax, dans les Landes, le 7 juillet 2020. AXELLE DE RUSSÉ POUR « LE MONDE »

    « Cette étude établit un pont entre les trois types de lésions de la maladie : #plaques_amyloïdes, #neuro-inflammation et #tauopathie », estime Alexis Bemelmans, qui déroule un « scénario assez communément admis ». Vingt ans au moins avant que n’apparaissent les premiers symptômes, des plaques amyloïdes commenceraient à s’accumuler dans le cerveau. En réaction, les cellules microgliales s’activeraient pour, dans un premier temps, nettoyer le tissu cérébral de ces plaques. Mais ensuite, dépassées par les événements et devenues pro-inflammatoires, elles activeraient la voie de réponse intégrée au stress, libérant des lipides toxiques… qui aggraveraient les lésions tau, « celles qui semblent entraîner les principaux symptômes », souligne Alexis Bemelmans.

    https://justpaste.it/8re2e

    #cellules_microgliales

  • « Nous assistons à une escalade de la #prédation_minière »

    Une nouvelle #ruée_minière a commencé et touche aussi la #France. Au nom de la lutte contre la crise climatique, il faudrait extraire de plus en plus de #métaux. Celia Izoard dénonce l’impasse de cette « #transition » extractiviste. Entretien.

    Basta/Observatoire des multinationales : Il est beaucoup question aujourd’hui de renouveau minier en raison notamment des besoins de la transition énergétique, avec la perspective d’ouvrir de nouvelles mines en Europe et même en France. Vous défendez dans votre #livre qu’il ne s’agit pas du tout d’un renouveau, mais d’une trajectoire de continuité. Pourquoi ?

    #Celia_Izoard : Les volumes de #métaux extraits dans le monde aujourd’hui augmentent massivement, et n’ont jamais cessé d’augmenter. Ce qui est parfaitement logique puisqu’on ne cesse de produire de nouveaux objets et de nouveaux équipements dans nos pays riches, notamment avec la #numérisation et aujourd’hui l’#intelligence_artificielle, et qu’en plus de cela le reste du monde s’industrialise.

    En conséquence, on consomme de plus en plus de métaux, et des métaux de plus en plus variés – aussi bien des métaux de base comme le #cuivre et l’#aluminium que des métaux de spécialité comme les #terres_rares. Ces derniers sont utilisés en très petite quantité mais dans des objets qui sont partout, comme les #smartphones, et de façon trop dispersive pour permettre le #recyclage.

    Et la production de tous ces métaux devrait continuer à augmenter ?

    Oui, car rien ne freine cette production, d’autant plus qu’on y ajoute aujourd’hui une nouvelle demande qui est un véritable gouffre : celle de métaux pour le projet très technocratique de la transition. « Transition », dans l’esprit de nos élites, cela signifie le remplacement des #énergies_fossiles par l’#énergie_électrique – donc avec des #énergies_renouvelables et des #batteries – avec un modèle de société inchangé. Mais, par exemple, la batterie d’une #voiture_électrique représente souvent à elle seule 500 kg de métaux (contre moins de 3 kg pour un #vélo_électrique).

    Simon Michaux, professeur à l’Institut géologique de Finlande, a essayé d’évaluer le volume total de métaux à extraire si on voulait vraiment électrifier ne serait-ce que la #mobilité. Pour le #lithium ou le #cobalt, cela représenterait plusieurs décennies de la production métallique actuelle. On est dans un scénario complètement absurde où même pour électrifier la flotte automobile d’un seul pays, par exemple l’Angleterre ou la France, il faut déjà plus que la totalité de la production mondiale. Ce projet n’a aucun sens, même pour lutter contre le #réchauffement_climatique.

    Vous soulignez dans votre livre que l’#industrie_minière devient de plus en plus extrême à la fois dans ses techniques de plus en plus destructrices, et dans les #nouvelles_frontières qu’elle cherche à ouvrir, jusqu’au fond des #océans et dans l’#espace

    Oui, c’est le grand paradoxe. Les élites politiques et industrielles répètent que la mine n’a jamais été aussi propre, qu’elle a surmonté les problèmes qu’elle créait auparavant. Mais si l’on regarde comment fonctionne réellement le #secteur_minier, c’est exactement l’inverse que l’on constate. La mine n’a jamais été aussi énergivore, aussi polluante et aussi radicale dans ses pratiques, qui peuvent consister à décapiter des #montagnes ou à faire disparaître des #vallées sous des #déchets_toxiques.

    C’est lié au fait que les teneurs auxquelles on va chercher les métaux sont de plus en plus basses. Si on doit exploiter du cuivre avec un #filon à 0,4%, cela signifie que 99,6% de la matière extraite est du #déchet. Qui plus est, ce sont des #déchets_dangereux, qui vont le rester pour des siècles : des déchets qui peuvent acidifier les eaux, charrier des contaminants un peu partout.

    Les #résidus_miniers vont s’entasser derrière des #barrages qui peuvent provoquer de très graves #accidents, qui sont sources de #pollution, et qui sont difficilement contrôlables sur le long terme. Nous assistons aujourd’hui à une véritable #escalade_technologique qui est aussi une escalade de la #prédation_minière. La mine est aujourd’hui une des pointes avancées de ce qu’on a pu appeler le #capitalisme_par_dépossession.

    Comment expliquer, au regard de cette puissance destructrice, que les populations occidentales aient presque totalement oublié ce qu’est la mine ?

    Il y a un #déni spectaculaire, qui repose sur deux facteurs. Le premier est la religion de la #technologie, l’une des #idéologies dominantes du monde capitaliste. Nos dirigeants et certains intellectuels ont entretenu l’idée qu’on avait, à partir des années 1970, dépassé le #capitalisme_industriel, qui avait été tellement contesté pendant la décennie précédente, et qu’on était entré dans une nouvelle ère grâce à la technologie. Le #capitalisme_post-industriel était désormais avant tout une affaire de brevets, d’idées, d’innovations et de services.

    Les mines, comme le reste de la production d’ailleurs, avaient disparu de ce paysage idéologique. Le #mythe de l’#économie_immatérielle a permis de réenchanter le #capitalisme après l’ébranlement des mouvements de 1968. Le second facteur est #géopolitique. Aux grandes heures du #néo-libéralisme, le déni de la mine était un pur produit de notre mode de vie impérial. Les puissances occidentales avaient la possibilité de s’approvisionner à bas coût, que ce soit par l’#ingérence_politique, en soutenant des dictatures, ou par le chantage à la dette et les politiques d’#ajustement_structurel. Ce sont ces politiques qui ont permis d’avoir par exemple du cuivre du #Chili, de #Zambie ou d’#Indonésie si bon marché.

    Les besoins en métaux pour la #transition_climatique, si souvent invoqués aujourd’hui, ne sont-ils donc qu’une excuse commode ?

    Invoquer la nécessité de créer des mines « pour la transition » est en effet hypocrite : c’est l’ensemble des industries européennes qui a besoin de sécuriser ses approvisionnements en métaux. La récente loi européenne sur les métaux critiques répond aux besoins des grosses entreprises européennes, que ce soit pour l’#automobile, l’#aéronautique, l’#aérospatiale, les #drones, des #data_centers.

    L’argument d’une ruée minière pour produire des énergies renouvelables permet de verdir instantanément toute mine de cuivre, de cobalt, de lithium, de #nickel ou de terres rares. Il permet de justifier les #coûts_politiques de la #diplomatie des #matières_premières : c’est-à-dire les #conflits liés aux rivalités entre grandes puissances pour accéder aux #gisements. Mais par ailleurs, cette transition fondée sur la technologie et le maintien de la #croissance est bel et bien un gouffre pour la #production_minière.

    Ce discours de réenchantement et de relégitimation de la mine auprès des populations européennes vous semble-t-il efficace ?

    On est en train de créer un #régime_d’exception minier, avec un abaissement des garde-fous réglementaires et des formes d’extractivisme de plus en plus désinhibées, et en parallèle on culpabilise les gens. La #culpabilisation est un ressort psychologique très puissant, on l’a vu durant le Covid. On dit aux gens : « Si vous n’acceptez pas des mines sur notre territoire, alors on va les faire ailleurs, aux dépens d’autres populations, dans des conditions bien pires. » Or c’est faux. D’abord, la #mine_propre n’existe pas.

    Ensuite, la #loi européenne sur les #métaux_critiques elle prévoit qu’au mieux 10% de la production minière soit relocalisée en Europe. Aujourd’hui, on en est à 3%. Ce n’est rien du tout. On va de toute façon continuer à ouvrir des mines ailleurs, dans les pays pauvres, pour répondre aux besoins des industriels européens. Si l’on voulait vraiment relocaliser la production minière en Europe, il faudrait réduire drastiquement nos besoins et prioriser les usages les plus importants des métaux.

    Peut-on imaginer qu’un jour il existe une mine propre ?

    Si l’on considère la réalité des mines aujourd’hui, les procédés utilisés, leur gigantisme, leur pouvoir de destruction, on voit bien qu’une mine est intrinsèquement problématique, intrinsèquement prédatrice : ce n’est pas qu’une question de décisions politiques ou d’#investissements. L’idée de « #mine_responsable » n’est autre qu’une tentative de faire accepter l’industrie minière à des populations en prétendant que « tout a changé.

    Ce qui m’a frappé dans les enquêtes que j’ai menées, c’est que les industriels et parfois les dirigeants politiques ne cessent d’invoquer certains concepts, par exemple la #mine_décarbonée ou le réemploi des #déchets_miniers pour produire du #ciment, comme de choses qui existent et qui sont déjà mises en pratique. À chaque fois que j’ai regardé de plus près, le constat était le même : cela n’existe pas encore. Ce ne sont que des #promesses.

    Sur le site de la nouvelle mine d’#Atalaya à #Rio_Tinto en #Espagne, on voir des panneaux publicitaires alignant des #panneaux_photovoltaïques avec des slogans du type « Rio Tinto, la première mine d’autoconsommation solaire ». Cela donne à penser que la mine est autonome énergétiquement, mais pas du tout. Il y a seulement une centrale photovoltaïque qui alimentera une fraction de ses besoins. Tout est comme ça.

    Le constat n’est-il pas le même en ce qui concerne le recyclage des métaux ?

    Il y a un effet purement incantatoire, qui consiste à se rassurer en se disant qu’un jour tout ira bien parce que l’on pourra simplement recycler les métaux dont on aura besoin. Déjà, il n’en est rien parce que les quantités colossales de métaux dont l’utilisation est planifiée pour les années à venir, ne serait-ce que pour produire des #batteries pour #véhicules_électriques, n’ont même pas encore été extraites.

    On ne peut donc pas les recycler. Il faut d’abord les produire, avec pour conséquence la #destruction de #nouveaux_territoires un peu partout sur la planète. Ensuite, le recyclage des métaux n’est pas une opération du saint-Esprit ; il repose sur la #métallurgie, il implique des usines, des besoins en énergie, et des pollutions assez semblables à celles des mines elles-mêmes.

    L’accent mis sur le besoin de métaux pour la transition ne reflète-t-il pas le fait que les #multinationales ont réussi à s’approprier ce terme même de « transition », pour lui faire signifier en réalité la poursuite du modèle actuel ?

    Le concept de transition n’a rien de nouveau, il était déjà employé au XIXe siècle. À cette époque, la transition sert à freiner les ardeurs révolutionnaires : on accepte qu’il faut des changements, mais on ajoute qu’il ne faut pas aller trop vite. Il y a donc une dimension un peu réactionnaire dans l’idée même de transition.

    Dans son dernier livre, l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz [Sans transition - Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, 2024] montre que la #transition_énergétique tel qu’on l’entend aujourd’hui est une invention des #pro-nucléaires des États-Unis dans les années 1950 pour justifier des #investissements publics colossaux dans l’#atome. Ils ont tracé des belles courbes qui montraient qu’après l’épuisement des énergies fossiles, il y aurait besoin d’une #solution_énergétique comme le #nucléaire, et qu’il fallait donc investir maintenant pour rendre le passage des unes à l’autre moins brutal.

