• En Chine, le chômage de masse chez les jeunes embarrasse Pékin

    Le pouvoir s’inquiète particulièrement du défaitisme affiché, avec ironie, par les #jeunes internautes. Ces dernières années, tout un vocabulaire a émergé pour promouvoir une sorte de #philosophie_de_la_paresse : certains parlent de « rester couché » (« tangping »), tandis que d’autres appellent à « laisser pourrir les choses » (« bailan »). Il s’agit, à chaque fois, d’en faire le moins possible au #travail. On pense au « quiet quitting » en vogue aux Etats-Unis pendant la pandémie de Covid-19.

    Une attitude qui suscite peu de compassion de la part de leurs aînés. « Je ne pense pas que le #chômage_des_jeunes soit un gros problème en Chine, parce que beaucoup d’entre eux pourraient trouver un #emploi_, estime Dan Wang, cheffe économiste à la banque hongkongaise Hang Seng. _C’est la génération des enfants uniques, leur famille a énormément investi dans leur éducation donc ils ne veulent pas accepter un job qui soit juste “passable”. Les 12 millions de #diplômés de l’#université en 2023 sont généralement issus de familles aisées qui peuvent se permettre de les soutenir un certain temps », explique-t-elle.

    La preuve en est que certains secteurs, comme la restauration et l’industrie, peinent à recruter. « Les jeunes n’ont pas forcément envie de travailler dans les #usines. C’est vu comme une activité dégradante, non seulement par eux, mais aussi par leurs parents », explique Nicolas Musy, patron de LX Precision, une entreprise suisse qui fabrique, en périphérie de Shanghaï, des composants pour l’industrie automobile, médicale et de télécommunication. « Jusqu’au début des années 2010, c’était beaucoup plus facile de recruter : il y avait cet afflux de travailleurs migrants des campagnes : pour eux, un travail, quel qu’il soit, c’était important. Maintenant, les gens font plus attention à quelles opportunités de carrière ils accèdent », poursuit cet entrepreneur présent en #Chine depuis plus de trente ans. Un phénomène renforcé par la baisse de la population active, qui a atteint son pic en 2010.

    Profond changement de génération

    Beaucoup de jeunes des campagnes alimentant par le passé les lignes de production chinoises préfèrent aujourd’hui travailler comme #livreurs, pour les plates-formes de #commerce en ligne ou de livraison de repas. Une concurrence directe pour les ressources humaines que représentent les #ouvriers. « C’est une difficulté pour nous : travailler à l’usine, ça veut dire être soumis à une certaine discipline, et effectuer des tâches qui peuvent être ennuyeuses. Les jeunes préfèrent souvent la liberté, reconnaît Kathy Sun, directrice des ressources humaines chez Clarion Electronics pour l’Asie chez Forvia, leader français des composants automobiles. Il revient aux entreprises de faire des efforts pour attirer les cols bleus, non seulement en jouant sur la charge de travail et les salaires, mais aussi en offrant un environnement de travail et une culture plus accueillants. »

    Le changement entre générations est profond. En 2021, 58 % des jeunes entrants sur le marché du travail sortaient de l’éducation supérieure (au-delà du baccalauréat), alors qu’ils n’étaient que 30 % en 2012. Même ceux des campagnes, moins privilégiés, ont une expérience éloignée de celle de leurs parents, qui avaient grandi à la ferme et dans la pauvreté. « Pour les générations précédentes, vous pouviez aller à la ville, travailler dur et obtenir une vie meilleure pour vous et votre famille. Les jeunes migrants d’aujourd’hui ont des parents qui ont travaillé dans les grandes villes. Leurs aspirations sont proches de celles des enfants de la classe moyenne : ils sont plus éduqués, ont une idée de leurs droits sur le marché du travail. Ils ne sont plus prêts à travailler de longues journées pour un salaire de misère, décrit Ole Johannes Kaland, anthropologue, associé à l’université de Bergen, en Norvège, qui a réalisé des études sur les enfants de migrants à Shanghaï. Pas un seul des adolescents que j’ai étudiés ne souhaitait travailler dans les usines ou dans le secteur de la construction. »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/22/en-chine-le-chomage-de-masse-chez-les-jeunes-embarrasse-pekin_6195996_3234.h
    https://archive.ph/jnmRJ

  • Assurance chômage : un rapport religieux à l’emploi |Mathieu Grégoire
    https://www.alternatives-economiques.fr/mathieu-gregoire/assurance-chomage-un-rapport-religieux-a-lemploi/00105161

    « Nous venons d’adopter définitivement la loi réformant l’assurance chômage et le marché du travail à l’Assemblée. Le plein-emploi est accessible ! », s’est réjoui Marc Ferracci sur Twitter.

    Prenons l’exemple d’un salarié qui perd son emploi, rémunéré à hauteur de 2 000 euros brut, et qui se trouve en position de chômage durant 24 mois avant de retrouver un emploi à la rémunération équivalente. Avant la réforme, il aurait bénéficié de 24 mois d’indemnisation à hauteur de 1 140 euros brut mensuels environ.

    Que gagne-t-il avec la réforme ? Si l’on admet les projections de Marc Ferracci, il devrait en moyenne retrouver un emploi entre 18 et 72 jours plus tôt, ce qui représente entre 1 200 et 4 800 euros de salaire.

    Que perd-il avec la réforme ? Six mois d’indemnisation qui représentent 6 840 euros d’allocation. Au final, dans l’hypothèse la plus pessimiste retenue par le rapporteur de la loi lui-même, supprimer six mois d’indemnisation aura donc pour effet de réduire de 18 jours la durée de chômage de ce salarié, de le mettre en situation de chômage non indemnisé pendant 5 mois et 12 jours et de lui faire perdre ainsi 5 640 euros.

    Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi 18 jours plus tôt, voilà donc l’ambition avouée du gouvernement.

    On mesure ainsi la disproportion du prix que le gouvernement, dans un rapport religieux à un plein-emploi devenu totem, est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes.

    https://seenthis.net/messages/980615

    #chômage #emploi #plein_emploi #chômage_non_indemnisé #chômeurs #droit_au_chômage

    • Intégralité :

      Opinion
      Assurance chômage : un rapport religieux à l’emploi
      Le 22/11/2022
      7 min
      Mathieu Grégoire Sociologue, enseignant-chercheur à l’université Paris-Nanterre (IDHES)

      Le contenu de la nouvelle réforme de l’assurance chômage se précise. La loi, adoptée le 17 novembre par le Parlement, prévoit de donner un blanc-seing de plus d’un an au gouvernement afin qu’il puisse se substituer aux partenaires sociaux pour fixer de nouvelles règles d’indemnisation.

      Il s’agirait, selon les députés de l’opposition, en donnant toute latitude au gouvernement d’instituer de nouvelles règles par décret, d’empêcher un vrai débat à l’Assemblée nationale. Sans leur faire offense, ce sont d’abord les acteurs du paritarisme qui sont mis sur la touche par cette loi. Et on peut penser que c’est contre un autre contre-pouvoir que le gouvernement tente de se prémunir : celui du Conseil d’Etat qui, suite aux recours des confédérations syndicales, a fait de la précédente réforme un calvaire pour Mesdames Pénicaud et Borne qui ont dû gérer le dossier tour à tour de 2018 à 2021 au ministère du Travail.

      On en connaissait le principe général, voilà désormais le détail des changements de règles que le gouvernement entend prendre par décret : moduler la durée d’indemnisation des allocataires en fonction de la conjoncture. Le ministre du Travail a annoncé lundi aux syndicats qu’en deçà de 9 % de taux de chômage, la durée d’indemnisation serait abaissée de 25 %.
      Modulation selon la conjoncture

      Le principe de cette modulation a suscité légitimement beaucoup de critiques. On peut d’abord s’étonner du reniement de la parole donnée que constitue ce choix de diminuer la durée d’indemnisation. Alors ministre du Travail, Elisabeth Borne n’avait eu de cesse d’expliquer que les « allocations ne baissaient pas » car la durée d’indemnisation augmentait pour ceux dont le montant de l’allocation baissait1.

      Manifestement, ce prétendu « marqueur de gauche » de la réforme précédente a fait long feu. Sur le principe, cette modulation soulève d’importantes interrogations en matière de justice sociale. La durée d’indemnisation de celles et ceux qui n’ont pas réussi à trouver un emploi est rabotée au prétexte que d’autres y sont parvenus… En quoi le fait que les chômeurs soient moins nombreux justifie-t-il de diminuer leurs droits ?

      En quoi le fait que les chômeurs soient moins nombreux justifie-t-il de diminuer leurs droits ?

      Autre critique intéressante, certains s’inquiètent à juste titre du caractère automatique de la modulation : le remplacement de la démocratie sociale, et plus largement de l’idée même de délibération démocratique, par un algorithme pose question. Faut-il se priver de délibérer des paramètres de l’indemnisation en fonction du contexte comme nous le faisons depuis l’origine du dispositif ?

      Le débat mérite d’autant plus d’être abordé qu’historiquement, ce sont les moments de mauvaise conjoncture et non d’embellie économique qui ont justifié de baisser les dépenses d’indemnisation. A l’image de ce que permettaient les systèmes de retraite par points de type suédois dont les pensions évoluent automatiquement à la baisse quand l’espérance de vie augmente, il s’agit de gouverner de façon automatique sans qu’il soit besoin, comme chez nous, de débattre ou de risquer un conflit social à chaque fois qu’on touche à un paramètre du dispositif.
      Calculs de coin de table

      Enfin, dernier argument mis en avant par certains économistes de gauche, il y aurait derrière cette réforme une intention cachée : celle de mettre la pression sur les salariés – de « réduire leur pouvoir de négociation » – afin qu’ils révisent à la baisse leur prétention en matière de salaire, de conditions d’emploi ou de travail.

      En réalité, malgré la qualité et la justesse de ces critiques, c’est encore en écoutant ses promoteurs que l’on mesure à quel point cette réforme est délétère, mais aussi à quel point le raisonnement qui la sous-tend révèle surtout un rapport totémique à l’emploi.

      Son principal défenseur est le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, Marc Ferracci, un professeur d’économie orthodoxe, intime du président de la République, ancien conseiller spécial de Muriel Pénicaud qui s’est lancé en politique en devenant député des Français de Suisse et du Lichtenstein. Monsieur Ferracci ne craint pas d’ailleurs, malgré les déboires qu’elle a valus à son camp, de revendiquer d’avoir été « la cheville ouvrière » de la précédente réforme qui en 2019 prévoyait notamment de diviser par quatre – selon une logique que le Conseil d’Etat a jugée aléatoire – le salaire de référence de certains salariés à l’emploi discontinu.

      Il faut donc bien écouter Marc Ferracci. Selon lui, baisser la durée de l’indemnisation n’a pas d’effet sur le pouvoir de négociation des salariés, mais les incite seulement à reprendre un emploi plus tôt :

      « De nombreuses études démontrent un lien entre le taux de retour à l’emploi et les règles d’indemnisation. Par exemple, si on augmente d’une semaine la durée durant laquelle vous touchez votre allocation, vous resterez au chômage entre 0,1 et 0,4 semaine », déclare-t-il ainsi dans Le Journal du Dimanche.

      Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi dix-huit jours plus tôt, voilà le prix que le gouvernement est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes

      Il y aurait beaucoup à dire d’un point de vue scientifique sur un tel calcul de coin de table. Mais il suffit de s’y pencher attentivement pour en mesurer l’inanité d’un point de vue politique. La disproportion entre les sacrifices opérés et le résultat attendu est patente.

      Prenons l’exemple d’un salarié qui perd son emploi, rémunéré à hauteur de 2 000 euros brut, et qui se trouve en position de chômage durant 24 mois avant de retrouver un emploi à la rémunération équivalente. Avant la réforme, il aurait bénéficié de 24 mois d’indemnisation à hauteur de 1 140 euros brut mensuels environ.

      Que gagne-t-il avec la réforme ? Si l’on admet les projections de Marc Ferracci, il devrait en moyenne retrouver un emploi entre 18 et 72 jours plus tôt, ce qui représente entre 1 200 et 4 800 euros de salaire.

      Que perd-il avec la réforme ? Six mois d’indemnisation qui représentent 6 840 euros d’allocation. Au final, dans l’hypothèse la plus pessimiste retenue par le rapporteur de la loi lui-même, supprimer six mois d’indemnisation aura donc pour effet de réduire de 18 jours la durée de chômage de ce salarié, de le mettre en situation de chômage non indemnisé pendant 5 mois et 12 jours et de lui faire perdre ainsi 5 640 euros.

      Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi 18 jours plus tôt, voilà donc l’ambition avouée du gouvernement.

      « Nous venons d’adopter définitivement la loi réformant l’assurance chômage et le marché du travail à l’Assemblée. Le plein-emploi est accessible ! », s’est réjoui Marc Ferracci sur Twitter.

      On mesure ainsi la disproportion du prix que le gouvernement, dans un rapport religieux à un plein-emploi devenu totem, est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes.

      1.
      Avec le nouveau calcul du salaire journalier de référence, les allocataires en contrats courts qui percevaient une indemnisation plus forte sur une période plus courte, touchent désormais une allocation plus faible mais sur une période plus longue.

  • #Assurance-chômage : #guerre_aux_chômeurs, paix au capital

    En résumé :

    L’enjeu est de faire accepter aux travailleurs les offres d’emploi dans les conditions satisfaisantes pour le capital. Autrement dit, c’est une réforme qui vient renforcer la position des employeurs dans un rapport de force qui menace de devenir favorable aux salariés.

    Et l’article complet

    Le gouvernement défend sa réforme accélérée de l’assurance-chômage au nom du #plein-emploi. Mais ce qui se joue ici n’est rien d’autre qu’un renforcement de la #répression des travailleurs pour satisfaire un #système_économique en crise.

    Faire le bonheur des travailleurs, malgré eux : ce pourrait être la doctrine affichée par le ministre du travail #Olivier_Dussopt et la première ministre #Elisabeth_Borne, qui ont décidé en cette rentrée d’accélérer sur leur nouvelle #réforme de l’assurance-chômage. L’ambition affichée de la réforme, c’est de parvenir au « plein-emploi », lequel est considéré, après cinq décennies de #chômage_de_masse, comme une forme de graal permettant de renverser une nouvelle corne d’abondance sur le pays.

    Ce concept est devenu, depuis quelques semaines, le mantra du gouvernement que tous les membres, ainsi même que le président de la République, ne cessent de marteler à chaque prise de parole. Ce plein-emploi serait « à portée de main », répète inlassablement Emmanuel Macron, mais il ne serait possible que si l’on en passe par cette réforme qui réduit singulièrement les #droits des #demandeurs_d’emploi.

    Si l’on devait résumer la vision gouvernementale (et patronale, car les #Rencontres_des entreprises_de_France fin août ont mis en lumière une parfaite identité de vue entre le #Medef et l’exécutif sur le sujet), on pourrait le dire ainsi : le système économique est capable de fournir un #emploi à tous, mais une partie de la #force_de_travail refuse cette opportunité.

    Ce faisant, ces inconscients refusent tous les délices du plein-emploi effectif : une augmentation des revenus, un rapport de force favorable aux salariés et une forme d’accomplissement individuel et social. Aux universités d’été de La France insoumise (LFI) fin août, la ministre déléguée Olivia Grégoire, par ailleurs économiste, a même pu se prévaloir de Marx pour défendre la réforme gouvernementale et assurer le plein-emploi. Il est donc urgent de contraindre ces brebis égarées par le faux bonheur de l’#oisiveté au bonheur qu’ils s’obstinent à refuser. Et pour cela, l’usage du bâton est indispensable.

    Dans cette vision angélique, l’#indemnité_chômage serait si généreuse qu’elle troublerait leur raison et les empêcherait d’accéder à ce bonheur qu’est le plein-emploi. Mais ce n’est là qu’une hypothèse et cette hypothèse même est une contradiction dans les termes. Le récit gouvernemental ne résiste guère à l’analyse. Dans un régime de plein-emploi, le rapport de force s’inverse en faveur des salariés. Si ce dernier était authentiquement atteignable, l’assurance-chômage ne saurait être trop élevée.

    Les salaires augmenteraient, les #conditions_de_travail s’amélioreraient pour rendre son pseudo-avantage compétitif caduc. Cela est d’autant plus vrai que, puisque 60 % des demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés, ces derniers devraient se jeter sur les offres disponibles, faire ainsi monter les salaires et rendre l’indemnisation moins intéressante. Pour peu évidemment que lesdits emplois soient attractifs et adaptés.

    En d’autres termes, si un véritable plein-emploi était à « portée de main », l’indemnisation chômage ne serait pas un problème. L’enjeu de cette nouvelle réforme de l’assurance-chômage n’est donc pas de parvenir au plein-emploi, mais bien plutôt de faire accepter aux demandeurs d’emploi les offres existantes, sans s’interroger sur leur contenu, les #conditions_de_travail et les #rémunérations.

    Les derniers chiffres de la Dares montrent que si les tensions sur le #marché_du_travail sont élevées, elles le sont en grande partie en raison de conditions de travail et de #déficit_de_formation que les entreprises refusent de prendre en charge. Bref, le nœud du problème, comme toujours en régime capitaliste, c’est bien le #coût.

    L’enjeu est de faire accepter aux travailleurs les offres d’emploi dans les conditions satisfaisantes pour le #capital. Autrement dit, c’est une réforme qui vient renforcer la position des employeurs dans un rapport de force qui menace de devenir favorable aux salariés. Loin de favoriser le plein-emploi, il s’agit surtout de contourner les vraies conséquences du plein-emploi pour le capital.

    Des emplois abondants et repoussants

    Le récit gouvernemental et patronal est donc un leurre qui s’appuie sur un plein-emploi fétichisé mais vidé de sa fonction. Il fait miroiter un pouvoir accru des salariés alors qu’il désarme précisément la capacité des salariés de choisir leur emploi. Réduire les droits des chômeurs indemnisés, conditionner d’une manière ou d’une autre l’accès au #RSA, c’est affaiblir la position des salariés face aux employeurs. C’est faire en sorte que, contraints par la nécessité, les demandeurs d’emploi acceptent non pas un travail adapté à leurs envies, à leurs formations et à leurs besoins, mais un emploi répondant à la nécessité de la #production_de_valeur. C’est bien pour cette raison qu’il refuse toute réflexion sur la qualité – au sens large allant du salaire à sa fonction sociale – des emplois proposés.

    Derrière ces réformes proposées avec un discours quasi humanitaire, il y a donc le renforcement de l’emprise la plus classique de la #domination_capitaliste. Le travail abstrait, quantifiable mais désincarné, vecteur de la loi de la valeur dont le capital a impérieusement besoin, impose sa loi au travail concret, fruit d’une activité humaine spécifique.

    Le travailleur doit, sous cette #pression, cesser d’exister en tant qu’individu, il n’est que le rouage de cette production de valeur. Il lui faut alors accepter n’importe quel travail pour pouvoir subsister. Dans ces conditions, tout emploi qui apparaît est bon, et tout ce qui est bon apparaît comme emploi. Le refus de l’emploi devient donc insupportable pour le système économique.

    Les #protections_salariales n’ont jamais fait disparaître totalement cette logique. Mais la situation actuelle des économies occidentales et de l’#économie française en particulier rend le renforcement de ce mode de #domination plus urgent et nécessaire que jamais pour le capital. Les emplois créés ne sont abondants que parce qu’ils sont peu productifs. L’embellie actuelle de l’emploi, alors même que la croissance reste faible, est l’illustration même de ce phénomène.

    Le problème, alors, est que ces emplois ne sont tenables que s’ils sont bon marché ou soumis à des conditions de travail dégradées, précisément parce qu’ils sont peu productifs. Créer de la valeur dans un régime de faible #productivité suppose mécaniquement une plus forte #exploitation du travail. Et c’est en saisissant cette réalité que l’on peut comprendre le paradoxe de l’époque : les emplois peuvent être à la fois abondants et repoussants et le plein-emploi peut avoir une fonction répressive pour le travail.

    Cette fonction se constate à longueur de page et d’émission dans les leçons de morale données aux travailleurs qui seraient trop exigeants ou trop oisifs. La récente polémique sur les #arrêts_maladie jugés trop fréquents des salariés est venue illustrer cette situation. Cette pression augmente avec l’approche du plein-emploi, car plus le travail est censé être abondant, plus il faut accepter ses conditions de travail dégradées, intensifier la production et allonger le temps de travail.

    C’est bien pour cette raison que ce plein-emploi peut être désormais fétichisé par le patronat : parce qu’il ne produit plus les effets négatifs pour le capital. À condition, bien sûr, que l’État assure la soumission du monde du travail par des contre-réformes. La réforme française, comme d’autres, n’est donc pas urgente parce qu’elle permettrait d’apporter le bonheur et l’abondance dans le pays, elle est urgente parce qu’elle est un passage obligé dans le mode de gestion d’un capitalisme de bas régime qui est le nôtre.

    Face à la faiblesse des gains de productivité, la réponse du capital est celle de chercher des assurances, ce que l’économiste anglo-roumaine #Daniela_Gabor appelle le « #de-risking », ou la #réduction_du_risque. Les recherches de cette dernière se sont concentrées sur la finance, mais ce mouvement semble beaucoup plus large. Les réformes du marché du travail et de l’assurance-chômage visent ainsi à maintenir une pression constante sur les travailleurs, quelle que soit la situation de l’emploi. La baisse vertigineuse actuelle des salaires réels dans les pays qui, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les États-Unis, sont officiellement en plein-emploi vient confirmer ce mouvement.

