• A #Gap, l’ambition d’un lieu de vie autogéré avec des migrants

    Après l’expulsion de la maison #Cezanne en 2018, puis du #Cesai en aout dernier, le lieu « 3Chez_Roger » est ouvert à la fin de l’été. Ici à Gap, à quelques dizaines de kilomètres de Briançon et de la frontière italienne, on est sur la route de l’exil, une des dernières étapes avant Marseille ou Paris. Et pourtant ils sont quelques uns, venant principalement d’Afrique de l’Ouest, à s’arrêter ici dans la préfecture des Hautes Alpes.

    https://radioparleur.net/2020/12/14/chez-roger-gap-route-exil-migrants-solidarite
    #auto-gestion #autogestion #asile #migrations #réfugiés #solidarité #Hautes-Alpes #frontière_sud-alpine #France #Alpes #hébergement #logement

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  • Caisses de grève sur Twitter : ""#Ensauvagement" Ce mot utilisé à tort et à travers par l’extrême-droite d’opposition et de gouvernement, est employé pour la première fois par Aimé #Césaire pour désigner les effets dévastateurs du #colonialisme sur les colons eux-mêmes. Il évoquait « l’ensauvagement » de l’Europe." / Twitter
    https://twitter.com/caissesdegreve/status/1309182427810725888

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1309182095445626881/pu/vid/720x720/hUZlJvZs0i9eUiFw.mp4?tag=10

  • #Gap : nouveau squat pour les exilés
    https://fr.squat.net/2020/08/31/gap-nouveau-squat-pour-les-exiles-a-gap

    Communiqué du collectif Cesaï : Le collectif Césaï tient à remercier Roger Didier. Roger Didier ayant été choqué par le communiqué de presse de la préfète du 20/08/2020 concernant l’expulsion du Césaï, a décidé de mettre l’un de ses nombreux bâtiments personnels vides à la disposition des plus démunis. Ne pouvant plus rester sans rien […]

    #3_cours_du_vieux_moulin #CESAI #Chez_Roger #Hautes-Alpes #manifestation #ouverture #sans-papiers

  • #Gap : #expulsion violente et illégale du Cesaï
    https://fr.squat.net/2020/08/21/gap-expulsion-violente-et-illegale-du-cesai

    Mercredi 19 août, six heures, des policiers enfoncent à coup de bélier les portes des chambres des habitants du Césaï, le centre social autogéré de Gap. Ils regroupent tout le monde dans une cour, effectuent des vérifications d’identité. C’est le début de l’expulsion du Cesaï. Bilan : 43 personnes dehors, 20 hébergées dans des camping, […]

    #CESAI #Hautes-Alpes #procès #sans-papiers

  • #Hautes-Alpes : le collectif dit du #Césaï et les migrants expulsés ce mercredi ont élu domicile sur la place St-Arnoux à Gap

    Le #squat dit du Césaï a été évacué ce mercredi tôt le matin par les forces de l’ordre à Gap. Ce squat qui accueillait des migrants en attente de régularisation a donc fait l’objet d’une intervention des services de Police sur décision du tribunal de Grenoble, une action autorisée par les #préfecture. Les membres du collectif du Césaï dénoncent fermement les conditions de cette expulsion, qu’ils jugent injuste et dangereuse. Sur 52 personnes expulsées du bâtiment, une quarantaine a dormi dehors, sur la #place_Saint-Arnoux, juste devant la préfecture. Cette dernière a d’ailleurs publié un communiqué ce jeudi rappelant que cette #expulsion a été faite suite à une décision de justice, et que des moyens sont déployés pour venir en aide à ces personnes en détresse. Par ailleurs, il est à noter que 17 personnes issues du squat ont été dépistées pour la Covid-19 et ont toutes eu des résultats négatifs. En attendant une solution, les expulsés du Césaï veulent être vus, c’est la raison pour laquelle ils ont choisi d’établir #campement devant la préfecture, aux yeux de tous. Nous avons rencontré des membres du collectif du Césaï qui viennent en aide à ces migrants, et ils comptent bien ne pas en rester là, eux qui dénoncent notamment l’attitude de la municipalité dans cette affaire :
    https://vimeo.com/449741639

    Le communiqué de la préfecture des Hautes-Alpes :