    La transition aujourd’hui, c’est avant tout du temps gagné pour le capital et pour les grandes entreprises. Les rendez-vous qu’ils nous promettent pour 2050 et leurs promesses de #zéro_carbone sont évidemment intenables. Les technologies et l’#approvisionnement nécessaire en métaux n’existent pas, et s’ils existaient, cela nous maintiendrait sur la même trajectoire de réchauffement climatique.

    Ces promesses ne tiennent pas debout, mais elles permettent de repousser à 2050 l’heure de rendre des comptes. Ce sont plusieurs décennies de gagnées. Par ailleurs, le terme de transition est de plus en plus utilisé comme étendard pour justifier une #croisade, une politique de plus en plus agressive pour avoir accès aux gisements. Les pays européens et nord-américains ont signé un partenariat en ce sens en 2022, en prétendant que certes ils veulent des métaux, mais pour des raisons louables. La transition sert de figure de proue à ces politiques impériales.

    Vous avez mentionné que l’une des industries les plus intéressées par la sécurisation de l’#accès aux métaux est celle de l’#armement. Vous semblez suggérer que c’est l’une des dimensions négligées de la guerre en Ukraine…

    Peu de gens savent qu’en 2021, la Commission européenne a signé avec l’#Ukraine un accord de partenariat visant à faire de ce pays une sorte de paradis minier pour l’Europe. L’Ukraine possède de fait énormément de ressources convoitées par les industriels, qu’ils soient russes, européens et américains. Cela a joué un rôle dans le déclenchement de la #guerre. On voit bien que pour, pour accéder aux gisements, on va engendrer des conflits, militariser encore plus les #relations_internationales, ce qui va nécessiter de produire des #armes de plus en plus sophistiquées, et donc d’extraire de plus en plus de métaux, et donc sécuriser l’accès aux gisements, et ainsi de suite.

    C’est un #cercle_vicieux que l’on peut résumer ainsi : la ruée sur les métaux militarise les rapports entre les nations, alimentant la ruée sur les métaux pour produire des armes afin de disposer des moyens de s’emparer des métaux. Il y a un risque d’escalade dans les années à venir. On évoque trop peu la dimension matérialiste des conflits armés souvent dissimulés derrière des enjeux « ethniques ».

    Faut-il sortir des métaux tout comme il faut sortir des énergies fossiles ?

    On a besoin de sortir de l’extractivisme au sens large. Extraire du pétrole, du charbon, du gaz ou des métaux, c’est le même modèle. D’ailleurs, d’un point de vue administratif, tout ceci correspond strictement à de l’activité minière, encadrée par des #permis_miniers. Il faut cesser de traiter le #sous-sol comme un magasin, de faire primer l’exploitation du sous-sol sur tout le reste, et en particulier sur les territoires et le vivant.

    Concrètement, qu’est ce qu’on peut faire ? Pour commencer, les deux tiers des mines sur la planète devraient fermer – les #mines_métalliques comme les #mines_de_charbon. Ça paraît utopique de dire cela, mais cela répond à un problème urgent et vital : deux tiers des mines sont situées dans des zones menacées de #sécheresse, et on n’aura pas assez d’#eau pour les faire fonctionner à moins d’assoiffer les populations. En plus de cela, elles émettent du #CO2, elles détruisent des territoires, elles déplacent des populations, elles nuisent à la #démocratie. Il faut donc faire avec une quantité de métaux restreinte, et recycler ce que l’on peut recycler.

    Vous soulignez pourtant que nous n’avons pas cessé, ces dernières années, d’ajouter de nouvelles technologies et de nouveaux objets dans notre quotidien, notamment du fait de l’envahissement du numérique. Réduire notre consommation de métaux implique-t-il de renoncer à ces équipements ?

    Oui, mais au préalable, quand on dit que « nous n’avons pas cessé d’ajouter des nouvelles technologies polluantes », il faut analyser un peu ce « nous ». « Nous » n’avons pas choisi de déployer des #caméras_de_vidéosurveillance et des #écrans_publicitaires partout. Nous n’avons pas choisi le déploiement de la #5G, qui a été au contraire contesté à cause de sa consommation d’énergie.

    La plupart d’entre nous subit plutôt qu’elle ne choisit la #numérisation des #services_publics, instrument privilégié de leur démantèlement et de leur privatisation : l’usage de #Pronote à l’école, #Doctissimo et la télémédecine dont la popularité est due à l’absence de médecins, etc. Dans le secteur automobile, la responsabilité des industriels est écrasante. Depuis des décennies, ils ne cessent de bourrer les véhicules d’électronique pour augmenter leur valeur ajoutée.

    Ces dernières années, ils ont massivement vendu d’énormes voitures électriques parce qu’ils savaient que le premier marché de la voiture électrique, c’était d’abord la bourgeoisie, et que les bourgeois achèteraient des #SUV et des grosses berlines. Donc quand je dis que nous devons réduire notre #consommation de métaux, j’entends surtout par-là dénoncer les industries qui inondent le marché de produits insoutenables sur le plan des métaux (entre autres).

    Mais il est vrai que nous – et là c’est un vrai « nous » - devons réfléchir ensemble aux moyens de sortir de l’#emprise_numérique. Du point de vue des métaux, le #smartphone n’est pas viable : sa sophistication et son caractère ultra-mondialisé en font un concentré d’#exploitation et d’#intoxication, des mines aux usines d’assemblage chinoises ou indiennes.

    Et bien sûr il a des impacts socialement désastreux, des addictions à la #surveillance, en passant par la « #surmarchandisation » du quotidien qu’il induit, à chaque instant de la vie. Là-dessus, il faut agir rapidement, collectivement, ne serait-ce que pour se protéger.

    https://basta.media/nous-assistons-a-une-escalade-de-la-predation-miniere
    #extractivisme #minières #électrification #acidification #contamination #hypocrisie #relocalisation #prédation #guerre_en_Ukraine #militarisation #déplacement_de_populations #dématérialisation #industrie_automobile

  • Pourquoi il est important que les étudiant(e)s apprennent à se passer de #Chat-GPT ?

    Dans un article intéressant intitulé « ChatGPT : le #mythe de la #productivité » Hubert Guillaud nous explique qu’avec les applications de ce type, le but de l’#écriture est de remplir une page, pas de réaliser le #processus_de_réflexion qui l’accompagne. Or écrit-il. C’est justement tout l’inverse dont nous avons besoin ! À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, il est utile de s’interroger sur son impact sur la formation, en particulier sur l’apprentissage des étudiants. Alors que des outils comme #ChatGPT promettent de faciliter de nombreuses tâches, il s’agit de comprendre pourquoi il est important que les apprenants puissent se passer de ces technologies, notamment dans le cadre de leurs études.

    L’IA et le développement des #compétences_cognitives

    L’un des arguments les plus convaincants en faveur d’un apprentissage sans IA porte sur le développement des compétences cognitives. Comme le souligne Emily M. Bender, linguiste citée par Hubert Guillaud, l’objectif de la rédaction d’un écrit d’étudiant (un mémoire ou d’un rapport de situation sociale) n’est pas de produire plus de connaissances, mais de renforcer les capacités de réflexion critique des élèves.

    Une analogie avec l’entraînement sportif peut vous aider à comprendre pourquoi : de même que s’entrainer à soulever des poids développe la force musculaire nécessaire à diverses disciplines sportives, l’écriture régulière cultive des compétences essentielles pour les futurs professionnels. Or, nous avons besoin de travailleurs sociaux qui pensent par eux-mêmes et s’entrainent sans chercher leurs idées dans des réponses formatées par des chabots.

    L’utilisation d’outils d’IA comme ChatGPT pour réaliser des devoirs équivaut à « amener un chariot élévateur dans une salle de musculation pour entrainer les athlètes ». En d’autres termes, cela prive les étudiants de l’opportunité de développer leur « forme cognitive ». Cette métaphore illustre parfaitement le risque d’atrophie intellectuelle lié à une dépendance excessive à l’IA. Il s’agit d’apprendre à penser par soi-même et d’être capable d’intégrer la pensée nécessaire à la pratique professionnelle. Sinon à quoi bon se former ?

    L’#effort_intellectuel doit être valorisé

    Un autre aspect à ne pas négliger de l’apprentissage sans IA concerne la valeur intrinsèque de l’effort intellectuel fourni par l’étudiant. Bien que certains types d’écriture puissent sembler superflus ou purement académiques, le processus de création de texte, même lorsqu’il n’est pas particulièrement créatif ou évident, a une valeur en soi. Il permet de développer des #compétences, d’approfondir la compréhension d’un sujet et de structurer la pensée. D’où l’intérêt de continuer à demander aux élèves de formaliser leurs pensées en synthétisant et en analysant des textes.

    Le risque d’une utilisation excessive de l’IA est de créer un #cercle_vicieux où la production de textes de qualité médiocre devient la norme. Nous pourrions entrer dans une ère où les documents sont générés à partir de listes à puces par une IA, puis réutilisé par une autre IA pour produire un devoir ou une communication académique. Cette perspective soulève des questions sur la valeur ajoutée réelle de tels processus et sur l’#appauvrissement potentiel de la #réflexion humaines.

    Un risque de #déshumanisation de l’apprentissage

    Distinguons d’abord deux aspects importants qui entrent dans le champ de la formation : la #compétence et l’#intelligence. La compétence correspond à la façon dont vous accomplissez une tâche, tandis que l’intelligence correspond à l’efficacité avec laquelle vous allez acquérir de nouvelles compétences. Cette différenciation nous conduit à comprendre une limitation fondamentale de l’IA : bien qu’elle puisse être extrêmement compétente dans l’exécution de tâches spécifiques (par exemple, résumer un texte), elle manque de la #flexibilité et de l’#adaptabilité qui caractérisent l’#intelligence_humaine. Elle ne dispose pas d’intelligence à proprement parler. Il nous est dit que les étudiants pour obtenir leurs diplômes doivent acquérir des domaines de compétence. Pour autant la pratique du travail social demande surtout de savoir agir avec intelligence. Or ce n’est pas la même chose. James Stacey Taylor, professeur de Sciences humaines au collège de New Jersey, explique bien pourquoi il interdit désormais à ses élèves d’utiliser l’IA.

    Cette technologie risque de nous traiter comme des êtres inférieurs à ce que nous sommes réellement : des créateurs et des interprètes de sens. Un autre argument en faveur de l’abandon de l’IA dans le travail des étudiants concerne son potentiel de « déshumanisation ». L’#IA_générative a tendance à réduire nos attentes, à la fois envers ce que nous lisons et envers nous-mêmes lorsque nous écrivons quelque chose pour que les autres le lisent. Nous banalisons du texte aux kilomètres généré par les #modèles_de_langage et oublions les efforts à fournir qui paraissent alors pour les étudiants de plus en plus démesurés.

    L’acte d’écrire ou de communiquer, même lorsqu’il n’est pas particulièrement original, porte une #signification_profonde pour l’auteur et son audience. Cela concerne aussi bien la #création_artistique que la #communication quotidienne. L’#intention et le contexte humains sont essentiels. L’IA, en se substituant à ces processus, risque de réduire la quantité d’intention dans le monde et d’appauvrir nos interactions qui nous conduisent à forger nos propres opinions.

    L’IA et la promotion de l’#incuriosité

    Rob Horning, philosophe du net, nous met en garde contre le fait que les modèles de langage de grande taille (#LLM) « marchandisent l’incuriosité ». Ces systèmes peuvent fournir des informations, mais ils sont incapables d’expliquer pourquoi ces informations ont été produites ou organisées d’une certaine manière. Cette limitation est particulièrement problématique dans un contexte éducatif, où la compréhension du processus de création et d’organisation des connaissances est aussi importante que les connaissances elles-mêmes.