    Les déclarations de l’exécutif ne doivent donc pas tromper. La #répression_sociale comprise par ces réformes est la solution de facilité pour le système économique actuel. Tout renversement réel du rapport de force l’amènerait en effet face à des questions qu’il veut à tout prix éviter : que produit-il ? dans quel but ? dans quelles conditions ? Dès lors, le leurre d’un plein-emploi à portée de main et d’un discours moralisateur sur des chômeurs oisifs est la dernière ligne de défense de l’économie. Celle qui permet de renforcer son hégémonie au cœur même de sa crise.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/090922/assurance-chomage-guerre-aux-chomeurs-paix-au-capital
    #chômage #guerre_aux_pauvres #capitalisme #plein_emploi

  • Espagne - Un chômage qui baisse, des CDI en hausse : quand une « loi Travail » de gauche commence à changer la vie | Alban Elkaïm
    https://basta.media/un-chomage-qui-baisse-des-cdi-en-hausse-une-loi-travail-de-gauche-contre-la

    La réforme du droit du travail en Espagne, menée par la ministre de la gauche radicale Yolanda Díaz, montre déjà des résultats dans la lutte contre la précarité qui mine le pays depuis la crise financière. Source : Basta !

    • Au-delà des effets d’annonces, que vaut cette réforme ? « Un contrat sur neuf était un CDI avant la réforme. C’est plus de 40 % aujourd’hui », répond Mari Cruz Vicente, secrétaire générale à la Confédération ouvrière espagnole (CCOO). Le chiffre est même monté à plus de 44 % en juin. « Sans aucun doute possible, la réforme a fait augmenter l’emploi à durée indéterminée, assure l’économiste Inmaculada Cebrían. Mais la précarité reste élevée en Espagne, quel que soit le type de contrat signé. Même les postes à durée indéterminée ont tendance à durer moins qu’on ne pourrait l’espérer. Et par le passé, les modifications du droit du travail ont souvent provoqué des effets indésirables », ajoute-t-elle.

      Aujourd’hui, ce sont les contrats « fixes discontinus » qui focalisent l’attention. Ces CDI organisent une relation durable entre un travailleur et son employeur pour des activités saisonnières par nature, comme les récoltes. « La dernière réforme modifie la “saisonnalité“ des emplois, qui empêchait par exemple d’employer des professeurs avec ces contrats fixes discontinus pour ne pas avoir à les rémunérer durant les vacances », explique Inmaculada Cebrían. Cette pratique est aujourd’hui devenue possible. Le recours à cet instrument des « contrats fixes discontinus », qui sont inclus dans le décompte des emplois en CDI , a explosé. « Le temps partiel augmente fortement aussi. Particulièrement chez les femmes », souligne encore l’économiste.

      (...) María (...) travaille aujourd’hui à Madrid au service ressources humaines d’une multinationale européenne

      (c’était bien la peine), bastamag cite deux embauchées, l’une du parti, l’autre DRH...

      #emploi #gauche #précarité #flexibilité_interne #chômage_partiel #CDI #contrats_fixes_discontinus #temps_partiel

  • Activité partielle : état des lieux et perspectives, Unedic
    https://www.unedic.org/publications/activite-partielle-etat-des-lieux-et-perspectives

    En mars 2020, l’activité partielle (ou #chômage_partiel), dispositif paritaire ancien mais peu utilisé jusqu’alors, est entrée de plain-pied dans la vie économique française. Inspirée par la réponse allemande à la crise de 2008-2009, le choix a été fait d’un dispositif large et universel pour répondre au caractère inédit de la crise de 2020. Cette mesure est devenue, en quelques semaines, un des leviers majeurs de la politique publique de soutien à l’emploi en réponse à la crise sanitaire et économique sans précédent que traversait le pays.

    Les partenaires sociaux ont endossé pleinement leur responsabilité dans le financement de l’activité partielle (un tiers des dépenses sont portées par l’Unédic) et participent activement au suivi et à l’évaluation du dispositif. Le coût du dispositif a été très conséquent pour le régime, 14,4 Md€ en 2020-2021, et a été responsable de plus de la moitié du déficit de l’Assurance chômage de ces deux dernières années. Il représente par ailleurs les trois quarts du coût des mesures d’urgence pour le régime en 2020-2021 estimées à plus de 19 Md€.

  • Cent projets de start-up pour renforcer le service public
    https://www.lefigaro.fr/entrepreneur/cent-projets-de-start-up-pour-renforcer-le-service-public-20210905

    L’État est devenu incubateur de jeunes pousses. À Bercy, l’une d’elles, Signaux Faibles, est censée mieux détecter les entreprises en difficulté.

    Pour faire bouger l’État, il y a les vastes réflexions sur les nouveaux enjeux du service public et les petits pas concrets. Le programme Beta.gouv suit clairement la seconde voie. Il vise à « aider les administrations publiques à améliorer le service public de l’intérieur grâce au numérique » en s’appuyant sur des start-up d’État, c’est-à-dire des services innovants incubés au sein des ministères ou des administrations.

    Concrètement, il s’agit de donner aux fonctionnaires, à l’esprit entrepreneur et au projet solide, les moyens financiers et le temps pour développer leurs idées de nouveaux outils internet tournés vers les usagers. Ces incubateurs inspirés du privé permettent ainsi à l’État de valoriser ses agents les plus innovants, mais aussi de mobiliser l’expertise de jeunes informaticiens, codeurs, qui, sans cette promesse de souplesse et d’autonomie dans le travail, n’auraient jamais pensé rejoindre la direction d’un ministère.

    La suite payante, mais à lire : Start-up nation : quand l’État programme son obsolescence Jules Brion https://seenthis.net/messages/926470

    #start-ups #France #État_français #schumpeters #entreprenariat. #jeunes_pousses #start-up_nation #French_Tech #Fleur_Pellerin #Innovation #Économie_numérique #French_Tech_Visa #licornes #innovation #subventions #réindustrialisation #bpi #Banque_Publique_d_Investissement #Caisse_des_Dépôts_et_Consignations #CDC #conversion_numérique #Transition_numérique #Cedric_O #passerelles_public-privé #SATT #Italie #mythe #chômage #désindustrialisation #qwant #souveraineté_technologique #start-up_mania #chômage_structurelle #plateformisation #Uber #Deliveroo #code_du_travail #Aircall #Voodoo #Tencent #healthtech #Owkin #Lucine #Icade #agents_publics #zeitgeist #Doctolib #AP-HP #COVID-19 #financiarisation #burn_rate #Theranos #Rifft #The_camp #AirBnb #Lyft #pyramide-de_Ponzi #néolibéralisme #économie_disruptive #services_publics

  • Start-up nation : quand l’État programme son obsolescence Jules Brion
    https://lvsl.fr/start-up-nation-quand-letat-programme-son-obsolescence

    Depuis de nombreuses années, les start-ups françaises peuvent se targuer d’avoir à leur disposition de nombreuses subventions publiques et un environnement médiatique favorable. Partant du postulat que la puissance privée est seule capable d’imagination et d’innovation, l’État français finance à tour de bras ces « jeunes pousses » dans l’espoir schumpéterien de révolutionner son économie. Cette stratégie économique condamne pourtant la puissance publique à l’impuissance et à l’attentisme.


    Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, promouvant la “French Tech” au Consumer Electronics Show de Las Vegas en 2016. © Christophe Pelletier

    En 2017, Emmanuel Macron avait largement axé sa campagne présidentielle sur un discours général favorable à l’entreprenariat. La stratégie économique française valorise ainsi la création de nouvelles entreprises, dites jeunes pousses ou start-ups. En avril 2017, le futur président français assène qu’une « start-up nation est une Nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une ». Ces entités ont pour vocation de proposer des technologies de ruptures disruptives, selon l’expression de l’économiste américain Clayton Christensen, c’est-à-dire une redéfinition des règles du jeu économique venant remplacer les anciens schémas de pensée.

    Cette configuration institutionnelle favorable aux start-ups n’est cependant pas apparue subitement lors de la dernière présidentielle. Le label French Tech est en effet lancé dès 2013 par Fleur Pellerin, alors Ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique. Ce programme a pour ambition de développer les jeunes pousses hexagonales. Les successeurs de Fleur Pellerin vous tous accompagner et poursuivre ce mouvement d’effervescence : en 2015 sont lancés le French Tech Ticket ainsi que le French Tech Visa en 2017.

    Ce discours s’accompagne d’un appel à créer le plus de licornes possibles : des start-ups valorisées sur les marchés à plus d’un milliard d’euros. Alors que la France compte 3 licornes en 2017, ce chiffre est passé à 15 en 2020. Le gouvernement espère qu’il en sera crée 10 de plus d’ici 2025. Ce constant appel à l’innovation s’inspire de l’exemple israélien, parangon de la start-up nation, qui compte une jeune pousse pour 1400 habitants. Poussé par l’afflux de liquidités fourni par son ministère de la défense, l’État hébreux s’est lancé très tôt dans cette stratégie économique. Les nombreuses start-ups qui y sont créées permettent à Israël de mieux peser sur la scène internationale : son secteur de l’innovation représente 10% de son PIB et près de la moitié de ses exportations.

    De l’État providence à l’État subventionneur
    Toutes ces entreprises ne se sont pas créées d’elles-mêmes. Pour leur écrasante majorité, elles ont largement été financées par la puissance publique. Dès 2012, tout un écosystème institutionnel favorable à l’entreprenariat individuel est mis en place. En pleine campagne présidentielle, François Hollande promet une réindustrialisation rapide et efficace de la France. Afin d’atteindre cet objectif ambitieux, ce dernier entend créer « une banque publique d’investissement qui […] accompagnera le développement des entreprises stratégiques ». Quatre mois plus tard naît la Banque Publique d’Investissement (BPI), détenue par la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC) ainsi que par l’État. La BPI a pour mission de « financer des projets de long terme » et d’œuvrer à la « conversion numérique » de l’Hexagone. Très vite, l’institution devient un outil permettant à l’État de financer massivement les start-ups. La BPI subventionne ainsi le label French Tech à hauteur de 200 millions d’euros et est actionnaire de nombreuses start-ups françaises.

    Comme le pointe un rapport publié par Rolland Berger, une grande majorité des entreprises du French Tech Next 40/120 — un programme regroupant les start-ups françaises les plus prometteuses — a reçu des prêts et des subventions de la puissance publique. On estime ainsi que 89% de ces entreprises ont reçu une aide indirecte de la BPI ! En pleine crise sanitaire, l’institution obtient plus de 2 milliards d’euros pour soutenir ces entreprises innovantes tandis que 3,7 milliards du plan de relance décidé en 2020 par le gouvernement a été fléché vers la création et l’aide aux start-ups. Cedric O, Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, confirme ainsi qu’il « va y avoir des opportunités suite à la crise [sanitaire], tout comme celle de 2008 ».

    Pour autant, l’État français ne soutient pas ses start-ups uniquement sur le plan financier. La loi Pacte de 2019, en continuité avec la loi Allègre de 1999, facilite les passerelles public-privé et encourage les chercheurs à créer des entreprises. Ces dispositions législatives permettent à des recherches menées et financées grâce à de l’argent public d’être « valorisées », c’est-à-dire en réalité privatisées, par le secteur lucratif. Des Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT) ont été créées pour accélérer ce processus dans de nombreuses universités. Plus de 250 start-ups ont été développées par le prisme de ce réseau depuis 2012. L’Union européenne n’est pas en reste dans cette stratégie de soutien massif aux « jeunes pousses ». Sa stratégie Horizon 2020, un programme de 79 milliards d’euros étalé entre 2014 et 2020, dédiait 20% de son budget à la création de start-ups. Pléthore de pays européens se tournent eux aussi vers des stratégies de numérisation de l’économie, souvent via un soutien sans faille aux start-ups. En 2012, le ministre italien de l’économie, sous le gouvernement du technocrate Mario Monti, a promulgué une loi qui a permis à l’État italien de dépenser 200 millions d’euros pour aider les jeunes entreprises du pays, dans le but de « promouvoir la mobilité sociale ». Depuis 2019, le fonds national pour l’innovation italien a dépensé 245 millions d’euros pour subventionner 480 start-ups.

    Le mythe des start-ups souveraines et créatrices d’emplois
    Si les nations européennes axent autant leurs stratégies économiques sur le développement des start-ups, c’est avant tout car cette politique permet aux États de prétendre agir dans des domaines clefs où leur incurie a mainte fois été pointée du doigt : la lutte contre le chômage de masse et la mise en place d’une souveraineté technologique. 

    Nombre de médias se sont ainsi fait le relais de la start-up mania, louant la capacité de la French Tech à « créer 224.000 nouveaux emplois d’ici à 2025 » et à être le « fer de lance de l’économie ». Ces jeunes pousses permettraient de créer jusqu’à « 5,2 emplois indirects qui dépendent de [leur] activité » et d’œuvrer à la réindustrialisation de la France. Ce constat mérite pourtant d’être nuancé. Comme cela a déjà été évoqué, la start-up mania s’accompagne d’une aide inconditionnelle de l’État français par le prisme de la BPI. Pourtant, comme l’ont analysé nos confrères du Média, le bilan de l’institution est tâché de nombreux scandales. La banque, dès sa création, n’a pas été pensée comme un organisme capable de contenir et d’endiguer la désindustrialisation de l’Hexagone. M. Moscovici, alors ministre des finances, déclarait ainsi en 2012, que « la BPI n’est pas un outil défensif, c’est un outil offensif, n’en faisons pas un pompier ».

    L’institution est en effet souvent demeurée indifférente aux plans de licenciements et en a même favorisé certains comme le confirment les exemples des entreprises Veralia et Arjowiggins. Une loi du 23 mars 2020 a quant à elle permis d’ouvrir le conseil d’administration de l’institution à des acteurs privés, laissant une fois de plus planer le doute sur la capacité et la volonté de la banque publique d’agir pour le bien commun.

    Il est également permis de rester sceptique face à une stratégie de réduction de chômage structurelle se basant principalement sur le soutien à des start-ups qui participent à la « plateformisation » de notre économie. En proposant de mettre en contact clients et professionnels, des entreprises telles que Uber ou Deliveroo s’évertuent à détruire code du travail et régulations étatiques. Alors qu’elles sont vendues comme des instruments permettant de lutter contre le chômage, ces start-ups ne peuvent exister et espérer devenir rentables que par une grande flexibilité et en excluant leurs travailleurs du salariat. Le gouvernement socialiste espagnol vient ainsi récemment de légiférer afin de contrôler ces géants de l’économie de plateforme, permettant de conférer un statut de salarié aux livreurs qui étaient considérés comme des travailleurs indépendants. À peine la nouvelle annoncée, Deliveroo a annoncé qu’elle comptait mettre fin à ses activités dans le pays, tandis que ses concurrents Stuart, Glovo et UberEats critiquaient cette décision qui va mettre « en danger un secteur qui apporte 700 millions d’euros au PIB national ».

    En somme, la France semble avoir abandonné toute stratégie ambitieuse de réduction du chômage de masse. Plutôt que de défendre le droit de tout citoyen à obtenir un emploi, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, l’État dépense des sommes faramineuses afin d’encourager la création d’entreprises à l’avenir très incertain. Dans cette politique qui s’apparente à un véritable choix du chômage, les citoyens sont appelés à innover alors même que les multiples causes du chômage structurelle sont éludées. Pour autant, cette incurie étatique ne date ni du quinquennat Hollande ni du mandat du président Macron : Raymond Barre déclarait en 1980 que « les chômeurs pourraient essayer de créer leur entreprise au lieu de se borner à toucher les allocations de chômage ! ».

    NDLR :  Pour en savoir plus sur les choix politiques et économiques ayant conduit à un chômage de masse persistant, lire sur LVSL l’interview de Benoît Collombat par le même auteur https://lvsl.fr/le-choix-du-chomage-est-la-consequence-de-decisions-neoliberales-entretien-avec : « Le choix du chômage est la conséquence de décisions néolibérales ».

    Outre l’argument des créations d’emplois, le soutien aux start-ups est également justifié par une nécessaire préservation de la souveraineté nationale. Dès qu’éclate en 2013 l’affaire Snowden, la préservation de la vie privée et la souveraineté technologique deviennent des préoccupations politiques majeures. Des entrepreneurs ont profité de ce phénomène pour proposer des technologies souveraines capables de réduire l’impuissance des nations européennes face à l’espionnage de masse. Les États comme la France vont alors largement baser leur politique de défense de la souveraineté nationale par un soutien massif à des start-ups.

    L’exemple de l’entreprise Qwant est sur ce point éloquent tant il permet de montrer les insuffisances et les impasses d’une telle approche. Fondée en 2011 par Jean-Manuel Rozan, Eric Léandri et Patrick Constant, l’entreprise se rêve en « Google français » en proposant un moteur de recherche souverain. Alors que la société n’est pas loin de la faillite, l’affaire Snowden lui permet de faire un large lobbying au sein des institutions françaises. Ces efforts seront rapidement récompensés puisque la Caisse des Dépôts et des Consignations investit en 2017 plus de 20 millions d’euros dans le projet tout en détenant 20% de son capital. En janvier 2020, l’État annonce même que Qwant est désormais installé sur les postes informatiques de l’administration publique. Pourtant, force est de constater que cette aide massive n’a pas permis de bâtir un moteur de recherche réellement souverain : en 2019, soit sept ans après sa création, Qwant utilise la technologie de Bing (Microsoft) dans 75% des recherches effectuées. Une note de la Direction interministérielle du numérique (DINUM) pointe également les nombreuses failles de l’entreprise, tels que les salaires mirobolants de ses dirigeants et les nombreux problèmes techniques du logiciel utilisé par Qwant, qui laissent perplexe quant au soutien massif que lui prodigue l’État. Plus largement, rien n’indique qu’une entreprise créée sur le sol français ne tombera pas aux mains de fonds d’investissements étrangers : parmi les licornes « françaises », la start-up Aircall (téléphonie via IP) est détenue à majorité par des acteurs non-français, tandis que Voodoo (jeux vidéo) a fait rentrer le géant chinois Tencent à son capital.

    Quand les start-ups remplacent l’État
    Le recours aux start-ups s’explique également par une prétendue incapacité de l’État à innover, à comprendre le marché et à « prendre des risques ». Ce mythe, pourtant déconstruit méthodiquement par l’économiste Mariana Mazzucato dans The Entrepreneurial State (paru en français en 2020), laisse penser que seul le secteur privé est capable de faire évoluer nos activités économiques et donc de créer des emplois. Comme l’analyse l’auteure, « le « retard » de l’Europe par rapport aux États-Unis est souvent attribué à la faiblesse de son secteur du capital-risque. Les exemples des secteurs de haute technologie aux États-Unis sont souvent utilisés pour expliquer pourquoi nous avons besoin de moins d’État et de plus de marché ». Nombre de start-ups se servent de ce mythe auto-réalisateur pour légitimer leur activité.

    Il est intéressant de noter que cette mentalité a également imprégné les dirigeants d’institutions publiques. Un rapport de la CDC ayant fuité en 2020 et prétendant redéfinir et révolutionner la politique de santé française chantait les louanges du secteur privé, des partenariats public-privé et de 700 start-ups de la healthtech. La puissance publique finance volontiers des jeunes pousses du domaine de la santé, à l’image d’Owkin, qui utilise l’intelligence artificielle pour traiter des données médicales, ou encore Lucine qui, grâce à des sons et des images, revendique la capacité de libérer des endorphines, de la morphine ou de l’adrénaline. La CDC détient également 38,8% d’Icade santé, un des acteurs majeurs du secteur privé et lucratif de la santé en France. De fait, les start-ups médicales s’immiscent de plus en plus au sein des institutions privées, à l’image d’Happytal, financé à hauteur de 3 millions d’euros par la BPI, qui propose à prix d’or aux hôpitaux des services de pré-admission en ligne ou de conciergerie de patients hospitalisés. Pour encourager les jeunes pousses à envahir les hôpitaux publics, la puissance publique va jusqu’à prodiguer, via un guide produit par BPI France https://www.lemediatv.fr/articles/2021/bpi-france-banque-publique-interets-prives-letat-livre-la-sante-aux-financ , des conseils pour entrepreneurs peu scrupuleux expliquant comment passer outre des agents publics dubitatifs et méfiants qui ont « tendance à freiner les discussions » !

    Ainsi, comme l’analyse Mariana Mazzucato, « c’est donc une prophétie auto-réalisatrice que de considérer l’État comme encombrant et uniquement capable de corriger les défaillances du marché ». Pourtant, les start-ups ne pullulent pas uniquement grâce à ce zeitgeist favorable à l’entreprenariat, mais profitent directement de l’incapacité de l’État à fournir des services à ses citoyens, renforçant d’autant plus le mythe évoqué par Mariana Mazzucato. L’exemple de l’attribution à Doctolib du vaste marché de la prise de rendez-vous en ligne des Hôpitaux de Paris (AP-HP) en 2016 est révélateur de ce phénomène : devenu incapable de fournir un service public de prise de rendez-vous, l’État a dû confier les données de santé de millions de français à cette start-up française. La même expérience s’est répétée lors de la prise des rendez-vous de la vaccination contre le COVID-19, qui ont permis à l’entreprise d’engranger des millions de nouveaux clients sans aucune dépense de publicité.