    52 personnes au total ont été évacuées du 20 rue de l’imprimerie à Gap mercredi matin, bâtiment occupé illégalement depuis octobre 2018. Cette évacuation a eu lieu en application d’une décision de justice de la Cour d’Appel de Grenoble, en date du 10 décembre 2019, et du droit en vigueur.
    Chaque occupant a eu la possibilité de rencontrer les agents de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations pour une prise en charge sociale, ainsi que les agents de la Direction de la citoyenneté et de la légalité pour une analyse individuelle de leur situation administrative. Pour rappel, depuis octobre 2018, aucune des propositions d’enquête sociale formulée par les services de l’État n’avait été acceptée par les occupants du bâtiment.
    Sur les 52 personnes présentes, 7 disposaient d’une adresse pérenne, 7 autres n’ont pas souhaité de prise en charge, pour certaines déclarant être hébergées par un tiers et 21 personnes sont actuellement prises en charge au titre de l’hébergement d’urgence par l’État.
    Parmi ces dernières, les plus vulnérables (4 familles avec enfants – soit 9 personnes - et 1 personne malade) ont été prises en charge dès leur sortie du bâtiment. Au vu des disponibilités à l’hébergement d’urgence, la prise en charge a également été proposée à 11 demandeurs d’asile en situation régulière.
    Il est à noter que l’État finance plusieurs dispositifs d’hébergement :
    • 115 places en Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) à Gap et 60 au CADA de Briançon
    • 40 places en Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA)
    • 105 places en hébergement d’urgence généraliste (HU).
    En outre, au regard de la situation sanitaire actuelle, la capacité d’accueil a été augmentée et des places supplémentaires exceptionnelles créées : 15 en HUDA et 80 en HU.
    Sur l’aspect sanitaire, tous les occupants ont reçu des masques de la part des services de l’État et un dépistage du Covid 19 auprès des équipes mobiles SDIS/ARS dépêchées sur place a été proposé à tous : 17 personnes ont accepté de s’y soumettre. Les résultats de ces tests sont tous négatifs.
    Agnès CHAVANON, secrétaire générale de la préfecture, a reçu une délégation d’associations ce mercredi pour expliquer la situation. « Au vu des vulnérabilités, des situations administratives et sociales des occupants du squat, nous avons pu, dans la limite des capacités de l’hébergement d’urgence dans le département, mettre à l’abri de nombreux occupants du squat sans solution d’hébergement. »

    https://www.dici.fr/actu/2020/08/20/hautes-alpes-collectif-dit-cesai-migrants-expulses-mercredi-ont-elu-domicile-pl

    #Gap #évacuation #hébergement #migrations #asile #réfugiés #France #Cesai

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  • Dans les #Alpes, face au #coronavirus, mettre les migrant·es à l’abri

    Alors que les #Hautes-Alpes regorgent d’#infrastructures_touristiques inutilisées pendant la période de #confinement, aucune #mise_à_l’abri préventive n’a été décidée pour les 120 personnes précaires du département. Malgré tout, les associations s’organisent et ripostent.

    Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les migrant·es ne viennent plus, après avoir traversé le col de Montgenèvre à pied de nuit, toquer à la porte du #Refuge_solidaire de #Briançon (Hautes-Alpes). De chaque côté de la frontière, les populations sont confinées, coronavirus oblige. Les #maraudes, qui venaient en aide aux exilé·es dans la #montagne, sont suspendues. Depuis le début du confinement, le Refuge, qui fourmillait de bénévoles venu·es donner un coup de main, est désormais fermé au public et quasiment autogéré par les 14 migrants accueillis.

    « On fait en sorte qu’il y ait le moins de #bénévoles possible qui passent, explique Pauline, coordinatrice du Refuge. On a peur de leur transmettre le #virus. Si quelqu’un l’attrape, on peut être sûr que tout le refuge sera infecté. » Les exilé·es ont compris les enjeux sanitaires, mais, dans un lieu de vie collectif, le respect des #mesures_barrières et de la #distanciation_sociale est difficile.

    Limiter le risque de contamination grâce à l’#hébergement_préventif

    Si le problème se pose à Briançon, où 14 personnes sont accueillies dans le Refuge solidaire et 15 autres dans le squat #Chez_Marcel, à Gap (Hautes-Alpes), la situation est plus grave encore. Là-bas, une soixantaine de personnes vivent au #squat du #Cesaï dans des conditions de #promiscuité et d’hygiène « déplorables » selon les associations. « Toutes les fontaines de la ville de #Gap sont fermées, constate Carla Melki, qui gère la crise sanitaire du coronavirus dans les Hautes-Alpes pour Médecins du monde. Une mesure dont souffrent les migrants : « C’est impossible pour les personnes précaires de se doucher, ou même de se laver les mains. » Après des demandes insistantes, des #douches ont été ouvertes trois fois par semaine « pour un minimum de #dignité ». Les conditions d’habitat précaires sont loin de permettre les mesures de protection qu’impose l’urgence sanitaire.