    L’utilisation de l’IA dans l’#éducation risque de promouvoir une approche assez superficielle de l’apprentissage. L’accent sera mis sur l’obtention rapide de résultats plutôt que sur le processus de réflexion et de #compréhension. Cette tendance va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la formation des travailleurs sociaux, qui visent à développer la #pensée_critique et la capacité d’analyse des étudiants.

    Or aujourd’hui que souhaitons-nous pour les futurs travailleurs sociaux ? De nombreux employeurs vous diront qu’ils recherchent des professionnels qui font ce qu’on leur demande de faire sans véritablement se poser des questions. Le résultat importe plus que le processus qui a permis de l’obtenir. Or l’aide et l’accompagnement en #travail_social est justement structuré dans le processus fait d’avancées et de reculs, un parcours qui permettra à la personne aidée de pouvoir à terme prendre son avenir en main. Elle nous oblige à penser l’action au fil du contexte et des évolutions de la situation. Cette réflexion est menée avec la personne accompagnée. Or l’IA vous proposera des réponses qui ne sont pas coconstruites avec elle.

    Le mythe de la productivité

    Un autre aspect problématique de l’utilisation de l’IA dans la formation est la promotion du « mythe de la productivité ». Cette idéologie présuppose que l’économie de temps et d’efforts est toujours préférable à l’engagement dans une activité pour elle-même. Dans le contexte éducatif, cela peut se traduire par une focalisation excessive sur la production d’actions et de contenus au détriment du processus d’apprentissage et de réflexion pour la mise en œuvre de l’action.

    Ce mythe de la productivité risque de réduire l’écriture et d’autres activités éducatives à de simples tâches à accomplir. Il néglige dans le processus d’écriture leur dans le développement intellectuel et personnel des étudiants. Comme le souligne Rob Horning, cette approche correspond à celle de l’idéologie libérale qui privilégie l’efficacité sur le sens et l’expérience.

    Une utilisation excessive de l’IA dans la formation risque également de priver les étudiants de la maîtrise de leur propre apprentissage au nom de la productivité. En automatisant des processus qui devraient normalement impliquer une réflexion et un effort personnels, l’IA peut réduire la capacité des étudiants à développer une compréhension profonde et une expertise dans leurs domaines d’étude.

    Cette perte de maîtrise s’apparente à ce que Rob Horning décrit comme le travail aliéné dans le contexte capitaliste. Au temps du Fordisme, les travailleurs étaient soumis à des processus de travail cadencés par la machine. Ils travaillaient à la chaine. Cela les privait de toute autonomie et surtout de leur créativité. Aujourd’hui, des robots les ont remplacés. L’IA utilisée de la sorte n’en ferait pas autrement. Cela pourrait se traduire par une autre forme de travail à la chaine, où le salarié (et l’étudiant) ne travaillent plus directement leurs textes, mais suivent plutôt ce que l’IA leur a fourni. Cela pourrait provoquer une forme d’aliénation aux outils d’IA, au détriment du développement de la capacité à penser de manière indépendante.

    L’impact sur l’apprentissage

    Les effets potentiellement néfastes de l’utilisation excessive de l’IA nous conduit dans des process un peu absurdes. Comme le souligne Ian Bogost, nous assistons déjà à des scénarios dans lesquels des étudiants génèrent des devoirs avec l’IA, que les enseignants font ensuite corriger par l’IA. On en arriverait vite à marcher sur la tête. Cette situation, qui peut exister, soulève des questions importantes sur la valeur et l’intégrité du processus éducatif.

    Le risque majeur est que cette technologie rende caduc certains des meilleurs outils d’apprentissage, notamment l’écriture elle-même. L’écriture n’est pas seulement un moyen de communiquer des idées, c’est aussi un processus qui permet de clarifier la pensée, d’approfondir la compréhension et de développer des compétences critiques. En remplaçant ce processus par une génération automatisée de contenu, nous risquons de priver les étudiants d’opportunités essentielles pour leur développement intellectuel.

    Il existe une grande différence entre l’apprentissage automatique et la « pensée machine » explique Ron Carucci dans le magazine Forbes. Dès l’instant où nous commençons à considérer l’IA comme une machine pensante, nous sommes dans le pétrin. En effet, cela signifie que nous avons essayé d’externaliser notre propre pensée critique et nos compétences de résolution de problèmes à une machine qui ne fait que répliquer et régurgiter les informations qu’elle a recueillies. Les grands modèles linguistiques recherchent des modèles d’information existants, peut-être même les synthétisent. Mais ils ne peuvent pas exercer d’appréciation, quelle que soit la nuance ou la rapidité de leurs résultats.

    Plus les étudiants utilisent les machines pour réfléchir à leur place, plus ils deviennent dépendants de ces machines, ce qui perturbe les processus cognitifs clés. Utiliser l’IA pour trouver une réponse par raccourci au lieu de la trouver par soi-même diminue leur réserve cognitive, ou si vous préférez les connexions entre les cellules cérébrales. L’hypothèse de la réserve cognitive reflète l’agilité de notre cerveau à résoudre des problèmes et à faire face à des situations inattendues explique Ron Carucci.

    En conclusion

    En conclusion, bien que l’IA offre des possibilités assez vertigineuses dans de nombreux domaines, son utilisation dans la formation, en particulier pour des tâches fondamentales comme l’écriture et la recherche, soulève de sérieuses préoccupations. Il est esentiel que les étudiants apprennent à se passer de ces outils, non pas par rejet de la technologie, mais pour préserver et développer des compétences essentielles qui ne peuvent être acquises que par l’effort et la pratique.

    L’éducation ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances, mais aussi à développer la capacité de penser de manière critique, de résoudre des problèmes et de s’adapter à de nouvelles situations. Ces compétences sont primordiales pour le succès futur des étudiants, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Elles sont essentielles pour les étudiants en travail social. Il leur faut continuer à penser par eux-mêmes et non déléguer une quelconque décision à des IA qui n’auront pas dans leur mémoire tous les aspects particuliers d’une situation singulière.

    Alors que beaucoup utilisent l’IA sans le dire, il reste essentiel de trouver un équilibre entre l’utilisation de ces technologies comme outils d’assistance et la préservation des processus d’apprentissage. C’est bien le fait de ne pas utiliser l’IA qui favorise une véritable croissance intellectuelle. Les formateurs, les responsables de filières et les étudiants eux-mêmes doivent être conscients des limites et des risques associés à une dépendance excessive à l’IA dans la formation.

    En fin de compte, l’objectif de la formation devrait être de former des futurs professionnels capables de penser par eux-mêmes, de remettre en question les idées reçues et de contribuer de manière significative à la société. Ces compétences ne peuvent être pleinement développées que par un engagement actif dans le processus d’apprentissage, sans raccourcis artificiels. C’est en préservant ces aspects essentiels que nous pourrons préparer au mieux les étudiants dans un monde où l’IA jouera sans aucun doute un rôle de plus en plus important.

    La quasi-totalité des sources est en anglais, n’hésitez pas à utiliser un traducteur automatique :

    – ChatGPT : le mythe de la productivité | Dans les algorithmes : https://danslesalgorithmes.net/2024/09/17/chatgpt-le-mythe-de-la-productivite
    - Revue Spirale – Esprit critique et pouvoir d’agir. Vers le développement d’une « attitude critique » ? | Cairn.info : https://shs.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2020-3-page-51?lang=fr
    - AI Reduces Critical Thinking | WVNexus : https://wvnexus.org/opinions/ai-reduces-critical-thinking
    - Why I Ban AI Use in Writing Assignments | Times Higher Education : https://www.timeshighereducation.com/campus/why-i-ban-ai-use-writing-assignments
    - Importance of Critical Thinking for Students | EssayPro : https://essaypro.com/blog/importance-of-critical-thinking-for-students
    - In the Age of AI, Critical Thinking Is More Needed Than Ever | Forbes : https://www.forbes.com/sites/roncarucci/2024/02/06/in-the-age-of-ai-critical-thinking-is-more-needed-than-ever
    - Why Should Students Not Use AI Tools to Write Assignments ? | Academic Assignments : https://www.academicassignments.com/blog/why-should-students-not-use-ai-tools-to-write-assignments

    https://dubasque.org/pourquoi-il-est-important-que-les-etudiantes-apprennent-a-se-passer-de-cha
    #ChatGPT #apprentissage #ESR #étudiants #AI #intelligence_artificielle #IA #université

    voir aussi :
    Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de l’éducation
    https://seenthis.net/messages/1082156

    • A Student’s Guide to Not Writing with ChatGPT

      OpenAI has published “A Student’s Guide to Writing with ChatGPT”. In this article, I review their advice and offer counterpoints, as a university researcher and teacher. After addressing each of OpenAI’s 12 suggestions, I conclude by mentioning the ethical, cognitive and environmental issues that all students should be aware of before deciding to use or not use ChatGPT.

      “1. Delegate citation grunt work to ChatGPT. AI excels at automating tedious, time-consuming tasks like formatting citations. Just remember to cross-check all source details against original materials for accuracy.”

      That last sentence is probably there for legal reasons, because they know they can’t say ChatGPT will produce accurate results. Formatting citations and bibliographies means presenting metadata according to formal style instructions. This is not natural language. ChatGPT will make errors, which will take time to track and correct. Instead, use a reference manager, such as Zotero. It will format things reliably, exactly as expected. Just clean up the references’ metadata as you collect them, and then your bibliographies will never contain mistakes.

      “2. Quickly get up to speed on a new topic. ChatGPT can jumpstart your research by providing a foundational understanding of a subject.”

      ChatGPT is a human conversation simulator, not an information system or a knowledge base. It has no understanding of anything: it only outputs plausible responses. Do not ask an intermediary who has no capacity to understand information to explain it to you. Instead, go to your university library and look it up yourself, with the help of your local librarians. Actual information is contained in brains, documents and databases.

      “3. Get a roadmap of relevant sources. ChatGPT can guide your research by suggesting relevant scholars, sources, and search terms. But remember: while it can point you in the right direction, ChatGPT isn’t a substitute for reading primary sources and peer-reviewed articles. And since language models can generate inaccurate information, always double-check your facts.”

      (This is even more contentious than point 1, so we get two full sentences that are probably there for plausible deniability.) Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know what things like “a source” or “a true statement” are. Do not trust its directions. You will waste time and make mistakes. Again, ask a human or search for documents and data in a proper information system.

      “4. Complete your understanding by asking specific questions.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know actual answers to your questions, only plausible answers. It will generate true and false answers indiscriminately. This will set your learning back. Again, seek humans, documents and data directly instead of asking ChatGPT.

      “5. Improve your flow by getting feedback on structure.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not understand what an “expected” or “improved” text structure is, even if you describe it. It can only upgrade your writing to middling quality, or downgrade it to that same level. Both will result in mediocre grades. To actually improve, ask a teacher, or join a group of students who give each other feedback; if such a group does not exist, get some people together and create it—this will be a useful experience by itself.

      “6. Test your logic with reverse outlining.”

      As an Australian study recently showed, ChatGPT does not know how to summarize, only shorten. So far, summarizing remains something only humans do well. So you should learn it: take a summarizing course from an information skills program. (Also, if you can’t summarize your own writing, something is wrong. Do not reverse outline your writing: outline first, then write.)

      “7. Develop your ideas through Socratic dialogue.”

      This is one suggestion that is related to ChatGPT’s actual function: simulating human communication. However, Socratic dialogue implies that you are conversing with someone who has a superior understanding of the topic and who slowly brings you to their level. And, unfortunately, ChatGPT is not Socrates. Using ChatGPT as a “sparring partner” will constrain you to its level: a machine which produces plausible human sentences. Instead, suggest this exercise to your teachers and fellow students, and do it with someone more knowledgeable than you.

      “8. Pressure-test your thesis by asking for counterarguments.”

      To improve your thinking, you must be able to come up with counterarguments, not just answer them. Using ChatGPT to do half the work will stunt your progress. Instead, come up with counterarguments yourself. And if you must ask for help, do not ask ChatGPT: it can only produce weak reasoning, so it will make you plateau into mediocrity. Ask someone who can create strong arguments to make you think harder.