    Vers une bulle spéculative ?
    Outre les questions que soulève le soutien massif de l’État français aux jeunes pousses du numérique, il convient également de se poser la question de la crédibilité économique de ces entreprises. En effet, il apparaît que nombre de ces sociétés participent à la financiarisation de nos activités économiques et deviennent des actifs spéculatifs et instables. Plus que de « changer le monde », un créateur de start-up recherche principalement à réaliser un « exit », c’est-à-dire à réaliser une belle plus-value via le rachat ou l’entrée en bourse de son entreprise. Dans un climat hostile et instable — on estime que seulement 20 % des jeunes pousses réussissent cet « exit » — les entrepreneurs sont poussés à dilapider le plus rapidement l’argent qu’ils ont à leur disposition. Cette stratégie, dénommée burn rate, est souvent perçue comme une perspective de croissance future par les investisseurs.

    De plus, les entrepreneurs sont souvent poussés à embellir leurs entreprises en exagérant le potentiel des services qu’elles proposent, voire en mentant sur leurs résultats, comme le montrent les exemples de Theranos (tests sanguins soi-disant révolutionnaires), Rifft (objets connectés) ou The Camp (technopôle provençal en perdition adoubé par M. Macron). Cela conduit les start-ups technologiques à avoir un ratio de valorisation sur chiffre d’affaires très élevé. Alors qu’il n’est que de 2,6 fois pour Amazon, c’est-à-dire que la valorisation boursière de l’entreprise n’excède « que » de 2,6 fois son chiffre d’affaires, ce nombre atteint plus de 50 pour certaines licornes. Pour AirBnb, la troisième licorne mondiale valorisée à 25,5 milliards de dollars, le chiffre est par exemple de 28,6. Alors que dans une entreprise traditionnelle la valeur des actions est estimée par les investisseurs en fonction de l’estimation des bénéfices futurs d’une entreprise, ce chiffre est très largement secondaire dans les levées de fonds de start-ups. Ainsi, de nombreuses licornes ne prévoient pas à court ou moyen terme de réaliser des bénéfices. L’entreprise Lyft a par exemple enregistré l’an dernier une perte de 911 millions de dollar, tandis qu’Uber a perdu 800 millions de dollars en un trimestre. On estime que sur les 147 licornes qui existent autour du globe, seulement 33 sont rentables. En somme, les investisseurs s’intéressent principalement à la capacité d’une start-up à produire une masse d’utilisateurs la plus large possible. Ce phénomène justifie des dépenses gargantuesques par ces mastodontes de l’économie de plateforme : Lyft a dépensé 1,3 milliard de dollars en marketing et en incitations pour les chauffeurs et les coursiers en 2018. Cet écosystème très instable a toutes les chances de participer à la création d’une bulle spéculative sous la forme d’une pyramide de Ponzi. En effet, si nombre de ces entreprises sont incapables à moyen terme de produire un quelconque bénéfice, que leurs actifs sont surévalués et que les règles du jeu économique poussent les entrepreneurs à dépenser sans compter tout en accentuant excessivement les mérites de leurs produits, les marchés financiers risquent de connaître une nouvelle crise technologique comparable à celle de 2001.

    La stratégie économique de soutien massif aux start-ups adoptée par l’État français s’apparente ainsi fortement à une politique néolibérale. En effet, comme ont pu l’analyser Michel Foucault et Barbara Stiegler, le néolibéralisme, loin d’être favorable à un État minimal, comme le libéralisme classique, prône l’émergence d’un État fort capable de réguler l’économie et d’adapter les masses au sens de l’évolution capitaliste ; c’est-à-dire aux besoins du marché. Ce constat conduit l’auteure d’Il faut s’adapter (Gallimard, 2019) à affirmer que « la plupart du temps les responsables de gauche caricaturent ainsi le néolibéralisme en le prenant pour un ultralibéralisme lointain […] si bien que dès qu’un gouvernement fait appel à plus l’État, ces responsables croient que ça signifie que la menace ultralibérale a été repoussée ». De fait, plutôt que de considérer de facto une politique de soutien aux start-ups comme souhaitable et efficace, il conviendrait de rester prudent vis-à-vis de ce genre d’initiative. Une telle attitude serait d’autant plus vertueuse qu’elle permettrait de comprendre que « l’économie disruptive », loin de dynamiter les codes du secteur économique, imite sans scrupule les recettes du « monde d’avant ». Les concepts flous de « start-up » ou de « technologies de ruptures » y sont les nouveaux arguments d’autorité justifiant la destruction de nos écosystèmes, la disparition des petites entreprises et des services publics et la précarisation de pans entiers de la populations.

    NDLR :  Pour en savoir plus sur la différence entre libéralisme et néolibéralisme, lire sur LVSL https://lvsl.fr/limperatif-neoliberal-de-ladaptation-par-barbara-stiegler l’article réalisé par Vincent Ortiz et Pablo Patarin : L’impératif néolibéral de « l’adaptation » : retour sur l’ouvrage de Barbara Stiegler.

    #start-ups #France #État_français #schumpeters #entreprenariat. #jeunes_pousses #start-up_nation #French_Tech #Fleur_Pellerin #Innovation #Économie_numérique #French_Tech_Visa #licornes #innovation #subventions #réindustrialisation #bpi #Banque_Publique_d_Investissement #Caisse_des_Dépôts_et_Consignations #CDC #conversion_numérique #Transition_numérique #Cedric_O #passerelles_public-privé #SATT #Italie #mythe #chômage #désindustrialisation #qwant #souveraineté_technologique #start-up_mania #chômage_structurelle #plateformisation #Uber #Deliveroo #code_du_travail #Aircall #Voodoo #Tencent #healthtech #Owkin #Lucine #Icade #agents_publics #zeitgeist #Doctolib #AP-HP #COVID-19 #financiarisation #burn_rate #Theranos #Rifft #The_camp #AirBnb #Lyft #pyramide-de_Ponzi #néolibéralisme #économie_disruptive #services_publics

    • Paris - 29 Mars 2021 : Think Tec Summit, 10 000 start_ups pour changer le monde ! (Cérémonie).
      https://10kstartups-pour-changer-le-monde.fr

      La Tech au coeur de la relance économique ? 
Financement, impact, hypercroissance, Covid-19, jeunesse et relance, mixité, relocalisations dans les territoires d’industrie, biotech, souveraineté…
      Le 29 mars, La Tribune réunit l’ensemble de l’écosystème tech au Grand Rex de Paris pour le Think Tech Summit, l’événement de référence qui pense le futur de la French Tech, comme moteur de la relance, comme tremplin d’emplois, comme modèle d’insertion.
      https://www.youtube.com/watch?v=Xl3G02GYyY8

      15h00 - Keynote : Où va la French Tech ?
      15h20 - 11 licornes, et après ? Les défis de l’hypercroissance
      15h50 - Vaccins, médicaments : comment faire grandir les biotech ?
      16h20 - KEYNOTE : L’international avec Business France
      16h30 - La startup nation, moteur de la Relance ?
      17h00 - La tech peut-elle relancer les territoires d’industrie ?
      17h30 - KEYNOTE : Les startups contre Apple, un enjeu de concurrence
      17h45 - Cleantech, Enertech : quelles innovations de rupture ?
      18h15 - La souveraineté peut-elle se gagner par la technologie ?
      18h45 - KEYNOTE : Les années 20 seront exubérantes !
      19h00 - Cérémonie 10K
      20h00 - After Work « Think Tech Summit »

      L’apothéose d’une tournée dans toute la France et en Outre-Mer, pendant laquelle La Tribune et son jury d’experts ont entendu 180 pitchs et primé 48 lauréats dans six catégories.

  • Décret du 11 novembre : sacrifice des travailleurs vulnérables et mépris pour la démocratie en santé - Renaloo
    http://www.renaloo.com/actualites2/les-dernieres-actualites-

    ✅ Une fois encore, la démocratie en santé est bafouée durant cette crise, et les travailleurs les plus vulnérables, à risque de forme grave de Covid19, risquent de le payer cher.

    Renaloo est mobilisé depuis le tout début de la crise sur l’indispensable protection des travailleurs à risque de forme grave de Covid19 et des proches vivant sous le même toit qu’une personne vulnérable. Un feuilleton qui a d’ores et déjà comporté de nombreux épisodes(1). 

    Le décret paru le 11 novembre 2020 est un nouveau coup, qui sacrifie leur protection sur l’autel de la reprise économique. 

    ✅ Nous dénonçons tout d’abord un simulacre de concertation 

    Alors que nous l’attendions depuis le 16 octobre, le projet de décret n’a été communiqué à France Assos Santé que le 10 novembre, sans information sur les délais impartis pour sa relecture. Nous avons avec effroi constaté sa publication le 11/11 au matin.

    ✅ Une liste des pathologies à risque arbitraire, incohérente avec l’avis du HCSP du 29 octobre.

    Certaines des pathologies identifiées par le HCSP comme étant les plus à risque de forme grave sont même absentes du décret.

    ➡️ C’est le cas notamment de l’insuffisance rénale chronique(2), qui pourtant fait partie selon le HCSP des pathologies entrainant le sur-risque significatif le plus élevé (HR >5 au stade 5) et figure en quatrième position des comorbidités retrouvées chez les patients décédés de Covid19 en France(3).

    ✅ Les proches cohabitant avec des personnes fragiles sont à nouveau injustement exclus des dispositifs dérogatoires.

    Bien que la Direction Générale de la Santé ait demandé au HCSP de se prononcer sur l’activité professionnelle des personnes cohabitant avec les personnes à risque de forme grave de Covid19, son avis est totalement muet sur le sujet…

    ✅ Un texte qui n’impose pas le télétravail même s’il est possible

    Selon le décret, le télétravail, bien que présenté comme l’alternative prioritaire par le HCSP, n’est pas opposable à l’employeur. S’il réunit les "critères de sécurité renforcés", il peut exiger le retour en présentiel de son salarié même si le télétravail est possible. 

    ✅ Une opposition inconciliable entre les intérêts des employeurs et ceux des travailleurs vulnérables, qui conduira à des risques de discrimination et d’exclusion professionnelles.

    A compter du 1er janvier 2021, les conditions financières du chômage partiel évoluent :

    les salariés en chômage partiel ne toucheront plus que 60% (70% actuellement) de leur rémunération brute (100% s’ils sont au Smic)(4)
    les employeurs se feront rembourser 60% de l’indemnité versée (85% actuellement). Soit un reste à charge de 40% (15% actuellement)(5) 
    ➡️ L’employeur aura à sa charge une part croissante du chômage partiel et sera donc fortement incité à « encourager » au retour en présentiel.

    ➡️ Les pressions qui vont s’exercer sur les travailleurs vulnérables seront donc majeures : employeur + diminution de l’indemnisation.

    ➡️ Elles les conduiront à devoir faire des choix entre leur protection et leur santé d’une part, et leurs ressources et leur avenir professionnel d’autre part. 

    ➡️ Combien de conflits naitront entre employeurs et salariés à risque qui devront assumer de dénoncer l’insuffisance de protection dont ils font l’objet ?

    ➡️ Combien de travailleurs seront mis à l’index et promis à un départ imminent pour avoir tenté de faire valoir leurs droits ?

    #covid-19 #prévention #vulnérables #travail #chômage_partiel

  • Covid-19 : le Conseil d’Etat suspend les nouveaux critères de vulnérabilité pour accéder au chômage partiel, Bertrand Bissuel
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/16/covid-19-le-conseil-d-etat-suspend-les-nouveaux-criteres-de-vulnerabilite-po

    La décision de la haute juridiction administrative rétablit provisoirement un décret plus protecteur pour les salariés, et inflige un revers au gouvernement.

    Le gouvernement vient de subir un revers dans sa gestion de la crise sanitaire et économique. Saisi en référé, le Conseil d’Etat a suspendu, jeudi 15 octobre, plusieurs articles d’un décret du 29 août, qui restreignait les catégories de personnes ayant droit au #chômage_partiel en raison de leur #vulnérabilité face au Covid-19. Faisant suite à un recours de la Ligue nationale contre l’obésité et de plusieurs requérants individuels, cette décision contraint l’exécutif à revoir sa copie.

    Le texte contesté devant la haute juridiction administrative remplaçait un autre décret, en date du 5 mai, qui avait la vocation suivante : énumérer les situations où des salariés peuvent bénéficier du chômage partiel au motif qu’ils risquent de « développer une forme grave d’infection au SARS-CoV-2 » . Onze cas de figure avaient été prévus : être atteint d’un « cancer évolutif sous traitement » ou d’une « immunodépression », « présenter une insuffisance rénale chronique dialysé » , etc.

    Manque de justifications

    Durant l’été, le gouvernement avait décidé de réduire la portée de la mesure, en se prévalant notamment d’un avis du #Haut_Conseil_de_la_santé_publique. Le décret du 29 août avait donc eu pour effet de soustraire de la liste les personnes souffrant, entre autres, d’un diabète non équilibré, d’une pathologie chronique respiratoire ou d’obésité.

    Sitôt publié au Journal officiel, le texte avait suscité de vives critiques. Un tel arbitrage « pourrait avoir de graves répercussions » , avait déploré la Société de pneumologie de langue française. L’écrivain et médecin Christian Lehmann s’en était également ému dans une chronique mise en ligne sur le site du journal Libération.

    Dans l’ordonnance qu’il a rendue jeudi, le Conseil d’Etat a considéré que le gouvernement n’avait pas suffisamment justifié la cohérence des nouveaux critères choisis. Sa décision a pour effet de rétablir, provisoirement, les dispositions – plus protectrices – du décret du 5 mai. Jeudi, Olivier Véran, le ministre des solidarités et de la santé, a annoncé qu’il allait rectifier le texte incriminé, en concertation avec les associations concernées.

    #covid-19

  • Covid-19 : Emmanuel Macron choisit le couvre-feu pour tenter d’endiguer la deuxième vague
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/15/covid-19-emmanuel-macron-choisit-le-couvre-feu-pour-tenter-d-endiguer-la-deu

    Le président Emmanuel Macron lors d’un entretien à propos de la situation sanitaire, diffusé sur TF1 et France 2, le 14 octobre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

    Lors d’un entretien télévisé mercredi, le président de la République a jugé qu’un reconfinement général du pays « serait disproportionné ».

    Par Delphine Roucaute, Alexandre Lemarié et Olivier Faye

    La France s’apprête à replonger en apnée « au moins jusqu’à l’été 2021 » . Voilà le message qu’est venu annoncer Emmanuel Macron à ses concitoyens, mercredi 14 octobre, alors que l’épidémie de coronavirus retrouve selon les termes du chef de l’Etat une « situation préoccupante » sur le territoire national, avec près de 20 000 nouveaux cas déclarés par jour et une occupation à 32 % des services de réanimation dans les hôpitaux par des patients atteints du Covid-19 [60% en Seine-Saint-Denis, ndc] . « Nos soignants sont très fatigués (…) Nous n’avons pas de lits en réserve », a-t-il prévenu, alors que le virus s’est répandu sur l’ensemble du pays, empêchant ainsi des transferts de malades entre les régions.

    Le temps de l’insouciance, qui s’était ouvert durant l’été – M. Macron avait lui-même évoqué une « sortie de crise » , le 14 juillet – est désormais clos. « Nous sommes dans la deuxième vague. Le virus recircule très vite en Europe et dans notre pays » , a alerté le locataire de l’Elysée, lors d’un entretien sur TF1 et France 2. Ce qui l’amène, comme en Allemagne ou en Espagne, à imposer des mesures restrictives.

    Pour « freiner la diffusion du virus » , et ainsi « reprendre le contrôle », le président de la République a annoncé qu’un couvre-feu sera mis en place à partir de samedi, entre 21 heures et 6 heures, en Ile-de-France et dans huit métropoles : Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Etienne.

    Cette mesure de privation de liberté doit durer au moins quatre semaines. Si le Parlement l’autorise, le chef de l’Etat souhaite l’étendre sur six semaines, soit jusqu’au 1er décembre. Des dérogations seront possibles, uniquement dans certains cas, comme les travailleurs de nuit. En cas de non-respect du couvre-feu, des amendes de 135 euros seront délivrées ; elles pourront s’élever à 1 500 euros en cas de récidive.

    Pas question de mettre totalement le pays à l’arrêt
    Alors que l’instauration du couvre-feu a fait débat jusqu’au sein même du gouvernement, Emmanuel Macron a justifié cette mesure par la nécessité de « réduire les moments de convivialité » privés, qui sont « des vecteurs d’accélération du virus » , tout en permettant la continuité de la vie économique, sociale et éducative.

    Les écoles, lycées et universités resteront ouverts, a-t-il souligné. Pas question de mettre totalement le pays à l’arrêt, comme ce fut le cas lors de la première vague. A l’heure actuelle, « reconfiner le pays serait disproportionné », a estimé M. Macron, qui veut à tout prix éviter de recourir à cette extrémité, aux conséquences jugées désastreuses.

    En parallèle, le gouvernement a toutefois rétabli par décret lors du conseil des ministres l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du pays, qui lui permet de disposer d’un cadre juridique afin d’adapter les restrictions dans les mois à venir, allant jusqu’au confinement. Manière de se garder une marge de manœuvre, au cas où. « Si l’on ne veut pas devoir prendre des mesures plus dures, il faut respecter les règles » , a d’ailleurs mis en garde le chef de l’Etat. Son objectif étant de revenir à une situation de 3 000 à 5 000 nouveaux cas par jour et à 10 %-15 % de lits en service de réanimation occupés par des malades du Covid-19.

    Pour autant, Emmanuel Macron n’a pas interdit aux Français de partir en vacances à la Toussaint. Malgré les restrictions en vigueur, les déplacements entre les régions ne seront pas réduits, a-t-il indiqué. Une injonction contradictoire, en apparence, que le chef de l’Etat a assortie d’une recommandation appuyée, en demandant aux vacanciers de respecter scrupuleusement les gestes barrières lors de leurs déplacements pour ne pas propager le virus. En particulier lors des réunions de famille ou entre amis, durant lesquelles il a appelé à ne pas se rassembler à plus de six personnes. Une sorte de « en même temps » entre la préservation de certaines libertés et l’instauration de restrictions. Une stratégie résumée en une formule : « On n‘infantilise pas, on responsabilise. »

    StopCovid, « ça n’a pas marché »

    Autre nouveauté : Emmanuel Macron s’est converti au mea culpa. Sur la stratégie en matière de dépistage, d’abord – près de 1,4 million de tests sont réalisés chaque semaine en France. « On a rencontré de vraies difficultés » , a reconnu le chef de l’Etat, alors que les files d’attente se sont allongées devant les laboratoires d’analyse médicale pendant des semaines et que les délais pour obtenir un résultat excèdent parfois cinq ou six jours. « Nous allons rentrer dans une stratégie où on va pouvoir réduire drastiquement les délais » , a-t-il promis.

    Pour mieux suivre l’évolution du virus sur le territoire, l’exécutif veut miser sur les tests antigéniques, annoncés depuis septembre par le ministre de la santé, Olivier Véran, mais qui sont encore à l’état d’expérimentation. M. Macron a aussi évoqué un possible recours aux autotests, sur lesquels la Haute Autorité de santé ne s’est pas encore prononcée, contrairement aux tests antigéniques, dont les modalités du déploiement sur le territoire devraient être annoncées prochainement.

    Le chef de l’Etat a par ailleurs reconnu l’échec de l’application StopCovid lancée dans la foulée du déconfinement pour permettre de repérer les cas contacts de personnes positives au Covid-19. « Ça n’a pas marché » , a-t-il assumé à propos de cet outil qui, avec seulement 2,6 millions de téléchargements depuis juin, « a été beaucoup moins téléchargé » que dans les autres pays européens.

    Une nouvelle application, baptisée « Tous anti-Covid », doit voir le jour le 22 octobre, a annoncé le président de la République, et devrait fournir à ses utilisateurs des informations quotidiennes sur l’état de la pandémie ainsi que sur les lieux où se faire tester. Une manière, veut croire M. Macron, de contribuer à sa popularité, en espérant que les Français l’activent lorsqu’ils se trouveront dans des lieux fréquentés par du public comme les restaurants.

    Une crise « inégalitaire »

    Durement touchés par les nouvelles règles de couvre-feu, ces derniers pourront bénéficier, à l’image d’autres secteurs d’activité tels que l’événementiel ou le monde de la culture, de « dispositifs de soutien supplémentaires » , a avancé le chef de l’Etat, notamment à travers le recours au chômage partiel ou l’accès au fond de solidarité pour les entreprises. Ce qui n’a pas empêché les fédérations professionnelles du secteur hôtellerie-cafés-restauration (HCR) de déplorer « une fermeture déguisée » de leurs établissements.

    Les entreprises pourront par ailleurs proposer « deux à trois jours de télétravail par semaine » à leurs employés, a suggéré M. Macron, pour « réduire un peu la pression collective » , mais pas à temps plein. On a « besoin d’échanger avec les collègues de travail » , a justifié l’ancien ministre de l’économie. Un satisfecit pour le Medef. La branche parisienne de l’organisation patronale avait alerté sur le fait qu’un télétravail à 100 % pourrait aggraver la crise économique et « fragiliser encore les entreprises ».