    « On pourrait limiter le risque contamination de ces publics précaires en leur offrant un hébergement préventif, regrette Carla Melki. Dans les Hautes-Alpes, on parle de 120 personnes à héberger. Dans un département où il y a d’énormes infrastructures touristiques qui ne sont plus utilisées, la possibilité de mettre à l’abri paraît plutôt facile. »

    « Ce qu’on déplore toujours c’est la prévention »

    À l’absence de possibilité de confinement correct pour les personnes démunies, s’ajoute un #accès_aux_soins rendu plus difficile par la fermeture des Permanences d’accès aux soins (Pass). Elles permettaient aux personnes sans couverture maladie de bénéficier d’une offre de #santé. Leur personnel soignant a été redéployé dans les services hospitaliers surchargés. « On fait face à une #crise_sanitaire. On comprend que les hôpitaux centrent leurs forces sur les urgences et les tensions qui risquent d’arriver dans les prochains jours », estime Carla Melki.

    Pour pallier ce manque, Médecins du monde, financé par l’Agence régionale de santé (ARS), a mis en place une #unité_mobile #Santé_précarité. Elle prend en charge les publics fragiles, notamment les migrants, dans le cadre de l’#épidémie de coronavirus. « On va vers les personnes dans les lieux d’accueil, comme le Refuge solidaire, Chez Marcel ou le Cesaï à Gap », détaille Carla Melki. Là, l’équipe effectue un travail de #prévention et d’#information autour de la #Covid-19, ainsi qu’une #veille_sanitaire. « Dans les #Hautes-Alpes, le dispositif mis en place me semble adapté, conclut-elle. Ce qu’on déplore toujours, c’est la prévention. Il vaut mieux prévenir que guérir. C’est là-dessus qu’on aimerait voir un pas en avant de la préfecture. »

    https://radioparleur.net/2020/04/03/urgence-sanitaire-mise-a-labri-migrants-coronavirus-dans-les-hautes-al
    #asile #migrations #réfugiés #tourisme #précarisation #frontière_sud-alpine

    ping @thomas_lacroix @karine4 @isskein

  • #Fatou_Diome : « La rengaine sur la #colonisation et l’#esclavage est devenue un fonds de commerce »

    L’écrivaine franco-sénégalaise s’exprime sans filtre sur son enfance, l’immigration, le féminisme, ou la pensée « décoloniale » qui a le don de l’irriter…

    Fatou Diome écrit comme elle parle, avec fougue et sensibilité. Que ce soit dans ses romans ou dans ses prises de paroles publiques, l’auteure franco-sénégalaise use avec habileté de cette langue piquante qui frôle parfois la satire. Dans son premier roman à succès, Le Ventre de l’Atlantique (éd. Anne Carrière, 2003), elle donnait la parole à cette jeunesse sénégalaise piégée dans le désir d’Europe et ses mirages tragiques. Les œuvres de Fatou Diome offrent aussi une voix aux femmes, héroïnes du quotidien quand les maris migrent (Celles qui attendent, éd. Flammarion, 2010) ou disparaissent tragiquement, comme dans son nouveau roman, Les Veilleurs de Sangomar (éd. Albin Michel), en librairie le 22 août.

    Installée à Strasbourg depuis vingt-cinq ans, Fatou Diome observe et critique sa société d’origine et son pays d’accueil. En vingt ans de carrière, elle a publié une dizaine de romans, de nouvelles et un essai remarqué en 2017, Marianne porte plainte ! (éd. Flammarion), véritable pamphlet contre les discours identitaires, racistes, sexistes et islamophobes. Dans cet entretien, Fatou Diome s’exprime sans filtre sur son enfance aux marges, l’immigration, le féminisme, ou la pensée « décoloniale » qui a le don de l’irriter…
    D’où vient votre nom, Diome ?

    Fatou Diome Au Saloum, région située sur la côte sud du Sénégal, les Diome sont des Sérères-Niominkas, des Guelwaar. Il est dit que ce peuple était viscéralement attaché à sa liberté.
    Pourtant, écrivez-vous dans Le Ventre de l’Atlantique, votre nom suscitait la gêne à Niodior, votre village natal…

    Oui, car je suis née hors mariage d’un amour d’adolescents. A cette époque, j’étais la seule de l’île à porter ce nom car mon père est d’un autre village. Enfant, je ne comprenais pas pourquoi la simple prononciation de mon nom suscitait le mépris. J’ai compris plus tard que ce sentiment de gêne diffuse que je ressentais autour de moi venait du fait que j’étais supposée être « l’enfant du péché ».