      “9. Compare your ideas against history’s greatest thinkers.”

      ChatGPT can entertain you but it has no ability to design such a complex exercise so that you may learn from it. Suggest this idea to a teacher instead. This is what they are trained to do.

      “10. Elevate your writing through iterative feedback.”

      This is a variant of point 5 about feedback. Again, using ChatGPT will constrain your work to a machine’s idea of the human average. Instead, go for feedback sessions with teachers and fellow students, and make those iterative if needed.

      “11. Use Advanced Voice Mode as a reading companion.”

      (“Avanced Voice Mode” means ChatGPT listens to you reading something out loud and tries to answer your questions about it.) This is a variant of points 2-4 about information. ChatGPT has no understanding of anything. It will not provide reliable interpretations of what you’re reading. Instead, look up the definitions of words you don’t know; find scholarly work that analyzes the text; ask another student working on the same text if you’re unsure of what you’ve read.

      “12. Don’t just go through the motions—hone your skills. […] Try asking ChatGPT to suggest ways to develop your ability to think critically and write clearly.”

      Again, ChatGPT has no understanding of anything. This includes “critical thinking” and “writing techniques”. Look these things up in your university library catalogue; read what you find; ask your teacher about it; and then practice, practice, practice.
      Final words

      ChatGPT is designed to simulate human conversation. Using a probabilistic model of language, it communicates for communication’s sake, to fool you into thinking it’s human. It’s a bullshit machine. It works as a novelty thing, for entertainment. But it’s not a reliable tool for learning, so I believe students should be wary of it.

      Whenever students ask me about ChatGPT, I mention the following three issues:

      - ethics: most of the models were built on stolen data;
      - cognition: using it makes you more dependent and less smart, as studies have started to show (here’s a link to a French one) ;
      - environment: the energy costs of generative AI are an order of magnitude greater than pre-existing technology (and it’s not even profitable, so we’re burning fuel for nothing).

      It’s usually enough to give most of my students some pause. They’re creative young people, so they empathize with robbed creators. They want tools that help them, not hinder them. And a lot of them are (rightly) concerned about the environment, so they’re shocked to learn that ChatGPT takes ten times the amount of energy Google does to answer the same question, usually worse (but Google is catching up, or down I should say).

      The good news is that, as Jared White puts it:

      “You can literally just not use it. […] you can be a fulfilled, modern, very online, technical expert & creator and completely sit out this hype cycle.”

      If you need more information, I strongly recommend out that you check out Baldur Bjarnason’s Need To Know. It’s a website that provides an accessible summary of his deep literature review of the risks behind using generative AI. It’s a great starting point.

      https://www.arthurperret.fr/blog/2024-11-14-student-guide-not-writing-with-chatgpt.html

  • L’#eau_potable des Français menacée de non-conformité par un #polluant_éternel

    Les #ressources_hydriques sont massivement contaminées par une molécule issue de la dégradation du #flufénacet, un #pesticide récemment classé #perturbateur_endocrinien. Les associations demandent son interdiction en urgence.

    Les autorités françaises et les gestionnaires de l’eau sont à l’aube d’une situation sans précédent : une majorité de Français pourrait prochainement se retrouver avec une eau potable non conforme aux critères de qualité. La faute d’une molécule, l’#acide_trifluoroacétique (#TFA), un « polluant éternel » aujourd’hui non réglementé, et aux #effets_sanitaires mal documentés, qui contamine les ressources hydriques en France et en Europe.

    Le TFA que l’on retrouve dans l’eau est notamment issu de la dégradation d’un pesticide, le flufénacet. Utilisé principalement pour le traitement des cultures de #céréales (#blé et #orge en particulier), le flufénacet est l’un des #herbicides les plus vendus en France. Ses ventes ont quasiment doublé entre 2019 et 2022 (dernière année pour laquelle les données sont disponibles) pour atteindre plus 900 tonnes par an.

    Or, le 27 septembre, le flufénacet a été reconnu comme un perturbateur endocrinien par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette requalification devrait conduire automatiquement les autorités françaises à considérer désormais le TFA comme un métabolite « pertinent » pour l’eau potable – c’est-à-dire potentiellement dangereux. En effet, selon la procédure mise en place par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dès lors qu’une substance active est un perturbateur endocrinien, ses métabolites doivent être considérés par défaut comme « pertinents », donc soumis à un seuil à ne pas dépasser.

    Cette limite est fixée à 0,1 microgramme par litre (µg/L). Au-delà de cette concentration, bien que sans risque sanitaire avéré, l’eau est déclarée « non conforme ». Selon le code de #santé_publique, les collectivités peuvent obtenir une #dérogation pour distribuer aux usagers une eau non conforme pendant trois ans. En l’état de la législation, cette dérogation est renouvelable une seule fois : au terme de six années, l’#eau doit être redevenue conforme pour pouvoir être distribuée.

    L’#eau_en_bouteille n’est pas épargnée

    Selon les modélisations effectuées par l’Anses pour le compte de l’EFSA dans le cadre du dossier d’évaluation du flufénacet, on sait depuis 2017 que la dégradation de l’herbicide mène à des concentrations en TFA jusqu’à 10 µg/L, soit jusqu’à cent fois supérieures à cette limite. Le réseau Pesticide Action Network (PAN) Europe a réalisé des prélèvements d’eau potable dans une dizaine de pays de l’Union européenne (UE) dont la France entre mai et juin : la limite de #conformité était dépassée dans 86 % des cas et dans trois échantillons d’eau testés dans l’Hexagone sur quatre. Un échantillon prélevé dans l’eau du robinet qui alimente un tiers de Paris a notamment mis en évidence un taux supérieur à 2 µg/L, soit vingt fois supérieur au seuil de qualité.

    Selon nos informations, si le TFA faisait aujourd’hui l’objet d’une surveillance réglementaire, plus de la moitié des Français seraient concernés par une eau non conforme. Interrogée, la direction générale de la santé explique avoir demandé à l’Anses de mener une campagne nationale exploratoire sur les ressources utilisées pour la production d’eau potable portant sur 34 substances per- et polyfluoroalkylées (#PFAS), dont le TFA. Les résultats sont attendus en 2026.

    Selon les mesures réalisées par le réseau PAN Europe, l’eau en bouteille n’est pas épargnée. Douze des dix-neuf échantillons d’eau en bouteille (63 %) testés en Europe contiennent également des traces de TFA, à des teneurs moyennes toutefois inférieures à celle de l’eau du robinet. La plus haute concentration relevée sur une eau minérale était de 3,2 µg/L.

    Face à une situation qu’elle juge « alarmante », l’association Générations futures demande « la suspension immédiate de l’utilisation des produits à base de flufénacet sur le territoire français ». Elle en a recensé pas moins de 80. Par le biais du cabinet d’avocats TTLA, spécialisé en environnement, l’ONG a envoyé des courriers en ce sens, le 5 novembre, aux ministres de l’agriculture, de la santé, de la transition écologique et de la consommation ainsi qu’à l’Anses.

    Pas de réponse du ministère de l’#agriculture

    Contacté par Le Monde, le ministère de la transition écologique mise sur une non-réapprobation du flufénacet par l’UE en juin 2025 en raison de son caractère perturbateur endocrinien. Il assure qu’il « sera vigilant à suivre les décisions de l’Anses en la matière », tout en indiquant que « le suivi de la politique des #produits_phytosanitaires relève du ministère de l’agriculture ». Ce dernier n’a pour sa part pas répondu aux sollicitations du Monde. De son côté, l’Anses indique ne « pas avoir été saisie à ce jour d’une demande d’évaluation de “pertinence” du TFA ».

    Au niveau européen, PAN Europe a écrit, le 7 novembre, à la Commission pour lui demander d’interdire au plus vite le flufénacet. Son autorisation a expiré depuis le 31 décembre 2013 mais elle a fait l’objet de neuf procédures de prolongation – la dernière jusqu’en juin 2025 – dans l’attente que son évaluation soit finalisée.

    « Suite à l’avis de l’EFSA de septembre dernier, le processus législatif pour ne pas réapprouver le flufenacet a débuté », déclare au Monde Stefan De Keersmaecker, le porte-parole chargé des questions de santé au sein de la Commission européenne. Ce processus pourrait aboutir à une interdiction au mieux à l’été 2025.

    Concernant le TFA, « la Commission ne dispose pas d’informations officielles sur [sa] présence dans l’eau potable car les Etats membres n’incluent pas la substance dans les paramètres “pesticides” dans l’eau potable », reconnaît le porte-parole de l’exécutif européen. « Néanmoins, au vu des informations les plus récentes sur la présence de TFA dans les sources de production d’eau potable, la Commission a mandaté l’Organisation mondiale de la santé pour analyser l’impact potentiel des TFA sur la santé, et le cas échéant, de proposer des nouvelles valeurs seuils », indique-t-on de même source. Preuve que Bruxelles est bien embarrassée par cette pollution massive, la Commission a lancé, en parallèle, une étude de faisabilité sur le traitement du TFA dans l’eau potable. Les systèmes de traitement actuel des stations d’épuration sont incapables de l’éliminer.

    L’Allemagne a pris les devants. L’Office fédéral de la protection des consommateurs et de la sécurité sanitaire a écrit, le 11 octobre, à deux fabricants (Corteva et Adama) bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché pour des pesticides à base de flufénacet, pour les avertir de son intention de les retirer. Les autorités allemandes ont par ailleurs proposé à l’Agence européenne des produits chimiques de classer le TFA comme toxique pour la reproduction.

    Possibles répercussions sur le système immunitaire

    Aux Pays-Bas, l’Institut national de la santé publique et de l’environnement suspecte de possibles répercussions sur le système immunitaire. Relevant également des effets documentés sur le foie, il considère que le TFA est potentiellement aussi toxique que les autres PFAS. Faute d’étude épidémiologique spécifique, de nombreuses zones d’ombre demeurent sur la toxicité du TFA.

    « Nous manquons de données pour le TFA. Nous ne savons pas encore s’il a un effet toxique sur notre système immunitaire, note Jacob de Boer, toxicologue à la Vrije Universiteit (Amsterdam) et spécialiste des polluants éternels. Si ce n’est pas le cas, le problème est de moindre importance. Si c’est le cas, alors nous avons un sérieux problème. »

    Les Pays-Bas sont le seul pays à avoir fixé une valeur sanitaire indicative pour le TFA dans l’eau potable, à 2,2 µg/l. Ce seuil s’applique si et seulement si aucune autre PFAS n’est présente. D’après les analyses pratiquées sur les eaux potables en Europe par PAN Europe, cette valeur n’est dépassée que dans 3 % des cas. « Ceci nous pousse à dire qu’il est encore temps d’agir et d’éviter que le TFA, par son extrême persistance dans l’environnement, n’atteigne dans le futur des concentrations dans l’eau potable pouvant générer un risque pour la santé », commente Pauline Cervan, toxicologue à Générations futures.

    Pour les défenseurs de l’environnement comme pour les scientifiques, le flufénacet n’est que le sommet émergé de l’iceberg. D’autres pesticides tout aussi problématiques, comme le fluopyram, produisent également du TFA en se dégradant dans les sols.

    Aussi, ils demandent l’interdiction de tous les pesticides à base de PFAS (environ 12 % des substances actives des pesticides autorisées dans l’UE) susceptibles de se dégrader en TFA, mais également de limiter les autres sources d’émissions comme les gaz fluorés ou les rejets industriels des usines productrices de PFAS dans l’attente d’une restriction plus large de l’ensemble de la famille des polluants éternels, en discussion au niveau européen mais qui devrait prendre encore plusieurs années.

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/11/12/l-eau-potable-des-francais-menacee-de-non-conformite-par-un-polluant-eternel

    #pollution #France #industrie_agro-alimentaire #santé

    déjà signalé ici (@colporteur) :
    https://seenthis.net/messages/1081789

  • #Écriture_inclusive : le #point_médian supprime les #biais_de_genre

    C’est un fait scientifiquement établi : le #masculin_générique n’est pas neutre, il induit un biais de représentativité vers le masculin. Une nouvelle #étude de #psycholinguistique révèle que les #mots_épicènes limitent ce biais alors que le point médian le supprime totalement.