    Accusé par ses contempteurs de mener une « politique antisociale » , Emmanuel Macron, enfin, a rejeté l’idée soumise, entre autres, par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, d’augmenter le revenu de solidarité active (#RSA) et d’étendre son versement aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. A la place, le locataire de l’Elysée a annoncé le versement durant les six semaines du couvre-feu d’une « aide exceptionnelle » de 150 euros par personne [pour payer l’amende, ndc] , plus 100 euros par enfant, pour tous les allocataires du RSA et des aides aux logements (APL).

    « Je préfère cette aide exceptionnelle massive plutôt qu’une transformation de nos minima sociaux » , a défendu M. Macron face à cette crise « inégalitaire » , a-t-il reconnu, pour les plus précaires. « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 » , a-t-il déploré, reconnaissant le « sacrifice terrible » vécu par cette génération, qui voit ses études et sa vie sociale entravée par la crise sanitaire, et son entrée sur le marché du travail compliquée par la crise économique.

    Présenter un profil rassembleur

    Tout au long des quarante-cinq minutes d’entretien, Emmanuel Macron s’est attaché à se montrer concret et précis, à l’image de son ancien premier ministre, Edouard Philippe, et il a assumé le terme de « couvre-feu », après avoir hésité en mars à prononcer celui de « confinement ». Le chef de l’Etat sait que la clarté et la pédagogie peuvent se révéler essentielles pour faire accepter aux Français de nouvelles mesures de restrictions de liberté, alors qu’une partie de l’opposition met en garde face à un risque de « jacquerie » .

    Depuis la rentrée, la stratégie de l’exécutif apparaissait aux yeux de beaucoup comme étant trop fluctuante. De la même manière, M. Macron a tenu à faire savoir que les élus locaux des métropoles concernées par le couvre-feu avaient été prévenus en amont de cette initiative. « Je vais demander à nos maires de nous proposer des plans de prévention » , a-t-il ajouté. Une façon d’inclure les collectivités. Pas question de rééditer l’épisode de la bronca des élus marseillais, le 23 septembre, suite à la fermeture des bars et des restaurants.

    Au moment où le pays affronte une crise multiforme, le chef de l’Etat s’est également efforcé de présenter un profil rassembleur. « Nous nous en sortirons les uns et les autres », a-t-il déclaré, en appelant les Français à « être une nation de citoyens solidaires » . Comme s’il s’agissait de se poser en père de la nation, à un an et demi de l’élection présidentielle.

    #crise_sanitaire #couvre-feu #gouvernement #économie
    #tests_antigéniques

    • Le lien social au défi du Covid-19, Le Monde, Editorial.

      Alors que tout est fait pour maintenir l’activité économique mais réduire au maximum les liens sociaux, amicaux et familiaux, Emmanuel Macron va devoir convaincre ceux qui vont subir les contraintes du couvre-feu de le faire avec le moins possible de mauvaise grâce.

      Editorial du « Monde ». La fête est finie. Emmanuel Macron l’a clairement signifié aux Français, mercredi 14 octobre, lors d’une interview télévisée qui restera marquée par l’utilisation d’un mot qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire : le « couvre-feu ». A compter de samedi, les habitants de la région Ile-de-France et de huit métropoles (Grenoble, Lille, Rouen, Lyon, Saint-Etienne, Aix-Marseille, Montpellier, Toulouse) devront, sauf bonnes raisons, cesser de circuler entre 21 heures et 6 heures du matin pour une durée de quatre semaines, que le chef de l’Etat veut prolonger à six, s’il obtient l’accord du Parlement.

      Après des résultats probants à Cayenne et en Guadeloupe, le couvre-feu est présenté comme une mesure « pertinente » pour gérer « la deuxième vague » de l’épidémie de Covid-19 qui plonge la France, comme beaucoup de ses voisins, « dans une situation préoccupante » . Moins pénalisant qu’un reconfinement généralisé, il va cependant aggraver dans les zones concernées la situation de secteurs déjà durement éprouvés. La restauration et les spectacles vont de nouveau faire l’objet de mesures de soutien public pour ne pas totalement sombrer. Leur moral est à zéro.

      Le couvre-feu va aussi peser sur le quotidien de millions de personnes, qui risque, jusqu’au mois de décembre, de se décliner en « métro, boulot, dodo ». Car tout est fait pour maintenir l’activité scolaire et économique et à l’inverse empêcher les réunions familiales et les fêtes entre amis. Gare, là encore, à la déprime collective.

      Pari éminemment difficile

      Pour Emmanuel Macron, le risque était grand que ces nouvelles mesures coercitives, en tout point contraires à sa volonté de restaurer la confiance en l’avenir, apparaissent comme la sanction d’une stratégie sanitaire déficiente. Les déboires actuels de plusieurs voisins européens, parmi lesquels la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont atténué ce procès. De même que la publication d’un rapport d’experts indépendants montrant que la France se situe dans la moyenne en matière de gestion de la crise. Le président de la République a, tout de même, dû reconnaître des ratés dans le déploiement des tests et un échec dans la mise en service de l’application StopCovid, qui va être revisitée.

      Son défi est à présent de convaincre ceux qui vont subir les contraintes du couvre-feu de le faire avec le moins possible de mauvaise grâce. Ce sera difficile, car le consensus scientifique s’est fissuré ; l’opinion publique est désormais partagée entre la peur que suscite le virus et la volonté de défendre le droit de vivre librement. Quant aux élus locaux, peu se sont montrés disposés à appuyer le gouvernement. Des tiraillements identiques sont constatés dans la plupart des démocraties qui subissent la deuxième vague épidémique.

      Le chef de l’Etat a su éviter deux écueils : l’infantilisation et la culpabilisation. Il n’a pas abusé du vocabulaire guerrier, contrairement à son intervention du 16 mars, dans laquelle, à six reprises, il avait employé le mot « guerre ». De même a-t-il évité de faire la morale aux jeunes, soulignant au contraire le « sacrifice terrible » auquel le virus les contraint. Représentant la France comme un bloc, « une nation de citoyens solidaires » , il a fait appel à « chacun d’entre nous » , en espérant que la société française sera capable, à l’épreuve de la crise, de retrouver le chemin du collectif – avec ce paradoxe qu’il faudra y parvenir en réduisant au maximum les liens sociaux, amicaux et familiaux. Un pari éminemment difficile au moment où l’écart va se creuser entre les métropoles, soumises au régime sévère du couvre-feu, et le reste du pays, qui vivra, lui, presque normalement.

    • " C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 parce que ce sont ceux qui vivent un sacrifice terrible. "

      Les propos dégueulasses du show présidentiel contre les assistés et le #RSA qu’il faut pas augmenter ni ouvrir aux moins de 25 ans sinon les pauvres vont pas prendre les emplois ont été assorti de l’annonce d’une prime de 150 euros qui devait être allouée aux allocataires des minima [Edit, non ! du seul RSA] et de l’#APL. Ben non, finalement, après les 100 milliards du plan de relance (assistance aux entreprises), ça couterait trop cher, les allocataires APL sont encore trop nombreux, ils n’auront pas ce one shot de 150 euros.
      La promesse d’une prime de 1500 balles aux soignants s’est traduite pour pas mal d’infirmières par des « bons d’essence de 30 euros ».
      Le bénéfice du #chômage_partiel (dont l’ampleur a été un événement tout à fait inédit de la politique sociale) a été enlevé à diverses catégories de personnes vulnérables au covid fin août.

      Ce qu’il reste du "peu importe combien ça coûte" , c’est les millions dépensés pour des tests mal conduits et le soutien aux entreprises. Ça commence à se voir.

      #argent_magique

  • Le Covid-19, une maladie socialement inégalitaire
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/09/le-covid-19-une-maladie-socialement-inegalitaire_6055347_3224.html

    L’enquête EpiCov, coordonnée par l’Inserm, dresse le premier portrait à grande échelle des personnes touchées par le virus, dans leur corps ou dans leurs conditions de vie.

    Cette photo était attendue depuis longtemps. Une image tout à la fois large et détaillée de l’impact de la pandémie de Covid-19 en France. Quelle proportion de la population avait été infectée par le virus ? Quelles professions, quels groupes sociaux, issus de quelles origines ? Mais plus largement encore, comment l’épidémie et les règles nouvelles qu’elle nous a imposées avaient-elles pesé sur la vie des Français, dans toute leur diversité ?

    Cette batterie de questions, l’enquête EpiCov, lancée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), avec le concours de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), de l’Insee et de l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF), y apporte une série de réponses éclairantes.

    Rendus publics vendredi 9 octobre par l’équipe d’épidémiologistes, de sociologues et de démographes qui y ont participé, les résultats de son premier volet dresse un tableau aussi contrasté que détaillé du pays frappé par le coronavirus.

    En mai, 4,5 % de la population de France métropolitaine avait été touchée par le virus. Les sérologies réalisées sur un échantillon représentatif de la population française de 15 000 personnes ont confirmé les résultats déjà avancés par l’Institut Pasteur pendant l’été. Autant dire que l’on était loin, très loin, d’une quelconque immunité de groupe, évaluée à environ 60 % de la population.

    Importance de la transmission familiale

    Ce chiffre brut cache toutefois des réalités diverses, détaillées dans une publication de la Drees. Sans surprise, la géographie de la séroprévalence suit celle des hospitalisations et des décès observés pendant la première vague. La proportion de personnes positives varie ainsi de 1,5 % en région Bourgogne-Franche-Comté à 6,7 % dans le Grand-Est et 9,2 % en Ile-de-France. Au niveau départemental, le Haut-Rhin reste le plus frappé, avec une prévalence de 10,6 %, suivi par les départements de la petite couronne (9,5 %) et Paris (9 %). En cette fin de printemps, les Bouches-du-Rhône et leurs 3,5 % semblaient relativement épargnés.

    Moins attendus sont les résultats par catégorie d’âge. Lors de cette première vague, le virus a ciblé en premier lieu les 30-49 ans (6,5 %). A l’inverse, seulement 1,3 % des personnes âgées de plus de 65 ans ont été infectées. « Les premiers, au cours de la vie active, ont pu avoir plus de contacts , propose la Drees. A l’inverse, les personnes les plus à risque de développer une forme grave de la maladie, et particulièrement les plus âgées, ont été invitées à moins sortir de chez elles. » Compte tenu du tribut déjà payé par ces dernières, on imagine à quoi elles ont échappé.

    Les autres éléments du portrait-robot du Français le plus touché mélangent des traits attendus et de vraies surprises. Il s’agit plutôt d’une femme (5 % de prévalence contre 3,9 % pour les hommes, alors même que ces derniers développent beaucoup plus de formes graves), travaillant dans une profession essentiellement dans le domaine du soin (11,4 %), diplômée (6,2 % chez les « bac + 3 » et plus), vivant dans une commune très dense (6,4 %), un quartier prioritaire (8,2 %) et surtout dans un logement « surpeuplé » , soit moins de 18 mètres carrés par personne (9,2 %).



    Infographie Le Monde
    Ce Français type partage par ailleurs son foyer avec un autre cas suspect (12,9 %), témoignant de l’importance de la transmission familiale.

    « Le confinement a profité aux plus riches »

    Quant à sa couleur de peau, elle est plutôt foncée, puisque la prévalence est de 9,4 % chez les immigrés d’origine non européenne, de 6,2 % chez leurs enfants, de seulement 4,8 % chez les immigrés européens et de 4,1 % chez ceux dont les parents sont nés en France. Ce résultat rejoint les enquêtes réalisées notamment aux Etats-Unis, qui constatent la surreprésentation des populations noires et hispaniques parmi les malades.

    Surprise en revanche, les niveaux de vie les plus touchés sont aux deux extrêmes du spectre, les 10 % les plus pauvres (5,7 %) et les 10 % les plus riches (6 %), contre environ 3 % pour les quatre déciles médians. Un phénomène vraisemblablement lié à la nature des interactions sociales dans ces deux groupes, que pourrait expliquer une autre enquête de l’Inserm, en cours de publication. Baptisée Sapris, celle-ci a suivi 66 000 personnes avant et pendant le confinement. En mars, ce sont les classes favorisées qui déclaraient le plus de symptômes ; en mai, c’était l’inverse. « Le confinement a été efficace, c’est indéniable, mais il a surtout profité aux plus riches , commente Nathalie Bajos, de l’Inserm, coordinatrice de Sapris et d’EpiCov. Socialement, il a même creusé les inégalités. »

    Ce constat dressé sur le statut sérologique, l’enquête EpiCov le prolonge cette fois au niveau des conditions de vie. Dans ce second volet, publié dans la revue Questions de santé publique, les chercheurs ont interrogé en mai un échantillon aléatoire de 135 000 personnes, redressé par l’Insee pour obtenir une estimation représentative de la population. De quoi analyser tout à la fois « l’effet des conditions de vie sur l’exposition au virus et, réciproquement, ceux de l’épidémie sur les conditions de vie » , indique l’article.

    Les immigrés en première ligne

    Le paysage social dans lequel intervient le confinement se révèle particulièrement contrasté. Ainsi le surpeuplement dans le logement, facteur de risque établi : il touche 23 % des ouvriers qualifiés contre 11 % des cadres. En zoomant encore, on constate que 21 % des personnels de nettoyage, 18 % des aides à domicile, 20 % des ouvriers du bâtiment vivent dans cette promiscuité. La proportion passe à 29 % chez les 10 % des personnes aux revenus les plus faibles, et à 41 % chez les immigrés non européens de première génération (30 % pour la seconde). De plus, ces derniers sont 71 % à habiter dans une commune « très dense » , autre critère favorable à la contamination, contre 31 % pour les non-immigrés. Des contrastes dont l’ampleur a surpris les auteurs, qui sont pourtant habitués aux études sur les inégalités.

    D’autant que ces inégalités ont été renforcées par le confinement, constate l’enquête. Pas celles de genre : assez étonnamment, là où les crises frappent souvent d’abord les femmes, les deux sexes semblent avoir été cette fois pareillement affectés, du moins pour ce qui est du travail et des revenus ici observés. On trouve ainsi une même proportion d’hommes et de femmes (31 %) ayant dû continuer à travailler continûment à l’extérieur pendant le confinement.

    A l’inverse, les distinctions sociales, professionnelles ou d’origine apparaissent criantes. Ainsi 50 % des cadres ont pu télétravailler, contre 1 % des ouvriers. Là encore les immigrés sont en première ligne : ils sont les moins nombreux à avoir travaillé à distance (15,4 %) et les plus nombreux à n’avoir pas pu travailler du tout (18,4 %).
    Les chercheurs constatent toutefois que les dispositifs d’aide mis en place par l’Etat, et notamment le chômage technique ou partiel, ont bien rempli leur office, en protégeant les plus faibles : 42 % des plus pauvres ont pu en profiter contre 24 % des plus riches, 23 % des ouvriers (contre 7,8 % des cadres supérieurs) mais encore 45 % des immigrés non européens et plus de 50 % des ouvriers.

    « Un effet cumulatif des inégalités sociales »

    Les personnes exerçant une profession considérée comme essentielle présentent un profil évidemment particulier : 70 % d’entre elles ont ainsi travaillé à temps plein sur le lieu de travail. « Sans l’intervention des autorités en faveur du maintien de l’activité économique, ces inégalités se seraient sans doute aggravées davantage » , insiste les chercheurs.



    Infographie Le Monde

    Une façon de souligner que, malgré ces dispositifs, elles se sont déjà aggravées. En effet, si une personne sur quatre déclare avoir vu sa situation financière se dégrader, elles sont 38 % à le penser chez les plus pauvres (20 % chez les plus aisés), 32 % chez les titulaires de BEP ou de CAP (22 % chez les « bac + 5 ») et 38 % chez les immigrés non européens (27 % chez les Français nés de parents français).

    En réalité, c’est à « un effet cumulatif des inégalités sociales » que conclut ce premier volet de l’enquête. Ainsi, « les groupes sociaux les plus concernés par le risque d’exposition, qui adoptent tout autant les gestes barrières, sont aussi ceux qui ont été les plus contaminés par le virus » , insiste l’enquête dans sa conclusion. Ce sont eux qui enregistrent, par ailleurs, le plus de pathologies associées, « au risque de développer des formes graves de la maladie » . Eux enfin qui ont « connu une dégradation particulièrement marquée de leur situation financière » pendant le confinement.

    Pauvres, urbains, mal-logés, immigrés… Seront-ils aussi les plus affectés dans la durée ? Réponse dans quelques mois, après la seconde vague de réponses, prévue plus tard cet automne.

    Premiers résultats des enquêtes de santé publique de l’Inserm sur la Covid-19 : facteurs de risque individuels et sociaux
    https://presse.inserm.fr/premiers-resultats-des-enquetes-de-sante-publique-de-linserm-sur-la-covid-19-facteurs-de-risque-individuels-et-sociaux/41032

    #enquête #EpiCov #covid-19 #crise_sanitaire #travail #pauvreté #santé #immigrés #pauvres #confinement #soignants #ville #télétravail #chômage_partiel #gouvernement

    • Covid-19 : « Cette enquête déconstruit certains discours sur la surexposition des immigrés »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/covid-19-cette-enquete-deconstruit-certains-discours-sur-la-surexposition-de

      La sociologue Nathalie Bajos et l’anthropologue et démographe François Héran commentent une vaste enquête épidémiologique sur les inégalités sociales face au coronavirus.
      Propos recueillis par Nathaniel Herzberg

      Directrice de recherche à l’Inserm, la sociologue Nathalie Bajos a coordonné l’enquête « Epidémiologie et conditions de vie » (EpiCov) sur la France à l’heure du Covid-19. Démographe et anthropologue, professeur au Collège de France, François Héran en a coprésidé le conseil scientifique.

      Qu’est-ce qui fait l’originalité de cette étude dans le paysage du Covid-19 ?

      Nathalie Bajos : C’est une des très rares enquêtes qui aborde simultanément les enjeux sociaux et épidémiologiques et c’est toute sa richesse. Cela permet de comprendre avec les analyses sociologiques la réalité des données de séroprévalence de l’épidémie. Sur le Covid, je pense que c’est unique. C’est ce qui permet de déconstruire certains discours établis, par exemple sur les raisons de la surexposition des immigrés. L’autre richesse, c’est le dispositif mis en place grâce à l’Insee, qui a permis d’obtenir un échantillon très conséquent de 135 000 personnes parfaitement représentatif de la diversité de la population française.

      François Héran : C’est l’une des plus grosses enquêtes jamais réalisée en France, hors recensement, conduite qui plus est en un temps record. Avoir réussi à faire de notre belle statistique administrative habituée à son propre rythme un outil d’urgence qui puisse aider à la décision, c’est exceptionnel.

      Comment cela a-t-il été possible ?

      N.B. : Par une réactivité de toutes les instances, qu’elles soient statistiques ou épidémiologiques. Ce qui prend des mois a été fait en quelques jours. Tous les acteurs ont joué le jeu. La CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés], par exemple, a répondu en vingt-quatre heures. Et l’équipe de chercheurs a travaillé nuit et jour pour être dans les temps du confinement. Sortir en octobre des données de mai, ça peut sembler long ; mais pour la recherche, c’est du jamais-vu. Et l’Inserm nous a permis de recruter quelqu’un, là encore en vingt-quatre heures. Impensable en temps normal.

      F.H. : C’est donc possible ! Je connais la lourdeur des dispositifs et, franchement, je n’y croyais pas.

      Pourquoi ne pas être passé par les grandes cohortes épidémiologiques existantes ?

      N.B. : Nous y avons pensé car elles fonctionnent déjà, avec des personnes prêtes à répondre. De plus, elles disposent déjà de données de santé et de données sociales préexistantes à l’épidémie. Nous l’avons fait avec l’enquête Sapris. Mais une cohorte, ce n’est pas représentatif de la population : ce sont des volontaires, motivés, avec un rapport à la santé sans doute particulier. Josiane Warszawski, coresponsable de l’enquête, a eu l’idée de lancer cette enquête en population générale.

      Ce croisement des approches, qu’a-t-il apporté ?

      F.H. : Il a permis de mettre en perspective les différents indicateurs, en sortant qui plus est des catégories habituelles. Savoir par exemple que 21 % des agents de nettoyage vivent en logement surpeuplé, on n’en avait aucune idée précise. On comprend alors tout de suite que ces personnes cumulent deux risques de contamination.

      N.B. : C’est aussi grâce à ce croisement que l’on a pu mettre en évidence le caractère cumulatif des facteurs de vulnérabilité. On comprend alors la place de la question des origines dans ce paysage. Les données épidémiologiques constatent un gradient spectaculaire entre les immigrés de première génération non européenne, leurs enfants, puis les immigrés européens et leurs enfants. C’est très frappant. Le risque, c’est d’essentialiser ces résultats. Mais, si l’on tient compte de la structure professionnelle, des revenus, des conditions de logement, qui sont ici documentés, il n’y a plus d’effet immigré. D’autant que l’enquête a montré qu’ils respectent autant que les autres les gestes barrières (masque, gel, distanciation physique), comme globalement les catégories populaires, d’ailleurs…

      F.H. : On sait depuis longtemps que les immigrés qui arrivent en France ont en réalité été sélectionnés : ce sont ceux qui sont en meilleure santé. Mais, au cours de leurs premières années ici, leur situation se dégrade et leur état de santé devient nettement inférieur à celui de la population d’accueil. Dans cette enquête aussi, ce sont ces conditions de vie qui expliquent les écarts, pas l’ Homo arabicus , l’ Homo ottomanius , ou que sais-je… Toute chose égale par ailleurs, le Covid ne fait pas la différence. Mais pour démontrer que l’origine ne joue pas, encore faut-il disposer de la variable de l’origine.

