En raison de l’isolement résultant de l’état d’alerte, les problèmes habituels, tels que la situation des centres de séjour temporaire des immigrants ou celle des enfants et des adolescents vivant seuls dans les villes, se sont aggravés dans les villes autonomes.
1 Avr 2020 15:28
La situation des villes autonomes de Ceuta et Melilla a toujours été particulière, et pas nécessairement pour le mieux. Les situations extrêmes le sont davantage dans les enclaves les plus isolées, ce qui justifie l’éternel sentiment d’abandon qu’éprouvent les habitants des deux villes autonomes. Ce qui se passe à Ceuta et Melilla reste à Ceuta et Melilla.
Les problèmes habituels, tels que la situation dans les centres de séjour temporaire des immigrés ou celle des enfants et des adolescents vivant seuls dans les villes, se sont aggravés depuis que l’état d’alerte a été décrété le 14 mars dernier. L’isolement dans lequel vivent les habitants de Ceuta et Melilla avec la fermeture des routes maritimes ou aériennes vers la péninsule et la frontière terrestre avec le Maroc est plus évident dans le cas des migrants qui n’ont pas la possibilité de transferts à des fins de travail ou d’autres exceptions qui pourraient être envisagées.
Il faut ajouter à cela la situation des travailleurs frontaliers qui ont été bloqués à Ceuta ou Melilla suite à la fermeture de la frontière avec le Maroc. Pour ces personnes, les voisin.e.s ont aménagé des lieux dans leurs propres maisons, garages ou locaux - y compris les mosquées de la ville - où ils peuvent être hébergés jusqu’à ce qu’ils puissent retourner chez eux, ainsi que dans les ressources que les deux villes ont mises en place pour la population des rues.
L’isolement de Ceuta et Melilla avec la fermeture des routes maritimes ou aériennes vers la péninsule et la frontière terrestre avec le Maroc est plus évident dans le cas des migrants
Mais la préoccupation concerne surtout les personnes dans les centres de séjour temporaire (CETI), ainsi que les migrants vivant dans les villes autonomes, les sans-abri et dans la rue. En ce qui concerne le premier à Ceuta, la délégation gouvernementale a déclaré que la situation est toujours insoutenable dans certains cas, malgré le fait qu’un total de 142 personnes ont été déplacées du centre de séjour temporaire vers le continent depuis le début des restrictions de mouvement afin de « décongestionner le centre ».
La délégation gouvernementale elle-même reconnaît qu’aucun autre transfert vers la péninsule n’est prévu. Les personnes qui ont été transférées l’ont été dans des centres d’accueil en Andalousie et, dans une moindre mesure, en Castille-La Manche. Cependant, le CETI compte encore de nombreuses personnes ; beaucoup d’entre elles sont en ville depuis huit à dix mois, mais n’ont pas été prises en compte pour les transferts.
Pour cette raison, il est dénoncé qu’il existe une discrimination à l’encontre des personnes d’origine marocaine qui, précisément pour cette raison, ont entamé une grève de la faim le week-end dernier afin de rendre leur situation visible, de dénoncer cette discrimination et d’appeler la délégation gouvernementale à poursuivre les transferts.
Mais l’inquiétude n’a fait que croître avec la nouvelle, il y a quelques heures, d’un bébé de 18 mois qui était au CETI et qui a été testé positif au covid19. Il est déjà à l’hôpital, mais la délégation gouvernementale insiste sur le fait que les conditions dans lesquelles il se trouve dans le centre sont correctes.
Selon la plainte de la CGT Ceuta, la surpopulation continue d’empêcher le respect des mesures recommandées par le ministère de la Santé, telles que le maintien d’une distance de sécurité. Cette distance de sécurité n’existe ni dans les espaces communs ni dans les chambres elles-mêmes, où sont concentrées jusqu’à dix personnes qui dorment dans des lits superposés. Selon les images diffusées par El Faro, les habitants du CETI se nourrissent à quelques centimètres les uns des autres.
Dans le CETI de Ceuta, la surpopulation continue d’empêcher le respect des mesures recommandées par le ministère de la santé
La situation à Melilla est similaire. Les organisations dénoncent une importante massification des populations sans qu’aucun protocole de sécurité ne soit appliqué et sans que les équipements de protection soient suffisants. Avec plus de 1 600 personnes dans le centre, qui est fermé, la situation est intenable. Surtout pour les femmes, qui se trouvent dans un espace fortement masculinisé. Sans pouvoir maintenir une distance de sécurité dans aucun des espaces, sans savon, qui n’est plus disponible depuis longtemps, avec des files d’attente pour manger pendant deux heures, et sans pouvoir assurer un traitement adéquat pour certaines personnes souffrant de maladies chroniques. Dans cette situation, la possibilité d’un cas positif de coronavirus est très préoccupante, car, vu la situation, l’exposition serait totale pour le reste des personnes du centre.