    Il y a un fait scientifique établi : le #masculin n’est pas neutre. L’utilisation du masculin générique induit un #biais_de_représentativité vers le masculin. Voici un exemple tiré d’une étude parue en 2008 : quand on demande à des volontaires des noms de candidats potentiels pour le poste de Premier ministre, les personnes interrogées citent plutôt des hommes. Alors que si on leur demande de citer des candidats ou des candidates potentielles, les sujets citent trois fois plus de femmes.

    L’écriture inclusive pour limiter ces biais de genre

    Certaines formulations biaisent ce qu’on croit comprendre de la phrase. Le but de l’écriture inclusive est justement d’anéantir ou de limiter au maximum ces effets et pour ça il y a plusieurs stratégies. Léo Varnet est chargé de recherche au CNRS au Laboratoire des Systèmes Perceptifs de l’ENS de Paris : "On distingue plusieurs grandes stratégies. Il y a la neutralisation qui inclut les termes épicènes, par exemple : les instrumentistes. Il n’y a pas de marque qui indique le genre, est-ce que ce sont des instrumentistes hommes ou des instrumentistes femmes. Et d’autre part, on a une autre stratégie d’écriture inclusive qui est la re-féminisation, qui peut prendre une forme double, comme les musiciens et les musiciennes, ou une forme à l’écrit avec un point médian qui est bien connu. Dans ce cas-là, ce seraient les musicien·ne·s. Donc une stratégie neutralisation dont les termes épicènes font partie et une stratégie de re-féminisation dont les formes doubles avec un point médian font partie."

    Tester ces stratégies en psycholinguistique

    Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont voulu tester l’efficacité de ces deux stratégies pour supprimer les biais du genre. Pour cela, la méthodologie utilisée est assez classique en psycholinguistique : on mesure le temps que les participants et participantes mettent à répondre à une question. En l’occurrence, est-ce que ces deux phrases forment une suite logique ? Je prends un exemple avec un terme épicène donc neutre : l’athlète passe la ligne d’arrivée. C’est la première phrase. Seconde phrase : elle s’effondre ensuite de fatigue. Ces deux phrases forment bien une suite logique.

    Le neutre n’est pas neutre

    La question est la suivante : met-on davantage de temps à répondre que oui, ces deux phrases peuvent se suivre, quand la seconde phrase commence par “elle” par rapport à quand elle commence par “il” ? Est-ce que notre cerveau conclut trop vite qu’un terme épicène comme athlète renvoie au masculin ?

    #Léo_Varnet, coauteur principal de cette étude parue dans Frontiers in Psychology : "Donc en fait, c’est exactement ça, c’est bien le cas. Les participants et participantes de l’étude mettent grosso modo une centaine de millisecondes de plus pour répondre quand la seconde phrase commence par "elle", alors que la première phrase contenait le mot l’athlète, donc sans marque de genre. Et donc c’est que la forme, l’épicène, "l’athlète", n’est pas complètement neutre pour le cerveau, on a tendance à supposer que cet athlète est un homme. Autrement dit, on a une représentation qui va être biaisée vers le masculin."

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-sciences/ecriture-inclusive-le-point-median-supprime-les-biais-de-genre-3732260
    #égalité #biais #genre #neutralité

    déjà signalé ici (@monolecte) :
    https://seenthis.net/messages/1081849
    et ici (@odilon) :
    https://seenthis.net/messages/1024990

    • Neutral is not fair enough: testing the efficiency of different language gender-fair strategies

      In many languages with grammatical gender, the use of masculine forms as a generic reference has been associated with a bias favoring masculine-specific representations. This article examines the efficiency of gender-fair forms, specifically gender-unmarked forms (neutralization strategy, e.g., “l’enfant”) and contracted double forms (re-feminization strategy, e.g., “un·e enfant”), in reducing gender biases in language. Extensive empirical research has shown that gender-fair forms have the potential to promote more gender-balanced representations. However, the relative efficiency of these strategies remains a subject of debate in the scientific literature. In order to explore these questions, two experiments were conducted in French. We analyzed the response times and percent correct scores using a sentence evaluation paradigm, where the participants had to decide whether a second sentence starting with a gendered personal pronoun (“il” or “elle”) was a sensible continuation of the first sentence written in a gender-fair form. Experiment 1 confirmed that gender-unmarked forms are not fully effective in neutralizing the masculine bias. In Experiment 2, a comparison was made between gender-unmarked forms and contracted double forms, to assess their respective abilities to generate more balanced representations. The findings indicated that contracted double forms are more effective in promoting gender balance compared to gender-unmarked forms. This study contributes to the existing scientific literature by shedding light on the relative efficiency of neutralization and re-feminization strategies in reducing gender biases in language. These results have implications for informing efforts to promote more inclusive and unbiased language practices.

      https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full

    • Réponse aux réactions sur l’écriture inclusive

      Suite à la publication de notre article scientifique sur l’écriture inclusive, et à la communication qui a été faite autour de ces résultats dans des médias plus grand public (en particulier le site du CNRS, France Culture, Sciences et Avenir, et même Marie-Claire), j’ai reçu un certain nombre de réactions et de questions. Si l’on fait abstraction des commentaires attendus concernant mon supposé « wokisme », et autres noms d’oiseaux, la plupart des personnes ayant manifesté leur désaccord l’ont fait de façon respectueuse et sur la base d’un petit nombre d’arguments assez récurrents. Il me paraît donc utile de revenir sur ces critiques les plus fréquentes pour y répondre ici de façon apaisée.

      FAQ

      > Il ne s’agit que d’une étude isolée, à ce stade on ne peut pas affirmer de façon certaine que le masculin générique biaise nos représentations.

      Non, ce commentaire confond l’article que nous avons publié récemment, qui porte sur une comparaison de deux formes d’écriture inclusive, et l’état des connaissances en psycholinguistique concernant le masculin générique. Si les conclusions de notre étude ponctuelle peuvent tout à fait être remises en cause par des résultats ultérieurs, il y a en revanche un consensus scientifique quant à l’effet du masculin générique sur les représentations genrées (pour un résumé, voir par exemple cette présentation qui liste un certain nombre de publications sur le sujet). Il existe désormais un corpus fourni d’articles portant sur la compréhension du masculin générique et de l’écriture inclusive, et tous convergent sur la conclusion que le masculin générique n’est pas neutre, cognitivement parlant.

      > En français, il faut utiliser le masculin comme neutre, il y a des circulaires qui nous y obligent

      La discussion porte ici sur des faits scientifiques (mesure expérimentale de l’interprétation d’une forme d’écriture ou d’une autre par le cerveau humain). Les arguments légaux n’ont donc rien à apporter à cet aspect du débat, de la même façon qu’une circulaire affirmant que la Terre est plate ne changerait pas la rotondité de la planète, ou qu’on ne peut pas passer une loi pour démontrer la quadrature du cercle1.

      Notons au passage que les fameuses circulaire Edouard Philippe et circulaire Blanquer véhiculent en réalité des indications contradictoires : notamment, elles proscrivent « le recours à l’écriture dite inclusive » jugée inutile, mais imposent d’écrire « le candidat ou la candidate » ou « les inspecteurs et les inspectrices de l’éducation nationale » ce qui est déjà une reconnaissance que cette forme particulière d’écriture inclusive (la double flexion) participe de la promotion de l’égalité femmes/hommes.

      > « Le masculin fait le neutre », c’est une règle du français.

      Cet argument est à mon avis au cœur de la confusion actuelle, et mérite donc d’être développé.

      Est-ce que le masculin est neutre ? Cela dépend de ce que l’on entend exactement par là. Si la question concerne l’existence d’une règle grammaticale en français permettant de désigner un groupe mixte par un masculin, la réponse est « ça n’a pas toujours été le cas, mais actuellement oui ». Cependant, dans le débat actuel, le clivage ne porte pas tant sur l’existence de la règle que sur sa compréhension par le cerveau2. Autrement dit, il ne s’agit pas de savoir s’il est « autorisé » d’utiliser telle ou telle formulation (grammaire prescriptive) mais plutôt comment cette formulation va être interprétée (grammaire mentale).

      De façon peut-être un peu surprenante, la grammaire mentale stockée dans notre cerveau ne correspond pas forcément à celle des manuels de grammaire. Lors de la lecture, comme dans beaucoup d’autres tâches, notre cerveau utilise souvent des « raccourcis » plutôt que d’appliquer méthodiquement toutes les règles qui lui ont été enseignées lors de notre scolarité. Ainsi, pour prendre un exemple moins polémique que le masculin générique, la plupart des locuteurs et locutrices du français savent que le substantif « prénom » se décompose en un préfixe (« pré ») suivi d’un radical (« nom ») permettant de retrouver le sens étymologique du mot (« ce qui précède le nom de famille »). Cependant, lorsque nous lisons le mot « prénom », notre cerveau ne le redécompose pas pour en identifier le sens mais le traite plutôt comme un bloc. Il en va de même pour le masculin générique : il existe bien une règle de grammaire « le masculin fait le neutre », mais ce n’est pas cette règle que notre cerveau applique spontanément, qu’on le veuille ou non.

      > Utiliser le langage inclusif ne résoudra pas le problème des discriminations de genre au sein de la société. Il y a d’autres combats à mener.

      Effectivement, l’adoption du langage inclusif a peu de chances de dénouer d’un coup tous les problèmes liés au sexisme, et je ne pense pas que quiconque ait jamais prétendu cela. Il s’agit donc clairement d’un homme de paille rhétorique.

      Il est également important de rappeler que les auteurs et autrices de cette étude ne mènent pas un combat, mais un programme de recherche. Nous ne formulons pas de consignes concernant l’usage de la langue (contrairement à la très conservatrice Académie Française), et notre article se borne à étudier les effets d’une formulation ou d’une autre sur les représentations.

      > Cette expérience porte sur une situation vraiment particulière et peu courante : deux phrases qui s’enchaînent, la première contenant un terme en écriture inclusive et la seconde commençant par « il » ou « elle ». C’est très spécifique, qu’est-ce qui nous dit que ces phénomènes ont lieu de façon générale dans le langage ?

      Le protocole expérimental peut effectivement paraître un peu arbitraire car il s’agit justement d’un protocole, destiné avant tout à mettre en évidence et à mesurer un effet de façon robuste. La psycholinguistique est une science expérimentale et, en tant que telle, elle se concentre sur des situations peut-être peu courantes dans la vie de tous les jours mais qui permettent de tester des phénomènes de façon reproductible.

      Ceci étant précisé, il faut rappeler que la conclusion concernant le masculin générique ne repose pas sur une étude isolée mais sur un corpus de plus d’une trentaine d’études dans différentes langues et utilisant différentes méthodologies, qui sont unanimes sur la mesure d’un biais vers le masculin. Il est très rare d’avoir des résultats aussi cohérents, surtout en sciences cognitives, et cela suggère donc fortement que le phénomène n’est pas limité aux types de phrases ou aux mots utilisés dans l’étude.

      > L’étude montre une différence de temps de traitement de quelques centaines de millisecondes entre le féminin et le masculin, quelle est l’incidence sur la société d’un délai aussi infime ?

      Il s’agit effectivement d’une question importante, qui appelle une réponse en deux temps.

      Tout d’abord, il est tout à fait envisageable que ce délai, même court, puisse influencer certaines prises de décision rapide que nous effectuons dans la vie de tous les jours. On pense en premier lieu à des situations telles que le survol d’offres d’embauche, la sélection d’une candidature pour un poste, la réponse à des questionnaires, autant de situations où il a été montré que l’usage du masculin générique défavorise les femmes.