      La statistique publique le permet-elle ?

      F.H. : Oui, sous le régime de la dérogation. Normalement, on ne peut traiter aucune donnée personnelle qui permette d’identifier toute sorte d’appartenance : les origines, l’apparence ethno-raciale mais aussi l’orientation sexuelle, l’état de santé, les positions politiques. Mais nous travaillons tous sous le régime de la dérogation, et la CNIL les accorde en fonction de la finalité de l’enquête, de l’anonymat, de la taille de l’échantillon, des conditions de protection des données, du consentement des personnes…
      Les questions des origines migratoires ont longtemps été difficiles à faire accepter, mais comme tous les autres pays européens le faisaient, la CNIL a entendu l’argument de la comparabilité internationale. On a même pu faire exceptionnellement accepter, dans le cadre d’une enquête sur l’excision, que soit précisée l’ethnie d’origine des femmes. Et depuis 2003, dans toutes les grandes enquêtes de l’Insee, on relève le pays de naissance et la première nationalité des personnes interrogées et de leurs parents.

      Dans cette enquête, disposer de telles données a-t-il posé des difficultés ?

      N.B. : Oui. La Drees [direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé] considérait que ces données n’étaient pas prioritaires, qu’il fallait aller vite et qu’on intégrerait ces questions dans un second temps. Pour nous, c’était au contraire fondamental. Cela a été arbitré… en haut lieu.

      F.H. : Ensuite, nous avons eu une discussion sur les catégories. Nous voulions distinguer immigration visible et non visible. Eux ont voulu en rester à la séparation entre Européens et non-Européens. Les personnes nées aux Etats-Unis ou en Australie se retrouvent donc avec celles originaires du Sénégal ou du Maroc. Nous avons cédé pour que les choses avancent. Mais cela traduit la frilosité d’une partie de la statistique publique. Eviter les difficultés, les sujets qui fâchent.
      Et puis c’est l’éternel problème du modèle républicain que l’on peut voir de deux manières : soit par la répétition inlassable de cet idéal qui doit s’imposer à tous, soit par la mesure de l’écart entre l’idéal et la réalité. Pour moi, la statistique est un bien public, qui doit obliger l’Etat à rendre des comptes. L’Etat doit être comptable dans les deux sens du terme : capable de compter et capable de rendre des comptes. Sur ce second terrain, il reste du chemin à faire.

      Dans ses résultats, l’enquête vous a-t-elle réservé des surprises ?

      N.B. : On n’a pas l’habitude d’observer des résultats aussi nets. Pour beaucoup d’indicateurs, en particulier pour les facteurs d’exposition au virus, on observe des gradients sociaux dont on rêverait pour faire des cours de sociologie. En revanche, et cela a été pour moi une vraie surprise, on n’a pas constaté de différence hommes-femmes. Pas dans les conditions de vie ni dans l’obligation de travailler à l’extérieur. Bien sûr il y a les caissières, les aides-soignantes, les aides à domicile, mais de l’autre côté, il y a les livreurs et les magasiniers, les conducteurs de bus, les agents de sécurité.
      Finalement, les professions essentielles reflètent la partition genrée du monde professionnel mais il y en a des deux côtés. Sur la séroprévalence, en revanche, il y a une petite surexposition des femmes, que nos données sociologiques n’expliquent pas.

      D’autant que les cas graves et les décès touchent d’abord les hommes…

      N.B. : C’est vrai. Pour les comprendre, on a des explications médicales, comme les facteurs de comorbidité ou des hypothèses hormonales. Mais il faudrait aussi analyser toutes les étapes d’accès au système de perception des symptômes, au système de dépistage, au système de soin… Encore un long travail à entreprendre.

    • Covid-19 : une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie
      https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/covid-19-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-e

      Les résultats de l’enquête CoviPrev couvrent les thématiques suivantes : santé mentale, adoption des mesures de prévention, addictions, alimentation et activité sportive.

      Prévalences et évolutions des indicateurs de santé mentale et des problèmes de sommeil (% pondérés), Enquête CoviPrev, France métropolitaine, 2020

      Prévalences et évolutions de l’adoption systématique des mesures de protection (% pondérés), Enquête CoviPrev, France métropolitaine, 2020

      #santé_mentale #prévention #enquête_CoviPrev #CoviPrev

    • Enquête Epicov :

      Lors de cette première vague, le virus a ciblé en premier lieu les 30-49 ans (6,5 %). A l’inverse, seulement 1,3 % des personnes âgées de plus de 65 ans ont été infectées.

      Un mode vie moins exposé (moins mondain, plus isolé), et sans doute davantage de précautions prises. Sans cette disproportion quel aurait été le nombre de morts ?

      Le port du masque est pratiqué à 74%, en tête de l’ensemble des gestes barrières (CoviPrev).
      Je ne me souviens pas avoir vu évalué l’ampleur de la diminution des symptômes que le port du masque permet, mais le plus spectaculaire (nombre de lits de réa occupés) et le plus violent (décès) devrait être assez différent de ce qui s’est passé au printemps dernier pour la vague en cours. Même si ça va être aggravé par le manque de soignants.

    • Les auteurs de l’étude en profitent pour tordre le cou à une « idée en vogue depuis le début de l’épidémie mais non moins fausse » , à leurs yeux. « La ville dense n’est pas mortifère en soi, elle n’est pas facteur direct de contagiosité » , affirme Guy Burgel. Preuve en est, « la Seine-Saint-Denis a une densité deux fois moindre mais est beaucoup plus affectée que la ville de Paris » . Pierre-Régis Burgel insiste : « On ne peut pas dire qu’on a plus de risque de mourir du Covid à Paris qu’en Creuse ! Le risque de la grande ville existe pour les précaires. Il n’existe pas pour ceux qui ont les moyens de respecter la distanciation sociale. »

      Si la population est plus jeune dans les zones les plus touchées, ce sont majoritairement les personnes les plus âgées qui sont décédées. Les plus de 65 ans représentent entre 75 % et 90 % des décès, avec un indice moyen de surmortalité de 134. L’épidémie « ne paraît pas avoir entraîné une mortalité particulière chez les “premiers de corvée” (logistique, services banals, personnels soignants, etc.) » qui ont pourtant maintenu leur activité « dans des conditions de transports collectifs et de travail souvent difficiles » , note les chercheurs.


      Extrait d’un article du Monde Dans le Grand Paris, les personnes âgées défavorisées premières victimes du Covid-19 disponible là
      http://www.pierremansat.com/2020/11/sur-le-monde.fr-dans-le-grand-paris-les-personnes-agees-defavorisees-p
      comme le signale @marclaime https://seenthis.net/messages/884579

  • Covid-19 : les salariés vulnérables sacrifiés ? | Santé & travail
    http://www.sante-et-travail.fr/covid-19-salaries-vulnerables-sacrifies

    Privés d’accès au chômage partiel à la suite d’une décision gouvernementale, de nombreux salariés jugés vulnérables face au Covid-19 vont devoir reprendre le travail. Sans garantie sur la possibilité d’assurer leur protection. Un casse-tête pour les médecins du travail.

    https://www.sante-et-travail.fr/sante-et-travail-ndeg-111


    #Covid-19 #chômage_partiel #santé&travail #revue

  • Chiffres du chômage, plan de relance... On oublie encore les chômeurs !
    https://www.youtube.com/watch?v=nB3-YxZtVoI

    Le MNCP, par l’intermédiaire de son président Pierre-Edouard Magnan, s’exprime sur les derniers chiffres du #chômage ainsi que sur le plan de relance annoncé par le gouvernement et sensé s’attaquer au chômage de masse avec la création de 160.000 emplois et des budgets accrus pour la formation.

    https://www.mncp.fr

    J’ai rendez-vous chez pôle-emploi www.facebook.com/charlieetstylo

    https://www.youtube.com/watch?v=enNMunrg93Q&feature=emb_rel_end

    Une chanson d’occasion plutôt qu’un boulot d’occasion
    https://www.franceinter.fr/emissions/rendez-vous-place-du-marche/rendez-vous-place-du-marche-21-aout-2020

    En 3 ans, plusieurs dizaines de personnes, 74 en tout, qui n’avaient plus travaillé parfois pendant des années, ont retrouvé une activité, un C.D.I. même ! Un contrat à durée indéterminée. Des salariés de « l’ESIAM », l’Entreprise solidaire d’Initiatives et d’Actions Mauléonnaises, une entreprise d’un nouveau genre, sont là au marché de Mauléon, parmi la dizaine d’exposants. On va aussi rencontrer des paysans qui cultivent des potagers participatifs et solidaires pour les redistribuer aux personnes dans le besoin. Et on rêvera un peu avec un artiste qui collecte nos histoires, pour en faire des spectacles ! Et en fin d’émission, ça va swinguer sur des airs de jazz manouche !

    Une chanson d’occasion plutôt qu’un boulot d’occasion
    https://www.youtube.com/watch?v=bEu2bKoAwEI


    #mncp #pôle_emploi

    • Covid-19 : les salariés vulnérables sacrifiés ?
      par Nolwenn Weiler / 18 septembre 2020
      https://www.sante-et-travail.fr/covid-19-salaries-vulnerables-sacrifies

      Privés d’accès au chômage partiel à la suite d’une décision gouvernementale, de nombreux salariés jugés vulnérables face au #Covid-19 vont devoir reprendre le #travail. Sans garantie sur la possibilité d’assurer leur protection. Un casse-tête pour les #médecins_du_travail.

      Publié le 29 août pour une application au 1er septembre, un décret ministériel est venu restreindre la liste des salariés vulnérables ayant droit au #chômage_partiel. Des onze critères de vulnérabilité identifiés par le Haut Conseil à la santé publique au mois d’avril, le gouvernement n’en retient plus que quatre. Les personnes obèses ou les diabétiques ne font plus partie de celles qui peuvent bénéficier du chômage partiel. Celles en insuffisance respiratoire non plus. Exit également les salariés ayant un proche susceptible de développer une forme grave de Covid-19.
      Pour être considéré comme « vulnérable », il faut désormais être atteint d’un cancer en cours de traitement ; souffrir d’une immunodépression ; avoir 65 ans ou plus et un diabète associé à une obésité ; être dialysé ou présenter une insuffisance rénale chronique sévère. « Les personnes autorisées à rester chez elles ne peuvent, dans la majorité des cas cités, pas travailler », remarque Dominique Fasola, médecin du travail coordonnateur du Service interprofessionnel de médecine du travail (SIMT), en Seine-et-Marne. « Cette liste très limitative protégera peu de salariés, car ces personnes étaient probablement déjà exclues du monde du travail avant la crise sanitaire », appuie le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) dans un communiqué de presse publié le 16 septembre.
      Une décision sans fondements scientifiques

      Sur quelles données scientifiques le gouvernement s’est-il appuyé pour prendre sa décision ? Mystère. Le 31 août, dans un communiqué de presse accompagnant la sortie du décret, les ministres du Travail et de la Santé affirment être « en cohérence » avec les préconisations du Haut Conseil à la santé publique (HCSP). Mais le 2 septembre, celui-ci publie un avis qui conclut à « l’impossibilité de distinguer des personnes à très haut risque vital » et qui invalide, de fait, l’opportunité de faire des distinctions parmi les personnes à risque de forme grave de Covid-19. Le Haut Conseil avait fait part de cet avis au ministère de la Santé dès le 23 juillet…
      « Ce passage de onze à quatre critères, c’est une décision purement financière qui n’est pas basée sur des critères médicaux », tranche Jean-Dominique Dewitte, médecin du travail et président de la Société française de médecine du travail (SFMT). L’incompréhension est d’autant plus importante que, ces dernières semaines, le risque d’être exposé au virus a beaucoup augmenté. « L’épidémie reprend, s’inquiète Mélissa Menetrier, médecin du travail. J’espère qu’ils vont changer leur fusil d’épaule si cela s’aggrave. »
      En attendant, que peuvent faire les médecins du travail ? « On est un peu démunis, répond Mélissa Menetrier. La seule marge de manœuvre, outre le télétravail, c’est l’aménagement des postes, avec une vigilance sur les gestes barrières, ainsi que sur le port du masque dans les lieux clos et les transports. » S’ils représentent pour le moment la solution la plus évidente, les aménagements de poste supposent « une bonne qualité de dialogue au sein des entreprises », pointe Dominique Fasola, car ils peuvent réellement éprouver les collectifs. « Quelles contraintes supplémentaires impose cet aménagement ? Quand une personne se retrouve seule dans son bureau et que, par ailleurs, ses collègues sont contraints de porter un masque, comment le vivent-ils ? », s’interroge le médecin.
      Mise en danger

      « Tous les postes de travail ne peuvent pas être aménagés », reprend Mélissa Menetrier. Dans les usines, au niveau des chaînes de production ; sur les chantiers de construction, où l’on porte des charges à plusieurs et où l’on se passe les outils ; dans les petites pièces où les saisonniers agricoles font leurs poses : comment fera-t-on pour appliquer les gestes barrières ? A cela s’ajoutent les risques d’exposition dans les transports collectifs empruntés pour venir travailler. « Un système de santé n’a pas à pénaliser et mettre en danger les personnes qui ne peuvent pas télétravailler », proteste le SNPST dans son communiqué, qui demande à repousser l’application du décret ministériel.
      « La situation est vraiment compliquée, nous sommes coincés, analyse Mélissa Ménétrier. Il y a bien les arrêts de travail [que seuls les médecins traitants peuvent prescrire depuis le 1er septembre, NDLR], mais ils ne sont pas une solution à long terme, puisque de nombreux salariés sont moins bien payés que lorsqu’ils sont en chômage partiel. De plus, comme les personnes ne sont pas malades, s’il y a un contrôle du médecin-conseil, je ne suis pas sûre que cela passe. Avec ce nouveau décret, on accepte en fait de sacrifier une partie des salariés, en les obligeant à retourner travailler. »
      Qui plus est, les salariés vulnérables qui retournent sur le lieu de travail devront composer avec le fait que leurs employeurs connaissent désormais leurs problèmes de santé. Les certificats d’isolement, qui leur ont été délivrés auparavant et qui leur donnaient droit au chômage partiel, ont été présentés aux employeurs, écornant ainsi le secret médical… Au-delà des aspects juridiques, que feront les employeurs de ce type d’information ?

  • Chômage : retour sur 40 ans de droits rognés pour les plus précaires | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/chomage-retour-40-ans-de-droits-rognes-plus-precaires/00093071

    Depuis 1979, la logique assurantielle de l’Unédic s’est perdue en route, pénalisant les chômeurs les plus précaires. Une étude de l’Ires constate qu’ils sont beaucoup moins bien indemnisés qu’en 1979, alors que les salariés stables, eux, ont gardé quasiment les mêmes droits. Et la tendance pourrait s’aggraver avec la dernière réforme.

    Les trous dans le filet de protection sociale sont de plus en plus grands. Et les chômeurs, en particulier, ont du souci à se faire. Pour cause de confinement, seule une partie de la réforme de l’assurance chômage, imposée par décret par le gouvernement l’année dernière, a été mise en œuvre. Depuis novembre dernier, les conditions pour toucher une allocation ont été durcies https://www.alternatives-economiques.fr/assurance-chomage-une-reforme-sanglante/00090433 : il faut désormais avoir cotisé plus longtemps (six mois au lieu de quatre) sur une période plus courte (24 mois au lieu de 28) pour y être éligible.

    Autre nouveauté, les indemnités des chômeurs qui avaient les salaires les plus élevés sont désormais dégressives, c’est-à-dire qu’elles diminuent au bout du 7e mois. Là encore, la crise sanitaire a offert un léger sursis aux chômeurs et cette disposition a été suspendue pour le moment. Le deuxième volet de la réforme, qui devait entrer en vigueur le 1er avril, a de son côté été reporté au 1er septembre. C’est lui qui comporte les éléments les plus restrictifs : la formule de calcul des indemnités a été changée https://www.alternatives-economiques.fr/gouvernement-taxe-chomeurs/00089668 et pénalisera très fortement les travailleurs précaires, ceux qui font de nombreux allers-retours entre emploi et chômage.

    Des discussions sont en cours entre le gouvernement et les partenaires sociaux pour savoir si toutes les modalités de cette réforme seront maintenues ou non après la crise sanitaire. La ministre du Travail fera sans doute des concessions, mais il est peu probable qu’elle renonce complètement à cette réforme. Et ce sont les chômeurs les plus vulnérables qui en feront sans doute les frais https://www.alternatives-economiques.fr/oublies-de-pole-emploi/00092637. Ceux-là mêmes qui ont déjà subi les effets des précédentes réformes de l’assurance chômage.

    En effet, tous les demandeurs d’emploi ne sont pas égaux face au serrage de vis. Les droits des salariés qui se retrouvent au chômage après une longue période d’emploi ont été assez peu rognés par les multiples réformes de l’assurance chômage qui se sont succédé. On ne peut malheureusement pas en dire autant de ceux qui ont connu des périodes d’emploi en pointillé. Et ils sont de plus en plus nombreux…

    C’est ce que montre une récente étude http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6177-quelle-evolution-des-droits-a-l-assurance-chomage-1979-2020 qui passe au crible 40 ans de réformes de l’assurance chômage. Ce travail, réalisé pour l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), et soutenu par la CGT, est intéressant à plus d’un titre. « Alors qu’on constate une réduction de la durée des contrats et une forte augmentation des recrutements en contrat de moins d’un mois, les règles d’indemnisation évoluent dans le sens d’une moindre couverture des salariés qui occupent ces types de contrat », constatent les sociologues Mathieu Grégoire et Claire Vivès, ainsi que l’économiste Jérôme Deyris. Démonstration en deux points.

    1/ Jamais aussi peu de chômeurs n’ont été indemnisés

    Officiellement, tout va bien. Fin septembre 2019, dernier chiffre connu, « 70,5 % des demandeurs d’emploi sont indemnisables » 1. C’est Pôle emploi qui le dit, à grand renfort de courbes opportunément orientées vers le haut depuis 2014. Ça tombe bien, 2014 c’est l’année de mise en œuvre de la dernière réforme de l’assurance chômage, celle qui a institué les droits dits « rechargeables »2.

    Concrètement, si un chômeur retrouve un emploi avant d’avoir épuisé ses droits, il ne les perd pas. S’il retourne ensuite au chômage, sa durée d’indemnisation sera plus longue. Un système jugé plus incitatif au retour à l’emploi que le mécanisme précédent. Et l’objectif de cette réforme était notamment d’améliorer la couverture des chômeurs précaires, autrement dit de leur permettre de bénéficier plus facilement d’une indemnité. Ce que semblent confirmer les statistiques de Pôle emploi.

    Sauf qu’« indemnisable » ne veut pas dire « indemnisé ». On peut être indemnisable et ne pas toucher d’allocation chômage. D’ailleurs, parmi les indemnisables, il y a de moins en moins d’indemnisés… Tout cela peut sembler un peu confus. Et il n’est pas exclu que ce soit voulu. Pourquoi ne pas simplement calculer la part des chômeurs indemnisés dans l’ensemble des chômeurs ? C’est ce que faisait la Dares, le service statistique du ministère du Travail, jusqu’en 2016.

    Mais depuis, changement de méthodologie : on compte désormais en plus des indemnisés ceux qui ont droit à une indemnité, mais ne l’ont pas touchée durant le mois, pour diverses raisons (activité réduite, différé d’indemnisation, délai d’attente, sanction, prise en charge par la Sécurité sociale...)3.

    Pour combler ce trou dans la raquette de la statistique publique, Mathieu Grégoire, Claire Vivès et Jérôme Deyris ont reconstitué une série inédite et calculé la part des chômeurs indemnisés depuis 1985. Résultat : loin des 70 % affichés par Pôle emploi quand il parle d’« indemnisables », c’est en fait à peine plus d’un chômeur sur deux qui est indemnisé, que ce soit par l’assurance chômage ou par l’Etat – qui distribue une allocation aux demandeurs d’emploi qui arrivent en fin de droits (ASS). Ce « taux de couverture » n’a jamais été aussi faible qu’en juin 2018, dégringolant à 49,5 %. Le précédent point bas (à 51,8 %) datait de septembre 1998. Depuis, il connaît un léger rebond lié à la baisse du nombre de chômeurs en 2018 et 2019.

    Cette couverture des chômeurs indemnisés a notamment baissé de plus de 20 % entre 2003 et 2019, alors même que la réforme des droits rechargeables de 2014 était censée l’améliorer. En cause, le développement de l’activité partielle notamment, c’est-à-dire des formes de chômage atypique, où l’on est inscrit à Pôle emploi tout en travaillant une partie du temps.