Les exigences à cet égard sont claires : équipements de protection adéquats, décongestion du CETI en permettant de déplacer d’autres espaces et installation de points wifi afin que ceux qui y sont confinés puissent communiquer avec l’extérieur et ainsi réduire la tension que provoque l’incommunication. C’est ce qu’ont déclaré les associations Prodein et Geum Dodou.
Comme dans d’autres centres de même nature, les plaintes vont au-delà des conditions d’enfermement et touchent également le personnel qui y travaille. Le manque d’équipements de protection individuelle ou de mesures et de matériels d’hygiène augmente les risques de contagion tant pour les travailleurs et le personnel de police eux-mêmes que pour les migrants qui y sont confinés.
Avec le dernier envoi du gouvernement aux Communautés autonomes, 10 106 908 masques ont été distribués dans les Communautés autonomes, ainsi que 35 103 lunettes de protection, 9 673 100 gants en nitrile, 64 713 blouses jetables et imperméables, 141 800 solutions hydro-alcooliques, 56 dispositifs de ventilation mécanique invasive, 80 942 scaphandres, 328 00 collants, tabliers, housses et casquettes, et 640 ventilateurs non invasifs. Ceux-ci sont gérés par l’INGESA (Institut national de gestion de la santé) mais on ne sait pas encore si le nombre de ces appareils qui ont finalement atteint Ceuta et Melilla et, plus précisément, les espaces mentionnés sera suffisant ou non.
En ce qui concerne les personnes extérieures au CETI qui se trouvaient dans les rues des deux villes, elles ont été réparties, dans le cas de Ceuta, entre le Pavillon du Polideportivo La Libertad, les adultes, et le Polideportivo Santa Amelia, les enfants et les jeunes non accompagnés. Dans le cas de Melilla, la mesure prise a été similaire : les enfants et les adultes qui se trouvent dans les rues ont été déplacés pour la plupart, d’abord vers le centre sportif, et maintenant vers une tente installée à cet effet. Toutefois, ces mesures ne sont pas sans poser de problèmes en raison de la nature de l’enfermement et des conditions qui y sont liées. Les personnes qui y sont confinées coïncident dans le froid et l’humidité des espaces, ainsi que dans les tensions constantes qui y sont vécues.
La situation des enfants et des jeunes qui émigrent seuls et qui se retrouvent à la fois dans les centres d’accueil et dans la rue est particulièrement préoccupante
La situation des enfants et des jeunes qui émigrent seuls et qui se trouvent à Ceuta ou à Melilla est particulièrement préoccupante, qu’ils aient été placés dans des centres d’accueil ou qu’ils soient dans la rue, certains de ces derniers se trouvant maintenant dans des centres d’accueil. Il y a quelques semaines, nous avons vu des images qui montraient la surpopulation dans laquelle se trouvaient les enfants au centre de La Purisima. Le surpeuplement, était courant à d’autres moments, mais dans cette situation, il était incompatible avec le respect des mesures de sécurité visant à prévenir la contagion.
Selon les organisations, il pourrait y avoir quelque 900 enfants et jeunes dans le centre en ce moment, entassés, dormant dans des lits superposés et partageant même un lit. C’est pourquoi le refuge pour mineurs La Purísima a signalé le transfert de quelque 150 enfants et adolescents vers les cabanes du camping de Rostrogordo, qui ont été mises en place pour offrir une solution de logement aux sans-abri de la ville autonome de Melilla tant que durera cette situation. Toutefois, au moment de la rédaction du présent document, le transfert n’avait pas encore eu lieu. Des organisations telles que Prodein s’inquiètent des conditions dans lesquelles les enfants qui restent à La Purísima sont laissés sans aucun signe d’amélioration, une inquiétude qui est également partagée par les enfants et les travailleurs du centre.
Dans le cas de Ceuta, selon le gouvernement municipal, des préparatifs sont en cours pour transférer 230 enfants et adolescents du centre La Esperanza vers un terrain réservé sur la route Serrallo, afin de désengorger le centre, qui comptait à l’époque quelque 400 personnes.
Il y a quelques jours déjà, le Service Jésuite des Migrants a exprimé sa préoccupation quant à la situation qui règne à la frontière sud, en particulier dans le CETI surpeuplé et en ce qui concerne les enfants dans les centres pour mineurs.
« Les mesures préventives nécessaires doivent être prises d’urgence pour assurer l’hygiène continue et l’isolement social des détenus afin d’éviter une éventuelle contagion massive. De même, des mesures extraordinaires doivent être prises pour faciliter la coexistence pendant la durée de la situation d’enfermement, d’autant plus qu’ils se trouvent dans une pseudo privation de liberté », ont-ils souligné..
Des mesures similaires à celles demandées dans d’autres domaines, mais qui prennent une importance particulière dans le cadre de l’exceptionnalité des villes autonomes.