    Cette ostracisation était d’autant plus injuste que l’idée « d’enfant illégitime » n’existait pas chez les Sérères animistes jusqu’au milieu du XIXe siècle et la domination des religions monothéistes. Jusque-là, au contraire, avoir un enfant des fiancés avant le mariage était le meilleur moyen de s’assurer que le prétendant était fertile. C’était même une tradition dans l’aristocratie sérère notamment, où la lignée était matrilinéaire. « Domou Djitlé », qui signifie « enfant illégitime », est une expression wolof, qui n’existe pas en sérère.
    Comment enfant affrontiez-vous cette marginalisation ?

    En renonçant à ceux qui me calomniaient. Cette indépendance m’est venue des conseils de mon grand-père maternel, un marin qui, dans l’Atlantique, devait sans cesse trouver des solutions. Je l’accompagnais souvent en mer. Quand le vent soufflait trop fort et que je pleurais, il me lançait : « Tu crois que tes pleurs vont nous ramener plus vite au village ? Allez, rame ! » C’est une leçon que j’ai retenue : les jérémiades ne sauvent de rien.
    A quel moment vous êtes-vous réappropriée votre nom ?

    A l’école. L’instituteur, qui était lui-même marginalisé car étranger, m’a expliqué le sens du diome : la dignité. C’était énorme ! La « bâtarde du village » était donc la seule à s’appeler dignité ! (Rires)

    Et puis un jour, j’ai rencontré mon père. C’était un homme adorable, un sculptural champion de lutte ! Ma mère avait eu de la chance d’aimer cet athlète magnifique ! Porter son nom est une fierté. Je suis le fruit d’un amour absolu, un amour souverain qui n’a demandé nulle permission aux faux dévots.
    Etre une enfant illégitime, c’était aussi risquer de ne pas survivre à la naissance…

    Oui et je dois la vie sauve à ma grand-mère maternelle, qui m’a accueillie au monde, dans tous les sens du terme. C’est elle qui a fait la sage-femme. Elle aurait pu m’étouffer à la naissance comme le voulait la tradition, mais elle a décidé de me laisser vivre et de m’élever. Elle me disait souvent que je n’étais pas illégitime mais légitimement vivante, comme tout enfant.
    Cette jeune grand-mère vous a allaitée. Quelle fut votre relation avec elle ?

    Très forte. Elle était et restera ma mamie-maman. Jusqu’à sa mort, je l’appelais Maman. Enfant, je dormais avec elle. Plus tard, j’insistais pour faire la sieste avec elle lors de mes visites. Comme un bébé, je gardais une main sur sa poitrine. Ma grand-mère, j’en suis convaincue, était la meilleure mère possible pour moi. Pardon pour l’autre dame…
    Votre mère…

    Oui. Avec elle, j’avais étrangement une relation de grande sœur. Et plus tard, je l’ai prise sous mon aile car j’étais plus combative et plus indépendante qu’elle. J’ai choisi ma vie, elle non. Et c’est pour cette raison que j’ai dit dans Le Ventre de l’Atlantique que « j’écris, pour dire et faire tout ce que ma mère n’a pas osé dire et faire ». Elle a par exemple subi la polygamie, une maladie que je n’attraperai jamais.
    Qu’aviez-vous à dire quand vous avez commencé à écrire à 13 ans ?

    Ecrire était une nécessité. Il me fallait comprendre pourquoi, par exemple, telle tante me câline devant mes grands-parents puis me traite de « bâtarde » en leur absence. L’écriture s’est imposée à l’âge de 13 ans, lorsque j’ai quitté le village pour poursuivre mes études en ville. Pour combler ma solitude, je noircissais des cahiers. Une fois, j’ai même réécrit Une si longue lettre de Mariama Bâ. Dans ma version vitaminée, les femmes n’étaient plus victimes de leur sort, mais bien plus combatives. J’aime celles qui dansent avec leur destin, sans renoncer à lui imposer leur tempo.

    Vous épousez ensuite un Alsacien et vous vous installez à Strasbourg. En France, vous découvrez une autre forme de violence, le racisme. Comment y avez-vous survécu ?

    En m’appropriant ce que je suis. J’ai appris à aimer ma peau telle qu’elle est : la couleur de l’épiderme n’est ni une tare ni une compétence. Je sais qui je suis. Donc les attaques des idiots racistes ne me blessent plus.
    Etre une auteure reconnue, cela protège-t-il du racisme ?