      Plus fondamentalement, il ne s’agit pas uniquement d’une question de temps de réflexion mais surtout de représentations. La chronométrie mentale (mesure des temps de réponse) est une méthodologie standard en psychologie cognitive permettant de mettre en évidence un déséquilibre dans le traitement par le cerveau de deux conditions expérimentales particulières, par exemple un dans l’accès aux représentations suite à la lecture d’un type de phrases ou d’un autre. Ce déséquilibre se traduit ensuite de multiples façons, selon les situations. Dans le cas du masculin générique, l’exemple le plus frappant en français est certainement l’étude de Markus Brauer et Michaël Landry en 2008 : si l’on demande, sous prétexte d’un sondage politique, de citer « tous les candidats » susceptibles d’accéder au poste de premier ministre, les personnes interrogées mentionnent 3 fois moins de noms de femmes que lorsqu’on leur demande de citer « les candidats et les candidates » à ce poste (Brauer & Landry, 2008). On voit sans peine comment ce déséquilibre dans les représentations peut ensuite avoir un impact sur la société en général. (Voir également la réponse à la question suivante)

      > Ce résultat est absurde : il suffit de réfléchir deux secondes pour comprendre que « les infirmiers » peut désigner un groupe comprenant des infirmières et que « l’athlète » peut être en fait une athlète.

      En effet, nous sommes tout à fait capables de modifier nos représentations spontanées moyennant un court délai de latence. L’étude porte justement sur la mesure de ce délai comme preuve de l’existence d’un biais des représentations spontanées en faveur du masculin.

      Pour citer la métaphore utilisée par Pascal Gygax, Ute Gabriel, et Sandrine Zufferey dans leur ouvrage « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » (Gygax et al., 2021) :

      Il faut essayer de s’imaginer le cerveau comme un espace rempli d’une multitude d’ampoules. Quand vous produisez ou entendez un mot (ou une idée), les ampoules qui correspondent à ce mot s’allument. Ces ampoules se réfèrent aussi bien aux lettres du mot qu’à son sens, qu’aux associations qu’il évoque, etc. Le fait est que toutes ces ampoules ne s’allument pas complètement, et en tout cas pas immédiatement. Ainsi, quand vous cherchez un mot pour décrire quelque chose, quelques ampoules vont s’allumer, un peu grésiller peut-être. […] Par exemple si je vous parle d’ « une bière que nous mettons dans la voiture », il est peu probable que vous pensiez tout de suite à un cercueil. Le lien entre « bière » et « boisson » est déjà allumé car ce lien est fréquent. En revanche, maintenant que nous venons de parler de « cercueil » (nous avons activé l’ampoule), si je vous dis que « nous mettons la bière dans la voiture », votre pensée n’est plus la même.

      La mesure des temps de réponses est l’un des outils à la disposition des psycholinguistes pour identifier quelles ampoules mettent du temps à s’allumer. Suite à la lecture d’un mot, il nous est possible, moyennant un peu plus de temps et d’énergie, de nous assurer que les bonnes ampoules sont allumées. Cela ne signifie cependant pas que le biais n’existe pas, mais uniquement que nous avons pris le temps de le compenser.

      Par ailleurs, notez que nous cherchons ici à corriger nos biais spontanés car nous savons que l’expérience porte sur le genre grammatical. Dans la vie de tous les jours, en revanche, nous ne prenons pas toujours le soin de « rectifier le tir » ainsi que l’indique par exemple l’expérience du sondage politique cité plus haut : les répondants et répondantes ne corrigent pas leur biais en faveur des hommes même lorsqu’on leur en laisse le temps.

      > Le point médian est imprononçable.

      Le point médian n’est pas destiné à être prononcé, mais doit être considéré comme une abréviation de la double flexion. À l’oral, le terme « un·e athlète » se prononce donc « un ou une athlète », de la même façon que « M. Durand » se prononce « monsieur Durand ».

      > Le point médian, je trouve ça très laid.

      Libre à vous. L’étude ne s’intéresse pas aux jugements esthétiques mais à la compréhension. Voir également la question suivante.

      > Le point médian devrait être banni car il pose des problèmes de lisibilité / complique la lecture pour les personnes dyslexiques / n’inclut pas les personnes non-binaires.

      Cet article ne prétend pas trancher la question du point médian, qui englobe des dimensions sociologiques et politiques largement hors de notre champ d’expertise, mais uniquement apporter un regard scientifique sur un aspect de la controverse : l’efficacité de différentes formes d’écriture inclusive pour mitiger les biais en faveur du masculin.

      D’autres considérations sont effectivement à prendre en compte pour juger de l’utilité ou non du point médian. Parmi elles, la question de l’inclusion des personnes non-binaires me semble tout à fait pertinente. La question de la lisibilité, en particulier pour les personnes dyslexiques, est également capitale même si, pour l’heure, les données scientifiques sur le sujet sont insuffisantes pour tirer des conclusions. Tant qu’il reste à l’état de conjecture sans fondement factuel, ce dernier argument ressemble singulièrement à un épouvantail agité par les opposants et opposantes de l’écriture inclusive3.

      > En [espagnol/allemand/anglais/italien] le genre grammatical de certains mots est différent du français. On n’a pourtant pas l’impression d’avoir une représentation du monde différente pour autant. Quand je pense à « la table » je ne pense pas à un utérus.

      Notre étude, ainsi que toutes celles que nous citons, ne portent pas sur le genre grammatical des objets mais uniquement des personnes. Il n’existe pas de termes épicènes pour les objets, et il n’y a pas non plus lieu d’utiliser un point médian.

      > L’Académie Française a dit que…

      Malheureusement, l’Académie Française n’a pas d’expertise en la matière : ainsi, à ma connaissance, aucun de ses membres n’est linguiste de formation ni ne publie d’articles dans des revues de linguistique. Je vous invite donc à vous appuyer sur des travaux d’experts et d’expertes reconnues, par exemple ceux du collectif des linguistes atterré·e·s, composé en majeure partie de chercheurs et de chercheuses du domaine.

      Ceci ne doit bien sûr pas laisser penser cependant que les linguistes sont unanimement en faveur de l’écriture inclusive. Certains arguments avancés sont d’ailleurs à mon sens tout à fait pertinents, mais ils sortent du cadre psycholinguistique de notre étude.

      > Il n’existe pas de preuve définitive que ces biais linguistiques ont de véritables conséquences sur la société.

      Un certain nombre d’études se sont intéressées à l’influence de la forme d’écriture dans des situations de lecture plus proches de la vie courante. Il a ainsi été montré que l’usage du masculin générique dans un questionnaire a un effet négatif sur l’évaluation par les répondantes de leur propre efficacité, chez les adultes (Vainapel et al., 2015) comme chez les adolescentes (Chatard-Pannetier et al., 2005), et que les annonces d’emploi rédigées en écriture inclusive aident à considérer la candidature de femmes, en particulier dans les métiers stéréotypés masculins (Gygax & Gabriel, 2008 ; Vervecken et al., 2015). Comme mentionné précédemment, ces effets entrent également en jeu lors de la réponse à des sondages politiques (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg & Sczesny, 2001), mais aussi lorsqu’il s’agit de citer des acteurs et actrices, chanteurs et chanteuses, héros et héroïnes (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg et al., 2001), ou encore de se représenter mentalement une personne ou un groupe (Brauer & Landry, 2008 ; Tibblin et al., 2023 ; Xiao et al., 2023).

      On peut discuter du degré de généralité de ces phénomènes, et notamment de s’il convient de les interpréter comme une forme de « déterminisme linguistique ». En revanche, le fait que le masculin générique engendre un biais favorisant les hommes dans un certain nombre de situations de la vie courante est incontestable.

      Conclusion : des objections valables et d’autres non

      La plupart des remarques qui m’ont été adressées reflètent d’authentiques interrogations auxquelles je suis ravi de pouvoir apporter des éléments de réponse. En revanche je note également une certaine mauvaise foi, consciente ou non, de la part d’un petit nombre personnes critiquant le langage inclusif de façon particulièrement bruyante.

      En premier lieu, j’aimerais souligner à nouveau que, contrairement à une idée largement diffusée, le masculin générique n’est pas considéré comme neutre par le cerveau. En l’état actuel des connaissances, l’affirmation que le masculin générique induit un biais des représentations vers le masculin spécifique est un fait établi, faisant l’objet d’un consensus scientifique. Remettre ce point en question s’apparente donc aujourd’hui à de la désinformation. Le fait que de prétendu·e·s expert·e·s n’hésitent pas à s’exprimer sur le sujet sans se donner la peine de se documenter sur les recherches et les données empiriques est révélateur de leur degré d’ « idéologie », pour reprendre un terme souvent utilisé contre les défenseurs et défenseuses de l’écriture inclusive.

      Par ailleurs, parmi les critiques de notre étude, certains et certaines remettent en cause le caractère scientifique de l’approche psycholinguistique en général. Ces personnes se réclament d’un niveau d’exigence scientifique supérieur en demandant un degré de preuve inaccessible (particulièrement aux sciences du vivant) ou des recherches irréalisables, et en affirmant que l’existence d’autres facteurs non pris en compte invalide le domaine d’étude. Ce comportement est la marque d’un biais de non-confirmation, qui consiste à fixer des normes plus strictes, voire inatteignables, pour les hypothèses qui vont à l’encontre de nos attentes : à vrai dire, les mêmes critiques pourraient être utilisées pour disqualifier l’intégralité des recherches en sciences cognitives, y compris les plus communément admises comme l’existence de biais cognitifs. Dans son livre « Le Sexe et la Langue » consacré à la dénonciation de l’écriture inclusive comme « manipulation militante prenant la langue en otage d’une manœuvre d’intimidation idéologique », le linguiste Jean Szlamowicz consacre quelques pages aux données psycholinguistiques. S’il concède du bout des lèvres que « certains chercheurs en psycholinguistique tentent des « expériences » pour prouver cette activation de représentations [de représentations masculines] », c’est pour préciser immédiatement que « quelle que soit l’expérience, on arrivera toujours à produire des chiffres et des corrélations ». Ceci illustre bien la stratégie consistant à disqualifier tout un champ de recherche dès lors que certains de ses résultats ne vont pas dans le sens de nos convictions.

      Ces deux attitudes consistant à nier un consensus scientifique, soit par simple omission soit en rejetant comme non-scientifique un domaine d’étude vieux de plus d’un siècle, rappellent les arguments du climato-négationnisme et d’autres formes de dénialisme. Avec de tels « inclusivo-sceptiques », la polémique sur le point médian a peu de chance de s’apaiser.

      Illustration : Photographie de Lawrence Schwartzwald « Reading Series – three women reading on a park bench in Washington square Park, October 4, 2013″.

      Références

      Brauer, M., & Landry, M. (2008). Un ministre peut-il tomber enceinte  ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. L’Année psychologique, 108(2), 243‑272.

      Chatard-Pannetier, A., Guimont, S., & Martinot, D. (2005). Impact de la féminisation lexicale des professions sur l’auto-efficacité des élèves  : Une remise en cause de l’universalisme masculin  ? L’Année psychologique, 105(2), 249‑272. https://doi.org/10.3406/psy.2005.29694

      Gygax, P., & Gabriel, U. (2008). Can a Group of Musicians be Composed of Women ? Generic Interpretation of French Masculine Role Names in the Absence and Presence of Feminine Forms. Swiss Journal of Psychology, 67(3), 143‑151. https://doi.org/10.1024/1421-0185.67.3.143

      Gygax, P., Zufferey, S., & Gabriel, U. (2021). Le cerveau pense-t-il au masculin  ?  : Cerveau, langage et représentations sexistes. Le Robert.