    Et si les frontières entre emploi et chômage sont devenues de plus en plus floues, c’est lié aux transformations du monde du travail sans aucun doute, mais aussi aux nouvelles règles de l’assurance chômage qui vont dans le même sens : « Cette évolution majeure du chômage que représentent ces "chômeurs qui travaillent" dépend à la fois de l’augmentation des "formes atypiques d’emploi" (c’est-à-dire des emplois qui s’éloignent de la norme de l’emploi en CDI à temps plein) et des politiques d’indemnisation incitant à la reprise d’un emploi pour un temps de travail ou une durée de contrat réduits », notent les auteurs.

    Dit autrement, l’assurance chômage n’est plus là simplement pour indemniser les chômeurs, elle doit aussi désormais les « activer », c’est-à-dire les inciter à reprendre un emploi, y compris si celui-ci est mal payé, quitte à le subventionner. « L’idée sous-jacente étant qu’un "petit" emploi (durée de contrat courte, salaire faible, etc.) vaut mieux que pas d’emploi du tout et que tout petit emploi est un "tremplin" vers un meilleur emploi », ajoutent-ils.

    Mais ces « politiques d’activation » sont ambiguës, car en même temps les gestionnaires de l’assurance chômage ne sont pas dupes : encourager à prendre des emplois courts ou mal rémunérés, c’est contribuer à dégrader la norme d’emploi. Et en parallèle, ils expriment la crainte d’enfermer les précaires dans la précarité s’ils leur offrent trop de droits. « Indemniser le chômage, mais pas trop, mais quand même assez : l’indemnisation des périodes en partie chômées et en partie travaillées est sans cesse sur une ligne de crête », résument les chercheurs. Et cette ambiguïté est clairement au détriment de ceux qui sont abonnés à ces emplois en pointillé.

    2/ La chute des droits des salariés à l’emploi discontinu

    C’est l’autre enseignement inédit de cette étude : l’assurance chômage obéit de moins en moins à une logique assurantielle, et de plus en plus à une logique contributive. En clair, ce n’est pas tant la situation actuelle qui compte – le fait d’être au chômage, c’est-à-dire la survenue du risque contre lequel on était assuré – que le passé d’emploi, ou dit autrement le fait d’avoir cotisé plus ou moins longtemps.

    « Affirmer un principe de contributivité c’est accorder de "petits" droits à ceux qui ont de petits emplois et de "gros" droits à ceux qui ont le plus d’emplois », précisent les auteurs. L’assurance chômage a désormais tendance à assurer une protection d’autant plus forte que l’emploi est continu, et d’autant moins forte que l’emploi est fragmenté et réduit dans sa durée. Ce qui n’a pas toujours été le cas.

    Pour le démonter, Mathieu Grégoire, Claire Vivès et Jérôme Deyris ont construit un simulateur capable de retracer l’évolution des droits pour des profils particuliers de salariés. Leur objectif était de mesurer l’effet des différentes réformes intervenues depuis 1979 pour différents types de parcours. Résultat, les salariés dits stables, ceux qui se retrouvent au chômage après une longue période d’emploi, ont gardé peu ou prou les mêmes droits depuis quarante ans, et ceci malgré le nombre impressionnant de réformes intervenues entre-temps.

    « Dans le cas banal d’un salarié au Smic qui perd son emploi et demeure quinze mois au chômage avant de trouver un autre emploi, l’indemnisation totale n’a, sur quarante ans, jamais varié de plus de 5 % à la hausse ou de 2,5 % à la baisse par rapport à 1979 », écrivent les auteurs.

    Les grands perdants sont les salariés précaires. Et parmi eux, particulièrement ceux qui alternent régulièrement les périodes de chômage et d’emploi. « Par exemple, un salarié à l’emploi discontinu alternant un mois d’emploi et deux mois de chômage a, durant les années 2000 et 2010 une indemnisation variant entre 50 et 60 % de son niveau de 1979. Dans les années 1990 son indemnisation était nulle. Avec les règles de 2019, elle chute en dessous de 40 % du niveau de 1979. »

    Ceux qui ont eu un emploi stable avant d’être au chômage et d’enchaîner ensuite les emplois précaires sont un peu moins pénalisés. « Les salariés ayant connu des périodes d’emploi stables cumulent pendant celles-ci des droits qui permettent ensuite d’atténuer les effets de la discontinuité. A l’inverse, les allocataires qui connaissent des trajectoires strictement discontinues n’ont pas généré ces droits susceptibles de les protéger et peuvent même parfois se trouver "prisonniers" de petits droits. »

    Et de conclure : « Toutes les simulations montrent ainsi une inversion de logique qui s’opère entre les plus précaires et les plus stables. Pour ces derniers, davantage de chômage signifie davantage d’indemnisation. Pour les premiers, c’est l’inverse : davantage de chômage se traduit par moins d’indemnisation. Pour les plus stables, c’est encore une logique de revenu de remplacement qui domine. Pour les plus précaires, c’est au contraire une fonction de prime à l’emploi qui devient prééminente. »

    Si la réforme de 2019 devait être appliquée en intégralité, les auteurs prédisent une « accentuation radicale » de ces tendances déjà à l’œuvre. La nouvelle règle de calcul du montant des allocations, qui doit être appliquée en septembre prochain, est particulièrement pénalisante pour les salariés à l’emploi discontinu. https://www.alternatives-economiques.fr/chomage-paie-t-plus-travail/00088190

    Avant la réforme, le montant de l’allocation chômage était calculé par rapport à un salaire journalier de référence (SJR) et non pas à partir d’un revenu mensuel. Pour établir une indemnité mensuelle, l’assurance chômage multipliait par 30 (jours) une allocation journalière brute qui correspondait à 80 % de ce qu’avait perçu la personne par jour en travaillant. En gros, on divisait les rémunérations perçues les douze derniers mois par le nombre de jours travaillés sur la même période.

    Après la réforme, le mode de calcul change : on prend la somme des rémunérations perçues sur deux ans (et non plus un an) et on la divise par le nombre de jours travaillés (comme précédemment) et de jours chômés, ce qui est nouveau. Concrètement, si le demandeur d’emploi a connu des périodes chômées les deux dernières années, le montant de son allocation va diminuer, même s’il pourra la percevoir plus longtemps.

    Au total, les salariés à l’emploi discontinu seront perdants, comme le montre le simulateur des auteurs : « Certes, nous observons une plus grande continuité des droits liée à un allongement de la durée d’indemnisation pour certaines configurations (…) mais cette meilleure couverture dans la durée est très loin de compenser l’effondrement des montants perçus, contrairement à ce que le gouvernement avançait. »

    Autre effet mis en valeur par cette étude : la réforme devrait rendre plus compliqué le cumul entre une allocation et un salaire. Résultat, de nombreux allocataires auparavant indemnisés dans le cadre de l’activité réduite pourront ne plus l’être. De quoi faire baisser encore la part des chômeurs indemnisés. Mais on ne le verra pas, car le ministère du Travail ne calcule plus ce chiffre…

    1. Chiffre qui concerne les catégories A, B et C. Cette part est de 68,5 % pour l’ensemble des chômeurs inscrits à Pôle emploi, c’est-à-dire avec les catégories D et E en plus.

    2. Entrés en vigueur en octobre 2014, les droits rechargeables permettaient à un chômeur indemnisé qui retrouve un emploi, même de courte durée, de ne pas perdre le bénéfice de ses anciens droits acquis. Il n’a pas à se réinscrire, ni à faire recalculer ses droits. Il n’a pas à sortir du système d’assurance chômage et à repartir de zéro. Pour en bénéficier, il fallait avoir travaillé au moins 150 heures (soit un mois) pendant la période d‘indemnisation, mais cette borne est passée à 180 jours, soit six mois depuis le 1er novembre. Autant dire que ce droit devient virtuel, surtout pour celles et ceux qui ont de petites durées d’indemnisation.

    3. L’Unédic et Pôle emploi ne publient plus le taux de chômeurs indemnisés, comme avant, mais seulement leur nombre absolu et la part des chômeurs indemnisés parmi les chômeurs indemnisables. Et ces chiffres sont nettement moins promus qu’avant. Charge à l’utilisateur de la statistique publique de refaire lui-même le calcul pour obtenir ce taux. Fin février 2020, sur 6,6 millions d’inscrits à Pôle emploi, 3,7 millions étaient « indemnisables » dont 3 millions réellement « indemnisés ».

    https://seenthis.net/messages/859288
    https://seenthis.net/messages/858232

    Les canons sont rouillés. La catégorie « #chômeur_atypique » (non dite dans ce rapport) émerge, 45 après celle d’#emploi_atypique.

    #travail #salariat #histoire_sociale #revenu #économie #précarisation #emploi #droit_au_chômage #Chômage #chômeurs #travailleurs_précaires #chômage_atypique #emploi_discontinu #intermittents_de_l'emploi #droits_sociaux #indemnisation_du_chômage #prime_à_l'emploi #activation_des_dépenses_passives #Unedic #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit

  • « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu »

    La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des droits d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « marchandisation délétère ».

    L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le troisième secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays.

    Aux Etats-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros, selon l’American Council on Education (une association de l’enseignement supérieur). Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, mais cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.
    Fort endettement étudiant

    Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiants – les plus profitables – sont en berne et la fermeture des campus réduit fortement l’attractivité de diplômes hors de prix. Expérience étudiante sur le campus et contenus pédagogiques ne peuvent plus justifier (si tant est qu’ils l’aient pu) des droits de scolarité pouvant atteindre 70 000 dollars (62 000 euros) par an. Les procès se multiplient aux Etats-Unis, intentés par des étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les écoles de commerce françaises ont été obligées de recourir au chômage partiel pour encaisser le choc.

    Perspectives d’emploi catastrophiques

    On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs frais d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques, le taux de chômage atteignant des niveaux inédits outre-Atlantique. L’endettement étudiant, qui se monte en moyenne à 32 000 euros aux Etats-unis et 60 000 euros en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant vingt ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’endettement étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

    Le
    modèle des universités payantes fait donc
    les frais d’une politique délétère en période
    « normale », et carrément mortifère en ces
    temps agités. C’est pourtant ce modèle que
    le gouvernement français et ses conseillers
    essayent de promouvoir depuis 2018.
    En France, les prochaines semaines seront
    déterminantes pour l’avenir de notre modèle
    social. La décision attendue du Conseil
    d’Etat [qui examine depuis vendredi 12 juin
    le recours des organisations contre l’augmentation
    des droits d’inscription pour les
    étrangers extraeuropéens]
    représentera un
    soulagement doublé d’une révolution ou,
    au contraire, la porte ouverte à une descente
    progressive aux enfers pour de nombreuses
    familles.

    De quoi s’agitil
     ? Alors que le plan Bienvenue
    en France (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait
    une forte augmentation des droits de
    scolarité pour les étudiants extraeuropéens
    (2 770 euros en licence et 3 770 euros
    en master, contre 170 et 243 euros), un ensemble
    d’organisations a obtenu que le Conseil
    constitutionnel soit saisi. Ce dernier a
    rendu une décision le 11 octobre 2019 selon
    laquelle « l’exigence constitutionnelle de gratuité
    s’applique à l’enseignement supérieur
    public » tout en considérant que « cette exigence
    [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour
    ce degré d’enseignement, à ce que des droits
    d’inscription modiques soient perçus en tenant
    compte, le cas échéant, des capacités financières
    des étudiants ».

    Basculer du bon côté, celui de la gratuité

    Le Conseil d’Etat doit désormais interpréter
    cette décision en précisant ce que « modique
     » signifie. Si cette notion a vraisemblablement
    été introduite pour préserver les
    droits d’inscription habituels (170 et
    243 euros), certains comptent bien s’engouffrer
    dans la brèche. Les enjeux sont
    d’une ampleur inédite : pourraton
    discriminer
    les populations étrangères en leur
    faisant payer des tarifs plus élevés au motif
    qu’elles ne seraient pas contribuables fiscaux
    de leur pays d’accueil ? Le Conseil
    d’Etat pourra garder à l’esprit que ces étudiants
    nous arrivent formés aux frais de
    leur pays d’origine, et qu’ils rapportent, par
    les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne
    coûtent (le solde est positif de 1,65 milliard
    d’euros). Seratil
    mis un terme aux velléités
    d’élargissement des droits d’inscription à
    tous les étudiants et à des niveaux de tarification
    toujours plus élevés ? La note d’un
    conseiller du candidat Emmanuel Macron,
    annonçait l’objectif : 4 000 euros en licence,
    8 000 euros en master, jusqu’à 20 000 euros
    par an dans certaines formations.

    Pour basculer du côté de la gratuité de l’enseignement
    supérieur, plutôt que de celui
    de sa délétère marchandisation, il faudrait
    que le Conseil d’Etat retienne une notion de
    modicité cohérente avec la jurisprudence :
    le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une
    « somme modique est une somme d’un montant
    très faible, qui n’a pas d’incidence sur
    la situation économique du débiteur ; elle est
    anecdotique. Pour les personnes physiques,
    elle est de l’ordre de quelques dizaines
    d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais
    plusieurs milliers ». Le Conseil d’Etat
    préféreratil
    les arguments fallacieux de
    ceux qui tremblent dans l’attente de cette
    décision car ils ont augmenté leurs droits
    de scolarité au point d’en dépendre furieusement
     : Sciences Po (14 500 euros par an
    pour le master), Dauphine (6 500 euros en
    master), Polytechnique (15 500 euros pour le
    bachelor), etc.
    Si le Conseil d’Etat venait à respecter le cadre
    fixé par le Conseil constitutionnel, c’est
    l’ensemble de leur modèle qui serait remis
    en cause et c’est un retour à un véritable service
    public de l’éducation auquel nous assisterions.
    Une révolution indéniablement salutaire,
    qui appellerait des assises de l’enseignement
    supérieur. Après un Ségur de la
    santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement
    supérieur » qu’il faudrait s’attendre,
    celui d’une refondation autour d’un accès
    gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans
    discrimination.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-

    #rebelote
    #taxes_universitaires #France #éducation #université #études_supérieures #frais_d'inscription

    voir aussi cette métaliste :
    https://seenthis.net/messages/739889

    • #Rebelote pour le projet d’#augmentation des #frais_d'inscription à l’#université en #France (arrrghhh).

      Ici une vidéo d’explication d’un avocat du SAF (syndicat des avocat·es de France) :

      #Juan_Prosper : le combat contre « #Bienvenue_en_France » continue !

      « A partir du moment où les digues tombent, où on explique que 2770 euros c’est parfait pour un·e étudiant·e étrangèr·es, on pourra très certainement revenir plus tard en nous disant que si c’est parfait pour un·e étrangèr·es, on peut aussi l’appliquer pour un·e étudiant·e français·e, alors même que le principe du financement d’un service public, du financement de l’enseignement supérieur, repose sur l’impôt. »

      « Si on considère qu’il y a un principe de gratuité, que c’est un service public, ce n’est pas pas à l’usagèr·es de financer le fonctionnement du service public. »

      https://www.youtube.com/watch?v=lsfdzYkSgkc&feature=youtu.be

    • La bombe de la dette étudiante a-t-elle explosé ?

      Tribune de David Flacher et Hugo Harari-Kermadec parue dans Le Monde du 18 juin 2020 sous le titre « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-)

      La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des #droits_d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « #marchandisation délétère ».

      L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le 3e secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays. Aux États-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros selon l’American council on education. Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Si Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.

      Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiant-es – les plus profitables – sont en berne, en même temps que la fermeture des campus réduit fortement l’#attractivité de diplômes hors de prix. L’expérience étudiante sur le campus et le contenu pédagogique ne peuvent plus justifier – si tant est qu’ils l’aient pu – jusque 70 000 dollars de #frais_de_scolarité par an. Les #procès se multiplient aux États-Unis, les étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les #écoles_de_commerce françaises ont été obligées de recourir au #chômage_partiel pour encaisser le choc.

      On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs #frais_d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques. Le chômage atteignant des niveaux inédits outre atlantique. L’#endettement étudiant, qui atteint en moyenne 32 000 € aux Etats-unis et 60 000 € en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant 20 ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’#endettement_étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

      Le modèle des universités payantes fait donc les frais d’une politique délétère en période « normale » et carrément mortifère en ces temps agités. C’est pourtant ce modèle que le gouvernement français et ses conseillers essayent de promouvoir depuis 2018.

      En France, les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de notre modèle social. La décision attendue de la part du Conseil d’État représentera un soulagement doublé d’une révolution ou, au contraire, la porte ouverte à une descente progressive aux enfers pour de nombreuses familles.

      De quoi s’agit-il ? Alors que le plan « Bienvenue en France » (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait une forte augmentation des droits de scolarité pour les étudiants extra-européens (2770 euros en licence et 3770 euros en master, contre respectivement 170 et 243 euros), un ensemble d’organisations a obtenu la saisie du #Conseil_constitutionnel. Ce dernier a rendu une décision le 11 octobre 2019 selon laquelle « l’exigence constitutionnelle de #gratuité s’applique à l’#enseignement_supérieur_public » tout en considérant que « Cette exigence [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. ».

      Le dernier round a eu lieu le 12 juin : le Conseil d’État doit désormais interpréter cette décision en précisant ce que « #modique » signifie. Si cette notion a vraisemblablement été introduite pour préserver les droits d’inscription usuels (170 et 243 euros), certains comptent bien s’engouffrer dans la brèche.

      Les enjeux sont d’une ampleur inédite : pourra-t-on discriminer les populations étrangères en leur faisant payer des tarifs plus élevés au motif qu’ils ne seraient pas contribuables fiscaux de leur pays d’accueil ? Le Conseil d’État pourra garder à l’esprit que ces étudiants nous arrivent, formé aux frais de leurs pays d’origine, et qu’ils rapportent, par les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne coûtent (le solde est positif de 1,65 milliards). Sera-t-il mis un terme aux velléités d’élargissement des frais d’inscription à tous les étudiants et à des niveaux de tarification toujours plus élevé ? La note d’un conseiller du candidat Emmanuel Macron annonce l’objectif : 4000 euros en licence, 8000 euros en master et jusqu’à 20000 euros par an dans certaines formations. Pour basculer du bon côté, celui de la gratuité de l’enseignement supérieur, plutôt que de celui de sa délétère marchandisation, il faudrait que le Conseil d’État retienne une notion de modicité cohérente avec la #jurisprudence : le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une : « somme modique est une somme d’un montant très faible, qui n’a pas d’incidence sur la situation économique du débiteur ; elle est anecdotique. Pour les personnes physiques, elle est de l’ordre de quelques dizaines d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais plusieurs milliers ». Le Conseil d’État préfèrera-t-il des arguments fallacieux de ceux qui tremblent dans l’attente de cette décision pour avoir augmenté leur frais de scolarité au point d’en dépendre furieusement : Sciences Po (14 500 € par an), Dauphine (6500 € en master), CentraleSupélec (3500 €), Polytechnique (15 500 € pour la Bachelor), etc. Si le #Conseil_d’État venait à respecter le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, c’est l’ensemble de leur modèle qui serait remis en cause et c’est un retour à un véritable #service_public de l’éducation auquel nous assisterions. Une révolution en somme, indéniablement salutaire, qui appellerait des assises de l’enseignement supérieur. Après un Grenelle de l’environnement, un Ségur de la santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement supérieur » qu’il faudrait s’attendre, celui d’une refondation autour d’un accès gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans discrimination.

      https://acides.hypotheses.org/2446

  • La #fraude patronale au chômage partiel pendant la crise sanitaire s’élève au moins à 6 milliards d’euros, voilà l’information - FRUSTRATION
    https://www.frustrationmagazine.fr/la-fraude-patronale-au-chomage-partiel-pendant-la-crise-sanitair

    Selon l’enquête en ligne Lutte Virale, 31 % des personnes en #chômage partiel ou en arrêt maladie pour garde d’enfant ont dû continuer à travailler dont 10 % déclarent l’avoir fait souvent ou tout le temps. Une autre enquête, menée par le cabinet d’expertise Technologia, a plus récemment aboutit à des résultats encore plus alarmants : plus de la moitié des élus du personnel interrogés lors de cette étude estime qu’il y a eu des abus. Le chômage partiel a donc été utilisé par nombre d’employeurs comme une façon de faire des économies sur le dos de la crise sanitaire.

    • Alors que plus de 8 millions de salariés ont été placés en chômage partiel en avril, certains affirment avoir tout de même travaillé, en toute illégalité.

      Près d’un mois après, la colère ne retombe toujours pas pour Stéphane. Salarié dans un grand groupe de services en région toulousaine, il se souvient encore de cet appel reçu « le 28 avril à 18 h 30 » par son « n + 2 » . S’il est en télétravail depuis le début du confinement, instauré à la mi-mars pour tenter de freiner l’épidémie due au coronavirus, il ne compte pas ses heures. Projets, formations, ateliers… « Je travaillais même plus qu’en temps normal » , assure-t-il.
      Pourtant, en cette fin avril, son « n + 2 » lui apprend qu’il allait être mis au chômage partiel et que cette mesure était même rétroactive au 1er avril. « Tout le travail que j’ai fait pour le groupe, c’est l’Etat et le contribuable qui l’ont payé » , raconte-t-il, amer. Et alors qu’il devait débuter une mission début mai, « ils sont allés dire à mon futur client que j’avais demandé à être mis au chômage partiel pour garder mes enfants, et que donc je ne pourrai pas travailler. Ce qui est faux » . Le « coup de grâce » pour Stéphane.