    Reconnue ? Non, car la réussite aussi peut déchaîner la haine. On tente parfois de m’humilier. C’est par exemple ce policier des frontières suspicieux qui me fait rater mon vol car il trouve douteux les nombreux tampons sur mon passeport, pourtant parfaitement en règle. Ou ce journaliste parisien qui me demande si j’écris seule mes livres vus leur structure qu’il trouve trop complexe pour une personne qui n’a pas le français comme langue maternelle. Ou encore cette femme qui, dans un hôtel, me demande de lui apporter une plus grande serviette et un Perrier… Le délit de faciès reste la croix des personnes non caucasiennes.
    La France que vous découvrez à votre arrivée est alors bien éloignée de celle de vos auteurs préférés, Yourcenar, Montesquieu, Voltaire…

    Cette France brillante, je l’ai bien trouvée mais on n’arrête pas de la trahir ! Il faut toujours s’y référer, la rappeler aux mémoires courtes. Cette France, elle est bien là. Seulement, les sectaires font plus de bruit. Il est temps que les beaux esprits reprennent la main !
    Qui la trahit, cette France ?

    Ceux qui lui font raconter le contraire de ce qu’elle a voulu défendre. Pour bien aimer la France, il faut se rappeler qu’elle a fait l’esclavage et la colonisation, mais qu’elle a aussi été capable de faire la révolution française, de mettre les droits de l’homme à l’honneur et de les disperser à travers le monde. Aimer la France, c’est lui rappeler son idéal humaniste. Quand elle n’agit pas pour les migrants et les exploite éhontément, je le dis. Quand des Africains se dédouanent sur elle et que des dirigeants pillent leur propre peuple, je le dis aussi. Mon cœur restera toujours attaché à la France, et ce même si cela m’est reproché par certains Africains revanchards.

    Vous vivez en France depuis 1994. Les statistiques officielles démontrent la persistance de discriminations en matière de logement ou de travail contre notamment des Français d’origine africaine dans les quartiers populaires. Que dites-vous à ces jeunes Noirs ?

    Qu’ils prennent leur place ! Vous savez, au Sénégal, un jeune né en province aura moins de chance de réussir que celui issu d’une famille aisée de la capitale. La différence, c’est qu’en France, cette inégalité se trouve aggravée par la couleur. Ici, être noir est une épreuve et cela vous condamne à l’excellence. Alors, courage et persévérance, même en réclamant plus de justice.
    Cette course à l’excellence peut être épuisante quand il faut en faire toujours plus…

    Si c’est la seule solution pour s’en sortir, il faut le faire. Partout, la dignité a son prix. On se reposera plus tard, des millénaires de sommeil nous attendent.

    Vous avez suivi une formation en lettres et philosophie à l’université de Strasbourg avec un intérêt particulier pour le XVIIIe siècle. Que pensez-vous des critiques portées par le courant de pensée « décoloniale » à l’égard de certains philosophes des Lumières ?

    Peut-on éradiquer l’apport des philosophes des Lumières dans l’histoire humaine ? Qui veut renoncer aujourd’hui à L’Esprit des lois de Montesquieu ? Personne. Les Lumières ont puisé dans la Renaissance, qui s’est elle-même nourrie des textes d’Averroès, un Arabe, un Africain. C’est donc un faux débat ! Au XVIIIe siècle, la norme était plutôt raciste. Or Kant, Montesquieu ou Voltaire étaient ouverts sur le monde. Ils poussaient déjà l’utopie des droits de l’homme. On me cite souvent Le Nègre du Surinam pour démontrer un supposé racisme de Voltaire. Quel contresens ! Ce texte est une ironie caustique. Voltaire dit à ses concitoyens : « C’est au prix de l’exploitation du nègre que vous mangez du sucre ! »

    Par ailleurs, chez tous les grands penseurs, il y a souvent des choses à jeter. Prenez l’exemple de Senghor. Sa plus grande erreur d’emphase et de poésie fut cette phrase : « L’émotion est nègre, la raison hellène. » Cheikh Anta Diop, bien qu’Africain, était un grand scientifique quand Einstein était doté d’une grande sensibilité. Cette citation est donc bête à mourir, mais devons-nous jeter Senghor aux orties ?