      Stahlberg, D., & Sczesny, S. (2001). Effekte des generischen Maskulinums und alternativer Sprachformen auf den gedanklichen Einbezug von Frauen. [Effect of the generic use of the masculine pronoun and alternative forms of speech on the cognitive visibility of women.]. Psychologische Rundschau, 52, 131‑140. https://doi.org/10.1026/0033-3042.52.3.131

      Stahlberg, D., Sczesny, S., & Braun, F. (2001). Name Your Favorite Musician  : Effects of Masculine Generics and of their Alternatives in German. Journal of Language and Social Psychology, 20(4), 464‑469. https://doi.org/10.1177/0261927X01020004004

      Tibblin, J., Weijer, J. van de, Granfeldt, J., & Gygax, P. (2023). There are more women in joggeur·euses than in joggeurs  : On the effects of gender-fair forms on perceived gender ratios in French role nouns. Journal of French Language Studies, 33(1), 28‑51. https://doi.org/10.1017/S0959269522000217

      Vainapel, S., Shamir, O. Y., Tenenbaum, Y., & Gilam, G. (2015). The dark side of gendered language  : The masculine-generic form as a cause for self-report bias. Psychological Assessment, 27(4), 1513‑1519. https://doi.org/10.1037/pas0000156

      Vervecken, D., Gygax, P., Gabriel, U., Guillod, M., & Hannover, B. (2015). Warm-hearted businessmen, competitive housewives ? Effects of gender-fair language on adolescents’ perceptions of occupations. Frontiers in Psychology, 6. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01437

      Xiao, H., Strickland, B., & Peperkamp, S. (2023). How Fair is Gender-Fair Language ? Insights from Gender Ratio Estimations in French. Journal of Language and Social Psychology, 42(1), 82‑106. https://doi.org/10.1177/0261927X221084643

      http://dbao.leo-varnet.fr/2023/12/19/reponse-aux-reactions-sur-lecriture-inclusive

      #réponses #FAQ #arguments #argumentaire

    • Langage inclusif : pour le #cerveau, le neutre n’est pas neutre

      Il est désormais bien établi que l’utilisation du masculin générique engendre des représentations mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les formulations neutres, sans marque de genre grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin.

      Depuis quelques décennies, le langage inclusif suscite régulièrement de vifs débats de société. Dans ce contexte, la psycholinguistique — la science qui s’intéresse à la compréhension du langage par le cerveau — permet d’apporter un regard scientifique sur certains aspects de ce sujet polémique.

      Jusqu’à présent, les recherches dans le domaine se sont essentiellement concentrées sur les effets du masculin générique : par exemple, dire « les chanteurs » pour désigner un groupe composé de femmes et d’hommes. De nombreuses études ont montré de façon répétée et dans plusieurs langues que, même si la grammaire autorise une interprétation générique du masculin, cette règle engendre dans notre cerveau des représentations mentales majoritairement masculines. En parallèle, d’autres travaux comparant le masculin générique avec différentes formes de langage inclusif ont conclu que ce dernier permettait de susciter des représentations moins biaisées en faveur du masculin. Dans leur étude, Léo Varnet, chargé de recherche CNRS au Laboratoire des systèmes perceptifs1 , Elsa Spinelli, membre du Laboratoire de psychologie et de neurocognition2 et Jean-Pierre Chevrot, membre du Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles3 , ont exploré plus avant les différences entre deux stratégies d’écriture inclusive : la neutralisation du genre (par exemple, dire « les choristes » au lieu de « les chanteurs ») et la re-féminisation (par exemple : « les chanteurs et les chanteuses », ou « les chanteur·euse·s » en utilisant le point médian).

      Cette étude s’appuie sur un protocole expérimental particulier permettant de détecter des différences fines dans le temps mis par le cerveau pour traiter le genre des mots. Une liste de vingt-deux mots épicènes — c’est-à-dire sans marque de genre grammatical — commençant par une voyelle et non-stéréotypés a été sélectionnée, parmi lesquels « enfant », « adulte », ou encore « architecte ». Deux phrases étaient présentées successivement aux participants et participantes de l’expérience, qui devaient juger si la seconde phrase, commençant par « il » ou « elle », était une continuation correcte de la première. Cette première phrase contenait l’un des mots épicènes, soit dans une forme neutre (par exemple : « L’architecte surveille les travaux en cours »), soit dans une forme double utilisant le point médian (par exemple : « Un·e architecte surveille les travaux en cours »). Les scientifiques ont étudié en particulier le temps nécessaire au cerveau pour conclure que la seconde phrase commençant par « il » ou « elle » était compatible avec la première.

      Les résultats de la première expérience indiquent que les formes neutres ne permettent pas de contrecarrer totalement le biais en faveur du masculin. Ainsi, par exemple, le mot « l’adulte » n’a pas de genre grammatical défini, pourtant les participants et participantes de l’étude l’interprètent plus facilement comme un adulte de genre masculin, et mettent donc légèrement plus de temps à identifier qu’il peut également s’agir d’une adulte. Ceci indique que, même en l’absence de toute marque de genre, notre cerveau présente un biais par défaut en faveur du masculin. Les auteurs et autrices de l’étude proposent plusieurs interprétations en soulignant notamment que les termes épicènes sont majoritairement employés au masculin (ainsi, « enfant » est souvent employé dans des phrases reposant sur le masculin générique comme « Ils attendent un enfant »). Ceci pourrait expliquer pourquoi les locuteurs et locutrices du français ont ensuite tendance à associer majoritairement les termes épicènes au genre masculin.

      Dans un second temps, la même expérience a été reproduite en utilisant cette fois le point médian. Les résultats obtenus indiquent que le déséquilibre de temps de traitement entre le masculin et le féminin était alors totalement éliminé : la présence explicite des marques masculine et féminine force le cerveau à considérer les deux alternatives.

      Cette étude éclaire à quel point le cerveau est profondément affecté par le biais de genre dans le langage : il tend à présupposer le masculin même face à des phrases n’employant pas le masculin générique. La stratégie de re-féminisation qui fait apparaître les formes masculines et féminines des mots (par exemple, « Françaises, Français ») apparaît donc la plus efficace pour susciter des représentations mentales équilibrées.

      https://www.inshs.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/langage-inclusif-pour-le-cerveau-le-neutre-nest-pas-neutre

      signalé ici (@touti)
      https://seenthis.net/messages/1023975

  • #Semences_paysannes, les #graines de la #résistance

    C’est l’histoire de l’#agriculture : depuis des millénaires, les paysans échangent et sèment leurs semences. Mais ces pratiques ancestrales sont en péril.

    Avec #Elise_Demeulenaere, socio-anthropologue au CNRS. Elle travaille sur les mutations contemporaines des rapports au vivant en agriculture pour principaux terrains, les mouvements pour la réappropriation paysanne des semences, et les dynamiques de défense du fromage au lait cru.

    Le #Réseau_Semences_Paysannes organise du 1er au 5 octobre, des rencontres internationales "Sème ta résistance", sur une semaine, avec une journée ouverte au public, le 5 octobre à Antibes.

    Pour Elise Demeulenaere « Ce sera l’occasion d’insister sur le souhait, depuis le départ, de mettre en lien des agriculteurs du monde entier, pour qu’ils partagent d’abord leurs expériences à la ferme avec les plantes, et également leurs luttes pour le droit à cultiver les semences et variétés de leur choix. »

    La #modernisation_agricole et la disparition des semences paysannes

    Au XIXe siècle, les paysans français sélectionnaient et échangeaient librement leurs semences, créant ainsi des variétés adaptées à leurs terroirs. Elise Demeulenaere explique que l’#industrialisation_de_l'agriculture au XXe siècle a bouleversé cet équilibre, favorisant des variétés homogènes et productives, dépendantes des #intrants_chimiques. Cette évolution a entraîné une perte de #biodiversité et une #dépendance accrue des agriculteurs envers les #entreprises_semencières.

    La résistance s’organise : vers une #réappropriation des semences

    Des mouvements de résistance ont émergé dès la fin des années 1980 en France, mais aussi à l’échelle internationale. L’on entend par exemple dans l’émission #Vandana_Shiva, qui milite pour la libération des semences. Elise Demeulenaere : "Vandana Shiva est associée à la lutte contre les #OGM dans les années 1990. Et donc il y a son ONG, #Navdanya, qui s’est beaucoup illustrée à l’époque et qui a porté des campagnes importantes pour la libération des semences."

    En France, des collectifs comme la #Confédération_Paysanne se sont mobilisés contre les OGM et pour la liberté de semer. Elise Demeulenaere : "L’utilisation des OGM oblige l’agriculteur à travailler sous licence privée avec des entreprises. Et les OGM sont protégés par un autre système de #protection_intellectuelle que le #COV (le #certificat_d'obtention_végétale), c’est le #brevet. Le brevet est beaucoup plus intrusif, beaucoup plus contraignant. Donc c’était vraiment la pierre d’achoppement pour la Confédération." Il y a eu aussi l’association #Kokopelli, qui vend des semences, principalement à des jardiniers amateurs, et des semences de variétés non inscrites au catalogue, engagée dans la libération des semences et de l’humus, qui était très médiatisée parce qu’il y a eu des procès aussi contre des professionnels semenciers.

    Le réseau Semences Paysannes : un espoir pour l’avenir

    Le réseau Semences Paysannes œuvre pour la #réappropriation_collective des savoirs de #sélection et la défense des #droits_des_paysans. Grâce à la mobilisation de ce réseau, la loi française a évolué en 2011, reconnaissant les semences paysannes et le droit des agriculteurs à ressemer leur récolte pour 20 espèces, avec une taxe à payer en contrepartie.

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mardi-24-septembre-2024-7892551

    #semences
    #audio #podcast

  • Des pesticides interdits retrouvés chez les enfants de la plaine d’Aunis, où se multiplient les cancers pédiatriques
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/12/des-pesticides-interdits-retrouves-chez-les-enfants-de-la-plaine-d-aunis-ou-

    ReportageDes familles de la campagne rochelaise ont fait analyser les cheveux et les urines de leurs enfants. Selon les informations du « Monde » et de Franceinfo, de nouveaux cas de cancers ont été identifiés dans cette zone de culture intensive. Plusieurs mineurs sont morts.

    • @monolecte et @valnum, voici le texte intégral :

      Des familles de la campagne rochelaise ont fait analyser les cheveux et les urines de leurs enfants. Selon les informations du « Monde » et de Franceinfo, de nouveaux cas de cancers ont été identifiés dans la plaine céréalière d’#Aunis. Plusieurs mineurs sont morts.

      Noé Gülbol, adolescent de 14 ans avec sweat à capuche et mèche devant les yeux se balade souvent dans les champs de blé ou d’orge pour promener son chien Punky ou faire un tour à vélo. Alors, quand il a appris la présence de pesticides dans ses cheveux et ses urines, il n’a pas vraiment été surpris : « Je savais qu’il y en aurait. A chaque fois qu’il y a des épandages, on le sent dans la maison. » Sa petite sœur, Lana, 11 ans, trouve « bizarre d’avoir ça dans [son] corps » : « Ça m’inquiète. »

      Noé et Lana habitent à Périgny (Charente-Maritime), une ville d’à peine 9 000 habitants entourée par les terres agricoles de la grande plaine céréalière d’Aunis, près de La Rochelle. Depuis une alerte du CHU de Poitiers en 2018 sur des cas de cancers pédiatriques dans la commune voisine de Saint-Rogatien (2 400 habitants) et la mort l’année suivante de Pauline, une Rogatienne de 15 ans, l’inquiétude ne fait que se renforcer sur le territoire à mesure que de nouveaux cas apparaissent.

      Aussi, à l’initiative de l’association Avenir Santé Environnement, créée en 2018 à la suite de la déclaration du cancer de Pauline, les familles de Noé, Lana et de soixante-dix autres enfants (âgés de 3 à 17 ans) de six communes de la plaine d’Aunis (Périgny, Saint-Rogatien, Montroy, Clavette, Bourgneuf et Dompierre-sur-Mer) ont fait analyser des prélèvements de cheveux et d’urine par le laboratoire de toxicologie et de pharmacovigilance d’un CHU. Les résultats seront restitués samedi 12 octobre lors d’une réunion publique après une marche organisée à La Rochelle appelant à « une véritable transition agricole » et à « un plan de sortie des pesticides de synthèse ».