      Il essaye de protester, en faisant part de ses doutes quant au bien-fondé et à la légalité de cette mesure. « On me rétorque : “Si ça te pose un cas de conscience, libre à toi de rester…” , avec un sourire ironique. J’étais très énervé, ils ont fait ça dans mon dos. »

      Plus de 8 millions de salariés en chômage partiel

      Le chômage partiel existait déjà avant la crise, mais il a été assoupli par le gouvernement pour prévenir les licenciements massifs : les sociétés qui voient leur activité baisser ou les entreprises contraintes de fermer peuvent y recourir. Leurs employés perçoivent alors une indemnité correspondant, en moyenne, à 84 % de leur salaire net, financée par l’Etat et l’Unédic. Et si l’employeur le souhaite, libre à lui de compenser la différence et d’assurer, ainsi, le maintien de la paye à son niveau habituel.
      En avril, plus de 8 millions de salariés étaient au chômage partiel, selon les derniers chiffres du ministère du travail. Depuis mars, ce sont plus d’un million d’entreprises qui ont sollicité une autorisation d’activité partielle.

      Mais combien ont tenté de profiter de la situation ? Selon une étude du cabinet Technologia, menée entre avril et mai auprès de 2 600 élus du personnel, « 24 % des employés en chômage partiel total auraient été amenés à poursuivre leur activité à la demande de l’employeur » . Et plus de 50 % des personnes interrogées considèrent que « des demandes d’activité interdites ont eu lieu »
      .
      Si la ministre du travail, Muriel Pénicaud, expliquait début avril privilégier « la confiance a priori et les contrôles a posteriori » envers les entreprises, elle a annoncé il y a quelques jours un renforcement des contrôles de la part des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), afin de détecter des fraudes. Ainsi le ministère faisait-il savoir, dans un communiqué diffusé à la mi-mai :
      « La mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlement de (télé) travailler, ou des demandes de remboursement intentionnellement majorées par rapport au montant des salaires effectivement payés figurent parmi les principales fraudes identifiées par l’administration. »

      « C’était du chantage »

      C’est ce à quoi est confrontée Pauline, employée dans une petite agence de communication en région parisienne. Quelques jours après l’annonce par le gouvernement de l’assouplissement du dispositif, elle est informée par sa direction qu’elle est placée en chômage partiel à 50 %, « de façon assez vague, et sans plus de précision sur les horaires à respecter » . Alors elle s’organise avec ses collègues et décide de ne travailler que les après-midi, « entre 14 heures et 18 heures » . Mais très vite, les horaires débordent :
      « On recevait des demandes de la direction à longueur de journée. Ils nous envoyaient des e-mails avec en objet des “urgent” ou des points d’exclamation. Il fallait être très réactif. Parfois, la veille, ils nous demandaient de travailler le lendemain matin plutôt que l’après-midi, ce qu’on faisait. Mais après on avait des réunions à 14 heures, à 16 heures… »

      Or dans cette petite entreprise, sans délégué syndical ni direction des ressources humaines, il n’est pas évident de se faire entendre. « On a tenté d’alerter, mais ils sont restés sourds, explique-t-elle. Ils nous disaient : “Nous aussi on est stressés, on travaille beaucoup, mais c’est indispensable pour la société.” C’était du chantage. » Et à la fin du mois d’avril, Pauline s’aperçoit que son salaire net a baissé de quelques dizaines d’euros, son employeur n’ayant pas souhaité payer la différence malgré le travail réalisé à temps plein.

      « On craint tous pour nos emplois »

      « C’est difficile pour un salarié de s’opposer , regrette Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), chargé de l’emploi et des retraites. En plus, avec le télétravail, il se retrouve souvent isolé, sans les collègues autour, donc c’est encore plus compliqué. Et certains ne savent même pas dans quelle situation ils sont. Ils ne découvrent qu’à la fin du mois qu’ils ont été placés en chômage partiel. »

      Frédéric, chargé de la relation client dans une entreprise du secteur du tourisme en région parisienne, s’était, lui, porté volontaire pour travailler malgré son chômage partiel total. Deux heures tous les matins, en avril, pour « dépanner les collègues » . Mais, comme dans le cas de Pauline, très vite la situation évolue. « On me demande aussi de travailler l’après-midi. C’était des SMS, des messages WhatsApp, des e-mails…, explique-t-il. On m’alertait sur mon téléphone sur tel ou tel sujet urgent. Je devais me connecter trois ou quatre fois par jour. » Et la « bienveillance » du début disparaît. Alors qu’il passe à 10 % d’activité en avril, il informe sa direction qu’il ne pourra pas faire plus, du fait de la garde de ses enfants :
      « On m’a répondu : “C’est dur pour tout le monde, il faut le faire.” Avec nos collègues, on en parle, on se dit qu’on devrait moins se connecter, moins travailler, ne pas être aussi réactifs. Mais personne ne le fait, parce qu’on pense à notre poste. On est dans une situation compliquée, on craint tous pour nos emplois après cette crise. C’est une sorte de compétition qui s’est installée. »

      Et si, pour la plupart des salariés interrogés, la perte financière est minime, tous ressentent une « faute morale » et un « cas de conscience » d’être payés par l’Etat alors qu’ils poursuivent leur travail. « C’est quand même gênant de recevoir cette aide, explique Pauline. Ça donne l’impression qu’ils se sont servis de nous pour faire des économies. »

      « Il faut que de vrais contrôles soient mis en place, plaide Michel Beaugas. Il ne faut pas qu’il y ait une ou deux sanctions pour l’exemple. Aujourd’hui, avec les e-mails, les messages… il y a moyen de savoir si le chômage partiel a été respecté ou pas. »

      « J’ai gardé toutes les preuves »

      Tous ont d’ailleurs pris soin d’enregistrer et de faire des captures d’écran des messages reçus et des appels passés de la part de leur direction. Pour se protéger, au cas où… Stéphane explique ainsi :
      « J’ai gardé toutes les preuves, c’est l’avantage du télétravail. Tous les jours je recevais 30 à 40 e-mails alors que je suis censé être en chômage partiel. On nous demandait de tout justifier par Skype, par message, de ce qu’on avait fait, et de ce qu’on était en train de faire, donc j’ai tout gardé là aussi. »

      Frédéric, lui, compte bien s’en servir si son emploi venait à être supprimé au cours des prochains mois, pour « négocier de meilleures conditions de départ en les menaçant d’aller aux prud’hommes ». « Ça ne me ressemble pas, mais j’ai atteint un niveau de défiance », poursuit-il.

      Et tous évoquent une « cassure » entre leur entreprise, leur direction et eux. Alors que Pauline est toujours au chômage partiel, « sans savoir jusqu’à quand » , cet épisode « l’a dégoûtée ». « Je réfléchis à partir » , assène-t-elle. C’est aussi le cas de Stéphane, qui a récemment mis à jour son CV sur LinkedIn et s’est mis « en recherche active » : « Je ne crois plus dans ce groupe, qui abuse de l’Etat et de la solidarité. Cette crise et ce confinement ont finalement été un révélateur de son management. Je n’ai plus confiance en eux. »
      * Tous les prénoms ont été modifiés.

      #emploi_gratuit #employeurs #chômage_partiel

  • Chômage partiel : l’Etat ne prendra plus en charge que 60 % du brut | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/economie-france/social/exclusif-chomage-partiel-letat-ne-prendra-plus-en-charge-que-60-du-brut-120

    A compter du 1er juin, l’Etat et l’Unédic ne prendront plus en charge que 60 %, et non plus 70 %, de la rémunération brute des salariés au chômage partiel. L’employeur devra supporter un reste à charge d’un peu moins de 15 %.

    Le gouvernement a tranché sur l’une des mesures les plus scrutées par le monde économique en cette période de déconfinement progressif : à compter du 1er juin et sauf pour les entreprises toujours fermées par mesure sanitaire, l’Etat et l’Unédic ne prendront plus à leur charge 70 %, mais 60 %, de la rémunération brute des salariés placés en chômage partiel, a-t-on appris de sources concordantes. Pas de changement, en revanche, sur le plafond des rémunérations couvertes, qui reste à 4,5 fois le SMIC. Pas de changement non plus pour les rémunérations au SMIC ou en dessous qui restent remboursées à l’employeur à 100 %.

    #paywall #chômage #chômage_partiel

    • Chômage partiel : on sait enfin à combien l’Etat l’indemnisera à partir de juin
      https://www.capital.fr/votre-carriere/chomage-partiel-les-nouvelles-regles-dindemnisation-auxquelles-sattendre-a-p

      A partir du 1er juin, la prise en charge financière du chômage partiel par l’Etat va baisser. Les #entreprises devront prendre à leur charge une partie de l’indemnisation des salariés en chômage partiel, pour la maintenir à 70% de leur #salaire brut. Mais tous les secteurs ne seront pas concernés.

      8,6 millions. C’est le nombre de salariés effectivement placés en chômage partiel à fin avril. Mais ce nombre devrait baisser dans les prochains jours, et pas seulement en raison de la fin du confinement depuis le 11 mai. En effet, à partir du 1er juin, l’Etat compte revoir sa copie en termes de prise en charge financière du chômage partiel. Le but étant d’inciter les entreprises à reprendre leur activité progressivement. “On aura un taux de prise en charge de l’Etat un peu moins important pour l’entreprise”, avait annoncé, dès le 29 avril, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, au micro de France Info.

      Pour rappel, actuellement, un salarié en chômage partiel est indemnisé à hauteur de 70% de son salaire brut au minimum (100% s’il est payé au Smic). Cette indemnisation est intégralement prise en charge par l’Etat et par l’Unédic, dans la limite de 4,5 Smic. A partir du 1er juin, l’Etat compte donc baisser cette prise en charge, à 85% (et non plus 100%) de l’indemnité versée aux salariés au chômage partiel. Mais bonne nouvelle pour les salariés : malgré cette baisse de la prise en charge par l’Etat, ils devront continuer à être indemnisés à hauteur de 70% de leur salaire brut (100% s’ils sont rémunérés au Smic).

      Cela signifie donc qu’il y aura un reste à charge obligatoire de 15% pour l’#employeur. Les entreprises ayant recours au dispositif à partir du 1er juin se feront ainsi rembourser l’équivalent de 60% des rémunérations brutes des salariés placés en chômage partiel touchant plus que le Smic, au lieu de 70% actuellement.

      Certains secteurs profiteront toujours du taux plein

      Mais que certains employeurs se rassurent, cette baisse de la prise en charge du chômage partiel par l’Etat ne concernera pas tous les domaines d’activité. Le ministère du Travail a d’ailleurs prévu, dans le cadre du projet de loi présenté jeudi 7 mai en Conseil des ministres et encore en cours d’examen au Parlement, de pouvoir adapter les règles du chômage partiel en fonction des secteurs. “Conformément aux engagements pris dans le cadre du comité interministériel du Tourisme du 14 mai dernier, les secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulières en raison de la crise sanitaire, continueront à bénéficier d’une prise en charge à 100%” , indique le ministère du Travail dans un communiqué de presse envoyé ce lundi 25 mai.

      “Tout ce qui est #hôtellerie, #restauration, bars, événementiel, une bonne partie du secteur culturel... Tous les secteurs qui ne peuvent pas opérer par décision administrative continueront à pouvoir bénéficier du chômage partiel pour leurs salariés à taux plein”, avait déjà assuré Muriel Pénicaud, lundi 4 mai, sur BFMTV. Reste à savoir pendant combien de temps ils pourront encore profiter de cette prise en charge à 100%. Un décret à venir doit préciser le cadre de cette mesure.

    • Chômage partiel : polémique autour d’une réduction progressive du dispositif
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/19/chomage-partiel-polemique-autour-d-une-reduction-progressive-du-dispositif_6

      Le gouvernement veut baisser les conditions d’indemnisation, mais les entreprises y sont hostiles.

      Le gouvernement a commencé à préparer les esprits depuis fin avril : le dispositif du chômage partiel, massivement déployé durant la crise sanitaire pour éviter des licenciements en cascade, va être moins généreux à partir du 1er juin. Ce mécanisme, sollicité – potentiellement – pour plus de 12 millions de personnes, assure un niveau de prise en charge très élevé par l’Etat et par l’assurance-chômage : les travailleurs du privé, qui en bénéficient, touchent 70 % de leur salaire brut (100 %, pour ceux qui sont au smic) – la somme étant intégralement remboursée aux employeurs dans la limite de 4,5 smic. L’exécutif veut revoir ces paramètres, le but étant d’« encourager les entreprises à reprendre l’activité ».

      Selon un dirigeant patronal, « l’Etat ne couvrirait plus désormais que 60 % du salaire brut, mais toujours 100 %, pour les personnes au smic ». « Ils veulent faire des économies et sont persuadés qu’il y a des boîtes qui se complaisent dans le chômage partiel, confie cette même source. La nouvelle formule durerait pendant l’été mais en septembre, on ne sait pas ce qu’ils comptent faire. » Combien coûte le dispositif ? Plusieurs estimations ont été avancées, Bercy évoquant 24 milliards d’euros à la mi-avril. Des chiffrages incertains, car on ne connaît pas encore le nombre d’individus effectivement indemnisés.

      Entreprises de proximité
      Quoi qu’il en soit, les organisations d’employeurs sont hostiles à l’idée que l’Etat réduise la voilure. Ce serait « une erreur majeure » d’accroître la contribution des entreprises, à partir du 1er juin, parce qu’elles « tourneront encore à un rythme faible », a indiqué Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Monde (nos éditions datées du 14 mai). Son mouvement aimerait qu’un « dispositif complémentaire de longue durée » voit le jour à la rentrée, en s’inspirant de celui instauré en Allemagne lors de la crise de 2008-2009. « Il faut de la cohérence dans la politique gouvernementale : les entreprises doivent continuer à être accompagnées, sinon on aura payé pour rien », renchérit Alain Griset, le numéro un de l’Union des entreprises de proximité.
      Une analyse assez largement partagée par les syndicats. « La meilleure solution, ce n’est ni de réduire drastiquement ni brutalement [ce mécanisme] car les difficultés d’emploi vont être fortes », affirme Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT insiste cependant sur la nécessité de « contrôler les entreprises pour éviter les effets d’aubaine ». Pour lui, « hors de question » d’amputer la somme allouée aux salariés. S’agissant des employeurs, l’aide apportée par la collectivité peut, selon M. Berger, être modulée selon les secteurs professionnels. « Si on arrête le chômage partiel, le risque est grand que ça se transforme en chômage tout court », résume Michel Beaugas (FO).

      « Après le temps du bazooka pendant le confinement, il faut maintenant faire de la dentelle », Emmanuel Jessua, directeur des études à l’institut d’études économiques Rexecode
      De nombreux économistes pensent, peu ou prou, la même chose. Mettre fin à cette mesure « pour des raisons budgétaires constituerait une très mauvaise décision », assure Philippe Martin, professeur à Sciences Po : « Il s’agit d’un investissement, rentable, dans la conservation des compétences. Une personne en chômage partiel permet de préserver environ 0,2 emploi. » Mais des « aménagements à la marge doivent être étudiés », enchaîne-t-il, afin d’inciter les employeurs à remettre leurs salariés en activité.

      Plusieurs options existent, selon lui : mettre à contribution les entreprises, à hauteur de 10 % de la somme versée aux salariés – mais avec la possibilité de payer dans un an. « Pour les secteurs les plus touchés, il est aussi possible d’envisager que les entreprises gardent temporairement une partie – par exemple 10 % – du chômage partiel, quand elles réembauchent, pour inciter aussi à la reprise », poursuit M. Martin. Enfin, à ses yeux, la prise en charge de la rémunération par la collectivité devrait être plafonnée à 3 smic – et non pas 4,5 smic, comme aujourd’hui : « Ce plafond est trop élevé. »

      Il faut « du cas par cas », plaide Emmanuel Jessua, directeur des études à l’institut d’études économiques Rexecode. « Après le temps du bazooka pendant le confinement, il faut maintenant faire de la dentelle, explique-t-il. L’intervention publique doit être plus ciblée car tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Dans le tourisme, l’aéronautique ou les secteurs qui sont toujours concernés par une fermeture administrative, il va falloir que ce soit assez progressif. »
      Pour Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail, « il paraît raisonnable de maintenir ce dispositif au-delà de la période de déconfinement, en laissant des marges de manœuvre aux entreprises pour décider du moment où elles cessent d’y avoir recours ». Il s’agit, d’après elle, de « choix qu’il convient de relier à la négociation collective, de manière à les inscrire dans une stratégie de reprise d’activité, discutée avec les élus du personnel ».

      Utilité de scruter les organes de la classe dominante, le 18 mai (article publié le 19/5), L’imMonde donnait avec une longueur d’avance le scénario de la réduction du coût du chômage partiel annoncé une semaine plus tard.

    • Les multiples questions du chômage partiel après le déconfinement (19 mai 2020, maj le 25 mai)
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/19/deconfinement-les-multiples-questions-du-chomage-partiel_6040116_3234.html

      Quelque 12,4 millions de salariés sont concernés et s’interrogent sur leurs obligations ou leurs conditions de rémunération.


      COLCANOPA

      L’assouplissement du chômage partiel est l’une des premières mesures mises en place au début de la crise du Covid-19 pour éviter que les entreprises à l’arrêt procèdent à des licenciements massifs. Plus de 1 million d’entre elles, représentant 12,4 millions de salariés, a demandé à en bénéficier. Mais la reprise doit conduire à une sortie du dispositif comme l’a rappelé lundi 18 mai le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire.
      Le chômage partiel « c’est une situation d’urgence », a souligné le ministre de l’économie, « mais maintenir 100 % de prise en charge du chômage partiel pour les entreprises par l’Etat, ce n’est pas une situation souhaitable sur le long terme ». Le gouvernement planche donc sur une révision de ces conditions afin de pousser les entreprises à reprendre à l’activité. D’ici là, quelles sont modalités du chômage partiel ? Qui est encore éligible ? Quelles sont les obligations du salarié ? Quelles sont les conditions de rémunération ?

      Qui est éligible ?

      Tout le monde n’est pas éligible. Un salarié qui ne retournerait pas au travail par crainte de prendre les transports en commun, peut rester en télétravail, mais ne peut pas être au chômage partiel. « Le recours au dispositif n’est pas une décision individuelle. C’est une demande de l’employeur, qui ne peut pas avoir recours au chômage partiel pour des raisons de sécurité sanitaire » , précise un porte-parole du ministère du travail.
      Le dispositif dit d’activité partielle existait avant le Covid-19 dans des conditions relativement strictes et continuera pour faire face aux aléas conjoncturels des entreprises. La loi d’état d’urgence sanitaire du 23 mars a permis au gouvernement de l’étendre à de nouvelles catégories de bénéficiaires et, surtout, d’adapter « de manière temporaire » le régime social applicable aux indemnités.

      C’est ce cadre provisoire qui, dans la loi, peut être maintenu jusqu’au 31 décembre, mais qui va changer pour certains à partir du 1er juin. D’ici là, trois types de salariés de droit privé peuvent bénéficier du chômage partiel : ceux qui sont empêchés de travailler par les circonstances exceptionnelles du Covid-19, parce que leur entreprise a fermé partiellement ou totalement. A savoir les entreprises dont la fermeture a été décidée par le gouvernement (centres commerciaux, restaurants, etc.), celles dont l’activité a été contrainte par des problèmes d’approvisionnement et de conjoncture et, enfin, celles qui ne pouvaient pas assurer la protection des salariés (gestes barrières, télétravail).

      Deuxième catégorie éligible, celle des salariés dits « vulnérables » ou qui partagent le domicile d’une personne vulnérable, telle que définie dans le décret du 5 mai. A savoir, les femmes enceintes au dernier trimestre de la grossesse, les salariés d’au moins 65 ans, et les malades catégorisés par le Haut Conseil à la santé publique : ceux qui ont des antécédents cardiovasculaires, les malades de cancer évolutif sous traitement, ou avec un diabète non équilibré, une cirrhose au stade B, un déficit immunitaire, les obèses, etc. Depuis le 1er mai, le salarié « vulnérable » doit remettre à son employeur un #certificat_d’isolement que lui aura donné son médecin de ville. C’est l’employeur qui se charge de la déclaration d’activité partielle.

      Enfin, derniers salariés éligibles au dispositif « pour toute la durée de leur isolement » : les parents empêchés de travailler car leur enfant de zéro à 16 ans ou handicapé est maintenu à domicile. Ce qui ne les empêche pas de profiter des week-ends depuis le déconfinement. Le chômage partiel n’interdit pas de se déplacer dans la limite autorisée des 100 kilomètres à vol d’oiseau.