    On constate tout de même une domination des penseurs occidentaux dans le champ de la philosophie par exemple…

    Certaines choses sont universelles. Avec Le Vieil Homme et la mer, Hemingway m’a fait découvrir la condition humaine de mon grand-père pêcheur. Nous Africains, ne perdons pas de temps à définir quel savoir vient de chez nous ou non. Pendant ce temps, les autres n’hésitent pas à prendre chez nous ce qui les intéresse pour le transformer. Regardez les toiles de Picasso, vous y remarquerez l’influence des masques africains…
    Vous estimez donc que le mouvement de la décolonisation de la pensée et des savoirs, porté par un certain nombre d’intellectuels africains et de la diaspora, n’est pas une urgence ?

    C’est une urgence pour ceux qui ne savent pas encore qu’ils sont libres. Je ne me considère pas colonisée, donc ce baratin ne m’intéresse pas. La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce. Par ailleurs, la décolonisation de la pensée a déjà été faite par des penseurs tels que Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou encore Frantz Fanon. Avançons, en traitant les urgences problématiques de notre époque.
    A l’échelle de la longue histoire entre l’Afrique et l’Occident, ce travail de décolonisation de la pensée, débuté il y a quelques décennies, n’est peut-être pas achevé ?

    Je pense, comme Senghor, que nous sommes à l’ère de la troisième voie. Nous, Africains, ne marchons pas seulement vers les Européens ; eux ne marchent pas que vers nous. Nous convergeons vers la même voie, la possible conciliation de nos mondes. La peur de vaciller au contact des autres ne peut vous atteindre quand vous êtes sûr de votre identité. Me concernant, ce troisième millénaire favorise la rencontre. Je sais qui je suis, je ne peux pas me perdre en Europe car, non seulement je récite mon arbre généalogique, mais je séjourne régulièrement dans mon village.

    Après tous les efforts de Senghor, Césaire, Fanon, en sommes-nous encore à nous demander comment nous libérer de l’esclavage et de la colonisation ? Pendant ce temps, où nous stagnons, les Européens envoient Philae dans l’espace… L’esclavage et la colonisation sont indéniablement des crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, il faut pacifier les mémoires, faire la paix avec nous-mêmes et les autres, en finir avec la littérature de la réactivité comme le dit si bien l’historienne Sophie Bessis.
    Cette histoire dramatique, loin d’être un chapitre clos, continue pourtant de marquer le présent des Africains et les relations avec d’anciennes puissances coloniales…

    Pour moi, il y a plus urgent. La priorité, c’est l’économie. Faisons en sorte que la libre circulation s’applique dans les deux sens. Aujourd’hui, depuis l’Europe, on peut aller dîner à Dakar, sans visa. Le contraire est impossible ou alors le visa vous coûtera le salaire local d’un ouvrier. Pourquoi attendre une forme de réparation de l’Europe, comme un câlin de sa mère ? Pourquoi se positionner toujours en fonction de l’Occident ? Il nous faut valoriser, consommer et, surtout, transformer nos produits sur place. C’est cela l’anticolonisation qui changera la vie des Africains et non pas la complainte rance autour de propos tenus par un de Gaulle ou un Sarkozy.
    On sent que ce mouvement vous irrite…

    Je trouve qu’il y a une forme d’arrogance dans cette injonction et cette façon de s’autoproclamer décolonisateur de la pensée des autres. C’est se proclamer gourou du « nègre » qui ne saurait pas où il va. Je choisis mes combats, l’époque de la thématique unique de la négritude est bien révolue.
    Votre roman Le Ventre de l’Atlantique (2003) a été l’un des premiers à aborder le thème de la migration vers l’Europe. Que dites-vous à cette jeunesse qui continue de risquer sa vie pour rejoindre d’autres continents ?

    Je leur dirai de rester et d’étudier car, en Europe aussi, des jeunes de leur âge vivotent avec des petits boulots. Quand je suis arrivée en France, j’ai fait des ménages pour m’en sortir, après mon divorce. J’ai persévéré malgré les humiliations quotidiennes et les moqueries au pays.

    Si je suis écrivain, c’est parce que j’ai usé mes yeux et mes fesses à la bibliothèque. J’ai toujours écrit avec la même rigueur que je nettoyais les vitres. Aux jeunes, je dirai que l’école a changé ma vie, elle m’a rendue libre.
    La tentation est grande de partir vu le manque d’infrastructures dans de nombreux pays africains. Comment rester quand le système éducatif est si défaillant ?