      Pesticides interdits

      Le Monde et Franceinfo ont eu accès aux résultats. Quatorze molécules différentes ont été retrouvées dans les urines et quarante-cinq dans les cheveux, et jusqu’à six (dans les urines) et dix (dans les cheveux) par enfant. Tous présentent des traces de pesticides. Certains sont particulièrement préoccupants. Ainsi du phtalimide, détecté dans les urines de plus de 15 % des enfants : cette molécule est le produit de la dégradation du folpel, un fongicide classé cancérogène, mutagène, et reprotoxique possible par l’Agence européenne des produits chimiques. Ainsi, également de la pendiméthaline, présente dans 20 % des prélèvements capillaires. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) associe cet herbicide très utilisé pour les cultures céréalières à des risques de cancer (pancréas et colorectal).

      Parmi ces substances figurent aussi des pesticides interdits. Certains sont vraisemblablement liés à un usage domestique comme le fipronil, insecticide interdit en agriculture depuis 2013 mais autorisé en usage vétérinaire comme antiparasitaire (puces, tiques…). D’autres, en revanche, semblent en lien direct avec des pratiques agricoles passées ou actuelles. Ainsi de l’atrazine, herbicide interdit depuis 2004 en raison de son potentiel perturbateur endocrinien et neurotoxique ou du dieldrin, un insecticide interdit depuis les années 1970 en raison de son potentiel cancérogène mais très persistant dans l’environnement.

      L’interprétation toxicologique des résultats a été confiée à Laurence Huc, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. La toxicologue attire l’attention sur la présence de plusieurs insecticides néonicotinoïdes interdits et en particulier de l’acétamipride, dont les effets neurotoxiques pour le développement du cerveau sont signalés depuis 2013 par l’EFSA. « En retrouver dans des urines d’enfants, c’est très inquiétant », alerte Laurence Huc.

      L’acétamipride et son métabolite (issu de sa dégradation dans l’organisme) ont été détectés dans les urines de douze enfants (17 %). Les niveaux de concentration sont particulièrement élevés chez les plus jeunes et davantage s’ils habitent à proximité des champs. « C’est très rare de retrouver cette molécule dans les urines car elle s’élimine très vite, commente Laurence Huc, c’est le signe d’une exposition aiguë quelques jours avant les prélèvements, tous réalisés le même jour en avril. » La toxicologue écarte la piste d’une contamination alimentaire : « Les enfants concernés sont scolarisés dans sept écoles, il est peu probable qu’ils aient mangé les mêmes aliments. » Elle privilégie l’hypothèse d’un épandage. Chercheur au CNRS et grand spécialiste des néonicotinoïdes, Jean-Marc Bonmatin évoque de « probables usages illégaux » : l’acétamipride reste autorisé en Europe, mais il est interdit en France depuis 2018. Contactée, la chambre d’agriculture de Charente-Maritime n’a pas répondu à nos sollicitations.

      A l’instar de l’acétamipride, une dizaine de pesticides dont le folpel et la pendiméthaline ont également été retrouvés dans les analyses d’air réalisées par l’observatoire de la qualité de l’air de Nouvelle-Aquitaine à partir du capteur installé sur la commune de Montroy, au cœur de la plaine céréalière d’Aunis. Le président d’Avenir Santé Environnement, Franck Rinchet-Girollet, réclame « une enquête pour déterminer l’origine de ces pesticides dangereux dont certains sont interdits ». Contactée, l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine ne souhaite « pas commenter des études civiles non scientifiquement prouvées ». « Depuis 2018, il y a une alerte sanitaire sur des excès de cancers pédiatriques, c’est scandaleux que ce soit à une association de faire du biomonitoring, fulmine Laurence Huc. Et le problème s’aggrave avec de nouveaux cas chaque année. »

      La Ligue contre le cancer finance depuis 2018 une étude pilotée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le registre des cancers de Poitou-Charentes sur les cancers à Saint-Rogatien et à Périgny. Selon nos informations, le nombre de cas est passé de six sur la première période étudiée (2008-2015) à dix entre 2008 et 2020 (dernière année pour laquelle les données sont disponibles). Chaque publication confirme un « excès de risque » de cancers pédiatriques à Saint-Rogatien. « Tous les ans on arrive à la même conclusion : le nombre de cas de cancers d’enfants à Saint-Rogatien est plus de quatre fois supérieur à la moyenne attendue. C’est énorme », réagit Jean-Marie Piot, président de la Ligue contre le cancer en Charente-Maritime.

      « On empoisonne nos enfants et rien ne change »

      Selon nos informations, au moins cinq autres cas ont été identifiés depuis la dernière actualisation de l’étude : deux à Périgny, deux en 2024 à Bourgneuf et un autre dans la commune de La Jarrie. A La Jarrie, un adolescent est mort en début d’année. Périgny a enterré en juin un garçon de 4 ans quelques mois après la déclaration de sa maladie. La commune avait déjà pleuré la disparition d’Antoine, mort à 13 ans en mars 2022.

      Antoine a été emporté en moins d’un an par un gliome du tronc cérébral, une tumeur du système nerveux central. « Que moi j’aie un cancer à 50 ans à cause de la cigarette, d’accord, mais qu’un enfant ait un cancer à 13 ans, ce n’est pas normal, c’est insupportable, témoigne pour la première fois sa mère, Joëlle, qui souhaite conserver l’anonymat. Je suis en colère car on sait mais on ne fait rien. On empoisonne nos enfants et rien ne change. L’agriculture doit servir à nourrir la population et non à tuer ses enfants. »

      Dès 2013, une expertise collective de l’Inserm a mis en évidence un lien entre l’exposition aux pesticides et plusieurs cancers pédiatriques dont celui d’Antoine. Les cancers pédiatriques à Saint-Rogatien, Joëlle et son époux en avaient « entendu parler de loin » : « On était passés à l’eau en bouteille et on cultivait un potager bio. Je pensais protéger mes enfants et maintenant je me demande si ce n’est pas moi qui ai empoisonné mon fils avec toute cette terre polluée. » Joëlle raconte avoir quitté la banlieue parisienne il y a vingt ans pour s’installer à Périgny en « pensant offrir une meilleure vie à ses enfants ». La famille s’est installée à La Rochelle après le décès d’Antoine. Aujourd’hui, Joëlle « regrette de ne pas avoir déménagé plus tôt ».

      « Tous les ans, il y a de nouvelles alertes »

      Franck Rinchet-Girollet, lui, a quitté Dompierre pour Vérines, dans la plaine d’Aunis. Son fils de 7 ans est en rémission d’un cancer depuis cinq ans. Le prochain examen médical est fixé le 15 octobre : « On vit toujours dans l’angoisse d’une rechute. » Longtemps chauffeur de bus pour la régie de La Rochelle, il laissera bientôt la présidence d’Avenir Santé Environnement : il a accepté en septembre de devenir attaché parlementaire du nouveau député écologiste de la circonscription, l’agriculteur Benoît Biteau. « Est-ce que les cancers pédiatriques ont un lien direct avec l’exposition aux pesticides ? C’est aux autorités sanitaires de répondre. Mais il n’y a pas de réaction alors même que, tous les ans, il y a de nouvelles alertes. »

      En 2021, un captage d’eau potable est fermé sur la commune de Clavette après la découverte de concentrations élevées de chlortoluron, herbicide très utilisé sur les céréales et cancérogène suspecté. En 2022, des niveaux jamais enregistrés en France de prosulfocarbe sont mesurés dans l’air de la plaine d’Aunis : l’agglomération de La Rochelle demande en vain au gouvernement un moratoire pour cet herbicide massivement utilisé pour traiter les céréales d’hiver.

      En 2023, l’agglomération est obligée de fermer quinze points de captage d’eau dans la plaine d’Aunis après la découverte de chlorothalonil, un produit de dégradation d’un fongicide interdit depuis 2020. En 2024, l’eau du robinet est de nouveau « non conforme » après un pic de pollution du fleuve Charente, principale ressource en eau potable de l’agglomération, au fosétyl, un traitement fongicide utilisé contre le mildiou, en particulier dans le vignoble du Cognaçais.

      Maire (sans étiquette) de Périgny, Marie Ligonnière a assisté aux obsèques du petit garçon de 4 ans en juin : « C’est tabou la mort d’un enfant », souffle-t-elle. Elle dit éprouver à la fois un sentiment de « révolte » et d’« impuissance ». Mardi 8 octobre, elle a transmis un nouveau signalement à l’ARS. Il concerne cette fois des adultes. Un administré lui a envoyé un mail mentionnant « quatre cancers, une tumeur cérébrale, deux Alzheimer, une sclérose en plaques » dans un rayon de 50 à 100 mètres, en bordure de champs, dont quatre décès. « De quels leviers je dispose en tant qu’élue ?, interroge Marie Ligonnière. On demande des moratoires sur les pesticides, mais on n’a aucun soutien au niveau national. Au contraire, le gouvernement détricote le plan Ecophyto. »

      Les demandes de la population s’affichent aussi, à la bombe, sur un entrepôt agricole à l’abandon : « Stop glyphosate ! Assassins de la terre ! » En 2023, la communauté d’agglomération de La Rochelle avait lancé une médiation inédite pour tenter de renouer le dialogue entre agriculteurs et riverains. Elle s’est achevée au bout de trois mois sur un échec et le saccage de la propriété d’un responsable de Nature Environnement 17 par des agriculteurs. Des comités de pilotage « pesticides et voisinage » se poursuivent malgré tout. Marie Ligonnière continue d’y participer : « Le problème, ce ne sont pas les agriculteurs, qui sont les premières victimes des pesticides et qu’il faut accompagner vers un nouveau modèle, mais leurs représentants qui martèlent toujours le même credo : pas de changement sans produit de substitution. »

      Parmi les très rares avancées arrachées, une application est censée permettre depuis avril aux agriculteurs de prévenir les riverains avant un épandage. Sur la vingtaine d’exploitants agricoles de cinq communes de la plaine d’Aunis concernées par ledit comité de pilotage, un seul l’a téléchargée : pour l’heure, il n’a déclaré aucune parcelle.

      #industrie_agro-alimentaire #céréales #agriculture #épandages #Périgny #Charente-Maritime #Saint-Rogatien #Avenir_Santé_Environnement #plaine_d’Aunis #phtalimide #folpel #pendiméthaline #herbicide #fipronil #insecticide #atrazine #dieldrin #acétamipride #toxicité #pollution #épandage #néonicotinoïdes #Montroy #biomonitoring #cancers_pédiatriques #La_Jarrie #santé #santé_publique #gliome #tumeur #chlortoluron #eau_potable #eau #contamination #prosulfocarbe #air #moratoire #Charente #fosétyl #Cognaçais #décès #mort #plan_Ecophyto #Ecophyto #glyphosate #résistance #impuissance

  • Support of #children affected by the humanitarian crisis in #Ukraine: Bridging practice and learning through the sharing of experience
    https://redasadki.me/2024/10/10/support-of-children-affected-by-the-humanitarian-crisis-in-ukraine-bridgin

    “Do you have an experience supporting children affected by the humanitarian crisis in Ukraine that you would like to share with colleagues? Tell us what happened and how it turned out. Be specific and detailed so that we can understand your story.” This was one of the questions that applicants to the Certificate #peer_learning programme on Psychological First Aid (PFA) in support of children affected by the humanitarian crisis in Ukraine could choose to answer. If you are reading this, you may be one of the #education, health, or #social_work professionals who answered questions like these. You may also be a policy maker or organizational leader asking yourself how children from Ukraine and the people who work with them can be better supported. The Geneva Learning Foundation (TGLF), in (...)

    #Global_health #Certificate_peer_learning_programme_on_Psychological_First_Aid_PFA_in_support_of_children_affected_by_the_humanitarian_crisis_in_Ukraine #IFRC #International_Federation_of_Red_Cross_and_Red_Crescent_Societies #mental_health #MHPSS #psychosocial_support #Red_Cross #World_Mental_Health_Day