      Garde d’enfants et chômage partiel

      La préoccupation des parents depuis le 11 mai reste la garde d’enfants. De nombreuses écoles sont encore fermées ou n’acceptent que les enfants prioritaires, afin de respecter les règles de distanciation dans les établissements (15 élèves par classe). La semaine de la reprise seuls 24 % des enfants scolarisés en Ile-de-France avaient pu revenir, selon le recteur de Paris. En région, quelques écoles ont déjà refermé leurs portes, alors qu’elles venaient de les ouvrir le 11 mai.
      Que deviennent les salariés parents de jeunes enfants sans école ou sans crèche ? « Ils peuvent être au chômage partiel pendant tout le mois de mai, en donnant à leur employeur une attestation sur l’honneur, dont le modèle est téléchargeable sur le site du ministère du travail. Un bilan d’étape sera fait sur la réouverture des écoles à la fin du mois » , répond le ministère du travail. Les parents vont devoir garder leurs nerfs pour résister à cette gestion de très court terme. Les conditions sont les mêmes pour les enfants en crèche. « Et seul un parent sur deux peut bénéficier du dispositif “garde d’enfants” », précise le ministère. Il est toutefois possible de fractionner : par exemple, 2 jours pour la mère, 3 jours pour le père, au moins jusqu’au 31 mai. De même que si l’école est ouverte mais que les parents ne veulent pas y envoyer leur(s) enfant(s), ils ne sont pas éligibles au chômage partiel pour « garde d’enfant ».

      Quelle rémunération ?

      Depuis le début de la crise, l’Etat prend en charge 84 % (70 % du salaire brut) de l’indemnisation du chômage partiel ; l’allocation versée au salarié doit être au moins égale au smic et est, elle, plafonnée à 4,5 smic. Concrètement, les salariés au smic conservent donc l’intégralité de leur rémunération et la baisse de salaire pour les autres est de 14 %. Ce dispositif est maintenu jusqu’au 31 mai, mais il est destiné à évoluer à compter du 1er juin, afin d’alléger le coût pour l’Etat et inciter les employeurs à reprendre l’activité. Les discussions sont en cours entre le ministère du travail et les organisations patronales pour définir les nouvelles modalités de prise en charge. Mais rien n’empêchera les entreprises qui le souhaitent de compenser en totalité ou en partie le manque à gagner les salariés.

      Peut-on cumuler chômage partiel et travail ?

      Mettre à profit la période de chômage partiel pour travailler, pourquoi pas, pour son propre compte est toujours possible. En revanche, pas question de le faire pour son employeur, ne serait-ce que quelques heures par semaine. « Quand il y a du chômage partiel et que les salariés travaillent, c’est du travail illégal », a rappelé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 7 avril devant le Sénat. L’entreprise encourt alors de lourdes sanctions. Le salarié est donc entièrement en droit de refuser une demande émanant de l’employeur, même s’il s’agit de travailler depuis son domicile, et ce refus ne peut en aucun cas lui être reproché. Les salariés et les représentants du personnel sont invités à signaler aux services du ministère sur le territoire (Direccte) tout manquement à cette règle.

      Pour autant, le chômage partiel n’est pas synonyme de vacances. Le contrat de travail n’est pas rompu, le lien de subordination existe toujours entre l’employeur et le salarié. Celui-ci doit donc rester disponible pour reprendre son poste dès que le besoin s’en fera ressentir, l’employeur n’ayant aucune contrainte en termes de préavis. MIeux vaut donc ne pas partir à l’autre bout de la France − d’autant que les déplacements de plus de 100 kilomètres sont toujours prohibés !

    • Mettre à profit la période de chômage partiel pour travailler, pourquoi pas, pour son propre compte est toujours possible. En revanche, pas question de le faire pour son employeur, ne serait-ce que quelques heures par semaine. « Quand il y a du chômage partiel et que les salariés travaillent, c’est du travail illégal », a rappelé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 7 avril devant le Sénat. L’entreprise encourt alors de lourdes sanctions.

      Faut-il le rappeler ?

  • Télétravail : le rêve qui a viré au cauchemar pour de nombreux salariés confinés
    https://www.bastamag.net/teletravail-burn-out-insomnies-accord-interprofessionnel-vie-privee-heures

    Explosion de la charge de travail, absence d’horaires et de coupure entre vie professionnelle et vie privée, pressions supplémentaires, manque de pauses, insomnies, délitement du lien social… Les syndicats demandent la mise en place d’accords interprofessionnels sur le télétravail. Dans l’entreprise d’Emmanuelle*, le télétravail a toujours été « contre-culturel ». Malgré une demande croissante des salarié.es ces dernières années, le grand groupe du luxe et de la mode dans lequel elle exerce s’y est (...) #Décrypter

    / A la une, #Syndicalisme, #Transformer_le_travail, #Conditions_de_travail

    • Il y a là d’autres sujets que le télétravail :
      –le #chômage_partiel pas respecté parce qu’il ne correspond pas à une baisse des revenus ni de la charge de travail mais à un effet d’aubaine pour les entreprises aux dépens de la collectivité qui raque ;
      (Là je viens de prendre un appel d’une des bénévoles de mon asso, elle m’a demandé si je travaillais aujourd’hui, j’ai dit non, aujourd’hui je suis au chômage technique et je bosse vendredi, elle m’a dit à vendredi, c’est comme ça dans l’idéal !)
      –la montée en responsabilité et l’intensification qui s’ensuit de la charge de travail sans changement de statut ni reconnaissance du travail d’encadrement (en tout cas quand il est féminin et perçu comme « naturel » aux femmes)
      –le non-respect des horaires de travail et le #surtravail organisé (donc en partie #travail_gratuit).

      Ça, c’est « seulement » des effets d’aubaine (l’exploitation féroce des conditions actuelles) dans un mouvement à long terme de refus de payer les gens pour leur boulot.

      Ce que je trouve intéressant, c’est ce qui tient au #télétravail en tant que tel :
      –le défaut d’encadrement par la présence sur place et la responsabilité accrue de l’employé·e ;

      « Au début, il faut prouver qu’on télétravaille donc on ne prend pas de pause. On se sent coupable de simplement se faire un thé ou de discuter avec son conjoint », confie Emmanuelle.

      –l’isolement ;

      Là réside, aux yeux de Danièle Linhart, l’un des principaux risques inhérents au télétravail. Pour cette sociologue du travail et directrice de recherche émérite au CNRS, ce dernier pousse à « une sorte de déréalisation de l’activité » : « Celle-ci devient de plus en plus virtuelle, fictive, et perd par conséquent de son sens, de sa finalité. » Pour elle, le lien aux autres est une dimension essentielle du travail, aujourd’hui mise de côté

      –les conditions matérielles très différentes (la pauvre chaise vs. le fauteuil ergonomique, c’est pas très bien traité alors que ça fout en l’air les corps) ;

      « Les enfants ne comprennent pas que je sois là mais que je ne puisse pas être avec eux. J’ai fini par trouver une pièce un peu cachée pour télétravailler, qu’ils ont fini par trouver. J’avais aussi un espace dehors mais dès qu’il pleuvait ça se compliquait. Je bossais sur un coin d’herbe où je pouvais avoir le wifi, donc j’ai très mal au dos. J’en ai en fait plein le dos, littéralement. »

      –et puis la particularité du travail des #femmes #travailleuses.

      Selon l’enquête de l’Ugict-CGT, 81% des télétravailleurs qui ont des enfants ont dû les garder tout en travaillant. La fermeture des écoles s’est par ailleurs traduite pour 43% des femmes en télétravail par plus de 4 heures de tâches domestiques supplémentaires. « On ne peut pas télétravailler tout en s’occupant de ses enfants. C’est une catastrophe, notamment pour les femmes », alerte Sophie Binet, co-secrétaire de l’Ugict-CGT.

      C’est un peu en vrac, cet article, mais tout y est. #intéressant

  • Travail en temps de Covid-19 : une enquête de la CGT sonne l’alarme avant le déconfinement
    https://www.franceculture.fr/economie/travail-en-temps-de-covid-19-une-enquete-de-la-cgt-sonne-lalarme-avant

    Pire encore, 31% des salariés déclare avoir continuer à travailler malgré le chômage partiel total ou l’arrêt maladie. « Ceci est illégal et s’apparente à du travail au noir » dénonce-t-on à l’Ugict. Ce phénomène semble s’être concentré dans le secteur privé pour les salarié·es en chômage partiel total et dans la fonction publique pour celles et ceux placé.e.s en autorisation spéciale d’absence.

    #covid19 #travail_confiné #travail_déconfiné

  • Notes sur le jour où je suis devenue une vieille personne | Alisa del Re
    https://acta.zone/notes-sur-le-jour-ou-je-suis-devenue-une-vieille-personne

    Dans ce texte qui relève à la fois de l’expression subjective personnelle et des considérations stratégiques, Alisa del Re, figure de l’opéraïsme et du féminisme italien, s’interroge sur la construction de la vulnérabilité des personnes âgées durant l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences. Ce faisant, elle rappelle la nécessité de replacer la question des corps et de la reproduction sociale au centre de la réflexion politique, et plaide pour une réorganisation sociale qui permette à chacun·e, sans considération pour sa classe d’âge, de bénéficier d’une santé et d’une vie décentes. Source : Il Manifesto via Acta

    • Nous sommes aujourd’hui scandalisé·e·s par ce massacre des personnes âgées, par ce manque de soins pour les corps faibles, qui a montré toutes ses limites parce qu’il n’est pas au centre de l’attention politique, parce qu’il est marginalisé et qu’il est géré suivant les logiques du profit. Face à la pandémie, on découvre, comme si cela était une nouveauté, que nous sommes tou·te·s dépendant·e·s des soins, que nous devons tou·te·s être reproduit·e·s par quelqu’un, que chacun·e d’entre nous porte la faiblesse du vivant en lui ou en elle, que seul·e·s, nous ne pouvons pas grand chose. Nous ne sommes pas des machines disponibles au travail sans conditions, les travailleur·se·s ont été les premier·e·s à faire grève pour que leur santé soit protégée avant le profit, avant même les salaires.

      Au contraire, c’est précisément cette situation exceptionnellement dramatique et sans précédent qui a mis les corps et leur reproduction au premier plan, en soulignant l’étroite relation entre la reproduction, les revenus et les services sociaux – étroite relation qui doit nous servir de programme pour la phase à venir. Même le pape a saisi cette nécessité dans son discours du dimanche de Pâques : « Vous, les travailleurs précaires, les indépendants, le secteur informel ou l’économie populaire, n’avez pas de salaire stable pour supporter ce moment… et la quarantaine est insupportable. Peut-être le moment est-il venu de penser à une forme de salaire universel de base qui reconnaisse et donne de la dignité aux tâches nobles et irremplaçables que vous accomplissez ; un salaire capable de garantir et de réaliser ce slogan humain et chrétien : « pas de travailleur sans droits » ».

      #soin #corps #santé #reproduction_sociale #travailleurs_précaires #indépendants #salaire #revenu_garanti

    • Et #pape. Je ne comprends pas du tout comment son propos sur les droits liés au travail et devant assurer la continuité du revenu dans des situations comme celles-ci (et d’autres : chômage, vieillesse) peut être entendu comme la demande d’un revenu sans contrepartie. C’est bien de droits dérivés du travail qu’il est question.

    • @antonin1, aie l’amabilité s’il te plait de pardonner cette réponse embrouillée et digressive, ses fôtes, erreurs terminologiques et conceptuelles, élisions impossibles et répétitions. Sache qu’elle n’est pas non plus suffisamment mienne à mon goût (je reviendrais peut-être sur ces notes, là, j’en ai marre.).

      Ce revenu là est sans contrepartie car le travail vient avant lui (renversement politique de la logique capitaliste du salaire, payé après la prestation de travail, contrairement au loyer, payable d’avance). C’est reconnaître le caractère social de la production, sans la passer au tamis des perspectives gestionnaires actuellement dominantes à un degré... inusité, bien qu’il s’agisse d’un conflit central. "Chamaillerie" séculaire du conflit de classe prolongé, revisité (quelle classe ? que "sujet" ?) : Qui commande ? Ce point vue selon lequel la contrepartie est par avance déjà assurée, remet en cause le commandement sur le travail (non exclusivement dans l’emploi et l’entreprise) provient pour partie de la lecture politique des luttes sur le salaire, dans l’usine taylorisée, le travail à la chaine, qui ont combattu l’intenable mesure des contributions productives à l’échelon individuel (salaire aux pièces, à la tâche) en exigeant que soit reconnu le caractère collectif de la production avec la revendication durante les années soixante et ensuite d’augmentations de salaire égales pour tous (idem en Corée du Sud, dans l’industrie taylorienne des années 80, ou depuis un moment déjà avec les luttes ouvrières du bassin industriel de la Rivière des Perles chinoise), et pas en pourcentage (ou les ouvriers luttent pour le plus grand bénéfice des « adres », qui accroît la hiérarchie des salaires), ce à quoi on est souvent retourné avec l’individualisation des salaires des années 80, sous l’égide d’une valeur morale, le mérite. Comment peut-on attribuer une "valeur" individuelle à une activité qui est entièrement tributaire de formes de coopération, y compris auto-organisée, mais essentiellement placée y compris dans ces cas "exceptionnels", sous contrainte capitaliste, directe ou indirecte ?

      La est le coup de force sans cesse répété auquel s’oppose tout processus de libération, dans et contre le travail. Avoir ou pas pour finalité LA Révolution, événement qui met fin à l’histoire et en fait naître une autre, qu’on la considère comme peu probable, retardée ou dangereuse - hubris du pouvoir révolutionnaire qui se renverse en domination, à l’exemple de la "soviétique" qui a assuré le "développement" du capitalisme en Russie, entre violence de l’accumulation primitive, bureaucratie, police et archipel pénal, ou faillite, épuisement de la politisation populaire-, ne modifie ça que relativement (et c’est beaucoup, c’est l’inconnu : reprise des perspectives communalistes, mais à quelle échelle ? apologie de la révolution dans la vie quotidienne, de la désertion, de la fragmentation, perte de capacité à imaginer comment la coopération sociale, la production, la circulation, les échanges, la recherche, etc. pourraient être coordonnées autant que de besoin), avoir ou pas La révolution à la façon du Grand soir pour perspective ne supprime pas ce qui fonde des processus de libération, ces contradictions sociales, politiques, existentielles (chez tous, spécialement les femmes et les « colorés » pour employer une désignation étasunnienne, faute de mieux, car réticent au sociologique « racisés »), l’immanence de tensions agissantes, ou seulement potentielles (la menace est toujours là, bien qu’elle ne suffise en rien à elle seule, confère par exemple l’époque ou, actualisée ou rémanente, l’ivresse mondiale du socialisme pouvait partout potentialiser la conflictualité sociale). Ne pas en rester aux « alternatives » de la politique gestionnaire, impose de s’appuyer sur des avancées pratiques seules en mesures de relancer cet enjeu de lutte... Il y aurait sans doute à le faire aujourd’hui à partir du #chômage_partiel provisoirement concédé sous les auspices de la crise sanitaire à plus de la moitié des salaires du privé et d’autres phénomènes, massifs ou plus ténus. Être dans la pandémie réintroduit une étrange forme de communauté, et à quelle échelle ! Quels agencements collectifs d’énonciation se nicheraient là depuis lesquels pourraient être brisée la chape de la domination et dépassée le fragmentaire, sans dévaster des singularités encore si rares (si on excepte les pratiques comme champ propice à l’invention de mondes, si l’on excepte les vivants non bipèdes dont nous avons à attendre une réinvention de notre capacité d’attention), ça reste à découvrir.

      Nos tenants du revenu d’existence ou de base s’appuient d’ailleurs sur ces contradictions, latentes ou visibles (le scandale de la misère, d’une rareté organisée , ce en quoi je ne peux qu’être d’accord au cube) et déclarées, pour promettre de les résorber peu ou prou. Comme on parlait du "socialisme à visage humain" après Staline, la mort du Mouvement ouvrier, et non des luttes ouvrières, fait promettre une consolation impossible, un capitalisme à visage humain, ce qu’on retrouve chez les actuels enchantés actuels l’après qui sera pas comme avant qui refusent d’envisager qu’il s’agit de force à constituer et à mettre en oeuvre, contre la violence du capital, ne serait- ce que pour modestement, mais quelle ambition !, la contenir (sans jamais tabler outre mesure sur le coût d’arrêt écologique). Pourtant, il n’y a aucun espace pour le "réformisme » sans tension révolutionnaire, sans conflit, ouvert ou larvé, qui remette en cause avec force le business as usal.

      Je digresse à profusion, mauvais pli. Le travail déjà là qui « justifie » (que de problèmes inabordés avec l’emploi de ce terme) le revenu garanti, doit se lire au delà de l’usine et de toute entreprise : l’élevage des enfants, le travail des femmes, la scolarisation et la formation, l’emploi aléatoire et discontinu, le travail invisible(ils sont plusieurs, dont une part décisive des pratique du soin), la retraite (qu’elle a déjà bien assez travaillée avant d’avoir lieu, les comptables pourraient servir à quelque chose si on les collait pas partout où ils n’ont rien à faire que nuire), les périodes de latence elles-mêmes, et donc la santé (pas tant la "bonne santé" que la santé soignée, défaillante et « réparée », soutenue) prérequis à l’existence de la première des forces productives (souvent réduites au capital fixe et à la science) le travail vivant, d’autant que c’est toujours davantage la vie même qui est mise au travail (jusqu’aux moindres manifestations d’existence et échanges : data), ici le revenu garanti est une politique des besoins radicaux autant qu’il signe une acceptation de l’égalité. C’est du moins comme cela que je veux le voir (bien des seenthissiens sont en désaccord avec divers points évoqués ici, et avec une telle caractérisation de la portée révolutionnaire du revenu garanti, qui fait par ailleurs l’objet de nombreuses critiques se prévalant de l’émancipation, de la révolution, etc.).

      Antériorité du travail vivant sur le rapport de capital donc. L’économie venant recouvrir cela, si l’on veut bien en cela "suivre" Marx sans renoncer à une rupture des et d’avec les rapports sociaux capitalistes (modalités diverses : intellectuelles, lutte, Révolution, révolutions..) - compris dans ses versions marxistes (décadence objectiviste et économiciste de la critique de l’économie politique alors que ce type d’approche ne peut aller sans poser la question du pouvoir, du commandement capitaliste (micro, méso, macro, global).
      L’approche d’Alisa del Re, l’intro à son texte le rappelle, a partie liée avec un courant théorico-politique né dans l’Italie au début des années 60, l’opéraïsme, un marxisme hérétique et une pratique de pensée paradoxale.
      [Voilà comment j’ai relevé ce jour les occurrences de La Horde d’or pour leur coller tous le # La_Horde_d’or, (parfois, je ne disposais pas d’un post perso où ajouter ce #, s’cusez), livre en ligne http://ordadoro.info où on trouve de quoi satisfaire en partie la curiosité sur ce courant et ces histoires, par recherche internet sur le site dédié ou en employant l’index].

      La revendication d’un revenu garanti, d’une généralisation égalitaire des "droits sociaux" qui soit substantielle, (niveau élevé, absence de conditionnalité, de familialisation comme mécanisme de base, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas tenir compte positivement de l’ampleur du ménage, des enfants, etc. ) peut (a pu, pourra ?) mettre crise la politique du capital (une vie soumise à la mesure du temps de travail, une disponibilité productive gouvernée, cf. chômage) et entrouvrir à un autre développement que le "développement" capitaliste, de faire que la "libre activité" actuellement interdite, bridée, exploitée et toujours capturée -ce qui limite singulièrement la définition des prolos et précaires comme surnuméraires , même si celle-ci décrit quelque chose de l’idéologie agissante de l’adversaire, qui n’est pas un rapport social sans agents agissants, ni une simple oligarchie sans assise sociale réelle, mais bien l’organisation de fait de militants de l’économie fabriqués en série dans les écoles faites pour ça, et pas seulement la télé -, que la libre activité ou la "pulsion" à oeuvrer, transformer, inventer (présente sous le travail qui est nécessité économique avant tout) absorbe comme n voudra capturée pour le profit puisse relever de satisfaction des besoins)

      Travail, revenu et communisme t’intriguent. Si ce qui précède ne te refroidit pas, il y a ici même des # utilisables pour un parcours, petites promenades ou randonnée sans fin : revenu_garanti refus_du_travail general_intellect opéraïsme salaire_social salaire_garanti Mario_Tronti Toni_Negri Silvia_Federici Paolo_Virno Nanni_Ballestrini ... labyrinthe étendu lorsque s’y ajoute dess # trouvé dans les textes abordés ou la colonne de droite du site.

    • Pardon @colporteur mais ça fait vingt ans que j’entends virevolter les abeilles de YMB, traducteur de tout ce beau monde, et je ne comprends toujours pas comment dans le cadre où nous sommes, une société capitaliste libérale, une revendication de revenu garanti peut ne pas être une mesure libérale. Dans une société idéale, peut-être, sans accumulation, sans marché du travail, où nous sommes plus proches des bases matérielles de nos vies, où le travail fait donc sens et s’impose sans être imposé... Mais pour l’instant, je ne vois pas comment on peut sortir de la condition surnuméraire par la magie d’un revenu sans fonction sociale. Serait-ce le plus beau métier du monde, tellement beau que les mecs se battent pour l’exercer, justement la fête des mères se rapproche.

    • [Les # du post précédent ne s’enregistrant pas, j’essaie ici] il y a ici même des # utilisables pour un parcours, petites promenades ou randonnée sans fin : #revenu_garanti #refus_du_travail #general_intellect #opéraïsme #salaire_social #salaire_garanti #Mario_Tronti #Toni_Negri #Silvia_Federici #Paolo_Virno #Nanni_Balestrini ... labyrinthe étendu lorsque s’y ajoute des # trouvés dans les textes abordés ou/et dans la colonne de droite du site.