    La responsabilité revient aux dirigeants. Ils doivent miser sur l’éducation et la formation pour garder les jeunes, leur donner un avenir. Il faudrait que les chefs d’Etat respectent plus leur peuple. Il n’y a qu’à voir le silence de l’Union africaine face au drame des migrants. Quand les dirigeants baissent la tête, le peuple rampe.
    Quel regard portez-vous sur le durcissement de la politique migratoire européenne ? Dernier acte en date, le décret antimigrants adopté par l’Italie qui criminalise les sauvetages en mer…

    L’Europe renforce sa forteresse. Mais qui ne surveillerait pas sa maison ? Les pays africains doivent sortir de leur inaction. Pourquoi n’y a-t-il pas, par exemple, de ministères de l’immigration dans nos pays ? C’est pourtant un problème majeur qui touche à l’économie, la diplomatie, la santé, la culture. Si l’Afrique ne gère pas la situation, d’autres la géreront contre elle. Elle ne peut plus se contenter de déplorer ce que l’Europe fait à ses enfants migrants.

    Vous avez écrit sur la condition féminine, le rapport au corps de la femme au Sénégal et la fétichisation dont vous avez été victime en France en tant que femme noire. Vous sentez-vous concernée par le mouvement #metoo ?

    Je comprends ce combat, mais je considère qu’Internet n’est pas un tribunal. Les femmes doivent habiter leur corps et leur vie de manière plus souveraine dans l’espace social et public. Il faut apprendre aux jeunes filles à s’armer psychologiquement face aux violences, par exemple le harcèlement de rue. Il faut cesser de se penser fragiles et porter plainte immédiatement en cas d’agression.
    La lutte contre les violences faites aux femmes revient aussi aux hommes…

    En apprenant aux femmes à habiter leur corps, à mettre des limites, on leur apprend aussi à éduquer des fils et des hommes au respect. Le féminisme, c’est aussi apprendre aux garçons qu’ils peuvent être fragiles, l’agressivité n’étant pas une preuve de virilité, bien au contraire. Me concernant, malgré la marginalisation à laquelle j’ai été confrontée, je ne me suis jamais vécue comme une femme fragile, ni otage de mon sexe, mes grands-parents m’ayant toujours traitée à égalité avec les garçons.
    Vous sentez-vous plus proche du féminisme dit universaliste ou intersectionnel ?

    Je me bats pour un humanisme intégral dont fait partie le féminisme. Mon féminisme défend les femmes où qu’elles soient. Ce qui me révolte, c’est le relativisme culturel. Il est dangereux d’accepter l’intolérable quand cela se passe ailleurs. Le cas d’une Japonaise victime de violences conjugales n’est pas différent de celui d’une habitante de Niodior ou des beaux quartiers parisiens brutalisée. Lutter pour les droits humains est plus sensé que d’essayer de trouver la nuance qui dissocie. Mais gare à la tentation d’imposer sa propre vision à toutes les femmes. L’essentiel, c’est de défendre la liberté de chacune.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/25/fatou-diome-la-rengaine-sur-la-colonisation-et-l-esclavage-est-devenue-un-fo

    #interview #féminisme #racisme #approche_décoloniale #post-colonialisme #décolonialisme #pensée_décoloniale #xénophobie #migrations #émigration #discrimination #décolonisation_de_la_pensée #Afrique #Senghor #Césaire #Fanon #libre_circulation #anticolonisation #féminisme #humanisme_#intégral #relativisme_culturel #droits_humains #liberté

    • Quelques perles quand même:

      L’Europe renforce sa forteresse. Mais qui ne surveillerait pas sa maison ?

      Il faut apprendre aux jeunes filles à s’armer psychologiquement face aux violences, par exemple le harcèlement de rue. Il faut cesser de se penser fragiles et porter plainte immédiatement en cas d’agression.

      déçu...

    • @sinehebdo, j’ajouterais :

      C’est une urgence pour ceux qui ne savent pas encore qu’ils sont libres. Je ne me considère pas colonisée, donc ce baratin ne m’intéresse pas. La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce. Par ailleurs, la décolonisation de la pensée a déjà été faite par des penseurs tels que Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou encore Frantz Fanon. Avançons, en traitant les urgences problématiques de notre époque.

      Mais celle-ci par contre est selon moi au coeur des politiques xénophobes que l’Europe et les pays qui la composent mettent en oeuvre :

      La #peur de vaciller au contact des autres ne peut vous atteindre quand vous êtes sûr de votre #identité.

  • #Gap (05) : Cesaï – Centre Social Autogéré, en reportage sur Arteradio
    https://fr.squat.net/2018/10/27/gap-05-cesai-centre-social-autogere-en-reportage-sur-arteradio

    Voici un reportage sur le centre social autogéré CESAÏ qui vient d’ouvrir ses portes à Gap. Après l’expulsion de la Maison Cézanne, dix-sept demandeurs et demandeuses d’asiles se retrouvent à la rue. Après quarante-huit heures d’occupation de la préfecture, la seule réponse des institutions est la force : plus de 80 gardes mobiles viennent déloger […]

    #CESAI #Hautes-Alpes
    https://fr.squat.net/wp-content/uploads/fr/2018/10/podcast_126191_bFhBb.mp3

  • Lettre à Maurice Thorez - Les mots sont importants (lmsi.net)
    http://lmsi.net/Lettre-a-Maurice-Thorez

    ... ce que je veux, c’est que marxisme et communisme soient mis au service des peuples noirs, et non les peuples noirs au service du marxisme et du communisme. Que la doctrine et le mouvement soient faits pour les hommes, non les hommes pour la doctrine ou pour le mouvement. Et bien entendu cela n’est pas valable pour les seuls communistes. Et si j’étais chrétien ou musulman, je dirais la même chose.

    #Césaire

  • FORSAKING THE SYRIAN REVOLUTION : AN ANTI-IMPERIALIST HANDBOOK
    Fadi A. Bardawil

    The Left had no qualms cheering the revolutions when they were targeting US supported regimes such as Tunisia, Egypt and Bahrain. When it got to Syria though, the support vanished. It was replaced by a blindness to the plight of Syrians and a deafness to their suffering. Syria signaled, a second divorce, analogous to Césaire’s earlier one between Metropolitan Leftist politics and the struggle for emancipation in the peripheries. This time around it is not the divorce of anti-colonial struggles from their subordination to the centrality of class struggle. It is the divorce of struggles against the postcolonial Authoritarian Arab State from their subordination to Metropolitan geo-political considerations.

    #Syrie #gauche #anti-colonialisme #Césaire #révolution #Assad

    http://aljumhuriya.net/en/syrian-revolution/forsaking-the-syrian-revolution-a-metropolitan-anti-imperialist-handboo

  • Ils remplacent le mot « juif » par « migrant » dans des citations d’Hitler et reçoivent plein de « like »
    https://mrmondialisation.org/ils-remplacent-le-mot-juif-par-migrant-dans-des-citations-dhitler-

    "Vous n’avez pas pu la rater, une vague de propos haineux emporte les débats sur les réseaux sociaux depuis quelques temps. La crise syrienne et les déplacements de population font ressurgir des idées sombres qu’on croyait enfuies dans les égouts de l’histoire. Et pourtant, les propos tenus ressemblent en tous points aux discours propagandistes, caricaturaux et simplistes d’avant guerre. Les internautes vont jusqu’à « liker » en masse des citations de la propagande nazie sans même le réaliser…"

    source : http://francais.rt.com/international/5516-grande-bretagne-citations-nazies-internet(Permalink)

  • A venir, une semaine spéciale #Antilles à l’occasion du centenaire de la naissance d’Aimé #Césaire, du lundi 30 septembre au jeudi 3 octobre, dans la _fabrique de l’#histoire._
    http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-0

    Deux documentaires :
    mardi 1er octobre : Les émeutes de décembre 1959 en Martinique
    mercredi 2 octobre : Entre mémoire et histoire, un balisage de la Martinique

    Et dans SUR LES DOCKS
    lundi 30 septembre : Luttes agricoles en Martinique
    http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-0

    http://www.franceculture.fr/blog-au-fil-des-ondes-2013-09-11-semaine-du-28-septembre-au-4-octobre-

    #lorraine #lumières #martinique #syndicalisme

  • Quand Mélenchon parle d’Universel, de quel Universel parle-t-il ?

    " Provincialisme ? Non pas. Je ne m’enterre pas dans un particularisme étroit. Mais je ne veux pas non plus me perdre dans un universalisme décharné. Il y a deux manières de se perdre : par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l’ « universel ». Ma conception de l’universel est celle d’un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers. Alors ? Alors il nous faudra avoir la patience de reprendre l’ouvrage, la force de refaire ce qui a été défait ; la force d’inventer au lieu de suivre ; la force « d’inventer » notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l’obstruent. En bref, nous considérons désormais comme notre devoir de conjuguer nos efforts à ceux de tous les hommes épris de justice et de vérité pour bâtir des organisations susceptibles d’aider de manière probe et efficace les peuples noirs dans leur lutte pour aujourd’hui et pour demain : lutte pour la justice ; lutte pour la culture ; lutte pour la dignité et la liberté ; des organisations capables en un mot de les préparer dans tous les domaines à assumer de manière autonome les lourdes responsabilités que l’histoire e"n ce moment même fait peser si lourdement sur leurs épaules." ( Aimé #Césaire )

    #universalisme